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La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

4 avril 2019


L’honorable Marty Klyne [ + ]

Propose que le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, soit lu pour la deuxième fois.

 —Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Essentiellement, le projet de loi remplace le système actuel d’isolement préventif par le système beaucoup plus progressiste des unités d’intervention structurée.

Je commencerai en soulignant deux choses. Premièrement, en ce qui concerne les délinquants que l’on sépare du reste de la population carcérale, j’estime que ce projet de loi est très progressiste par rapport au statu quo et qu’il profitera à toutes les personnes concernées.

Deuxièmement, les tribunaux ont dernièrement déclaré que le système actuel d’isolement préventif était inconstitutionnel et qu’il exigeait une refonte ou une solution de rechange conforme à des exigences précises, faute de quoi l’isolement préventif tel que nous le connaissons aujourd’hui sera supprimé sans solution immédiate et acceptable, créant ainsi un environnement problématique et précaire au-delà de tout ce qu’on peut imaginer.

Je pense, honorables sénateurs, que ce projet de loi est la solution et que nous devons l’adopter, après l’avoir examiné en détail dans l’intérêt de toutes les personnes concernées.

Ne nous méprenons pas : les prisons peuvent présenter des menaces extraordinaires et sont donc des endroits extrêmement difficiles à gérer, étant donné qu’elles peuvent d’un instant à l’autre devenir dangereuses. Il incombe aux autorités carcérales d’assurer la sécurité de tous dans ces environnements en conciliant les besoins et les impératifs de sécurité.

Les Canadiens qui ne connaissent pas l’expression « isolement préventif » pourraient penser qu’il s’agit d’isolement cellulaire. Essentiellement, nous parlons de situations qui nécessitent qu’un détenu soit séparé de la population carcérale générale pour des motifs de sécurité.

Le nombre de personnes placées en isolement préventif chaque jour s’élève à environ 350, ce qui est moins de la moitié du nombre d’il y a cinq ans. Ce sont presque tous des hommes. En 2016-2017, la durée médiane de l’isolement d’un détenu était de 11 jours.

L’isolement des délinquants est une solution de dernier recours qui peut seulement être employée lorsqu’il n’y a aucune autre option raisonnable et qui est limitée par les lois constitutionnelles et les politiques qui en découlent.

L’isolement préventif se définit comme la séparation d’un détenu du reste des détenus, lorsque cela satisfait aux exigences particulières prévues dans la loi. Il est considéré comme une solution ou une mesure raisonnable et, dans certaines situations, c’est l’option précédant une décision disciplinaire.

Un délinquant peut être placé en isolement préventif parce qu’il existe un problème ou une situation qui nécessite une solution pour le protéger, comme c’est souvent le cas pour un ancien policier, un délinquant sexuel ou un informateur de la police.

On peut recourir à l’isolement préventif pour empêcher un délinquant d’entretenir des rapports avec d’autres détenus ou pour assurer la sécurité s’il présente un danger pour lui-même, un autre détenu, un membre du personnel ou l’établissement. Un délinquant peut aussi se retrouver en isolement préventif lorsque sa présence dans la population carcérale générale nuirait au déroulement d’une enquête criminelle ou lorsqu’il a un comportement violent ou perturbateur.

En ce moment, lorsqu’on a recours à l’isolement, le délinquant est confiné à une cellule. Il peut en sortir pendant deux heures par jour au maximum, sans avoir aucun contact humain réel. Il n’a pas accès aux programmes ni aux soins de santé, à moins que ce ne soit nécessaire. L’ensemble de ces mesures peuvent sans doute empêcher toute réadaptation et empiéter sur des droits constitutionnels.

Certaines des conditions d’isolement sont extrêmement mauvaises. Il faut les améliorer pour permettre aux délinquants d’accéder aux programmes et de passer plus de temps à l’extérieur des cellules.

Le projet de loi reconnaît que les solutions de rechange raisonnables sont extrêmement limitées aux termes de la loi actuelle et des politiques qui en découlent. Les parlementaires doivent donc envisager des changements importants en adoptant une approche progressiste, axée sur la recherche d’une solution.

Le projet de loi C-83 est cette solution. Il cherche à remplacer le recours à l’isolement préventif en établissant des unités d’intervention structurée qui accueilleront les détenus qu’on ne peut pas gérer de manière sécuritaire au sein de la population carcérale générale. Un détenu placé dans une unité d’intervention structurée aura accès à des services de réadaptation, à des soins de santé mentale, à des interventions et à des programmes utiles, adaptés à ses besoins uniques.

Les détenus placés dans une unité d’intervention structurée auront le droit de sortir de leurs cellules quatre heures par jour plutôt que deux — ce que prévoit le modèle actuel d’isolement préventif. Ils pourront avoir des contacts humains réels avec un aîné, un conseiller, un membre de leur famille ou un ami. De plus, ils recevront au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé agréé et ils auront accès à des défenseurs des droits des patients.

Le système carcéral gardera ses pouvoirs qui lui permettent de séparer les délinquants dangereux de la population carcérale générale. Toutefois, ils ne seront plus privés de tout contact humain et auront accès à des programmes qui pourront aider à leur réadaptation. En mettant l’accent sur leurs besoins uniques, nous nous attendons à ce que la réadaptation des délinquants soit plus rapide.

Le nouveau modèle d’unités d’intervention structurée vise principalement à minimiser l’isolement et à réduire, voire éliminer, les probabilités qu’un délinquant retourne dans une de ces unités. L’objectif est de contribuer positivement à la réadaptation des délinquants et de leur permettre de réintégrer de façon sécuritaire et rapide la société en répondant à leurs besoins uniques et en les aidant dans le processus de réadaptation.

Une évaluation comportementale des délinquants sera réalisée lors de leur première admission dans une unité d’intervention structurée afin d’établir un profil et de cerner leurs besoins particuliers. Grâce à cela, les professionnels de la santé pourront mesurer leurs progrès en matière de réadaptation.

Le nouveau modèle tiendra les condamnés responsables de leurs actes, tout en créant un environnement qui favorise la réadaptation, la réinsertion sociale sans risque et la réduction du nombre de récidivistes.

Il a été établi que si les soins de santé ne sont pas fournis indépendamment du Service correctionnel du Canada, les fournisseurs de soins de santé ne seront pas libres d’exercer, sans influence inopportune, les jugements professionnels nécessaires au traitement de leurs patients.

Le nouveau modèle prévoit une autonomie et une indépendance accrues pour les professionnels de la santé travaillant dans les prisons et permet aux patients d’avoir accès à des défenseurs de leurs droits.

Honorables collègues, les gens de toutes les couches de la société et de tous les pays ont tendance à seulement penser aux prisons quand elles font les manchettes, parfois à cause de craintes qu’un délinquant soit traité trop sévèrement ou peut-être qu’il n’ait pas été suffisamment puni.

En tant que parlementaires, nous avons tous le droit de visiter les établissements correctionnels, et c’est ce qu’ont fait récemment nos collègues du Comité des droits de la personne.

La plupart d’entre nous ne visiteront pas un tel établissement, même si nous sommes considérés comme des législateurs. Pourtant, la structure de notre système correctionnel — les structures physiques, les programmes et les services qu’il fournit, ainsi que le cadre juridique qui est à sa base — joue un rôle crucial dans le système de justice canadien. Les prisons ont pour but de restreindre la liberté des personnes qui ont causé des préjudices à la société en commettant des actes criminels.

Même si nous souhaiterions peut-être le contraire, l’incarcération est parfois nécessaire pour gérer le risque que ces personnes peuvent présenter, sans compter qu’il faut donner aux délinquants la possibilité, contrôlée, de réorienter leur vie. Dans ce contexte, il est essentiel d’offrir des programmes d’aide particuliers aux détenus qui cherchent à prendre des décisions constructives.

Pour des raisons pratiques d’intérêt personnel, nous sommes tous plus en sécurité lorsque le système réussit à préparer les personnes qui ont enfreint la loi à retourner dans la collectivité et à être réintégrées dans la société en toute sécurité en tant que citoyens productifs et respectueux des lois.

De plus, la façon dont nous atteignons cet objectif et les moyens que nous employons pour l’atteindre reflètent notre société et ses valeurs humanitaires.

Pour citer Fiodor Dostoïevski, journaliste et philosophe russe qui a beaucoup réfléchi aux questions des crimes et des châtiments, je dirai :

On peut juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ses prisons.

J’ai prévu des visites aux pénitenciers de Kingston et de Prince Albert au cours des prochaines semaines pour évaluer de visu le degré de civilisation de notre société. Mon cousin, aujourd’hui à la retraite, qui a été ancien combattant pendant 42 ans et a dirigé des programmes dans des établissements correctionnels, m’a dit de me préparer à être choqué par ce que je vais voir.

Il y a 30 ans, le Service correctionnel du Canada a adopté un nouvel énoncé de mission, qui se lit :

Le Service correctionnel du Canada [...] contribue à la sécurité publique en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr [...] et humain.

Depuis, d’importants progrès ont été réalisés.

L’ancienne Loi sur les pénitenciers, qui accordait peu de place aux droits des détenus, a été remplacée par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui exigeait l’emploi des mesures les moins restrictives, dans les limites où il faut assurer la sécurité dans les établissements et la sécurité publique.

Le Service correctionnel a conclu des ententes avec des organismes communautaires autochtones leur permettant de gérer leurs propres établissements correctionnels pour les détenus sous responsabilité fédérale.

Les détenus des établissements fédéraux ont obtenu le droit de vote.

De nouveaux établissements pour les femmes ont été conçus pour que les détenues soient logées dans des maisons à l’intérieur d’une enceinte clôturée comprenant une cour plutôt que d’être placées dans les cellules habituelles.

Qu’on ne s’y trompe pas, ces progrès n’ont été ni simples, ni faciles. C’est le cas pour la principale question sur laquelle porte le projet de loi C-83, l’isolement préventif.

Ce projet de loi s’attaque à la question de l’isolement de manière directe. Il porte également sur plusieurs autres aspects importants du système correctionnel fédéral et fait progresser les choses de manière importante.

On y propose des changements touchant notamment les audiences de libération conditionnelle, les soins de santé et l’interdiction de la contrebande.

La plupart des observateurs conviennent que les services correctionnels doivent pouvoir, dans certains cas, pour des raisons de sécurité, séparer certains détenus de la population carcérale générale.

Pendant l’étude au comité de l’autre endroit, c’est ce qu’ont dit la présidente de la Société John Howard, Catherine Latimer; l’enquêteur correctionnel Ivan Zinger; et l’ancien détenu Lawrence DaSilva.

Des tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario en sont arrivés à la même conclusion récemment. Selon la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :

L’isolement préventif ou un autre régime plus adéquat doivent être instaurés afin de protéger les détenus dont la sécurité serait menacée au sein de la population générale et d’assurer la sécurité des personnes qui travaillent dans les établissements carcéraux.

Le projet de loi C-83 offre cette solution de rechange plus appropriée en proposant un nouveau modèle, celui des unités d’intervention structurée.

Le nouveau système permettra, entre autres, de respecter les Règles Mandela des Nations Unies concernant le traitement des prisonniers.

Présentement, le système d’isolement préventif fonctionne de la façon suivante : les détenus qui doivent être isolés du reste de l’établissement pour des raisons de sécurité sont amenés de leur cellule d’une aile commune de la prison vers une autre cellule dans la partie réservée à l’isolement.

Les conditions physiques des cellules d’isolement sont généralement similaires, voire identiques, à celles des cellules normales. Par contre, à l’heure actuelle, un détenu en isolement doit demeurer dans sa cellule au moins 22 heures par jour. Lorsqu’il peut sortir de sa cellule, le détenu doit souvent rester seul, ailleurs, par exemple dans la cour.

Pour des motifs de sécurité, ces détenus n’ont pas accès à des programmes ou interventions de réadaptation pour lesquels ils devraient être en présence d’autres détenus.

Cela signifie que, lorsqu’un détenu est en isolement, il n’est pas en mesure d’obtenir les services requis, parce que les ressources dont dispose actuellement le Service correctionnel du Canada ne permettent pas leur prestation de façon individuelle.

Le nouveau système des unités d’intervention structurée amené par le projet de loi C-83 améliorera grandement le système actuel en matière tant de sécurité que de respect des droits des détenus. La conception des unités d’intervention structurée permettra d’offrir à ces détenus l’encadrement individuel personnalisé dont ils ont besoin. La mesure proposée fera en sorte qu’ils reçoivent les soins de santé mentale nécessaires pour régler les problèmes sous-jacents qui ont mené à leur isolement, afin qu’ils puissent retourner de façon sécuritaire dans la population carcérale générale le plus tôt possible.

Pendant qu’ils seront à l’unité d’intervention structurée, les détenus pourront passer au moins quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, soit le double de ce qu’on leur offre actuellement quand ils sont en isolement. Ils pourront aussi avoir des contacts humains réels pendant au moins deux heures par jour sous forme d’interactions avec des employés, des aînés, des aumôniers, des bénévoles, des visiteurs et des détenus compatibles.

Comme le modèle proposé pour les unités d’intervention structurée prévoit quatre heures par jour à l’extérieur des cellules, il ira au-delà des normes établies par les Nations Unies. En effet, selon les « Règles Nelson Mandela », l’isolement cellulaire correspond à un isolement de 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel.

Pour des raisons de sécurité, le projet de loi ne plafonne pas le nombre de jours qu’un détenu pourra passer dans une unité d’intervention structurée. En effet, si on instaurait, par exemple, une limite de 15 jours comme le suggère la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, que ferait-on le seizième jour si le détenu posait toujours un risque? Forcer son retour prématuré au sein de la population carcérale générale pourrait s’avérer dangereux non seulement pour le détenu, mais aussi pour les autres détenus et le personnel correctionnel.

Cela dit, le projet de loi C-83 crée essentiellement la présomption permanente que les détenus placés dans une unité d’intervention structurée seront réintégrés dans la population carcérale régulière. L’article 33 prévoit ce qui suit :

L’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin le plus tôt possible.

Le projet de loi indique clairement qu’un détenu est placé dans une unité d’intervention structurée uniquement s’il n’existe aucune autre solution valable. Dès qu’une solution valable est trouvée ou que le détenu ne présente plus de risque pour la sécurité, le projet de loi C-83 exige qu’il soit réintégré dans la population carcérale régulière.

La question d’une durée limitée est particulièrement pertinente à la suite de la décision rendue récemment par la Cour d’appel de l’Ontario. Cette décision, qui entrera en vigueur le 12 avril prochain, exige que, en Ontario, un détenu soit placé en isolement préventif pendant une durée maximale de 15 jours. Il convient donc de se demander si une telle disposition devrait être inscrite dans le projet de loi C-83.

La réponse à cette question se trouve aussi dans la toute première ligne de la décision de la cour, qui se lit comme suit :

Ce qui caractérise avant tout l’isolement cellulaire, c’est l’élimination de toute forme d’interaction ou de stimulation sociale.

Le nouveau système vise précisément à corriger cette lacune. Autrement dit, la cour affirme que les détenus ne doivent pas passer plus de 15 jours sans interaction sociale réelle. Dans le nouveau système des unités d’intervention structurée, les détenus pourront avoir des interactions sociales tous les jours.

En résumé, les unités d’intervention structurée permettront aux détenus de passer deux fois plus de temps à l’extérieur de leur cellule que dans le cadre du système actuel d’isolement préventif. Elles leur permettront aussi d’avoir des contacts humains réels pendant deux heures par jour plutôt qu’aucune, comme c’est le cas en ce moment. Il s’agit d’améliorations sur le plan quantitatif.

Il y a aussi les améliorations qualitatives dont j’ai parlé, notamment les interventions spécialisées en réadaptation et les services de santé mentale.

Conséquemment, au cours de l’étude par le comité de l’autre endroit, l’essentiel des critiques ne portait pas sur la nature des unités d’intervention structurée, que je viens tout juste de décrire. En général, les témoins ont plutôt demandé si ces unités fonctionneraient vraiment comme prévu.

Les préoccupations se divisent essentiellement en trois grandes catégories : la suffisance des ressources, les échappatoires potentielles dans le libellé du projet de loi et la surveillance. Depuis lors, on a donné suite à chacune de ces préoccupations, et le Sénat aura l’occasion d’étudier plus en profondeur cette mesure législative au comité.

En ce qui concerne la suffisance des ressources, le projet de loi C-83 a été présenté avant la publication de l’énoncé économique de l’automne, et le gouvernement n’avait pas encore annoncé le financement qui accompagnerait le projet de loi, alors il est compréhensible que les témoins aient soulevé cette préoccupation.

Catherine Latimer, de la Société John Howard, a déclaré ceci :

Pour que la perspective des unités d’intervention structurée présentée au Comité par le ministre Goodale ait des chances de se concrétiser, il faudra compter sur des ressources suffisantes pour obtenir les programmes d’infrastructure et le personnel nécessaires [...]

Jason Godin, président national du Syndicat des agents correctionnels du Canada, a déclaré ceci au sujet du projet de loi C-83 :

Les intentions sont bonnes [...]

[...] mais nous vous demandons comment vous allez vous y prendre sur le plan opérationnel pour gérer l’institution en toute sécurité. À l’heure actuelle, il est à peu près impossible d’y arriver si nous n’avons pas des ressources suffisantes.

De plus, Stanley Stapleton, président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, qui représente les agents de libération conditionnelle et les employés du programme, dit que le projet de loi contient :

[...] des mesures qui visent à rendre les prisons fédérales canadiennes plus humaines et à améliorer les chances de réadaptation des délinquants. [...] Cependant, [...] de nouvelles ressources seront nécessaires pour y arriver.

Le gouvernement a maintenant confirmé que des ressources suffisantes seront en place. L’Énoncé économique de l’automne affecte 448 millions de dollars sur six ans à la mise en place du nouveau système, avec un financement continu de 148 millions de dollars par année. La plus grande partie de l’argent servira à embaucher environ 950 employés, y compris environ 650 personnes qui offriront des soins de santé, des programmes et des interventions ciblées. Les 300 autres employés seront des membres du personnel de sécurité qui veilleront à ce que tous les autres employés puissent accomplir leur travail de réadaptation dans un environnement sécuritaire.

En ce qui a trait à la deuxième catégorie, celle des préoccupations concernant des échappatoires possibles dans le libellé, le comité a adopté un certain nombre d’amendements pour y remédier. Par exemple, on se demandait si la possibilité que prévoit le projet de loi de passer du temps hors de la cellule serait offerte à des heures déraisonnables, comme en plein milieu de la nuit. Donc, un amendement a été adopté pour que le temps hors de la cellule soit offert entre 7 heures et 22 heures.

On s’interrogeait également sur les interactions humaines prévues par le projet de loi et sur la question de savoir si cela se ferait à travers la porte ou par la voie de la fente qui sert à leur glisser des repas. Le comité a donc adopté un amendement établissant une présomption selon laquelle ce serait des interactions en personne et que si ce n’est pas le cas il faudrait fournir des documents justificatifs.

Des questions ont aussi été soulevées au sujet de l’article du projet de loi qui prévoit que le temps passé en dehors de la cellule peut être refusé dans des circonstances exceptionnelles. Pour éviter qu’il soit mal appliqué, le comité a précisé certaines des circonstances considérées comme exceptionnelles qui justifieraient d’empêcher un détenu de passer du temps hors de la cellule, comme des catastrophes naturelles ou une panne de courant.

On s’interrogeait également au sujet de l’article qui permet aux professionnels de la santé de recommander au directeur qu’un détenu soit retiré de l’unité d’intervention structurée ou que les conditions d’incarcération du détenu dans l’unité d’intervention structurée soient modifiées. Certains témoins ont pensé qu’il pourrait y avoir des circonstances où de telles recommandations ne seraient pas prises au sérieux par le directeur. Par conséquent, le comité a ajouté l’exigence que tout désaccord sur ce point entre le professionnel de la santé et le directeur de l’établissement soit soumis à un comité de Service correctionnel du Canada externe indépendant.

En d’autres mots, pour résumer, les membres du comité ont écouté les témoignages au sujet des préoccupations et des échappatoires possibles et ont réagi en apportant des amendements réfléchis et concrets au projet de loi.

Enfin, la troisième grande catégorie touche aux préoccupations sur la surveillance. Certains ont réclamé un processus de surveillance indépendant pour les placements en unité d’intervention structurée, y compris la Société John Howard, l’enquêteur correctionnel, l’Association canadienne des libertés civiles et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.

L’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a notamment demandé à ce qu’on mette sur pied un organisme de surveillance externe doté d’un pouvoir décisionnel pour veiller à ce que le Service correctionnel respecte ses obligations législatives et à ce que les détenus aient des contacts humains et passent du temps à l’extérieur de leur cellule pendant le nombre d’heures prévu. Le projet de loi a donc été amendé en conséquence afin d’inclure des décideurs externes indépendants. La loi actuelle dit que le directeur doit charger des personnes d’examiner chaque cas « selon les modalités réglementaires de temps et autres ». Le projet de loi C-83 propose plutôt de créer un processus d’examen plus rigoureux, notamment en prévoyant des dispositions pour que les décideurs externes indépendants puissent rendre des décisions exécutoires et pour que le détenu et le Service correctionnel du Canada puissent tous deux appeler de la décision auprès de la Cour fédérale, au titre de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.

La surveillance externe s’applique à trois situations. Premièrement, le décideur indépendant est chargé d’examiner les cas où, pour une raison quelconque, un détenu placé dans une unité d’intervention structurée aurait été privé du nombre minimum d’heures auquel il a droit en compagnie d’autres personnes ou à l’extérieur de sa cellule pendant cinq jours consécutifs ou pour un total de 15 jours dans une période de 30 jours.

Si le décideur conclut que le Service correctionnel du Canada n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour accorder le nombre d’heures obligatoire, il peut formuler des recommandations. Si celles-ci ne sont pas suivies après une semaine, le décideur peut ordonner le retrait du détenu de l’unité d’intervention structurée.

Deuxièmement, la surveillance externe s’appliquera aussi au scénario dont j’ai parlé tout à l’heure, où un professionnel de la santé fait une recommandation. Si le directeur de l’établissement n’est pas d’accord avec la recommandation et que le comité d’examen du Service correctionnel est du même avis que le directeur, c’est le décideur indépendant qui tranche.

Enfin, le décideur indépendant étudie chaque placement en unité d’intervention structurée après 90 jours et à tous les 60 jours par la suite. Cela s’ajoute aux examens internes effectués par le directeur dans les cinq jours suivants, puis à tous les 30 jours par la suite, avec la participation du détenu et les motifs du directeur par écrit.

Les examens du décideur indépendant s’ajoutent à ceux du commissaire du Service correctionnel du Canada.

Il y a eu un autre point de soulevé au comité de la Chambre : le régime actuel d’isolement est considérablement différent dans les établissements pour hommes et pour femmes. Dans l’ensemble des établissements correctionnels fédéraux, le nombre d’hommes mis en isolement varie habituellement entre 300 et 400, tandis qu’il se situe entre zéro et trois chez les femmes.

Les femmes passent généralement beaucoup moins de temps en isolement. Il y a une nette différence entre les cellules d’isolement et celles où vivent généralement les détenues. J’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que le ministre de la Sécurité publique a confirmé il y a quelques semaines que le Service correctionnel du Canada adoptera une approche tenant compte du sexe des détenus pour la mise en œuvre des unités d’intervention structurée. Je crois comprendre que des consultations ont été menées auprès de divers organismes, dont l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et l’Association des femmes autochtones du Canada, et que les discussions se poursuivront entre les représentants du service correctionnel et ceux de ces organismes.

Autrement dit, honorables collègues, le gouvernement et le Service correctionnel du Canada sont ouverts aux changements et aux commentaires. Même dans sa forme initiale, ce projet de loi constituait une nette amélioration par rapport à maintenant, mais il a en plus subi de nombreuses améliorations et modifications afin de répondre aux préoccupations des parties intéressées. Le gouvernement a également prévu des ressources considérables pour sa mise en œuvre et l’instauration d’un mécanisme contraignant de surveillance.

Pour faire bonne mesure, le ministre a annoncé qu’il nommera un comité consultatif chargé de superviser la mise en œuvre du projet de loi et de s’assurer que les nouvelles unités d’intervention structurée donnent les résultats escomptés. Ce comité sera formé de gens de divers horizons et domaines, comme la santé mentale, la réadaptation et la sécurité en milieu correctionnel. Il aura pour rôle de conseiller le commissaire du service correctionnel, mais si besoin est, il pourra également porter certaines questions à l’attention du ministre.

Honorables sénateurs, le remplacement de l’isolement par les unités d’intervention structurée constitue à n’en pas douter un pas dans la bonne direction et une mesure progressiste. En prévoyant que les détenus placés dans une unité d’intervention structurée doivent passer un nombre minimal d’heures à l’extérieur de leur cellule et avoir des contacts humains réels et qu’ils ont droit à des interventions de réadaptation et à des services de santé mentale, le projet de loi C-83 améliorera la vie des détenus et des employés des établissements correctionnels fédéraux. Il contribuera aussi à la réadaptation des délinquants en rendant les établissements correctionnels plus sûrs et à notre sécurité à tous en préparant mieux les détenus à vivre harmonieusement leur retour dans la société.

Avant d’aborder d’autres éléments du projet de loi, j’aimerais attirer votre attention sur un dernier point. Le Parlement étudie le projet de loi C-83 alors que plusieurs procédures judiciaires sont en cours au sujet de la constitutionnalité du régime actuel d’isolement préventif, notamment des contestations judiciaires dans les provinces de la Colombie-Britannique et de l’Ontario. Dans ces deux cas, des décisions ont été rendues selon lesquelles la disposition de la loi régissant l’isolement préventif n’est pas valide parce qu’elle va à l’encontre de la Charte des droits et libertés. La prise d’effet de ces décisions a été reportée jusqu’à la fin avril pour le cas de l’Ontario, et jusqu’à la mi-juin pour celui de la Colombie-Britannique. De plus, la Cour d’appel de l’Ontario a fixé au 12 avril l’audience visant à déterminer si un isolement préventif de plus de 15 jours est une mesure contraire à la Charte.

Comme je l’ai indiqué au début de mon discours, les tribunaux eux-mêmes ont déclaré qu’il serait dangereux de mettre un terme à l’isolement préventif sans d’abord élaborer un nouveau régime pour le remplacer. En janvier dernier, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a dit ceci:

Nous convenons que la sécurité des établissements correctionnels serait compromise si les lois existantes étaient immédiatement déclarées inconstitutionnelles.

Les cours ont retardé la prise d’effet de leurs décisions afin de donner au Parlement le temps d’adopter le projet de loi C-83. Encore une fois, je cite la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :

Le gouvernement a présenté un projet de loi à la Chambre des communes. Nous n’avons aucune raison de douter de la détermination ou de la capacité du gouvernement à adopter le projet de loi avant que le Parlement interrompe ses travaux pour l’été.

Il se peut que certains de ces délais soient prolongés. Toutefois, tôt ou tard, les décisions entreront en vigueur. Si nous n’adoptons pas ce projet de loi à temps, nous laisserons le Service correctionnel du Canada aux prises avec un vide juridique, incapable d’utiliser l’isolement pour gérer les situations dangereuses et sans solution de rechange sûre, viable, acceptable et conforme aux lois et politiques en vigueur.

Le projet de loi C-83 permet la protection du personnel correctionnel et des détenus qui relèvent de sa responsabilité tout en satisfaisant aux exigences en matière de réadaptation et de santé mentale qui ne sont pas satisfaites par l’isolement. Le projet de loi C-83 constitue donc une nette amélioration par rapport au régime actuel et est, de toute évidence, beaucoup mieux que de n’avoir aucun régime.

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler brièvement des autres éléments du projet de loi C-83, qui visent tous le même objectif général qui consiste à bâtir un système correctionnel plus progressif et plus efficace.

Le projet de loi inscrit dans la loi le principe de l’indépendance des fournisseurs de soins de santé au sein du Service correctionnel du Canada et donne aux détenus accès à des services en matière de défense des droits des patients de sorte que les détenus et leur famille connaissent et puissent exercer leurs droits relativement aux soins médicaux. C’est une mesure qui est réclamée depuis l’enquête sur le décès d’Ashley Smith, une jeune femme qui est décédée il y a plusieurs années après s’être étranglée elle-même alors qu’elle était en détention. L’accès à des services de défense des droits des patients améliorera la qualité des soins médicaux pour les détenus qui ne sont pas toujours capables de défendre leurs propres droits.

Le projet de loi permet à toutes les victimes d’actes criminels d’avoir accès aux enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle. La loi actuelle n’accorde ce droit qu’aux victimes qui n’étaient pas présentes aux audiences. Ce changement est important : comme vous pouvez l’imaginer, les audiences de libération conditionnelle étant souvent des expériences stressantes pour les victimes. On peut comprendre qu’elles n’arrivent pas à se souvenir de tout ce qui a été dit. Rien ne justifie que la loi les empêche d’écouter une deuxième fois les procédures dans un cadre moins stressant.

Le projet de loi C-83 permet aussi le recours à des détecteurs à balayage corporel pour effectuer des fouilles. Cet outil est semblable à ce qui est utilisé dans les aéroports et il est déjà en place dans plusieurs systèmes correctionnels provinciaux. C’est une solution de rechange, moins intrusive, aux fouilles à nu et aux examens des cavités corporelles.

Conformément à l’arrêt Gladue rendu par la Cour suprême du Canada en 1999, le projet de loi C-83 inscrit dans la loi l’obligation pour le service correctionnel de tenir compte des facteurs systémiques et historiques dans la prise de décisions touchant des délinquants autochtones. Ces considérations doivent être prises en compte dans toutes les décisions d’ordre correctionnel et dans tous les programmes propres aux délinquants autochtones.

Dans le même ordre d’idées, je sais que des inquiétudes ont été soulevées à propos des changements que la mesure législative appliquerait aux dispositions de la loi actuelle sur la participation des collectivités autochtones dans le système correctionnel. En fait, ce sont des modifications de forme qui ne changeraient pas l’application concrète de ces dispositions.

Par exemple, l’article 81 de la loi actuelle permet au ministre de la Sécurité publique de conclure, avec une collectivité autochtone, un accord prévoyant la prestation de services correctionnels. Cet article régit les pavillons de ressourcement gérés par les collectivités. Le projet de loi C-83 remplace l’expression « une collectivité autochtone » par « tout corps dirigeant ou organisme autochtones ».

Le nouveau libellé est tout simplement plus logique aux plans juridique et pratique, car il renvoie à des personnalités juridiques reconnues. De la même façon, le projet de loi modifie l’article 84 de la loi, qui permet la libération de détenus autochtones dans des collectivités autochtones. Actuellement, la loi exige du Service correctionnel du Canada qu’il avise la communauté de la mise en liberté imminente d’un délinquant. Le projet de loi C-83 modifie cette disposition en stipulant que l’avis soit remis au « corps dirigeant autochtone » de la collectivité. Le changement tient simplement compte des pratiques en vigueur consistant à garantir que l’« avis » sera remis aux dirigeants de la collectivité.

Enfin, honorables sénateurs, les membres du comité de l’autre endroit ont modifié le projet de loi afin de rétablir le principe des « mesures les moins privatives de liberté ». Pendant 20 ans, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a exigé que le système correctionnel impose aux détenus « les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, sont les moins privatives de liberté ».

En 2012, le libellé a été modifié pour : « […] mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente Loi ». En revenant au libellé précédent, le projet de loi C-83 réaffirme le principe selon lequel l’incarcération sous garde fédérale ne consiste pas à rendre la vie des détenus difficile, mais plutôt à protéger la société, ainsi qu’à promouvoir la réhabilitation et la réintégration des gens qui ont violé les lois de la société.

C’est sur ce principe que repose tout le projet de loi. Je n’ai aucun doute que les honorables sénateurs vont réaliser une étude complète du projet de loi C-83 et examiner le libellé d’articles particuliers, poser des questions solides et se pencher sur les améliorations qui peuvent être apportées au projet de loi. Toutefois, j’invite tout le monde à bien se rendre compte que le projet de loi constitue un progrès important par rapport à la loi qui régit actuellement le système correctionnel.

Je me répète peut-être, mais je tiens tout de même à vous rappeler les jugements récents et le fait que nous devons fournir au Service correctionnel du Canada une solution de remplacement pour assurer l’équilibre entre la sûreté et la sécurité de toutes les personnes concernées et la nécessité de réintégrer plus rapidement les délinquants dans la société.

Le projet de loi C-83 va renforcer la sécurité dans les établissements correctionnels du Canada et veiller à ce que les détenus qui doivent être séparés de la population carcérale générale pendant une période donnée aient de meilleures possibilités de réadaptation et des conditions de vie plus humaines. Il va nous aider à atteindre l’objectif global, qui est de rendre les collectivités plus sûres.

Ces modifications assureront la sécurité du personnel correctionnel et de ceux qui sont confiés à leurs soins tout en permettant aux délinquants de profiter de programmes de réadaptation, d’interventions et de soutien en matière de santé mentale plus efficaces.

J’ai hâte d’entendre vos divers points de vue et de participer à un débat constructif au Sénat et, bien sûr, au comité. Votre participation active est grandement appréciée dans le cadre des derniers travaux réalisés en vue de faire adopter et mettre en œuvre ce projet de loi.

Ce projet de loi est-il une solution de remplacement progressiste à l’isolement cellulaire, et entraînera-t-il d’autres bienfaits? C’est l’objectif visé, et je suis sûr que des progrès seront réalisés et qu’ils seront mesurés et rapportés.

J’espère que le projet de loi sera renvoyé à un comité, où il pourra être étudié davantage, et faire l’objet d’un rapport qui sera déposé au Sénat rapidement et efficacement afin que les sénateurs puissent en débattre et en discuter davantage.

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) [ + ]

Sénateur Klyne, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Klyne [ + ]

Oui, absolument.

L’honorable Jane Cordy [ + ]

Je vous remercie de votre discours, sénateur Klyne. Peut-être aimeriez-vous vous joindre à notre Comité des droits de la personne.

Je suis heureuse que le gouvernement reconnaisse que l’isolement est inhumain. Je suis membre du Comité des droits de la personne et nous avons visité des prisons. D’ailleurs, certains d’entre nous sont entrés dans la cellule où Ashley Smith s’est enlevé la vie tandis que des gardiens de prison l’observaient. C’était très émouvant d’être là. Nous avons également parlé à des prisonniers en isolement par la voie de la fente qui sert à leur remettre des repas et il était évident que beaucoup d’entre eux souffraient d’une mauvaise santé mentale. Je sais que vous avez mentionné la santé mentale dans votre discours.

Au cours de notre étude sur les droits de la personne des prisonniers, nous avons entendu des témoignages indiquant que, afin de permettre aux détenus d’avoir une interaction humaine — non pas par la fente qui sert à leur remettre des repas, mais plutôt une véritable interaction —, le projet de loi C-83 prévoit que des professionnels de la santé et des membres du personnel chargé des programmes iront s’entretenir avec les prisonniers, mais qu’ils seront accompagnés de deux gardiens de prison.

Ma préoccupation, c’est le risque de violation de la confidentialité si deux gardiens de prison accompagnent le personnel médical lorsque celui-ci parle de santé physique ou mentale avec le prisonnier. Croyez-vous qu’il serait bon que le comité qui se verra confier l’étude du projet de loi — et je ne suis pas certaine encore de quel comité il s’agira — entende des professionnels de la santé qui vont dans les prisons pour savoir ce qui peut être fait pour assurer la confidentialité? Car ces prisons sont le domicile des prisonniers. Ces derniers y sont 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il serait intimidant qu’on parle de leur dossier médical devant des gardiens de prison. C’est à se demander si les professionnels de la santé obtiendront le véritable portrait de la situation. S’ils l’obtiennent, la confidentialité de cette information serait extrêmement importante pour les prisonniers, car, comme je l’ai dit, ce milieu est leur domicile.

Le sénateur Klyne [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je suis d’accord avec vous. Il s’agit d’une préoccupation valide et je suis certainement d’avis que le comité devrait entendre des témoignages d’experts à ce sujet. J’ose croire qu’il est possible de trouver des solutions raisonnables à ce problème.

Je ne suis pas une personne qui aime les extrêmes, mais je comprends qu’il existe tout un éventail de situations. Je suis persuadé que le dialogue et les témoignages qui seront entendus nous permettront de trouver une solution bien canadienne au problème.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Sénateur Klyne, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Klyne [ + ]

Oui.

La sénatrice Dupuis [ + ]

J’aimerais savoir si le projet de loi C-83 prévoit des mesures qui s’appliquent aux personnes détenues qui seront également offertes aux femmes et aux hommes, puisque cela n’a pas été le cas jusqu’ici. Le projet de loi comporte-t-il des éléments précis à cette fin? Ce serait important, d’autant plus que nous ne disposons pas de l’analyse comparative entre les sexes qui a été faite dans le cadre de l’étude de ce projet de loi.

Le projet de loi prévoit-il des mesures afin que ces éléments soient approfondis dans le cadre d’un nouveau système? Vous avez bien fait ressortir le fait qu’il s’agit d’un système qui vise à améliorer la situation actuelle, mais je pense qu’il faut non seulement l’améliorer, mais aussi tenir compte de la question du respect des droits des femmes et des hommes dans le système carcéral.

Le sénateur Klyne [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je crois que l’analyse comparative entre les sexes se poursuivra. Il s’agit d’un processus continu. Il évolue constamment et a pour but de s’améliorer continuellement une fois mis en œuvre. Il est évident que la situation des hommes est différente de celle des femmes et que les exigences dans les deux cas sont différentes. Je ne peux pas vous indiquer une disposition précise du projet de loi qui le dit, mais je me ferai un plaisir de me renseigner et de vous revenir avec une réponse.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Sénateur Klyne, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Klyne [ + ]

Oui.

La sénatrice Lankin [ + ]

Merci. Je vais vous faire part de ma perspective relativement à ce dossier. Lorsque j’étais une politicienne élue, je représentais une circonscription qui avait été représentée de nombreuses années auparavant par l’honorable Agnes MacPhail, une partisane de la réforme des prisons qui est reconnue au Canada. Par ailleurs, Ruth Morris, qui est une abolitionniste de renommée internationale, une quakeresse et une amie canadienne, m’en a appris beaucoup sur le système carcéral.

J’ai une autre perspective. J’ai été gardienne de prison et j’ai connu de telles situations. J’ai travaillé avec des détenus dans la population carcérale générale, en isolement préventif pour leur protection, en isolement disciplinaire et en isolement pour des motifs de santé mentale. Je reconnais la complexité de cette question. Je vous suis reconnaissante de parrainer ce projet de loi. Je crois que vous avez exposé bon nombre de problèmes et que vous nous avez démontré les intentions louables derrière cette réforme. Je suis préoccupée par le problème soulevé par la sénatrice Cordy en ce qui concerne non seulement la confidentialité, mais aussi la capacité du détenu d’exprimer ses préoccupations sur la façon dont il est traité en l’absence du professionnel de la santé et la capacité du détenu de parler de sa santé mentale et physique en présence du personnel correctionnel.

La question la plus fondamentale que je me pose est la suivante. À la lumière des révisions judiciaires qui ont eu lieu et des raisons pour lesquelles elles ont été effectuées, pourriez-vous me dire si vous avez examiné cette question, et pouvez-vous m’expliquer en quoi les dispositions de ce projet de loi auraient pu prévenir la mort d’Ashley Smith? Je ne vois pas comment elles pourraient prévenir ce genre d’incident. Dans le milieu où on propose d’appliquer ces mesures, il existe une culture institutionnelle qui va complètement à l’encontre des engagements et des intentions qui ressortent du libellé de ce projet de loi. Comment ces mesures auraient-elles pu prévenir la mort d’Ashley Smith?

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénateur Klyne, votre temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Klyne [ + ]

S’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Klyne [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas eu connaissance du rapport qui a été rédigé après cette mort déplorable. Cependant, je crois que l’objectif visé est de veiller à ce que des défenseurs des droits des patients soient disponibles et à ce qu’ils puissent dialoguer librement avec les détenus ou leur famille pour défendre les droits de ces derniers. Je pense que, très souvent, les détenus sont incapables de demander ou d’obtenir l’accès à des services de défense des droits des patients. Or, il faut qu’ils puissent trouver quelqu’un pour agir en leur nom.

Peut-être que, même en l’absence de dispositions précises à cet égard — et je dis peut-être parce que je ne suis pas sûr de ce que j’avance —, un défenseur des droits des patients serait en mesure de faire son possible pour signaler les problèmes et les préoccupations d’un détenu qui se trouve dans une situation inquiétante et précaire et qui nécessite de l’attention.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard [ + ]

Monsieur le sénateur, je souhaite poser une question sur les prisonniers d’origine africaine. Ils représentent 9,3 p. 100 des détenus dans les pénitenciers fédéraux du pays, même s’ils représentent seulement 2,9 p. 100 de la population canadienne.

Selon le Bureau de l’enquêteur correctionnel, cette proportion trop élevée dans les pénitenciers fédéraux est à la hausse. C’est une statistique alarmante qui m’amène à demander quelles mesures sont prévues dans le projet de loi C-83 pour remédier à la surreprésentation des personnes d’origine africaine dans les pénitenciers fédéraux, particulièrement celles qui sont placées en isolement ou dans les unités d’intervention structurée proposées.

Le sénateur Klyne [ + ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. À l’heure actuelle, l’article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui porte sur l’objet et les principes de la loi, indique que le système correctionnel fédéral doit aider à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale. Les principes permettant d’atteindre ce but figurent à l’alinéa 4g) de la loi. Celui-ci indique actuellement qu’il faut tenir compte des besoins spécifiques de plusieurs groupes — dont les Autochtones, les femmes et les personnes atteintes de maladie mentale — aux fins de l’application de la Loi. Aucune minorité n’est toutefois mentionnée.

Le projet de loi C-83 ajouterait au libellé de l’alinéa 4g) que le Service correctionnel devrait désormais tenir compte des besoins spécifiques des Canadiens qui font partie des minorités visibles, ainsi que des femmes et des Autochtones, pour ne nommer que ceux-là. De plus, le soutien supplémentaire offert par les unités d’intervention structurée sera adapté en fonction des besoins individuels, des organismes sociaux participants et de divers facteurs concernant les services offerts.

Madame la sénatrice, ce sera un plaisir de voir avec vous s’il conviendrait d’apporter d’autres modifications au libellé de la loi de manière à tenir compte des Afro-Canadiens et d’autres minorités qui sont surreprésentées dans le système correctionnel. Merci.

Sénateur Klyne, merci de votre explication très détaillée du projet de loi C-83. Comme vous le savez — vous en avez d’ailleurs parlé au moyen de différents exemples —, ce projet de loi a été étudié à l’autre endroit. Il y a eu une autre recommandation dont vous n’avez pas parlé et qui allait dans le même sens.

Compte tenu du témoignage rendu par l’enquêteur correctionnel et par d’autres intervenants devant le comité et du fait que, dans l’ensemble du Canada, il n’y a présentement que 10 femmes dans des unités d’isolement administratif, le comité a dit ce qui suit de l’idée d’instaurer un nouveau système :

[...] le comité encourage vivement Service correctionnel Canada à trouver des mesures autres à cette pratique, par exemple le projet pilote proposé en 2016 par l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.

En tant que membre du Comité des droits de la personne, j’ai visité plusieurs établissements correctionnels. Je me suis rendue jusque dans la cellule où Ashley Smith est décédée. Je comprends très bien la question soulevée par la sénatrice Lankin. D’ailleurs, comme vous le savez, le Comité sénatorial des droits de la personne s’est rendu dans plus de 25 prisons au pays, il constitue donc une ressource inestimable à laquelle vous avez accès.

Le projet pilote dont parle le comité de l’autre endroit proposait qu’on cesse de pratiquer l’isolement des femmes, peu importe la forme ou le nom qu’on lui donne, et qu’on ait plutôt recours à des représentants des sociétés Elizabeth Fry et de la Commission canadienne des droits de la personne qui seraient de garde pour répondre aux situations où des femmes seraient normalement envoyées en isolement afin d’aider à trouver des solutions de rechange.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénatrice McPhedran, le temps du sénateur est écoulé. Pourriez-vous poser votre question rapidement, je vous prie?

Merci. Appuyez-vous la recommandation du comité?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Je m’excuse, Votre Honneur. Si le temps du sénateur est écoulé, vous devez demander le consentement du Sénat.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénatrice Martin, j’allais permettre à la sénatrice de terminer rapidement sa question et ensuite...

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénateur Klyne, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Klyne [ + ]

J’aimerais répondre à la question.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Honorables sénateurs, la demande de temps supplémentaire a été refusée. Je suis désolée.

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