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LE SÉNAT — Projet de loi sur l'unité de l'économie canadienne

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

18 juin 2025


Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin de poursuivre son étude de la teneur du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidence, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il a été ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.

La liste des témoins confirmés actuellement pour le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-5 aujourd’hui a été distribuée avec les notes de la greffière, et les pages peuvent fournir cette liste aux sénateurs sur demande.

Le comité entendra d’abord Geoff Wood, vice-président principal, Politique, Alliance canadienne du camionnage; Goldy Hyder, président et chef de la direction, Conseil canadien des affaires; Sean Strickland, directeur exécutif, Syndicats des métiers de la construction du Canada.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, les témoins prennent place dans la salle du Sénat.)

Le président [ - ]

Je vous remercie d’être ici avec nous aujourd’hui. Je vous invite à faire vos observations préliminaires.

Geoff Wood, vice-président principal, Politique, Alliance canadienne du camionnage [ - ]

Merci de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le Sénat aujourd’hui. C’est un véritable honneur.

Je m’appelle Geoff Wood, et je suis le vice-président principal, Politique, de l’Alliance canadienne du camionnage. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue Lak Shoan, directeur des programmes de sensibilisation aux politiques et à l’industrie.

À titre d’information, l’Alliance canadienne du camionnage est une fédération des associations provinciales de camionnage. Elle compte environ 5 000 entreprises membres qui gèrent un parc de plus de 100 000 camions et emploient environ 250 000 Canadiens qui, par leur travail, soutiennent directement notre chaîne d’approvisionnement et notre pays.

La concurrence loyale, la sécurité, la conformité et l’ordre public sont des éléments essentiels qui doivent être maintenus et renforcés pour permettre à l’industrie canadienne du camionnage de demeurer forte.

Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est pour proclamer haut et fort notre soutien pour l’élimination des obstacles au commerce interprovincial. Cela dit, même si nous devons éliminer ces obstacles, nous devons le faire à l’aide de mécanismes qui fonctionnent pour l’industrie du camionnage et qui n’ont pas de conséquences imprévues, comme une diminution de la sécurité routière, une atteinte à l’équité et à la conformité dans l’industrie, un renforcement de l’économie souterraine au sein de l’industrie ainsi qu’une confusion et une complexité accrues dans l’application des règlements.

Nous estimions qu’il était important que le Sénat comprenne la situation actuelle de l’industrie. Je vais donc vous en parler brièvement.

L’industrie fait actuellement face aux pires conditions économiques qu’elle a connues en plus de 40 ans. L’économie souterraine sévit dans l’industrie et se traduit principalement par le non-respect des lois du travail et des lois fiscales, et nous luttons depuis 10 ans pour rétablir l’ordre dans l’industrie. Les progrès sont lents et nous avons reçu très peu de soutien des gouvernements.

En ce qui concerne les obstacles au commerce interprovincial en 2023 et en 2025, l’Alliance canadienne du camionnage a rédigé un rapport sur le sujet. Parmi les points saillants du rapport, mentionnons l’harmonisation des normes d’entretien des routes dans l’ensemble des provinces et des territoires, la nécessité d’aménager davantage d’aires de repos pour les chauffeurs de camion et les chauffeurs de camion commerciaux dans le réseau routier national, le doublement de la route 185 au Québec et la mise en place d’un système efficace de supervision et d’imputabilité en matière de sécurité des camions qui s’applique à l’ensemble des provinces et des territoires.

Le manque de supervision en matière de sécurité des camions est notre principale préoccupation. À notre avis, il s’agit d’un obstacle commercial, car les entreprises de camionnage jouissent d’une trop grande mobilité. En effet, lorsque leur dossier en matière de sécurité se détériore à un endroit, elles peuvent « se magasiner » une province ou un territoire où transférer leurs opérations. Cela permet aux entreprises peu scrupuleuses de rechercher constamment un endroit où le régime est moins restrictif et où elles auront peu ou pas du tout de comptes à rendre.

Cela est directement lié aux difficultés découlant du fait que des provinces et des territoires ne respectent pas les normes 7, 14 et 15 du Code canadien de sécurité. Ces normes sont obsolètes et doivent être révisées.

Même s’il faut se pencher sur la sécurité des camions, la reconnaissance mutuelle n’est pas la solution, de notre point de vue. Dans ce cas-ci, la reconnaissance mutuelle est à l’origine de la situation dans laquelle nous nous trouvons en matière de sécurité des camions. Il y a peu d’uniformité, peu de communication de l’information entre les provinces et peu de reddition de comptes. De plus, les provinces ont peu de pouvoirs leur permettant d’intervenir auprès des transporteurs des autres provinces. L’Alliance canadienne du camionnage demande, depuis 2009, de corriger les problèmes par l’entremise des protocoles établis. En 2023, elle a ajouté cette question à sa liste parce qu’on s’intéressait alors aux obstacles.

Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé a reçu la directive de l’administrateur du conseil de régler cette question, mais à notre avis, les choses avancent trop lentement et le processus ne sera pas terminé avant 2027. Il faut que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires aient la volonté politique d’agir et qu’ils s’engagent à le faire beaucoup plus rapidement.

Nous savons que la Loi sur l’unité de l’économie canadienne a pour but d’accélérer la réalisation des projets qui sont d’intérêt national. Nous jugeons qu’il faut s’intéresser davantage aux régimes de permis pour les camions surdimensionnés et trop lourds, car la machinerie lourde, les matières premières critiques et les marchandises nécessaires pour ces grands projets nationaux seront transportées par des camions nécessitant des permis spéciaux.

Pour réduire les retards, il faudra éliminer tous les obstacles commerciaux qui nuisent à la libre circulation de ces biens d’une province à l’autre. Il faudra aussi de bons investissements durables dans les régimes d’octroi de permis et la main-d’œuvre des provinces.

Dans la plupart des cas, l’octroi de permis est suspendu ou reporté à cause de travaux routiers qui ne permettent pas le passage de chargements surdimensionnés, de renseignements inexacts au sujet de ces chantiers, d’un manque d’effectifs et de systèmes informatiques inadéquats pour traiter les permis. Même si la liste de nos revendications est longue, nous estimons que les changements à venir devront être faits de manière à ne pas compromettre la sécurité routière ni endommager les infrastructures routières des provinces et des territoires.

Par-dessus tout, et s’il y a une chose que vous devez retenir de notre témoignage, c’est : qui dit projets d’intérêt national dit nécessairement marchés publics. Nous voulons donc que les droits et les mesures de protection des travailleurs de même que les lois régissant le travail soient appliquées aux entreprises de camionnage qui concluront des marchés avec l’État. Les gouvernements doivent faire le nécessaire pour qu’aucun élément de l’économie souterraine et aucun organisme s’adonnant à la classification erronée des emplois ne puisse participer à ces projets. Pour que les choses soient claires, de notre point de vue, si une entreprise souhaite prendre part à ces projets essentiels pour le pays, alors elle doit se conformer à toutes les obligations que lui imposent les lois du travail et le fisc et suivre toutes les règles qui régissent l’industrie du camionnage.

Certains processus actuels d’approvisionnement nous inquiètent, car nous constatons que les mécanismes de contrôle appropriés n’ont pas été appliqués et que personne ne semble vouloir les appliquer.

Merci de nous avoir permis de nous adresser à vous aujourd’hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Goldy Hyder, président et chef de la direction, Conseil canadien des affaires [ - ]

Honorables sénateurs, je vous remercie du travail que vous accomplissez. D’abord et avant tout, je m’en voudrais de ne pas souligner que nous célébrerons samedi la Journée nationale des peuples autochtones.

Je tiens à vous remercier de me donner l’occasion de comparaître devant vous afin de discuter de l’importance du projet de loi C-5, la Loi sur l’unité de l’économie canadienne. Je suis vraiment honoré de pouvoir le faire dans cette enceinte.

Chaque jour, j’ai le privilège de représenter plus de 170 chefs d’entreprise qui emploient plus de 2 millions de Canadiens et auxquels nous devons environ 50 % du PIB de notre pays. Fondé en 1976, le Conseil canadien des affaires a pour mandat de contribuer à renforcer l’économie du pays, son tissu social et ses institutions démocratiques.

Mon travail m’amène à voyager de par le monde. J’ai ainsi l’honneur de rencontrer les clients du Canada, tant ceux que nous avons maintenant que ceux avec lesquels nous voudrions faire davantage des affaires à l’avenir. Je dois être honnête avec vous. Les dernières années ont été très éprouvantes. On me demande sans cesse comment il se fait qu’un pays comme le Canada — qui a la chance d’avoir des ressources naturelles, des talents de calibre mondial et des marchés financiers sophistiqués — ait autant de mal à fournir à ses partenaires commerciaux les biens dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité et devenir prospères.

Au même moment, la sécurité économique et nationale du Canada est en péril. Les politiques protectionnistes se multiplient encore, et nos institutions démocratiques continuent d’être menacées. Nos alliés et nos partenaires commerciaux font face aux mêmes obstacles et, plus que jamais, ils cherchent à obtenir un approvisionnement sûr en énergie, en denrées alimentaires et en minéraux critiques.

Nos ressources de calibre mondial, qu’il s’agisse de l’uranium, du nickel, de la potasse, du grain ou du pétrole et du gaz, nous permettent de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Malheureusement, nous perdons des parts de marché. Nous avons déjà été un des dix principaux fournisseurs de nombreux minéraux et produits agroalimentaires, mais nous perdons du terrain au profit de nos concurrents, dont beaucoup se trouvent dans des pays qui ont des normes environnementales moins rigoureuses et moins de respect pour la primauté du droit.

Dans le domaine de l’énergie, nous n’avons pas su réaliser notre potentiel. Le gaz naturel liquéfié en est un exemple frappant. Des faux pas en matière de politique et des obstacles réglementaires coûteux ont freiné le Canada et l’ont empêché d’atteindre son plein potentiel, ce qui nous a tenus à l’écart pendant que d’autres pays assument le rôle que le Canada aurait dû jouer, à savoir celui de fournisseur d’énergie pour le monde démocratique. Même si le Canada a la chance d’avoir d’énormes réserves de gaz naturel et un accès à trois des quatre océans de la planète, le pays a de la difficulté à construire la bonne infrastructure pour acheminer ses produits et ses ressources énergétiques jusqu’aux côtes.

Il y a seulement deux mois, S&P Global a publié une étude qui montre qu’au Canada, il faut plus de 20 années pour découvrir des ressources, approuver leur exploitation et construire une mine pour les extraire, ce qui nous classe parmi les pays où les délais sont les plus longs. Il faut que cela change.

Le projet de loi C-5 nous permet de bondir hors de bloc de départ pour que le Canada arrive premier dans la course mondiale au commerce. Nous estimons que ce projet de loi et les pouvoirs qu’il attribue sont appropriés en ces temps difficiles. Il prévoit un cadre ambitieux pour unir les gouvernements et travailler avec le secteur privé et les communautés autochtones afin d’identifier des projets d’importance nationale.

Permettez-moi de vous assurer que le secteur privé est prêt à faire sa part pour investir et bâtir un Canada fort et prospère. Notre bilan est inégalé, et notre capacité de produire des ressources de façon responsable en collaboration avec les Premières Nations constitue la force concurrentielle du pays. Fait important, les droits autochtones et le devoir de consulter demeurent des éléments permanents du droit canadien. Nos membres ont réalisé de grandes avancées depuis plusieurs décennies pour bâtir un lien de confiance solide avec les Premières Nations, grâce à la bonne volonté et des partenariats durables dans des projets majeurs. Nous sommes prêts à aller de l’avant avec eux aujourd’hui.

Enfin, je m’en voudrais de ne pas expliquer le soutien écrasant du CCA pour réaliser l’objectif du projet de loi, soit de créer les conditions nécessaires à un commerce plus libre au Canada et d’éliminer les obstacles au commerce interprovincial.

Le président [ - ]

Je suis désolé, monsieur Hyder. Je vous demanderais respectueusement de conclure.

M. Hyder [ - ]

Quant aux politiques, la marge d’erreur est très mince, et bon nombre de dirigeants mondiaux ont demandé au Canada de les aider à augmenter l’approvisionnement en technologies et en énergies propres, abordables et fiables dans leur pays afin de répondre à la demande.

Aujourd’hui, nous avons la chance et l’occasion de répondre à leur appel. Je vous exhorte par conséquent à vous unir pour adopter le projet de loi. Merci.

Sean Strickland, directeur exécutif, Syndicats des métiers de la construction du Canada [ - ]

Merci, sénateurs, de nous donner l’occasion d’exposer nos perspectives sur le projet de loi C-5, la Loi sur l’unité de l’économie canadienne.

Je m’appelle Sean Strickland et je suis directeur exécutif des Syndicats des métiers de la construction du Canada, ou SMCC. Je témoigne aujourd’hui pour représenter les voix de plus de 600 000 travailleurs spécialisés membres de syndicats internationaux qui travaillent dans plus de 60 métiers et professions et dont le gagne-pain dépend de la construction de projets majeurs dans toutes les régions du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui de mon collègue Nathan Carr, gestionnaire des affaires publiques au SMCC.

Sénateurs, le temps presse. Les effets délétères des droits de douane sur les emplois mettent de la pression sur l’économie au Canada. Il faut lancer des projets d’intérêt national qui pourront redéfinir notre économie et préserver notre indépendance économique et énergétique.

Depuis trop longtemps, l’inefficacité réglementaire au Canada cause des délais inacceptables dans l’approbation des projets qui permettent aux hommes et aux femmes des métiers spécialisés de travailler et qui donnent des emplois bien payés et syndiqués aux travailleurs de la construction partout au pays.

La mise en place d’un bureau des grands projets et d’un processus simplifié de type « un projet, une approbation » ainsi que la coordination et la consolidation des processus ministériels et intergouvernementaux auraient dû être faites depuis longtemps. En résumé, au Canada, l’approbation des projets nécessite plus de temps que leur mise en œuvre. C’est inacceptable.

Le projet d’expansion du réseau Trans Mountain illustre parfaitement cette nécessité de changement. Il a fallu un peu plus de cinq ans pour la construction et plus d’une décennie pour l’approbation. Heureusement que le gouvernement canadien a acheté le pipeline existant, a financé l’expansion et a mené ce projet à terme, car, à l’heure actuelle, la capacité d’exportation de notre énergie vers des partenaires commerciaux plus fiables est un atout stratégique important qui garantit notre souveraineté économique en cette période d’incertitude.

Des projets qui sont menés d’un océan à l’autre peuvent et doivent aller de l’avant grâce à un processus d’approbation accéléré pour stimuler notre économie. Qu’il s’agisse de la Phase 2 de LNG Canada à Kitimat, en Colombie-Britannique, qui exporte davantage de gaz naturel liquéfié à des partenaires commerciaux fiables, de projets d’exploitation de minéraux critiques dans le Cercle de feu en Ontario, de projets hydroélectriques propres dans la région de Gull Island à Terre-Neuve-et-Labrador ou de petits réacteurs modulaires qui peuvent être utilisés partout au pays pour construire un réseau électrique d’est en ouest, les projets d’intérêt national existent si le cadre réglementaire permet de simplifier les processus d’approbation. C’est pourquoi nous appuyons cette mesure législative et vous exhortons à l’adopter rapidement.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada reconnaissent également que ce projet de loi n’est pas parfait. Les peuples autochtones du Canada nous ont dit craindre que leurs droits issus de traités soient compromis. Nous partageons leurs préoccupations et nous exhortons le gouvernement à respecter ses engagements pris dans le cadre de traités et à continuer de faire des peuples autochtones des partenaires à part entière dans ces projets d’intérêt national.

Nous croyons également que les travailleurs qualifiés devraient profiter de ces avantages. Nous croyons que chaque fois que le gouvernement du Canada investit pour attirer des capitaux privés, il devrait imposer comme conditions de bons salaires et avantages sociaux, des salaires conformes à ceux en vigueur, des exigences en matière d’apprentissage et d’embauche locale et autochtone, comme le gouvernement l’a fait avec les crédits d’impôt à l’investissement dans l’économie propre.

Fait intéressant, selon un sondage ayant été mené dernièrement par Abacus Data, 84 % des travailleurs des métiers spécialisés estiment que ces conditions devraient être nécessaires pour les projets financés par des fonds publics. Ces mesures ne sont pas seulement « souhaitables », elles sont carrément essentielles à la réalisation des projets d’intérêt national et à la prospérité économique. Elles sont un gage de retombées pour tous les Canadiens, quelle que soit leur identité ou leur région, qui pourront ainsi trouver un bon emploi bien rémunéré qui contribuera à bâtir le Canada.

Les changements qui se rapportent à la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces sont les bienvenus, même si les métiers désignés Sceau rouge sont déjà reconnus à l’échelon fédéral dans le cadre d’un processus qui n’est pas parfait, mais qui fonctionne bien pour les métiers spécialisés. Nous pressons le gouvernement d’harmoniser, en collaboration avec les provinces, le cadre de certification en matière de santé et sécurité sur les chantiers de construction afin d’améliorer la mobilité et la productivité de la main-d’œuvre.

Dernier point, il faut faire travailler tous les Canadiens qui souhaitent faire carrière dans les métiers spécialisés. Il faut donc des données pointues sur le marché du travail et sur les grands projets. Combien de métiers seront nécessaires, quand et où? Il faudra ces données pour optimiser les emplois pour les Canadiens et faciliter le déplacement des gens de métiers là il y aura du travail.

Il faut aussi le soutien constant du programme pour la formation et l’innovation en milieu syndical, ainsi que de solides exigences en matière d’apprentissage, afin que quiconque souhaite mettre la main à la pâte et contribuer à bâtir le Canada puisse le faire avec l’appui total des syndicats et du gouvernement.

Je suis prêt à répondre à vos questions. Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs.

Le président [ - ]

Merci, monsieur Strickland. Nous passons maintenant aux questions. Comme de nombreux sénateurs souhaitent poser des questions, j’informe respectueusement les témoins que les sénateurs apprécient les réponses concises.

Honorables sénateurs, je vous remercie d’indiquer à qui vous adressez vos questions.

Le sénateur Housakos [ - ]

Messieurs, soyez les bienvenus au Sénat.

L’Alliance canadienne du camionnage a sonné l’alarme devant les pressions économiques croissantes qui pèsent sur l’industrie, notamment l’inflation insoutenable, qui fait grimper les coûts, et la forte réduction de la taille des parcs et de la main-d’œuvre. Parallèlement, les intervenants de l’industrie réclament une prévisibilité à long terme afin de pouvoir orienter leurs décisions en matière de planification des immobilisations et d’investissement dans la main-d’œuvre. Or, bon nombre de ces préoccupations semblent avoir été ignorées dans le projet de loi C-5.

Compte tenu des conditions économiques difficiles, le projet de loi C-5 offre-t-il la prévisibilité et le soutien dont les entreprises de l’industrie du camionnage ont besoin pour investir à long terme dans l’équipement, la main-d’œuvre et la conformité? L’inclusion de calendriers de mise en œuvre propres à l’industrie ou de cadres de transition structurés contribuerait-elle à fournir la certitude nécessaire pour stabiliser l’industrie et lui permettre de prospérer?

M. Wood [ - ]

Je vous remercie, sénateur, de votre question. De notre point de vue, nous considérons qu’il s’agit d’un projet de loi et d’une réflexion qui témoignent d’une grande vision, et nous sommes ici pour appuyer le projet de loi, peu importe où il aboutira, et pour soutenir le pays. Sans entrer dans les détails, nous sommes ici pour apporter notre soutien. Il y a certains problèmes, mais nous estimons qu’avec les discussions et les partenariats appropriés, nous pouvons faire ce qu’il faut. Notre travail consiste à appuyer ces projets et à soutenir l’économie. Voilà pourquoi nous sommes ici, sénateur.

Le sénateur Housakos [ - ]

Avez-vous des amendements à proposer ou des recommandations à faire concernant le projet de loi C-5 qui seraient plus concrets que théoriques et qui permettraient à l’industrie du camionnage d’abattre dès aujourd’hui les obstacles économiques qui se dressent sur son chemin et de faire des plans à long terme? Car quand vient le temps d’investir sur le long terme, la planification à long terme et la stabilité sont capitales pour votre secteur d’activité.

M. Wood [ - ]

Si j’avais pu entrer à ce point-là dans les détails... j’ai toutefois mentionné quelques éléments dans ma déclaration. Je dirais qu’il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et qu’il faut soutenir les provinces et les territoires. Car dans notre monde à nous, la majorité des activités de camionnage sont encadrées par les provinces et les territoires. Il y a deux sujets — celui de la sécurité routière et celui des camions surdimensionnés ou trop pesants — que nous aimerions voir dans le projet de loi, s’ils n’y sont pas déjà. Je ne l’ai pas lu en détail, comme je vous le disais, mais nous aimerions certainement que ces deux éléments y figurent.

Pour ce qui est des ministères fédéraux, nous estimons que les manquements aux lois du travail et aux lois fiscales constituent un problème de taille pour l’industrie. Pour la suite des choses, tant que nous avons la certitude que ces deux dossiers seront balisés, nous sommes contents.

Les 10 dernières années ont été particulièrement difficiles. L’industrie du camionnage va mal et c’est principalement parce que l’économie souterraine prend de plus en plus de place et que la surveillance des autorités a été déficiente, surtout de la part de l’Agence du revenu du Canada et d’Emploi et Développement social Canada, qui s’occupent l’une des questions fiscales, l’autre des questions liées aux droits du travail, ce qui a permis à des entreprises peu scrupuleuses de réduire leurs coûts d’exploitation dans le but de gagner des parts de marché.

Nous nous conformons aux règles en vigueur — ce qui est devenu très difficile pour une entreprise de camionnage —, et nous avons besoin d’une surveillance plus étroite. Il faudrait que le gouvernement fédéral, en particulier l’Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada, s’engage plus fermement à faire le nécessaire pour protéger les camionneurs et les travailleurs respectueux des lois. Ce sont là quelques-unes de nos réflexions, sénateur. Je me suis attardé un peu plus aux détails, mais j’espère avoir répondu à vos questions. Si votre groupe a besoin de plus amples précisions, je serai ravi de lui en fournir.

Le sénateur Housakos [ - ]

Non, je vous remercie. Il est agréable de poser des questions à des gens qui ne sont pas des politiciens, car leurs réponses sont beaucoup plus détaillées. Je vous en suis reconnaissant.

La réalité, c’est que nous devons composer avec des contraintes de temps et des contraintes parlementaires. Ce n’est un secret pour personne, le gouvernement nouvellement élu aimerait que cet important projet de loi entre en vigueur avant le 1er juillet. Voilà qui ne nous laisse pas beaucoup de marge de manœuvre pour proposer des amendements.

Ma question s’adresse à M. Hyder, qui sait très bien comment les choses se passent à Ottawa et au sein du gouvernement. De votre point de vue et de l’avis de l’industrie, est-il envisageable de s’en remettre à des modifications réglementaires pour corriger certaines des lacunes de ce projet de loi?

M. Hyder [ - ]

Si vous me demandez si le projet de loi est parfait, je dois vous répondre que ce n’est pas le cas. Aucun projet de loi adopté ici n’était parfait. Nous ne pouvons pas laisser le mieux être l’ennemi du bien. Nous vivons un moment déterminant. La situation actuelle est loin d’être normale. Nous sommes confrontés à une véritable menace qui met en péril notre souveraineté, notre capacité à nous défendre ainsi que nos perspectives de prospérité économique et de croissance. Dans ce contexte, il faut que nous contrôlions les éléments que nous pouvons contrôler, plutôt que de permettre à quelqu’un d’autre de le faire pour nous.

La situation actuelle n’est pas normale. Les circonstances sont extraordinaires, et c’est dans cette optique que nous estimons que ce projet de loi s’appuie sur les bons objectifs et les bonnes intentions, avec lesquels nous pouvons composer afin de concrétiser la vision mise de l’avant pour bâtir davantage au Canada.

Pour être franc, tout haut cadre chargé, comme le serait le conseil d’administration, de prendre les décisions définitives en matière d’investissement ne verra pas les choses dans le contexte d’un seul projet de loi. Il abordera la question dans une optique beaucoup plus générale en tenant compte de notre situation actuelle. Ce que vous pouvez constater, c’est que nous sommes disposés à nous asseoir, à travailler avec les premiers ministres, les provinces, les groupes autochtones et le gouvernement fédéral, car c’est vraiment l’occasion pour tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté d’unir leurs efforts afin d’aider le pays à trouver un moyen de faire ce que les Canadiens viennent tout juste de demander au moment de voter, c’est-à-dire prendre le contrôle de ce que nous pouvons contrôler et trouver une façon de diversifier nos activités, de contrôler notre propre souveraineté et de ne pas dépendre d’un seul client, que nous ne pouvons pas blâmer pour la situation dans laquelle nous sommes. Il nous incombe de faire ce travail. Nous nous défendons bec et ongles contre les droits de douane américains alors que nous en imposons aux Canadiens depuis des dizaines d’années, car c’est bien ce que sont les obstacles au commerce interprovincial. C’est nous qui n’avons pas construit l’infrastructure d’Est en Ouest. Lorsque l’Europe et d’autres pays sont venus nous voir, nous leur avons dit que ce ne serait pas rentable et nous les avons renvoyés chez eux.

Il nous incombe de profiter de l’occasion pour diversifier et bâtir l’infrastructure au pays. Le Canada n’a d’excuses à présenter à personne, et le milieu des affaires non plus. Nous sommes fiers de notre bilan avec les communautés autochtones et du travail que nous avons réalisé avec les municipalités et les provinces au Canada. Les choses se sont-elles toujours déroulées parfaitement? Bien sûr que non. Pour plusieurs projets, pensons notamment à LNG Canada, nous avons réussi à accomplir le travail en deux ans. Cedar LNG, qui est le partenaire autochtone de TC Energy, a pu aller de l’avant en deux ans. Si la volonté est là, c’est possible d’y arriver.

Le sénateur Housakos [ - ]

La partie 2 du projet de loi C-5 permet au gouvernement fédéral d’accélérer les projets d’infrastructure considérés comme étant d’intérêt national. Toutefois, compte tenu de l’importance capitale des investissements prévisibles dans les corridors de transport pour le secteur du camionnage, comment la politisation de la sélection des projets selon des critères opaques ou un engagement incohérent — le manque de directives, de normes, etc. — pourrait-elle dissuader le secteur privé d’investir dans l’industrie? Quel mécanisme faut-il mettre en place comme mesure de protection pour s’assurer de consulter les représentants des camionneurs de façon significative et veiller à ce que les projets mis en priorité correspondent aux besoins de l’industrie, au lieu de n’offrir que des décisions politiques opportunistes dans l’immédiat?

M. Strickland [ - ]

À qui s’adresse la question?

Le sénateur Housakos [ - ]

N’importe lequel d’entre vous peut y répondre.

M. Strickland [ - ]

Cette situation s’applique au domaine du camionnage. De façon générale, pour répondre à votre question, sénateur, il s’est réalisé bon nombre de grands projets au Canada — les autoroutes, par exemple — mais il y a aussi une foule de grands projets qui n’ont jamais vu le jour.

Il y a 15 ans, je me souviens qu’il y avait au moins une dizaine de projets de transport de gaz naturel liquéfié de l’Alberta jusqu’à la côte de la Colombie-Britannique. Je me souviens aussi d’Énergie Est, un grand projet d’oléoduc se rendant jusque dans l’Est du Canada et à la raffinerie de Saint John, qui est actuellement la plus grande du Canada. Il y a eu toutes sortes de projets qui se sont finalement enlisés à défaut d’une réglementation efficace. Pour les membres de mon association, le problème, c’est qu’ils entendent qu’un grand projet sera mis en branle, qu’ils mobilisent leurs travailleurs et recrutent des apprentis, mais finalement le projet n’aboutit pas. Il n’y a alors pas d’emploi pour les apprentis formés.

En ce qui concerne le processus annoncé, en vertu duquel chaque projet ne nécessitera qu’une seule approbation, nous recommandons d’y joindre des données sur le marché du travail, pour connaître le nombre de gens de métier dont on aura besoin, quand et où. Nous pouvons recruter des travailleurs et former des apprentis, mais il faut qu’un certain degré de certitude soit associé à ces projets. Nous en avons besoin. Grâce à ce projet de loi, je pense que c’est la première fois depuis très longtemps qu’une plus grande certitude sera associée aux projets mis en branle au Canada.

Une partie du processus sera politisée, n’en doutons pas, mais je crois que, pour l’instant, il faut foncer. On voit actuellement que les Canadiens s’unissent et qu’ils s’attendent à ce que les politiciens fassent de même.

La sénatrice Hébert [ - ]

Messieurs, il est réjouissant de voir des représentants d’entreprises et des travailleurs assis côte à côte, appuyant les objectifs du projet de loi et ayant comme objectif commun de renforcer l’économie canadienne. C’est tout à votre honneur.

Monsieur Hyder, vous souhaitiez parler de l’aspect du projet de loi qui concerne le commerce interprovincial, je vais donc vous donner l’occasion de le faire avec ma question, si vous me le permettez.

D’après ce que j’ai compris de vos déclarations publiques, vous considérez le projet de loi C-5 comme une mesure importante pour éliminer les obstacles au commerce interprovincial. J’aimerais toutefois savoir si vous pensez que le projet de loi sera suffisant pour atteindre cet objectif. Autrement, quels autres outils ou initiatives devrions-nous mettre en place pour nous assurer que cette fois-ci, nous réussirons? C’est un sujet dont nous discutons depuis un certain temps déjà.

M. Hyder [ - ]

Pour une fois, la pression viendra du public, selon moi. Jamais la population n’a été aussi consciente de l’absurdité de ces obstacles au commerce interprovincial qu’aujourd’hui. C’est un sujet de conversation dans les foyers canadiens, et je pense donc que la population canadienne exigera des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux qu’ils agissent en conséquence.

Comme vous le savez, sénatrice, il y a deux volets. Avec le gouvernement fédéral, il est évident qu’entre maintenant et le 1er juillet, l’intention est de travailler sur les obstacles fédéraux qui ne sont pas liés à la sécurité nationale. Il s’agit d’éliminer les obstacles fédéraux. Les gouvernements provinciaux, eux, ont annoncé des ententes, des intentions de collaborer, mais je vais être honnête, j’ai eu à parler à plusieurs premiers ministres provinciaux qui ont décidé de prévoir des exceptions, ce qui nous engage sur une pente glissante.

Il faut qu’ils sentent cette pression de la part des Canadiens, et je pense que c’est ce qui va se passer parce que, comme je le disais, c’est quand même paradoxal que nous nous tournions vers les Américains pour qu’ils suppriment leurs droits de douane et que nous agissions comme si nous n’avions rien à nous reprocher, alors que nous nous en imposons à nous-mêmes. Au fond, les obstacles interprovinciaux au commerce, ce sont des droits de douane sans le nom. Or, ces obstacles privent le PIB d’environ 4 % de sa valeur. On calcule que, pour chaque obstacle, il faut payer 7 % de plus que ce qui devrait être payé. Les Canadiens paient 7 % de plus que ce qu’ils sont capables de payer alors que l’époque est marquée par l’inflation et la stagnation économique. Il s’agit d’une excellente occasion pour la population de continuer à faire pression sur nous tous pour que nous abolissions ces obstacles au commerce une bonne fois pour toutes.

La sénatrice Hébert [ - ]

J’aimerais aussi entendre ce que vous avez à dire au sujet de la main-d’œuvre, monsieur Hyder. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai que, pour réaliser de grands projets d’infrastructures, il faut des travailleurs. Or, de nombreux secteurs d’activité manquent de main-d’œuvre. Les membres de votre organisme craignent-ils que les nouveaux objectifs d’immigration définis par le gouvernement compromettent la réalisation de ces grands projets ou nuisent à l’industrie?

M. Hyder [ - ]

Merci pour la question. La perte du consensus générationnel sur l’immigration, qui inquiète grandement les employeurs, est sans conteste au cœur des préoccupations. Nous comptons beaucoup sur une main-d’œuvre talentueuse, qui se compose en bonne partie d’immigrants. Le taux de natalité au pays est de 1,3 actuellement, et il nous faut des travailleurs pour être en mesure de bâtir. L’intelligence artificielle ne nous aidera pas à construire les pipelines. La main-d’œuvre est essentielle pour abattre le gros du travail à accomplir pour construire des infrastructures.

Nous cherchons, notamment, à insister davantage sur les compétences, le recyclage et la reconnaissance professionnelle. Comme je l’ai déjà dit, la reconnaissance des titres de compétence étrangers explique à merveille le déclin de la productivité. En effet, nous avons berné des gens en les invitant à venir au Canada en raison de leur formation, de leurs compétences et de leurs qualifications, car ces personnes se sont fait dire ensuite qu’elles ne pouvaient pas être infirmières, médecins ou ingénieurs au Canada. Il faut mettre fin à ces incohérences pour que les immigrants que nous faisons entrer au pays puissent travailler dans leur domaine.

Loin de moi l’idée de nier l’importance des réfugiés, des personnes qui immigrent pour des considérations humanitaires ou des travailleurs étrangers temporaires. Chacun d’entre eux joue un rôle et contribue réellement à l’économie.

Cela étant dit, plus de migrants économiques peuvent contribuer à la croissance de notre économie. Nous devons augmenter le pourcentage de migrants économiques qui arrivent au pays pour regagner la confiance que les Canadiens ont perdue ces dernières années. Ils ont l’impression que nous avons perdu le contrôle et cherchent maintenant un bouc émissaire pour dire : « Je ne peux plus conduire sur la route en raison des embouteillages, la criminalité a augmenté ou il y a des problèmes d’abordabilité. » Nous devons jeter le blâme sur quelqu’un.

Nous devons travailler ensemble pour rétablir le consensus en matière d’immigration, et l’une des façons d’y parvenir, c’est de montrer aux Canadiens que nous faisons venir des gens qui sont qualifiés, qui travaillent et qui ont l’intention de travailler pendant une trentaine ou une quarantaine d’années pour contribuer à l’économie et financer les programmes sociaux auxquels les Canadiens s’attendent.

J’exhorte le Sénat à examiner la question de très près, car elle est probablement primordiale pour notre croissance économique et notre prospérité.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Merci, messieurs, de votre présence parmi nous et de tout ce que vous faites pour le Canada.

Monsieur Hyder, selon vous, le projet de loi C-5 répond-il efficacement aux deux défis économiques de longue date du Canada, à savoir la faible productivité et la concurrence insuffisante? Comment ce texte de loi contribuera-t-il à faire avancer les choses sur l’un ou l’autre de ces fronts?

M. Hyder [ - ]

Merci de votre question, monsieur le sénateur. À chacune des réunions de nos membres — qui sont les dirigeants de plus de la moitié des sociétés cotées à la Bourse de Toronto —, nous les sondons. Chaque fois que nous leur demandons l’enjeu le plus important sur lequel nous pouvons travailler pour eux, ils répondent invariablement « la réglementation ». La réglementation les freine.

Comme vous parlez de concurrence, je dirai que, au Japon ou en Corée, l’utilisation du spectre est gratuite, mais ici, nos entreprises de télécommunications doivent payer pour y avoir accès. Ce coût est répercuté sur les clients, ce qui explique pourquoi les tarifs sont plus élevés.

Si vous demandez à une compagnie aérienne pourquoi aucune compagnie aérienne américaine à bas prix ne traverse la frontière en provenance de Seattle ou de Buffalo, on vous répondra que c’est parce qu’un billet à 1 $ se transforme en une facture de 175 $, en raison de la réglementation gouvernementale et des taxes prélevées.

Nous ne sommes pas compétitifs. Nous devons être honnêtes avec nous-mêmes. Nous avons du mal à parler aux Canadiens avec franchise du genre de pays que nous pouvons nous permettre aujourd’hui. Voilà pourquoi nous prônons la croissance économique. C’est grâce à la croissance — notamment à l’élimination des barrières commerciales interprovinciales, qui constitue le moyen le plus facile de favoriser la croissance — que nous serons en mesure d’accomplir ce que les Canadiens attendent de nous.

La prémisse de la question de la productivité est contestée par bon nombre de mes membres parce que, avec tout le respect que je vous dois, elle inclut le secteur public. Nous estimons que si vous séparez la productivité du secteur privé de celle du secteur public, vous constaterez que cela fait partie de l’ADN du secteur privé d’investir dans la recherche et le développement, d’innover et de croître, car les entreprises de ce secteur se livrent à une concurrence féroce pour devancer leurs concurrents qui tentent de les battre ou de les acculer à la faillite.

En revanche, si vous regroupez les deux secteurs, notre productivité diminue. La plupart des chefs d’entreprise vous diront qu’ils réfléchissent constamment à l’innovation, aux gains de productivité et aux gains d’efficience afin de pouvoir rivaliser contre la communauté mondiale dans laquelle nous nous trouvons.

Le projet de loi n’aboutira peut-être pas directement à cela, mais l’esprit du projet de loi, l’intention de collaborer de manière équitable et le message que nous envoyons, à savoir que nous travaillerons ensemble pour tenter de surmonter la confédération que nous formons et faire avancer les choses, auront une incidence importante. Cette chose appelée Internet est accessible partout.

Tout le monde sait que nous avons dû nationaliser un oléoduc pour qu’il soit construit. Nous n’avons rien construit depuis très longtemps. J’ai souvent dit que si notre pays avait été fondé aujourd’hui, nous serions probablement une Union européenne, car nous n’aurions pas d’autoroute nationale ou de chemin de fer national. Il serait presque impossible d’en construire selon les règles et les réglementations que nous nous sommes imposées. Ce gain de productivité est possible si nous parvenons à arrêter de nous mettre des bâtons dans les roues et à construire des choses dans toutes les directions au Canada.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Merci de votre réponse. C’est très encourageant.

Je suis particulièrement étonné de vous avoir entendu dire que votre réseau couvre 50 % du PIB du pays. C’est merveilleux. C’est un honneur de vous savoir ici aujourd’hui.

Pourriez-vous nous dire ce que vous avez pensé des consultations menées auprès de votre réseau et du secteur privé avant la présentation de ce projet de loi? Les gens sont-ils généralement favorables au modèle proposé dans le projet de loi C-5? Comment réagissent-ils? Voient-ils tout cela d’un bon œil? J’aimerais avoir votre avis, puisque vous représentez 50 % du PIB du pays.

M. Hyder [ - ]

C’est une excellente question. Je dois rendre aux membres de notre association le mérite qui leur est dû, car ils pensent tous les jours à investir les capitaux des autres, c’est-à-dire les actionnaires. Pour des questions de responsabilité, leur préférence va aux démocraties, et bien sûr au Canada, mais les capitaux ne parlent pas cette langue-là. Ils vont là où ils peuvent fructifier, alors quand les gens regardent le projet de loi C-5, ils y voient une orientation, de bonnes intentions et de la bonne foi. J’étais à Saskatoon avec le premier ministre et les premiers ministres des provinces, et le sentiment d’unité qui se dégageait était palpable.

Cela dit, avec tout le respect qui est dû aux élus, on ne peut pas encadrer la circulation des capitaux avec des lois. Tout le reste, oui, mais on ne peut pas obliger une personne à investir dans tel ou tel pays. Votre tâche à vous, les législateurs, consiste à créer les conditions nécessaires pour que cela devienne possible.

Par conséquent, en ce qui concerne le projet de loi C-5, nous sommes tout à fait conscients qu’il y a d’autres éléments. Le mot « irritants » n’est probablement pas le bon, car il s’agit de questions importantes. On parle de construire des infrastructures pour acheminer l’énergie, en particulier, vers des marchés comme le Japon et la Corée, qui exploitent des centrales au charbon, afin de leur fournir du gaz naturel liquéfié comme combustible de transition pour réduire les émissions, mais on impose également une interdiction des pétroliers, le projet de loi C-69, un plafond des émissions et un règlement sur les combustibles propres. Cette montagne de règles dissuade les conseils d’administration de prendre la décision finale d’investir ici. Ceux-ci réalisent qu’ils peuvent prendre l’argent et faire beaucoup plus avec en allant ailleurs, où ils n’ont pas à composer avec une montagne de règles. Là-bas, ils sont bien accueillis, et les capitaux vont là où les conditions sont favorables. Nous devons nous pencher là-dessus.

La sénatrice Osler [ - ]

Merci à tous les témoins d’être ici aujourd’hui. Ma question s’adresse à M. Strickland, des Syndicats des métiers de la construction du Canada.

Dans votre introduction, vous avez parlé de l’harmonisation des normes de santé et de sécurité afin de protéger les travailleurs. La Société canadienne du cancer est d’accord. Voici, par exemple, ce qu’un de ses représentants a déclaré :

Il existe une mesure fédérale qui interdit l’utilisation de l’amiante dans les produits, mais les provinces en autorisent une certaine quantité dans les produits. Cela signifie donc que malgré l’interdiction de l’amiante dans les produits depuis plusieurs années, l’amiante pourrait faire son retour dans les produits. Ce n’est pas une bonne chose.

Le ministre LeBlanc était ici hier, et il a parlé de l’harmonisation des différentes normes provinciales afin d’éviter les doubles emplois et de ne pas se contenter du plus petit dénominateur commun. Alors que le gouvernement se penche sur son travail futur, quels sont les pièges à éviter et quelles sont les pratiques exemplaires pour harmoniser les normes et ainsi protéger au maximum la santé et la sécurité des travailleurs?

M. Strickland [ - ]

Merci beaucoup.

Vous tapez dans le mille avec votre question. Au niveau national, le programme Sceau rouge fonctionne raisonnablement bien, mais il y a certaines différences quant au nombre d’heures requises pour obtenir un certificat de compétence dans tel ou tel métier. Les exigences varient d’un endroit à l’autre. Alors si on veut harmoniser les règles, il faut que tout le monde se conforme à la norme la plus élevée. Il faut que la partie scolaire du parcours respecte les normes les plus strictes qui soient. Nous voulons former les meilleurs gens de métier possible au Canada. Voilà le genre de chose qu’il doit y avoir dans le programme Sceau rouge.

Au programme Sceau rouge est aussi associé le Conseil canadien des directeurs de l’apprentissage, qui est composé des directeurs de l’apprentissage des différentes provinces. Ce ne sont pas tous les métiers qui sont reconnus comme des métiers Sceau rouge, et cela varie selon la province. Par conséquent, les gens de métier ont parfois du mal à aller travailler dans une autre province, car leur métier n’y est pas nécessairement considéré comme un métier Sceau rouge. Il arrive aussi que ce programme favorise leur mobilité, mais c’est parce que la norme n’est pas aussi élevée ailleurs. Autrement dit, nous sommes très loin d’avoir la même qualité entre métiers.

Il y a certaines choses qui pourraient changer cet aspect du processus menant à l’obtention d’un certificat de compétence et le caractère obligatoire de certains métiers.

J’ai également mentionné dans ma déclaration liminaire — et je vous remercie de l’avoir relevé, madame la sénatrice — qu’un grand frein à notre productivité dans les projets de construction vient de la non-reconnaissance d’une administration à l’autre de nos certificats de sécurité. Par exemple, si vous détenez un diplôme de travail en hauteur — qui est obligatoire en Ontario avant de pouvoir être affecté à un projet de construction — et que vous êtes envoyé sur un grand chantier en Alberta, vous devez obtenir un autre certificat de travail en hauteur. Si vous suivez une formation sur les espaces confinés et que vous vous rendez dans une autre province qui ne la reconnaît pas, vous devez en suivre une nouvelle.

Souvent, des travailleurs ayant des niveaux d’attestation en sécurité très similaires sont affectés à des projets d’envergure dans les champs pétrolifères ou à de grands projets d’infrastructure comme le site C. Ils passent alors une semaine ou dix jours supplémentaires en classe pour obtenir des attestations qu’ils ont déjà obtenues dans leur province d’origine.

La sénatrice Robinson [ - ]

Nous sommes ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-5, la Loi sur l’unité de l’économie canadienne, dont la première partie vise à éliminer les obstacles au commerce interprovincial.

Plus tôt cette semaine, notre comité a entendu le témoignage de la ministre Freeland. Elle a dit vouloir supprimer certains des obstacles auxquels sont confrontés les camionneurs au pays. L’un des obstacles au commerce interprovincial auxquels doivent faire face les agriculteurs et les éleveurs est le manque d’uniformité dans les limites de poids des camions. Le fait que l’incidence de ces restrictions est plus prononcée sur les routes rurales met en évidence leur incidence sur l’agriculture canadienne. Des camions remplis de fruits, de légumes et d’autres produits agricoles se heurtent à un ensemble disparate de restrictions de poids lorsque les denrées alimentaires sont acheminées vers les marchés. Ce manque d’efficacité entraîne inévitablement des hausses de prix des aliments pour les consommateurs canadiens.

Votre association a souligné les problèmes liés aux restrictions de poids dans le rapport de 2023 que vous avez mentionné au début de votre intervention. Travaillez-vous avec les gouvernements pour uniformiser ces restrictions dans l’ensemble du pays?

M. Wood [ - ]

Je vous remercie de la question.

La réponse courte est oui. Il y a toute une série d’options que nous envisageons avec le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière pour évaluer ce qu’il en coûterait pour uniformiser les règles du jeu en ce qui concerne les poids et les dimensions. Il examine le coût pour les infrastructures et le compare aux gains de productivité et aux avantages que vous avez mentionnés concernant le transport des produits agricoles.

Nous réfléchissons à la situation, nous avons eu quelques discussions préliminaires et nous examinons les premiers chiffres pour déterminer comme nous allons procéder.

La sénatrice Pupatello [ - ]

Merci, messieurs, de votre présence parmi nous aujourd’hui. J’aime la tournure positive que vous donnez à vos commentaires sur le projet de loi.

Ma question s’adresse à M. Strickland, des Syndicats des métiers de la construction du Canada. Vous avez parlé des certifications en santé et sécurité. Il me semble que le travail en hauteur nécessite le même niveau de sécurité, que ce soit à Terre-Neuve ou en Ontario. Je ne vois donc pas la difficulté d’aplanir les différences entre les certifications, qui sont presque identiques dans chaque province. Je voudrais savoir si vous recommanderiez d’ajouter à cet effet un élément de réglementation — un règlement qui prévoirait la meilleure formation sur le travail en hauteur, les matériaux dangereux ou les éclairs d’arc électrique.

Je me demande comment vous pensez gérer la pénurie de travailleurs spécialisés dont nous aurons besoin, parce que lorsque les annonces débuteront — pourvu que les projets et leur emplacement puissent être annoncés —, les projets pourraient se retrouver dans plus d’une province. Il faudra une certaine mobilité de la main-d’œuvre, mais les effectifs sont insuffisants. Étant donné l’excellent travail que vous avez fait en attirant plus de femmes dans les métiers de la construction, que pouvez-vous faire pour améliorer les choses relativement rapidement et attirer davantage de femmes — et plus de membres de groupes racisés qui ne se dirigent pas naturellement vers ces métiers — afin d’atteindre le nombre voulu?

M. Strickland [ - ]

Merci de votre question, sénatrice.

En réponse à la deuxième partie de la question, j’ai dit dans mon discours liminaire que, si des fonds fédéraux sont prévus pour ces projets, il devrait y avoir conditionnalité de la main-d’œuvre, qui devrait gagner le salaire courant. Il faut donc payer des salaires de syndiqués, ce qui veut dire que le travail serait réservé aux syndicats, avec ce que cela suppose de salaires plus élevés, de prestations intégrales de santé et de bien-être, de financement pour la formation industrielle et ainsi de suite. Il faut aussi un nombre minimum obligatoire d’apprentis.

Je traite souvent avec des propriétaires et de grands acheteurs en construction, et nous leur disons qu’ils ont besoin d’un minimum obligatoire d’apprentis de 10 %. Nous avons signé un protocole d’entente avec la First Nations Power Authority dans lequel nous avons convenu que, de ces 10 %, 50 % seraient des Autochtones. Nous en faisons autant pour les femmes, les Noirs, les Autochtones, les gens de couleur, les minorités visibles. Dans ce minimum obligatoire de 10 %, la moitié vient de minorités visibles pour attirer plus de femmes et de populations diversifiées dans les métiers.

Pour contribuer à l’atteinte de cet objectif, nous pouvons miser sur les politiques gouvernementales et les marchés publics dont je viens tout juste de parler. Il y a aussi le Service canadien d’apprentissage, qui avait été établi avec beaucoup de succès. Nous en avons de nouveau besoin pour avoir un nombre suffisant d’apprentis et de compagnons. Il y avait une mesure incitative pour encourager les entrepreneurs à embaucher des apprentis : 5 000 $ pour un apprenti de première année; 10 000 $ pour l’embauche d’un apprenti appartenant à une minorité visible. Nous pouvons travailler de nombreuses façons différentes pour attirer plus de membres de minorités visibles dans les métiers.

Cependant, la principale chose dont nous avons besoin — je veux juste mettre en contexte la pénurie de gens de métier. Ce n’est pas dans tous les corps de métier et dans toutes les régions en tout temps qu’il manque de main-d’œuvre au Canada. C’est épisodique. À l’heure actuelle, nous avons un taux de chômage élevé à Toronto parce que le secteur des immeubles multirésidentiels et des gratte-ciel s’effondre. Nous avons également un taux de chômage élevé à Terre-Neuve-et-Labrador. Même chose en Colombie-Britannique compte tenu de l’achèvement du projet du Site C et d’un ralentissement dans le secteur du gaz naturel liquéfié. Nous avons aussi des frictions à Toronto et à Windsor à cause de mises à pied dans les secteurs de l’acier, de l’aluminium et de l’automobile — nos membres font tout l’entretien dans ces usines.

Nous devons donc examiner très attentivement notre main-d’œuvre, et c’est la raison pour laquelle je préconise que des données complexes sur le marché du travail soient jointes au processus d’approbation de ces projets. Les promoteurs doivent dire de combien de gens de métiers ils ont besoin et indiquer le moment et l’endroit. Nous pourrons alors gérer la situation. Nous pouvons faire venir les apprentis. Nous pouvons diversifier la main-d’œuvre. Nous pouvons accroître le nombre de femmes dans les métiers. Nous avons toutefois besoin de cette information dès le départ, sénatrice.

La sénatrice Gerba [ - ]

Puisque j’ai déjà obtenu une réponse à une partie de ma question, je vais la reformuler pour M. Strickland.

Le projet de loi C-5 vise à faciliter la mobilité de la main-d’œuvre et à harmoniser le commerce interprovincial. Il représente donc une occasion réelle pour les entreprises, en particulier les grandes entreprises.

J’aimerais savoir ce que vous recommandez ou ce que vous croyez faisable sur le plan de l’approvisionnement et des marchés publics. Y a-t-il des mesures ou des pratiques à mettre en place pour faire en sorte que le projet de loi C-5 puisse établir des normes grâce auxquelles les entreprises issues de la diversité ou celles qui appartiennent à des femmes et à des personnes immigrantes pourraient avoir accès aux marchés publics, soit du gouvernement ou des grandes entreprises?

M. Strickland [ - ]

Oui, bien sûr. Le gouvernement a instauré dans les crédits d’impôt à l’investissement dans l’économie propre une mesure incitative pour l’hydrogène, les petits réacteurs modulaires et la séquestration du carbone. Pour avoir droit au crédit d’impôt maximal de 30 % prévu par cette mesure législative qui a été adoptée par le Sénat, il fallait respecter les normes du travail, notamment quant aux salaires courants dans ce secteur — soit celui des travailleurs de la construction — et aux exigences minimales obligatoires à l’égard des apprentis.

Je pense qu’il faut aussi mettre en place des exigences relatives aux normes du travail et aux apprentis aux fins de la base de données sur les grands projets et du principe d’une seule approbation par projet.

Il faut en outre considérer la nature de ces projets qui pourront être réalisés dans différentes régions du pays. Il y a deux ans, le Sénat a aussi entériné la Déduction pour la mobilité de la main-d’œuvre, une disposition que notre groupe réclame depuis 30 ans. Cette déduction offre aux gens de métier un incitatif pouvant atteindre 4 000 $ afin qu’ils acceptent de se déplacer d’un endroit à un autre pour travailler, non pas de façon permanente, mais sur une base semi-permanente. Nos membres sont souvent envoyés un peu partout au pays pendant trois semaines, pour avoir droit ensuite à deux semaines de congé. Si le remboursement des frais liés à ces déplacements n’est pas prévu dans leur contrat, ils doivent les assumer eux-mêmes. C’est un obstacle à la mobilité de la main-d’œuvre au Canada.

Une déduction de 4 000 $ est maintenant offerte si le travailleur doit se déplacer sur une distance de plus de 150 kilomètres. Nous proposons de faire passer ce montant à 10 000 $ et de diminuer le rayon de déplacement à 120 kilomètres. On favorisera ainsi une plus grande mobilité de la main-d’œuvre partout au pays lorsque les frais ne sont pas couverts par le contrat.

J’estime donc qu’un large éventail de mesures pourraient être prises pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre d’un bout à l’autre du pays.

Le sénateur Klyne [ - ]

Ma question s’adresse au Conseil canadien des affaires. Si je comprends bien, le conseil est composé de dirigeants et d’entrepreneurs de plus de 170 entreprises canadiennes de premier plan, et ce, dans tous les secteurs et toutes les régions du pays. Je suppose que bon nombre de ces membres se préparent à soumissionner pour obtenir des contrats du gouvernement qui découleront de l’adoption du projet de loi C-5. Par ailleurs, je suppose que plusieurs de ces contrats seront assujettis aux programmes de marchés réservés du gouvernement.

Êtes-vous en train de préparer ou de conseiller les membres du conseil sur la manière de présenter un plan de participation des peuples autochtones dans le cadre des programmes de marchés réservés du gouvernement?

M. Hyder [ - ]

Merci de votre question, sénateur. Chaque entreprise va œuvrer de son côté, projet par projet. Elles se font concurrence entre elles, même si je les représente toutes.

Je crois qu’il ne manque pas de données pour montrer que les projets qui ont été couronnés de succès l’ont été parce que les Autochtones qui y ont participé en étaient actionnaires.

Je vous rappelle, sénateur, que c’est en partie pour cette raison que le Conseil canadien des affaires a milité pour la création du programme de garantie de prêts pour les Autochtones, afin que les communautés autochtones, surtout celles qui n’ont pas vraiment d’expérience dans les affaires, puissent être actionnaires et partenaires de projets et pour les aider à atténuer les risques connexes parce que, quand on n’a pas d’expérience, on ne sait pas trop dans quoi on s’embarque.

L’idéal, c’est de ne jamais avoir à utiliser la garantie de prêt. Il s’agit davantage d’un filet de sécurité en cas de pépin. Je salue d’ailleurs le gouvernement actuel de l’avoir doublée quelques semaines à peine après l’entrée en fonction du premier ministre, si je ne m’abuse. La garantie a été doublée, ce dont nous nous réjouissons, parce que cette mesure ouvrira de nouveaux débouchés aux communautés autochtones, qui pourront mieux participer aux projets et en devenir actionnaires. Cela facilitera la mise sur pied de programmes, ce qui, à nos yeux, constitue l’un des moyens les plus rapides d’unir nos efforts et de recommencer à bâtir des immeubles et des infrastructures au pays.

La sénatrice Henkel [ - ]

Ma question s’adresse aux représentants du Conseil canadien des affaires. Les PME ont été durement touchées par la pandémie et elles continuent d’évoluer dans un climat économique incertain. Ces PME se heurtent souvent à des biais et à des perceptions qui amputent leur capacité à accéder à du financement, entre autres. Ajoutons à cela le fait que ces PME ne disposent pas des ressources humaines et financières pour participer aux appels d’offres publics.

Dans ce contexte, comment votre conseil envisage-t-il de soutenir la participation concrète des PME aux projets d’intérêt général qui découleront de la mise en œuvre du projet de loi C-5?

M. Hyder [ - ]

Merci, sénatrice. Je le répète, je suis heureux de dire que depuis le début de la pandémie, notre organisation travaille en étroite collaboration avec la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, la Chambre de commerce du Canada, la chambre de commerce autochtone et d’autres associations précisément pour cette raison. Le fait est que, comme nous l’a démontré la COVID, lorsque les grandes entreprises se portent bien, la chaîne d’approvisionnement se porte bien; si les grandes entreprises ne contribuent pas à l’économie, la chaîne d’approvisionnement en souffre. Voilà pourquoi nous avions besoin de programmes de soutien pendant la pandémie, car les grandes entreprises pouvaient facilement faire travailler leurs employés de chez eux, mais les restaurants, les nettoyeurs et les cafés ont dû fermer leurs portes. Sans ce lien entre les grandes et les petites entreprises, ce sont les petites entreprises qui finissent par souffrir.

Elles sont nos partenaires. Elles constituent notre chaîne d’approvisionnement. Elles nous aident de nombreuses façons. Donc, quand je dis que nous sommes dans le même bateau, c’est vraiment le cas. Lorsque les grandes entreprises vont bien, les petites entreprises vont bien aussi parce qu’elles profitent de la croissance. Si elles sont en difficulté, c’est franchement parce que, comme je l’ai déjà dit, notre économie est assez stagnante. Sans la croissance démographique, notre croissance serait pratiquement nulle, entre 0 et 1 %. C’est une croissance anémique. Ce genre de situation ne devrait arriver que par accident dans un pays comme le nôtre. Nous devrions viser un objectif de 3, 4 ou 5 %. C’est à notre portée, comme nous l’avons tous mentionné dans nos commentaires. Il nous suffit de nous laisser le champ libre et de continuer à collaborer avec les communautés autochtones, les petites entreprises, les entreprises appartenant à des femmes. Nous estimons que toute la société peut y parvenir en travaillant ensemble.

La sénatrice Henkel [ - ]

Vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question.

Nous savons à quel point il est complexe et difficile pour les PME de compétitionner sur des appels d’offres, non seulement sur les marchés publics, mais aussi auprès de grandes entreprises. Que comptez-vous faire pour faciliter la survie de ces PME qui sont, encore une fois, celles qui paient le gros prix de tous les déboires économiques?

M. Hyder [ - ]

Mon intention était de répondre comme je l’ai fait : quand les grandes entreprises vont bien, la chaîne d’approvisionnement se porte bien elle aussi; or la chaîne d’approvisionnement, ce sont les petites entreprises qui la composent. C’est ma réponse.

Je dirais que c’est possible dans certains cas. À l’échelle locale, disons qu’il se forme un consortium, alors ce serait une bonne idée qu’il requière les services des petites entreprises et les intègre dans les soumissions qu’il envoie en réponse aux demandes de propositions — ou dès que l’occasion se présente.

On parle ici de projets qui valent plusieurs milliards de dollars, alors il faudra que ce soit des grandes entreprises qui en prennent les commandes. Quand les grandes entreprises vont bien, la collectivité va bien, et j’inclus les petites et moyennes entreprises là-dedans.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Merci d’être là, messieurs.

Je m’intéresse aussi à la mobilité de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction, particulièrement au Québec par rapport aux autres provinces canadiennes.

Il est vrai qu’il y a beaucoup moins d’ouvriers du Canada anglais qui viennent travailler au Québec que l’inverse, même s’ils ont une certification Sceau rouge, car ces travailleurs ont aussi besoin de se conformer à une étape administrative supplémentaire, soit l’obtention d’un permis de travail à la Commission de la construction du Québec.

Dans un effort en vue de faire tomber les barrières entre les provinces et de faire avancer ces grands projets, que proposez-vous de concret?

M. Strickland [ - ]

Je suis heureux de pouvoir dire que la Commission de la construction de Québec a entrepris des discussions concernant la reconnaissance des titres de compétence des autres provinces, et ce, il y a quelques semaines à peine.

Je crois aussi comprendre que le premier ministre s’est dit disposé à discuter de cette reconnaissance pour d’autres professions, pas seulement pour les métiers de la construction. C’est précisément le genre de chose qui faciliterait la mobilité et permettrait aux travailleurs du Québec d’aller dans d’autres provinces, et vice versa.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Alors si on exclut le Québec de l’équation, la question de la mobilité serait réglée, vous croyez? Parce que cela ne semble pas être le cas des travailleurs de la construction. Le problème semble plus gros. J’aimerais aussi avoir l’avis de vos collègues sur les deux côtés de l’équation.

M. Strickland [ - ]

À l’extérieur du Québec, la mobilité n’est pas un aussi gros problème pour nous grâce au programme Sceau rouge.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Quel pourcentage des travailleurs de la construction ont la certification Sceau rouge? Dressez-moi un bref portrait de la situation.

M. Strickland [ - ]

Je vais me renseigner et vous donner une réponse, sénatrice, mais il est supérieur à 50 %. Nos travailleurs sont mobilisés pour réaliser des projets d’infrastructure majeurs dans tout le pays. Par exemple, en Alberta, lorsque vient la saison des révisions — la période d’arrêt pendant laquelle on effectue tous les travaux d’entretien — près de la moitié des travailleurs, soit entre 5 000 et 8 000 personnes, vient de l’extérieur de la province. Tous ces travailleurs doivent détenir l’accréditation Sceau rouge pour pouvoir travailler sur ces projets.

Je pourrai vous fournir des données plus détaillées à ce sujet, mais pour travailler dans le secteur syndiqué de la construction et garantir votre sécurité financière au Canada, vous devez obtenir l’accréditation Sceau rouge.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Monsieur Hyder, j’aimerais connaître votre point de vue sur la question de la mobilité de la main-d’œuvre.

M. Hyder [ - ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, et je suis tout à fait d’accord avec mon collègue. Il y a une différence entre la mobilité et la disponibilité, et je pense que ce que nous observons en ce moment relève un peu des deux.

Je représente au moins six des plus grands constructeurs de notre pays. Lorsque je m’entretiens avec les PDG de ces organisations, et en particulier lorsque nous abordons le sujet du logement, qui est une question importante et chère au cœur des Canadiens, ce que je les entends dire, c’est que nous manquons de plombiers, d’électriciens, d’applicateurs de panneaux muraux et de chefs de projet.

Il se peut que ce problème soit en partie une question de mobilité. Ces travailleurs sont peut-être au chômage dans une autre province, mais ils ne peuvent pas déménager à Toronto ou ailleurs où nous avons besoin d’eux.

Cependant, le problème pourrait également être une question de disponibilité, ce qui nous ramène à la question posée précédemment concernant l’immigration et la nécessité de veiller à attirer des gens ayant les compétences dont nous avons besoin à l’heure actuelle et dont nous aurons besoin à l’avenir, en nous basant sur les données sur la main-d’œuvre, comme cela a été souligné.

Nous devons faire la distinction entre la disponibilité et la mobilité. Certains problèmes sont liés à une combinaison de ces facteurs.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Voici une question de ma collègue Pat Duncan. Que faites-vous pour récupérer la main-d’œuvre qui a quitté notre pays, par exemple les monteurs de lignes sont très spécialisés aux États-Unis. On aurait besoin d’eux au Canada pour mener à bien ces grands projets. Essayez-vous de les faire revenir?

M. Hyder [ - ]

C’est une très bonne question, car j’entends de plus en plus souvent les membres dire qu’il y a là une occasion bien réelle d’attirer des talents qualifiés en provenance des États-Unis. C’est bien sûr le cas dans les institutions. D’ailleurs, je viens d’apprendre que les Émirats arabes unis ont mis la main sur un laboratoire complet. Les gens à l’université avaient peur. Beaucoup d’entre eux étaient des immigrants et ils ne savaient pas s’ils allaient être en mesure de faire leur travail. Alors, ils ont tout simplement déménagé, sachant que leurs compétences étaient prisées.

Si vous manquez de main-d’œuvre qualifiée et que vous savez où la trouver, vous allez vous battre pour l’avoir. De façon plus générale, le problème pour nous, c’est que nous parlons de mobilité de la main-d’œuvre au sein du Canada. Notre rêve serait de parler de la mobilité de la main-d’œuvre à l’échelle de l’Amérique du Nord. Nous aimerions voir un programme d’employeurs de confiance qui reconnaîtrait le fait que j’emploie des salariés au Canada, aux États-Unis et au Mexique, et que, le plus souvent, ces salariés sont, pour des raisons démographiques, dans ces autres pays. Or, je ne peux pas déplacer mes employés au sein de ma propre entreprise.

La sénatrice Petten [ - ]

Je remercie les témoins d’être là aujourd’hui. J’aimerais adresser ma question à M. Strickland. Hydro Terre-Neuve-et-Labrador a récemment signé une nouvelle entente-cadre avec Hydro-Québec pour la vente de l’électricité produite à la centrale de Churchill Falls.

Cette entente prévoit également la réalisation conjointe de deux autres projets énergétiques sur le fleuve Churchill. Pendant toute sa durée, l’entente générera des revenus totaux de plus de 225 milliards de dollars pour ma province.

Elle permettra également de créer des milliers d’emplois, soit en moyenne 3 000 emplois durant la construction et un nombre record de 5 000 emplois directs. En raison des droits de douane imposés par les États-Unis, Churchill Falls a pris encore plus d’importance sur le plan de la sécurité énergétique et de la souveraineté du Canada.

Comment des projets comme celui de Churchill Falls, qui est un exemple de collaboration interprovinciale, pourraient-ils bénéficier de la mobilité de la main-d’œuvre qui est prévue par le projet de loi C-5?

M. Strickland [ - ]

Ce projet, mieux connu sous le nom de Gull Island, nous enthousiasme. Nous avons eu des réunions préliminaires avec nos collègues des métiers du bâtiment de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec ainsi qu’avec les représentants d’Hydro-Québec. C’est un projet très ambitieux. Les travaux devraient commencer en 2027.

Selon nous, en ce qui concerne la mobilité de la main-d’œuvre, si nous avions droit à des mesures incitatives plus importantes comme celles dont j’ai parlé relativement à l’augmentation de la déduction fiscale pour la mobilité de la main-d’œuvre — quelque chose de distinct de cette mesure législative —, cela contribuerait à attirer la main-d’œuvre pour ce projet.

En ce qui a trait aux désignations professionnelles, je pense qu’il faudrait examiner la possibilité de faire reconnaître au Québec certaines désignations d’ingénieurs d’autres provinces.

Pour les métiers spécialisés, ce ne serait pas vraiment un problème, pourvu que nous ayons les bons types de contrats et de conditions de travail qui attireront la main-d’œuvre vers ce site et ce projet à un moment où, espérons-le, d’autres grands projets d’infrastructure seront en cours au Canada.

C’est là que réside le problème, et ce sera tout un défi à relever. C’est pourquoi je reviens toujours à ces données sophistiquées sur le marché du travail. Churchill Falls et Gull Island illustrent parfaitement pourquoi il faut informer le secteur des métiers du bâtiment du nombre de travailleurs qu’il faudra, et dire à quel moment et à quel endroit on aura besoin d’eux et à quels corps de métier ils devront appartenir. Une fois que nous aurons obtenu ces informations au sujet de ce projet et d’autres projets, nous pourrons veiller à ce que les certifications soient obtenues, à ce que les formations nécessaires soient dispensées, et à ce que tous les travailleurs soient disponibles au moment voulu pour participer à la réalisation d’un projet.

Le sénateur Yussuff [ - ]

Messieurs, je tiens d’abord à vous remercier de votre présence parmi nous aujourd’hui.

Monsieur Hyder, permettez-moi de commencer par vous. Le projet de loi dont il est question s’inscrit dans un certain contexte, la menace extérieure qui pèse sur notre pays n’ayant jamais été aussi évidente. Si quelqu’un n’a pas encore saisi l’importance de cette menace, c’est qu’il n’est manifestement pas attentif.

Nous demandons aux premiers ministres des provinces, dans deux volets de ce projet de loi, de faire quelque chose qu’ils ont hésité à faire pendant des décennies, voire 100 ans ou plus. Cela dit, il semble que les décideurs commencent à réaliser que nous devons agir plus rapidement.

Parallèlement, le premier ministre affirme, à l’instar des premiers ministres provinciaux, qu’il faut construire les infrastructures nécessaires pour tirer parti de ce moment historique.

Dans un contexte plus large, comment, selon vous, le Canada doit-il relever les défis auxquels il est confronté? Je n’ai jamais vu une telle situation de mon vivant. Plus important encore, comment le projet de loi peut-il réellement contribuer à compenser ce que les Canadiens redoutent, à savoir la hausse du taux de chômage? Les possibilités de maintenir le niveau de vie dont jouissent les Canadiens s’amenuiseront si nous n’exprimons pas collectivement la volonté de réaliser ces projets rapidement.

M. Hyder [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénateur. Je crois que vous avez bien exprimé ce que vivent actuellement les Canadiens. Nous n’avions jamais vécu ce que nous vivons depuis une centaine de jours. À bien des égards, nous pouvons remercier le président Trump d’avoir réveillé le Canada et d’en avoir uni toutes les parties, l’Est et l’Ouest, les francophones et les anglophones, les régions urbaines et les régions rurales. Nous avons tous soutenu les Oilers d’Edmonton jusqu’à leur élimination, hier. Je pense que ce moment galvanise les Canadiens, qui y voient une belle occasion. Il ne s’agit pas d’une menace, mais d’une occasion de prendre les rênes de notre destinée, de mettre à profit l’ensemble de nos ressources, aux quatre coins du Canada. Si nous ne les exploitons pas pleinement, il n’y aura personne d’autre à blâmer que nous-mêmes.

Le corollaire de tout cela, c’est la croissance. Ce qui rend anxieux les Canadiens, par rapport au coût de la vie et à certains défis que nous devons relever en ce qui concerne, par exemple, les infrastructures sociales et le système de santé, c’est de devoir subir les conséquences de la stagnation économique. Nous voilà donc devant une occasion en or, celle de prendre en main notre avenir, de faire croître notre économie et de stabiliser nos rapports avec les États-Unis, car peu importe les sentiments qui nous animent, le contexte géographique ne changera pas. Nous devons stabiliser ces rapports.

Je pense que les Canadiens sont sincèrement d’avis qu’il est temps de diversifier nos marchés. Nous devons rejoindre plus de clients et de marchés afin d’obtenir le plein prix pour nos ressources. Le jour où le projet TMX a été achevé, le prix du baril a augmenté de 6 $ au Canada. Une partie de cet argent a été récupérée sous forme d’impôts afin de financer les soins de santé et de meilleures infrastructures, notamment des infrastructures sociales.

Le lien entre la macroéconomie et la microéconomie fait maintenant partie du discours public, ce qui est tout à l’honneur du premier ministre. Nous n’avions pas entendu ce type de discours depuis longtemps. Le lien entre une stratégie de croissance économique et le fondement social de notre pays fait ouvertement l’objet de discussions. Je crois vraiment que les Canadiens s’attendent à ce que leurs élus profitent de ce moment — pas tant pour eux que pour leurs enfants et leurs petits-enfants et ce qu’ils leur laisseront.

Le sénateur Yussuff [ - ]

Vous parlez beaucoup du programme du Sceau rouge et de vos membres. Les Canadiens sont mal informés sur le fait que vos membres reçoivent une formation incroyable à même votre réseau. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet afin que les sénateurs soient au courant des ressources considérables que le réseau des métiers de la construction consacre à la formation des travailleurs pour les aider à être pleinement qualifiés dans leur domaine?

Au fait, nous sommes dans un bâtiment que votre secteur a aidé à reconstruire et à rénover afin que le Sénat puisse avoir un lieu où siéger.

En terminant, ce projet de loi soulève une question importante : comment attirer les gens qui ne font pas traditionnellement carrière dans les métiers de la construction afin de les encourager à s’intéresser à ces types d’emplois et de leur offrir de meilleures perspectives d’avenir? Notre pays peine à convaincre un plus grand nombre de gens que ce secteur d’emploi peut leur offrir une carrière prometteuse.

M. Strickland [ - ]

Je vous remercie, sénateur. Pour commencer, la formation fait partie de notre ADN. Les syndicats sont présents dans l’industrie nord-américaine de la construction depuis plus de 150 ans. Nous sommes les descendants des gens de métier d’Europe et des guildes qui ont bâti certains des plus beaux édifices et des plus belles cathédrales du monde. Les aqueducs de Rome, ils ont été bâtis par des gens de métier qualifiés. C’est donc dans notre ADN de former les gens.

Le Canada compte plus de 200 centres de formation syndicale, qui sont administrés par un fonds de fiducie pour la formation et l’apprentissage qui réunit les entrepreneurs, les employeurs et les syndicats. Nous sommes donc bien placés pour comprendre les besoins en formation de notre secteur d’activité. S’il y a une percée technologique, s’il existe une technique de construction novatrice ou si de nouveaux systèmes d’évaluation des bâtiments verts sont adoptés et que nos entrepreneurs remportent des appels d’offres, ils viennent nous voir et nous, nous nous chargeons de former les travailleurs en conséquence.

Notre secteur d’activité investit plus de 500 millions de dollars de son propre argent dans ces centres de formation, principalement dans le cadre des conventions collectives. C’est ce que nous faisons.

Le président [ - ]

Merci. Je regrette de devoir vous interrompre, mais le temps file.

Le sénateur Smith [ - ]

Monsieur Wood, les camionneurs jouent un rôle de premier plan dans les chaînes d’approvisionnement du Canada et ils doivent composer avec les répercussions concrètes d’une réglementation fragmentée, l’engorgement des infrastructures et des décisions stratégiques qui ne tiennent pas compte de leur réalité. Pouvez-vous nous faire part de ce que les camionneurs vous disent? Quelles sont leurs trois principales préoccupations en ce qui concerne les divergences réglementaires, les infrastructures inadéquates ou les répercussions possibles du projet de loi C-5 sur leurs itinéraires et leur gagne-pain?

M. Wood [ - ]

De notre point de vue, la préoccupation prioritaire, c’est l’intensification de l’économie souterraine étant donné qu’un certain nombre de lois en vigueur ne sont pas appliquées, en particulier par l’Agence du revenu du Canada, l’ARC, et Emploi et Développement social Canada, EDSC. C’est notre principal problème.

Le sénateur Smith [ - ]

Mis à part l’adoption de règlements et de politiques, y a-t-il quelque chose que l’on puisse faire pour protéger les chauffeurs?

M. Wood [ - ]

Oui : il faut rétablir la délivrance de relevés T4A aux entrepreneurs et instaurer un moratoire de 10 ou 15 ans sur les vérifications. Il faut le faire immédiatement. En ce qui concerne les infrastructures, la construction des deux chaussées de l’autoroute 185 au Québec multipliera les possibilités pour les configurations de camion les plus efficaces, car le port d’Halifax sera relié sans entrave à Windsor, pour le plus grand bien de nos chaînes d’approvisionnement.

Pour ce qui est des autres éléments d’infrastructure, nous allons publier un rapport à ce sujet. J’en ai vu la version définitive, qui sera publiée cette semaine. Nous ferons parvenir ce rapport au Sénat. Il relève les besoins en infrastructures dans l’ensemble des provinces et des territoires.

Cela dit, de manière générale, nous constatons un sous-investissement dans le réseau routier national. Nous aimerions que tous les pouvoirs publics, y compris le gouvernement fédéral, fassent ce qu’il faut pour y remédier. Il s’agit de faciliter le commerce interprovincial tout en fournissant des voies de circulation et des aires de repos où les camionneurs seront en sécurité.

Le sénateur Smith [ - ]

Pouvez-vous préciser quels seraient les tronçons du réseau national sur lesquels, selon vous, il faudrait d’abord se concentrer?

M. Wood [ - ]

Oui, c’est précisé. Le rapport sur les infrastructures contient des recommandations propres aux provinces et aux territoires.

Le sénateur Smith [ - ]

Avez-vous des exemples à nous donner?

M. Wood [ - ]

Je peux donner les exemples de la route 11/17, dans le Nord de l’Ontario, et de l’autoroute 185, qui complétera le trajet de Sudbury jusqu’à l’autre bout du Québec.

Le sénateur Smith [ - ]

Pouvez-vous nous donner une idée de leur emplacement afin que nous puissions bien comprendre à quoi renvoient ces numéros?

M. Wood [ - ]

À l’heure actuelle, la route 11/17, dans le Nord de l’Ontario, respecte les normes de construction de 1955.

Le sénateur Smith [ - ]

Wow. Où la route se rend-elle et où commence-t-elle, pour qu’on puisse comprendre? J’ai besoin de votre aide. Vous avez piqué ma curiosité.

M. Wood [ - ]

La route 11/17 relie North Bay ou Sudbury et la frontière du Manitoba. Elle s’étend sur environ 1 800 milles. Nous utilisons le système métrique ici, alors c’est beaucoup plus en kilomètres. Je l’ai déjà dit, mais il s’agit d’un corridor commercial majeur entre l’Est et l’Ouest. Je tiens à féliciter tous les premiers ministres provinciaux et tous les ministres fédéraux de reconnaître l’importance du camionnage et de nous faire participer aux projets pilotes.

Il y a beaucoup de travail à faire, mais nous avons de nombreuses solutions à proposer qui nous apparaissent nécessaires ou qui pourraient être appliquées sur-le-champ. Nous sommes ici pour aider ce groupe, la Chambre et tous les gouvernements du pays à faire ce qu’il faut.

Le sénateur Smith [ - ]

Avez-vous déjà l’impression qu’on vous écoute?

M. Wood [ - ]

À certains égards, oui, monsieur le sénateur, mais pas à tous. Il y a l’absence de contrôle de la conformité, surtout à l’Agence du revenu du Canada ainsi qu’à Emploi et Développement social Canada. C’est un problème depuis 10 ans.

Le sénateur Smith [ - ]

Merci, monsieur.

Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le comité entend les témoins depuis maintenant 75 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligé d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse poursuivre avec le deuxième panel.

Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

Le président : Honorables sénateurs, nous allons suspendre les travaux pendant quelques minutes afin de nous préparer pour le deuxième panel. Nous allons reprendre à 15 h 25.

Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance en comité plénier afin de poursuivre son étude sur la teneur du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.

Le comité entendra maintenant Anna Johnston, avocate-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law; Daniel-Robert Gooch, président-directeur général, Association des administrations portuaires canadiennes (AAPC); la Cheffe Shelly Moore-Frappier, Première Nation de Temagami.

Je vous remercie d’être ici avec nous aujourd’hui. Je vous invite à faire vos observations préliminaires.

Shelly Moore-Frappier, Cheffe, Première Nation de Temagami [ - ]

Meegwetch.

Kwe kwe, sénateurs. Je tiens à saluer Linda Debassige, Cheffe du Grand Conseil, qui m’a cédé son temps de parole. Je suis la Cheffe de la Première Nation de Temagami, qui se trouve à Bear Island dans le lac Temagami et qui possède des droits inhérents sur un territoire de 10 000 kilomètres carrés dans la biorégion de Temagami. Ces droits découlent des 7 000 ans que nous avons passés comme peuple distinct dans notre territoire patrimonial. Nous sommes les seuls détenteurs de ces droits.

Notre responsabilité consiste à veiller sur les terres, les animaux, les eaux et tous les êtres qui se trouvent dans nos territoires traditionnels. C’est ainsi que nous avons maintenu notre identité nationale et nos impératifs territoriaux pendant des millénaires. Nous sommes toujours là. Nos droits et nos responsabilités sacrées sont intacts et nous n’avons aucune intention de partir.

Le Canada continue à parler de relations de nation à nation et de réconciliation. Le projet de loi fait l’opposé en conférant un pouvoir à l’endroit des Premières Nations, leurs ressources et leurs droits. Ce texte a été rédigé sans nous. Il mentionne vaguement les protections constitutionnelles et issues des traités. Son adoption aura pour effet d’inscrire encore plus profondément dans la loi l’unilatéralisme comme méthode systématique pour gouverner les Premières Nations.

Le projet de loi C-5 ne favorise pas la réconciliation; il la trahit.

L’obligation de consulter n’a jamais été suffisante. Elle a toujours mis sur les épaules des Premières Nations le fardeau de la preuve et de la défense de leurs droits, le plus souvent avec des ressources limitées et sans garantie. Le projet de loi C-5 propose même de faire main basse sur notre capacité de déclencher cette obligation. Ce n’est pas un progrès; c’est un recul vers la doctrine de la découverte, qui nie notre droit d’exister.

Ce qui est proposé ici, c’est un avenir où l’on peut mettre en branle des projets d’extraction à la suite de vagues consultations, sans transparence et sans respect. Sur notre territoire seulement, nous sommes confrontés à plus de 12 000 claims miniers, qui ont été faits sans notre consentement. Or, le projet de loi C-5 ouvre la voie à plus de choses de ce genre.

Pire encore, on brandit les menaces économiques et les droits de douane pour forcer notre assentiment. Lorsque nous affirmons nos droits et notre champ de compétence, on nous dépeint comme des obstacles à l’intérêt national du Canada. C’est un discours dangereux et malhonnête.

C’est de la coercition économique. Ce n’est pas ainsi que devraient se comporter des partenaires en vertu de traités. Le Canada a la responsabilité fiduciaire de nous protéger. Ce n’est pas ainsi que se comporte un pays juste. Ce n’est pas honorable.

Permettez-moi d’être claire : les Premières Nations veulent la prospérité. Nous voulons de l’énergie propre, des infrastructures robustes et sécuritaires, des communautés dynamiques. Nous voulons des débouchés pour nos enfants et nos petits-enfants pour être en tête de file au pays, pas seulement pour survivre.

Je rappelle au comité et au gouvernement que seules les Premières Nations peuvent créer la certitude que recherchent les investisseurs. Le succès à long terme — économique, environnemental ou social — est impossible sans notre participation en tant que partenaires souverains en bonne et due forme.

Nous ne cherchons pas à arrêter le progrès; nous voulons en faire partie. Le projet de loi C-5 contourne non seulement nos nations, mais aussi la Constitution que le Canada prétend défendre. L’article 35 de la Constitution exige que la Couronne reconnaisse et défende nos droits. Cependant, il n’a jamais garanti la protection de nos droits. Il n’a jamais garanti le consentement véritable, et avec ce projet de loi, l’interprétation de ces droits s’éloigne encore plus de l’intention de départ.

Les principes d’une relation de nation à nation ne sont pas respectés, et c’est inacceptable.

Lorsque je lis ce projet de loi, je vois que le gouvernement s’intéresse plus à la vitesse économique qu’à la responsabilité morale. Ce n’est pas qu’une politique. C’est une vision du monde selon laquelle la Couronne a toujours l’avantage.

Le profit prime sur les principes. C’est une approche trumpiste qui consiste à passer les rouleaux compresseurs, à déréglementer et à détourner l’attention. Ce n’est pas seulement une politique qui est en jeu, mais notre relation avec la terre et notre droit d’exister en tant que peuples distincts qui possèdent leurs propres lois, leurs propres langues et leurs propres ordres juridiques.

Ce projet de loi menace non seulement notre souveraineté, mais aussi la relation sacrée que nous avons avec nos terres. Vous ne pouvez pas légiférer de cette façon. Nous n’accepterons pas l’unilatéralisme.

Lorsque nous disons qu’il faut nous rendre nos terres, nous ne parlons pas de propriété dans le sens colonial. Nous parlons d’un retour à nos responsabilités pour les gérer, les protéger et avoir la relation qui s’impose avec la création.

Je vous rappelle que nous sommes prêts à avancer ensemble. Si le Canada prend la réconciliation au sérieux, il doit alors commencer à agir comme un cosignataire des traités. L’honneur de la Couronne n’est pas uniquement cérémoniel; c’est le fondement moral de votre relation avec les premiers peuples. Cet honneur est en jeu.

Retirez ce projet de loi. Rétablissez la confiance. Revenez à la table et avançons finalement ensemble.

Meegwetch.

Anna Johnston, avocate-conseil à l’interne, West Coast Environmental Law [ - ]

Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je comparais devant vous au nom de West Coast Environmental Law, mais mes commentaires ont également été sanctionnés par des organisations environnementales de partout au pays, notamment l’Association canadienne du droit de l’environnement, la Société pour la nature et les parcs du Canada, la Fondation David Suzuki, Ecojustice Canada, Environmental Defence, Équiterre, Greenpeace et la Fondation Sierra Club.

Nous sommes vivement préoccupés par le projet de loi C-5, en raison à la fois de sa teneur et de la précipitation avec laquelle il est étudié par le Parlement. Le Canada a bel et bien besoin d’importants investissements transformateurs dans des projets qui vont profiter aux Canadiens, mais il est aussi certes louable de vouloir s’assurer que les processus d’évaluation environnementale et de réglementation sont efficaces. Or, le projet de loi C-5 nous fait régresser, plutôt que progresser. On sort la hache pour régler un problème pour lequel un scalpel aurait été plus approprié. À franchement parler, c’est une attaque contre la science et la démocratie.

Vous avez entendu hier Josh Ginsberg et Martin Olszynski vous faire état des préoccupations relatives aux clauses Henri VIII, aux dispositions de présomption et au contournement systématique des normes en matière d’environnement, de santé et de sécurité. Nous faisons écho à ces préoccupations, mais, au lieu de les répéter aujourd’hui, je vais me concentrer sur deux autres aspects troublants du projet de loi.

Premièrement, en permettant au Cabinet de prendre des décisions sur les grands projets avant même la tenue d’études environnementales, le projet de loi va à l’encontre du principe de la prise de décisions éclairées. Depuis plus d’un demi-siècle, au Canada, lorsqu’il est question de grands projets, nous respectons le principe fondamental selon lequel il faut y regarder à deux fois avant de sauter. Le projet de loi C-5 fait fi de ce principe et laisse le Cabinet prendre d’abord des décisions, puis poser les questions ensuite.

Il laisse le Cabinet approuver les projets sans autre information que les renseignements de base que les promoteurs choisissent de lui donner. Ce modus operandi, qui consiste à agir avant de réfléchir, relègue aux oubliettes des dizaines d’années d’expérience et rejette carrément le principe de la prise de décisions éclairées. C’est comme si on bâtissait d’abord la maison et qu’on demandait après coup à l’ingénieur si elle est sûre.

Deuxièmement, le projet de loi empêche la population de prendre part aux décisions qui les touchent et permet au Cabinet de ne pas divulguer certains renseignements cruciaux sur les projets ou sur leurs effets. La population n’aura pas le droit d’être informée de certaines choses, comme les détails du projet, les résultats des études scientifiques, techniques et de sécurité, les conseils donnés par les ministres responsables et les raisons pour lesquelles le superministre a choisi de les suivre, le cas échéant.

Si l’on décidait d’accélérer le traitement d’un projet d’autoroute passant à quelques centaines de mètres de chez vous, le ministre n’aurait pas à vous donner d’autres renseignements que le nom et une brève description du projet. Vous n’auriez d’aucune façon votre mot à dire sur l’emplacement de l’autoroute ou sur la façon dont elle serait construite.

Si l’objectif est de réaliser des projets d’intérêt national, ne devrions-nous pas nous tourner vers la population, les peuples autochtones et la science pour nous aider à déterminer la nature des projets? Au lieu de cela, le projet de loi C-5 laisse ces décisions aux mains des politiciens, décisions qui pourraient être uniquement fondées sur le lobbying pour des intérêts privés.

La participation du public n’est pas un fardeau administratif; elle améliore les projets et aide à faire accepter des décisions.

Comme je l’ai mentionné dans mes observations liminaires, nous avons besoin d’importants investissements transformateurs dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’énergie éolienne et un réseau de distribution d’électricité est-ouest.

Cependant, l’incertitude économique ne peut être utilisée pour exclure le public des décisions qui le concernent ou pour bafouer les droits des peuples autochtones. La science ne peut être mise de côté pour faciliter les mises en chantier.

Il n’est pas dans l’intérêt national de contourner la séparation constitutionnelle des pouvoirs — comme vous l’avez entendu hier — ou les lois et les processus qui protègent les Canadiens et l’environnement dont nous dépendons.

Le projet de loi C-5 est mal conçu, car il a été rédigé à la hâte. Nous vous encourageons à collaborer avec la Chambre des communes afin de le reprendre du début et d’offrir aux Canadiens une loi qui fonctionne.

Nous appuyons les peuples autochtones qui réclament que le projet de loi respecte leurs droits et leurs pouvoirs. Nous aimerions aussi que soit supprimées les « clauses Henri VIII » qui permettent au Cabinet, et non au Parlement, de décider à qui les lois s’appliquent, et quand; que soit modifié le pouvoir de décision afin que les décisions et les conditions respectent ou surpassent les normes environnementales, sanitaires et sécuritaires; que le ministre rende toute l’information publique et favorise la pleine participation; que la période pendant laquelle le Cabinet peut désigner des projets soit ramenée de cinq à deux ans; et enfin, que l’article 24 soit amendé afin que le projet de loi fasse l’objet d’un examen indépendant du commissaire à l’environnement et au développement durable, et non d’une auto-évaluation du ministre.

Merci de votre temps. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Daniel-Robert Gooch, président-directeur général, Association des administrations portuaires canadiennes [ - ]

Bonjour, honorables sénateurs. Je suis le président-directeur général de l’Association des administrations portuaires canadiennes, qui représente les 17 administrations portuaires qui appartiennent à l’État fédéral, mais qui sont gérées de manière indépendante par des tiers. C’est un plaisir d’être ici et de voir autant de visages familiers.

Les administrations portuaires du Canada jouent un rôle crucial dans la facilitation de notre commerce mondial. Alors que la plupart des marchandises destinées aux États-Unis sont transportées par train ou par camion, le commerce avec les marchés plus éloignés se fait par voie maritime. Plus de 80 % du commerce mondial se fait par voie maritime, et le Canada ne fait pas exception. Alors que les trois quarts des exportations canadiennes sont destinés aux États-Unis, la plupart des autres exportations se font par voie maritime.

Les administrations portuaires canadiennes ont pour rôle de faciliter ce commerce en construisant et en entretenant les infrastructures qu’utilisent les partenaires privés dans les ports canadiens, ainsi qu’en gérant le trafic maritime intense à l’intérieur et autour de nos ports.

Alors que les exploitants privés investissent également dans les infrastructures portuaires, les autorités portuaires sont chargées de fournir des accès terrestres, routiers et fluviaux, des services publics et d’autres services de soutien, en plus d’investir dans leur propre infrastructure.

L’année dernière, nous avons interrogé les autorités portuaires membres de notre association sur leurs besoins en infrastructures d’ici 2040. Elles ont estimé ces besoins à au moins 10 milliards de dollars pour cette période, mais le financement de ces projets n’est confirmé qu’à hauteur d’environ 40 %.

Sur ce total, 5 milliards de dollars d’investissements sont prévus au cours des quatre prochaines années, et il ne s’agit là que des projets dont nous avons connaissance. Les besoins totaux jusqu’en 2040 pourraient atteindre 21 milliards de dollars. Ces investissements visent à améliorer l’efficacité, la fluidité et les systèmes numériques, à accroître la capacité, à remettre en état les infrastructures vieillissantes et à renforcer la résilience de l’ensemble du réseau.

Nous avons mené notre enquête avant que les États-Unis ne prennent les mesures commerciales actuelles et que le gouvernement fédéral ne décide de diversifier le commerce mondial. Les autorités portuaires canadiennes risquent certes de perdre des marchés sous l’administration Trump, mais elles pourront également saisir de nouvelles occasions.

Si le Canada transfère ne serait-ce que 6 % de ses échanges commerciaux des États-Unis vers des marchés étrangers, certains ports atteindront rapidement leur capacité maximale. Il est urgent d’agir, non seulement pour les entreprises canadiennes, mais aussi parce que la concurrence mondiale s’intensifie. Par exemple, les ports à conteneurs des États-Unis attirent 32 fois plus d’engagements d’investissement que ceux des côtes canadiennes de l’Atlantique et des rives du fleuve Saint-Laurent.

Les administrations portuaires canadiennes saluent les mesures prises par le gouvernement fédéral pour simplifier le processus d’approbation des projets d’intérêt national, que nous considérons comme l’un des nombreux éléments d’un programme de réforme plus vaste annoncé par le gouvernement fédéral.

Nous avons participé à une séance d’information technique la semaine dernière, et nous croyons comprendre que le gouvernement fédéral travaille en étroite collaboration avec les premiers ministres provinciaux et territoriaux afin de déterminer quels projets seront examinés dans le cadre du processus simplifié proposé par le projet de loi C-5. Comme nos membres gèrent, dans toutes les régions, des projets évalués à 5 milliards de dollars qui seront en cours jusqu’en 2028, certains de ces projets sont susceptibles d’être pris en considération.

Certains projets d’intérêt national qui sont déjà bien connus sont à un stade avancé de planification et ont été mentionnés par la ministre Freeland, notamment les projets portuaires de Vancouver, Montréal et Saint John. Ces projets, ainsi que beaucoup d’autres, font l’objet de discussions entre les administrations portuaires, les premiers ministres des provinces en question et le gouvernement fédéral.

En ce qui concerne les projets relevant du cadre du projet de loi C-5, nous reconnaissons que les ministères et organismes devront encore déployer des efforts considérables pour respecter les délais plus serrés. La création d’un bureau central pour les projets d’intérêt national, l’anticipation des décisions clés, l’établissement d’une liste centralisée de conditions et la fixation d’un délai d’approbation de deux ans sont des mesures prometteuses qui permettront d’améliorer la prévisibilité pour les grands investisseurs. Le projet de loi établit également une approche et un rythme ambitieux pour les entités fédérales et provinciales chargées des examens et de la délivrance des permis. Nous nous en réjouissons.

Les administrations portuaires canadiennes, ou APC, souscrivent elles aussi à l’engagement du gouvernement fédéral en faveur de la protection de l’environnement et de la réconciliation avec les peuples autochtones. Nous pensons également que ces objectifs peuvent être atteints plus efficacement grâce à des réformes qui, sans tourner le dos à des normes rigoureuses en matière d’évaluation et de consultation, permettront des examens plus rapides. Si l’accent est actuellement mis sur les projets d’importance nationale, un processus plus efficace devrait en fin de compte profiter à tous les projets en éliminant les chevauchements, en augmentant la prévisibilité et en rationalisant les décisions.

Même avec des réformes ambitieuses et un renouvellement du financement fédéral des infrastructures — notamment le Fonds pour la diversification des corridors commerciaux de 5 milliards de dollars annoncé dans le récent discours du Trône —, la modernisation du modèle des administrations portuaires canadiennes reste essentielle. Les administrations portuaires canadiennes ont besoin d’une plus grande souplesse financière pour financer leur part des infrastructures. Cela comprend une réforme visant à permettre une plus grande collaboration, la modernisation des règles d’emprunt et la diversification des activités génératrices de revenus. Il s’agit aussi d’accroître la souplesse afin de permettre l’établissement de partenariats avec les secteurs public et privé, et de prendre d’autres mesures pour renforcer la capacité financière et la compétitivité. Les services frontaliers et policiers doivent également s’aligner sur le programme de réforme.

En conclusion, les administrations portuaires canadiennes estiment qu’avec le projet de loi C-5, le gouvernement du Canada affirme son engagement à l’égard d’objectifs audacieux en matière de diversification du commerce et à l’égard des changements stratégiques qu’il sera nécessaire de faire pour soutenir ces objectifs. Les administrations portuaires canadiennes sont prêtes à contribuer à la réalisation de ces objectifs. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président [ - ]

Merci, monsieur Gooch. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Comme de nombreux sénateurs souhaitent poser des questions, j’informe respectueusement les témoins que les sénateurs vous seraient reconnaissants de donner des réponses concises à leurs questions. Honorables sénateurs, je vous remercie d’indiquer à qui s’adressent vos questions.

Ma question s’adresse à la Cheffe Moore-Frappier.

Les droits et les responsabilités en matière d’environnement sont des éléments fondamentaux du droit autochtone, et leur reconnaissance constituerait une étape importante vers la réconciliation avec les peuples autochtones. Le droit à un environnement sain fait partie intégrante de notre identité collective. Il existe un urgent besoin d’améliorer le piètre rendement du Canada sur le plan environnemental et de préserver les paysages magnifiques, la richesse naturelle et la biodiversité de ce pays. Il est indispensable de protéger la santé des Canadiens contre les dangers environnementaux tels que la pollution atmosphérique, les aliments et l’eau contaminés et les substances chimiques toxiques.

Cheffe Moore-Frappier, nous savons que les Premières Nations sont préoccupées, à juste titre, par de nombreux aspects de ce projet de loi, qui accélérera les projets d’extraction et qui risque inévitablement d’écarter les préoccupations des Premières Nations.

Les clauses Henri VIII suscitent de vives inquiétudes. Ces clauses confèrent au gouvernement des pouvoirs extraordinaires qui lui permettent de modifier des lois au moyen de règlements, contournant ainsi le rôle et la fonction du Parlement. Parmi les diverses lois qui peuvent être exemptées unilatéralement, il y a des lois essentielles comme la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la Loi sur l’évaluation d’impact et, surtout, la Loi sur les Indiens.

Compte tenu de l’honneur de la Couronne et de la responsabilité fiduciaire du gouvernement envers les Premières Nations, pensez-vous que ces responsabilités peuvent être conciliées avec l’approche adoptée dans ce projet de loi? Êtes-vous d’avis que les dispositions permettant l’exemption de certaines lois ouvrent une boîte de Pandore qui mènerait à des litiges sur divers fronts, ce qui, en fin de compte, ralentirait les délais d’approbation des projets et créerait une plus grande incertitude pour les investisseurs?

Mme Moore-Frappier [ - ]

Je vous remercie de votre question. En effet, je suis d’avis que nous devons reconnaître nos ordres juridiques, et cela ralentirait absolument les grands projets. Il s’agit d’un engagement significatif, et en l’absence de tels engagements, beaucoup de problèmes risquent de survenir.

Comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, nous avons reçu plus de 12 000 demandes d’exploitation minière au sein de notre territoire. Nous collaborons avec environ 120 promoteurs différents à tout moment, et nous n’avons pas la capacité de faire face à la demande. Nous avons dans notre département un seul employé pour s’occuper des relations avec ces promoteurs, ce qui témoigne de nos capacités à répondre à la situation actuelle sur le terrain.

Selon moi, supprimer les leviers dont nous disposons pour obtenir l’obligation de consulter n’est pas une bonne idée. Cela va commencer par des contestations juridiques, puis cela va déboucher sur tout un dossier d’ordre juridique, car il y a des impacts énormes tant par rapport à nos terres que par rapport à nos droits constitutionnels. J’espère avoir répondu à votre question.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

Je remercie les experts d’être parmi nous aujourd’hui. J’aurais une question pour M. Gooch.

Le projet de construction du Terminal 21 au port de Trois-Rivières fait l’objet d’une évaluation environnementale fédérale depuis 2015, et une prolongation a été accordée jusqu’en juillet 2025, soit le mois prochain. Le retard est dû en partie à la découverte en 2022 de huit moules rares — pas huit espèces de moules, mais bien huit moules rares —, ce qui a nécessité des études supplémentaires. Entretemps, les coûts ont grimpé en flèche et le port fonctionne déjà au maximum de sa capacité.

Pensez-vous que le régime actuel, tel qu’il est structuré conformément à la Loi sur l’évaluation d’impact, est devenu trop lourd ou trop complexe pour permettre la mise en œuvre efficace de projets d’infrastructure essentiels?

M. Gooch [ - ]

Merci pour votre question. Je ne peux pas me prononcer sur le cas particulier de Trois-Rivières, car je ne connais pas la situation et, en toute honnêteté, je ne suis pas habilité à parler au nom de ports individuels. Ce que je peux dire, c’est que l’accélération et la rationalisation des procédures d’approbation des projets, sans réduction de la portée du travail accompli, constituent une priorité des administrations portuaires canadiennes depuis bien avant la guerre commerciale.

Si j’avais été avec vous il y a un an, j’aurais parlé de la nécessité d’accélérer l’approbation des projets. Je sais que l’un des projets dont il a été question au Sénat est celui du Terminal 2 de Roberts Bank, à Vancouver. Le processus dure depuis plus de 10 ans. Le Canada ne peut pas être une nation commerçante concurrentielle s’il faut 10 ans avant qu’un projet d’envergure puisse avancer.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

Merci beaucoup. Y a-t-il d’autres occasions ailleurs ou les projets sont-ils abandonnés?

M. Gooch [ - ]

C’est un peu des deux. C’est certain que les États-Unis ont attiré beaucoup plus d’investissements que le Canada, et nous sommes en concurrence avec eux pour une partie du trafic. Le trafic pour lequel nous sommes en concurrence avec les États-Unis est en fait menacé par les mesures que le président Trump a indiqué vouloir mettre en place. La compétitivité de ces ports est actuellement une priorité absolue pour l’industrie portuaire.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

Merci beaucoup de votre réponse. Selon vous, combien coûtent aux ports canadiens ou au Canada ces occasions manquées en raison des inefficacités inhérentes au processus?

M. Gooch [ - ]

C’est une excellente question. Je ne sais pas si nous en avons évalué précisément le coût, mais la conséquence, c’est que les investissements privés s’en iront ailleurs. Les organisations mondiales du secteur des ports n’ont pas seulement le Canada ou les États-Unis où engager leurs investissements. Elles peuvent investir partout dans le monde.

Quand les projets tardent à se concrétiser, les coûts de construction grimpent en fonction de l’inflation. Nous connaissons d’ailleurs d’énormes taux d’inflation depuis 5 ou 10 ans. Même selon les façons de faire actuelles, le temps qu’il faut avant que les demandes de financement au Fonds national des corridors commerciaux soient approuvées fait en sorte que le coût du projet au moment de l’annonce, une ou deux années plus tard, dépasse déjà la somme prévue dans la demande.

Les coûts sont nombreux. D’une part, il y a le coût à payer pour les occasions ratées. D’autre part, il y a le coût de l’inflation associé à la commercialisation des projets.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

Et le coût à assumer parce qu’ils arrivent trop tard. Très bien, je vous remercie.

Madame Johnston, j’ai une question pour vous. Le 16 juin 2025, vous avez qualifié le projet de loi C-5 d’antidémocratique notamment parce qu’il permettrait au Cabinet d’approuver des projets avant que leurs répercussions soient entièrement évaluées. Toutefois, il est bien clair dans le projet de loi que ces projets seraient toujours assujettis aux lois fédérales actuelles, y compris la Loi sur l’évaluation d’impact.

Dans ce contexte, pourriez-vous nous expliquer en quoi le processus proposé dans le projet de loi C-5 enfreindrait les principes démocratiques si une évaluation environnementale complète est toujours requise avant toute démarche concrète de mise en œuvre?

Mme Johnston [ - ]

J’aimerais apporter quelques précisions. La Loi sur l’évaluation d’impact s’appliquerait toujours aux projets déclarés d’intérêt national, mais tant que nous n’aurons pas vu l’annexe précisant ce qui sera considéré comme étant d’intérêt national, nous ne savons pas si tous devront faire l’objet d’une évaluation d’impact. La Loi sur l’évaluation d’impact s’applique uniquement à une poignée de projets. Au cours de la dernière année, elle n’a donné lieu qu’à une seule évaluation. Par exemple, l’aménagement d’une autoroute dans une seule province ne nécessiterait pas d’évaluation d’impact.

D’un point de vue démocratique, le projet de loi soulève deux préoccupations. Premièrement, comme l’ont expliqué Josh Ginsberg et Martin Olszynski hier, il ne respecte pas la séparation des pouvoirs, puisqu’il habiliterait le pouvoir exécutif à modifier les lois alors qu’en vérité, seul le Parlement doit pouvoir faire cela. De plus, il crée une structure de prise de décisions et d’examen conçue pour être à l’abri de tout mécanisme de surveillance, sauf peut-être en ce qui concerne les droits garantis par l’article 35. Il soustrait la loi à la surveillance judiciaire. Cet irrespect de la séparation des pouvoirs m’inquiète profondément.

L’autre préoccupation d’ordre démocratique concerne la démocratie participative. Lorsque le Cabinet fédéral autorise un projet avant de consulter le public et ne finit éventuellement par le consulter que pour régler certains problèmes dans le cadre d’une évaluation environnementale, j’estime qu’on assiste à une véritable érosion des normes démocratiques. Il faut consulter le public avant de prendre des décisions majeures qui le concernent.

Le sénateur D. M. Wells [ - ]

Je vous remercie.

Pensez-vous que le nouveau processus prête flanc aux contestations judiciaires? Évidemment, cela entraînerait des retards et des coûts additionnels.

Mme Johnston [ - ]

Oui, je le crains. Il pourrait aussi y avoir des manifestations, comme ce fut le cas avec la réglementation de 2012, lorsque le gouvernement fédéral a tenté de vider de leur substance ou de modifier les lois environnementales du Canada sous le couvert de la rationalisation. Le projet de loi C-38 a notamment donné lieu à une nouvelle loi sur l’évaluation environnementale qui imposait le critère des effets directs, de sorte que tout le monde ne pouvait pas participer à une évaluation. Il y a eu beaucoup de manifestations, en particulier au sujet des projets de pipelines, parce que les gens...

Le président [ - ]

Merci madame Johnston.

La sénatrice Simons [ - ]

M. Gooch, ma question s’adresse à vous. J’ai récemment eu le privilège de visiter le port de Vancouver et de faire une visite guidée de la zone portuaire de Burrard. En tant que sénatrice de l’Alberta, je suis particulièrement consciente du fait que les ports de Prince Rupert et de Vancouver sont absolument essentiels à la prospérité de l’Alberta dans un Canada uni et au transport de ses produits vers les marchés.

Au port de Vancouver, il m’a semblé que des mesures pourraient être prises pour faciliter, par exemple, le transport d’une plus grande quantité de pétrole sans construire un nouveau pipeline. Selon vous, quels projets pourraient être mis en œuvre et faire l’objet d’un consensus entre les municipalités, les provinces, les communautés autochtones et les groupes environnementaux? Pensez-vous qu’il soit possible de tenir une consultation et d’obtenir un consensus avant le début d’un projet?

M. Gooch [ - ]

Je vous remercie, sénatrice. Je ne suis pas certain de pouvoir m’avancer sur le type de projets qui pourraient être proposés. D’après ce que des représentants du Bureau du Conseil privé nous ont dit, la semaine dernière, on s’attend à ce qu’une bonne partie des projets qui seront inscrits à l’annexe 1 soient déjà passablement avancés. Comme je le disais tout à l’heure, le processus de consultation et de délivrance des permis pour le terminal Robert Banks no 2 du port de Vancouver a débuté il y a plus de 10 ans. Les promoteurs attendent le permis du ministère des Pêches et Océans, ce qui peut prendre encore quelques années, selon moi.

Nous sommes bien évidemment dans l’hypothétique, mais les projets dont je parlais tout à l’heure — comme ceux de Contrecœur, du terminal Robert Banks et de Saint John, mais il y en a beaucoup d’autres — ont déjà fait l’objet de consultations et d’études. Des demandes de permis ont déjà été traitées. Pour l’Association des administrations portuaires canadiennes, il ne s’agit pas de projets complètement nouveaux ou inédits. Bon nombre d’entre eux sont déjà connus et sont en bonne voie d’être autorisés, alors il s’agit d’un bon moyen d’accélérer les choses, du moins c’est ce que nous espérons.

La sénatrice Pate [ - ]

Ma première question s’adresse à Mme Johnston, et ma seconde, à la Cheffe Moore-Frappier.

Votre organisme a déjà dit que :

Décider d’autoriser un projet avant d’en évaluer le bien-fondé, c’est comme bâtir une maison, puis appeler un architecte pour savoir si vous vous y êtes pris comme il faut [...]

Pourriez-vous nous expliquer, outre ce que vous avez mentionné tout à l’heure, les répercussions que le processus d’autorisation des projets proposés dans le projet de loi C-5 risque d’avoir sur les mécanismes de protection de l’environnement ainsi que sur les droits des peuples autochtones et de quiconque sera touché par un projet?

Cheffe Moore-Frappier, que devrait-on faire pour que ce projet de loi respecte la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la structure de gouvernance des Premières Nations, des Métis et des Inuit et en assure le bien-être environnemental?

Mme Johnston [ - ]

Je vous remercie. C’est une bonne question. En effet, cela inverse carrément le processus.

Habituellement, que ce soit dans le cadre d’une étude d’impact ou d’un processus d’examen réglementaire, les fonctionnaires consultent les peuples autochtones, le public, les experts du ministère, ils obtiennent des renseignements auprès du promoteur, effectuent leur propre analyse, font appel à des experts indépendants et prennent ensuite une décision. Le projet de loi chamboule le processus. Les responsables prennent la décision, puis ils commencent à recueillir l’information, sans bien sûr consulter le public.

Par conséquent, la question n’est plus de savoir « si » on va de l’avant, mais plutôt « comment » on s’y prend, comme l’a déclaré le premier ministre lors de l’annonce du projet de loi. Le problème, bien sûr, c’est que la question du « si » est vraiment importante, et ce n’est pas nécessairement parce que les projets sont intrinsèquement mauvais. Par exemple, si vous avez un parc éolien situé directement sur la trajectoire d’une voie migratoire d’oiseaux, vous ne souhaitez peut-être pas que le parc éolien soit construit à cet endroit. Le fait de mener un processus d’examen avant de prendre une décision nous aide à nous assurer que nous faisons le bon choix dès le départ.

Mme Moore-Frappier [ - ]

Pourriez-vous répéter la question, s’il vous plaît?

La sénatrice Pate [ - ]

Que devrait-on faire pour que ce projet de loi respecte la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la structure de gouvernance des Premières Nations, des Métis et des Inuit et en assure le bien-être environnemental?

Mme Moore-Frappier [ - ]

Il faudrait d’abord examiner les résultats de la consultation avant d’envisager d’aller de l’avant. Il faut prendre du recul et organiser ce genre de consultation constructive avec nous afin de faire avancer les choses. Meegwetch.

La sénatrice Galvez [ - ]

Ma question s’adresse à Mme Johnston et à la Cheffe Moore-Frappier.

En ce moment, le projet de loi C-5 ne prévoit aucune occasion pour la participation de la population, et il stipule qu’on n’a pas à passer par le processus habituel de publication dans la Gazette pour décider d’ajouter des projets à la liste des projets qui bénéficieront d’une procédure accélérée, alors que ce processus permet normalement au public de commenter les décisions réglementaires de ce genre.

Sachant que les Canadiens ont le droit de se prononcer sur une infrastructure qui les touchera directement, tout comme les Autochtones qui sont dans la même situation, et qu’ils chercheront définitivement à se prononcer, pensez-vous qu’en vertu du projet de loi C-5 sous sa forme actuelle, le gouvernement puisse s’assurer que le public prendra véritablement part à l’examen des projets?

Si vous aviez la possibilité d’améliorer le projet de loi, que recommanderiez-vous?

Mme Johnston [ - ]

Merci de votre question. Il est important de noter que ce projet de loi permet beaucoup de choses. Il n’empêche certainement pas le ministre ou le bureau dont il prévoit la création de consulter le public, mais ma préoccupation réside dans le fait qu’il n’y a aucune obligation de participation publique. Nous aimerions donc que certaines améliorations soient apportées, notamment l’inclusion d’exigences explicites en la matière. Tout d’abord, il faudrait supprimer les dispositions qui stipulent que l’inscription et la déclaration de décision ne seront pas soumises à la Loi sur les textes réglementaires afin de permettre une période de consultation publique dans le cadre du processus de publication dans la Gazette du Canada. Il faudrait ensuite ajouter des dispositions visant à garantir une transparence minimale, afin que soient rendus publics la description détaillée du projet, l’analyse et les renseignements reçus et utilisés par le ministre, ainsi que les raisons pour lesquelles il s’écarte de l’avis de l’un ou l’autre des ministres. Une deuxième disposition devrait ensuite l’obliger à garantir au moins deux occasions de participation significative du public. Le fait qu’il y en ait une portant sur l’inscription et une autre au sujet du document détaillant la décision et les conditions connexes contribuerait grandement à apaiser mes craintes que le public soit exclu de ce processus.

Mme Moore-Frappier [ - ]

Je pense que cela nous ramène à la question de l’engagement : à quoi cela ressemblera-t-il dans le cadre de la collaboration avec les Premières Nations? Chaque nation a ses propres protocoles.

C’est à l’égard de l’édification de cette relation que le gouvernement doit s’améliorer afin de faire avancer les choses de manière respectueuse, et non après coup. C’est très important pour la suite des choses. Meegwetch.

Le sénateur Prosper [ - ]

Je souhaite la bienvenue aux témoins. Ma première question s’adresse à la Cheffe Moore-Frappier.

Vous avez parlé de menaces économiques et de droits de douane utilisés pour imposer des mesures de conformité. Lorsque vous cherchez à faire respecter vos droits et votre compétence, votre nation et votre peuple sont dépeints comme des obstacles à l’intérêt national du Canada, ce qui est, comme vous l’avez dit, un discours dangereux et malhonnête. Vous avez parlé notamment de « coercition économique ».

Vous avez dit également que les Premières Nations veulent de la prospérité et des possibilités pour leurs enfants et leurs petits-enfants dans ce pays, qu’elles peuvent offrir les certitudes que les investisseurs recherchent, et qu’elles ne cherchent pas à freiner le progrès, mais qu’elles veulent simplement pouvoir y contribuer. Un témoin a dit plus tôt que nous devions foncer, tandis que vous proposez de retirer ce projet de loi et de rétablir la confiance.

Selon vous, comment devrions-nous nous y prendre pour rétablir la confiance des Premières Nations?

Mme Moore-Frappier [ - ]

Ouf, c’est une question épineuse. Il y a beaucoup à corriger, mais je crois que tout commence par une relation significative et constructive. Je sais que je me répète encore et encore, mais c’est ce que nous demandons. Incluez-nous dans la conversation. On ne nous a même pas demandé d’être présents, mais nous devons être là, car il se trouve qu’il y a beaucoup de grands esprits, de juristes et d’économistes autochtones. Tous ces gens peuvent proposer des solutions et aider le gouvernement à trouver un meilleur moyen d’avancer.

Il est question de notre relation avec l’État et de ses responsabilités envers nous, et je suis d’avis que le Canada peut en faire plus. Vous avez aujourd’hui l’occasion de dire : « Créons un processus qui nous aidera à avancer ensemble au lieu de faire comme nous l’avons toujours fait, c’est-à-dire agir de manière paternaliste, comme si le Canada avait toujours raison. Nous avons nos experts, mais nous souhaitons faire route ensemble, désormais. » Je vais m’en tenir à cela. Meegwetch.

Le sénateur Prosper [ - ]

Je vous remercie, Cheffe.

Ma prochaine question s’adresse à Mme Johnston. Vous avez dit tout à l’heure que le processus proposé dans le projet de loi C-5 n’est pas un examen indépendant, mais plutôt une auto-évaluation. J’aimerais que vous nous en disiez davantage. Quelle incidence cela aura-t-il sur la notion de bonne foi et de consultations sérieuses auprès des groupes des Premières Nations?

Mme Johnston [ - ]

Je m’inquiète surtout des projets qui ne feront pas l’objet d’évaluations d’impact et qui ne s’appuieront pas sur une mobilisation externe. Quand les renseignements sont principalement examinés à l’interne et que les fonctionnaires vont discuter avec une communauté, un dialogue est possible. Comme la Cheffe vient de le dire, c’est une question de relations. Toutefois, si la majorité du travail est réellement effectué à huis clos, au sein du gouvernement, je crains fort que, même si les fonctionnaires tentent de consulter les nations, ces possibilités de dialogue constructif ne se présentent pas de la même manière que lorsque les processus d’examen sont ouverts et transparents et qu’il y a un échange d’information.

Le sénateur Quinn [ - ]

Ma question s’adresse à M. Gooch. Bienvenue, monsieur. Comme vous l’avez mentionné, beaucoup de marchandises transitent par les ports, qui font le pont entre mer et terre, principalement dans le cas du transport ferroviaire et routier. Ce sont des acteurs extrêmement importants pour l’ensemble du programme commercial.

Comment les dispositions prévues dans le projet de loi C-5 aideront-elles les ports à évoluer dans l’exercice de leur rôle? Pourriez-vous nous parler un peu des avantages et des préoccupations que vous relevez?

M. Gooch [ - ]

Le plus grand avantage que nous voyons est que cela semble être un signal du gouvernement du Canada indiquant que nous devons travailler plus efficacement et faire avancer les projets. Les administrations portuaires du Canada sont indépendantes du gouvernement et travaillent donc en étroite collaboration avec lui pour déterminer les types de projets qui profiteront au Canada sur le plan économique. Ce ne sont pas des organismes à but lucratif; elles sont là dans l’intérêt du Canada.

Comme je l’ai dit, les délais associés aux projets nous ont rendus non compétitifs. Il ne devrait pas falloir 10 ans pour qu’un projet avance. Des projets formidables ont été conçus et ils avancent, mais ils prennent beaucoup de temps à se concrétiser. Si nous parvenons à diversifier nos échanges commerciaux à l’échelle mondiale, ce qui est une des priorités absolues selon le premier ministre, l’augmentation des exportations vers les marchés étrangers — en Europe, en Asie et en Amérique latine — se fera par la voie maritime. Nous devons nous assurer que les ports canadiens ont la capacité à la fois en matière de conteneurs et en matière de vrac pour s’adapter à la hausse des exportations que nous espérons voir vers les marchés étrangers.

Comme je l’ai indiqué dans mes notes, une étude révèle que nous pouvons seulement réacheminer 6 % de nos exportations vers d’autres marchés étrangers. Si on en réachemine davantage, on dépasse la capacité des ports, ce qui entraîne des coûts, prolonge les délais et mine la capacité concurrentielle du Canada, si bien que les transporteurs et les consommateurs canadiens risquent d’aller voir ailleurs.

Le sénateur Quinn [ - ]

Merci. Les ports du Canada ont fait des progrès considérables non seulement pour ce qui est d’inclure directement les parties intéressées dans l’élaboration des propositions de projets stratégiques, mais également pour ce qui est d’adopter des approches inclusives auprès des communautés qui les soutiennent, des groupes d’intérêts et surtout, des communautés autochtones. Aujourd’hui et au cours des derniers jours, nous avons entendu plusieurs témoins exprimer leurs préoccupations, notamment au chapitre de la consultation.

Quels efforts déployez-vous auprès de vos membres, les ports, pour renforcer — et non miner — tout le travail effectué pour bâtir cette relation avec les communautés, y compris les communautés autochtones, et encourager leur participation à mesure que nous faisons franchir les étapes aux initiatives législatives?

M. Gooch [ - ]

Notre association de 17 administrations portuaires canadiennes offre à ses membres un forum où échanger des connaissances. On peut dire que les ports du pays ont fait de l’excellent travail pour établir des relations avec les communautés autochtones qui les entourent. Par exemple, 27 nations appuyaient le projet du terminal 2 de Roberts Bank. Prince Rupert accomplit un travail formidable pour ce qui est de faire participer les Autochtones et d’intégrer les nations autochtones aux activités économiques qui se développent dans la région. Les PDG de tout le pays en tirent des leçons, notamment parce qu’il s’agit d’organisations indépendantes du gouvernement fédéral. Une culture d’inclusion et de consultation des communautés s’installe depuis un certain temps et les membres veulent apprendre les uns des autres afin de s’améliorer.

Le sénateur Quinn [ - ]

Ma dernière question est la suivante : votre association collabore-t-elle avec les provinces afin de s’assurer qu’elles sont conscientes de l’importance des priorités des ports pour le commerce national dans son ensemble? Comment établir ce lien entre les ports, les provinces et le programme national?

M. Gooch [ - ]

Nous n’interagissons pas avec les gouvernements provinciaux. Ce sont nos membres qui interagissent directement avec eux. Ils entretiennent des relations solides avec les premiers ministres provinciaux. En discutant avec nos membres au cours du dernier mois, j’ai appris que la ministre Freeland avait rencontré bon nombre d’entre eux et souligné que le gouvernement fédéral allait travailler avec les premiers ministres provinciaux. J’estime que c’est une bonne nouvelle, car nos membres collaborent déjà très étroitement avec les provinces, non seulement avec la leur, mais aussi avec les provinces voisines. Les provinces des Prairies se soucient beaucoup de la capacité des ports de la côte Ouest, car c’est à partir de là que leurs produits sont exportés vers les marchés mondiaux.

Il est juste de dire que l’on mène des discussions approfondies avec les provinces. Ainsi, les projets les plus susceptibles d’aller de l’avant sont bien connus des premiers ministres provinciaux et ils recevront, espérons-le, leur appui.

Le sénateur Wilson [ - ]

Ma question s’adresse à M. Gooch. Pour commencer, c’est très gratifiant d’entendre parler du terminal 2 plusieurs fois dans les déclarations des délégués que nous recevons parce que j’ai consacré 10 ans à ce projet et je sais à quel point ce fut difficile de le faire aboutir.

Si on fait abstraction des projets qui ont fait l’objet d’une grande visibilité, comme le terminal 2, le projet de Contrecœur ou l’agrandissement des installations de Prince Rupert, ce que j’aimerais voir, en bref, ce sont des projets d’intérêt national qui pourraient être admissibles à ce... je vous demande pardon? Je suis désolé, notre leader essayait de me signaler quelque chose.

Dans l’ensemble, certains projets de petite envergure peuvent aussi être d’intérêt national. Je pense par exemple aux projets de portail maritime, de voies ferrées ou de dégoulottage qui suivent le tracé des corridors commerciaux, que ce soit près des ports ou ailleurs au Canada. Ces projets peuvent avoir de vastes retombées, et il y en a partout. Selon mon expérience, il manque de financement pour les réaliser, et pourtant, on demande aux administrations portuaires de porter tout le fardeau et de déterminer qui doit en assumer les frais.

Avez-vous discuté avec le gouvernement de la manière dont ces projets seront financés dans le contexte de priorisation qui découlera du projet de loi C-5?

M. Gooch [ - ]

Évidemment, nous sommes ravis de constater l’engagement, annoncé dans le discours du Trône, d’ajouter 5 milliards de dollars par l’intermédiaire du Fonds pour la diversification de corridors commerciaux. Vous avez toutefois raison, le gouvernement ne finance pas tout, et ce n’est pas nécessairement souhaitable qu’il le fasse.

Si j’avais été convoqué ici l’année dernière, j’aurais probablement eu d’autres priorités que d’accélérer la mise en œuvre des projets. J’aurais mis l’accent sur la nécessité de donner une plus grande flexibilité aux administrations portuaires et d’améliorer leur capacité à trouver des projets.

En tant qu’administrations portuaires canadiennes, les ports sont soumis à plusieurs restrictions financières par rapport à leur fonctionnement. Ils sont assujettis à des lettres patentes qui prescrivent des limites d’emprunt strictes. Il faut parfois des années pour modifier ces conditions. Parce que les ports ont généralement une capacité d’emprunt bien inférieure à celle d’une organisation similaire dans le secteur privé ou même à celle d’une administration aéroportuaire — j’ai été représentant d’administrations aéroportuaires pendant 15 ans —, les administrations portuaires tentent de moderniser les règles en matière d’emprunt pour que les ports puissent être un peu plus souples et agiles afin d’optimiser leurs ressources financières et d’élargir leur capacité financière.

Certains ports — mais pas nécessairement tous — jouissent d’une plus grande souplesse en ce qui concerne les activités commerciales qu’ils peuvent mener pour générer des revenus et ainsi soutenir les investissements dans les infrastructures essentielles. Si un port voulait construire une installation sur l’eau et y ériger une tour de bureaux, il pourrait se heurter à des restrictions sur ses activités. En réalité, il y a un ensemble de restrictions qui, à notre avis, méritent d’être modernisées en ce qui a trait à la façon dont les ports peuvent fonctionner, générer des revenus et obtenir des emprunts pour remplir leurs mandats. Il ne s’agit pas toujours d’un grand projet excitant avec un ruban à couper, mais tout ce travail est important.

Le sénateur Francis [ - ]

Ma question s’adresse à la Cheffe Moore-Frappier. Hier, j’ai demandé à la ministre Alty pourquoi le gouvernement fédéral avait inclus la Loi sur les Indiens parmi les lois qu’il pourrait contourner en vertu du projet de loi C-5. Elle a répondu que cela permettrait au Cabinet de suspendre certaines dispositions en consultation avec les Premières Nations, mais elle n’a fourni aucun autre détail. Devrions-nous nous inquiéter d’accorder au Cabinet le pouvoir illimité de déroger à la Loi sur les Indiens ou à certaines de ses dispositions, ce qui pourrait supprimer des garanties juridiques essentielles qui protègent les terres et les ressources des réserves? Cela ne crée-t-il pas un risque réel que les gouvernements actuels ou futurs puissent porter atteinte à l’autodétermination, par exemple en contournant les conseils de bande?

Mme Moore-Frappier [ - ]

Je ne comprends pas comment cette option peut être envisagée, car ce que vous décrivez est essentiellement l’usurpation de nos droits. Cela est impossible. Nous ne pouvons pas soutenir une mesure qui créerait un processus décisionnel unilatéral et qui nous exclurait du processus décisionnel.

Puisque la question est en partie de nature juridique, je vais aussi céder la parole à M. Bellefeuille.

Fred Bellefeuille, avocat, Nation anishinabek [ - ]

Bonjour. La Loi sur les Indiens n’a pas nécessairement ancré nos droits issus de traités et nos droits ancestraux. Il n’y a aucune obligation de consultation pour les modifications apportées à la Loi sur les Indiens. Cet octroi de pouvoirs ministériels — ce pouvoir de modifier la Loi sur les Indiens — est donc une réelle menace.

Nous avons vu à maintes reprises ce genre de questions s’enliser devant les tribunaux, notamment les enjeux relatifs au statut d’Indien, qui sont devant les tribunaux depuis des décennies maintenant. Merci. Meegwetch.

Le sénateur Francis [ - ]

Je vous remercie.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Merci. Ma question s’adresse à Mme Johnston. Je veux me concentrer sur la clause Henri VIII qui donne à l’exécutif le pouvoir de passer outre diverses lois du Parlement. Il y a une liste à la partie 1 de l’annexe 2, mais en fait, l’article 20 précise que les lois qui figurent sur cette liste peuvent être modifiées en tout temps, si je comprends bien.

Vous avez approuvé l’idée que des projets d’envergure soient menés, et le projet de loi vise à faciliter la réalisation de ces projets. Je consulte le calendrier parlementaire. La Chambre s’ajourne cette semaine et nous examinerons le projet de loi la semaine prochaine à notre retour. En fait, le meilleur moment pour modifier le projet de loi est cette semaine à la Chambre des communes. J’imagine que vous discutez avec nos collègues à l’autre endroit.

Si le projet de loi est adopté, pensez-vous que cela ralentira les choses? Pensez-vous qu’il y aura des procédures judiciaires? Avez-vous d’autres idées sur la façon dont nous pouvons avoir des projets d’envergure sans les retards dont se plaignent de nombreux gouvernements et entreprises?

Mme Johnston [ - ]

Je vais commencer par la deuxième partie de la question. Une des choses que j’aurais aimé voir dans le projet de loi est l’instauration des multiples instruments dont nous savons qu’ils peuvent accroître l’efficacité et la rentabilité des processus. Au Canada, on fait appel depuis plus de 50 ans à des groupes d’étude indépendants pour bâtir sa crédibilité, obtenir une expertise indépendante et tenir compte de l’apport des parties prenantes.

Je cite souvent en exemple un projet qui a été soumis à une évaluation, en l’occurrence la mine de nickel à Voisey’s Bay au Labrador. Ce projet a été évalué par un groupe d’étude indépendant en 1997. Le groupe a pris moins de deux ans pour l’examiner. Il a découvert que les collectivités étaient dans l’ensemble d’accord avec le concept, mais qu’elles étaient préoccupées par la durée de vie du projet, qui avait été établie d’entrée de jeu à environ huit ans seulement parce que le promoteur voulait maximiser la production le plus rapidement possible.

Au cours de l’évaluation, le promoteur a accepté de baisser la capacité de production et de prolonger la durée de vie du projet. La mine est encore active aujourd’hui. Elle vient de connaître une expansion et elle emploie une centaine de personnes. Tout cela a été fait en moins de deux ans.

En Colombie-Britannique, on utilise les groupes de travail pour que les communautés, les promoteurs et les experts examinent ensemble les enjeux principaux. Il existe des outils dans la trousse à outils. J’ignore pourquoi le Parlement n’a pas choisi d’employer certains outils connus qui mènent non seulement à des évaluations plus efficientes, mais aussi à des résultats plus crédibles et plus rigoureux.

On n’a pas choisi cette avenue, comme je l’ai dit plus tôt. Voilà pourquoi je crains que de ne pas tenir compte de l’opinion de la population dans des décisions qui la touchent mène à des manifestations. Déterminer que des projets sont d’intérêt national avant de parler à la population et de consulter significativement les Autochtones pourrait entraîner des poursuites judiciaires et provoquer d’autres manifestations. Des membres des Premières Nations ont déclaré que cela pourrait mener à un autre Idle No More. C’est extrêmement dommageable et cela n’aide pas à bâtir le pays. Je crains fort que ce projet de loi ne cause par inadvertance un effet opposé à ses objectifs.

Le sénateur Cardozo [ - ]

Ils pourraient encore approuver les projets et respecter les règles, n’est-ce pas? Ils pourraient décider de ne pas le faire, mais on pourrait souhaiter qu’ils respectent quand même les règles.

Mme Johnston [ - ]

C’est ce qu’ils pourraient faire. Je ne sais pas pourquoi ils se donneraient le pouvoir de contourner ces lois s’ils n’avaient pas l’intention de s’en servir. Pour certains projets d’intérêt national qui ont été présentés et envisagés, il y a des préoccupations liées à des espèces en péril. Je pense que les espèces en péril sont probablement la principale préoccupation.

Cela dit, mon collègue de l’association des administrations portuaires a parlé, entre autres choses, des exigences en matière de permis de la Loi sur les pêches. C’est inscrit dans la réglementation. Une modification qui limiterait le pouvoir conféré par les clauses Henry VIII au seul fait de permettre au Cabinet de modifier les règlements leur permettrait toujours de s’attaquer aux problèmes de la Loi sur les pêches qui occasionnent des retards dans la délivrance de permis sans donner à l’exécutif ce qui est en fait des pouvoirs parlementaires.

Il y a des amendements qui, à mon avis, permettraient d’atteindre les objectifs que le gouvernement cherche à atteindre sans créer cette...

Le sénateur Cardozo [ - ]

Puis-je porter cette information à l’attention de la Chambre des communes entretemps?

Mme Johnston [ - ]

Oui.

La sénatrice Senior [ - ]

Je vous remercie tous d’être venus. J’aimerais adresser mes questions à Mme Johnston et à la Cheffe Moore-Frappier.

Au cours des dernières semaines, je suis certain que bon nombre d’entre nous ont reçu des centaines de courriels de citoyens inquiets au sujet de ce projet de loi. J’ai relevé deux préoccupations principales. Premièrement, le projet de loi affaiblirait la surveillance environnementale en accélérant l’approbation de grands projets sans évaluation environnementale rigoureuse — vous en avez discuté —, ce qui pourrait causer des dommages irréversibles aux espèces en péril, aux écosystèmes et aux collectivités. Deuxièmement, le projet de loi porterait atteinte aux droits des Autochtones, car il ne contient aucune disposition garantissant le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des communautés autochtones ou une consultation sérieuse sur les violations potentielles des droits et des territoires traditionnels.

Plus tôt cette semaine, nous avons appris que le gouverneur en conseil doit tenir compte de plusieurs facteurs lorsqu’il modifie ou supprime des projets d’intérêt national, y compris la mesure dans laquelle les projets d’intérêt national peuvent renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada, procurer des avantages économiques ou autres au Canada, promouvoir les intérêts des peuples autochtones et contribuer à une croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.

Pensez-vous que cela soit possible dans le cadre d’un processus accéléré? Pensez-vous qu’il soit possible, comme nous en avons été informés, de réaliser certains de ces processus ou étapes simultanément afin de gagner du temps?

Mme Moore-Frappier [ - ]

La réponse courte est non.

J’aime qu’on parle de promouvoir les intérêts des peuples autochtones. Cependant, on parle ici d’une véritable consultation. Il est question de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Il s’agit de nous inviter à la table non pas après coup, mais pendant la planification, alors je pense que nous n’allons pas accepter cela. Je pense que si ce projet de loi est adopté, il y aura notamment beaucoup de contestations judiciaires, de manifestations et de rassemblements qui auront exactement l’effet contraire de celui que vous recherchez.

Si vous choisissez d’aller de l’avant de cette façon, vous allez essentiellement semer le chaos. Cependant, vous avez encore la possibilité de prendre un peu de recul et de bien faire les choses, et c’est ce que je vous implore de faire. Meegwetch.

Mme Johnston [ - ]

J’ajouterais que, d’un point de vue environnemental, une autre de mes préoccupations est cette volonté de prendre des décisions en deux ans. Elle ne correspond pas à la réalité du temps qu’il faut pour étudier les effets des projets et de ce qui cause souvent des retards dans l’octroi des permis.

Les processus d’évaluation et de réglementation sont censés chevaucher la planification des projets. Il s’agit d’un processus itératif, et souvent, les promoteurs ne disposent pas des informations techniques dont Pêches et Océans Canada, par exemple, a besoin pour délivrer une autorisation. Or, le projet de loi prévoit que l’autorisation sera incluse dans la déclaration de décision que le ministre remettra aux promoteurs, peu importe qu’ils disposent des informations requises; ils ne seront plus tenus de respecter les normes prévues dans les diverses lois environnementales. Ainsi, les conditions ne seront pas contraignantes. Elles constitueront une exigence pour que les promoteurs présentent un plan à une date ultérieure, et ce plan ne fera pas l’objet du même type d’examen auquel il aurait été soumis dans le cadre du processus d’autorisation actuel.

L’empressement du gouvernement et le délai arbitraire de deux ans ne reflètent pas le pragmatisme et la réalité du processus de délivrance de permis. Ils ne reflètent pas le fait qu’il y a eu beaucoup d’expériences négatives au Canada avec ce genre de conditions vagues qui consistent à présenter un plan ou à prévoir l’élaboration d’un plan à une date ultérieure.

La sénatrice Hébert [ - ]

Ma question s’adresse à M. Gooch.

Au sujet de la diversification des marchés d’exportation, le commerce maritime est incontournable, car il s’agit du moyen d’atteindre les marchés plus éloignés. En ce qui concerne le risque de saturation, j’arrive au même taux de 6 % que vous avez mentionné plus tôt.

Nous savons que les ports de la côte Est américaine continuent d’investir massivement pour augmenter leur capacité. Au Canada, on ne peut pas dire qu’on est les Lucky Luke de l’investissement. Au Port de Montréal, le plus important port de conteneurs de l’Est du Canada, un projet d’expansion a été lancé à la fin des années 1980, mais il n’est toujours pas terminé. Dans ce contexte, le Canada risque de perdre des parts de marché au profit de son voisin du Sud, parce que la construction est trop lente.

Quelles sont les trois conditions qui permettraient au projet de loi C-5 de répondre à ce défi?

M. Gooch [ - ]

Je vous remercie de votre question. Je vais y répondre en anglais.

À bien des égards, nous estimons que le projet de loi C-5 avant tout un cadre et un signal que nous devons être plus efficaces et faire avancer les dossiers. En ce qui concerne les processus des divers ministères et organismes qui participent à la délivrance des permis, il y a certainement beaucoup de travail à faire également. Nous lançons un signal aux investisseurs que le Canada a l’intention de faire les choses plus rapidement et avec plus de prévisibilité. Je pense que c’est essentiel, car les exploitants privés qui travaillent dans nos ports et qui investissent dans les ports et les installations veulent cette prévisibilité lorsqu’ils choisissent où investir.

Les États-Unis ont prouvé qu’ils sont capables de faire les choses plus rapidement. Dans une certaine mesure, les ports canadiens sont en concurrence avec les ports américains pour le trafic. À l’heure actuelle, dans nos ports à conteneurs, entre 10 et 20 % — et même plus dans certains cas — des marchandises reçues sont destinées aux États-Unis. Ces marchandises sont débarquées des navires dans un port canadien et sont ensuite transportées par train ou voie terrestre. Nous faisons face à des sanctions imposées par les États-Unis à cet égard, ce qui ne fera que nuire davantage à la position concurrentielle des administrations portuaires canadiennes.

La volonté du premier ministre, c’est de diversifier nos marchés internationaux et d’y arriver rapidement. Les administrations portuaires canadiennes veulent vraiment contribuer à cet effort, et ce dont nous discutons aujourd’hui n’est pas nouveau. C’est un enjeu au haut de la liste des priorités depuis que j’ai rejoint l’Association des administrations portuaires canadiennes, il y a trois ans. Notre organisation est heureuse de voir que cette question attire maintenant une grande attention. Nous sommes satisfaits du cadre proposé dans le projet de loi C-5. Il est évident que la mise en œuvre de ce cadre soulève de nombreuses questions. C’est tout à fait normal, parce que les détails sont toujours la pierre d’achoppement. Nous considérons toutefois qu’il s’agit d’un premier pas important qui nourrit l’espoir d’assister à un processus de réforme en profondeur, ce dont le secteur a besoin.

La sénatrice Coyle [ - ]

Je remercie les témoins de contribuer à notre étude du projet de loi C-5. Mes questions s’adressent à Mme Johnston et à la Cheffe Moore-Frappier.

Le gouvernement a promis de bâtir une économie canadienne forte, résiliente et durable, et ce, de toute urgence. Dans une déclaration récente au sujet du projet de loi C-5, West Coast Environmental Law a dit ceci :

L’expérience nous a appris que les approbations précipitées accordées sans évaluation adéquate des risques sont source de conflits, de contestations judiciaires et d’éventuelles catastrophes environnementales.

Madame Johnston, merci pour tout ce que vous avez déjà dit ici. Ma question est similaire à celle du sénateur Cardozo. Si vous souhaitez ajouter quelque chose, pourriez-vous nous dire comment le Canada pourrait mieux concilier la nécessité de renforcer l’économie canadienne de toute urgence grâce à de grands projets tels qu’un réseau électrique national, tout en menant des processus adéquats d’examen de projets, de consultation, de mobilisation et d’évaluation environnementale?

Je vais aussi poser tout de suite ma deuxième question, qui s’adresse à la Cheffe Moore-Frappier. Après avoir entendu Mme Johnston, croyez-vous qu’il est possible d’accélérer et de rationaliser les processus d’approbation des grands projets tout en menant des processus adéquats de mobilisation, de consultation et d’évaluation?

Mme Johnston [ - ]

Je vous remercie sincèrement de poser cette question. C’est une bonne question.

J’ai mentionné quelques moyens d’améliorer l’efficacité des processus. Il existe de nombreux autres outils, notamment ceux prévus par la Loi sur l’évaluation d’impact. Voici un exemple important et récent : deux évaluations régionales sur l’énergie éolienne extracôtière ont été réalisées à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Ces évaluations ont été achevées il y a environ six mois. Elles sont largement considérées comme rigoureuses, crédibles et participatives. Leur objectif est de rendre beaucoup plus efficaces les processus d’évaluation et d’autorisation individuels pour tout projet spécifique proposé. Elles ont permis de désigner les zones propices aux projets d’énergie éolienne, les mesures d’atténuation types — tout ce qui doit être fait au cas par cas pour chaque projet.

C’est ce qu’on appelle une évaluation régionale. Il s’agit d’un outil prévu par la Loi sur l’évaluation d’impact. Une autre évaluation régionale est en cours dans la région du Cercle de feu, en Ontario, qui, selon nos informations, serait une zone d’intérêt majeur pour les minéraux critiques.

Il s’agit d’outils destinés à garantir que nous disposons de toutes les informations nécessaires afin de ne pas avoir à demander aux promoteurs de réaliser ces études, ce qui prend plusieurs années.

Mme Moore-Frappier [ - ]

Pardon, pouvez-vous répéter votre question, s’il vous plaît?

La sénatrice Coyle [ - ]

Madame la Cheffe, pensez-vous qu’il soit possible d’accélérer et de simplifier les processus d’approbation des grands projets tout en garantissant une participation publique, une consultation et une évaluation qui soient sérieuses?

Mme Moore-Frappier [ - ]

Si la volonté est là, on trouvera un moyen, mais cela doit être fait de concert avec nous avant qu’on aille de l’avant.

Nous pouvons envisager de travailler à accélérer les choses, mais cela doit se faire dans le cadre d’une relation basée sur la confiance, car nous allons progresser à la vitesse de la confiance. Si on ne vous fait pas confiance, nous ralentirons le processus, et cela, je vous le promets. Meegwetch.

La sénatrice Petten [ - ]

Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui. Ma question s’adresse à M. Gooch.

Au cours des derniers mois, j’ai pris le temps de visiter quelques ports, notamment ceux d’Halifax, de Montréal et, bien sûr, de St. John’s. Je serai à Vancouver en août pour y visiter le port. Plusieurs thèmes reviennent régulièrement : les ports du pays sont touchés par les droits de douane, et même si de nombreux pays comblent en partie le vide, comme la Chine par exemple, les volumes sont inférieurs à ce qu’ils étaient auparavant.

Pensez-vous que ce projet de loi contribuera à compenser les effets négatifs qu’ont les droits de douane imposés par les États-Unis sur les ports du pays, y compris celui de St. John’s? Avez-vous des exemples précis concernant ma province, Terre-Neuve-et-Labrador?

M. Gooch [ - ]

Lorsque nous examinons la situation, il y a évidemment le court terme, le moyen terme et le long terme. Le projet de loi C-5 porte sur le long terme, en ce sens qu’il vise à accélérer les choses et à offrir une plus grande prévisibilité. Il ne concerne donc pas tant le court terme.

Alors que nous travaillons, à l’échelle du pays, à rendre nos produits, nos services et nos marchandises plus attrayants pour d’autres marchés, ce projet de loi vise à garantir que nos ports ont la capacité de faciliter ces échanges commerciaux.

Je suis désolé, mais je n’ai pas d’exemples précis pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador, ce qui est frustrant, car je suis originaire de cette province. Cependant, si l’on prend l’exemple des ports à conteneurs, le chiffre dont nous disposons est de 6 %. Ce n’est pas beaucoup si l’on considère l’ampleur de notre dépendance à l’égard des États-Unis. Être en mesure de rediriger 6 % de ces échanges vers les marchés internationaux n’est pas énorme, mais c’est assez pour que certains ports arrivent à leur capacité maximale.

La sénatrice Clement [ - ]

Merci à tous pour vos commentaires. M. Gooch, j’ai apprécié votre réponse à la question du sénateur Quinn sur les obligations de votre organisation s’agissant de bâtir la relation ainsi que vos projets à cet égard. Cheffe Moore-Frappier, vos observations préliminaires étaient remarquables. Je dirai nawa en mohawk, qui est la langue du territoire où se trouve ma communauté d’origine, Cornwall, en Ontario.

C’est toutefois avec Mme Johnston que je souhaite m’entretenir, parce que j’ai lu l’article publié sur votre site Web le 16 juin 2025, qui fait état d’une vague de protestations, de rassemblements et d’actes de désobéissance civile contre l’oléoduc Trans Mountain. Il y a eu la catastrophe de la mine Mount Polley en 2014, quand le barrage du bassin de décantation des résidus miniers a cédé, déversant 25 milliards de litres de déchets toxiques dans le lac Polley, le ruisseau Hazeltine et le lac Quesnel. Il y a eu les étangs bitumineux de Sydney, l’un des sites les plus contaminés par les déchets toxiques au Canada, qui est le résultat de décennies d’absence d’étude d’impact et de réglementation adéquate pour une aciérie. Il y a eu la contamination à l’uranium près d’Elliot Lake, en Ontario, qui s’est accumulée pendant plusieurs décennies d’élimination des résidus de l’extraction minière de l’uranium sans étude d’impact ni réglementation adéquate. Ecojustice a également publié un article qui parle de la vallée des produits chimiques, près de Sarnia, en Ontario, où se trouve environ 40 % de l’industrie chimique au Canada, et de l’empoisonnement au mercure à Grassy Narrows.

Étant donné que ces exemples sont le résultat d’un assouplissement de la réglementation ou d’une absence de réglementation et que vous avez formulé des recommandations à cet égard dans votre déclaration préliminaire, quels sont, selon vous, les points les plus urgents à examiner? Vous avez parlé de présomption et d’examens indépendants. C’est la première partie de ma question.

Je voudrais également vous parler de racisme environnemental. La sénatrice McCallum a abordé le sujet dans cette enceinte. Je voudrais simplement citer l’exemple d’Africville, en Nouvelle-Écosse. Les anciens Afro-Américains se sont vu refuser les services municipaux de base qui étaient offerts aux résidants blancs d’Halifax. Dans les années 1960, le quartier a été rasé à cause de cette négligence, entraînant le déplacement de ses résidants. Les Néo-Écossais d’origine africaine ressentent encore les effets de cet événement, et je crains que d’autres groupes vulnérables ne soient touchés par cette mesure législative. La contamination des sols, les sites d’enfouissement de déchets et l’utilisation industrielle des terres touchent de manière disproportionnée les quartiers où vivent des communautés racisées, des immigrants récents et des personnes à faible revenu. Hier, le sénateur Prosper a demandé à une témoin d’inscrire dès le départ, dans la loi, les pratiques exemplaires en matière de consultation.

C’est beaucoup d’information à digérer. Qu’en pensez-vous?

Mme Johnston [ - ]

En effet, et je vous remercie d’avoir mentionné le blogue. Je vais en profiter pour faire un peu de publicité : nous publions demain un rapport qui décrit ces catastrophes plus en détail et qui donne également des exemples où une bonne évaluation environnementale et des modèles de cogouvernance ont permis de prendre de meilleures décisions concernant les projets.

En ce qui concerne le racisme environnemental, l’un des aspects de la Loi sur l’évaluation d’impact qui nous ont beaucoup plus, c’est que la loi intègre l’obligation de prendre en compte l’interaction du sexe, du genre et d’autres facteurs identitaires — c’est un des sujets qui me préoccupent. Par exemple, si on veut construire une mine près d’une petite localité qui dispose de ressources limitées en santé, puis qu’on fait venir un groupe de travailleurs et qu’on les loge dans cette localité ou à proximité, il y aura de nombreuses conséquences imprévues : hausse du prix du logement, pression sur le système de santé, augmentation des ITS et des grossesses chez les adolescentes. Toutes ces conséquences peuvent être atténuées, mais il faut relever et comprendre le problème pour pouvoir l’éviter.

Avec le projet de loi 5, l’Ontario a soustrait la région du Cercle de feu à toute loi provinciale sur l’évaluation environnementale. Si un projet minier n’est pas soumis à une évaluation d’impact fédérale parce qu’il se situe juste en dessous du seuil requis, aucun de ses effets ne serait pris en compte. Nous parlons ici d’effets potentiellement énormes pour de nombreuses collectivités de cette région.

Je suis préoccupée par le fait non seulement que ce projet de loi risque d’affaiblir les normes environnementales, de santé et de sécurité, mais qu’il ne prévoit pas non plus la mise en place de processus ni de normes. Cela dit, si je n’avais qu’un ou deux souhaits à formuler, je dirais que ce sont les clauses Henri VIII qui me préoccupent le plus. J’aimerais donc les supprimer, ainsi que la possibilité de considérer que les conditions auxquelles vous vous opposez sur les documents respectent les normes d’autres lois environnementales, alors que ce n’est pas le cas en réalité.

Je pense donc qu’il est important de s’assurer que, à travers ces processus et ces décisions, nous ne nous soustrayons pas aux normes que le Parlement a fixées pour les processus de prise de décision du gouvernement fédéral. Ce sont là mes deux principales préoccupations.

Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le comité entend les témoins depuis maintenant 75 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligé d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse poursuivre avec le troisième panel.

Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

Le président : Honorables sénateurs, nous allons suspendre les travaux pendant quelques minutes afin de nous préparer pour le troisième panel. Nous allons reprendre à 16 h 47.

Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance en comité plénier afin de poursuivre son étude sur la teneur du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.

Le comité entendra maintenant l’honorable Lisa Raitt, ancienne ministre du Cabinet fédéral et coprésidente, Coalition pour un avenir meilleur, et l’honorable Brian Gallant, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Je vous remercie d’être ici avec nous aujourd’hui. Je vous invite à faire vos observations préliminaires.

L’honorable Lisa Raitt, c.p., ancienne ministre du cabinet fédéral et coprésidente de la Coalition pour un avenir meilleur [ - ]

Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui. C’est un peu comme un retour aux sources. Je suis ravie de voir autant de visages familiers, tous partis confondus, et je vous suis très reconnaissante de m’avoir invitée ici en raison de mon rôle au sein de la Coalition pour un avenir meilleur. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer au sujet du projet de loi C-5.

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, je suis coprésidente de la Coalition pour un avenir meilleur, une fonction que je partage avec l’honorable Anne McLellan, qui aurait beaucoup aimé être ici aujourd’hui. Loin de moi l’idée de vouloir suggérer que la présence de M. Gallant n’est pas formidable elle aussi. Mme McLellan voulait être ici, mais elle n’est malheureusement pas disponible, alors je vais devoir faire le travail pour nous deux.

La Coalition pour un avenir meilleur rassemble 140 organisations issues du monde des affaires, des syndicats, des communautés autochtones, de la société civile et plus encore. Nous partageons un objectif clair : bâtir un Canada plus fort, plus inclusif et plus prospère.

Notre organisation appuie l’intention qui sous-tend le projet de loi C-5, et nous croyons qu’il peut contribuer à renforcer les fondements économiques à long terme du Canada, surtout s’il est accompagné d’une stratégie plus vaste et audacieuse visant à stimuler la croissance, la productivité et la compétitivité.

Pour y parvenir, nous devons maintenir la croissance économique à long terme. Cependant, il doit s’agir d’un type de croissance qui se traduit par une économie plus concurrentielle, par la création d’emplois bien rémunérés, par un soutien aux familles, par davantage de possibilités pour les gens de se sortir de la pauvreté, et par l’utilisation de carburants plus propres. Voilà donc l’angle que nous utilisons dans notre fiche d’évaluation.

Grâce à notre fiche d’évaluation, nous mesurons les progrès accomplis au moyen de 21 indicateurs reconnus à l’échelle internationale couvrant tous les domaines, des revenus aux émissions, en passant par les investissements, par rapport aux objectifs fixés pour 2030 dans le monde entier. Notre fiche d’évaluation se trouve à l’adresse www.canadacoalition.ca.

Malheureusement, notre fiche d’évaluation de cette année dresse un portrait peu réjouissant du Canada. En effet, notre pays n’est pas sur la bonne voie. Le niveau de vie des Canadiens baisse. Nous avons constaté que le revenu réel est en baisse, que la pauvreté est en hausse et que le logement demeure inabordable pour beaucoup de nos concitoyens. Le chômage est en hausse, en particulier chez les immigrants et les jeunes. La représentation des femmes dans les postes de direction stagne, et la participation des Autochtones au marché du travail est en diminution.

Le Canada se classe maintenant presque au dernier rang parmi les pays de l’OCDE sur le plan de la productivité. Les investissements en matière de recherche et de développement des entreprises, de machinerie et des droits de propriété intellectuelle se sont effondrés pour atteindre un creux historique. Il ne s’agit pas uniquement d’une donnée statistique, mais d’un signal que notre économie est en perte de vitesse.

Sur le plan de la durabilité, nous faisons des progrès par rapport aux émissions, mais pas assez rapidement. Les investissements dans les technologies propres sont au point mort, et nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour nous adapter aux réalités futures. Tous ces problèmes, comme la crise de l’abordabilité, la faiblesse des investissements et les disparités en matière de croissance, surviennent dans un contexte d’instabilité mondiale, de tensions géopolitiques, de fragmentation du commerce et de montée du nationalisme. Malheureusement, d’après nos informations, notre économie, dans son état actuel, n’est tout simplement pas assez résiliente.

En toute franchise, honorables sénateurs, lorsque Mme McLellan et moi avons créé la coalition, en 2021, les gouvernements minoritaires successifs se concentraient sur ce qui était politiquement rentable plutôt que sur ce qui était nécessaire sur le plan économique. En sept élections, nous avons élu cinq gouvernements minoritaires. Ayant fait partie d’un gouvernement minoritaire, je sais qu’un gouvernement minoritaire cherche activement à obtenir une majorité, et qu’ils peuvent prendre certaines décisions stratégiques en fonction de cet objectif.

Ce que nous voulions, cependant, c’était un outil qui transcenderait la partisanerie. C’est pourquoi les paramètres restent cohérents. Les 21 paramètres du tableau de bord que nous avons définis en 2021 seront les 21 paramètres que nous mesurerons jusqu’en 2030 — il n’y aura pas de cibles changeantes, pas de garde-fous différents selon qui est ministre des Finances. Il n’y aura que les données, afin que les Canadiens puissent juger par eux-mêmes. La vérité, c’est que nous tournons en rond depuis 20 ans. Tous les gouvernements ont évité les questions difficiles sur la compétitivité, la résilience et la durabilité, et maintenant, malheureusement, nous manquons de temps. Cependant, nous ne manquons pas d’options. Nous disposons de talents de classe mondiale, de ressources énergétiques abondantes et d’une population diversifiée. Nous devons toutefois sérieusement corriger le tir et le faire dès maintenant.

La question est donc la suivante : sommes-nous prêts à agir? Une stratégie canadienne audacieuse place l’investissement, la productivité et la compétitivité au cœur du programme économique. C’est ce que visent bon nombre des mesures prévues dans le projet de loi à l’étude aujourd’hui : éliminer les obstacles au commerce interprovincial, moderniser notre régime fiscal pour favoriser l’investissement, soutenir nos économies rurales et veiller à ce que nos collectivités soient considérées comme des moteurs économiques plutôt que d’être reléguées au second plan. Il faut tracer une voie pragmatique pour réduire les émissions en investissant dans l’énergie propre, le captage du carbone, le nucléaire et l’expansion des énergies renouvelables. Il faut tirer parti de nos ressources énergétiques et de nos négociations sur la scène mondiale tout en préservant la sécurité énergétique et les possibilités économiques. Il faut construire des logements abordables sans dépasser nos seuils d’émissions et mettre vraiment l’accent sur la productivité — pas seulement en paroles, mais en gestes concrets.

Le Canada a un brillant avenir, mais il faut le bâtir avec dessein, avec audace, et nous devons avoir le courage de prendre des risques à long terme dans une culture politique à court terme. Je sais que ce n’est pas facile, mais je dirais — tout comme Mme McLellan — que c’est nécessaire. Nous demandons donc aux gens de choisir l’innovation, la collaboration et l’action, parce que les meilleurs chapitres de l’histoire canadienne restent à venir.

Le président [ - ]

Merci, madame Raitt.

Monsieur Gallant, vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.

L’honorable Brian Gallant, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick [ - ]

Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, merci pour l’invitation. C’est un honneur d’être ici, au Sénat, avec d’anciens collègues, des amis et de valeureux Canadiens et Canadiennes de différentes origines et perspectives.

Le Canada est à la croisée des chemins. Donald Trump a unilatéralement abdiqué le leadership mondial des États-Unis. Il a relégué à l’arrière-plan l’approche américaine qui consistait à obtenir une influence discrète grâce à la collaboration économique pour plutôt mettre de l’avant une approche transactionnelle où l’on veut arracher à tout prix de soi-disant « victoires » avec des accords commerciaux renégociés de force.

Le prix de cette mentalité où un seul partenaire peut gagner est très élevé, en raison de l’incertitude économique accrue, de l’absence d’initiatives mondiales pour lutter contre la crise climatique, de l’augmentation des inégalités et de l’intensification des tensions géopolitiques. Le moment est venu pour le Canada de se positionner sur la scène internationale. Le pays doit relever les défis et saisir les occasions que la situation engendre en agissant sans délai de manière stratégique et audacieuse. C’est une occasion que nous ne pouvons pas manquer.

Pour accomplir tout cela, nous devons, en tant que Canadiens, travailler en étroite collaboration, faire preuve de plus de souplesse et réaliser de grandes choses, tout en créant des possibilités économiques pour chaque citoyen, en luttant contre les inégalités et les injustices, en combattant les changements climatiques et en protégeant l’environnement, en améliorant les soins de santé et le niveau de vie des Canadiens, et en favorisant la réconciliation avec les Autochtones.

À l’heure actuelle, nos gouvernements ont de nombreuses préoccupations. Selon moi, l’objectif du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada est de trouver le bon équilibre.

Ce projet de loi propose d’éliminer les barrières fédérales au commerce interne et à la mobilité des travailleurs, ce qui aidera à stimuler la croissance économique. De plus, le projet de loi propose d’identifier des projets d’intérêt national et d’accélérer leur progression grâce à un processus fédéral revitalisé.

Ce projet de loi suscite des inquiétudes en ce qui a trait à la protection de l’environnement.

Après avoir examiné le projet de loi, je crois comprendre que, pour aller de l’avant, le projet envisagé au titre de la mesure législative devra respecter les conditions qui seront établies dans le cadre d’une évaluation d’impact et d’un examen par les organismes de réglementation.

On pourrait alors se demander ce que changerait ce projet de loi. Après l’avoir examiné, j’ai cru comprendre que divers ministères, organismes et organismes de réglementation fédéraux évalueront simultanément un projet jugé d’intérêt national au lieu de suivre leurs processus respectifs de manière séquentielle. En termes plus simples, si le projet de loi C-5 est adopté, il établira le principe d’un seul examen par projet pour les projets jugés d’intérêt national.

Il me semble tout à fait logique que, dans l’intérêt national, divers ministères et organismes fédéraux travaillent en parallèle afin de faire avancer un projet de manière plus efficace et plus rapide.

Je dois ajouter que je suis rassuré par le fait que ce projet de loi vise à rendre le processus d’approbation plus efficace et rapide, et qu’il ne cherche pas nécessairement à modifier le travail important effectué par divers ministères et agences durant l’évaluation des projets.

Par ailleurs, le projet de loi suscite d’autres préoccupations quant à son impact sur les droits des peuples autochtones.

D’après ce que je sais de l’obligation de consulter et d’accommoder les peuples autochtones, ce projet de loi ne pourrait pas, même s’il le voulait, contrecarrer l’obligation de l’État de consulter et d’accommoder les peuples autochtones. Du reste, le projet de loi reconnaît expressément les droits constitutionnels des peuples autochtones et précise la nécessité de consulter les peuples autochtones au sujet des projets envisagés au titre de la mesure législative proposée.

Certaines personnes pensent aux oléoducs lorsqu’elles entendent parler de ce projet de loi. Des discussions sur la manière dont ce projet de loi pourrait influencer l’avancement de plusieurs projets sont certainement justifiées.

Le projet de loi pourrait contribuer à faire avancer de nombreux autres types de projets importants pour le Canada, y compris, si vous me le permettez, certaines initiatives spatiales. Grâce à ses capacités spatiales, le Canada peut fournir une connectivité aux collectivités éloignées, nordiques ou autochtones, assurer notre souveraineté dans l’Arctique, renforcer notre collaboration avec nos alliés en matière de défense et de sécurité, protéger plus efficacement nos océans, nos forêts et nos côtes, lutter contre les effets des changements climatiques et les atténuer, stimuler l’innovation dans le domaine de la recherche et du développement, et bien plus encore. Il y aurait également de merveilleux projets qui pourraient être mis en œuvre au Nouveau-Brunswick et que je serais ravi d’ajouter à ma liste si quelqu’un souhaite en discuter.

Tel que l’a exposé ma collègue, le retard du Canada en matière de productivité est l’une des statistiques économiques qui devraient nous préoccuper le plus ici, au Canada, compte tenu de la corrélation entre la productivité d’un pays et son niveau de vie. Le projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne, s’il est adopté, servira d’outil pour nous aider à accroître notre productivité et à relever les défis actuels. Je vous remercie de votre attention.

Le président [ - ]

Je vous remercie, monsieur Gallant.

Nous passons maintenant à la période des questions. Étant donné que de nombreux sénateurs souhaitent poser des questions, j’avise respectueusement les témoins que les sénateurs aiment qu’on réponde à leurs questions avec concision.

Honorables sénateurs, je vous remercie de bien préciser à qui vous adressez vos questions.

Le sénateur Housakos [ - ]

Bienvenue au Sénat, monsieur Gallant.

Madame Raitt, je vous souhaite un bon retour à Ottawa. Vous nous avez manqué. En tant qu’ancienne ministre du Travail et des Transports et désormais vice-présidente de la Banque d’investissement du réseau mondial de la CIBC, vous avez pu constater les répercussions des normes fédérales et de la mobilité économique sur les marchés et, bien sûr, sur les travailleurs. Pensez-vous que le projet de loi C-5, qui se concentre spécifiquement sur les obstacles fédéraux au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre, tire suffisamment parti des pouvoirs fédéraux pour générer des avantages économiques à l’échelle nationale? Selon vous, ce projet de loi est-il suffisant pour exploiter pleinement le potentiel lié à la suppression des obstacles au commerce?

Mme Raitt [ - ]

Merci pour cette question, sénateur. Je vous en suis reconnaissante, et je vous félicite pour votre nouvelle fonction. Je sais que vous vous acquitterez bien de votre tâche.

Si je devais reprendre mon ancien rôle de législatrice, je dirais que la loi est rédigée de manière si générale qu’on pourrait supposer que vous avez la possibilité de faire ce que vous jugez nécessaire. En fin de compte, sénateur, je pense que la question est de savoir si vous disposez des structures adéquates pour prendre les décisions qui s’imposent et si vous serez en mesure de mettre en œuvre les décisions que vous avez prises.

Cette loi confère donc beaucoup de pouvoir à un ministre, à un gouvernement ou à un gouverneur en conseil, mais si le gouvernement ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour la mettre en œuvre, elle ne reste qu’un simple bout de papier.

Du point de vue du commerce, c’est là que réside le problème. Le fait est que, oui, le gouvernement dispose d’un pouvoir considérable et d’une grande capacité législative, mais en réalité, il arrive parfois qu’il ne les exerce pas de manière appropriée, rapidement ou de façon décisive. Le commerce exige de la certitude. La loi peut y contribuer, mais c’est lorsque les projets seront approuvés et mis en œuvre que les entreprises du monde entier seront rassurées.

Le sénateur Housakos [ - ]

Je comprends, d’après vos commentaires, que vous croyez que le processus décisionnel sera fortement politisé. Selon ce qu’on peut voir, certains ministres auraient beaucoup de pouvoir pour ce qui est de déterminer comment les projets seront choisis. À votre avis, quelle structure serait plus appropriée pour que le monde des affaires puisse avoir confiance que le processus décisionnel est fondé non pas sur des considérations politiques, mais bien sur des modèles économiques pertinents?

Mme Raitt [ - ]

Il faudrait avoir plus d’informations sur la manière dont les informations pertinentes se rendront jusqu’au décideur final. Par exemple, vous vous souvenez peut-être, sénateur, qu’à l’époque où nous étions au pouvoir, nous avions le Bureau de gestion des grands projets. Il était soutenu par un sous-comité de sous-ministres qui supervisaient réellement la progression des projets au sein du système et veillaient à ce qu’il y ait une coopération horizontale entre tous les ministères pour l’obtention des permis et autorisations nécessaires. Au final, tout remonte jusqu’au décideur final, mais avec la bonne quantité d’informations.

Les entreprises peuvent voir s’il existe des arbres décisionnels appropriés tout au long du processus. Elles savent à qui s’adresser au cours du processus. S’il y a des mécanismes de soutien appropriés, c’est moins opaque que lorsqu’un seul décideur prend une décision politisée.

La sénatrice Poirier [ - ]

Bienvenue à vous deux. C’est un honneur de vous avoir avec nous aujourd’hui.

Merci d’être ici tous les deux. Ma question s’adresse à M. Gallant.

Ma question s’adresse à l’ex-premier ministre du Nouveau-Brunswick.

En tant que premier ministre, vous avez eu à trouver un équilibre entre les efforts pour encourager la mobilité interprovinciale des travailleurs et ceux visant à éviter un exode de la main-d’œuvre qualifiée de votre province vers les autres provinces. Les Néo-Brunswickois connaissent trop bien la question de la mobilité des travailleurs, puisqu’ils sont nombreux à se rendre dans les autres provinces pour le travail et à rentrer chez eux à intervalles réguliers.

À votre avis, est-ce que les mesures prévues à la partie 1 du projet de loi C-5 visant à accroître la mobilité de la main-d’œuvre risquent d’inciter davantage de gens des petites provinces, comme le Nouveau-Brunswick, à aller travailler dans les plus grands marchés?

M. Gallant [ - ]

Merci beaucoup de votre question. C’est formidable de vous voir, sénatrice.

Premièrement, j’aime à penser que le Nouveau-Brunswick, les petites provinces et les petites collectivités peuvent rivaliser avec n’importe qui. En fait, je pense que la pandémie a montré que la région de l’Atlantique était un endroit très intéressant où vivre. Un peu partout au pays, les gens ont commencé à voir les avantages formidables que nous avons à offrir.

Deuxièmement, je veux que les Canadiens, y compris les Néo-Brunswickois, aient le sentiment que la prospérité économique est possible. Je l’ai dit dans le temps où j’étais premier ministre de ma province, et j’ai fait attention de bien choisir mes mots. Il est aussi important de permettre aux gens d’acquérir de l’expérience. Cela peut être une bonne chose. Quand j’étais un peu plus jeune, j’ai étudié à l’Université McGill pendant un an. Ce fut une expérience merveilleuse pour moi. Je suis ensuite revenu à Shediac Bridge et regardez-moi maintenant. Moi qui suis à Shediac Bridge, je suis invité dans cette magnifique enceinte.

Il n’y a rien de mal à laisser les travailleurs acquérir ce genre d’expérience. Chose certaine, je ne voudrais pas que quelqu’un reste dans une petite province simplement parce qu’il ne peut pas obtenir le certificat de compétence pour travailler ailleurs.

On incitera également les employeurs, y compris les gouvernements, qui emploient de nombreuses personnes ayant besoin de ce type de certificat pour déménager, à mieux rémunérer leurs employés et à leur offrir de meilleures conditions de travail. Il s’agit là d’une conséquence supplémentaire, bien que potentiellement involontaire, qui est en fin de compte favorable aux travailleurs.

Tout est-il bénéfique? L’esprit de votre question, à savoir si nous pourrions constater cette incidence, est tout à fait légitime. En collaboration avec les provinces, dont les champs de compétence et les efforts doivent être respectés, notre pays doit veiller à être bien conscient de ce risque et à prendre des mesures très concrètes et proactives pour tenter de l’atténuer.

La sénatrice Poirier [ - ]

Si un afflux massif de travailleurs se produit, les répercussions potentielles sur les infrastructures locales vous préoccupent-elles, par exemple, dans le cas du système de santé et du logement, qui dépendent d’un accès stable à une main-d’œuvre qualifiée? Craignez-vous que, sans mesures de protection, le projet de loi C-5 aggrave involontairement les disparités régionales?

M. Gallant [ - ]

Oui, c’est possible, et nous ne devons pas faire preuve de naïveté face aux difficultés qui pourraient surgir lorsque nous mettrons ces mesures en œuvre. Mais je me dis aussi que le gouvernement fédéral et les provinces sont capables de surmonter ces difficultés. En fin de compte, l’objectif est réalisable, et le résultat serait bénéfique. Par exemple, si des règles de certification des compétences sont établies à l’échelle nationale, une personne pourra travailler dans une autre province avec le certificat obtenu dans sa province. Pour pouvoir recruter de la main-d’œuvre et la retenir, chaque province devra veiller à ce que les travailleurs y soient heureux. Les mesures d’atténuation pourraient donc avoir des conséquences imprévues qui, en fin de compte, seraient bénéfiques pour les personnes et, espérons-le, pour la province.

Encore une fois, j’insiste sur ce point : je ne nie pas que des problèmes puissent se produire. Il s’agit d’une question tout à fait légitime, mais il existe d’autres politiques. Qu’il s’agisse de l’immigration, des sommes consacrées à l’éducation et la formation, ces politiques pourraient également contribuer à atténuer les problèmes. Il est important que le gouvernement fédéral sache que cette mesure pourrait créer des tensions et des difficultés pour les petites régions et les petites provinces, et que ces provinces agissent également en conséquence.

Cependant, comme je l’ai dit, la situation s’est un peu inversée durant la pandémie, du moins pour un certain temps. Par exemple, beaucoup de gens ont quitté l’Ontario et le Québec pour s’installer au Nouveau-Brunswick. Nous avons beaucoup à offrir. Nous pouvons rivaliser contre le reste du pays pour attirer les talents et les gens qui veulent vivre dans notre province et en faire partie. Je pense que toutes les provinces canadiennes partagent cette conviction.

La sénatrice Poirier [ - ]

Y a-t-il des mesures que vous recommanderiez aux gouvernements provinciaux d’envisager afin d’atténuer les déficits de main-d’œuvre, tout en favorisant l’intégration nationale?

M. Gallant [ - ]

Oui, j’en ai mentionné quelques-unes. Il est vraiment important de permettre aux gens d’acquérir l’expérience dont ils ont besoin. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable qu’une personne demeure dans une province pour la seule raison qu’elle n’a pas accès à des emplois ou à des débouchés ailleurs, et ce, à cause de problèmes de certification des compétences. Nous ne devrions pas adopter cette approche pour augmenter notre main-d’œuvre. Le meilleur moyen d’y arriver, c’est de faire du recrutement, puis de rémunérer généreusement les travailleurs, de bien les traiter, de les fidéliser et de veiller à ce que nos collectivités disposent des infrastructures dont ils ont besoin pour y mener une vie épanouissante. De plus, investir dans l’éducation et la formation, y compris dans l’enseignement postsecondaire, ainsi que dans les politiques d’immigration, nous permettra de disposer de la main-d’œuvre dont nous avons besoin.

Avant de devenir premier ministre du Nouveau-Brunswick, j’étais — il y a longtemps de cela — leader étudiant à l’Université de Moncton. Cet établissement est la plus grande université francophone en Amérique du Nord, à l’extérieur du Québec, bien sûr. Je voulais voir qui m’écoute encore.

Pendant mes études à cette université, j’ai milité pour l’accessibilité et l’abordabilité des études postsecondaires dans le cadre de mes fonctions au sein de la fédération étudiante. Je me souviens de la publication d’un rapport très troublant où le Canada faisait piètre figure dans le classement de 60 États en matière d’accessibilité et d’abordabilité des études postsecondaires. Si ma mémoire est bonne, le Nouveau-Brunswick occupait la 57e place sur 60.

Ce qui est vraiment intéressant, c’est la manière dont les auteurs du rapport sont parvenus à ces conclusions : ils ont examiné le coût des études postsecondaires, principalement des études universitaires dans ce cas-ci, mais également des études collégiales. Combien les étudiants avaient-ils payé à la fin de leurs études? Quelle somme devaient-ils rembourser? À quoi ressemblait leur dette? Puis, quels types d’emplois ont-ils trouvés et quelle était leur capacité à rembourser leur dette?

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Bonjour à tous et merci d’être ici.

Madame Raitt, comme vous l’avez dit, vous êtes la coprésidente de la Coalition pour un avenir meilleur, qui affirme sur son site Web que le programme de croissance doit être durable sur le plan environnemental.

Comment le projet de loi C-5 s’inscrit-il dans cette définition? Après tout, le projet de loi visant à bâtir le Canada prévoit, à l’article 5, que le gouvernement peut tenir compte — c’est seulement une possibilité — de la contribution du projet à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques. Ce libellé vous semble-t-il suffisamment fort? Qu’en pensez-vous?

Mme Raitt [ - ]

Dans le fond, sénatrice, cela revient à la réponse que j’ai fournie plus tôt au sénateur Housakos, à savoir que tout dépend de l’exercice du pouvoir. Le libellé de la loi est très vague et donne effectivement carte blanche au ministre — quel qu’il soit — à bien des égards pour déterminer laquelle des lois s’applique.

Cependant, les contribuables vont porter attention aux résultats, c’est-à-dire qu’ils vont remarquer si un gouvernement ou un ministre fait quelque chose d’extrêmement étrange ou décide d’éviter ou d’ignorer des pans entiers de nos lois qui sont vraiment importantes pour respecter les valeurs des Canadiens.

Les Canadiens ne ferment pas les yeux et ils ont la capacité et les moyens d’évaluer si leur gouvernement fait du bon travail ou non.

En fin de compte, le premier ministre, le gouvernement, les députés de l’opposition, tous les élus veulent conserver leur siège, donc ils vont se laisser guider par ce qui est dans leur intérêt. Cependant, le gouvernement a manifestement jugé qu’il a besoin de ce pouvoir très étendu — qui est certes très large et aussi, probablement, terrifiant —, car, en substance, il demande aux Canadiens : « Accordez-nous votre confiance. Nous allons faire du bon travail. »

Dans la première partie de mon discours d’aujourd’hui, j’espère avoir bien expliqué aux sénateurs que la situation est urgente et qu’il faut agir. L’approche actuelle ne fonctionne pas. Nous perdons du terrain, et nous allons perdre des choses que nous chérissons et auxquelles nous tenons dans ce pays si nous ne faisons rien pour l’économie.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Qu’en est-il du climat?

Mme Raitt [ - ]

Il ne fait aucun doute qu’il faut également tenir compte du climat. Cependant, si on ne fait pas ce qu’il faut pour l’économie, nous ne pourrons pas mettre en œuvre des mesures pour réduire les émissions.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Je pense que je connais la réponse, mais le projet de loi C-5 devrait-il contenir des mesures plus rigoureuses en matière de protection de l’environnement, et devrait-il être plus direct en précisant, par exemple, que les projets d’intérêt national ne devraient pas faire augmenter les gaz à effet de serre au Canada?

Mme Raitt [ - ]

Je crois que si vous commencez à proposer au gouvernement d’associer diverses conditions du genre, cela ouvrira la porte à l’ajout d’autres types de conditions. C’est une question de priorités.

Est-ce que la définition d’un projet d’intérêt national inclut ceci ou cela? Le projet de loi est très vague à ce sujet et ne précise aucune condition.

Vous pouvez le proposer au gouvernement, mais je doute qu’il l’accepte, car il veut se donner autant de pouvoir et de marge de manœuvre que possible.

Pour sa part, la coalition ne prescrit pas au gouvernement les politiques à instaurer. Toutefois, c’est clair que nous évaluons celles qu’il choisit d’instaurer pour déterminer si elles sont judicieuses.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Merci. Je vais demander à M. Gallant de continuer cette conversation.

Jugez-vous que le langage utilisé dans ce projet de loi est suffisamment clair pour que nous continuions de respecter nos engagements climatiques? C’est très bien d’avoir une superéconomie, mais si la planète brûle, nous n’avançons pas tellement.

M. Gallant [ - ]

Je suis d’accord avec votre commentaire final. Il est important de réaliser que ce projet de loi touchera plusieurs secteurs, sans aucun doute, mais qu’il ne représente pas le plan du gouvernement fédéral pour toutes les questions dont nous devons traiter comme pays. En résumé, le fait que le projet de loi indique qu’il faut avoir des projets —

... pouvant contribuer à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques...

— signifie que le gouvernement pourra dire publiquement, comme je l’espère, en tout cas : « Voici nos objectifs, voici nos cibles de réduction des gaz à effet de serre. » Je ne sais pas si ce sera au moyen d’un projet de loi, mais j’espère que ce sera fait publiquement. Cet engagement sera le mécanisme par lequel le gouvernement sera responsable en ce qui concerne les changements climatiques. Certains projets pourraient être très utiles pour l’environnement ou pour le pays, mais ils pourraient aussi faire augmenter légèrement les gaz à effet de serre. Si nous utilisons le langage strict dont vous avez discuté avec Mme Raitt, cela voudrait dire que ces projets ne pourraient pas progresser, même si nous réussissons, dans l’ensemble, à atteindre nos cibles de réduction des gaz à effet de serre.

Il ne faut donc pas dire que ceci représente maintenant le seul plan du gouvernement fédéral. Il y aura d’autres engagements et d’autres projets de loi.

Le président [ - ]

Merci, monsieur Gallant.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Bienvenue à vous deux, et merci d’être avec nous aujourd’hui.

Mme Raitt, c’est un plaisir de vous revoir à Ottawa.

Je pense que le projet de loi répond à certaines des principales recommandations formulées dans le dernier tableau de bord de la Coalition pour un avenir meilleur, qui, selon moi, met en évidence l’excellent travail accompli par la Coalition. Je vous remercie de l’avoir rédigé.

Dans votre rapport, vous mentionnez l’écart de productivité considérable du Canada et vous soulignez le fait que la seule voie infaillible vers une croissance durable consiste à accroître la productivité, en précisant qu’il faut d’abord créer un environnement plus propice à l’investissement. Dans cette optique, pensez-vous que le projet de loi C-5 établit les conditions nécessaires pour faire du Canada une destination plus attrayante pour les investissements nationaux et internationaux?

Deuxièmement, la coalition a-t-elle fait des projections concernant les répercussions que l’augmentation de la productivité pourrait avoir sur l’économie canadienne, notamment du point de vue de la croissance, du niveau de vie et de salaires?

Mme Raitt [ - ]

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et de votre accueil chaleureux à Ottawa. Pour tout vous dire, je ne reviens pas souvent ici.

Pour ce qui est de la dernière partie, non, la Coalition pour un avenir meilleur ne finance pas et ne cherche pas à financer des études établissant un lien entre ces facteurs économiques. Nous nous en remettons à d’autres instances comme la Chambre de commerce du Canada, le Conseil canadien des affaires, ou d’autres organismes qui peuvent suivre l’évolution de ces facteurs. Nous évaluons la situation du point de vue de ce qui s’est passé au cours des deux dernières années.

En ce qui concerne votre question sur les investissements à l’échelle nationale et internationale, je dirais que je reste mitigée. Je peux vous dire que ce qui se passe actuellement n’attire absolument pas les investissements nationaux et internationaux. C’est un fait quantifiable.

J’espère que le contenu suffira à amener les investisseurs à se dire : « Je vois qu’il y a de la certitude autour du processus réglementaire, je vois combien de temps il me faudra pour obtenir un permis ou une autorisation, et je comprends par quel processus je dois passer. » Tout cela peut vraiment les aider à prendre des décisions en fin de compte.

Mais il faut vraiment miser aussi sur cet autre élément très important de la certitude en matière d’investissement : la collaboration avec nos communautés autochtones et l’assurance qu’elles sont des partenaires dans le cadre de ces projets. C’est extrêmement important, et c’est ce qui est prévu ici.

J’espère que l’on prendra le temps nécessaire pour répondre aux préoccupations de la Coalition de grands projets des Premières Nations et des autres témoins que vous allez entendre à ce sujet.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Madame Raitt, en tant qu’ancienne ministre des Ressources naturelles et ancienne ministre des Transports, vous vous souvenez peut-être du rapport de 2016 du Comité sénatorial des banques. Je n’entrerai pas dans les détails, mais le rapport s’intitulait Des murs à démolir : Démantèlent des barrières au commerce intérieur au Canada. On y trouve quelques recommandations clés, notamment celle de créer un corridor national, etc.

Je mentionne ce rapport parce que je vois un lien clair entre sa vision et les objectifs énoncés dans le tableau de bord de votre coalition, où vous insistez beaucoup sur la réduction du fossé entre les régions urbaines et rurales — la priorité accordée au développement rural n’a jamais été aussi forte — en qualifiant cela d’impératif économique.

Dans ce contexte, considérez-vous le projet de loi C-5 comme une première étape importante pour la création d’un corridor national, où les collectivités rurales jouent un rôle essentiel pour la résilience et la croissance économique à long terme du Canada?

Mme Raitt [ - ]

Je l’espère sincèrement, sénateur. Il appartient au gouvernement de mettre en œuvre le plan qu’il a présenté aux Canadiens. J’espère qu’il le fera.

La sénatrice Pupatello [ - ]

Bienvenue au Sénat. J’ai une question pour vous deux. Elle concerne votre expérience du domaine des grands projets. Reconnaissons d’emblée que de nombreux petits détails peuvent accélérer le processus sans nécessairement lui nuire.

Prenons par exemple les expressions « traiter une EE de manière séquentielle » et « traiter une EE de manière simultanée ». Il y aurait un niveau provincial et un niveau fédéral qui fonctionneraient en parallèle. Dans de nombreux cas, nous avons réussi à réduire de plusieurs mois le processus de préparation des rapports.

Avez-vous d’autres expériences qui vous ont permis de raccourcir et d’améliorer le processus? Monsieur Gallant, lorsque vous avez mentionné la productivité, pensez-vous que cette législation peut faire bouger les choses dans ce domaine où tout le monde s’accorde à dire que le Canada est à la traîne, du moins par rapport à nos homologues américains?

Mme Raitt [ - ]

Mon premier véritable emploi a été celui de conseillère juridique pour l’Administration portuaire de Toronto. Nous envisagions de construire un pont reliant le centre-ville de Toronto à l’aéroport de l’île. Ce fut ma première expérience des évaluations environnementales. Il s’agissait d’une évaluation fédérale.

Je venais de commencer ma carrière d’avocate, et j’ai naïvement convoqué une réunion avec toutes les entités fédérales qui pourraient souhaiter donner leur avis sur la réglementation du pont. Dix-huit personnes se sont présentées dans ma salle de réunion. J’ai été très surprise. J’ai gardé cette expérience à l’esprit lorsque je suis devenue ministre des Ressources naturelles, le fait que ces personnes n’étaient pas en quête d’une excuse pour quitter leur bureau afin de venir à une réunion; qu’elles avaient toutes des niveaux de compétence variés et distincts, qu’elles devaient exercer pour arriver au bon endroit.

Il est tout à fait logique de tout regrouper sous un seul système, un seul concierge en quelque sorte. Sénatrice, très franchement, c’est au fruit qu’on juge l’arbre. Ce système était en place en 2007 sous le gouvernement Harper, et il est resté en place jusqu’en 2020, date à laquelle, malheureusement, on a supprimé son financement.

Je suis certaine que le bureau de gestion des grands projets a une bonne mémoire musculaire. Beaucoup de gens s’en souviennent encore. Il pourrait nous ramener à la situation antérieure et garantir qu’au lieu d’avoir dix-huit personnes dans une salle, une seule, peut-être, se présente.

M. Gallant [ - ]

Tout d’abord, en ce qui concerne le premier point, il y a l’idée de l’examen stratégique des programmes — et l’ancienne ministre qui a dirigé ce projet au Nouveau-Brunswick est présente dans cette enceinte. Les unités de réalisation des priorités que nous avons créées au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick ont été l’une des mesures qui nous ont été des plus utiles du point de vue du processus. Comme vous l’avez souligné, cela a simplement permis de garantir que nous continuions à discuter des projets et à faire avancer les choses pendant chaque trimestre.

Nous nous réunissions, et les gens savaient que cette réunion avait eu lieu. Les gens tentaient donc de faire avancer les choses avant la réunion. Lors de la réunion, des personnalités politiques et des ministres étaient présents. Nous leur demandions : « Que pouvons-nous faire pour faire avancer les choses? Avez-vous besoin de notre approbation ou de nos conseils? » À elle seule, cette réunion nous permettait déjà de gagner du temps. Le fond restait le même, mais cela nous permettait simplement de nous concentrer sur l’essentiel, si vous voulez.

Pour ce qui est de la deuxième partie, oui, ce projet de loi peut certainement contribuer à améliorer la productivité. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, je pense que le retard du Canada en matière de productivité devrait être l’une de nos principales préoccupations d’un point de vue économique, car il est étroitement lié au niveau de vie. Les projections montrent que la productivité n’évolue pas dans la bonne direction au Canada, par rapport aux autres pays de l’OCDE.

Si vous y réfléchissez bien, plusieurs mesures peuvent nous aider à être plus productifs. En ce qui concerne les infrastructures, ce projet de loi semble axé sur la réalisation de projets d’infrastructure.

Accès aux capitaux et déploiement des capitaux : ce projet de loi semble vouloir inciter les gens à investir.

Innovation : de nombreux projets ambitieux pourraient bien sûr faire appel à l’innovation, notamment aux capacités spatiales; je me contenterai d’ajouter cela.

Cadre réglementaire : il s’agit de garantir qu’un cadre réglementaire puisse être mis en place plus rapidement.

Marchés : nous avons besoin de marchés ouverts. Nous devons pouvoir accéder aux marchés grâce à des infrastructures logistiques, mais nous devons aussi être compétitifs pour que nos produits et services trouvent des acheteurs.

Enfin, nous avons besoin de gens : en réponse à votre collègue sénatrice qui en parlait pour les petites provinces, ce projet de loi n’aborde pas vraiment cette question, mais nous devons certainement veiller à ce que les provinces et le gouvernement fédéral comprennent qu’un autre aspect de l’augmentation de la productivité consiste à investir dans la population, dans l’éducation, dans la formation et dans des politiques d’immigration adéquates et solides.

Le sénateur Quinn [ - ]

Je vous remercie tous les deux d’être ici. J’ai eu l’occasion de m’entretenir brièvement avec vous à l’extérieur. Je tiens à répéter que j’ai l’impression d’être l’animateur du « Vassy Kapelos Show » et d’occuper les banquettes ministérielles, car les deux tiers des députés sur les banquettes ministérielles sont présents aujourd’hui. C’est formidable d’avoir les deux tiers, merci.

Comme vous le savez, le projet de loi C-5 prévoit un certain nombre de facteurs dont le gouverneur en conseil doit tenir compte. L’un des témoins a déjà parlé d’un de ces facteurs, soit la contribution à la croissance propre et ainsi de suite.

Il est également question de renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada, de procurer des avantages économiques ou autres au Canada, d’avoir une forte probabilité de mise en œuvre réussie et de promouvoir les intérêts des peuples autochtones.

D’après votre expérience en tant qu’ancien premier ministre, en tant qu’ancien ministre — notamment dans le domaine des transports — et en tant que PDG, selon vous, quels autres facteurs pourraient être pris en considération ou devraient être pris en considération en plus de ceux qui ont été énoncés?

M. Gallant [ - ]

Sénateur Quinn, je suis ravi de vous voir, vous qui venez de la merveilleuse province du Nouveau-Brunswick.

Si je peux me permettre d’être franc devant tant d’amis, il ne fait aucun doute que la liste est exhaustive, notamment parce que l’alinéa 6b) précise : « des avantages [...] autres au Canada ».

Le gouvernement fédéral s’est certainement laissé une porte ouverte pour pouvoir justifier l’ajout de certains projets sur la liste. Il convient de le noter.

Sans cette disposition, nous pourrions également débattre de certains projets qui peuvent nous aider à mener une vie plus saine et plus heureuse. C’est évidemment bénéfique pour l’économie et, à d’autres égards, pour le pays. Je ne vais pas passer en revue la liste des autres éléments qui pourraient être importants, mais qui ne figurent pas sur cette liste.

Toutefois, je pense que la façon dont le gouvernement a structuré le mécanisme lui laisse une certaine marge de manœuvre pour ajouter des projets.

Cela dit, il est assez évident — du moins d’après le libellé et l’esprit du projet de loi — qu’on parle ici de grands projets. On parle de productivité économique et d’infrastructures. Dans ce cas, j’estime qu’il s’agit des bons projets. Encore une fois, je pense que ce petit bout de phrase donne une certaine marge de manœuvre au gouvernement.

Mme Raitt [ - ]

Oui. Monsieur le sénateur, entre le préambule du projet de loi et ces facteurs, le gouvernement et le ministre disposeront d’une grande marge de manœuvre.

Si je devais leur suggérer un autre élément à prendre en considération — car, comme vous l’avez dit, ils ont la possibilité de tenir compte de tout autre facteur pertinent —, bien franchement, je leur dirais qu’ils doivent déterminer si le secteur privé est intéressé ou non à investir dans le projet.

Il y a une limite au nombre de projets qu’un gouvernement ou les contribuables canadiens peuvent soutenir à eux seuls. Le gouvernement devrait examiner les projets qui sont entièrement soutenus par des investisseurs privés désireux de réaliser ce type de projets d’intérêt national importants et de les mener à bien afin que ce ne soit pas toujours au gouvernement de devoir délier les cordons de la bourse ou accorder des crédits d’impôt. J’aimerais que le gouvernement y réfléchisse également.

Le sénateur Quinn [ - ]

Mme Raitt, je vous remercie pour l’exemple que vous avez donné du temps où vous étiez PDG à Toronto et que 18 personnes se sont présentées dans votre salle de conférence. Cela arrive beaucoup trop souvent.

Hier, nous avons reçu les ministres LeBlanc et Alty. Ils ont parlé de la rationalisation du processus, ce qui est important, en plus d’évoquer les consultations.

Monsieur Gallant, pouvez-vous nous donner un exemple tiré de votre mandat en tant que premier ministre de la province? Je sais que nous ne sommes plus à la même époque, mais pourriez-vous nous donner un exemple de grand projet qui aurait pu voir le jour et être mené à bien si des dispositions semblables avaient été en vigueur?

M. Gallant [ - ]

C’est une excellente question. Je ne suis plus actif en politique, mais ceux qui l’ont déjà été — et je sais que beaucoup d’entre vous ont suivi une formation sur les médias — éviteront de répondre à des questions hypothétiques. Je vais néanmoins m’y risquer. Les conséquences ne me semblent pas si graves.

La réponse générale est qu’un certain nombre de grands projets auraient très probablement progressé davantage, voire être complétés.

J’aimerais ajouter un point très important : à mon avis, certains projets auraient été rejetés plus rapidement. Et cela aussi, c’est précieux, n’est-ce pas? C’est important, et on revient à l’une des questions posées par vos collègues.

L’esprit et, à mon avis, le libellé du projet de loi ne visent pas forcément à changer la teneur des processus et des agences et organismes de réglementation du ministère qui passent en revue un projet. Il s’agit plutôt d’accélérer le processus et d’obtenir une réponse plus rapidement, ce qui n’est pas négligeable.

Le fait qu’un promoteur puisse se faire une idée en quelques mois, deux ans au maximum, est utile. Il y a le projet de pipeline, dont beaucoup ont évidemment parlé et que vous connaissez bien, sénateur Quinn, compte tenu de la région dont vous venez. L’idée d’un pipeline a été débattue pendant des années, de nombreuses années, et bien des gens ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à en parler, à y réfléchir, à essayer de déterminer si ce serait possible.

Obtenir une réponse plus tôt, qu’elle soit positive ou négative, aurait été bénéfique pour tout le monde et les gens auraient pu passer à autre chose, se tourner vers d’autres projets si la réponse avait été négative; et, bien sûr, si la réponse avait été positive, le projet aurait pu avancer.

La sénatrice Henkel [ - ]

Monsieur Gallant, merci d’être parmi nous aujourd’hui; je suis très heureuse de vous revoir et cela fait du bien de constater que vous êtes toujours aussi passionné.

Lorsque vous étiez premier ministre du Nouveau-Brunswick, vous avez sans doute été confronté aux défis liés aux barrières du commerce intérieur qui freinent souvent la collaboration entre provinces et territoires. Quels types d’obstacles ont nui à la mise en œuvre de certains de vos projets?

Selon votre expérience, quels moyens concrets permettraient de mieux intégrer les PME et les entrepreneurs en région — qui sont souvent peu outillés pour répondre aux grands appels d’offres — dans les stratégies visées par le projet de loi C-5?

M. Gallant [ - ]

C’est un plaisir de vous revoir, madame la sénatrice. Selon moi, il y a plusieurs exemples, si je peux me permettre d’être très franc avec vous tous et toutes. Quand j’étais en poste, j’ai fait partie des premiers ministres du pays qui ont signé l’Accord de libre-échange canadien. Honnêtement, cela me frustre un peu de savoir qu’il y a encore des détails en matière de réglementation qui nuisent à la mobilité et aux échanges de biens entre les provinces et les territoires auxquels les Canadiens devraient avoir droit. C’est un rappel que même si nous étions tous autour de la table, prêts à signer et à travailler ensemble, nous avons encore des banalités à régler. De leur côté, les Canadiens sont prêts à faire avancer l’harmonisation des règlements.

Pour les PME, je pense que c’est très important que les règlements soient harmonisés, parce que cela leur permet de faire des affaires dans les autres provinces. Cela fait en sorte que les PME du Nouveau-Brunswick peuvent vendre leurs produits en Ontario et au Québec, par exemple. Il est plus facile pour les grandes entreprises du Nouveau-Brunswick de trouver des façons d’atténuer les problèmes, de relever les défis et d’absorber les coûts associés à des règlements qui ne sont pas harmonisés que pour les petites et moyennes entreprises. Il est même difficile pour ces dernières de comprendre les différences entre les règlements. Je pense que ce projet de loi aidera toutes les entreprises et les PME à cet effet.

Le sénateur Klyne [ - ]

Ma question s’adresse à l’honorable Lisa Raitt. En 2022, RBC a publié un rapport intitulé 92 à zéro : Comment la réconciliation économique peut contribuer à la réalisation des objectifs climatiques du Canada. Le rapport souligne que la transition vers un Canada à zéro émission :

[...] reposera sur des sources cruciales de capitaux conservés par les nations autochtones. RBC estime que le Canada aura besoin d’environ 2 billions de dollars de capitaux au cours des 25 prochaines années, une grande partie de ces fonds provenant de sources autochtones, ou de partenariats autochtones, notamment de propriétés autochtones.

Le rapport souligne aussi que « [l]es terres autochtones comportent d’importantes ressources essentielles aux systèmes énergies vertes [y compris] 56 % des nouveaux projets de mines de minéraux critiques [...] ».

Compte tenu de l’urgence du développement économique, si le gouvernement envisage de donner la priorité à certains projets de minéraux critiques qui concernent des terres autochtones en ayant recours à une participation et une consultation significatives, ce sera porteur de possibilités substantielles pour l’autodétermination des Autochtones, je crois. Si vous avez suivi les délibérations jusqu’à présent, vous savez qu’il existe certaines préoccupations au sujet de la participation et de la consultation significatives qui sont requises. J’aimerais avoir des conseils pour les partenaires autochtones.

Auriez-vous une recommandation à faire aux partenaires autochtones à propos d’une stratégie qui viserait à préparer le terrain, à agir de façon proactive et à renverser la séquence habituelle, c’est-à-dire à inviter le gouvernement à venir à la table pour lui exposer leurs attentes à propos de leur participation au processus?

Mme Raitt [ - ]

Merci beaucoup, sénateur. Je tiens à vous dire que, dans le cadre de mon travail à la CIBC, j’ai été très fière de faire partie d’une équipe qui a travaillé pour le compte de la nation Haisla sur le projet Cedar LNG. Nous l’avons aidée à trouver le financement nécessaire pour devenir l’actionnaire majoritaire de Cedar LNG. Ce fut une expérience très enrichissante. Je sais un peu ce que c’est que d’essayer d’obtenir un « oui » dans le cadre de négociations.

Le gouvernement se donne les pouvoirs nécessaires pour faire avancer des projets nationaux, mais ce ne sont que des pouvoirs sur papier. En réalité, le pouvoir réside dans le partenariat entre les promoteurs et les communautés autochtones. Et c’est aux communautés autochtones de décider si elles souhaitent ou non devenir des partenaires financiers à part entière. La décision leur appartient totalement.

Même si on désigne un projet « priorité nationale », il sera très difficile pour un conseil d’administration d’accorder l’approbation finale en matière d’investissement en l’absence d’une collaboration véritable avec une communauté autochtone, sans sa participation et sans un véritable partenariat avec elle, car, pour dire les choses franchement, cet aspect sera toujours déterminant.

Comme le dit Sharleen Gale, présidente de la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, vous devez nous faire participer, car nous allons réellement faciliter les choses tout au long du processus. Indépendamment de ce que dit le projet de loi, il incombera toujours aux entreprises et aux promoteurs de faire le nécessaire, c’est-à-dire de collaborer avec la communauté des Premières Nations, d’obtenir son consentement et ses conseils, puis d’œuvrer en partenariat avec elle tout au long du processus.

Rien ne peut se faire sans elles. Pour citer J.P. Gladu, tous les chemins qui mènent aux ressources passent par les communautés autochtones de ce pays.

La sénatrice Gerba [ - ]

Merci à nos deux invités. Ma question s’adresse à vous, monsieur Gallant. Lorsque vous étiez premier ministre, vous avez été confronté à des défis fréquents en ce qui a trait à l’alignement entre les cadres réglementaires fédéraux et provinciaux. La double évaluation des projets, parfois contradictoire ou redondante, a souvent freiné l’élan des gouvernements provinciaux. Le projet de loi C-5 est-il assez complet pour contribuer à adapter la réalité des provinces, et favorise-t-il vraiment une coordination efficace entre les deux ordres de gouvernement?

M. Gallant [ - ]

Merci, madame la sénatrice. Je pense qu’il est évident que ce projet de loi vise plus que jamais à harmoniser les cadres réglementaires des provinces et du gouvernement fédéral pour éviter le dédoublement ou la redondance. J’espère qu’il y parviendra.

Je suis Canadien et je souhaite que les règlements et les protections soient les mêmes d’une province à l’autre. Selon moi, c’est le rôle du gouvernement fédéral de demander aux provinces et aux territoires d’harmoniser les règlements ou d’adopter un projet de loi qui va essentiellement jumeler les processus des provinces. C’est une chose courante en matière de mobilité des travailleurs; les provinces alignent leurs méthodes de certification sur celles des autres provinces en espérant que la même chose se passe du côté fédéral.

Je ne sais pas si le gouvernement sera capable de le faire, parce qu’il a besoin de l’appui des provinces et des territoires. En ce qui a trait aux territoires, c’est différent en raison de l’évaluation des impacts. Je pense que c’est faisable et qu’il s’agit du projet de loi le plus prometteur jamais vu, donc j’espère qu’il sera adopté.

Je peux vous dire que lorsque j’étais premier ministre, j’aurais dit la même chose : j’aurais été tout à fait prêt à ce que le gouvernement du Nouveau-Brunswick harmonise son cadre réglementaire avec le gouvernement fédéral pour réaliser des projets majeurs et j’aurais été bien fier d’engager des négociations avec les premiers ministres des autres provinces pour négocier avec le gouvernement fédéral.

Le sénateur Wilson [ - ]

Étant donné que le projet de loi vise à traiter des questions de compétence fédérale liées au commerce interprovincial, la plupart des enjeux relèvent de la compétence provinciale. Selon vous, que pourrions-nous faire pour que l’attention reste focalisée sur cette question une fois que les projecteurs ne seront plus braqués là-dessus?

Mme Raitt [ - ]

C’est au gouvernement fédéral, au ministre fédéral responsable, de continuer à soutenir les provinces lorsqu’elles chercheront à éviter d’avoir une liste d’exceptions malgré leur engagement à éliminer les barrières. Après tout, elles pourraient dire qu’il n’y a plus de barrières commerciales interprovinciales tout en conservant parallèlement une liste de choses exemptées. Il faut les encourager à y renoncer.

M. Gallant [ - ]

À mon avis, il s’agit là d’un conseil très pratique. Je vous garantis que si les premiers ministres provinciaux qui ont signé l’Accord de libre-échange canadien en 2017 avaient su que telle ou telle exception existerait encore aujourd’hui, ils auraient été bien en mal de se l’expliquer.

Il faut que le gouvernement fédéral serve de ressource aux premiers ministres pour leur faire garder le cap au sujet des exceptions, pour les aider à y arriver. Après tout, je pense que la volonté politique était là, mais que, pour une raison ou une autre, la démarche est restée en suspens. Voilà pourquoi je trouve que c’est une excellente question. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle à cet égard.

Mme Raitt [ - ]

Oui.

Le sénateur Dean [ - ]

Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous vous savons gré d’être venus tous les deux.

Félicitations, M. Gallant, pour vos initiatives en matière de livraison, que j’ai eu l’occasion de voir de près.

Nous disposons d’une estimation incontestable selon laquelle la suppression des obstacles au commerce intérieur entraînerait une augmentation d’au moins 4 ou 5 % du PIB, au strict minimum. Il est impossible de trouver ailleurs un potentiel aussi rapide à exploiter, mais une question demeure : comment va-t-on s’y prendre? Que faudra-t-il faire pour mener la démarche à bon terme, et quels obstacles devra-t-on surmonter pour y arriver?

Je vais demander à Mme Raitt de répondre la première.

Mme Raitt [ - ]

Nous devons croire les premiers ministres provinciaux lorsqu’ils disent vouloir éliminer les obstacles au commerce interprovincial, même si cela signifie, sénateur, que des provinces risquent de perdre des emplois dans certains secteurs, et c’est là que le bât blesse. C’est une question difficile, et c’est pourquoi elles finissent par prévoir des exceptions pour telle ou telle chose.

Il faut leur apporter du soutien et leur rappeler que le moment est venu de créer une « économie unifiée », que c’est l’occasion de le faire et qu’il faut avoir le courage d’aller de l’avant pour y parvenir. Sinon, vous avez raison : nous nous retrouverons avec 2 %, 1 %, voire avec rien du tout.

M. Gallant [ - ]

Je vais ajouter deux points très rapidement. Nous sommes à la croisée des chemins et nous ne devons pas laisser l’occasion filer. Je pense que c’est extrêmement important. Je sais que beaucoup de gens se demandent pourquoi ce projet de loi avance si vite. L’échéancier n’est peut-être pas idéal, sauf que nous devons saisir cette occasion. Le gouvernement est en situation minoritaire, alors il pourrait durer 18 mois, 2 ans et demi, 3 ans, qui sait. C’est, une minorité plus forte avec un nombre de sièges plus élevé que la précédente, d’où, je suppose, la possibilité que son mandat dure longtemps, mais quoi qu’il en soit, nous sommes à la croisée des chemins.

En fait, en ce qui concerne le projet de loi, il est toujours question de 2 ans. Pensez-y : en ce moment, les Canadiens sont en faveur de l’élimination des obstacles internes et ouverts aux grands projets. Cependant, si les choses se passent comme toujours et qu’il faut donc cinq ans, le gouvernement minoritaire ne sera plus là, et l’occasion aura filé.

L’autre chose que je voudrais dire à propos de votre argument — qui me semble très pertinent —, c’est que je n’ai jamais vraiment compris l’idée selon laquelle certaines régions pourraient perdre des emplois, mais que dans l’ensemble, la population, la province et le pays s’en trouveraient mieux parce que d’autres régions se développeraient grâce au libre-échange à l’intérieur du pays, ce qui est le concept même du libre-échange. Or, lorsque nous signons des accords, nous aidons parfois les industries en cause en leur disant : « Nous savons que vous allez peut-être avoir un peu de mal, alors pourquoi ne trouverions-nous pas un ensemble de mesures », faute d’un meilleur terme, « pour que la transition de votre industrie, de votre groupe ou de votre région », peu importe de quoi il s’agit, « se fasse plus en douceur? »

Puisque le libre-échange à l’intérieur de notre propre pays risque d’avoir le même genre d’effets, je ne comprends pas pourquoi nous ne ferions pas la même chose.

Le sénateur Dean [ - ]

Quel est le principal obstacle ou la principale barrière à la mise en œuvre de l’essentiel du projet de loi, en ce qui concerne les grands projets?

Mme Raitt [ - ]

C’est le manque de courage. Il faut avoir le courage de prendre une décision et de confier aux personnes compétentes le pouvoir d’y donner suite. Voilà ce à quoi cela se résume.

Sénateur, le gouvernement prévoit d’étendre ses pouvoirs de façon inédite, alors très franchement, il doit s’attendre à devoir rendre des comptes sur la réalisation ou non de ces projets. Si les Canadiens lui confient les rênes du pouvoir, alors le gouvernement se doit de mener à bien ces projets. C’est là une lourde responsabilité, et j’espère qu’il ne la prendra pas à la légère.

M. Gallant [ - ]

Je commencerai par dire qu’il est extrêmement important pour nous de souligner que les peuples autochtones au pays méritent que le gouvernement fédéral fasse progresser la réconciliation, qu’ils ont le droit d’être consultés quand leurs droits sont susceptibles d’être touchés et qu’ils ont droit à des mesures d’adaptation. Il faut le dire clairement.

Je pense que le gouvernement fédéral en est conscient, mais je tiens tout de même à préciser que même s’il tente implicitement de laisser entendre qu’il pourrait modifier quelque peu cet élément, il ne peut pas le faire. C’est un droit, et c’est immuable.

En tant que Canadien soucieux de faire progresser la réconciliation avec les Autochtones, cela ne m’inquiète pas vraiment, car je sais que ce droit existe et qu’il ne sera pas supprimé par cette loi. S’il y a des divergences dans la compréhension des gens sur la manière dont les choses doivent se passer, il pourrait s’agir d’un obstacle. Il sera extrêmement important que le gouvernement fédéral comprenne que s’il souhaite désigner un projet comme étant d’intérêt national, il doit mettre en place un groupe de travail composé de personnes qui diront : « Nous savons ce qu’est l’obligation de consulter. Nous savons ce qui est requis. Nous allons nous mettre au travail et faire les choses correctement. Nous allons écouter les communautés. »

Comme l’a dit votre collègue, ce n’est pas parce qu’on essaie d’accélérer les choses qu’on peut affirmer que le processus d’obligation de consulter sera différent.

À cet égard, du côté des peuples autochtones, je voudrais humblement suggérer qu’ils puissent également se dire : « Nous devons participer aux projets. Nous devons avoir le sentiment d’être entendus et nous avons le droit d’être consultés. Nous serons prêts nous aussi à participer. »

Notre pays vit un moment particulier, et si le gouvernement fédéral et les peuples autochtones peuvent dire : « Nous ne savons pas nécessairement quelle sera l’issue de l’obligation de consulter et d’accommoder, mais nous sommes tous deux prêts à nous engager à essayer de faire les choses un peu plus efficacement. » Autrement dit, il vaudrait mieux que les ressources du gouvernement fédéral soient déployées dès qu’un projet d’intérêt national est désigné.

La sénatrice Simons [ - ]

Monsieur Gallant, je vais commencer par vous. Il ne fait aucun doute que le Canada est vulnérable en raison de sa dépendance au système de fusées SpaceX et au réseau de satellites Starlink d’Elon Musk, et je dirais qu’il serait préférable pour notre pays de faire un projet d’importance nationale des réseaux de satellites en orbite basse terrestre. En revanche, je ne vois pas très bien comment cela s’inscrit dans le projet de loi C-5, qui met tout l’accent sur la simplification des mesures environnementales et de la réglementation.

Voyez-vous un moyen de faire en sorte qu’un réseau de satellites en orbite basse terrestre ou qu’une augmentation de notre capacité à lancer nos propres satellites dans l’espace puisse s’inscrire dans ce projet de loi?

M. Gallant [ - ]

Madame la sénatrice, mes anciens employeurs, c’est-à-dire les habitants du Nouveau-Brunswick, seront ravis d’entendre bien des questions posées dans cette enceinte. Mes employeurs actuels vont beaucoup aimer votre question; alors je vous remercie de me donner l’occasion d’y répondre.

Je suis tout à fait d’accord avec vous. D’une part, il est vrai que les infrastructures spatiales sont essentielles et qu’elles contribueront de façon importante à l’atteinte de nos objectifs en matière de défense et de sécurité. Elles seront également importantes pour notre sécurité économique. C’est une industrie émergente qui offrira une foule de possibilités, et si nous ne faisons rien pour aider les innovateurs de l’industrie spatiale canadienne à saisir ces occasions, elles vont nous filer entre les doigts.

D’autre part, vous avez tout à fait raison de vous demander si le genre de projet dont vous parlez pourrait s’inscrire dans ce projet de loi. À mon humble avis, on pourrait et on devrait assurément inclure de tels projets.

Qu’ils soient réalisés au Canada ou ailleurs dans le monde, les projets de satellites en orbite basse terrestre ou d’amélioration de la connectivité sont des projets d’intérêt national. Assurer la connectivité dans les collectivités nordiques, éloignées, rurales et autochtones du Canada est un moyen important pour nous de contribuer à bâtir notre pays et à créer des débouchés économiques pour ces collectivités. C’est aussi une façon pour nous d’aider à protéger l’Arctique et notre souveraineté. Comme je l’ai dit dans mes observations préliminaires, cela peut contribuer à la lutte contre les changements climatiques et à la protection de l’environnement, pour ne donner que quelques exemples.

Je pense vraiment que cela devrait et pourrait s’intégrer dans ce projet, de même que certains autres projets sur lesquels nous travaillons.

La sénatrice Simons [ - ]

Madame Raitt, avant de devenir ministre des Transports, vous aviez occupé le poste de ministre des Ressources naturelles. La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 a donc été adoptée après votre mandat, mais pendant la période où vous faisiez partie du Cabinet. L’un des problèmes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 était sa lourdeur. En outre, elle a conduit à l’annulation de décisions en appel ou à un si grand nombre de manifestations que les projets sont devenus non viables.

Comment pouvons-nous éviter que des projets déraillent, parce que nous tentons de procéder trop rapidement avec le projet de loi C-5, et que cela cause des problèmes?

Mme Raitt [ - ]

Madame la sénatrice, je dirais qu’il s’agit de choisir le bon projet avec le bon promoteur qui respecte le sous-texte de ce qui est dit ici, à savoir que vous devez remplir vos obligations en matière d’environnement et envers les communautés autochtones en même temps si vous voulez qu’une priorité nationale soit évaluée et attachée à votre projet.

Voilà à quoi cela se résume. Il faut le bon promoteur qui fera ce qu’il faut, ce qui donnera confiance aux Canadiens quant à l’acceptabilité de ce processus.

La sénatrice Simons [ - ]

Nous n’avons pas assez parlé des trains. Comment faire figurer les trains sur la liste des projets nationaux?

Mme Raitt [ - ]

Parlez-vous des trains eux-mêmes?

La sénatrice Simons [ - ]

Oui, des trains.

Mme Raitt [ - ]

Madame la sénatrice, malheureusement, je connais très bien les trains. J’imagine qu’il faudrait construire une nouvelle voie ferrée. En fait, je n’en sais rien.

La sénatrice Simons [ - ]

Très bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Aucoin [ - ]

Je vais commencer par M. Gallant.

Vous avez vraiment piqué ma curiosité en affirmant que le projet de loi C-5 est, selon vos propres mots, « one project, one review ». Que pensez-vous du projet Pouzzolane, dans le Nord du Nouveau-Brunswick, dans la communauté de Dalhousie? J’imagine que vous connaissez bien ce projet. Ces agrégats peuvent être utilisés dans la formation du béton. Il y aurait là un gisement qui aurait pu être exploité pendant plus de 100 ans. Ce projet exigera de faire l’exploitation de cette carrière, de développer le transport par rail et de développer le port de Dalhousie.

Croyez-vous que nous pourrions nous servir du projet de loi C-5 pour déclarer ce projet comme étant d’intérêt national? De plus, malgré le fait que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada a décidé que le projet ne justifiait pas une désignation en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’évaluation d’impact, pourrait-on utiliser le projet de loi C-5 pour faire progresser et développer cette région du Nord du Nouveau-Brunswick?

M. Gallant [ - ]

Je vous remercie de la question.

Le gouvernement fédéral a donné une certaine latitude dans la description des conditions permettant d’identifier les projets d’intérêt national. Les Canadiens réagiront, le Parlement réagira, les médias réagiront et Mme Raitt et moi réagirons lors de nos différentes interventions télévisées. Des précédents seront ainsi créés, et ils aideront à déterminer les types de projets qui seront identifiés au moyen de ce projet de loi.

Le gouvernement serait sûrement prêt à accepter des projets comme celui de Pouzzolane pour faire avancer rapidement des projets en matière d’infrastructure. Ce que plusieurs craignent, c’est plutôt l’inverse : que le gouvernement aille de l’avant avec trop de projets et qu’il le fasse trop vite. Je comprends ces craintes. Cependant, j’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles je ne suis pas préoccupé par cela. De tels projets devraient assurément être identifiés comme étant des projets d’intérêt national.

Le sénateur Aucoin [ - ]

Avec le projet de loi C-5, le Canada veut devenir plus compétitif sur la scène internationale. Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue. Quelles seront les conséquences du projet de loi C-5 en ce qui concerne la protection des droits linguistiques, surtout pour les communautés francophones en situation minoritaire? J’ai posé la question au ministre LeBlanc hier. La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la SANB craint que la mobilité des travailleurs en vienne à restreindre leur accès à des emplois dans leur langue.

M. Gallant [ - ]

Il faut se rappeler que ce projet de loi n’est pas le plan tout entier du gouvernement fédéral. Il est très important de le rappeler. N’importe quel projet pourrait avoir un effet sur les choses qui nous tiennent à cœur. Je le comprends très bien. Cependant, l’impression que j’ai sur l’objectif du projet de loi, quand je lis et que j’écoute les débats, est de faire avancer des projets majeurs rapidement.

Les craintes des minorités francophones sont très importantes. Si nous commençons à réaliser des projets plus régionaux, mais d’intérêt national, tels qu’ils seront désignés par le gouvernement fédéral, il faudra faire en sorte que les plus petites communautés de partout au pays soumettent elles aussi des projets. C’est fort important.

Au chapitre de la mobilité, nous sommes convaincus que les gens seront capables d’avoir des emplois dans leur langue. Nous avons vu des personnes qui sont allées travailler dans différentes provinces, puis qui sont retournées au Nouveau-Brunswick. Ce n’est pas nécessairement ce que l’on souhaite. Certains aiment cela, d’autres non. Je voyage beaucoup. Ce n’est pas toujours évident. En plus, je ne le fais pas dans les mêmes conditions que ces personnes. Malgré tout, elles ont pu rester au Nouveau-Brunswick parce qu’elles pouvaient aller travailler dans une autre province. Il y a tout de même des bénéfices.

Je ne vais pas répéter tout ce que j’ai dit à votre collègue. Il faut être bien conscient du fait qu’il peut y avoir des conséquences un peu plus négatives. Le gouvernement fédéral a besoin de travailler avec les provinces et les territoires pour essayer d’atténuer les défis potentiels créés par ce projet de loi. Aucun projet de loi n’est parfait. Celui-ci ne l’est pas non plus. On peut aborder ces défis en développant des programmes, en faisant des investissements et établissant des liens de collaboration avec les différents ordres de gouvernement.

Le sénateur Aucoin [ - ]

Pour un projet désigné d’intérêt national, la main-d’œuvre pourrait provenir d’une province anglophone, ce qui enlèverait des emplois aux Néo-Brunswickois ou aux citoyens habitant dans d’autres communautés de langue officielle en situation minoritaire. De tels enjeux pourraient se produire, n’est-ce pas?

M. Gallant [ - ]

Bien sûr. Ces enjeux existeront malgré tout. Ce défi doit être pris en compte. Cependant, nous pourrions aussi avoir des gens du Nouveau-Brunswick qui iront travailler à l’extérieur de la province et qui y reviendront par la suite. Ces défis ne sont pas créés à cause du projet de loi C-5. Ce problème n’est même pas exacerbé, car le projet de loi C-5 permettra de réaliser des projets majeurs plus rapidement. J’aimerais croire que ces projets seraient nés malgré tout. Grâce à ce projet de loi, ils verront le jour plus rapidement, ce qui nous donnera la possibilité de nous concentrer sur notre économie.

Le sénateur Aucoin [ - ]

Madame Raitt, la pêche est un pilier économique et culturel essentiel pour plusieurs régions côtières de la Nouvelle-Écosse et de l’Atlantique. Or, certaines voix s’élèvent pour exprimer des inquiétudes quant aux conséquences possibles du projet de loi C-5 sur ce secteur, notamment en ce qui concerne l’harmonisation des règles sur la mobilité, l’industrie en général, les normes de sécurité, la durabilité et les permis.

Même si nous sommes tous d’accord pour dire que nous avons besoin de normes d’une province à l’autre, comment pouvons-nous nous assurer que ces normes seront un minimum pour l’industrie?

Mme Raitt [ - ]

J’ai un peu d’expérience dans ce domaine, ayant essayé, à titre d’ancienne ministre des Transports, de réglementer les bateaux de pêche sur l’île du Cap-Breton, ce qui n’est jamais une chose emballante à faire, surtout lorsqu’on vient de là. Comme votre collègue le sénateur Cuzner le sait, on ne badine pas avec ces gens. C’est fortement déconseillé.

Je dirais ceci : le gouvernement fédéral a une responsabilité, car la question de savoir ce qui doit et ne doit pas se trouver à bord d’un navire pourrait relever de plusieurs compétences de réglementation. Je crois que le projet de loi essaie de nous dire qu’il faut faire un choix. Choisissons une norme qui s’appliquera à tout le monde, puis assurons une application équitable, mais seulement après avoir consulté les bonnes personnes.

Un des éléments importants de ce projet de loi — qui mérite d’ailleurs l’attention des Canadiens et des sénateurs, si je puis me permettre —, c’est qu’au bout du compte, les personnes qui choisiront les projets d’intérêt national seront les premiers ministres provinciaux. Ce sont eux qui seront d’abord consultés par le premier ministre et le Cabinet pour déterminer ce que veulent leurs concitoyens. Tout repose sur la nécessité de mettre en place les bons règlements. J’espère que les préoccupations en matière de langues officielles se dissiperont à mesure que vous vous entretiendrez avec les premiers ministres provinciaux à ce sujet tout au long des négociations.

Le président [ - ]

Honorables sénateurs, le comité entend les témoins depuis maintenant 75 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligé d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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