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Projet de loi sur l'édiction d'engagements climatiques

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

4 mai 2023


Bonjour. Tansi. En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés, et de la patrie de la nation métisse. Je tiens à souligner que le Parlement du Canada est situé sur un territoire algonquin anishinabe non cédé et non restitué.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi S-243, Loi édictant la loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois. La sénatrice Galvez a indiqué que son projet de loi vient compléter le plan d’action actuel du gouvernement, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, et qu’il vise à s’attaquer aux obstacles à l’atteinte de nos engagements en matière de lutte contre la crise climatique tout en protégeant le système financier de notre pays contre les risques liés au climat.

Il y a quelques jours, nous avons appris que le banquier du Sénat, la Banque Royale du Canada, avait le triste honneur d’avoir détrôné J.P. Morgan en tant que principal financier de l’industrie des carburants fossiles. Selon le rapport annuel Banking on Climate Chaos, publié par le Rainforest Action Network et approuvé par 624 organismes provenant de 75 pays, en 2022, la Banque Royale du Canada a financé des sociétés qui produisent des combustibles fossiles pour un montant total de 42,1 milliards de dollars, dont 4,8 milliards de dollars pour les sables bitumineux.

Par ailleurs, la Banque Scotia, une des cinq principales banques canadiennes, se retrouve aussi sur la liste mise à jour des 10 principales institutions financières de ce genre. L’étude a permis de constater que les banques canadiennes ont fourni 862 milliards de dollars américains, soit 1,13 billion de dollars canadiens, aux sociétés qui produisent des combustibles fossiles depuis que le Canada a signé l’Accord de Paris.

Le dérèglement climatique menace les moyens de subsistance et la vie de millions de personnes dans le monde. Les collectivités vulnérables et — pour reprendre l’expression utilisée par la sénatrice McCallum dans son projet de loi sur le racisme environnemental — les « milieux vulnérables » subissent de manière disproportionnée les effets néfastes du changement climatique. Grâce à son projet de loi, la sénatrice Galvez encourage la prise en compte des collectivités et des écosystèmes vulnérables et prévoit des garanties particulières pour les collectivités autochtones. Bien que les populations autochtones aient le moins contribué à ce problème croissant, elles sont confrontées à certaines de ses pires conséquences.

Les collectivités nordiques sont en première ligne face au changement climatique. La fonte de la calotte glaciaire et du pergélisol affecte les sources de nourriture traditionnelles tout en faisant augmenter le coût des produits de substitution importés et accroître les risques pour les êtres humains et la faune. La sécurité alimentaire continue de se détériorer, en particulier dans les collectivités isolées. Les effets du changement climatique ne sont pas uniformes, mais une constante demeure : le changement climatique qui affecte nos terres, nos eaux et nos systèmes météorologiques met en péril des modes de vie établis depuis longtemps.

En d’autres termes, la crise climatique menace les écosystèmes et les droits de la personne. Respecter nos engagements en matière de climat ne signifie pas seulement ne pas exacerber les effets du changement climatique ou y contribuer, mais exige aussi de respecter les droits de la personne, y compris les droits des peuples autochtones énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration stipule que les peuples autochtones ont droit à la conservation et à la protection des terres qui leur appartiennent traditionnellement et qui revêtent pour eux une grande importance spirituelle et culturelle.

La déclaration énonce également que les pays doivent reconnaître la contribution des connaissances autochtones lors de la conception d’une protection durable et équitable de notre environnement.

Dans cette optique, le projet de loi S-243 permet d’intégrer le point de vue autochtone dans le processus décisionnel de deux manières distinctes. Premièrement, il propose que certains conseils d’administration, y compris ceux des sociétés d’État, disposent d’une expertise en matière de climat — la connaissance des modes de vie et des façons d’être des Autochtones rend une personne admissible à ce poste. Deuxièmement, le projet de loi exige des rapports sur la mise en œuvre afin de permettre la coopération entre la Banque du Canada et les représentants des peuples autochtones.

Honorables sénateurs, le nouveau plan d’action canadien contient des avancées positives vers un avenir plus propre. Il y est notamment question de faire passer le prix du carbone à 50 $ la tonne et de faciliter la transition vers les véhicules électriques.

Ces investissements dans les infrastructures sont essentiels si l’on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030, et ils rapprocheraient concrètement le Canada de la carboneutralité, objectif qu’il a promis d’atteindre d’ici 2050.

Or, ce ne sera possible que si la totalité des secteurs d’activités et industries se décarbonent. Après tout, les effets de la décarbonisation dans un secteur peuvent facilement être annulés par les émissions d’un autre. Le plan d’action actuel est pourtant muet sur ce qui devrait constituer une priorité, c’est-à-dire le recensement et la restriction des investissements dans les activités produisant beaucoup de gaz à effet de serre.

En plus de mettre le système financier du pays en danger en raison des millions de dollars en capitaux qui sont consacrés à un secteur imprévisible, ces investissements alimentent les effets néfastes des changements climatiques.

Si seulement les grandes banques du pays avaient investi ce billion de dollars — et même plus — dans la décarbonation.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, est l’organisme onusien chargé d’évaluer les données scientifiques sur les changements climatiques. Dans son sixième rapport, qu’il a rendu public en février 2023, il en arrive à la conclusion inébranlable que les combustibles fossiles doivent disparaître pour ne jamais revenir. Le GIEC est sans équivoque : pour demeurer sous la barre du degré et demi de réchauffement qui est prévu dans l’Accord de Paris, les émissions de CO2 devront diminuer de 45 % d’ici 2030, soit au courant des 7 prochaines années.

Chers collègues, l’Union interparlementaire a lancé un appel aux parlementaires afin qu’ils deviennent des défenseurs d’initiatives législatives visant à apporter des changements concrets qui réduiront les répercussions des changements climatiques. La sénatrice Galvez donne suite à cet appel de la meilleure façon possible, car elle nous offre une excellente occasion d’être des acteurs de changement en soutenant et en facilitant l’adoption de ce projet de loi, lequel a attiré l’attention du milieu des affaires partout dans le monde.

Dans un rapport de l’an dernier, intitulé Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a souligné que les investissements dans les infrastructures à fortes émissions représenteraient un obstacle à l’atteinte des objectifs du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre. Le financement et le développement subséquent de technologies vertes atteignent peut‑être des sommets inégalés, mais les secteurs à émissions élevées continuent de prospérer et de miner les progrès réalisés. En d’autres mots, notre approche législative actuelle accorde la priorité par défaut à l’économie polluante traditionnelle. Les engagements en matière de lutte contre les changements climatiques sont toujours relégués au second plan.

Dans le cadre d’un examen critique des progrès du Canada, nous devons nous méfier de l’écoblanchiment. Par exemple, la 13e édition du rapport annuel intitulé Banking on Climate Chaos note que les investisseurs dans les sables bitumineux ont augmenté leur financement de 51 %. Cette même année, les banques derrière ces fonds se sont engagées à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, comme elles le promettent année après année.

L’un des principaux objectifs de la loi est de cibler le fossé entre les déclarations sur la carboneutralité des institutions financières et le fait qu’elles continuent d’investir dans les industries à forte empreinte carbone. N’en doutez pas : le projet de loi permettra d’accroître la reddition de comptes des entités déclarantes qui sont visées par la loi.

Chers collègues, vous vous demandez peut-être en silence pourquoi une ingénieure et une avocate spécialisée en droits de la personne pensent qu’elles sont qualifiées pour évaluer notre système économique. Permettez-moi de vous encourager à reformuler cette question, car notre système économique exacerbe la crise climatique de notre planète. En fait, si vous vous interrogez secrètement sur les compétences d’une ingénieure et d’une avocate spécialisée en droits de la personne, ajoutons à cette liste une dentiste puisque la sénatrice McCallum a déposé un projet de loi sur le racisme environnemental.

Nous sommes qualifiées parce que nous sommes des mères, des grands-mères, des citoyennes du monde et des sénatrices.

De nouvelles voix doivent se faire entendre dans le monde des finances, des voix provenant de ceux qui ne sont pas protégés par la richesse. Les leaders du système financier ont perdu le contact avec la réalité d’une planète dont nous devons respecter les limites pour que la vie humaine — nos vies à tous, chers collègues, et celles des générations à venir — puisse s’épanouir.

Ce projet de loi suit la piste de l’argent, en abordant la réalité des choix financiers qui blessent notre mère la Terre et réduisent sa capacité à maintenir la vie. Les chiffres abstraits d’un bilan financier aident les leaders du monde des finances à faire fi des dimensions cruciales de la valeur de la vie sur cette planète.

Les racines grecques du mot « économie », oikos et nomos — excusez-moi sénateur Housakos si j’ai mal prononcé ces termes — se traduisent littéralement par « bonne gestion du ménage ». En cette période de crises multiples où nous n’avons pas très bien géré notre ménage mondial, il est grand temps que des voix divergentes de l’extérieur soient entendues par ceux qui tiennent les rênes de notre bourse collective — le petit groupe de membres de l’élite privilégiés très bien rémunérés qui contrôlent des milliards de dollars en fonds publics et privés et qui semblent avoir du mal à comprendre que notre avenir commun est désormais en péril.

Le projet de loi reconnaît à juste titre ce que les experts de la communauté scientifique disent depuis longtemps. La crise climatique ne connaît pas de frontières géographiques. Cela signifie que les entités déclarantes canadiennes doivent rendre compte de leurs émissions ayant un lien de causalité, quel que soit l’endroit où elles se produisent.

La Banque Royale du Canada et la Banque Scotia, qui figurent toutes les deux parmi les 10 principaux bailleurs de fonds des combustibles fossiles, ont montré que les institutions financières canadiennes investissent à l’échelle mondiale et que ce qu’elles font à l’étranger est tout aussi important que ce qu’elles font au Canada.

Le projet de loi définit une entité alignée sur les engagements climatiques comme une entité qui respecte la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne limite pas la définition des peuples autochtones aux Canadiens, ce qui signifie que les droits des peuples autochtones doivent être respectés peu importe où ces peuples se trouvent.

Le projet de loi est à la fois fondé sur des données scientifiques et sur l’équité.

Honorables collègues, s’aligner sur les engagements climatiques signifie aussi ne pas favoriser ou exacerber l’insécurité alimentaire ou les inégalités dans la société, et éviter de causer un préjudice important aux obligations sociales et environnementales déjà reconnues par le Canada. Cela signifie que nous espérons que, à l’avenir, les projets à faible teneur en carbone ne bafoueront pas les droits de la personne, comme l’ont fait par le passé tant de projets d’extraction et de transport des combustibles fossiles.

Puisque les femmes — et surtout les femmes pauvres — sont les principales victimes des changements climatiques, nous ferions bien de les inclure parmi les principaux intervenants dans l’élaboration de solutions méritant qu’on y investisse.

Depuis sa présentation il y a un an, le projet de loi a généré un certain intérêt au Canada et ailleurs. Le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada a publié une ligne directrice sur la gestion des risques climatiques et la Banque du Canada, elle, vient de publier son premier rapport annuel sur les risques climatiques.

Cependant, même si nos organismes de réglementation financière utilisent enfin les mots à la mode du moment, nous ne semblons toujours pas en mesure d’apporter des changements significatifs. Ce projet de loi est plus nécessaire que jamais, maintenant qu’une banque canadienne est devenue le plus grand bailleur de fonds au monde pour les projets de combustibles fossiles et qu’elle finance un projet de pipeline transformant les terres ancestrales des Wet’suwet’en — qui s’opposent à ce projet — en zone militarisée.

Chers collègues, l’escalade des calamités environnementales est une question urgente. Jusqu’à maintenant, le Canada n’a jamais réussi — depuis 1990 — à atteindre ses objectifs de réduction des émissions. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre une autre décennie de cibles manquées, de mesures échouées et d’ambitions contrariées. Nous devons régler ce problème aussitôt que possible afin d’atteindre nos cibles climatiques d’ici la fin de la décennie.

En imposant un processus d’examen public annuel sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de toutes les dispositions, le projet de loi S-243 nous permet de faire un apprentissage itératif. Il nous permettra de tirer des leçons de nos erreurs en temps réel et d’adapter notre approche en fonction des résultats produits. Nous devons demeurer flexibles en ce qui a trait à la recherche émergente. Comme chef de file dans de nombreux autres secteurs, le Canada doit prendre ses responsabilités.

Honorables sénateurs, l’accélération des changements climatiques ainsi que leurs répercussions relèvent d’un problème créé par l’homme. Ce problème exige donc une intervention humaine pour trouver des solutions novatrices afin d’effectuer la transition vers une économie plus propre et plus durable.

En tant que législateurs agissant dans l’intérêt des Canadiens d’aujourd’hui et de demain, il nous incombe de chercher à mettre en œuvre des solutions ambitieuses et fondées sur la science afin de préserver notre planète pour notre génération et les suivantes.

Grâce au projet de loi S-243, la sénatrice Galvez nous donne une excellente occasion d’agir en ce sens. Joignons-nous à elle et appuyons ce projet de loi qui sauvera des vies. Merci, meegwetch.

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