Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Troisième lecture--Suite du débat
23 mai 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-226, qui a pour but d’établir une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer tout en faisant progresser la justice environnementale au Canada.
On ne saurait trop insister sur l’objectif et l’intention du projet de loi. Le racisme environnemental n’est peut-être pas un concept bien connu, mais il s’agit d’une réalité extrêmement préjudiciable à laquelle de nombreux Canadiens sont confrontés, bien qu’elle soit peu reconnue et qu’il y ait peu de recours.
Un certain nombre de témoins de différentes origines représentant les Premières Nations, les Inuits, les Noirs et d’autres communautés racisées ont témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Le comité a également entendu des universitaires et des juristes de renom. En gros, les possibilités offertes par le projet de loi représentent un nouveau départ pour les personnes, les groupes et les communautés les plus marginalisés qui sont souvent isolés dans des régions rurales et éloignées du Canada.
C’est un point important à souligner. Étant donné que le racisme environnemental est une forme de racisme, il a des répercussions sur les personnes et les communautés déjà marginalisées. Il s’agit là, chers collègues, du segment précis de la population canadienne que les sénateurs sont censés défendre le plus.
L’arrêt de 2014 de la Cour suprême du Canada sur le renvoi au Sénat établit explicitement ce qui suit :
Avec le temps, le Sénat en est aussi venu à représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions [...]
Chers collègues, existe-t-il un meilleur exemple de mesure législative qui réponde plus directement à l’obligation de représenter les sans-voix que le projet de loi dont nous sommes saisis? Le projet de loi C-226 vise à offrir des recours concrets aux Canadiens racisés qui luttent continuellement contre le mastodonte qu’est l’industrie de l’extraction des ressources.
Le projet de loi C-226 est véritablement une question de vie ou de mort pour de nombreuses communautés. Il porte sur les décès et les morbidités prématurés dont le lien de causalité avec les activités d’extraction des ressources est prouvé scientifiquement et empiriquement.
Il ne s’agit pas d’un projet de loi frivole ou abstrait. Il s’impose depuis longtemps et il a franchi toutes les étapes nécessaires à son examen. D’autres pays ont déjà compris et adopté le concept de justice environnementale, et le Canada est désormais sur le point de rattraper ces sociétés avant-gardistes et soucieuses de justice. L’occasion se présente à nous. Comme les sénateurs ont exercé toute la diligence nécessaire, le moment est venu pour nous de voter sur cette occasion.
Malheureusement, le vote final est maintenant compromis en raison d’un processus hautement politisé dont la marraine du projet de loi, la sénatrice McCallum, a été exclue.
Chers collègues, le projet de loi C-226 a mis beaucoup de temps à se rendre à l’étape où nous en sommes aujourd’hui. Il a été présenté pour la première fois au cours d’une législature précédente, en février 2020, pour ensuite languir et mourir au Feuilleton à la dissolution de cette législature.
En février 2022, la chef du Parti vert au Parlement, la députée Elizabeth May, a présenté une version améliorée du projet de loi. Nous en sommes saisis après son adoption à l’autre endroit, sans amendement.
Le projet de loi C-226 a fait l’objet d’un examen approfondi par le Comité de l’énergie du Sénat. Il nous a été renvoyé après un vote unanime, sans suggestion ni discussion d’amendement.
Chers collègues, après avoir fait preuve de toute la diligence voulue, ce projet de loi a été examiné de près. Ses vertus et ses avantages ont été bien établis, à la satisfaction d’un éventail de sénateurs, qui ont accordé une importance particulière à leur responsabilité d’examiner attentivement toutes les dimensions d’un projet de loi présenté au Sénat et au comité, projet de loi qui est maintenant renvoyé à nous tous afin que nous suivions les procédures appropriées et établies.
Aujourd’hui, je prends la parole parce qu’en discutant avec la sénatrice McCallum — la marraine du projet de loi C-226, ici présente —, j’en suis venue à partager sa déception à l’égard de certaines des actions sénatoriales qui ont eu lieu en coulisse.
Honorables sénateurs, veuillez garder à l’esprit que la sénatrice McCallum a pris ce dossier sous son aile en tant que sénatrice non affiliée, sans l’appui d’un leader, ni d’un agent de liaison, ni d’un responsable du plumitif — autrement dit, sans le soutien ni les privilèges réservés aux sénateurs faisant partie d’un caucus.
Par conséquent, c’est la sénatrice McCallum et son bureau qui ont piloté ce projet de loi au Sénat de leur plein gré. J’espère que vous conviendrez avec moi que l’« Équipe McCallum » a fait du bon travail, que notre collègue a parrainé ce projet de loi avec grâce et ténacité à tous points de vue.
Honorables sénateurs, je vous invite à ne pas oublier que, au printemps de l’année dernière, la sénatrice McCallum avait dû se battre pour que le projet de loi C-226 soit mis aux voix à l’étape de la deuxième lecture, ce qui a été retardé pendant plusieurs mois, jusqu’en octobre 2023. Tout compte fait, elle a agi seule avec une patience remarquable, de la retenue et — aussi difficile que cela ait pu l’être —, en faisant preuve d’une certaine déférence à l’égard des ententes tacites que l’on constate souvent dans cette enceinte. Ce sont de telles ententes tacites qui ont eu comme conséquence qu’une série de projets de loi ont été adoptés avant le projet de loi C-226. Que l’on me comprenne bien: il s’agit de projets de loi présentés par des sénateurs appartenant à un caucus de parti, de sorte que ces projets de loi ont maintenant la priorité dans le comité. Malheureusement, tout porte à croire que la sénatrice McCallum pourrait faire face cette fois-ci à des tactiques semblables prolongeant l’attente pour le vote à l’étape de la troisième lecture.
La sénatrice McCallum m’a révélé qu’en avril, elle avait rencontré les directions des groupes et des caucus pour réclamer un vote à l’étape de la troisième lecture assez rapide, et qu’on était arrivé à un consensus afin d’inclure son projet de loi C-226 dans la récente série de projets de loi des Communes faisant partie du processus négocié par les leaders, à la suite duquel de nombreux projets de loi ont été adoptés rapidement dans cette enceinte.
Compte tenu de la motion no 167 du gouvernement et du débat actuel sur les réalités discriminatoires qui touchent les sénateurs non affiliés, cet accord pour agir rapidement est une excellente nouvelle. Ce n’est pas tous les jours que les sénateurs non affiliés sont considérés favorablement dans les discussions de si haut niveau.
Cependant, s’agissait-il, comme on pouvait malheureusement s’y attendre, d’un souci d’équité de courte durée?
On m’informe qu’hier soir, la sénatrice McCallum a appris qu’en raison de l’incapacité des leaders à s’entendre sur l’adoption d’une autre série de projets de loi, le projet de loi C-226 a été retiré et que la tenue du vote final sur ce projet de loi est maintenant exclue de l’entente. On a laissé entendre qu’un vote pourrait peut-être avoir lieu à un moment quelconque cet automne.
Honorables sénateurs, je vous remercie à nouveau de l’attention que vous avez accordée à mon discours de cette semaine, dans lequel j’exposais la discrimination quotidienne que les sénateurs non affiliés subissent puisque le Sénat applique une égalité aristotélicienne, selon laquelle ceux d’entre nous qui sont différents sont traités différemment et inéquitablement.
Permettez-moi de répéter et de souligner ici un point extrêmement important. Les sénateurs non affiliés ont moins d’influence ou de possibilités que les autres pour ce qui est de favoriser l’avancement de dossiers dans le processus législatif. Nous n’avons pas de monnaie d’échange. Nous sommes exclus des discussions qui mènent aux décisions. Nous n’avons pas de représentant ni de défenseur pendant ces discussions. Nous sommes exclus et bloqués.
Je trouve décourageant d’apprendre, après le fait, qu’une entente verbale concernant le vote final sur le projet de loi C-226 ne sera pas respectée. Le marchandage et le processus d’élimination qui entourent le traitement des projets de loi constituent une pratique de longue date qui a été normalisée, mais elle va à l’encontre des principes de la modernisation.
Chaque projet de loi ne devrait-il pas être évalué au mérite, au moyen d’une étude attentive du comité et de nombreuses occasions, pour les sénateurs, de prendre la parole aux différentes étapes de lecture du projet de loi? En quoi est-il logique que la mort d’un projet de loi ou sa survie dépende des échéanciers ou des faveurs qui ont été accordés pour d’autres projets de loi sans lien avec lui? Récemment, nous avons vu des projets de loi être renvoyés au comité sans qu’un seul sénateur ait pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. C’est le cas, par exemple, du projet de loi C-275.
Soyons honnêtes au sujet des conséquences qu’ont ces pratiques sur des mesures comme le projet de loi C-226. Ce favoritisme, cette diligence raisonnable tronquée, nuit à la disposition équitable et finale de mesures comme le projet de loi C-226, qui a franchi avec succès toutes les étapes de l’examen approfondi mené dans les deux Chambres. Comment ce traitement inéquitable peut-il sembler acceptable?
Honorables collègues, je m’adresse à vous aujourd’hui pour demander à chacun d’entre nous d’agir de manière sensible, par respect pour nos propres normes prudentes et réfléchies en matière d’examen législatif. Soutenir ce projet de loi respecte nos normes et l’un des principaux objectifs du Sénat : venir en aide aux minorités vulnérables d’un bout à l’autre du pays en leur donnant la possibilité de commencer à améliorer leur sort, leur santé et leur environnement.
Chers collègues, je vous invite à soutenir notre collègue la sénatrice McCallum. Appuyez le projet de loi C-226 et appuyez les Canadiens sous-représentés envers lesquels le Sénat a un devoir de diligence particulier.
En conclusion, Votre Honneur, je demande la tenue du vote sur le projet de loi C-226. Merci. Meegwetch.
Merci, sénatrice McPhedran, de votre discours et de votre ardeur, et merci à la sénatrice McCallum de marrainer le projet de loi. Comme vous l’avez mentionné, le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes. Nous devrions le traiter avec sérieux.
Les problèmes liés au racisme environnemental ne datent pas d’hier. Certes, ce sont les peuples autochtones qui en ont le plus souffert. Nous connaissons certainement le cas d’Africville en Nouvelle-Écosse. Je signale que, le 8 mai, un déversement a eu lieu en amont de la rivière. Je vais citer une phrase.
Il y a un mois, les Laboratoires nucléaires canadiens, la société qui exploite l’installation de recherche nucléaire de Chalk River, ont informé la Première Nation de Kebaowek qu’il y avait eu un déversement d’effluents toxiques, mais on leur a assuré qu’on s’en occupait.
Bien sûr, quand on lit l’article, on constate que ce n’était pas le cas.
Pourriez-vous préciser s’il s’agit d’une question historique révolue ou si les problèmes de racisme environnemental sont toujours d’actualité dans la société canadienne d’aujourd’hui?
Merci de votre question, sénateur Cardozo.
Une lecture rapide des principaux médias suffit pour y répondre. Certains d’entre vous ont dû remarquer d’autres reportages sur les cas d’empoisonnement au mercure à Grassy Narrows. On nous a assuré à plusieurs reprises qu’on s’occupait du problème. Or, un reportage récent nous indique que ce n’est pas vrai et que la communauté autochtone de Grassy Narrows souffre encore de graves problèmes de santé au quotidien. On ne parle pas que de faits historiques, mais d’un problème qui dure depuis longtemps.
Je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom.
L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le débat soit ajourné à...
Pardon?
La sénatrice Martin a proposé l’ajournement du débat. Je vais lire la motion.
L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Le vote aura lieu à 17 h 11.
Votre Honneur, avez-vous dit que les oui l’emportent ou que les non l’emportent?
J’ai dit que les oui l’emportent.
Nous avions compris que les non l’emportaient.
Je vois deux sénateurs se lever.
Le vote aura lieu à 17 h 12. Convoquez les sénateurs.