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L'honorable Lillian Eva Dyck

Interpellation--Débat

10 décembre 2020


L’honorable Jane Cordy [ + ]

Ayant donné préavis le 1er décembre 2020 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Lillian Eva Dyck, ancienne sénatrice.

— Honorables sénateurs, j’aimerais amorcer le débat sur cette interpellation, qui permettra à d’autres sénateurs de rendre hommage à notre ancienne collègue, l’honorable sénatrice Lillian Dyck. En effet, à cause de contraintes de temps, certains n’ont pas pu le faire durant la période réservée aux hommages. Merci.

L’honorable Yvonne Boyer [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais rendre hommage à la sénatrice Lillian Dyck, qui a ouvert la voie à un avenir meilleur pour les femmes autochtones.

Quand la sénatrice Dyck a été nommée au Sénat, elle a immédiatement reconnu la nécessité de rendre la Chambre haute plus diversifiée et elle a estimé qu’il était de son devoir d’accepter sa nomination. Elle n’avait pas peur d’assumer ce rôle et de contribuer au changement qu’elle voulait voir. La sénatrice Dyck était la première sénatrice des Premières Nations et la première sénatrice d’origine chinoise née au Canada. Elle est maintenant la première sénatrice autochtone à prendre sa retraite. Elle a bien mérité le titre de pionnière.

Pendant plus de 15 ans, la sénatrice Dyck a représenté la province de la Saskatchewan — ma province — et elle a été une ardente défenseure des droits de la personne, en particulier ceux des femmes autochtones et des Canadiens d’origine chinoise. Elle s’est opposée aux lois racistes et discriminatoires à l’égard des Chinois et s’est battue pour l’imposition de peines plus sévères dans les cas de violence conjugale à l’endroit des femmes autochtones. Elle a aussi contribué à l’adoption du projet de loi S-3, qui visait à éliminer les inégalités fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens et à permettre aux femmes autochtones de transmettre leur statut à leurs enfants.

Elle a présidé le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de 2015 à 2019, et elle a milité en faveur d’une meilleure éducation pour les étudiants autochtones. Au cours des 10 dernières années, elle a lutté sans relâche afin d’obtenir justice pour les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues et leurs familles. Elle a réalisé de grandes choses, mais elle a aussi été obligée de surmonter de nombreux obstacles.

En tant que femme d’origine crie et chinoise, Lillian Dyck a été victime de sexisme et de racisme toute sa vie. Elle se souvient d’une époque où sa mère lui a dit de ne dire à personne qu’elle était Autochtone et de ne pas visiter la Première Nation George Gordon; elle devait tout simplement l’oublier. De nombreuses personnes ont été inspirées par son histoire, notamment le dramaturge autochtone Kenneth Williams, qui a écrit la pièce Café Daughter pour rendre hommage à son parcours et pour sensibiliser le public aux réalités difficiles auxquelles sont confrontés les Autochtones et les Canadiens d’origine chinoise.

L’identité de la sénatrice Dyck en tant que Canadienne d’origine crie et chinoise était autrefois considérée comme un obstacle, mais nous réalisons aujourd’hui que ses origines lui ont donné une voix unique et incroyable. Elle nous rappelle que le Sénat doit être un endroit où les différents points de vue sont représentés et valorisés et où un second examen objectif signifie réellement l’inclusion de chacun. Un jour, la sénatrice Dyck a dit ceci : « On ne vit pas que pour soi-même. On vit pour ceux qui nous entourent ».

Vous êtes une excellent modèle, mon amie, et l’avenir est plus brillant grâce à vous. Merci de votre contribution incroyable au Sénat du Canada.

[Note de la rédaction : La sénatrice Boyer s’exprime en cri.]

Je vous souhaite beaucoup de santé, madame la sénatrice Dyck, et des déplacements en toute sécurité. Meegwetch. Merci.

Honorables sénateurs, je suis émue et honorée de rendre hommage à la sénatrice Lillian Eva Quan Dyck, descendante des McNabs de la Première Nation de Gordon, en Saskatchewan, à l’occasion de son départ à la retraite. C’est une Canadienne de première génération dont le père a immigré de Chine en 1912 et a dû payer la taxe d’entrée, qui équivalait à deux ans de salaire à l’époque.

Étant donné que des intervenants précédents ont salué le fait que, à bien des égards, Mme Dyck était une pionnière chez les femmes autochtones du Canada, je me contenterai de souligner que sa liste impressionnante de réalisations comprend son doctorat et sa carrière universitaire dans le domaine des sciences ainsi que le perfectionnement des compétences analytiques aiguës et perspicaces qu’elle a apportées au Sénat.

Je me souviens de la beauté, de la dignité et de l’humilité qui rayonnaient d’elle lorsque Indspire lui a remis un prix pour l’ensemble de ses réalisations. L’année dernière, elle a reçu un prix pour l’ensemble de son œuvre lors du banquet des femmes de distinction du YWCA dans sa belle ville, Saskatoon. Il s’agit d’une des nombreuses reconnaissances qui lui reviennent de droit et que — j’en suis convaincue — elle continuera de recevoir.

Parallèlement à ses recherches et à son travail universitaire, l’honorable Lillian Eva Quan Dyck s’est toujours attachée au maintien des normes les plus élevées pour la fonction publique. Cette semaine encore, elle m’a envoyé un courriel qui contenait des informations utiles. Le sénateur Plett nous a bien fait rire en évoquant le doigt sévère que la sénatrice Dyck brandissait en signe de remontrance et, en ayant moi-même fait l’objet, je sais comment on se sent en la circonstance. Avec gratitude et un soulagement certain, je peux dire que la sénatrice Dyck a fini par me pardonner les écarts que j’ai commis au fil des ans, mais ce dont je me souviendrai surtout, ce sont l’aide et les conseils qu’elle a prodigués, à moi et à tant d’autres.

Il y a quelques jours, la sénatrice Pate et moi nous sommes remémorées la fois où, peu après notre entrée en fonctions, nous avions quitté à toute vitesse la prison où nous faisions une visite organisée par le Comité sénatorial des droits de la personne, présidé à l’époque par le sénateur Munson. Nous nous étions précipitées pour prendre le train jusqu’à Ottawa en vue d’une réunion du Comité des peuples autochtones, présidé par la sénatrice Dyck. Pendant le trajet, nous avions téléphoné à des militantes des droits des femmes autochtones, dont l’avocate Sharon McIvor — qui depuis des décennies conteste la Loi sur les Indiens — afin d’avoir leur avis sur le projet de loi S-3 dont nous étions saisis à l’époque et dont le titre promettait « l’élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription » dans la Loi sur les Indiens. Le projet de loi était à l’ordre du jour de la réunion du Comité des peuples autochtones. Quelques notes griffonnées en main, la sénatrice Pate et moi étions arrivées à la réunion du comité en retard, très en retard. Nos collègues avaient déjà entamé l’examen du projet de loi S-3, ce qui me paraissait franchement bien mystérieux à l’époque, pour décider si des amendements pouvaient jouir de l’appui de la majorité. On aurait dit que, seulement quelques secondes après m’être assise, les membres du comité étaient rendus à examiner l’article crucial qui inquiétait le plus les dirigeantes autochtones avec qui nous avions parlé quand nous étions dans le train, et j’ai balbutié un amendement fondé sur les notes que j’avais griffonnées sur une serviette de papier prise dans le train.

Si la sénatrice Dyck n’avait pas présidé la réunion ce soir-là, je doute que ce qui allait devenir des amendements importants au projet de loi S-3 et, par la suite, une loi canadienne, ait pu exister. Il en est ainsi parce que la sénatrice Dyck a choisi de ne pas utiliser son pouvoir pour ridiculiser ou miner les efforts sincères de deux nouvelles sénatrices inexpérimentées qui présentaient un amendement fondé sur l’expertise de défenseures des droits des femmes autochtones. Au lieu de cela, elle a discrètement et efficacement utilisé les ressources qui étaient à sa disposition en tant que présidente du comité pour nous guider afin que les amendements soient acceptés par la majorité des membres du Comité des peuples autochtones, lançant ainsi un processus qui durerait près de deux ans, soit jusqu’au 15 août 2019, jour où les amendements sont entrés en vigueur. Ce jour-là, la Dre Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, a déclaré :

Je suis solidaire des femmes autochtones qui ont déployé tant d’efforts pendant des décennies pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe concernant l’inscription en vertu de la Loi sur les Indiens et je suis fière qu’aujourd’hui, les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription soient exemptes de toute discrimination fondée sur le sexe.

Mon temps de parole est limité, mais je suis honorée de vous transmettre la gratitude de certains dirigeants autochtones qui souhaitent qu’elle soit exprimée officiellement au Sénat.

L’Alliance Féministe pour l’Action Internationale souhaite dire ceci :

Nous remercions la sénatrice Dyck de son appui crucial, constant et visionnaire en faveur de l’application universelle de l’alinéa 6(1)a) en ce qui a trait à la Loi sur les Indiens, qui est finalement entrée en vigueur le 15 août 2019. Votre leadership a contribué à mettre fin à 150 ans de discrimination fondée sur le sexe à l’égard des femmes des Premières Nations et à permettre à des milliers de femmes des Premières Nations et à leurs descendantes de se faire octroyer pour la première fois le statut d’Indien. C’est avec fierté que l’Alliance Féministe pour l’Action Internationale vous a désignée comme l’une des Célèbres six, aux côtés de Jeannette Corbiere Lavell, Yvonne Bédard, Sandra Lovelace-Nicholas, Sharon McIvor et Lynn Gehl, qui ont toutes été des cheffes de file dans la longue lutte pour faire des femmes des Premières Nations des personnes égales devant la loi. Lillian, l’Alliance Féministe pour l’Action Internationale vous remercie d’être une cheffe de file, une partenaire dans une œuvre historique et une amie. Vous nous avez beaucoup appris et nous espérons perpétuer votre clarté, vos principes et votre courage. Merci.

Le message suivant vient de madame Lynn Gehl :

Miigwetch, sénatrice Lillian Dyck, de votre service. C’est un honneur pour moi de dire que vous êtes l’une de mes sœurs autochtones des Célèbres six.

Voici un message de la part de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique :

Nous aimerions reconnaître les nombreuses années de leadership et de persévérance de la sénatrice Lillian Dyck au Sénat du Canada. Dans son rôle de sénatrice, elle a travaillé inlassablement pour trouver une solution à la crise des femmes et des filles autochtones assassinées ou portées disparues ainsi que pour promouvoir l’équité dans l’emploi et l’éducation des femmes, des Canadiens d’origine chinoise et des peuples autochtones. Elle a acquis une solide réputation de défenseure des droits des femmes autochtones, présentant le projet de loi S-3 pour remédier à la discrimination qui a privé les femmes autochtones de leur statut et de leur identité.

L’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique tient à rendre hommage à la sénatrice Dyck pour tout le travail qu’elle a accompli au nom de tous les Autochtones du Canada. Sa force, sa compassion et sa sagesse serviront de modèle à de nombreuses personnes dans les années à venir.

Honorables sénateurs, il y a 13 ans, lorsque je suis arrivée à Saskatoon pour me joindre à la Faculté de droit de l’Université de Saskatchewan, alors dirigée par le doyen de l’époque Brent Cotter, Lillian et moi avions une amie en commun : la sénatrice Nancy Ruth. Nous sommes entrées en contact très rapidement et elle m’a introduite dans un groupe remarquable de Saskatoon dirigé par des femmes autochtones, où l’on accueillait toute femme qui souhaitait participer à l’action collective. Ce groupe, appelé Iskwewuk E‑wichiwitochik, ce qui signifie « femmes marchant ensemble », est un réseau communautaire de militantes établi en 2005 pour sensibiliser la population au sujet de la crise en matière des droits de la personne liée aux femmes assassinées ou portées disparues et pour offrir de l’aide directe et du soutien moral aux membres de leur famille. Le 4 octobre de chaque année, Iskwewuk organise le jour de vigile de Sœurs par l’esprit. Comme la sénatrice Cordy l’a mentionné, c’est à cette date qu’à la suggestion de Lillian, le Sénat a observé un moment de silence à la mémoire de ces femmes.

Dans son hommage, la sénatrice Bovey a parlé de la fameuse soirée où, avec la sénatrice Pate, nous avons assisté à la première de Café Daughter du dramaturge autochtone Kenneth Williams, au Centre national des arts. Après la pièce, Lillian nous a dit que ce spectacle brillant et émouvant reflétait fidèlement sa jeunesse. Lorsque j’ai quitté le Centre national des arts ce soir-là, je connaissais un peu mieux Lillian et j’étais encore plus impressionnée.

Le 15 août, lorsque les modifications prévues dans le projet de loi S-3 sont pleinement entrées en vigueur, je me trouvais à Batoche, sur le bord de la rivière Saskatchewan Sud. Je garde un souvenir précieux de la présence de la sénatrice Lillian Dyck et de la sénatrice Lovelace Nicholas à mes côtés. Nous déambulions sur un chemin qui longeait les rives sur environ 600 pieds, jusqu’à l’endroit où notre amie commune, Maria Campbell, présidait la cérémonie de clôture de l’exposition Marchons avec nos sœurs, qui s’est transformée au fil des ans en une installation artistique itinérante toujours grandissante à la mémoire des femmes et des filles autochtones assassinées ou portées disparues. L’exposition comprend plus de 2 000 empeignes — soit le dessus de mocassins — faites à la main, toutes inachevées à dessein. Comme la créatrice et conservatrice de l’exposition Christi Belcourt l’a expliqué :

Chaque empeigne inachevée représente une vie qui s’est éteinte prématurément et rend hommage autant aux vies perdues qu’à l’amour des familles laissées derrière.

En terminant, il me faut mentionner une autre qualité admirable de la sénatrice Dyck : sa générosité d’esprit. Ce soir, je porte mes boucles d’oreilles favorites, celles faites d’os sculptés en forme de plume d’aigle, que certains d’entre vous reconnaîtront peut-être puisque je les porte souvent, surtout lorsque j’ai besoin d’un peu plus d’inspiration. Des années avant mon arrivée au Sénat, Lillian les avait apportées lors de l’un de ses séjours à Winnipeg. En me les donnant en cadeau, elle m’avait expliqué qu’ils étaient la création du célèbre sculpteur Miles Henderson, de la Première Nation de Gordon, la réserve où elle est née.

Lillian, nous avons relevé l’étrangeté des derniers mois qui ont vu la fin de votre mandat au Sénat. Nous aimerions vous avoir à nos côtés, alors que nous tentons d’exprimer à quel point vous étiez importante pour nous et à quel point votre présence a rendu cet endroit plus fort. Vous me manquez. Vous nous manquez. J’ai le sentiment que vous nous écoutez alors que nous parlons de vous, que nous nous adressons à vous. Sachez que votre départ a laissé un trou béant ici, mais nous ferons de notre mieux pour faire honneur à votre leadership, à votre force, à votre intégrité et à votre courage. Nous n’en serons que meilleurs. Merci, Lillian. Chi meegwetch, chère Lillian.

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