Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
8 octobre 2024
Propose que le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je voudrais d’abord reconnaître que nous nous trouvons sur les territoires ancestraux non cédés de la nation algonquine anishinaabe. Les peuples de ces nations sont les premiers intendants de la terre que nous occupons aujourd’hui, et il est important, dans nos reconnaissances territoriales, de faire preuve d’humilité, de gratitude et de respect à leur égard en les reconnaissant et en les remerciant. En rendant hommage aux ancêtres, nous réaffirmons nos relations les uns avec les autres. Ce faisant, nous participons activement à la réconciliation dans le cadre de notre travail et du temps que nous passons ensemble.
Je prends la parole en tant que marraine du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), à l’étape de la troisième lecture. Le projet de loi propose de modifier l’article 268 du Code criminel, qui porte sur les voies de fait graves. Il a pour objet d’ajouter une disposition de précision qui vise à indiquer explicitement qu’un « acte de stérilisation constitue une blessure ou une mutilation ». Le projet de loi comprend également une définition qui précise qu’un « acte de stérilisation » est un acte « qui a pour effet d’empêcher la procréation de façon définitive, que l’acte soit ou non réversible ». Les voies de fait graves entraînent une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans.
Comme beaucoup de sénateurs se souviendront de mon premier discours ici, il y a presque sept ans, et de mes discours ultérieurs, l’éradication de la stérilisation forcée ou contrainte a été l’un des principaux objectifs de ma vie professionnelle. Pour vous rappeler pourquoi je suis si passionnée par ce sujet, je vous renvoie à ma tante Lucy, avec qui j’ai vécu et qui me racontait, à l’heure du coucher, des histoires sur les 10 années qu’elle avait passées dans un sanatorium de Fort Qu’Appelle, à Fort San plus précisément, pour soigner sa tuberculose. Elle parlait des monstres qui se promenaient dans les couloirs la nuit, des expériences sur les enfants et du fait qu’elle n’avait pas vu sa famille pendant une décennie. Je crois que ma tante a peut-être été stérilisée à cette époque; elle n’a jamais eu d’enfants. J’étais sa fille.
Des années plus tard, j’ai travaillé comme infirmière dans le centre de l’Alberta et de la Saskatchewan, des régions ayant d’importantes populations autochtones. Plus d’une fois au fil des ans, on m’a dit que le « problème indien » serait résolu lorsque toutes les femmes indiennes seraient stérilisées. Les gens me parlaient ainsi parce qu’ils pensaient que j’étais comme eux, ce qui n’était pas le cas. Enragée par ces paroles, je me suis inscrite à une faculté de droit parce que je croyais que si je devenais avocate, je pourrais empêcher une telle situation de se produire. C’était il y a plus de 40 ans.
Aujourd’hui, dans mon discours, je soulignerai à nouveau l’importance de ce projet de loi et le fait que la stérilisation forcée n’est pas simplement une affaire du passé, mais qu’elle est plutôt toujours bien présente dans le Canada d’aujourd’hui. J’évoquerai également l’important travail réalisé par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles dans le cadre de son étude du projet de loi S-250.
J’ai présenté le projet de loi S-250 en juin 2022 à la suite de deux études du Sénat sur la question de la stérilisation forcée et contrainte. Plusieurs femmes autochtones et noires ont témoigné pour le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada —Partie II.
La criminalisation de l’acte de stérilisation forcée et contrainte était la première recommandation du rapport intitulé Les cicatrices que nous portons. Le témoignage des neuf femmes et les appels subséquents à criminaliser l’acte de stérilisation forcée m’ont incité à présenter cet important projet de loi.
Au fil des ans, j’ai rencontré des centaines de femmes autochtones qui ont été stérilisées ou dont une membre de la famille a été stérilisée. Je les porte toutes avec moi dans le cadre de ce travail important.
Pour vous donner un exemple de la prévalence de ce problème, j’aimerais vous raconter une histoire qui s’est déroulée il y a quelques années, alors que je voyageais dans l’Ouest.
Je me suis enregistrée dans un hôtel tard dans la nuit. J’étais seule. J’avais ma valise, je la faisais rouler, et il n’y avait personne d’autre que l’employée derrière le comptoir. J’ai dit : « Je suis ici pour m’enregistrer. » Elle m’a dit : « Oh, bonjour, sénatrice. Vous êtes la sénatrice de la stérilisation. » J’ai répondu : « Eh bien, c’est un dossier auquel je travaille, effectivement. » J’étais un peu troublée. C’était une jeune femme. Elle m’a regardée, ses yeux se sont écarquillés, puis elle s’est mise à pleurer. Elle a dit : « On me l’a fait. » J’ai été vraiment déconcertée parce que j’ai eu l’impression qu’elle avait gardé tout cela en dedans jusqu’à ce que j’arrive. Elle s’est écriée :
On m’a stérilisée quand j’avais 21 ans, et j’avais quatre enfants. J’ai maintenant 35 ans et un nouveau conjoint. Mes enfants sont grands. Je ne peux pas tomber enceinte et je n’ai pas les moyens de recourir à la fécondation in vitro.
Je la tenais dans mes bras, elle me tenait dans les siens, et nous pleurions toutes les deux.
À la deuxième lecture du projet de loi S-250, j’ai fait remarquer, comme bon nombre de mes collègues qui se sont exprimés en faveur du projet de loi, que nous disposons de preuves que des stérilisations forcées étaient encore pratiquées en décembre 2023. Les gens me demandent « Comment une telle chose peut-elle encore se produire? » Je sais que le sénateur Wells a mentionné cette personne, mais je voudrais expliquer plus en détail comment une telle chose peut se produire et se produit effectivement. Je vous présente le Dr Andrew Kotaska.
Andrew Kotaska est un médecin qui peut être considéré comme un modèle pour les jeunes médecins ou comme un collègue très respecté. Il a été président de l’Association médicale des Territoires du Nord-Ouest. Il a pratiqué la médecine pendant de nombreuses années et il a été professeur au Département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université de Toronto, à l’Université du Manitoba et à l’école de santé publique et des populations de l’Université de la Colombie-Britannique. Il a publié des articles sur les soins aux patientes autochtones et — chose surprenante — sur le consentement éclairé et l’éthique. Andrew Kotaska est un ancien directeur clinique de l’obstétrique à l’Hôpital territorial Stanton de Yellowknife. Étant donné ses succès professionnels, Andrew Kotaska peut être considéré comme un maître à penser et un modèle à suivre.
En juillet 2019, au moyen d’une échographie à distance, il a diagnostiqué un kyste ovarien à une Inuite de 37 ans et il a décidé qu’elle devait être opérée. En novembre 2021, il a retiré un kyste douloureux présent sur l’ovaire droit de cette femme à l’Hôpital territorial Stanton de Yellowknife. Elle n’avait consenti qu’à l’ablation de sa trompe de Fallope et de son ovaire droits, si cela s’avérait nécessaire. Andrew Kotaska a retiré la trompe de Fallope droite et l’ovaire droit, puis il a déclaré à voix haute dans la salle d’opération, sans la moindre vergogne : « Voyons si je peux trouver une raison d’enlever la trompe gauche ». Et il l’a fait. Andrew Kotaska n’a pas seulement retiré l’ovaire droit et la trompe de Fallope droite, il a également retiré l’ovaire gauche et la trompe de Fallope gauche, sans le consentement de la patiente. Il l’a ainsi laissée stérile à jamais.
En avril 2021, des poursuites au civil pour un montant de 6,5 millions de dollars ont été intentées contre M. Kotaska et l’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest, qui ont tous deux présenté une défense. Andrew Kotaska a nié avoir stérilisé la patiente sans son consentement. Un an plus tard, il a présenté ses excuses publiquement. Pour se défendre, il a déclaré que son étudiant en médecine avait entendu la patiente inuite dire qu’elle ne voulait plus d’enfants, semblant ainsi laisser entendre que le retrait d’un organe qui ne servait plus ne devrait pas poser de problème, comme si la patiente n’en avait pas quand même besoin.
Une plainte officielle a été déposée contre Andrew Kotaska auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest, qui délivre les permis d’exercice aux médecins du territoire, et des audiences à distance ont eu lieu les 10 et 11 février 2022. La commission d’enquête a conclu qu’il avait enfreint le Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne. Son permis d’exercice a été suspendu pendant cinq mois, mais cette sanction était déjà arrivée à échéance. On lui a ordonné de payer 20 000 $ en frais liés aux audiences, et il a dû suivre un cours d’éthique à ses frais. Au moment de formuler ses recommandations, la commission a pris en considération une lettre signée par ses collègues qui le décrivait comme « un chirurgien accompli et attentionné capable de prendre d’excellentes décisions ».
Malgré tout, Andrew Kotaska pratique actuellement la médecine dans un hôpital de l’intérieur de la Colombie-Britannique. Il est membre à part entière du College of Physicians and Surgeons of British Columbia.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres qui montre pourquoi il faut absolument adopter le projet de loi S-250. Il est déjà extrêmement difficile pour les femmes autochtones d’accéder à des soins génésiques, plus particulièrement dans les collectivités nordiques et éloignées. Or, même lorsqu’elles ont accès à ces soins, certains médecins soi-disant intègres et hautement qualifiés voudraient mettre un terme au besoin des femmes autochtones de bénéficier de ces soins, en procédant à des actes de stérilisation sans obtenir leur consentement en bonne et due forme.
Le 21 avril 2023, après les discours à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi S-250 a été renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu’il l’étudie. En février et en mars 2024, le comité a étudié le projet de loi et a entendu un large éventail de témoins, y compris Nicole Rabbit, une survivante de la stérilisation forcée et membre du conseil d’administration du cercle des survivantes pour la justice reproductive. Des représentants de l’Association médicale canadienne, de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, et de la Régie de la santé des Premières Nations; Alisa Lombard, avocate principale de l’un des recours collectifs intentés au Canada; des représentants du Conseil national des sages-femmes autochtones, du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, et de l’Association des femmes autochtones du Canada ont tous témoigné. Notre comité a aussi entendu des fonctionnaires du ministère de la Justice et de Services aux Autochtones Canada.
Lors de son témoignage devant le comité sénatorial, la survivante Nicole Rabbit, aussi connue sous le nom pied-noir d’Eagle Woman, a exhorté les membres du comité à appuyer le projet de loi. Elle a présenté un témoignage émouvant de ses expériences et de celles de sa famille avec la stérilisation forcée. Dans la seule famille de Nicole, sa mère, sa nièce et elle-même ont toutes été stérilisées contre leur gré. Pour conclure son témoignage, elle a puisé sa force dans la mémoire de sa mère récemment décédée et elle a déclaré ce qui suit :
[...] quelqu’un doit rendre compte de l’acte de génocide auquel nous, les Autochtones, avons été confrontés et continuons d’être confrontés à l’égard de la stérilisation forcée. Nous, les Autochtones, avons toujours été mal traités et nous aimerions que cela cesse et que le racisme systémique prenne fin. C’est pourquoi l’amendement recommandé doit être inscrit dans le Code criminel. Nos droits de la personne continuent d’être violés à ce jour.
Entendre Nicole parler avec une telle émotion a ému toutes les personnes présentes dans la pièce et mis en évidence l’importance cruciale d’agir sur cette question en adoptant le projet de loi S-250.
La Dre Kathleen Ross, présidente de l’Association médicale canadienne, a aussi témoigné devant le comité. Elle a affirmé qu’elle appuie pleinement le projet de loi S-250. Elle a parlé de l’importance de prendre cette question au sérieux, en plus de mentionner que la modification du Code criminel ne peut suffire en elle-même. Il faut aller au-delà du projet de loi. Elle a dit ce qui suit :
L’Association médicale canadienne a fermement dénoncé les actes odieux de stérilisation forcée ou contrainte, y compris les interventions chirurgicales visant à prévenir la grossesse, notamment toute intervention altérant les trompes de Fallope, les ovaires ou l’utérus, ou toute autre action exécutée sur une personne dans le but premier de prévenir la grossesse de manière permanente. Ces pratiques sont enracinées dans la discrimination et le racisme systémique. Comme le comité l’a déjà entendu, elles ont infligé des dommages irréversibles à des femmes, principalement autochtones, et elles ont nourri les cycles d’inégalité et d’injustice. Le sombre héritage de la stérilisation forcée ou contrainte fait partie de l’histoire pas si lointaine de notre pays [...]
Des membres de la profession médicale et des membres du gouvernement se réunissent donc aujourd’hui pour remédier à cette iniquité, à cette injustice.
Cependant, bien que le ton des réunions du comité ait été majoritairement favorable à l’intention du projet de loi S-250 et que tous ceux qui ont témoigné au comité aient convenu que cette pratique devait cesser une fois pour toutes, des témoins et des sénateurs siégeant au comité se sont inquiétés, au cours de ces réunions, du fait que le libellé initial du projet de loi S-250 était trop compliqué et qu’il pourrait avoir des conséquences inattendues, en particulier dans les cas d’interventions chirurgicales d’urgence ou d’actes médicaux aboutissant à une stérilisation.
Après avoir entendu ces préoccupations, j’ai consulté le ministre de la Justice et ses conseillers, et nous avons élaboré un amendement qui simplifie considérablement le projet de loi tout en maintenant l’objectif principal, qui est de préciser explicitement dans le Code criminel que la stérilisation forcée, qui répond aux critères prévus pour les voies de fait graves, est illégale et fera l’objet de poursuites. Cet amendement, qui a été appuyé à l’unanimité par le comité, a grandement simplifié le projet de loi S-250, le faisant passer de 55 à 14 lignes.
Le projet de loi amendé indique clairement que l’article 45 du Code criminel protège un fournisseur de soins médicaux qui, lors d’une opération chirurgicale urgente, stérilise une personne par inadvertance ou parce qu’il doit intervenir en raison d’un risque divulgué au préalable, lorsque c’est possible. Par ailleurs, le projet de loi vise clairement la stérilisation sans consentement, de sorte que cela n’aura pas d’incidence sur les libertés en matière de procréation pour les personnes qui souhaitent être stérilisées.
Avant l’étude article par article, pendant laquelle j’ai proposé cet amendement, le comité a entendu des experts en droit pénal du ministère de la Justice qui appuyaient sans réserve ce changement et qui ont de nouveau expliqué comment cela permettra d’atteindre les objectifs initiaux du projet de loi S-250 tout en évitant les complications et les problèmes potentiels qui ont été soulignés plus tôt dans l’étude en comité.
Le Canada a causé beaucoup de torts aux femmes autochtones, notamment par la stérilisation forcée. Pendant de nombreuses années, la stérilisation forcée a été pratiquée, justifiée puis niée. J’ai déjà évoqué le fait que les provinces ont fait la promotion de l’eugénisme dans le cadre de la prestation des soins de santé. L’Alberta et la Colombie-Britannique ont toutes deux adopté des lois sur des méthodes eugéniques de contrôle de la population qui ont permis la stérilisation forcée de 1928 à 1973, et les femmes autochtones ont été ciblées de manière disproportionnée pour ces procédures. Merci, sénatrice Simons, pour votre discours et pour cette plongée dans l’histoire de l’eugénisme en Alberta.
J’ai également expliqué que la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario avaient présenté des projets de loi similaires qui, bien qu’ils n’aient pas été adoptés, mettent en évidence la normalisation de la stérilisation en tant que moyen de contrôle de la population.
Les provinces ne sont pas les seules à blâmer. Au cours de notre vie, des sénateurs et des députés ont préconisé la stérilisation forcée ou n’ont pas pris la mesure de la gravité du problème. La question de la stérilisation des femmes autochtones figure régulièrement dans le hansard depuis 1924. En 2024, 100 ans plus tard, nous en parlons encore, et la dernière femme que l’on sait avoir été stérilisée contre son gré l’a été en décembre 2023.
Dans le cadre d’une cérémonie tenue en septembre, il y a tout juste deux semaines, l’Association médicale canadienne, l’AMC, a présenté des excuses publiques officielles aux peuples autochtones pour le rôle qu’elle-même et la profession médicale ont joué dans les torts passés et présents causés aux peuples autochtones au sein du système de santé. La stérilisation forcée fait partie des torts pour lesquels des excuses ont été présentées.
Bien que l’AMC prenne des mesures importantes pour résoudre ce problème, parmi beaucoup d’autres, une action législative rapide et sérieuse est également nécessaire. Il nous incombe, en tant qu’occupants actuels des sièges du Sénat, d’envoyer un message clair selon lequel la stérilisation forcée, quelle qu’elle soit, est inacceptable et ne sera plus tolérée.
Je remercie le porte-parole du projet de loi, le sénateur David Wells, pour son soutien constant. Je remercie également le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, les greffiers, le personnel et en particulier les présidents, les sénateurs Jaffer et Cotter, qui ont aidé le projet de loi S-250 à franchir toutes les étapes nécessaires. Je remercie aussi l’équipe de mon bureau, Sky et Veronica, tous les sénateurs et tous mes collègues parlementaires de l’autre endroit qui m’ont apporté un soutien incroyable. Ce projet de loi est l’aboutissement d’une vie de travail non seulement pour moi, mais aussi pour de nombreuses personnes avec qui j’ai eu l’honneur de travailler au fil des ans.
Comme je l’ai fait chaque fois que j’ai abordé cette question au Sénat, je voudrais remercier les femmes qui m’ont fait confiance — les femmes qui nous regardent, celles qui m’ont téléphoné, celles qui m’ont envoyé un courriel ou qui m’ont rencontrée en personne pour me raconter leur histoire et les femmes courageuses qui se sont présentées pour témoigner. Pour celles qui n’ont pas encore pu faire entendre leur voix, sachez que chaque pas que nous franchissons rend les choses plus faciles. Je vous encourage, vous et les autres, à continuer à communiquer avec moi — je serai toujours à l’écoute et j’apporterai mon aide dans la mesure du possible.
En tant que sénateurs, nous devons utiliser notre plateforme pour défendre les intérêts des personnes qui n’ont pas de voix et nous efforcer de protéger l’avenir de leur santé génésique. Le projet de loi S-250 nous donne la possibilité de faire un pas vers l’éradication de cette forme de violence flagrante. Unissons nos forces pour être du bon côté de l’histoire. J’espère que le Sénat adoptera ce projet de loi rapidement et que l’autre endroit lui accordera l’attention et l’importance qu’il mérite pour qu’il franchisse rapidement toutes les étapes. Les femmes attendent.
Pour toutes nos relations. Marsee, meegwetch, merci.
Puis-je vous poser une question?
Oui.
Tout d’abord, je vous remercie pour l’excellent travail que vous avez effectué. Ce n’est pas une question, mais une observation. Vous avez travaillé sans relâche pour sensibiliser les Canadiens, en particulier les sénateurs, à ce qui se passe depuis beaucoup trop longtemps. Pendant l’étude par le Comité des droits de la personne, nous avons entendu que cela ne s’était plus produit ces dernières années. Vous entendre dire aujourd’hui qu’il y a eu un cas en 2023 est plus que déchirant; c’est très cruel, en fait.
Lorsque le Comité des droits de la personne a étudié cette question, nous avons entendu parler de la stérilisation forcée, en particulier dans les communautés des personnes autochtones, noires et à faible revenu. Nous avons entendu l’histoire d’une femme qui a raconté qu’elle était en train d’accoucher à l’hôpital. On lui a présenté un formulaire à remplir pour autoriser qu’on la stérilise lorsqu’elle aurait eu son bébé. Pour ceux d’entre nous qui ont eu des enfants, l’idée que quelqu’un vienne vous voir pendant que vous êtes en train d’accoucher pour vous demander de signer quelque chose, eh bien, il serait chanceux de ne pas se faire arracher un bras.
Quoi qu’il en soit, j’ai dit que les femmes autochtones, noires et à faible revenu semblent être les plus touchées. Selon vous, s’agit-il d’une forme de racisme systémique au sein de la société?
Merci, sénatrice Cordy. Oui, c’est certainement une forme de racisme systémique, mais la stérilisation ne touche pas seulement les femmes autochtones. Des personnes handicapées, intersexuées, vulnérables et marginalisées nous ont également dit que la stérilisation les touche également.
D’après ce que j’ai entendu des femmes autochtones, et aussi des hommes, les hommes autochtones ont également été touchés par cette situation. Je dirais que oui, le racisme systémique est certainement répandu.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), parrainé par la sénatrice Boyer.
J’aimerais d’abord féliciter la sénatrice Boyer pour le leadership dont elle a fait preuve en présentant ce projet de loi, qui fournira des mesures de protection à de nombreuses personnes aux prises avec la discrimination systémique.
Comme on l’a déjà entendu en ces murs, le Canada a une longue histoire de stérilisation forcée et contrainte de personnes victimes de discrimination systémique, incluant des personnes ayant des vulnérabilités intersectorielles liées à la pauvreté, à la race et à un handicap. Même si les lois et les politiques eugéniques explicites ont été abrogées, les attitudes discriminatoires ayant entraîné leur création demeurent présentes dans la société canadienne et, comme vous l’avez entendu, il se pratique toujours des stérilisations forcées et contraintes. Dans un rapport publié en 2022 intitulé Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada —Partie II, le Sénat a déjà reconnu que les personnes handicapées forment une population victime de stérilisation non consentie.
À l’époque, les formes de coercition décrites par les témoins incluaient la manipulation, l’exploitation des vulnérabilités ou l’omission de consulter les patients avant de les priver de leur capacité de concevoir.
Inclusion Canada et Personnes d’abord du Canada — deux groupes nationaux qui défendent les intérêts des personnes ayant une déficience intellectuelle — ont partagé, entre autres, l’expérience suivante pour montrer à quel point le filet était jeté. La femme en question a grandi dans la pauvreté et a été victime de mauvais traitements pendant son enfance. On a déterminé qu’elle avait un faible QI à l’âge de 11 ans et on l’a stérilisée à l’âge de 14 ans, à son insu et sans son consentement, après lui avoir dit qu’elle avait besoin d’une appendicectomie. On a appris plus tard que son test de QI était invalide; pourtant, elle avait subi le sort d’une personne ayant une déficience intellectuelle.
Le projet de loi S-250 établit explicitement que le fait de stériliser une personne sans son consentement constitue une infraction criminelle au Canada. Étant donné que les interventions chirurgicales blessent nécessairement le patient, elles constituent des voies de fait graves si elles sont pratiquées sans son consentement.
Comme l’a clairement expliqué l’avocat principal de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice du Canada au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le consentement légal est soumis à plusieurs critères. Premièrement, pour qu’il y ait consentement, il ne doit pas y avoir de fraude ni de contrainte. Par conséquent, cette règle est enfreinte quand le patient est contraint de consentir à un acte médical sous la pression ou la tromperie. Deuxièmement, pour consentir à la nature de l’acte, il faut posséder une base de connaissances, que l’on décrit comme la connaissance de l’objet de l’intervention et des événements et le fait d’avoir une idée de ce qui est sur le point de se produire en ce qui a trait à la nature de l’intervention. Cette règle est enfreinte quand le patient ne dispose pas d’informations suffisantes pour comprendre la nature de l’acte auquel il consent.
Troisièmement, pour qu’il y ait consentement, il faut avoir la capacité de comprendre, ce qui signifie que le patient doit être capable de comprendre la nature de l’acte. Cette règle est enfreinte quand le patient est un enfant, une personne âgée de moins de 18 ans ou une personne atteinte de troubles cognitifs.
Le projet de loi S-250 souligne que la loi sur les voies de fait continue de s’appliquer à tous les actes de stérilisation — absolument tous — qui sont effectués sans le consentement effectif sur le plan légal du patient. Il souligne également qu’un consentement valide doit être fourni pour tous les actes de stérilisation, que la stérilisation soit ou non le but premier de l’intervention chirurgicale et qu’une intervention chirurgicale subséquente puisse ou non l’annuler.
Il est important de prendre note d’une observation que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a faite dans son rapport. Par le passé, le comité a déposé de manière fréquente des rapports sur la façon dont le Code criminel était modifié à la pièce. Le comité réitère donc sa recommandation antérieure selon laquelle un organisme indépendant devrait entreprendre une révision approfondie du Code criminel. La Commission du droit du Canada, rétablie, pourrait entreprendre cette révision, qui devrait intégrer une étude portant sur toutes les dispositions du Code relatives aux crimes et infractions contre les personnes vulnérables.
Le Canada a signé et ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies en mars 2010. En ce qui concerne l’eugénisme au Canada, l’article 23 de la convention exige que les États parties protègent les personnes handicapées contre la stérilisation forcée, quel qu’en soit l’auteur, ainsi que contre toute autre pratique discriminatoire qui compromet leur santé génésique. Il exige que l’État prenne des mesures efficaces et appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans tout ce qui a trait au mariage, à la famille, à la fonction parentale et aux relations personnelles, sur la base de l’égalité avec les autres, et veille à ce que les personnes handicapées, y compris les enfants, conservent leur fertilité, sur la base de l’égalité avec les autres.
Veuillez vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi S-250, qui respecte l’esprit de cette convention des Nations unies.
Merci, woliwon.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), dont la marraine est la sénatrice Boyer, et qui propose de modifier l’article 268 du Code criminel. L’article 268 traite des infractions de voies de fait graves, et le projet de loi S-250 érige en infraction le fait de stériliser une personne sans son consentement.
Je tiens à remercier la sénatrice Boyer et son bureau pour l’ardeur qu’ils ont déployée à écouter attentivement les expériences des survivantes de la stérilisation forcée et contrainte. Il faut du courage, de la ténacité, de la détermination et de la persévérance pour faire sortir ces actes inadmissibles de l’obscurité et les révéler au grand jour.
Je commencerai par évoquer le mois de septembre 2022. Je me souviens de cette date, car j’ai pris conscience que j’étais dans une position privilégiée à plusieurs égards. Je me souviens d’avoir regardé tous les sénateurs présents dans cette enceinte. J’ai alors réalisé que je ne voudrais être avec aucun autre groupe de sénateurs, et que j’avais bien des raisons d’être reconnaissante de réaliser une partie de mon parcours terrestre avec vous. J’ai repensé aux moments où on a fait preuve de gentillesse et de compassion à mon égard : un sénateur qui a porté ma lourde valise sur trois étages parce que l’ascenseur ne fonctionnait pas; un sénateur dont les yeux ont pétillé quand j’ai sollicité son appui; un sénateur dont j’ai compris, à travers les mots de quelqu’un d’autre, qu’il n’y avait pas de meilleur patron; un sénateur qui m’a fait savoir qu’il était là si j’avais besoin de quelqu’un pour m’écouter; et les sénateurs qui ont sacrifié leur temps de parole pour me laisser m’exprimer pendant les déclarations de sénateurs.
Dans ce moment de réflexion, j’ai pensé aux sénateurs qui se passionnent pour leurs dossiers et qui les présentent dans le but de nous instruire et de nous sensibiliser aux dossiers qui sont importants pour eux et pour leurs régions; aux sénateurs qui ont pris le temps de faire des recherches pour pouvoir parler des questions relatives aux Premières Nations qui leur étaient jusqu’alors peu familières; et aux votes qui ont permis de faire progresser de manière concrète les droits des Premières Nations.
Je remercie tous les sénateurs et les membres du personnel qui incarnent des valeurs et des principes comme la vérité, la compassion, le courage, la justice, la bravoure, l’éloquence, l’équilibre, la conciliation, la patience, le partage et la grâce, car, ce faisant, ils me rappellent notre humanité commune. L’un des enseignements des Premières Nations, c’est que toutes les personnes que nous rencontrons nous aident à devenir meilleurs et à réussir. Vous l’avez fait pour moi.
Honorables sénateurs, j’aimerais que vous songiez aux diverses réalisations qui ont marqué votre vie et votre séjour au Sénat. Imaginez le changement transformateur auquel vous avez participé dans le cadre de votre travail au sein de vos collectivités, de vos provinces et à l’échelle nationale en apportant de véritables changements pour les personnes qui ont fait appel à vous et pour celles que vous représentez.
Imaginez maintenant toutes les habitants du pays ainsi que leurs réalisations et leurs contributions qui ont permis au Canada de devenir un pays inclusif et juste.
Imaginez maintenant que certains d’entre nous au Sénat et de nombreux autres Canadiens ayons perdu la vie avant même qu’elle ait commencé. À quel point mon monde serait différent si je n’avais pas rencontré beaucoup d’entre vous. Imaginez que les contributions inestimables de ces personnes à la collectivité et que leur droit inhérent et spirituel à la vie aient été éradiqués en raison de la stérilisation forcée de leur mère. Imaginez les nombreuses lumières qui ont été éteintes avant d’avoir eu la chance inouïe de briller. Nous sommes privilégiés que le droit de nos mères à la création ne leur ait pas été retiré.
Honorables sénateurs, je parlerai de la situation unique des femmes des Premières nations, métisses et inuites, qui ont été expressément ciblées dans la société canadienne en raison de la fausse notion d’infériorité raciale.
Les citations dans mon discours sont tirées du livre intitulé An Act of Genocide: Colonialism and the Sterilization of Aboriginal Women, publié par Karen Stote en 2015.
À titre d’exemple, en 1945, on pouvait lire ce qui suit dans les dossiers cliniques de l’Hôpital Essondale :
Le milieu social de cette jeune femme ayant une déficience mentale révèle des antécédents de promiscuité, de maladies vénériennes et de tuberculose, ainsi qu’une grossesse illégitime. En raison de son intelligence limitée, de l’absence de supervision familiale et de sa propension à adopter un comportement sexuel illicite, sa réadaptation sous les auspices du ministère des Affaires indiennes est très problématique [...] il est donc souhaitable de lui offrir la protection de la stérilisation sexuelle [...] Elle continuera sans aucun doute à être un problème social à sa sortie de l’hôpital, mais la stérilisation sexuelle l’empêcherait d’avoir d’autres enfants, qui pourraient à leur tour devenir des problèmes sociaux.
Chers collègues, les personnes contraintes de vivre dans l’ombre à cause de la colonisation, du colonialisme, du racisme et du sexisme vivent une injustice parce qu’elles sont placées dans une position de vulnérabilité et d’impuissance et qu’on les réduit au silence. Sinon, comment un acte violent comme la stérilisation forcée pourrait-il être pratiqué pendant si longtemps et sans répercussions pour ceux qui prennent de façon unilatérale de telles décisions inhumaines et scandaleuses?
Honorables sénateurs, fondamentalement, l’assimilation est l’imposition d’un mode de vie particulier aux dépens d’un autre dans le but de le détruire. Cette assimilation permet de priver les femmes autochtones de leur liberté en matière de procréation et de leur refuser la possibilité d’élever leurs enfants dans le respect de leur mode de vie culturel.
En 1883, alors qu’il discute du programme d’éducation mis en place pour les peuples autochtones, le député Edward Blake souligne l’importance de cibler les filles indiennes. Sa déclaration démontre que l’idéologie raciste a joué un rôle dans la justification de la politique à l’égard des Indiens :
Si [nous] laiss[ons] la jeune fille indienne qui deviendra une squaw garder les habitudes barbares de la tribu, l’Indien, lorsqu’il épousera une telle squaw, sera vraisemblablement converti par elle à la sauvagerie indienne. Pour que cette astuce ait au moins une chance de réussir, il faudra [...] civiliser les épouses projetées [...] J’ai pu constater [...] à quel point il est difficile d’éradiquer cette tare héréditaire.
Chers collègues, comme l’a déclaré la sénatrice Boyer et l’a répété la sénatrice Simons, la stérilisation a été inscrite dans la loi provinciale en Alberta et en Colombie-Britannique.
En Alberta, la loi sur la stérilisation sexuelle est restée en vigueur de 1928 à 1972. Durant cette période, la commission de l’eugénique a statué sur 4 739 cas. Il en a résulté 2 834 stérilisations. Selon une étude des dossiers des patients réalisée par Timothy Christian, les patients les plus susceptibles d’être choisis pour être soumis à la stérilisation se trouvaient dans des groupes socialement marginalisés. Les personnes les plus susceptibles de correspondre à cette catégorie [...] étaient les Autochtones. Lorsque l’opposition à la loi a pris de l’ampleur et que son abrogation est devenue plus probable, le taux de stérilisation des Autochtones a connu une augmentation considérable, représentant plus de 25 % des personnes stérilisées. M. Christian dit :
Il est incroyable que de 1969 à 1972, plus d’Indiens et de Métis aient été stérilisés que de Britanniques, surtout si l’on considère que les Indiens et les Métis constituaient le groupe racial le moins important statistiquement et les Britanniques, le plus important.
Les modifications apportées à la loi ont augmenté la probabilité que les peuples autochtones soient soumis à la stérilisation. En 1937, l’obligation d’obtenir le consentement dans les cas de déficience mentale a été supprimée. Cette modification a permis à la commission de l’eugénique d’imposer la stérilisation de tout patient qu’elle plaçait dans la catégorie des déficients mentaux et qui était susceptible de transmettre sa déficience à sa progéniture. Grekul et ses collègues estiment que 77 % des patients autochtones présentés à la commission de l’eugénique ont été diagnostiqués comme déficients mentaux [et] n’ont plus guère eu leur mot à dire quant à leur stérilisation.
Chers collègues, l’auteur poursuit :
On sait que la stérilisation des Autochtones en vertu de la loi sur la stérilisation de l’Alberta pourrait causer des problèmes à l’avenir. [...] Il ne semble pas que le ministère ait été nécessairement motivé par un souci d’ordre humanitaire ou juridique à l’égard des peuples autochtones, mais plutôt par la volonté d’éviter une accusation qui s’apparente à un génocide [...]
Le ministère des Affaires indiennes a déclaré :
Il n’est pas impossible que les Indiens en viennent à croire qu’un complot a été ourdi pour éliminer leur race par tous les moyens possible.
Le fait que le ministère n’ait pas publié de déclaration condamnant la stérilisation des peuples autochtones revient à tolérer cette pratique et peut être interprété comme un aveu: le ministère savait, à tout le moins, que cette stérilisation avait lieu.
Le ministère a affirmé qu’il n’avait :
[...] aucune objection à ce que les lois de la province soient appliquées et que toute mesure prise pour ce faire ne serait pas désapprouvée.
La même année, en 1942, une autre modification a été apportée à la loi de manière à d’accorder l’immunité contre d’éventuelles poursuites à toute personne ayant pris part à une intervention chirurgicale, ou à toute personne en position d’autorité ayant travaillé dans un établissement psychiatrique et ayant participé à une recommandation de stérilisation. La proportion d’Autochtones stérilisés en vertu de la loi a augmenté régulièrement à partir de 1939 et a triplé de 1949 à 1959. Malgré l’obligation d’obtenir le consentement, celui-ci n’a été demandé que dans 17 % des cas, parmi les Autochtones.
En 1951, une modification a également été apportée à la Loi sur les Indiens afin d’accroître l’application des lois provinciales aux Indiens. [...] Cette modification comprenait la première définition d’un Indien mentalement incapable. C’était un Indien considéré comme mentalement incapable selon les lois de la province dans laquelle il résidait. Autrement dit, un Indien mentalement incapable était celui qu’une province considérait comme tel.
Honorables sénateurs, avoir le privilège de créer la vie nous relie à l’humanité, à nos familles, à nos communautés, à notre environnement et à nos ancêtres.
Dans le livre intitulé Quest for Respect, l’aîné Rarihokwats dit ceci :
Les anciens parlent du moment où la septième des sept générations de l’Esprit viendra vers nous, celle qui posera des questions sur nous, qui voudra savoir ce que nous avons fait pour préparer le monde dans lequel elle allait arriver et vivre.
Vous vous souviendrez que je rends hommage à mes ancêtres des Premières Nations avec la persévérance, la détermination et le second regard objectif dont ils ont eux-mêmes fait preuve lorsqu’ils se sont battus pour que nous, gens de la septième génération, ne soyons plus dans la situation déplorable qui leur avait été imposée vu les politiques et les lois coordonnées par le gouvernement fédéral et les Églises. Il leur était notamment interdit de venir sur la Colline du Parlement.
Chers collègues, c’est la raison pour laquelle je tiens tant à la responsabilité qui m’incombe d’être porteuse de vérité dans cette enceinte sacrée — une vérité qui, dans ce cas, concerne le génocide de peuples autochtones.
La question qui se pose aujourd’hui aux Canadiens et aux parlementaires, c’est de savoir comment notre pays, qui est censé avoir progressé pendant des décennies en matière de droits des femmes, a pu cacher ou ne pas reconnaître ce crime.
Chers collègues, ce projet de loi criminalise les activités génocidaires. Il doit transcender les marchandages politiques auxquels se livrent les leaders du Sénat. Je vous exhorte à faire front commun contre cette horrible pratique qu’est la stérilisation forcée et le génocide qu’elle implique et de soutenir le projet de loi S-250 lors de sa mise aux voix.
Kinanâskomitin.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole pour le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).
Le projet de loi S-250 vise à modifier le Code criminel pour ériger en infraction la stérilisation non consentie comme voies de fait graves passibles d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement. Le projet de loi est une réponse à plus de 12 000 cas documentés de stérilisation forcée ou sous la contrainte au Canada, sans que des accusations aient été portées ou des condamnations prononcées en vertu des lois existantes.
La stérilisation forcée est une violation de l’autonomie corporelle et des droits de la personne et, plus encore, une attaque contre l’âme. La criminaliser, c’est communiquer clairement que cette pratique est inacceptable et ne sera pas tolérée.
Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat a fait un examen approfondi, et le projet de loi établit désormais une protection pour les établissements et les fournisseurs de soins de santé.
De nombreuses femmes, en particulier des femmes autochtones, des femmes handicapées et d’autres, ont été victimes de stérilisation forcée, par exemple Sylvia Tuckanow, qui a été stérilisée de force après un accouchement, et d’autres qui ont été contraintes de subir la procédure à des moments où elles étaient vulnérables. Certaines victimes ont été délibérément mal informées concernant le caractère permanent de la procédure ou contraintes de signer des formulaires de consentement dans des circonstances de vulnérabilité émotionnelle et physique. En dépit des dispositions existantes dans le Code criminel, il n’y a eu ni poursuites ni condamnations. Cela, chers collègues, devrait en soi être considéré comme un crime.
Les détracteurs soutiennent que les lois existantes devraient couvrir ces crimes, mais l’absence de procès ou d’application montre la nécessité d’une infraction criminelle spécifique pour la stérilisation forcée. Le projet de loi comble cette lacune en matière de protection juridique et d’application de la loi. Ces procédures ont laissé des traumatismes physiques, émotionnels et psychologiques durables, ainsi qu’une méfiance à l’égard du système de santé. Ce projet de loi ne répare pas les préjudices passés, mais il contribuera grandement à prévenir les violations futures et offre aux survivants un certain degré de justice.
La stérilisation forcée est une violation manifeste des droits de la personne et, avec le projet de loi S-250, le Canada prend des mesures pour empêcher qu’elle ne se poursuive. Le projet de loi a été amendé pour en simplifier le libellé et protéger les prestataires de soins de santé lorsqu’ils effectuent des procédures d’urgence nécessaires, mais le message principal reste le même : la stérilisation sans consentement constitue une agression grave, et toute personne qui la commet sera poursuivie en vertu du Code criminel. Le projet de loi est une réponse directe aux recommandations de 2018 du comité des Nations unies contre la torture afin de lutter contre la stérilisation forcée au Canada.
Je prends un moment pour remercier la sénatrice Boyer pour les efforts inlassables qu’elle a déployés afin d’attirer l’attention sur ce dossier extrêmement important. Madame la sénatrice, vous approchez de la ligne d’arrivée.
L’engagement de la sénatrice Boyer en faveur des droits de la personne et des victimes de la stérilisation forcée témoigne de son dévouement pour la justice. Le leadership dont elle a fait preuve pour faire avancer le projet de loi S-250 n’est rien de moins qu’une source d’inspiration, et nous lui sommes reconnaissants — le Canada lui est reconnaissant — d’avoir pris fait et cause pour les plus vulnérables de notre société.
Sur ce, chers collègues, je demande le vote. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)