Projet de loi visant à protéger les merveilles naturelles du Canada
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
26 octobre 2023
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S‑14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada.
Ce projet de loi vise à apporter des modifications à diverses lois relatives aux parcs nationaux et aux aires de conservation, et à créer un parc national au Labrador — le Nunatsiavut —, ainsi que l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga au Nunavut.
Je suis certain que personne ne sera surpris d’apprendre que mes observations porteront principalement sur les dispositions qui concernent mon territoire, le Nunavut.
Depuis les années 1960, les Inuits de l’Extrême‑Arctique, une région de ce qui est aujourd’hui le Nunavut, demandent la création d’une aire marine protégée dans le détroit de Lancaster. En 2010, le gouvernement de l’époque a présenté une première proposition. L’aire proposée excluait la zone dans laquelle Shell Canada détenait des concessions pétrolières et gazières. En 2016, Shell Canada a abandonné ses concessions et, en 2017, Parcs Canada, le gouvernement du Nunavut et la Qikiqtani Inuit Association ont signé une entente de principe en vue de créer l’aire marine Tallurutiup Imanga.
Par la suite, il y a eu une approche pangouvernementale largement acclamée visant à définir les avantages pour les Inuits et un plan de gestion qui a abouti à une entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, signée le 1er août 2019. Une telle entente est nécessaire pour tout changement important touchant les terres appartenant aux Inuits au Nunavut.
L’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits définit les droits, les rôles et les responsabilités des signataires en ce qui concerne Tallurutiup Imanga et comprend, sans s’y limiter, des dispositions fondamentales concernant l’utilisation continue par les Inuits de la région et l’accès à celle-ci pour des activités traditionnelles; l’intendance inuite de la région; la clarification des rôles des comités communautaires de gestion des terres et des ressources, des villages et des organisations de chasseurs et de trappeurs ainsi que l’établissement de mécanismes importants comme le Conseil Aulattiqatigiit. Le Conseil aulattiqatigiit revêt une importance particulière, car il est composé de représentants d’organismes inuits et du gouvernement du Canada. À cet égard, l’Entente sur les répercussions et les avantages dit précisément ceci :
[Les parties] travaillent ensemble pour parvenir à des décisions consensuelles par l’entremise du processus décrit dans la présente entente et visant à orienter la gestion de l’AMNC Tallurutiup Imanga [...]
Malheureusement, nous voici, quatre ans plus tard, et le conseil n’a pas été capable d’élaborer un plan directeur provisoire pour une zone protégée qui englobe un territoire énorme de 109 000 kilomètres carrés. En fait, chers collègues, j’attire votre attention sur l’article 25, qui indique que l’article 18, qui porte sur le tracé des frontières de l’aire marine Tallurutiup Imanga, contient une disposition d’entrée en vigueur différée. Il se lit comme suit :
L’article 18 entre en vigueur à la date de publication dans la Gazette du Canada d’un avis indiquant qu’un plan directeur provisoire pour l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga a été approuvé par le Conseil Aulattiqatigiit, au sens de l’article 2.2 de l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga signée le 1er août 2019 au nom des Inuits de la région du Qikiqtani au Nunavut et de Sa Majesté la Reine du chef du Canada.
En bref, cet article confirme ce que je viens de signaler au Sénat : jusqu’à maintenant, le conseil a été incapable de résoudre les questions en litige entre les Inuits et le Canada, et, jusqu’à ce qu’elles soient résolues, l’aire marine Tallurutiup Imanga ne sera pas reconnue officiellement par la loi.
Chers collègues, j’aimerais préciser un autre point important. Outre l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, il y avait plusieurs autres accords parallèles portant sur des avantages additionnels pour les Inuits et les communautés touchées. Selon ces accords, Parcs Canada devait notamment construire des installations polyvalentes devant entre autres comprendre des espaces de bureaux pour la gestion et la surveillance de la région ainsi qu’un endroit pour abriter les appareils de collecte et de surveillance, et offrir la possibilité d’entretenir les appareils de collecte. Les communautés devaient aussi pouvoir y organiser des événements importants pour le transfert des connaissances et des pratiques culturelles.
À l’origine, Parcs Canada a fourni 26 millions de dollars pour construire cinq installations dans cinq communautés différentes, l’Association des Inuits du Qikiqtani acceptant d’assumer les hausses de coûts. Toutefois, personne n’aurait pu prévoir les effets qu’une pandémie mondiale aurait sur les chaînes d’approvisionnement et l’inflation. Cette situation a provoqué une hausse des coûts de l’ordre de 18 millions de dollars, un fardeau particulièrement lourd à faire porter à un organisme inuit régional aux ressources limitées et qui doit composer avec de nombreuses priorités concurrentes et un financement limité. À sa décharge, l’Association des Inuits du Qikiqtani a cherché des moyens de structurer les projets de manière à réduire les coûts d’exploitation et d’entretien, mais il reste malgré tout un déficit de 18 millions de dollars.
Par conséquent, seulement trois des cinq installations prévues sont en cours de construction. Grâce à une entente connexe entre le gouvernement du Nunavut et Transports Canada, on a promis des ports communautaires à Grise Fiord et à Resolute Bay, qui sont actuellement au stade de la conception. Transports Canada discute ouvertement et de façon continue du projet au sein d’un groupe de travail formé de Transports Canada, du gouvernement du Nunavut et de l’Association inuite du Qikiqtani.
Inversement, une entente entre les Inuits et Pêches et Océans Canada promettait des ports pour petits bateaux à Clyde River et à Arctic Bay. Après le processus d’appel d’offres, le ministère a informé l’association que l’estimation des coûts avait changé considérablement en raison de la pandémie et qu’il ne pourrait fournir qu’un seul port pour petits bateaux pour l’instant. Donc, les travaux sont en cours dans le port de Clyde River, mais on ne sait toujours pas quand on pourra relancer un appel d’offres pour le port d’Arctic Bay, si on peut un jour le faire.
Dans le même ordre d’idées, les Inuits ne disposent d’aucune information en ce qui concerne les coûts et les délais liés à ces deux projets. Les requêtes de l’association génèrent la réponse classique que le ministère « cherche des solutions ».
Les Inuits du Qikiqtani s’efforcent d’accroître la participation des Inuits à la gestion des pêches afin d’améliorer les avenues de développement économique pour eux. Les ports pour petits bateaux constituent un pas important pour aider à combler l’important déficit en matière d’infrastructures dans l’Arctique.
Honorables sénateurs, je dirais que ce projet de loi nous donne l’occasion d’examiner une question existentielle relative à l’honneur et au devoir de la Couronne. En effet, l’enjeu porte sur une aire marine de conservation que les Inuits défendent — et ce, depuis des décennies — et nous sommes sur le point de finalement l’enchâsser dans la loi, mais nous ne pouvons pas aller de l’avant tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas dénoué l’impasse entre les Inuits et le Canada concernant le plan directeur provisoire.
Le gouvernement a louangé son approche pangouvernementale pour les négociations portant sur l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga. En effet, il suffit de consulter l’article de la CBC publié le 18 août 2017, intitulé : « Le gouvernement fédéral et les Inuits signent une entente de travail sans précédent pour négocier un accord sur les avantages liés au détroit de Lancaster ». Le sous-titre se lisait comme suit :« L’approche pangouvernementale rend le Cabinet fédéral responsable de travailler dans l’unité ».
Si seulement il en avait été ainsi.
Même si la relation entre les Inuits et le gouvernement du Canada s’est améliorée, des frustrations subsistent à propos de l’incohérence des approches en vase clos pour traiter des questions autochtones au sein des divers ministères et même dans différents secteurs au sein d’un même ministère. Par exemple, la direction des affaires législatives de Parcs Canada met en œuvre ce projet de loi, tandis que la direction des politiques est incapable de s’entendre avec les Inuits pour résoudre les principaux problèmes entourant le plan directeur provisoire.
Parcs Canada doit collaborer avec l’organisation inuite pour faire face à l’inflation sans précédent des coûts liés aux installations polyvalentes, afin que l’infrastructure promise devienne réalité. Transports Canada a admirablement travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement du Nunavut et les Inuits, de manière ouverte et transparente, pour faire avancer l’aménagement des ports communautaires promis, alors que l’approche et les progrès du ministère des Pêches et des Océans en ce qui concerne les ports pour petits bateaux promis restent entourés de secret.
Je dois faire remarquer que, pendant des décennies, le ministère des Pêches et des Océans a exclu le Nord du Canada — qui possède de loin le plus long littoral du pays — de son programme bien connu des ports pour petits bateaux, qui sert beaucoup de gens sur les côtes Est et Ouest du Canada. Nous assistons enfin à la mise en œuvre de ce programme avec les nouveaux ports pour petits bateaux de Pangnirtung et de Pond Inlet, qui sont les bienvenus.
Le ministère des Pêches et des Océans est au courant des défis et, bien sûr, des coûts de la construction de ports dans des endroits éloignés comme Arctic Bay, qui se trouve sur la côte nord de l’île de Baffin, à 73 degrés de latitude nord.
Je me souviens d’avoir regardé les informations nationales lorsque le premier ministre a annoncé — avec d’autres membres du Cabinet — la création de Tallurutiup Imanga à partir d’Arctic Bay, où une salle communautaire pleine à craquer, remplie de chasseurs, de pêcheurs et de leurs familles, était ravie d’entendre la promesse de l’aménagement du port pour les petits bateaux. Six ans après cette première annonce, le maire, le conseil et la population d’Arctic Bay sont déçus et mécontents et ils me demandent quand ils peuvent s’attendre à ce que soient franchies les premières étapes menant à l’aménagement de leur nouveau port pour petits bateaux.
J’estime qu’il est de mon devoir, honorables sénateurs, de faire en sorte que le débat sur ce projet de loi porte aussi sur l’importance pour le gouvernement de remplir la totalité des promesses qu’il a faites lorsque cette aire marine de conservation a été négociée et acceptée. Nous devons veiller à ce que chaque mesure que nous adoptons préserve et maintienne l’honneur de la Couronne et à ce que l’ensemble des ministères concernés s’emploient à remplir les promesses que celle-ci fait aux Inuits.
Je tiens à féliciter la marraine du projet de loi, l’honorable Karen Sorensen. Je crois que c’est le premier qu’elle parraine au Sénat. Sa prononciation des termes inuktitute est impressionnante. Je suis content de me prononcer en faveur du principe du projet de loi, mais je tiens à prévenir sa marraine — car cela fait aussi partie de son travail, comme elle le sait sûrement —, et le gouvernement par son entremise, qu’il y a plusieurs détails à améliorer, notamment au chapitre de la mise en œuvre des promesses. En effet, je lui rappelle que le gouvernement n’a pas tenu toutes les promesses qu’il a faites aux Inuits, alors que ce sont en bonne partie ces promesses qui ont convaincu les Inuits d’appuyer la création de cette énorme aire de conservation dans la région du Nunavut.
Sur ce, honorables sénateurs, j’espère que le projet de loi sera renvoyé bientôt au comité, à qui j’ai clairement fait savoir — du moins je l’espère — que j’aurai des questions à poser au ministre et à la marraine du projet de loi.
Qujannamiik. Merci. Taima.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à titre de porte-parole pour le projet de loi S‑14, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et le Règlement sur la pêche dans les parcs nationaux du Canada, qui a été présenté au Sénat le 19 octobre 2023 par le sénateur Gold, le leader du gouvernement au Sénat.
Chers collègues, nous sommes ici aujourd’hui pour débattre d’un projet de loi qui vise à mettre en œuvre des modifications dans le domaine de la conservation et de la préservation du patrimoine naturel canadien.
Le projet de loi S‑14 modifie la Loi sur les parcs nationaux du Canada pour créer une nouvelle réserve à vocation de parc au Labrador. Il inclut des dispositions précises au sujet de son fonctionnement et de son administration.
Il propose également d’agrandir les limites de pas moins de sept parcs nationaux et d’une réserve à vocation de parc national.
Le projet de loi vise à renforcer les mesures législatives sur les infractions relatives au déversement ou au dépôt de substances nocives dans un parc national ou une réserve à vocation de parc national.
Il changera le nom d’un parc et modifiera la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada. Cette portion du projet de loi cible la création de l’aire marine nationale de conservation Tallurutiup Imanga, une initiative qui souligne l’importance de préserver nos précieux écosystèmes marins.
Couvrant plus de 108 000 kilomètres carrés, ce parc représentera près de 1,9 % de nos zones de protection marine et constituera un bastion de la biodiversité dans l’Est de l’Arctique canadien. Cette zone n’est pas seulement cruciale pour sa biodiversité unique, mais aussi pour la survie et la subsistance des Inuits de l’Extrême‑Arctique. Décrit comme un moteur écologique, ce parc est bien plus que cela. Il est le cœur de tout un écosystème, une source de vie qui soutient non seulement un large éventail d’espèces marines, mais aussi les communautés humaines qui dépendent de ces eaux.
Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur le parc urbain national de la Rouge afin d’imposer des peines plus sévères pour les infractions relatives au déversement ou au dépôt de substances dans ce parc urbain, assurant ainsi sa protection pour les générations futures.
Le gouvernement affirme que ces modifications visent à protéger et à mettre en valeur notre patrimoine naturel et culturel. Les parcs nationaux sont conçus pour préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques qui sont représentatifs du Canada, tout en permettant au public d’en profiter et de les utiliser de manière durable.
Quant aux aires marines nationales de conservation, elles protègent les écosystèmes marins tout en favorisant une utilisation durable de leurs ressources sur le plan écologique.
Au-delà de ces objectifs, le gouvernement s’est fixé des cibles de conservation ambitieuses, comme la conservation de 25 % des terres et des eaux canadiennes d’ici 2025, et de 30 % de celles‑ci d’ici 2030. En outre, le but est de créer plusieurs nouveaux parcs nationaux, zones marines et parcs urbains dans les années à venir.
Honorables sénateurs, permettez-moi de me concentrer sur un point essentiel, c’est-à-dire la nécessité de soumettre ce projet de loi à une analyse plus approfondie. Nous sommes confrontés à des enjeux importants qui exigent une réflexion appropriée et éclairée.
Parmi les conséquences qu’il pourrait y avoir à agrandir les limites des parcs, l’une concerne les gens qui habitent à proximité. Certes, bon nombre des agrandissements portent sur des zones où habitent assez peu de gens, mais bon nombre se situent dans des secteurs où des gens, principalement des Autochtones, vont régulièrement chasser et pêcher. Il faut bien tenir compte de ces réalités.
Ajoutons que les parcs nationaux ne sont pas tous situés dans des régions éloignées. J’ai grandi à proximité d’un parc historique national, celui de la forteresse de Louisbourg, du côté ouest du port de Louisbourg. À la fin des années 1920, le gouvernement fédéral a acheté le terrain sur lequel la forteresse se trouvait à l’époque et il a désigné l’endroit « lieu historique national ».
Il n’y avait que quelques maisons sur ce terrain de 60 acres, et on les a fait disparaître. Le site était donc complètement vide, mis à part le charmant musée en pierres et la maison du gardien bâtis par le gouvernement fédéral au début des années 1930. En 1961, le gouvernement Diefenbaker a annoncé qu’il reconstruirait environ le quart de la forteresse d’origine.
Malgré mon jeune âge, j’étais enthousiaste au sujet des projets liés à la forteresse. Comme la famille de ma mère venait de West Louisbourg, j’y étais souvent; j’avais pour habitude de jouer sur les terrains de la forteresse. Les structures à l’épreuve des bombes du château original étaient exposées, et nous nous amusions à y grimper. Les vieilles routes étaient marquées, et certaines fondations d’immeubles importants, comme l’hôpital, avaient été reconstruites au fil des ans. L’idée que ce lieu soit restauré partiellement était évidemment emballante pour la communauté. Les habitants de Louisbourg ont toujours été fiers de l’histoire unique de la ville, et voir la forteresse renaître avait un attrait romantique pour toute la population.
Les travaux de reconstruction effectués du début des années 1960 au début des années 1980 ont généré des retombées économiques considérables pour la ville de Louisbourg et l’ensemble de la collectivité pendant cette période. Des mineurs qui avaient été mis à pied dans des localités comme Glace Bay se sont recyclés pour devenir, entre autres, des maçons, des briqueteurs et des métallurgistes. Pour célébrer la restauration, en 1966, le conseil municipal de Louisbourg a voté pour que l’ancienne appellation française de la ville soit rétablie. Bien des gens se sont bâti une carrière grâce à la reconstruction de la forteresse.
La reconstruction a aussi occupé une place importante dans ma vie personnelle, car, lorsque j’étais à l’université, de 1974 à 1978, j’y ai travaillé en archéologie pendant cinq étés. Évidemment, puisque j’ai toujours aimé l’histoire et que ma ville a une riche histoire, pouvoir travailler à cet endroit tout en demeurant chez moi pendant mes études universitaires était un cadeau formidable.
Cependant, il y avait aussi beaucoup d’inconvénients, certains sur le coup, et d’autres qui sont devenus beaucoup plus évidents avec le temps. Ottawa avait décidé d’exproprier West Louisbourg, une vieille localité principalement catholique irlandaise des années 1760 qui se trouvait à l’extérieur de la ville constituée et qui comprenait le site de la forteresse, tout comme les localités de Kennington Cove et de Deep Cove, le long de la côte atlantique vers l’ouest jusqu’à Gabarus, soit une distance d’environ huit milles.
Au total, lorsque les bureaucrates ont eu terminé, plus de 16 000 acres à l’ouest de la ville constituée ont finalement été expropriés par l’autorité fédérale. Toutes les maisons ont été enlevées et tous les habitants ont été chassés, et la charmante vieille église Stella Maris à West Louisbourg — qui se trouvait juste en face de la maison de mon grand-père Kehoe, où des générations de membres de la famille de ma mère étaient allées et où tous mes frères et sœurs et moi-même avons été baptisés — a été démolie par le gouvernement. Ce fut un jour très triste. Lorsque les gens demandent maintenant pourquoi on a ont dû démolir l’église, qui est loin du site de la forteresse et n’aurait jamais dû être détruite, on ne peut que conclure qu’elle devait bloquer la vue d’Ottawa sur la forteresse.
Beaucoup de gens ne voulaient pas déménager, mais Ottawa était déterminé à exproprier un territoire beaucoup plus vaste que ce qui était nécessaire pour la reconstruction. Les gens du coin n’étaient qu’un groupe de villageois et de campagnards qui ne disposaient d’aucun moyen de pression et qui ont fini par se plier aux ordres des autorités. Certains ont tenté de les contester, mais la plupart ont acquiescé et tenté de voir le positif dans tout cela.
Cela dit, le grand avantage stratégique historique de Louisbourg a toujours été d’être un port de mer actif. La majeure partie de ce qu’on appelle aujourd’hui la « région industrielle du Cap‑Breton » est surtout située autour ou près du havre de Sydney et de ses nombreuses collectivités, sur la côte nord-est de l’île, là où le détroit de Cabot pénètre dans le golfe du Saint‑Laurent.
Louisbourg elle-même est située loin de la région industrielle du Cap‑Breton, sur la côte sud-est du Cap‑Breton, sur l’océan Atlantique. C’est Louis XV et ses conseillers qui avaient choisi l’emplacement de la forteresse en raison de l’absence de glace dans le port en hiver — une caractéristique qui distingue l’endroit de la partie de l’île qui se trouve du côté du détroit de Cabot. Cette caractéristique a gardé son importance jusque dans les années 1950. Louisbourg a été le port de commerce d’hiver pour tout le secteur industriel du Cap‑Breton à partir de la fin des années 1890 — pour l’expédition de charbon et d’acier et l’arrivée de minerai de fer. Le reste des industries du Cap‑Breton n’était relié que par le chemin de fer. L’ère industrielle arrivait à sa fin, mais la forteresse donnait un sentiment de stabilité.
Toutefois, à la fin des années 1980, alors que la reconstruction était terminée depuis longtemps, la population a commencé à s’atrophier de façon appréciable. Le nombre d’habitants a chuté et différents services ont disparu. Il y avait auparavant quatre stations‑service; il n’y en a plus aucune. La coopérative de crédit est partie depuis longtemps et la banque vient de fermer ses portes. Puis, il y a l’école secondaire de deuxième cycle qui a disparu, suivie de l’école secondaire de premier cycle et, aujourd’hui, il n’y a plus d’école du tout. La corporation municipale a été dissoute en 1994. Il n’y a plus de pharmacie, plus de médecin et plus grand‑chose d’ailleurs, à part pendant la saison touristique.
Pourquoi la ville a-t-elle commencé à perdre de sa vitalité? C’est vrai que beaucoup de petites villes du Canada sont en déclin, et c’est peut-être ce qui s’est passé chez nous aussi, mais le plus gros problème, c’est qu’en expropriant les terres à l’ouest de Louisbourg, le gouvernement fédéral a coupé le seul accès à la ville par l’ouest, c’est-à-dire par la route de Gabarus. Cette route, que les habitants du coin surnomment « la vieille route des Français », est la plus ancienne de l’île du Cap‑Breton. Il est maintenant impossible de traverser la ville. Tous les services qu’on s’attend généralement à voir dans une ville normale ont disparu parce que la demande était insuffisante en dehors de la saison touristique.
Le vieux port de mer est devenu de facto un petit port isolé, une impasse, un cul-de-sac. Impossible d’entrer en ville à l’ouest en passant par la côte. Tous les visiteurs doivent maintenant passer par le secteur industriel de Cap-Breton et rebrousser chemin vers Louisbourg.
C’est un avertissement que je vous sers. Si je raconte cette histoire, c’est parce c’est celle d’une expropriation qui n’a été précédée d’aucune consultation et qui a eu de graves conséquences imprévues. Je m’offusque — et je ne suis pas le seul — de voir la manière dont ma ville a été défigurée par cette vaste expropriation. Les dégâts sont immenses, et c’est d’autant plus dommage que la plupart d’entre eux auraient pu être évités. Tout ce qu’il fallait, c’était de laisser la route de Gabarus ouverte et la laisser traverser le parc.
J’attire l’attention du Sénat sur la saga de Louisbourg parce que je suis conscient des effets qu’une expropriation massive sans consultation appropriée peut avoir sur les collectivités. Toutefois, cela ne signifie pas que je ne suis pas relativement favorable aux objectifs énoncés dans le projet de loi, car je suis très favorable aux objectifs du projet de loi. Cependant, assurons-nous que les consultations ne soient pas une simple formalité, mais plutôt un dialogue authentique, respectueux et constructif avec toutes les collectivités touchées par les changements proposés.
Il y a des intérêts nationaux importants à prendre en compte. Nos parcs nationaux et nos réserves naturelles bordent souvent des zones d’activités de production d’énergie. Les décisions liées à la gestion et à l’agrandissement de ces zones protégées peuvent avoir un effet considérable sur l’accès aux ressources et les méthodes d’exploitation de l’énergie. Des consultations approfondies auprès de ce secteur permettent non seulement d’anticiper et de gérer les répercussions économiques, mais aussi d’innover pour trouver des solutions plus durables et plus respectueuses de l’environnement.
Le tourisme, quant à lui, profite directement de la beauté et de l’intégrité de nos espaces naturels. Les réserves et les parcs nationaux constituent des attractions importantes pour les touristes nationaux et internationaux. Il est essentiel d’évaluer les répercussions de nos décisions sur ce secteur, tant sur le plan des recettes que sur le plan de la qualité et de la viabilité de l’offre touristique.
Les secteurs de l’énergie et du tourisme sont importants pour le Canada et l’économie. Chaque modification que nous apportons à la gestion des parcs peut avoir des répercussions sur ces secteurs. Il est impératif de veiller à ce que tous les intervenants aient été consultés et les retombées économiques, rigoureusement évaluées.
En outre, alors que notre pays poursuit des objectifs de conservation ambitieux, nous devons également tenir compte des coûts financiers et humains liés à ces projets. Il faut des ressources pour mettre en œuvre ces nouveaux règlements et gérer de nouvelles réserves et de nouveaux parcs. Avons-nous un plan concret pour gérer tout cela? Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre des décisions hâtives. Il est de notre devoir d’examiner en profondeur le projet de loi au comité pour assurer le bien-être de notre patrimoine, des citoyens et des générations futures.
Honorables sénateurs, chacun de nous peut témoigner de la splendeur géographique de notre pays. Nous sommes privilégiés au Canada d’être entourés de parcs nationaux d’une beauté époustouflante. Protéger ces espaces est plus qu’une responsabilité : c’est un devoir envers notre patrimoine, ainsi qu’un héritage que nous devons léguer intact aux générations futures.
J’exhorte le Sénat à renvoyer le projet de loi au comité le plus tôt possible afin que nous puissions l’étudier comme il se doit le plus rapidement possible. Chers collègues, je vous remercie de votre temps et de votre attention.
Sénateur MacDonald, je vous remercie de votre discours. Je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel point ce que vous avez raconté reflète ce qui est arrivé aux Premières Nations tout au long de l’histoire du Canada. Vous avez dit qu’il s’agissait d’une mise en garde au sujet de l’expropriation sans consultation et de l’expropriation massive de terres. Cela est arrivé à différentes personnes. Je veux que les sénateurs se souviennent que nous avons vécu du colonialisme et de la colonisation par le passé. Je veux que les sénateurs se souviennent que ce pour quoi nous nous battons est vrai et que nous aimerions que nos problèmes soient reconnus.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)