PÉRIODE DES QUESTIONS — Question de privilège
16 mai 2019
Je soulève une question de privilège.
Avant de poursuivre, le sénateur Patterson soulève une question de privilège. Comme les sénateurs le savent, une personne qui souhaite soulever une question de privilège doit donner un préavis écrit au moins trois heures avant l’heure prévue pour la séance. Toutefois, au titre de l’article 13-4, un sénateur peut soulever une question de privilège pour toute affaire après le délai prévu. D’ailleurs, la présidence du Sénat, dans une décision antérieure, a indiqué que si la question de privilège survient après le délai fixé pour en donner préavis, mais avant la séance, il est possible d’examiner la question.
Merci, Votre Honneur.
Je soulève cette question de privilège oralement puisque je participais aux travaux du Sénat hier soir et à ceux des comités ce matin. Je viens de prendre connaissance de ce gazouillis pendant l’heure du dîner. Voici quelques informations pertinentes.
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a demandé que les amendements au projet de loi C-48 lui soient envoyés aux fins d’examen. L’échéance était fixée à lundi dernier. En tant que porte-parole pour le projet de loi, j’ai préparé six amendements. J’ai été heureux de rencontrer la sénatrice Miville-Dechêne, à sa demande, pour discuter de mes amendements dont certains étaient semblables aux siens. Nous avons ensuite discuté de la possibilité de collaborer pour éventuellement unir nos deux amendements. J’ai été ravi d’apprendre qu’elle reconnaissait la valeur de mon amendement concernant les bandes Nisga’a, mais je lui ai fait savoir très clairement que je fais partie d’un caucus qui essaie de trouver une stratégie pour aborder un projet de loi qu’il considère profondément boiteux et porteur de discordes, soit le projet de loi C-48, ce qu’elle savait sans doute déjà.
Je lui ai clairement indiqué que l’approche que suivra notre caucus sera adoptée indépendamment de ma volonté. Je lui ai dit que notre caucus se rencontrerait avant la réunion du comité hier soir. La sénatrice Miville-Dechêne m’a dit alors : « Dites-le-moi si vous renoncez à proposer votre amendement — elle pensait qu’il était légèrement meilleur que le sien — comme cela je proposerai le mien ». « Faites-moi signe », m’a-t-elle dit enfin. S’étant réuni peu avant le comité, le caucus a décidé de ne pas proposer d’amendement. Peu avant le début de la séance, j’ai indiqué à l’honorable sénatrice que je ne proposerai aucun des amendements. Ma directrice des affaires parlementaires en a en outre informé son adjointe, que nous avions rencontrée mardi et mercredi.
Le gazouillis qu’elle a envoyé au petit matin se lit comme suit :
Dommage, les conservateurs ont menti à leurs collègues du Groupe des sénateurs indépendants siégeant au comité en affirmant qu’ils présenteraient six amendements pour améliorer le projet de loi. Que de temps perdu! Vous auriez pu au moins être honnête.
Elle a dit que j’étais menteur et malhonnête. En passant, je suis le seul sénateur du Parti conservateur à avoir proposé des amendements. Par conséquent, ce message Twitter s’adressait bien à moi. Je n’ai pas dit : « Vous pouvez compter sur moi pour proposer mes amendements ». J’ai clairement précisé que cela dépendrait de ce que l’on déciderait au caucus.
Votre Honneur, c’est mon droit de proposer ou non des amendements. J’estime donc que le fait de qualifier un sénateur de menteur et de malhonnête est une atteinte grave au privilège parlementaire, surtout lorsque cela est faux.
Je vous demande donc d’examiner l’affaire et de décider s’il y a lieu de demander à la sénatrice Miville-Dechêne de présenter des excuses et de supprimer son gazouillis.
Merci.
Votre Honneur, il est bien malheureux que la sénatrice en question ne soit pas là pour répondre. Que décidez-vous dans ces conditions? Elle participe à une réunion de comité.
Sénatrice Ringuette, selon ce que je crois comprendre, le sénateur Patterson a demandé à ce que je revoie toute l’affaire, ce qui veut dire qu’à moins que d’autres sénateurs ne veuillent participer au débat, je prendrai la question en délibéré.
Sénateur Housakos, voulez-vous dire quelque chose?
Chers collègues, j’invoque le Règlement. Vous le savez tous, on n’a pas le droit de désigner un collègue qui est absent par son nom. Cela devrait être rayé du compte rendu et nous devrions tenir compte de cette règle.
Merci d’avoir soulevé ce point, sénateur Housakos.
J’étais présente hier soir, quand les faits dont parle le sénateur Patterson se sont produits. Je dois dire que la situation était très confuse, parce que nous avions eu l’impression, lors de la réunion précédente, que le caucus conservateur allait proposer six amendements. Le sénateur Boisvenu les a expliqués dans le détail. Quand le comité a commencé ses travaux, en présence des sénateurs Boisvenu et Patterson, nous croyions tous que six amendements allaient être proposés. En fait, j’ai demandé à la présidence d’expliquer ce qui se passait. Nous n’avons pas reçu de réponses complètes, je pense. Nous nous posions encore beaucoup sur les raisons pour lesquelles nous avions consacré deux heures à discuter d’amendements qui n’allaient pas être proposés.
D’où la frustration, je pense.
Tout d’abord, il a été question d’un certain nombre d’amendements présentés par les deux côtés. Nous avons probablement discuté pendant une heure d’une demi-douzaine d’amendements proposés par les conservateurs. Nous avons reçu le ministre Garneau durant la première heure de la séance du comité, puis nous avons, si je me souviens bien, consacré l’heure suivante à discuter des amendements. L’essentiel, c’est qu’au début de la séance, le sénateur Patterson a dit qu’il souhaitait retirer ses amendements, dont il est l’unique auteur. Il a indiqué clairement qu’il allait retirer ses amendements, qu’il ne souhaitait plus les présenter. C’est ce que nous avons tous compris. Aucun membre du Groupe des sénateurs indépendants et aucun autre sénateur n’a réagi par rapport au fait qu’il avait retiré ses amendements. Le débat est survenu lors de l’étude article par article du projet de loi. Il vous suffit de vérifier le compte rendu. Vous constaterez que ma description du déroulement de la séance d’hier et celle du sénateur Patterson correspondent précisément à ce qui s’est produit.
Je sais que cette séance de comité s’est déroulée dans une grande confusion à bien des égards. Les participants ont fait de l’excellent travail par rapport à un projet de loi qui nécessitait d’être soigneusement examiné. Quoi qu’il en soit, le problème est ailleurs. Je pense que le problème, c’est qu’une sénatrice, une collègue, a utilisé Twitter — accessible à la plupart des Canadiens et aux internautes ailleurs dans le monde — pour traiter un sénateur de menteur. À mon avis, ce n’est pas un comportement acceptable et je vous invite à y réfléchir.
Je veux intervenir très brièvement. J’étais également présent à la réunion d’hier soir. Je veux dire, en réponse aux propos de la sénatrice Galvez, que le fait que la confusion règne ne signifie pas que quelqu’un ment. J’estime non seulement que le sénateur Patterson a été traité de menteur par une sénatrice, mais que je l’ai été moi aussi parce que le gazouillis utilise le mot « conservateurs ». Je fais partie de ce groupe. De toute évidence, on nous a traités de menteurs sur Twitter parce que quelqu’un a retiré des amendements, ce qu’il a parfaitement le droit de faire à tout moment, et cette décision, qu’elle porte à confusion ou non, ne fait de personne un menteur.
À titre d’information, je tiens à indiquer que nous venons d’effectuer une recherche et que, s’il y avait un tel gazouillis, il a été retiré.
Je suis curieuse. Hier soir, le sénateur Plett a publié le gazouillis suivant :
Vous pouvez regarder la diffusion en direct de la réunion du Comité sénatorial des transports pour voir la sénatrice Paula Simons de l’Alberta [...] trahir sa province en votant en faveur du projet de loi C-48 [...] C’est #honteux.
Le gazouillis ne m’offusque pas, mais je me demande s’il ne représente pas un genre d’exemple de deux poids, deux mesures, d’autant plus que je n’ai pas trahi ma province ou même voté en faveur du projet de loi C-48?
Chers collègues, je crois qu’il s’agit là d’un rappel au décorum qui s’adresse à tous les sénateurs et à toutes les sénatrices, de toutes allégeances. Il faut, à cet égard, tenter de s’entendre et se traiter avec respect. Selon moi, le gazouillis d’hier, dont il est question, était irrecevable, comme le sont bien d’autres gazouillis que transmettent mes collègues, selon moi.
Honorables sénateurs, je veux tout d’abord présenter mes excuses les plus sincères au sénateur Patterson pour les qualificatifs que j’ai employés dans un gazouillis dans les médias sociaux. J’ai effacé ce gazouillis le plus rapidement possible. Sénateur Patterson, veuillez accepter mes excuses les plus sincères pour ce gazouillis qui était mal avisé.
D’ailleurs, comme vous le savez, je n’ai pas nommé de sénateur dans ce gazouillis, bien que cela n’excuse rien. Je n’ai pas nommé qui que ce soit.
Toutefois, c’est arrivé après une semaine difficile où le sénateur Patterson n’était pas en cause; ce qui était en cause, c’était plus généralement la stratégie de l’opposition qui m’avait amenée à penser que nous avions conclu une entente fondée sur la transparence et la confiance les jours qui ont précédé l’étude article par article du projet de loi.
Je m’explique. Le président du comité est venu me voir pour me dire que nous allions partager nos amendements. Il m’a dit ceci : « Mettez vos amendements sur la table, nous allons mettre les nôtres. Ensuite, nous aurons une bonne discussion ouverte et cordiale sur les amendements pour bien les comprendre et pour déterminer s’il y a des amendements qui se recoupent. »
Bref, nous faisions preuve de transparence et de confiance sur cette question. En effet, nous avons eu cette réunion; nous avons discuté des amendements et nous avons même tenu d’autres réunions pour discuter de termes très précis.
À ce moment-là, les conservateurs devaient proposer six amendements et, de notre côté, nous devions en proposer trois. Tout était sur la table; rien ne pouvait m’indiquer que la stratégie des conservateurs allait changer. À tout le moins, je n’en ai pas été avertie à aucun moment.
Au moment d’amorcer l’étude article par article, tous les amendements des conservateurs ont été retirés. Évidemment, pour deux de mes amendements, qui allaient tout à fait dans la même direction, les conservateurs ont choisi — comme ils en ont le droit — de ne voter sur aucun amendement et de rejeter en bloc le projet de loi.
Bien entendu, ils ont agi en fonction des règles du Sénat. Cependant, ce qui m’a heurtée, c’est que j’avais confiance à l’égard du processus et que j’ai senti que ma confiance avait été trahie, d’où mes mots mal avisés.
Je m’excuse donc encore sincèrement auprès du sénateur Patterson, que j’estime, et avec qui nous avons eu des discussions très pointues et très intéressantes sur le type d’amendements que nous pourrions présenter.
Merci beaucoup.
Je suis d’accord avec la sénatrice Gagné. Je crois que nous devons montrer l’exemple pour de nombreuses raisons. Non seulement nous nous manquons de respect à la Chambre, mais nous donnons aussi un mauvais exemple aux membres du personnel lorsque nous publions des messages irrespectueux sur Twitter, par exemple.
C’est ce qui se passe. Il y a les attaques sur Twitter, mais nous nous faisons aussi apostropher par des membres du personnel de sénateurs. Le climat est de plus en plus irrespectueux et malsain.
La sénatrice Miville-Dechêne s’est excusée et a supprimé le gazouillis en question. Une question de privilège est soulevée notamment pour que le Sénat puisse trouver une solution à la situation. C’est un des quatre critères.
Comme des excuses ont été présentées et que le gazouillis en question a été supprimé, je pense que la situation est réglée. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y a lieu de soulever une question de privilège.
Votre Honneur, c’est à vous de décider si la question de privilège sera maintenue ou non. Je prends simplement la parole pour donner mon point de vue.
Il est certain que la sénatrice Miville-Dechêne est dans son droit, et nous respectons le fait qu’elle ait pris la parole pour présenter des excuses au sénateur Patterson, mais elle doit aussi des excuses au caucus conservateur puisque, dans son gazoullis, elle a traité ses membres de menteurs. Il est inadmissible, au Sénat, de qualifier les membres d’un groupe, n’importe lequel, de menteurs.
Chers collègues, comme j’ai dit, je siège ici depuis plus d’une décennie. Au cours des dernières années, sauf votre respect, j’ai vu le débat dégénérer à des niveaux que je n’avais jamais vus. À mon humble avis, une telle dégradation se produit effectivement, et nous en avons un exemple avec ce débat sur une question de privilège. Nous sommes là à tenter d’expliquer pourquoi la sénatrice en était venue à faire les déclarations qu’elle a faites.
Nous revivons dans cette enceinte des événements qui se sont produits à un comité sénatorial, comme en fait foi le compte rendu du comité en question. C’est arrivé ici plus d’une fois. Tout ce que cela indique, c’est que, quand un comité prend des décisions ou procède à un vote, il y a toujours des gagnants et des perdants. Le Sénat est une Chambre partisane, politique et démocratique. Selon le camp dans lequel on se trouve dans un débat donné et en un jour donné, parfois c’est notre argument qui l’emporte, parfois c’est le contraire.
Toutefois, même si on perd le débat, que ce soit au comité ou au Sénat, tant qu’on a respecté le processus démocratique et les règles, on se relève, on se remet en selle, puis on reprend le combat un autre jour. On ne fait pas dégénérer le débat parce qu’on a perdu.
D’après les renseignements dont je dispose, tout ce qui s’est passé au Comité des transports s’est fait dans le respect des règles du comité. Par conséquent, nous avons l’obligation de respecter ce qui s’est passé et de ne pas tenter de donner l’impression qu’une bande de conservateurs a comploté pour torpiller le projet de loi C-48 parce que, avec tout le respect que je vous dois, je crois comprendre que des sénateurs autres que ceux du caucus conservateur ont voté dans les deux sens, et il faut aussi respecter leur droit.
C’est ce que je voulais dire, Votre Honneur.
Honorables sénateurs, je pense que certaines observations commencent à être un peu répétitives. Je ne voudrais vraiment pas gaspiller le temps du Sénat en écoutant des commentaires se répéter.
Je vois la sénatrice Miville-Dechêne et le sénateur Patterson se lever. Je les écouterai tous les deux. À moins que vous n’ayez quelque chose de complètement nouveau à ajouter concernant la validité de cette question de privilège, je vous prierais de respecter le temps dont dispose le Sénat.
Je voudrais présenter mes excuses aux sénateurs qui représentent le Parti conservateur, parce qu’il est vrai que, dans ce gazouillis, j’ai parlé de façon générale des sénateurs conservateurs. Je leur fais donc mes excuses, et j’espère que cela permettra de clore la discussion.
Votre Honneur, au moment d’envisager votre solution, je me demande si vous pourriez penser au problème que pose cette technologie, à nous tous. Il est clair que ce ne sont pas seulement les jeunes qui ont des problèmes à l’utiliser. Peut-être, en tant que sénateurs, pourrions-nous tous bénéficier de votre sagesse pour apprendre à l’utiliser de façon plus appropriée.
J’aimerais simplement ajouter une chose concernant ce qui a été caractérisé de stratégie conservatrice ou tout ce désir de transparence, transparence dont nous faisons preuve de diverses manières.
Je me souviens que, à ma première année en tant que sénatrice, les conservateurs étaient au pouvoir, mais ne détenaient pas la majorité au Sénat. L’opposition libérale était majoritaire. Je me souviens que, à la troisième lecture d’un projet de loi dont j’étais la marraine, vous, Votre Honneur, avez proposé un amendement. Cela m’a prise complètement au dépourvu. Le projet de loi était rendu à l’étape de la troisième lecture au Sénat. Vous avez obtenu un appui suffisant et l’amendement a été adopté. Je me souviens m’être demandé ce qui venait de se passer. J’ai paniqué. Je me suis retirée à l’arrière et vous êtes venu vérifier si j’étais correcte.
Je raconte cet exemple pour illustrer que tout cela relève de la politique et que le Sénat est une Chambre politique. Nous faisons partie d’un système parlementaire, de la Chambre haute.
Certains amendements sont communiqués, d’autres non. Dans le cadre d’une saine démocratie, il nous appartient d’étudier les amendements qui sont proposés. Nous pouvons en débattre avec véhémence et, au final, la majorité l’emportera. Je tenais à faire part de cet exemple pour que vous en teniez compte dans votre réflexion générale.
J’aimerais dire à ma collègue que j’accepte ses excuses les plus sincères, comme elle les a décrites. Je suis également satisfait du fait qu’elle a présumément supprimé le gazouillis offensant. Personnellement, je ne publie pas de gazouillis. C’est donc, en quelque sorte, un nouveau monde qui a été porté à mon attention ce midi.
Je sais que nous travaillons tous dur et tard ces temps-ci. Je comprends que la sénatrice était peut-être fatiguée lorsqu’elle a publié ce qu’elle dit être un gazouillis malavisé au petit matin. Je la remercie d’avoir rapidement présenté ses excuses et supprimé le gazouillis. Je considère que le dossier est clos.