Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
7 mai 2019
Propose que le projet de loi S-260, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, le projet de loi S-260 s’intitule Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion) et le sommaire du projet de loi résume de manière succincte l’objectif du projet de loi, qui est d’ériger en infraction la publicité de services de thérapie de conversion offerts moyennant rétribution, ainsi que l’obtention d’un avantage matériel provenant de la prestation d’une thérapie de conversion à une personne âgée de moins de 18 ans.
Les honorables sénateurs pourront prendre connaissance, dans le préambule du projet de loi, de ce qu’est en définitive son objectif bien circonscrit. Il vise en somme à interdire la pratique de ce que l’on appelle les thérapies de conversion. Qu’est-ce qu’on entend par thérapie de conversion? Le projet de loi le définit : ce sont des pratiques, des traitements ou des services qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un individu ou qui visent à éliminer ou à réduire l’attirance sexuelle ou le comportement sexuel entre personnes de même sexe. En d’autres mots, cela signifie qu’on veut tenter de modifier fondamentalement l’identité d’une personne pour qu’elle devienne autre. Ces thérapies de conversion sont une violation du droit à l’autonomie de l’individu, c’est-à-dire au droit d’être ce que l’on est, ce que l’on est comme individu, comme personne, et également une violation du droit à l’intégrité physique et du droit à l’intégrité psychologique. Le Code criminel prohibe déjà les atteintes à l’intégrité physique; par exemple, les mutilations génitales sont interdites en vertu du Code criminel. Les thérapies de conversion peuvent être à la fois une atteinte à l’intégrité physique et, surtout, une atteinte à l’intégrité psychologique. On vise à amener l’individu à constater que son état n’est pas acceptable, selon les normes ambiantes de son milieu, de la société ou de la communauté à l’intérieur duquel il ou elle évolue. C’est donc que l’on cherche à changer la nature fondamentale de l’individu. C’est ce en quoi les thérapies de conversion sont contraires aux droits fondamentaux de la personne et qu’ils constituent une atteinte à la dignité et à l’égalité des personnes.
Honorables sénateurs, si vous lisez le projet de loi, vous réaliserez certainement qu’il importe de protéger la dignité humaine et l’égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en décourageant ces pratiques et traitements qui ont des conséquences négatives, en particulier chez les jeunes. Il s’agit du préambule du projet de loi.
Vous vous demandez peut-être d’où cela vient. Pourquoi siégeons-nous ce soir au Sénat pour essayer de comprendre l’objectif du projet de loi et pourquoi devrions-nous modifier le Code criminel en ce qui a trait à l’interdiction des thérapies de conversion?
Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler ce que le premier ministre a déclaré le 28 novembre 2017 lorsqu’il a présenté les excuses du gouvernement du Canada à la communauté LGBTQ2 pour la discrimination dont certains anciens fonctionnaires, membres des Forces armées canadiennes et membres du service diplomatique du Canada ont été victimes dans les années 1950 et 1960. Ce sentiment est directement lié à cette question fondamentale. Je vais lire la déclaration du premier ministre :
Même si nous considérons le Canada moderne comme étant un pays évolué et progressiste, nous ne pouvons pas pour autant oublier notre passé : il n’y a pas si longtemps...
— et je mets ceci en surbrillance :
... l’État a orchestré une culture de stigmatisation et de peur autour des communautés LGBTQ2 et a ainsi détruit des vies.
J’ai applaudi lorsque le premier ministre a pris officiellement position, et cette position a été applaudie des deux côtés de la Chambre des communes. J’ai applaudi lorsque nous avons présenté une mesure législative sur le mariage civil ici et que nous en avons débattu. Le mariage civil est maintenant chose courante au Canada. Nous avons répondu aux peurs et aux questions entourant la célébration du mariage.
Je pensais que la société avait évolué et qu’elle s’était adaptée. Les partis se sont adaptés. La société s’est adaptée, et l’institution du mariage ne s’est pas effondrée parce qu’on a permis que deux personnes prennent un engagement en public, l’engagement de se soutenir et de se donner mutuellement le genre de soutien moral et matériel que l’on promet de donner lorsque l’on se marie avec la personne que l’on aime.
Cela n’a pas modifié l’institution du mariage. À mon avis, l’institution du mariage n’en a été que renforcée. Comment pouvons-nous, comme société supposément égalitaire qui valorise la dignité et l’égalité, tolérer encore que nous n’envoyions pas un message clair à tout le monde au Canada, à savoir que nous devons interdire la thérapie de conversion dans le contexte du Code criminel?
C’est pourquoi, honorables sénateurs, j’ai pris l’initiative de porter la question à votre attention. Selon moi, notre pays tend vers un idéal d’égalité accrue. Nous sommes conscients de mesures qu’il a fallu prendre pour établir l’égalité entre les hommes et les femmes. Le but n’est pas encore atteint, mais au moins nous en avons un. Nous savons où nous nous dirigeons en tant que société. Nous savons ce qu’il faut faire sur le plan de l’économie, de la politique et des relations interpersonnelles entre les hommes et les femmes. Nous avons un objectif, un idéal en tant que société. Selon moi, nous devrions avoir un idéal semblable pour ce qui est de protéger et de respecter les personnes telles qu’elles sont.
Nous avons tous droit, dans une même mesure, à l’égalité et à la dignité. C’est essentiellement ce que vise le projet de loi à l’étude.
Je vous enjoins d’y réfléchir, honorables sénateurs. J’espère que nous continuerons d’échanger sur le sujet et de partager le fruit de nos réflexions, car c’est important. Comme je l’ai mentionné, nos réflexions ont une incidence sur la vie des gens. Nous, sénateurs, sommes ici pour alimenter nos réflexions, afin d’élargir notre conception et de repousser les limites de nos libertés et de notre respect envers les autres. Dans cette enceinte, nous pouvons parler au nom de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, ceux qu’il serait facile d’écarter parce qu’ils ne représentent pas le vote de la majorité.
À mon avis, honorables sénateurs, c’est un enjeu de choix pour le Sénat. C’est le genre de dossier où nous excellons. Réfléchissons à cette question comme notre ancien collègue le sénateur Pierre Claude Nolin l’a fait pour la légalisation de la marijuana, il y a près de 20 ans. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
J’espère qu’il ne faudra pas attendre 20 ans pour interdire la thérapie de conversion. Comme je l’ai dit, c’est le Sénat qui ouvre la porte. C’est le Sénat qui pousse le gouvernement à réfléchir, à intervenir et à envoyer un message clair : lorsqu’il est question de légiférer par l’entremise du Code criminel, nous prenons la chose au sérieux parce que les droits des Canadiens sont en jeu. Le Sénat n’a qu’une seule préoccupation, celle de faire en sorte que nous respections la dignité et l’égalité d’absolument tous les Canadiens.
Je vous remercie, honorables sénateurs, de votre attention malgré l’heure tardive.
Sénateur Cormier, désirez-vous prendre la parole ou poser une question?
J’aimerais poser une question au sénateur Joyal, si c’est possible.
Oui.
D’abord, sénateur Joyal, je vous remercie de nous avoir présenté ce projet de loi, qui nous amène à réfléchir d’une manière approfondie sur cette pratique qui a cours au Canada encore beaucoup trop fréquemment et qui vise des personnes de toutes les régions et de toutes les générations.
Vous avez raison de dire que le Canada a beaucoup de chemin à faire. Je fais de la recherche depuis plusieurs mois sur ce sujet. Je suis en communication avec l’État de Malte pour comprendre comment ils ont cheminé par rapport à un projet de loi similaire.
Je pourrais vous poser plusieurs questions, mais je vais m’arrêter à une seule, qui a trait au groupe de citoyens qui est ciblé, soit les jeunes âgés de 18 ans et moins. Pourquoi, ni dans le préambule ni dans la définition, par exemple, de la thérapie de conversion, n’avez-vous pas inclus l’expression de genre, puisqu’elle apparaît dans le projet de loi C-16, que nous avons adopté il y a déjà un certain temps?
De plus, pourquoi n’avez-vous pas inclus ce que la loi maltaise a fait si sciemment en ce qui a trait à la question des populations vulnérables, soit les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale, par exemple, et qui sont souvent visés par ces thérapies de conversion? Ce sont les deux éléments de ma question.
Merci, honorable sénateur. J’ai devant moi le projet de loi de Malte, qui a été adopté le 9 décembre 2016. Vous avez raison de dire que le projet de loi reconnaît l’identité de genre et l’orientation sexuelle.
La mesure législative s’intitule Affirmation of Sexual Orientation, Gender Identity and Gender Expression Act, c’est-à-dire la loi sur l’affirmation de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre et de l’expression de genre. On peut en déduire que c’était l’objectif principal du projet de loi lors de son adoption.
Je n’en ai pas parlé parce que nous avons déjà la Charte des droits. L’article 15 affirme en termes assez clairs le principe de l’égalité. Le Canada a aussi la Loi canadienne sur les droits de la personne, que nous avons modifiée pour y inclure, comme vous le savez, le projet de loi C-16, une mesure parrainée par le sénateur Mitchell et adoptée il y a deux ans.
Les provinces ont aussi des codes sur les droits de la personne qui interdisent clairement la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et sur les autres motifs précisés dans ces codes. Par ailleurs, la question du genre a été ajoutée à la Loi canadienne sur les droits de la personne. J’ai cru que le principe était ainsi établi, alors que ce n’était pas le cas dans l’exemple de Malte.
Évidemment, comme Malte fait partie de l’Union européenne, la Convention européenne des droits de l’homme s’y applique. En cas de violation des droits, il est donc possible d’aller à Strasbourg, de présenter une plainte et de demander une décision. Cela dit, notre contexte juridique général diffère, bien sûr, de celui de Malte.
On entend parfois dire qu’il vaut mieux en mettre plus que moins. Rien ne nous empêche d’ajouter au préambule une affirmation sur l’égalité des genres et l’orientation sexuelle. Ce serait tout à fait possible. Comme je l’ai indiqué, je souhaitais m’en tenir, pour mon projet de loi, aux paramètres du projet de loi C-36 en matière de prostitution, qui donnait suite à l’arrêt Bedford. Je me suis dit que, si je respectais ces paramètres, mon projet de loi ne risquerait pas d’être contesté pour un motif qui n’avait pas été examiné par la cour.
Monsieur le Président, me permettez-vous de poser une deuxième question au sénateur Joyal?
Je vous remercie de votre réponse, sénateur Joyal. Je crois que cela nous donne l’occasion d’entreprendre une bonne réflexion, parce que l’identité de genre est maintenant intégrée partout.
Le projet de loi prévoit une infraction s’il y a rétribution ou publicité. Qu’en est-il, à votre avis, des gens qui offrent bénévolement cette pratique? Cette thérapie de conversion peut être offerte bénévolement, donc elle ne serait pas touchée par ce projet de loi, n’est-ce pas?
Il y a deux éléments dans le projet de loi, et la publicité est le premier des deux. Si vous faites de la publicité, même si vous y dites que vos services sont gratuits, vous êtes visé par la loi. Maintenant, si vous retirez un avantage — matériel ou autre —, vous enfreignez aussi le Code criminel. Autrement dit, il s’agit de deux infractions différentes : pas besoin de faire de la publicité et de retirer un avantage. On peut faire l’un ou l’autre, ou les deux. Le projet de loi ratisse large justement afin de couvrir le plus de terrain possible.
Le sénateur Joyal accepterait-il de répondre à une autre question?
Avec plaisir.
Je vous remercie de ce qui fut un discours inspirant. Quelle belle initiative vous avez prise!
Comme vous le savez sans doute, et peut-être aussi les autres sénateurs, le Réseau dignité est réuni en ce moment même à Ottawa, et j’espère que ses membres seront mis au courant de votre initiative.
Pour ma question, j’aimerais revenir sur ce que disait le sénateur Cormier à l’instant. Comment comptez-vous mettre fin aux agissements bien réels de certains groupes confessionnels qui n’ont à peu près pas besoin de publicité et qui ne demandent pas d’argent, mais qui, par leurs réseaux de communication, causent un tort immense aux enfants de leur communauté dont les parents n’acceptent pas l’identité sexuelle? Y a-t-il moyen de protéger aussi ces enfants?
Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Il s’agit d’une question très délicate parce qu’elle porte sur la liberté de religion et la liberté de conscience. Il y a des attitudes, des actes ou des rapports que je considère comme étant totalement acceptables, mais qui seraient perçus différemment par des personnes d’autres confessions ou ayant d’autres convictions religieuses. Nous devons respecter cela, comme nous l’avons fait lorsque nous avons présenté la mesure législative sur le mariage civil. Dans la décision qu’elle a rendue sur le projet de loi dont nous avons débattu et sur lequel nous nous sommes prononcés, la Cour suprême du Canada a indiqué très clairement qu’on ne peut pas imposer la célébration d’un mariage dans une église quand le principe même de ce mariage est condamné par l’Église. Une disposition précise a été incluse dans la mesure législative à cet égard.
Par exemple, je pense que nous savons tous que l’Église à laquelle j’appartiens ne reconnaît pas qu’elle puisse attester d’un mariage entre personnes de même sexe. Autrement dit, il n’y a aucun prêtre qui accepterait d’être mon témoin si je m’engageais envers une personne de même sexe parce que c’est interdit dans ma religion.
Même si le mariage civil est interdit dans ma religion, cela ne veut pas dire qu’il ne devrait pas exister. Il se trouve que je pense que je dois me conformer au dogme de mon Église — c’est un des sept sacrements — et qu’une autre Église peut avoir d’autres convictions. L’Église Unie du Canada pense autrement, et un prêtre de cette Église peut officialiser un mariage. Donc, chaque Église a son idée.
Vous avez raison de dire qu’une Église peut, par le bouche à oreille, indiquer qu’il serait bon de consulter telle ou telle personne et que le jeune devrait rencontrer cette personne ou qu’on devrait organiser un camp pour rassembler des jeunes avec un moniteur qui tenterait de les convaincre que leur état n’est pas acceptable et que, selon leurs propres croyances et convictions, il devrait être changé.
Tant que ces Églises ne font pas de publicité et qu’elles ne tirent pas d’avantage matériel de leur pratique, elles ne seront pas visées par ce projet de loi. Cela ne fait aucun doute. J’y ai réfléchi aussi, mais, selon moi, ce projet de loi doit être rédigé de façon à respecter les articles de la Charte au même titre que nous l’avons fait quand nous avons légiféré sur le mariage en prévoyant des dispositions spéciales pour qu’un ministre du culte ne soit pas obligé d’en célébrer un.
Vous comprendrez sans doute que la ligne est mince. Nous disposons d’une Charte. Nous la chérissons parce qu’elle protège la liberté de conscience et de religion de tous les Canadiens, de tout le monde. Comme l’a déclaré la Cour suprême, on peut croire ce que l’on veut selon son Église, même si cette croyance peut paraître scandaleuse pour quelqu’un d’autre. Toutefois, ce n’est pas la raison d’être de la liberté de religion. Cette liberté existe dans l’engagement d’une personne à croire à un ensemble de convictions concernant une explication spirituelle du fonctionnement du monde, de son évolution, de sa création et de son avenir.
Vous croyez en une interprétation du principe du monde. Vous y adhérez, vous y êtes fidèle et vous essayez de vous y conformer. La cour ne dira jamais : « Non, cette église est trop cinglée. Cela ne devrait pas être protégé. » Ce n’est pas ce que la cour a dit. La cour a été très claire à maintes reprises, en particulier à l’époque d’une ancienne juge en chef aujourd’hui à la retraite, dans de nombreux jugements qu’elle a signés — bien sûr, avec l’accord de la cour. Elle a dit que la cour ne se prononcerait jamais sur la teneur d’une conviction.
On doit par conséquent en conclure que certaines convictions sont susceptibles de nuire aux jeunes. Elles peuvent leur causer le même genre de préjudice et miner leur estime de soi parce que la personne se dit : « Je ne suis pas comme les autres et je me sens mal parce que je n’arrive pas à réprimer cette pulsion. Elle revient toujours. C’est dans ma nature. »
Il ne fait aucun doute que cette situation entraîne un grand malaise, mais ce n’est pas ce que ce projet de loi tente d’éviter.
Je suis désolé, monsieur le sénateur Joyal, mais votre temps de parole est écoulé. Je sais que d’autres sénateurs souhaitent vous poser des questions. Demandez-vous cinq minutes de plus, monsieur le sénateur?
Oui, s’il vous plaît.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Merci, monsieur le sénateur Joyal, de votre initiative concernant ce projet de loi. J’apprécie votre passion pour le sujet et l’attention que vous portez à la Charte dans l’élaboration du projet de loi. En outre, il est très utile de prendre connaissance des recherches que vous avez effectuées sur la situation dans d’autres pays, particulièrement aux États-Unis. En ce qui me concerne toutefois, je suis plus familière avec la situation au Canada.
J’ai suivi les travaux à l’Assemblée législative de l’Ontario. L’ancienne députée Cheri DiNovo y avait piloté une mesure législative et je pense qu’un travail formidable avait été accompli concernant les professions de la santé réglementées et leur champ d’action. Comme vous l’avez dit, ce volet de la question est très important tout comme il est important qu’un programme de services d’aide couverts par l’assurance-maladie existe en Ontario et dans d’autres provinces.
Je trouve intéressant que toute la littérature, toute la recherche et toutes les données probantes arrivent clairement à la conclusion que ces thérapies constituent, du moins pour les enfants, une sorte de mauvais traitements. D’ailleurs, la majorité des victimes de ces mauvais traitements sont des enfants et — cela va sans dire — la majorité des gens exposés à la thérapie de conversion sont des enfants.
Compte tenu de l’état actuel de la réflexion dans la société sur ce qui devrait être considéré comme de la maltraitance des enfants, ne faudrait-il pas, de concert avec les partenaires provinciaux et territoriaux, envisager de désigner les thérapies de conversion comme une forme de maltraitance des enfants?
Je vous remercie de votre question, sénatrice. J’ai réfléchi à cette question parce que, comme l’a dit la sénatrice McPhedran, on cause du tort. Si nous croyons que, comme je l’ai dit, toute personne a droit à l’intégrité physique et psychologique, la violation de cette intégrité donne le même résultat. Cela cause du tort. Comme je l’ai dit, le but peut sembler valable pour un adulte, mais en réalité, il s’agit d’une violation de l’autonomie et de la normalité de la personne et de son droit d’être elle-même. Nous sommes nés avec le droit d’être nous-mêmes. C’est le droit le plus fondamental. Il n’est même pas exprimé ainsi dans la Charte, mais c’est ainsi que les tribunaux l’ont interprété. Toute personne naît avec le droit d’être elle-même.
Si des situations comme celle que vous avez décrite surviennent, où un jeune est maltraité, il devrait y avoir un moyen d’interpréter la loi de manière à ce que ce préjudice soit couvert.
Je pense que, même si la protection pour les jeunes est de compétence provinciale, il y a un cas au Québec qui a fait les manchettes. Comme vous le savez, une fillette de 7 ans a été maltraitée et battue par ses parents de famille d’accueil et a été retrouvée ligotée à une chaise. Elle a été transportée à l’hôpital où elle est plus tard décédée. La tragédie a provoqué beaucoup d’émoi dans la province, mais c’est une réalité. J’ai dit que cette enfant a été maltraitée physiquement, mais elle a aussi été maltraitée psychologiquement. Nous mettons toujours plus l’accent sur l’aspect physique, mais la souffrance psychologique existe aussi. La souffrance est dans la chair, mais aussi dans la tête. Comme je l’ai dit, la thérapie de conversion a des effets qui sont parfois plus psychologiques que physiques, à moins que la personne réagisse en se mutilant, comme je l’ai décrit dans les cas que j’ai lus.
Lorsque le comité étudiera ce projet de loi, il devrait aussi vérifier si la protection existante dans les lois provinciales pour les jeunes est suffisante pour couvrir cette situation. Autant le ministre de la Justice avait raison de dire que nous devons continuer de travailler avec les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, autant le gouvernement fédéral peut et, à mon avis, doit prendre des initiatives.
J’ai déploré la situation il y a deux ans lorsque le gouvernement a dit que, si aucune initiative n’était prise à ce moment-là, c’était parce que les gens étaient conscients de la nécessité d’en faire plus. Ce n’est pas parce qu’on s’excuse 50 ans plus tard que la question est réglée. C’est plus compliqué. J’espère que le comité continuera d’étudier cette mesure.