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Projet de loi canadienne sur l'accessibilité

Deuxième lecture--Suite du débat

18 mars 2019


Je prends la parole ce soir pour appuyer le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, aussi appelée Loi canadienne sur l’accessibilité. Je tiens à remercier le sénateur Munson, parrain du projet de loi, qui met à profit son leadership et sa ténacité pour défendre les droits des personnes handicapées.

Comme nous en avons discuté précédemment dans cette Chambre, le projet de loi C-81 assurera un Canada inclusif et accessible pour tous. Les buts du projet de loi, si j’ose dire, sont des objectifs dont nous ne pouvons pas débattre. Nous sommes tous d’accord pour dire que l’accessibilité et l’inclusion sont des valeurs fondamentalement canadiennes.

Mes observations sur l’accessibilité porteront en partie sur les « droits acquis ». C’est un terme que j’ai inventé lorsque j’étais professeure il y a plus de 20 ans pour établir la distinction entre les droits promis sur papier ou sur un écran d’ordinateur et les droits acquis. Il s’agit là de l’élément central du projet de loi C-81 dont nous sommes saisis.

L’accessibilité est plus qu’une théorie. Il s’agit d’un cadre de mise en œuvre des droits qui nous oblige à ne pas limiter notre réflexion aux handicaps. L’accessibilité nous encourage à reconnaître la variété des capacités, où l’inclusion est le principe directeur, à la fois sur le plan théorique et pratique, au sein des institutions et des systèmes et où la conception universelle est avantageuse pour tous.

L’accessibilité signifie que les capacités de toutes les personnes sont respectées et appuyées, et pas seulement tolérées ou prises en compte conformément aux exigences minimales de la loi.

Quand j’étais commissaire en chef de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan, j’ai eu le privilège d’être dans la salle de l’Assemblée générale des Nations Unies quand la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies est officiellement entrée en vigueur, et je me rappelle que les défenseurs mondiaux des droits des personnes handicapées nous ont avertis que rien de ce qui concerne les personnes handicapées ne devait se faire sans elles.

Un cadre d’accessibilité, comme celui prévu dans le projet de loi C-81, fera en sorte que tous les Canadiens bénéficient de droits acquis.

En outre, le projet de loi C-81 fournit un mécanisme pour permettre aux parlementaires de respecter les promesses d’égalité faites par le Canada dans la Constitution et le droit international en matière de droits de la personne.

Les droits à l’égalité sont au cœur même de la Charte canadienne des droits et libertés consacrés dans la Constitution. Les garanties d’égalité pour tous devant la loi vont bien au-delà du libellé de l’article 15 de la Charte. C’est pour défendre ce droit à l’égalité que nous avons besoin du projet de loi C-81.

L’article 9 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, convention que le Canada a ratifiée en 2010, énonce l’obligation qui est la nôtre de garantir l’accessibilité aux personnes handicapées. Conformément à cet article, le Canada doit « […] [prendre] des mesures appropriées pour leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès […] »

S’il vous plaît, chers collègues, joignez-vous à moi pour voter le plus tôt possible le renvoi de ce projet de loi au comité, où les sénateurs pourront l’étudier plus en détail et entendre des experts. Nous parviendrons ainsi plus rapidement à garantir que tous les Canadiens puissent faire valoir leurs droits à l’égalité, à l’inclusion et à la dignité.

Merci, meegwetch.

L’honorable Marie-Françoise Mégie [ - ]

Honorables sénatrices et sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour vous faire part de mon appui au projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.

Le 19 février dernier, notre collègue, l’honorable sénateur Munson, a proposé dans cette Chambre la deuxième lecture du projet de loi. En tant que parrain, le sénateur Munson a éloquemment présenté les principes et les modalités de cette loi qui, si elle est adoptée par le Parlement, deviendrait une mesure concrète permettant aux personnes qui ont un handicap au Canada de jouir entièrement de leurs droits.

Sénateur Munson, je sais que ce projet de loi est très important pour vous et pour beaucoup de personnes handicapées dans ce pays. J’ai été vraiment touchée en vous entendant rappeler la mémoire de votre cher fils Timothy, aujourd’hui décédé.

Je n’ai pas l’intention de revenir sur les propos du sénateur Munson, mais je veux relever certains points importants dont il a traité dans son allocution : je suis entièrement d’accord avec son énoncé selon lequel —

La loi canadienne sur l’accessibilité représente une étape historique pour les droits des personnes handicapées au Canada.

Je souscris résolument à l’un des principes essentiels contenus dans le projet de loi, qui est de donner aux Canadiens handicapés l’occasion de participer aux décisions qui les concernent. J’acquiesce avec enthousiasme à l’énoncé « que le Parlement est d’avis qu’il est nécessaire d’assurer la participation économique, sociale et civique de toutes les personnes au Canada, quels que soient leurs handicaps et de leur permettre d’exercer pleinement leurs droits et responsabilités dans un Canada exempt d’obstacles », que l’on retrouve dans le préambule du projet de loi.

Je constate aussi l’évolution positive de l’approche du gouvernement fédéral dans le traitement des problématiques touchant l’accessibilité des personnes handicapées.

Avec ce projet de loi, on met l’accent sur une approche proactive favorisant l’action au lieu d’une attitude de réaction à des incidents malencontreux. En d’autres termes, il est temps, en effet, en ce qui touche les institutions et les entités sous juridiction fédérale, d’intervenir non pas après qu’une personne handicapée ait subi un déni de service ou d’accès, mais d’agir en vue de prévenir ce genre de situation.

Certains mécanismes sont proposés dans le projet de loi, comme la création du poste de commissaire à l’accessibilité et de l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité (OCENA). De plus, l’imposition de pénalités financières prévues en cas de non-respect de la loi confirme le sérieux et l’importance que l’on accorde au Canada à éliminer les obstacles à l’accessibilité.

Je suis très heureuse de constater que tout le processus ayant mené à l’élaboration du projet de loi C-81 a été transparent. Je constate que toutes les parties intéressées, plus particulièrement les personnes handicapées, ont eu leur mot à dire, et que des mesures ont été prévues dans la loi, permettant à celles-ci de continuer d’être non seulement consultées, mais de participer activement à l’élaboration des normes et des programmes.

Ce projet de loi a été étudié minutieusement à l’autre endroit. Il a fait l’objet de plusieurs amendements qui le bonifient. Même si plusieurs personnes ont noté que le projet de loi C-81 pouvait être encore amélioré, il a été finalement adopté à l’unanimité par l’autre endroit à l’étape de la troisième lecture, le 27 novembre 2018. Il se retrouve désormais devant nous. Je suis sûre que nous, honorables sénateurs, l’examinerons en profondeur dans cette Chambre et en comité. J’espère que cet examen se fera dans un esprit de collaboration qui transcendera les clivages idéologiques et la partisanerie, afin qu’il réponde concrètement aux attentes des personnes handicapées au Canada et à celles des organismes qui les représentent. Cette loi est souhaitée et attendue par beaucoup de personnes. N’oublions pas aussi que le temps de la présente législature est compté.

Tous ceux et toutes celles qui profitent pleinement de leurs capacités physiques et mentales ne doivent jamais oublier que nous pouvons tous nous retrouver, du jour au lendemain, avec un handicap, que ce soit à la suite d’une simple chute dans notre maison ou sur le trottoir glacé, d’un accident de la route ou de travail, d’un AVC ou d’une longue maladie. Même si notre motricité était réduite, que notre vision ou notre ouïe devenaient déficientes, nous voudrions pouvoir continuer de pleinement vaquer à nos activités professionnelles et personnelles. Le fait de souffrir d’un handicap ou d’une incapacité ne devrait pas nous empêcher de nous réaliser individuellement ni de faire notre contribution à la société.

J’aimerais ici vous rappeler, même s’il était lourdement handicapé, les recherches et analyses scientifiques exceptionnelles que l’astrophysicien Stephen Hawking a faites tout au long de sa vie pour nous aider à comprendre l’univers dans lequel nous vivons.

Plus près de nous, soulignons les réalisations exceptionnelles et les dépassements que notre très respectée collègue, l’honorable sénatrice Chantal Petitclerc, a accomplis au cours de sa carrière d’athlète de très haut niveau. Toutes et tous ici ont aussi pu constater qu’elle maintient toujours ses hauts standards d’excellence dans l’exercice de ses fonctions de sénatrice et comme présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Permettez-moi, honorables sénatrices et sénateurs, de vous faire part de mon expérience en ce qui concerne les obstacles à l’accessibilité. Sur le plan professionnel, quand j’étais médecin, j’ai souvent constaté que plusieurs patients souffrant simplement d’arthrose sévère aux genoux — je dis « simplement » non pas pour minimiser leur souffrance — ne pouvaient pas monter pour s’installer sur une table d’examen médical standard. Certains d’entre eux nécessitaient donc des visites à domicile pour être examinés de façon optimale. Avec l’arrivée des tables d’examen ajustables électriques, cet obstacle a été surmonté. Ces personnes pouvaient alors se rendre à la clinique pour leur visite médicale, une clinique qui était dotée de ce genre de table.

Sur le plan personnel, je vous parlerai brièvement de mon oncle, Jean Sorel. C’est lui qui m’a guidée dans mon orientation géographique à travers la ville de Montréal. Pourtant, cet homme était non-voyant de naissance. Ses parents ont résolument choisi de l’aider à vaincre les obstacles de l’accessibilité à l’instruction et à l’autonomie. Il a dû se rendre aux États-Unis. Il est devenu le premier Haïtien à apprendre le braille et il l’a même enseigné par la suite. Il a eu une licence en droit. Il parlait six langues et il a été professeur de langues — anglais, français et espéranto — dans une école sise à Chicago, même s’il vivait à Montréal, pour les personnes souffrant d’un handicap visuel. Il a aussi travaillé comme animateur de radio. Il a grandement contribué à l’intégration de plusieurs non-voyants et a été cofondateur de la Société haïtienne d’aide aux aveugles et fondateur de l’Association des aveugles et amblyopes haïtiens du Québec. À son décès, en 2017, l’ambassadeur haïtien au Canada lui a rendu un vibrant hommage pour souligner l’ampleur de son œuvre.

Jean Sorel était une personne autonome qui menait pleinement sa vie. Il s’était adapté aussi à l’évolution technologique, en utilisant le courriel comme moyen de communication avec ses pairs, ses amis et nous, sa famille. Malgré son énergie et sa passion pour la vie, il devait presque quotidiennement se buter à des obstacles et subir de nombreux irritants qui, pour nous les voyants, ne nous effleureraient même pas l’esprit.

S’il était toujours parmi nous aujourd’hui, il aurait sans doute vu le projet de loi C-81 comme une avancée positive vers l’élimination des obstacles à l’accessibilité.

Plusieurs provinces canadiennes, comme le Manitoba, l’Ontario, le Québec et la Nouvelle-Écosse, ont adopté, entre 2004 et 2017, des lois sur l’accessibilité et l’intégration des personnes handicapées. Au niveau fédéral, le projet de loi C-81 deviendra un autre instrument important et efficace dans le coffre à outils du Canada pour faciliter l’accessibilité.

Je n’ai pas l’intention de vous abreuver de statistiques, mais j’aimerais vous rappeler qu’en 2017, 22 p. 100 des Canadiens âgés de 15 ans et plus, ce qui fait environ 6,2 millions de personnes, avaient au moins une incapacité. De plus, 24 p. 100 des femmes et 20 p. 100 des hommes étaient plus susceptibles d’avoir une incapacité.

Parmi les personnes avec une incapacité âgées de 25 à 64 ans, qui n’avaient pas d’emploi et qui n’allaient pas à l’école, 39 p. 100 étaient des travailleurs potentiels. Ceci correspond à près de 645 000 personnes atteintes d’une incapacité.

Ces données sont tirées d’un document de Statistique Canada intitulé Un profil de la démographie, de l’emploi et du revenu des Canadiens ayant une incapacité âgés de 15 ans et plus. Ce rapport a été publié en novembre 2018 et produit dans le cadre de l’Enquête canadienne sur l’incapacité.

Au Québec, ma province d’origine, l’Office des personnes handicapées du Québec a relevé, en janvier 2019, qu’il y avait plus d’un million de personnes avec une incapacité, soit 16 p. 100 de la population. Avec le vieillissement de la population qui s’accentue, nul ne sera surpris si ces chiffres et pourcentages augmentent au cours des prochaines années.

D’ailleurs, un rapport du Conference Board du Canada, intitulé Milieux de travail et environnements accessibles : un exercice rentable, publié en janvier 2018, a prévu que la population atteinte d’une capacité physique touchant la vision, l’ouïe ou la mobilité croîtra de 1,8 p. 100 par année d’ici à 2030, pour atteindre 3,7 millions de personnes. Entre-temps, la croissance totale de la population canadienne sera inférieure à moins de 1 p. 100 au cours de la même période.

Donc, le même rapport indique aussi que l’instauration de mesures pour améliorer l’accessibilité dans le milieu du travail permettrait à 550 000 Canadiens ayant une incapacité de travailler davantage, augmentant ainsi le PIB de 16,8 milliards de dollars d’ici à 2030. Ce bassin accru de travailleurs disponibles se traduirait par une hausse du revenu total des gens ayant une incapacité de plus de 13,5 milliards de dollars.

Pour résumer, l’introduction de mesures destinées à améliorer l’accessibilité en milieu de travail permettrait à 550 000 Canadiens handicapés de travailler. Ce bassin supplémentaire de travailleurs se traduirait par une augmentation des revenus des personnes handicapées.

En conclusion, nous avons présentement une excellente occasion de continuer d’aller de l’avant avec ce projet de loi. Il est temps de passer à l’action pour faire du Canada un pays plus inclusif où les attitudes sociétales et les barrières systémiques physiques, informationnelles et technologiques permettront enfin aux personnes vivant avec un handicap de pleinement jouir de leurs droits.

Je suis persuadée que nous étudierons avec célérité le projet de loi C-81 et que nous proposerons, si nécessaire, des amendements qui ne pourront qu’être bénéfiques aux personnes handicapées vivant au Canada.

Étant d’un naturel optimiste, je reste cependant réaliste et je comprends, à moins qu’il y ait un miracle, qu’il faudra patienter jusqu’au premier dimanche de mai 2020 afin de célébrer pour la première fois la Semaine nationale de l’accessibilité, qui se trouve à l’article 133 du projet de loi.

Ceux et celles qui ont été consultés et qui ont participé à l’élaboration de cette loi historique, ainsi que toutes les personnes qui en bénéficieront, comptent sur nous, dans cette vénérable Chambre, pour que la Loi canadienne sur l’accessibilité devienne bientôt réalité. Je vous remercie.

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