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Comité de sélection

Deuxième rapport du comité--Ajournement du débat

7 décembre 2021


L’honorable Michael L. MacDonald [ + ]

Propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que, dans les deux dernières sessions, le Sénat a adopté une disposition selon laquelle un sénateur qui se joint à un autre parti ou groupe après avoir été nommé à un comité verra son siège au comité retourné au parti ou au groupe qui l’avait nommé.

Pour la session en cours, le Comité de sélection a reçu le mandat de faire des recommandations au Sénat sur la durée de la composition des comités. Ce rapport est le résultat des discussions et des consultations qui ont eu lieu à ce sujet entre les leaders et les facilitateurs, et nous avons beaucoup discuté de cette question au comité. Les sénateurs sont maintenant saisis du rapport du comité et peuvent en discuter et en débattre davantage. Je suis prêt à répondre à vos questions et observations.

L’honorable Terry M. Mercer [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens d’abord à souligner que je m’adresse au Sénat depuis le territoire ancestral et non cédé des Mi’kmaqs.

En tant que membre du Comité de sélection, je prends la parole aujourd’hui afin de faire le point sur l’état des travaux du Sénat en ce qui concerne la composition des comités. Nous avons adopté le premier rapport du Comité de sélection, qui renferme une liste de sénateurs nommés pour siéger aux comités. Le Sénat, en adoptant le rapport, a nommé les sénateurs de cette liste aux comités.

La prochaine étape est contestée. Ma présente intervention reprend des observations qui figurent dans le deuxième rapport du comité, mais j’estime important de répéter les arguments pour les sénateurs présents.

Généralement parlant, la pratique selon laquelle « les sénateurs nommés membres des comités restent en fonction pour la durée de la session » existe depuis la Confédération. Il s’agit de l’article 12-2(3) du Règlement — Durée du mandat des membres des comités.

Nous avons suivi cette règle jusqu’à l’adoption des ordres sessionnels précédents au cours des première et deuxième sessions de la 43e législature. Ces ordres introduisent les mêmes dispositions que nous considérons dans le deuxième rapport, des dispositions qui visent à :

[...] préserver le nombre de sièges de comité convenu pour chaque parti ou groupe parlementaire reconnu, une fois les membres nommés, même si un sénateur change d’affiliation, peu importe le motif.

Comme tant d’autres sénateurs et moi-même l’avons dit : un sénateur ne peut être autre chose qu’un sénateur. Quand un sénateur a été nommé pour siéger à un comité, il conserve son siège même s’il change de groupe. C’est ainsi que fonctionnent nos règles, et nous devons les respecter.

Cependant, ce rapport nous donne la possibilité de contourner les règles encore une fois. Si les sénateurs souhaitent poursuivre dans cette voie, pourquoi les modifications voulues ne sont-elles pas soumises au Comité du Règlement? N’est-ce pas le mandat du Comité du Règlement?

Dans son deuxième rapport, le Comité de sélection énonce ce qui suit :

[...] si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu particulier, pour quelque motif que ce soit, il cesse simultanément d’être membre de tout comité dont il est à ce moment membre, le siège vacant étant pourvu par le leader ou le facilitateur du parti ou groupe auquel le sénateur appartenait [...]

Je suis en désaccord avec ces modifications et c’est pourquoi, honorables sénateurs, le deuxième rapport présente une opinion dissidente, que je vous présente à l’instant.

Qu’un sénateur change d’affiliation d’un groupe à un autre ou qu’un sénateur non affilié se joigne à un groupe, la Règle garantit l’indépendance de chaque sénateur dans la conduite de ses travaux en comité, qui lui a été confié par le Sénat lui-même.

La composition des comités est fondée sur des négociations entre les groupes et tient compte de la proportionnalité, mais c’est au Sénat que revient la décision finale concernant la nomination des membres des comités.

Les ordres sessionnels récents ont miné l’indépendance des sénateurs en faisant fi de l’article 12-2(3). Le présent rapport accorde à la direction des groupes parlementaires et des partis politiques le pouvoir d’attribuer des sièges de comité, ce qui ne fait que perpétuer cette pratique malavisée.

Je reste d’avis, comme d’autres d’ailleurs, que l’attribution des sièges de comité à des groupes parlementaires et à des partis politiques est un pas en arrière en ce qui concerne la modernisation du Sénat, et que l’élimination de la transférabilité enchâsse l’autorité de la direction du groupe ou du parti. À mon avis, ce n’est pas un signe de réforme ou d’indépendance.

Afin de mettre l’histoire de notre Règlement en contexte, honorables sénateurs, il convient de noter que d’autres parlements inspirés de Westminster ont des règles et des pratiques semblables. Au Royaume-Uni, la Chambre des lords se conforme à l’article 63 de son Règlement, établi en 1975, qui dit ceci :

Les ordres de nomination des comités suivants, et de chacun de leurs sous-comités, demeurent en vigueur même en cas de prorogation du Parlement, jusqu’à ce que la Chambre ou le comité prenne un autre ordre de nomination, à la session suivante.

Au Sénat de l’Australie, les membres des comités permanents sont nommés au début de chaque législature. Leur nomination ne peut être modifiée qu’au moyen d’une motion qui relève un membre de ses fonctions et en nomme un autre à sa place.

À l’autre endroit, le paragraphe 114(1) du Règlement garantit également que les députés nommés à un comité permanent continuent de siéger au comité tout au long de la législature. Par conséquent, pourquoi le Sénat du Canada est-il en voie de devenir un organe autonome qui contourne des règles similaires?

Certains de mes collègues continuent de maintenir qu’il s’agit d’un problème de proportionnalité. Si on fait le calcul, comme cela a été fait lors des négociations, les sénateurs sont recommandés aux comités en fonction de la proportionnalité. Si un sénateur quitte un groupe et se joint à un autre, la proportionnalité de ce groupe par rapport au total n’augmente-t-elle pas? Voilà le calcul. Par conséquent, la transition d’un sénateur qui conserve son siège continue finalement de respecter le principe de proportionnalité.

Pensez-y, chers collègues.

Enfin, l’opinion dissidente se conclut comme suit :

[…] si l’objectif est d’avoir un Sénat composé de sénateurs plus indépendants, il est contraire à cet objectif de retirer le droit de chaque sénateur d’être nommé à des comités pour la durée de la session, indépendamment de toute affiliation. En supprimant ce droit et en plaçant les sièges des comités uniquement entre les mains des facilitateurs, des leaders, des whips et des agents de liaison, nous porterions atteinte à l’indépendance de chacun et à la liberté d’affiliation de nous tous.

J’invite tous les sénateurs à prendre leur destin en main et à voter contre ce rapport. C’est votre chance, peut-être la seule, d’exercer votre indépendance. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Jane Cordy [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens à répéter l’une des observations faites par le sénateur Mercer dans son discours, soit que le paragraphe 12-2(3) du Règlement favorise l’indépendance du Sénat. Ne l’oubliez pas, étant donné que c’est ce que nous tentons de retenir du rapport.

Honorables sénateurs, si vous ne l’avez pas encore fait, je vous encourage fortement à lire l’opinion dissidente du sénateur Mercer, qui est incluse dans le rapport du Comité de sélection. Le rapport présente la longue histoire de la transférabilité des sièges de comité comme étant un principe d’indépendance du Sénat depuis ses débuts.

Chers collègues, je tiens à dire à quel point je suis déçue que cette question soit de nouveau soulevée, car elle entrave nos progrès visant à rendre le Sénat plus indépendant et plus équitable. Bon nombre d’entre vous savent que, la dernière fois que la notion de transférabilité a été soulevée, des membres du Groupe progressiste du Sénat se sont prononcés contre la motion de session. C’est ce que j’ai fait à ce moment-là aussi.

Notre collègue la sénatrice Bellemare a tenté de l’amender. Son amendement proposait un compromis qui aurait permis de renforcer l’égalité de tous les sénateurs, peu importe leur allégeance, en demandant seulement aux sénateurs détenant un poste de président ou de vice-président d’abandonner celui-ci en cas de changement d’allégeance, préservant ainsi l’équilibre du nombre de sièges négocié.

Honorables sénateurs, le Sénat est composé de personnes provenant des quatre coins du pays pour servir les Canadiens. Nous ne servons pas notre groupe respectif. Nous travaillons au sein de notre groupe, mais nous ne le servons pas. En fait, honorables sénateurs, les groupes devraient servir leurs membres et être une plateforme qui permet à chacun de nous d’exceller en étant appuyé par d’autres sénateurs aux vues similaires.

À l’époque, l’amendement de la sénatrice Bellemare représentait un compromis raisonnable, et je suis déçue que nous nous trouvions encore au même point en 2021.

Chers collègues, lors de la réunion du Comité de sélection tenue la semaine dernière, nous avons entendu plusieurs arguments contre la transférabilité des sièges aux comités, mais aucun de ces arguments ne m’a convaincue. L’argument invoqué le plus souvent est celui de la proportionnalité. Permettez-moi une question. Si un sénateur décide de quitter un groupe et de se joindre à un autre, le groupe quitté par le sénateur ne devrait-il pas avoir droit à moins de sièges aux comités qu’auparavant? Cela ne voudrait-il pas également dire que le groupe dont le contingent vient d’augmenter devrait avoir droit à plus de sièges? À mon avis, la transférabilité est, à tout le moins, compatible avec le principe de la proportionnalité, même si les chiffres ne sont pas aussi précis que si on procédait à une refonte complète de toutes les nominations au sein des comités.

Comme tout le monde ici, je pense que la proportionnalité devrait être prise en compte au moment de former les comités au début de la session. Ultimement, la proportionnalité n’est valide qu’au moment où les comités sont formés. Nous savons que la composition du Sénat peut changer à tout moment, comme nous savons que des sénateurs prennent leur retraite et que de nouveaux sénateurs sont nommés au fil de chacune des sessions parlementaires. Présentement, il y a 13 postes vacants et 4 sénateurs atteindront l’âge de la retraite obligatoire d’ici la fin de la session en juin. La proportionnalité peut être calculée au moment où les comités sont formés, mais l’équilibre peut changer rapidement.

La manière dont peut évoluer la composition de cet endroit au cours d’une session n’a jamais été plus évidente qu’à la 42e législature, qui a consisté en une session continue de quatre ans. Nul ne sait ce que l’avenir nous réserve.

Même le sénateur Woo reconnaît la nature toujours changeante du Sénat. Lorsqu’il a comparu devant le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat le 25 avril 2018, une question lui a été posée au sujet de la proportionnalité et de la composition du Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Il a dit :

Tout ce que j’essaie de dire, c’est que, si nous devions intégrer pour toujours les proportions actuelles du comité dans le Règlement, la composition serait presque certainement immédiatement asymétrique, lorsque la composition du Sénat dans son ensemble changera.

Comme il l’a dit, la proportionnalité perd rapidement sa validité. Or, nous ne rajustons pas constamment la composition des comités pour refléter ces changements ni ne modifions ou contournons le Règlement du Sénat pour les accommoder.

Un autre argument présenté contre la transférabilité des sièges aux comités consiste à dire que ce serait en quelque sorte contraire au système de Westminster. Or, comme l’a expliqué en détail le sénateur Mercer dans son opinion dissidente annexée au rapport, la suggestion d’attribuer les sièges de comités aux groupes déroge de la pratique des autres assemblées législatives s’inspirant du modèle de Westminster.

La Chambre des communes du Canada protège les sièges des députés au sein des comités dans son Règlement. La Chambre des lords du Royaume-Uni, le modèle à partir duquel le Sénat du Canada a été formé, et le Sénat australien nomment eux aussi les membres des comités pendant au moins une session parlementaire. Dans le cas de la Chambre des lords, les sièges des comités sont, en pratique, permanents.

Certains ont laissé entendre que notre ancienne façon de faire les choses est le fruit du bicaméralisme, quand le Sénat était seulement composé de deux partis : le parti au pouvoir et l’opposition. Je signale que la Chambre des lords réussit à maintenir la pratique de transférabilité des sièges de comité, alors qu’elle est formée de six groupes de 25 membres ou plus. Le Sénat australien, quant à lui, a trois groupes de 9 membres ou plus, et il fait de même. Nous savons tous que notre propre Chambre des communes est formée de quatre partis politiques reconnus.

Durant la réunion du Comité de sélection, on a également demandé à qui les sénateurs devaient leurs sièges au sein des comités. Chers collègues, la réponse est simple : au Sénat. Nous devons nos sièges de comité au Sénat du Canada.

Tous ceux qui étaient présents jeudi ont voté en faveur de l’adoption sans amendement du premier rapport du Comité de sélection pour composer les comités. Sans ce vote, les comités du Sénat ne seraient pas en train de tenir leur réunion d’organisation ou de préparer l’étude de nouveaux projets de loi. Que ce soit par des interventions ou la tenue d’un vote nominal, que l’on prenne part ou non au débat, chacun d’entre nous, honorables sénateurs, contribue à déterminer la manière dont le Sénat traite de toutes les questions dont il est saisi.

Lorsque nous avons débattu de la motion de session à l’automne de 2020, j’ai été étonné d’entendre le sénateur Woo dire implicitement que nous pouvions ignorer le rôle du Sénat dans l’examen et l’adoption du rapport du Comité de sélection, parce que, comme il l’a dit :

[...] le Sénat dans son ensemble n’a joué aucun rôle dans les négociations sur la répartition des sièges ou la structure précise de la composition des comités.

Cette déclaration cache une incompréhension fondamentale du fonctionnement du Sénat. Selon cette logique, on pourrait argumenter que le Sénat dans son ensemble ne joue aucun rôle dans les amendements aux mesures législatives apportés par les comités ou dans l’adoption des rapports exhaustifs qu’ils présentent. Nous savons toutefois tous que telle n’est pas l’approche que nous adoptons au Sénat. Nous débattons de toutes ces choses. Chaque sénateur a le droit de voter au sujet de chacun des points à l’ordre du jour. Tous les sénateurs, peu importe leur allégeance ou le siège qu’ils occupent, réfléchissent à la décision qu’ils vont prendre. Nous pouvons tous choisir de donner notre consentement à des motions, de demander le vote et de voter comme bon nous semble, tout cela en comprenant la question à l’étude du mieux que nous pouvons.

Nous ne sommes pas des béni-oui-oui. Aucun résultat n’est jamais garanti. Si c’était le cas, nous ne serions pas en train de débattre du rapport du Comité de sélection en ce moment.

D’insinuer un tant soit peu que ce que nous faisons dans cette enceinte — surtout le processus de vote — n’a aucune incidence sur le résultat devrait offenser tous les sénateurs parce que, d’une part, nous prenons tous notre rôle au sérieux et, d’autre part, c’est le Sénat — pas les leaders ni les groupes — qui nomme les sénateurs qui siégeront aux comités. Les groupes sont uniquement des outils administratifs, un moyen de gérer les complexités associées à près de 20 comités et 105 sénateurs. Les deux suggestions — l’une sur les négociations et l’autre sur le vote définitif du Sénat — peuvent coexister et elles devraient le faire.

Sachez, honorables sénateurs, qu’elles coexistent déjà.

Chers collègues, si nous voulons continuer de moderniser le Sénat, et si nous adhérons tous au principe que les sénateurs sont indépendants et égaux, nous devrions adopter une perspective d’avenir. Nous essayons de rendre cette enceinte moins partisane et de faire de la place aux personnes qui ne font pas partie du gouvernement ni de l’opposition. Certaines de nos règles actuelles, telles que l’article 12-2(3) du Règlement, sont déjà en place précisément pour protéger les droits individuels des sénateurs. En dépit de ce qui a été suggéré au comité et au Sénat aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’une règle est vieille qu’elle entre en conflit avec une véritable réforme.

Ainsi, si vous le souhaitez, je vous encourage à lire le quatrième rapport du Comité spécial sur le Règlement du Sénat, qui a été déposé en novembre 1968 — ce qui remonte à loin — et qui a mené à l’officialisation, pour la première fois, du principe de l’attribution des sièges aux comités pour la durée d’une législature — j’ai bien dit législature, et non session — dans notre Règlement. Le rapport parle en long et en large de l’indépendance des sénateurs et fait état des choses que l’on déplorait à l’époque au sujet du processus de nomination. Il suggère notamment que, hormis les sénateurs faisant partie du gouvernement ou occupant un poste de dirigeant officiel, aucun sénateur ne devrait participer à son caucus national respectif.

Honorables sénateurs, je me suis demandé quelle était la motivation derrière cette motion. Cherche-t-on uniquement la proportionnalité? Je n’en suis pas convaincue selon les arguments qui ont été présentés. Est-ce uniquement pour empêcher les sénateurs d’être plus indépendants? Je crois sincèrement que l’adoption de cette motion constitue une érosion de notre indépendance à titre de sénateurs. C’est tout à fait contraire à ce que beaucoup d’entre nous tentent de faire alors que nous nous éloignons de la structure de pouvoir centralisé, structure du passé soumise aux influences partisanes des partis politiques. Cette motion constitue un recul vers ces anciens idéaux de leaders qui conservent le contrôle sur leurs membres en les menaçant de perdre leur place au comité s’ils prennent la décision personnelle de quitter un groupe qui ne leur convient plus.

Je ne peux pas appuyer un tel principe et je ne le ferai pas. Je ne crois pas que les groupes détiennent des sièges dans les comités; ce sont les sénateurs qui ont ces sièges.

Comme le sénateur Dalphond et moi avons affirmé dans un article récent du Hill Times  : « Un Sénat plus indépendant devrait préserver l’indépendance historique des membres de comité et de ses comités. »

Honorables sénateurs, pour ces raisons, je ne peux pas appuyer ce rapport. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice Cordy, accepteriez-vous de répondre à des questions?

La sénatrice Cordy [ + ]

Certainement.

L’honorable Lucie Moncion [ + ]

Sénatrice Cordy, vous avez mentionné l’article 12-2(3) du Règlement. J’aimerais que vous m’expliquiez comment cette disposition s’applique à la façon dont le Sénat est composé aujourd’hui, comparativement à l’époque où il n’y avait que deux partis représentés au Sénat.

La sénatrice Cordy [ + ]

Honorables sénateurs, l’article 12-2(3) dit ceci :

Sauf disposition contraire, dès l’adoption de ce rapport par le Sénat, les sénateurs nommés membres des comités restent en fonction pour la durée de la session.

Sénatrice Moncion, cette disposition a été suivie à l’époque où il n’y avait que deux partis politiques au Sénat. Ce n’est que tout récemment que des gens ont indiqué que cette disposition ne s’appliquerait pas, qu’il y aurait une exception à cette règle, et qu’un sénateur qui quitte son groupe perdrait son siège à un comité.

La sénatrice Moncion [ + ]

Cette règle n’a aucunement été modifiée; elle n’a pas été examinée. Je reviens à la question initiale qui porte sur l’époque où il n’y avait que deux groupes au Sénat et le fait qu’il y en a maintenant plus de deux. Je comprends que la règle est en vigueur, mais comment pouvons-nous maintenir notre façon actuelle de faire les choses, étant donné que le Sénat a changé, mais pas les règles?

La sénatrice Cordy [ + ]

C’est tout à fait vrai. Le Sénat a changé et c’est une bonne chose. Je vous remercie d’avoir soulevé ce point. Cependant, comme je l’ai dit dans mon discours, ce n’est pas parce qu’une règle est ancienne qu’elle ne s’applique pas. Cette règle est probablement formulée différemment dans d’autres domaines, mais nous savons qu’il y a des sénateurs qui ont quitté leur groupe avant que ce que j’appellerai cette « dérogation » ou cette motion ne soit présentée et fasse perdre aux sénateurs leur siège au comité lorsqu’ils changent de groupe. Nous savons — et je ne veux pas citer de noms — qu’il y a des sénateurs présents, que ce soit à distance ou en personne, qui ont changé de groupe et n’ont pas perdu leur siège au comité à ce moment-là. Avant ces dernières années, c’était normal que les personnes qui changeaient de groupe perdent leur siège. C’était aussi le cas avant la présentation de la « dérogation » pour un ordre sessionnel.

L’honorable Scott Tannas [ + ]

Sénatrice Cordy, vous avez parlé de l’article 12-2(3) et des autres articles le précédant, tout comme les sénateurs Dalphond et Mercer d’ailleurs, mais personne n’a parlé de l’article 12-5, qui dit essentiellement que les leaders peuvent, d’une signature, retirer n’importe quel membre d’un comité et nommer quelqu’un d’autre à sa place.

Cela signifie donc que, jusqu’à la minute précédent la démission d’une personne, le leader peut lui retirer son siège. Ce n’est qu’après avoir démissionné qu’elle peut conserver son siège ou que le leader ne peut le reprendre. Le groupe ne peut le reprendre.

Cette règle a toujours été là, n’est-ce pas? Elle est là depuis aussi longtemps que toutes les autres règles que vous avez citées, que les traditions et tout cela. Parlons-nous vraiment uniquement du moment où un sénateur décide de quitter un groupe? En prenant la décision de quitter leur groupe, certains sénateurs ont donné un préavis à leur leader en sachant ce que cela voulait dire, puis ils sont partis. D’autres n’ont donné aucun préavis, ont laissé leur leader l’apprendre de la bouche du Président, et ont ainsi pu conserver leur siège.

Pouvez-vous me dire ce que l’article 12-5 vient faire dans tout cela et comment il s’insère dans la tradition depuis votre arrivée au Sénat en ce qui a trait à la discipline et à d’autres aspects au sujet desquels un leader pourrait, sans le consentement d’un sénateur, modifier le poste qu’il occupe?

La sénatrice Cordy [ + ]

Vous avez tout à fait raison. C’est intéressant, car j’ai lu cette section et je pense qu’elle mérite un examen approfondi. Je suis entièrement ouverte à ce que l’on se penche sur la nécessité de modifier cette règle. Parfois, sénateur Tannas, il arrive que des personnes soient retirées d’un comité pour la seule raison qu’elles doivent assister à deux réunions qui se chevauchent, ce qui arrive souvent aux mois de décembre et de juin. Puis, le Sénat ne siège plus; à la reprise des travaux, elles réalisent que leur nom apparaît encore sur la liste des membres du comité.

Je pense que nous avons eu ce problème quand les sénateurs ont été remplacés au sein des comités et que le Parlement a été prorogé. Les comités ont été convoqués pour reprendre leurs travaux et les remplaçants ont dû se présenter aux réunions. Dans le cas d’une prorogation, il est interdit de remplacer les membres des comités. Ce sont les membres qui siégeaient lors de la dernière réunion du comité en question avant la prorogation du Parlement qui doivent revenir.

Vous soulevez un excellent point. J’ai les notes que j’ai prises quand j’examinais l’article 12-5 du Règlement, et, selon l’observation que j’ai notée, je suis certainement disposée à envisager un changement à cette règle. À mon avis, le Comité du Règlement devrait l’examiner parce que la recherche montre qu’il existe des façons de faciliter les remplacements nécessaires et d’exiger le consentement des sénateurs.

Je n’ai pas examiné ce qui se fait à la Chambre des lords, à Londres. Je n’ai pas examiné ce qui se fait en Australie. J’ai seulement examiné la règle que nous avons, mais j’espère que vous êtes ouvert à cette idée. Je suis certainement ouverte à ce que le Comité du Règlement examine l’article 12-5 du Règlement. Merci d’avoir soulevé ce point.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

Chers collègues, c’est la deuxième fois que je prends la parole sur le thème de la durée du mandat des membres des comités ou ce qu’on appelle maintenant la « portabilité des sièges des comités ». C’est un sujet qui me tient beaucoup à cœur, alors excusez-moi si cela paraît parfois.

J’ai décidé de revenir à la charge cette année et de me prononcer contre la proposition qui avait initialement été présentée par le Groupe des sénateurs indépendants et qui vise à invalider la règle actuelle qui stipule qu’un sénateur est nommé à un comité pour la durée de la session.

Aujourd’hui, seulement 36 sénateurs ont connu l’ancien système du duopole qui existait au Sénat depuis 1867 et qui a pris fin avec le processus des nouvelles nominations en 2016. La plupart d’entre vous, soit 56 sénateurs, n’ont pas connu l’ancien système. Plusieurs sont au Sénat depuis peu et n’ont pas été exposés aux enjeux de la modernisation du Sénat. Certains n’ont pas eu le temps de se poser la question sur la raison d’être de certaines règles.

C’est dangereux lorsqu’on veut changer les règles et que la majorité croit que tout ce qui provient de l’ancien système est forcément mauvais. Certaines règles, comme celle que le rapport vise à contourner, existent ici depuis la Confédération et elles existent aussi ailleurs dans le monde.

Alors, pourquoi l’ancien Sénat partisan accepte-t-il qu’un sénateur qui change d’affiliation puisse conserver son siège pour la durée de la session? Cela semble insensé dans un Sénat où la ligne de parti était prédominante. La raison est plus simple qu’il n’y paraît. Malgré tous les défauts de l’ancien système, les leaders des caucus partisans étaient néanmoins pragmatiques et savaient qu’il était abusif d’interdire la participation officielle d’un sénateur à un comité pour la simple raison d’un changement d’affiliation. Cette interdiction est en fait une attaque directe au droit à l’indépendance d’un sénateur et à son privilège.

Rappelons que nous prêtons serment à Sa Majesté la reine Elizabeth II et non à un parti politique, à un caucus ou à un groupe de sénateurs indépendants. Si un sénateur croit qu’il peut mieux s’acquitter de son mandat constitutionnel en changeant d’affiliation, c’est son droit. Le groupe ou le caucus dont il faisait partie ne peut lui enlever son siège à un comité puisque c’est le Sénat lui-même qui attribue les sièges. Le groupe ou le caucus n’a qu’un rôle instrumental à jouer dans cette opération.

Les sièges au sein des comités n’appartiennent pas aux groupes et aux caucus : ces derniers ne font que les attribuer aux sénateurs.

Selon le Règlement, le véritable pouvoir de décider de la composition des comités appartient essentiellement au Sénat. C’est le Sénat qui attribue les sièges des comités aux sénateurs et c’est le Sénat qui peut retirer les sièges des comités à un sénateur.

La proposition dont nous sommes saisis est un affront au pouvoir du Sénat et, en l’adoptant, nous établissons encore une fois un précédent dangereux.

En réalité, cette proposition vise à donner du pouvoir aux groupes ou aux caucus — on pourrait même dire aux leaders des groupes ou caucus — au détriment de l’indépendance d’un sénateur. Pourtant, le groupe ou le caucus n’a pas ce pouvoir, et c’est tout à fait contraire à l’esprit de la modernisation du Sénat que nous avons entamée.

La règle actuelle qui assure la portabilité ou transférabilité des sièges aux comités au cours d’une même session permet aux sénateurs d’accomplir pleinement leur devoir constitutionnel au Sénat et en comités. Cette règle protège l’indépendance des sénateurs. La proposition sessionnelle dont nous sommes saisis, si elle est adoptée, pourrait donner lieu à une atteinte au privilège.

Le fait est qu’un groupe ne peut pas conserver un siège qu’il n’a jamais possédé. Le groupe contribue à l’attribution des sièges, mais, au bout du compte, c’est le Sénat qui nomme les membres des comités et c’est le Sénat qui a le pouvoir de modifier la composition d’un comité.

La portabilité des sièges des comités protège l’indépendance des sénateurs et permet également d’assurer une répartition équitable des tâches entre tous les sénateurs, chaque sénateur pouvant bénéficier d’une tâche équivalente ou à peu près.

Dans le cas où cette règle est contournée, certains sénateurs pourront voir leurs tâches augmenter parce qu’ils devront prendre sur leurs épaules les tâches des sénateurs qui auront quitté leur siège, et d’autres verront leurs tâches diminuer, car les groupes qui pourront accueillir de nouveaux sénateurs devront leur céder leurs sièges.

D’expérience, pour accomplir son rôle correctement, chaque sénateur ne peut pas vraiment siéger à long terme à plus de deux comités de taille moyenne. Alors, si un sénateur décide de changer d’affiliation, il devra abandonner sa place au comité et celle-ci devra être comblée par d’autres membres du groupe. Certains devront siéger dans trois ou quatre comités, selon les cas, et le groupe qui accueillera un nouveau membre devra lui céder une place. Certains pourraient se retrouver avec un seul comité. Avouez que ce n’est ni équitable, ni efficace, ni proportionnel.

Les leaders du Groupe des sénateurs indépendants disent souvent que le principe de proportionnalité est le principe le plus important et qu’il faut le protéger à tout prix, mais qu’est-ce que ce principe implique réellement?

Discutons un instant du principe de la proportionnalité. En effet, il s’agit d’un principe important, mais c’est un principe de fonctionnement qui nous permet de traiter chaque sénateur équitablement. Il s’agit d’un outil pour accomplir la tâche qu’est l’attribution des sièges.

La transférabilité des sièges aux comités aide à protéger en tout temps la proportionnalité. Si un groupe perd un membre, la proportion qu’il représente au Sénat diminue. Il tombe sous le sens que la proportion des sièges qu’il occupe dans les comités diminuera en conséquence.

Un groupe ne peut pas maintenir l’importance du principe de proportionnalité au début d’une session pour choisir ensuite d’en faire fi lorsqu’un de ses membres décide de quitter le groupe. Le principe devrait toujours s’appliquer, et dans les deux sens.

Les raisons données par le Groupe des sénateurs indépendants en comité pour faire adopter cette proposition manquent de substance. En fait, on peut se demander si le GSI ne désire pas obtenir la majorité absolue au Sénat afin d’imposer ses vues. Qui sait?

Chers collègues, ne vous laissez pas leurrer par un discours rhétorique sans fondement et n’oubliez pas que dans un Sénat moins partisan et plus indépendant, le groupe est au service du sénateur et non l’inverse. Le groupe est le facilitateur des sénateurs, et quand le sénateur est au service du groupe ou du caucus, il perd son indépendance.

Par ailleurs, le Règlement actuel protège le caucus ou le groupe lors du changement d’affiliation d’un sénateur. En effet, la règle 12-2(4)b) stipule qu’en cours de session le Comité de sélection peut « proposer au Sénat des changements à la composition d’un comité. »

Cette règle permet au Comité de sélection de proposer au Sénat de relever un sénateur de ses fonctions. Elle constitue une protection pour tout groupe ou caucus qui se sent lésé par le changement d’affiliation d’un sénateur. Cette règle fonctionne très bien, je le sais d’expérience.

Je suis devenue indépendante au début de la 42e législature quand j’ai compris que l’occasion de moderniser le Sénat était bien réelle; je voulais y participer pleinement. Quand j’ai quitté le caucus conservateur, j’ai conservé mon siège à divers comités. Cependant, le caucus conservateur a voulu reprendre le siège que j’occupais au Comité spécial sur la modernisation du Sénat, car il voulait y faire entendre sa voix et son vote plutôt que les miens. Vous comprenez peut-être pourquoi.

Une motion a donc été déposée au Comité de sélection pour me faire remplacer par l’ex-sénateur Tkachuk. Cette proposition a ensuite été entérinée par le Sénat à la suite de débats où l’ex‑sénateur Pratte m’a chaudement défendue.

Cet exemple montre clairement que le règlement existant permet à un groupe ou à un caucus d’agir s’il s’estime considérablement touché par le changement d’affiliation d’un de ses membres tout en respectant l’indépendance du sénateur. Il existe un juste équilibre, mais le groupe doit faire valoir sa cause devant le Comité de sélection d’abord et devant le Sénat ensuite. Le règlement respecte la souveraineté du Sénat.

La proposition du GSI est clairement un recul dans le processus de modernisation du Sénat. Je me permets de dire également qu’il nuit aux sénateurs nouvellement nommés au Sénat.

Un nouveau sénateur peut se sentir dépassé quand il arrive au Sénat. Il ou elle ne sait pas trop ce qui l’attend. Les appels se multiplient pour l’inviter à devenir membre d’un groupe plutôt qu’un autre. Les pressions sont fortes pour les nouveaux sénateurs de se joindre au groupe dominant. En effet, c’est une question de nombres. Un nouveau sénateur recevra fort probablement plus d’appels du groupe le plus nombreux.

Si tous les nouveaux sénateurs deviennent membres du groupe le plus important, le Sénat reviendra rapidement au système où une majorité absolue domine. C’est le « majoritarisme », et je n’y crois pas. La modernisation du Sénat vise justement à combattre cette situation. La règle qui existe depuis la Confédération ne créera pas le chaos.

Le sénateur Woo a déclaré au comité :

Le sénateur qui a eu le siège convoité l’a obtenu au détriment d’un de ses collègues. Retirer ce siège au groupe parlementaire dont il fait partie constituerait un affront à l’équité procédurale et une insulte pour les sénateurs qui ont accepté de se plier aux règles de leur groupe.

Cela est faux. C’est une conséquence de la méthode choisie par le Groupe des sénateurs indépendants pour attribuer les sièges.

Je m’explique. Étant sénatrice depuis septembre 2012, j’ai eu l’occasion de participer de nombreuses fois au processus de sélection des membres des comités avec divers groupes.

Comme l’a expliqué le sénateur Woo au comité jeudi dernier, la méthode de sélection du Groupe des sénateurs indépendants est la suivante : d’abord, le groupe accepte un ensemble de critères d’attribution des sièges du comité. Jusque-là, tout va bien. Ensuite, chaque sénateur fait parvenir ses préférences à la personne responsable. C’est fréquent. Puis, cette personne attribue les sièges du comité aux sénateurs et procède à des négociations individuelles en cas de problème. À première vue, tout cela semble bien et normal.

Cette méthode comporte toutefois un problème : elle manque de transparence. J’ai déjà participé deux fois à un processus beaucoup plus transparent : une fois avec la première génération du Groupe des sénateurs indépendants, lorsque la regrettée sénatrice Elaine McCoy en était la leader, et, récemment, avec le Groupe progressiste du Sénat. Dans les deux cas, les préférences des sénateurs étaient connues de tous à un moment ou l’autre du processus.

La vérité est que tous les sénateurs n’ont pas les mêmes préférences. Ils ne veulent pas tous être membres des mêmes comités. Dans la plupart des cas, les sénateurs réussissent à obtenir leur premier et leur deuxième choix. Lorsque la demande excède le nombre de sièges d’un comité, la transparence, le bon sens et le respect mutuel permettent de régler ce problème exceptionnel, qui survient probablement dans moins de 10 % des cas.

Si je peux me permettre, attribuer les sièges dans la plus grande transparence possible règle bien des problèmes. L’argument selon lequel un sénateur obtient un siège au détriment d’un de ses collègues disparaît, tout simplement.

Honorables sénateurs, je vous invite à ne pas appuyer le deuxième rapport, qui vise à contourner une règle sage, équitable et pragmatique de longue date. L’article 12-2(3) du Règlement, je le répète, est fondamental pour préserver l’indépendance des sénateurs face au caucus ou au groupe auquel ils appartiennent. Ne laissez pas certains leaders ou le rapport en question faire indirectement ce que le Règlement ne permet pas de faire directement. Je vous invite à voter selon votre conscience. Merci. Meegwetch.

En tant que sénatrice indépendante du Manitoba, je reconnais, honorables sénateurs, que l’endroit d’où je viens fait partie des territoires du Traité no 1 et est le lieu d’origine de la nation métisse, et que le Parlement du Canada est situé sur le territoire non cédé des Algonquins et des Anishinabek.

Je veux moi aussi faire part de mes réflexions sur le sujet. J’ai un point de vue assez unique sur la question, maintenant que je siège comme sénatrice non affiliée. Une très petite minorité de sénateurs siègent comme non-affiliés. Certains le font par choix, d’autres en raison de leurs fonctions particulières — je fais référence aux personnes faisant partie du bureau du représentant du gouvernement au Sénat — et, enfin, d’autres le font quand les circonstances l’exigent. Les sénateurs non affiliés sont parfaitement conscients de la vaste quantité de privilèges et d’avantages accordés aux sénateurs appartenant à un groupe.

Quand on ne fait pas partie d’un groupe, il y a des barrières et des obstacles procéduraux qui entravent la pleine participation aux travaux du Sénat, obstacles qui n’existent pas pour les membres d’un groupe. C’est une nouvelle expérience pour moi, une expérience que j’ai choisie. Comme la plupart d’entre vous n’ont jamais été non affiliés, ce que je vais dire enrichira peut-être le présent débat.

Par exemple, en tant que sénatrice non affiliée, on ne m’attribue actuellement aucun siège aux comités, puisque ceux-ci sont attribués selon la proportionnalité des groupes et des caucus. Parmi les listes énonçant la composition proposée des comités qui figurent dans le premier rapport du Comité de sélection, lequel a été déposé récemment et nomme les membres des 18 comités sénatoriaux permanents ainsi que de certains autres et qui comprend 193 nominations pour les sièges aux comités mixtes permanents, mon nom ne figure nulle part. Espérons que cela changera. Quoi qu’il en soit, je ne suis manifestement pas sur un pied d’égalité avec le reste d’entre vous, chers collègues.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous avons une rare occasion : l’occasion de rejeter, en tant que sénateurs, la pensée unique et de porter une attention particulière à l’érosion accrue de notre indépendance individuelle qui est proposée. Cela peut se faire sans incidence sur les avantages des groupes et en renforçant notre individualité et notre bureau de sénateur.

Je parle des modifications proposées à la disposition du Règlement dans le présent rapport du Comité sénatorial de sélection qui n’attribueraient plus les sièges au sein des comités à des sénateurs pris individuellement et qui conféreraient aux leaders des pouvoirs supplémentaires comparables à ceux d’un whip. Ce serait donc eux qui détermineraient à qui vont les sièges.

Ce n’est pas la première fois que cette modification au Règlement est proposée. Je me rappelle que, lorsque j’étais membre du Groupe des sénateurs indépendants, dans la dernière législature, cette proposition était largement appuyée par les leaders de l’époque de ce groupe et d’un autre groupe. J’ai trouvé cela déroutant lorsque je suis devenue membre du Groupe des sénateurs indépendants. Vous vous rappellerez peut-être que j’ai appuyé mon estimée collègue la sénatrice Bellemare lors du vote sur sa proposition fort raisonnable. Oui, j’ai compris l’attrait d’une nomination à un comité comme récompense pour un membre qui se plie à la volonté d’un groupe, mais cela m’a amenée à me demander comment une telle règle pouvait rendre le Sénat plus moderne, responsable, transparent, et indépendant.

Ce sont ces objectifs qui m’ont amenée ici, et je ne pense pas être la seule à avoir ces objectifs. Je dois dire que, de ce côté-ci du Sénat, je peux voir les choses plus clairement maintenant, et mes préoccupations au sujet de l’indépendance véritable du Sénat m’ont amenée inévitablement à conclure que les sénateurs ne devraient pas avoir à sacrifier leur contribution au comité s’ils choisissent d’être véritablement indépendants et s’ils ne veulent plus rester dans un groupe en particulier. La création d’un plus grand nombre de groupes que les deux partis politiques qui constituaient essentiellement un duopole est une bonne innovation qui s’est développée dans les cinq dernières années.

Afin d’assurer un avenir meilleur pour la démocratie et le Sénat, il faut que les sénateurs se regroupent autour de valeurs communes sur ce qui est préférable pour leur province et le Canada. Grâce à l’indépendance, les sénateurs choisissent de se joindre au groupe ou au caucus qui leur convient et, pour maintenir leur indépendance, les sénateurs devraient pouvoir choisir quand il est temps de le quitter, et ce, bien sûr, sans la menace implicite de se faire retirer de force leurs responsabilités aux comités. Le fait que certains leaders sont d’avis que l’indépendance ne devrait pas s’appliquer au droit des sénateurs à garder un siège à un comité devrait servir de mise en garde pour tous les sénateurs.

Si je comprends bien les préoccupations de ceux qui appuient le rapport du Comité de sélection, les sénateurs doivent servir et satisfaire le leader de leur groupe ou de leur caucus s’ils souhaitent conserver le siège qu’ils ont obtenu à un comité grâce à une combinaison de processus menés par leur groupe ou l’ensemble du Sénat.

La logique derrière cette nouvelle règle proposée semble être que chaque sénateur appartenant à un groupe ou qui a obtenu son siège à un comité grâce à la protection ou au parrainage d’un groupe ou d’un parti doit en quelque sorte obéir au leader de ce groupe ou lui être redevable afin de conserver son siège au comité. Toutefois, comme on l’a entendu à maintes reprises ce soir, ce n’est pas ce que dit notre Règlement. Dans les faits, chaque membre d’un comité sénatorial a été nommé à ce comité par le Sénat, et non par les leaders des groupes, et c’est ainsi que leur nomination a été confirmée. Notre Règlement stipule qu’un sénateur « [...] [reste] en fonction pour la durée de la session. » L’exception à cette règle est le fait que les leaders des groupes peuvent autoriser des remplacements temporaires conformément à notre Règlement. Il est important de noter que même si ces changements sont techniquement permanents, il existe une tradition solidement établie voulant qu’on nomme à nouveau le membre d’origine. Songeons toutefois à ceci : il s’agit d’une tradition dont les leaders peuvent faire fi s’ils sont informés qu’un sénateur souhaite quitter le groupe.

Les événements récents nous ont rappelé de manière tragique à quel point la composition du Sénat est fluide, par exemple en raison des décès, des départs à la retraite ou des nouvelles nominations. La composition des comités ne change pas pour les sénateurs en poste à moins que ces derniers n’en décident autrement. Un certain nombre d’entre nous avons décidé de laisser nos sièges aux nouveaux sénateurs pour leur permettre d’assumer cette responsabilité. Si je comprends bien l’argument énoncé dans le rapport, les sénateurs ne sont pas admissibles aux sièges des comités; ce sont plutôt les siègent qui appartiennent au processus de groupe pour attribuer les places. Je conviens que la pratique établie consiste à ce que les sénateurs soient assujettis aux négociations entre les groupes, menées par les leaders de tous les groupes.

Honorables sénateurs, gardez ceci à l’esprit : au bout du compte, ce sont les sénateurs qui nomment les sénateurs qui siégeront aux comités, pas les leaders ni les groupes. Pourquoi souhaiterions-nous priver notre institution de ce privilège pour accroître le contrôle et l’influence d’un petit groupe de leaders? Pourquoi chercherions-nous à élever le pouvoir d’un petit nombre de sénateurs à ce point? C’est illogique de suggérer qu’une violation quelconque est perpétrée si un sénateur décide de quitter un groupe et de conserver son siège au sein d’un comité. Le Règlement est clair : les sénateurs conservent leurs sièges.

Le sénateur Tannas a soulevé un point intéressant ce soir lorsqu’il a fait un renvoi à l’article 12-5. Dans une décision de la présidence du 9 mai 2007, le Président a souligné ceci :

[Les] sénateurs indépendants peuvent indiquer, par écrit, qu’ils acceptent de relever du whip du gouvernement ou du whip de l’opposition aux fins des changements à la composition du comité.

Cet arrangement est tout à fait volontaire. Si un sénateur indépendant n’écrit pas une telle lettre ou demande qu’elle soit retirée, les dispositions du Règlement relatives aux changements ne s’appliquent pas.

De même, si un sénateur se retire d’un caucus, l’article 12-5 du Règlement ne s’appliquera plus. Dans ce cas, ce sénateur continuera de siéger aux comités dont il fait partie à moins qu’il en soit retiré par l’adoption, par le Sénat, d’un rapport du Comité de sélection ou d’une motion de fond. C’est ce qu’on peut lire à la page 1510 des Journaux du Sénat.

J’aimerais citer les propos de la sénatrice Cordy dans le Hill Times  :

On a laissé entendre que le fait de ne pas accepter ce changement a eu pour conséquence de prendre le Sénat en otage. Cependant, si ce changement est adopté, ce sont les sénateurs eux-mêmes qui seront pris en otage. Leurs leaders auraient la mainmise sur les sièges des comités.

Honorables sénateurs, c’est un moment charnière de notre autonomie.

La règle proposée vous donne-t-elle le Sénat que vous souhaitez vraiment? Voulez-vous vraiment limiter votre indépendance de cette manière? Voulez-vous vraiment réduire vos droits en tant que sénateurs de cette manière? Vous êtes-vous demandé quel préjudice peut être causé à l’indépendance de cette Chambre de second examen objectif et souvent de premier examen novateur?

Je vous prie d’être prévoyants et de bien réfléchir à ce qui se passe lorsqu’un pouvoir collectif est divisé et remis entre les mains d’une infime minorité au sein de la collectivité. Si vous acceptez ce changement aux pratiques en vigueur, cela va sans doute plaire à votre leader et établir une nouvelle façon de faire les choses, et il sera alors difficile, voire impossible, de revenir en arrière.

Cependant, j’aimerais vous poser la question suivante. L’approbation et la satisfaction d’un leader qui peut compter sur votre coopération valent-elles la diminution des droits de l’ensemble des sénateurs? Est-ce vraiment le signe d’un Sénat plus moderne et indépendant? Croyez-vous vraiment que les intérêts des groupes et des leaders devraient l’emporter sur l’indépendance des personnes et des travaux en comité?

Réfléchissez à ceci. La Chambre des lords comprend 6 groupes d’au moins 25 membres, mais ces groupes permettent quand même à leurs membres de garder leurs fonctions au sein des comités pour toute la durée de la session. La même chose se produit au Sénat de l’Australie, qui compte trois groupes d’au moins neuf membres. Ces organes parlementaires équivalents ne proposent pas que les intérêts du groupe l’emportent sur l’indépendance des sénateurs.

Depuis 1867, les sénateurs se sont vu attribuer un siège aux comités par voie de motion et par décision du Sénat. Certes, le processus est facilité par quelques leaders, mais la décision est prise par nous, collectivement. Pendant 154 ans, les sénateurs individuels se sont vu confier la tâche de servir honorablement en se servant de leur jugement. Ce qui explique cette confiance, c’est le fait que c’est aux comités du Sénat, et non aux groupes du Sénat, que l’on donne la responsabilité d’étudier les projets de loi et les dossiers dont ils sont saisis. Un Sénat moderne, plus transparent et plus responsable devrait faire respecter l’indépendance dont ont joui les sénateurs individuels au cours de l’histoire et leurs meilleures contributions aux comités.

Je veux conclure en évoquant un Sénat encore plus moderne et démocratique avec un point soulevé par le sénateur Woo, qui a dit :

En effet, si les sénateurs se voyaient attribuer leur siège par un processus réunissant l’ensemble du Sénat plutôt que par des négociations de groupe, on pourrait affirmer que les sièges « appartiennent » aux sénateurs individuels.

Dans ce scénario, il n’y aurait pas de violation du processus d’attribution des sièges si les sénateurs changent de groupe. Mais bonne chance à quiconque tentera de mettre en place un système d’attribution des sièges de comité par sénateurs individuel à l’échelle du Sénat.

Chers collègues, nous avons déjà un tel système. Nous nous servons déjà d’un système s’appliquant à l’ensemble du Sénat, par lequel les sénateurs se voient attribuer des sièges à des comités, et tout ce que nous avons à faire consiste, à titre de sénateurs, à bien préciser que nous respectons la tradition et à affirmer notre indépendance et notre dévouement envers l’intégrité de cette institution, et que nous rejetons la mise en place d’un pouvoir inégal à la fois consacré et croissant détenu par un petit groupe de sénateurs que l’on appelle les « leaders ». Merci. Meegwetch.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Votre Honneur, étant donné l’heure qui avance et les passions que soulève ce débat, je crois qu’il serait sage que je demande l’ajournement pour le temps de parole qu’il me reste. C’est avec plaisir que je ferai valoir le rapport et que je réfuterai de nombreux arguments qui ont été présentés ce soir.

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