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Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale

Troisième lecture

26 novembre 2024


L’honorable Fabian Manning [ + ]

Il y a quelques instants, j’ai évoqué le fait que nous ne pouvons jamais oublier que 1 181 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées entre 1980 et 2012. La moitié des victimes autochtones de violence conjugale ont déclaré avoir subi l’une des formes les plus graves de violence conjugale, comme avoir été agressées sexuellement, battues, étouffées ou menacées avec une arme à feu ou un couteau. En comparaison, seulement le quart, ou 23 %, des victimes non autochtones de violence conjugale ont déclaré avoir subi ces formes de violence.

Je crois que je m’en voudrais de ne pas profiter de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui pour parler de la campagne Moose Hide et d’en faire la promotion. Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas cette campagne, l’inspiration est venue à ses cofondateurs, Paul Lacerte et sa fille Raven, en 2011, lors d’une chasse à l’orignal sur leur territoire traditionnel, qui borde la route des pleurs, en Colombie-Britannique — un lieu où beaucoup de femmes ont disparu ou ont été assassinées.

La campagne Moose Hide est un mouvement populaire d’hommes et de garçons autochtones et non autochtones qui se dressent contre la violence à l’égard des femmes et des enfants. En portant l’épinglette en peau d’orignal, comme je le fais aujourd’hui, on s’engage à honorer, à respecter et à protéger les femmes et les enfants qui font partie de sa vie, ainsi qu’à dénoncer la violence fondée sur le sexe et la violence entre partenaires intimes.

Depuis le début de la campagne, plus de 5 millions d’épinglettes en peau d’orignal ont été distribuées partout au Canada, ce qui a suscité de nombreuses conversations sur la façon de mettre fin à la violence envers les femmes et les enfants. Je vous encourage tous à soutenir la campagne et à prendre fermement position contre la violence.

Autre statistique troublante, 60 % des femmes handicapées ont subi une forme de violence. Étant donné que seulement environ 10 % des agressions sont déclarées, leur nombre réel est beaucoup plus élevé. Près des deux tiers — soit 63 % — des victimes de violence conjugale ont déclaré avoir subi de la violence plus d’une fois avant de faire appel à la police. Près de 3 personnes sur 10 — soit 28 % — ont déclaré avoir subi de la violence plus de 10 fois avant d’appeler la police.

Le coût total de la violence entre partenaires intimes au Canada est estimé à 7,4 milliards de dollars par année, ce qui représente 220 $ par habitant. Ce sont surtout les premières victimes qui en subissent les conséquences économiques directes. Sur le coût total estimé, un coût de 6 milliards de dollars est assumé par les victimes de violence conjugale, notamment pour les soins médicaux, les hospitalisations, les pertes de salaire, les jours d’école manqués et les biens volés ou endommagés. Le système de justice assume 7,3 % du coût économique total, soit 545 millions de dollars.

La violence familiale touche tous les Canadiens, mais il y a presque quatre fois plus de femmes que d’hommes qui signalent un cas de violence entre partenaires intimes à la police. De plus, les femmes sont presque trois fois plus susceptibles que les hommes d’être tuées par leur ancien conjoint ou leur conjoint actuel. Près de la moitié des femmes — c’est-à-dire 48 % — ont déclaré que la violence conjugale après la séparation les faisait craindre pour leur vie.

De nombreux documents sur les décès attribuables à la violence entre partenaires intimes — des études, des enquêtes et des rapports de coroner — concluent que le manque de coordination entre les spécialistes du droit de la famille, les services de protection de l’enfance et le système de justice criminelle constitue l’un des facteurs à l’origine des tragiques homicides commis par un membre de la famille.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, que ce soit dans le cadre du débat sur mon projet de loi ou de l’interpellation sur la violence entre partenaires intimes lancée par la sénatrice Boniface, j’ai écouté avec attention et j’ai beaucoup appris. Je vous suis très reconnaissant à tous pour votre soutien continu.

L’un des discours qui m’a le plus interpellé est celui prononcé par mon ami le sénateur Brent Cotter le 21 mai dernier. C’était le jour de mon soixantième anniversaire, et je considère donc le discours qu’il a prononcé ce jour-là comme un cadeau inattendu. J’ai pris la liberté de reprendre certaines des observations du sénateur Cotter aujourd’hui, car je pense sincèrement qu’elles valent la peine d’être répétées, encore et encore. Je suis certain que le sénateur Cotter ne m’en voudra pas de le faire.

La grande majorité des victimes de violence entre partenaires intimes sont des femmes et la grande majorité des agresseurs sont des hommes. Les services aux victimes sont souvent insuffisants, éloignés et inaccessibles, et la protection de la vie privée est une préoccupation dans les petites collectivités rurales. Malgré le travail important des défenseurs des droits partout au Canada, il y a un manque flagrant de refuges sûrs, de moyens de transport et de services offerts en temps utile.

Le sénateur Cotter a parlé de son expérience personnelle quand il était jeune avocat à Saskatoon et qu’il représentait une femme qui demandait un divorce non contesté. La cause du divorce était la cruauté physique. Quand la femme a dit à celui qui était alors son époux qu’elle avait l’intention de déménager, il lui a assené un coup de poing au visage et l’a fait tomber à la renverse. Au moment de résumer l’affaire, le juge a demandé au sénateur Cotter quelles étaient les preuves de la cruauté physique pour justifier le divorce. Quand le sénateur Cotter a mentionné le coup de poing qui avait fait tomber la femme à la renverse, le juge a répondu : « Il ne s’agit pas de cruauté physique. C’est ce qu’elle méritait. »

Entendre cette histoire a été très perturbant.

Jusqu’en 1983, le Code criminel du Canada définissait le viol de la façon suivante : Un homme commet un viol lorsqu’il a des relations sexuelles avec une personne de sexe féminin qui n’est pas son épouse, sans son consentement.

Cela a été la loi au Canada de 1892 à 1983. C’était il n’y a pas si longtemps, chers collègues. Il ne s’agissait pas seulement d’une culture, mais d’une sanction légale, presque d’une invitation à agresser sexuellement son épouse.

Je suis entièrement d’accord avec le sénateur Cotter pour dire qu’il n’est pas surprenant que la culture de tolérance de la violence entre partenaires intimes perdure aujourd’hui et qu’un moyen essentiel de changer cette culture est l’éducation. Nous avons besoin de modules d’enseignement abordant les questions de la violence entre partenaires intimes de la maternelle au secondaire.

Hier soir, j’ai été ravi d’entendre Sarah Walters, une jeune fille de 16 ans de Trenton, en Ontario, me dire que l’un des cours qu’elle suit à l’école lui apprend, ainsi qu’à ses camarades de classe, à entretenir des relations saines. J’ai été très heureux de l’entendre.

En gardant cela à l’esprit, nous devons tous travailler ensemble pour nous éduquer et éduquer les autres. Nous devons devenir plus proactifs. Comme le dit le réseau RESOLVE :

[...] Depuis trop longtemps, les efforts nécessaires pour protéger et soutenir les femmes et leurs enfants sont un fardeau porté par les travailleurs des refuges, les défenseurs des droits des femmes, et même les femmes elles-mêmes.

La Commission des pertes massives, en Nouvelle-Écosse, a bien entendu ce message. Voici ce qu’elle dit :

Nous reconnaissons l’impérieuse nécessité que davantage d’hommes et de garçons participent activement aux efforts de prévention de la violence fondée sur le sexe et aux réponses à y apporter. Pour comble, ce sont les femmes, en particulier les survivantes de la violence fondée sur le sexe, qui sont également contraintes d’œuvrer sans répit à ce changement. Il est temps que plus d’hommes participent à la solution [...] « Depuis des décennies, sinon des centaines d’années, l’essentiel de la responsabilité de ce travail repose sur les épaules des femmes. Nous avons besoin que les hommes s’engagent [...] »

Beaucoup de sénateurs et de Canadiens m’ont dit qu’ils étaient heureux que je sois, en tant qu’homme, le fer de lance du projet de loi. J’en suis vraiment honoré. Pendant que vous envisagez d’appuyer le projet de loi, je vous demande de garder à l’esprit les faits suivants. Croyez-moi, je pourrais continuer pendant encore une heure à vous présenter des statistiques et des faits, mais je n’en évoquerai que quelques-uns ici ce soir. Tous les six jours, une femme est tuée au Canada par son partenaire intime. Le moment où une femme risque le plus d’être victime de violence est celui où elle tente de quitter la relation. Le système de soutien, le système judiciaire et les mesures législatives actuelles sont inadéquats pour lutter contre l’épidémie de violence entre partenaires intimes qui sévit actuellement au Canada. En outre, selon l’Organisation mondiale de la santé, à l’échelle mondiale, une femme est tuée par son partenaire intime toutes les 10 minutes, donc, à cette heure-ci demain, le monde aura perdu 144 autres femmes à cause de la violence entre partenaires intimes.

Aujourd’hui, c’est notre appel à l’action. Le temps est venu d’agir.

La violence entre partenaires intimes peut se produire dans les espaces publics et privés, ainsi qu’en ligne et de bien d’autres manières. Cependant, toutes ces formes de violence ont un point en commun : il s’agit d’une personne qui cherche à en dominer une autre. La violence entre partenaires intimes est une question de domination.

Dans cette optique, et au nom des victimes et de leurs familles, je vous demande respectueusement d’appuyer le projet de loi S-249.

Au cours des délibérations du comité, nous avons accepté certains amendements. J’aimerais en aborder quelques-uns avant de terminer.

L’un des amendements que nous avons acceptés portait sur les mesures à prendre pour prévenir la violence entre partenaires intimes, et pas nécessairement sur l’élaboration d’un double officiel d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes.

Nous avons également proposé un amendement qui met l’accent sur les mesures visant à prévenir la violence entre partenaires intimes. Ce changement a mis en évidence la nécessité d’être en constante communication avec les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux tout en harmonisant ce travail avec les mécanismes de consultation existants qui sont déjà en place pour fournir des conseils et des directives sur la mise en œuvre continue du plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Il est essentiel que toute la gamme des partenaires soit prise en compte, et pas seulement ceux qui étaient énumérés dans le projet de loi auparavant.

Donc, l’ancien libellé était un peu restrictif et ne reconnaissait pas d’autres partenariats clés qui peuvent aider à prévenir la violence entre partenaires intimes. L’amendement élargira la portée des partenariats au-delà de ceux qui sont actuellement énumérés, y compris les moyens d’entendre les professionnels de la santé qui soutiennent les victimes de violence entre partenaires intimes dans les milieux où sont dispensés des soins de santé. Cet amendement reconnaîtra également que les discussions avec ces professionnels se poursuivent dans le cadre de la mise en œuvre continue du Plan d’action national.

Selon un des amendements que nous avons présentés, un rapport sur l’avancement de la lutte contre la violence entre partenaires intimes au pays devra être présenté à la fois à la Chambre des communes et au Sénat dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de la loi et tous les deux ans par la suite. Au moins, le gouvernement devra rendre compte de ses progrès.

Lorsque j’ai présenté la version initiale de ce projet de loi, en avril 2018, j’avais choisi de commencer mon discours avec une citation, la même citation avec laquelle je vais terminer mon discours ce soir. Premièrement, je tiens à vous remercier tous de m’avoir écouté et d’appuyer le projet de loi S-249. Je souhaite aussi remercier une fois de plus Georgina McGrath, qui est à notre tribune ce soir. Enfin, je terminerai mes observations avec ces paroles de Kofi Annan, l’ancien secrétaire général des Nations unies :

La violence contre les femmes est sans doute la violation la plus honteuse des droits de l’homme et peut-être la plus répandue. Elle ne connaît pas de frontières géographiques, culturelles ou sociales. Tant qu’elle durera, nous ne pourrons prétendre à des progrès pour atteindre l’égalité, le développement et la paix.

Honorables sénateurs, le moment est venu d’agir.

L’honorable Salma Ataullahjan [ + ]

Sénateur Manning, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Manning [ + ]

Bien sûr.

La sénatrice Ataullahjan [ + ]

Sénateur Manning, je sais que vous êtes allé rencontrer des gens dans la région du Grand Toronto. Vous savez donc que, dans certaines communautés, la violence entre partenaires intimes fait encore l’objet de préjugés et que les gens ne sont pas prêts à en parler. On a tendance à hésiter. Je sais que, dans ma famille élargie, il y a des personnes qui ne voulaient pas en parler et qui ne voulaient pas chercher de l’aide.

Pensez-vous que nous devrions adopter le projet de loi sans tarder dans l’espoir qu’il encouragera les personnes qui hésitent à signaler cette forme de violence à se manifester et à demander de l’aide?

Je tiens également à saluer la force dont Georgina a dû faire preuve pour raconter son histoire.

Le sénateur Manning [ + ]

Sénatrice Ataullahjan, merci pour le soutien que vous avez apporté à ce projet de loi depuis le début.

Ce n’est pas seulement dans les collectivités dont vous avez parlé; dans tout le pays, il y a une stigmatisation. Les gens ont peur de se manifester pour toutes sortes de raisons que ce soit : gêne, peur, facteur de contrôle, etc.

Comme je l’ai dit dans mes observations, je ne pense pas que mon projet de loi résoudra tous les problèmes liés à la violence entre partenaires intimes, mais je crois que plus nous en discuterons, plus nous en débattrons et plus nous proposerons d’autres mesures législatives, plus nous lèverons le voile sur la violence entre partenaires intimes et nous créerons un espace où les gens se sentiront à l’aise d’en parler et de se manifester.

Sénatrice Ataullahjan, cela permettra de faire savoir aux gens qu’il existe de l’aide. Il y a des refuges, même si beaucoup d’entre eux sont pleins à craquer. Il y a le 911 en cas de problèmes immédiats. Il existe des mécanismes de soutien.

Certes, nous devons les améliorer et les développer, mais je pense que grâce à ce projet de loi et à d’autres mesures législatives, les nombreuses choses qui étaient stigmatisées il y a 20, 30, 40 et 50 ans et dont nous ne parlions pas sont aujourd’hui plus faciles à aborder. Je pense que mon projet de loi fait partie de ce processus et j’espère qu’au bout du compte, les gens se sentiront plus à l’aise pour en parler et demander l’aide dont tant de personnes ont besoin.

L’honorable Iris G. Petten [ + ]

Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui, à titre d’agente de liaison du gouvernement au Sénat, au sujet du projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.

Je tiens d’abord à remercier le sénateur Manning d’avoir présenté un texte législatif aussi important. Il ne s’agit pas seulement d’une question de politique, mais aussi d’un impératif moral et d’un appel à l’action pour protéger les droits, la dignité et la sécurité des Canadiens de tout le pays qui sont touchés par la violence d’un partenaire intime.

Au Canada, un pourcentage alarmant de 44 % des femmes ayant eu une relation intime, soit environ 6,2 millions de femmes, ont subi une forme ou une autre de violence psychologique, physique ou sexuelle de la part de leur partenaire. Ce chiffre est encore plus élevé pour les femmes autochtones, les femmes LGBTQ2+ et les femmes handicapées. Ces statistiques sont stupéfiantes.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, au nom du Groupe de travail interinstitutions des Nations unies sur les estimations et les données relatives à la violence à l’égard des femmes, la violence exercée par un mari ou un partenaire intime masculin est la forme la plus répandue de violence à l’égard des femmes. Dans le monde, 852 millions de femmes âgées de 15 ans et plus auraient subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime ou des violences sexuelles exercées par une personne autre que leur partenaire, ou les deux.

Le groupe de travail a affirmé que la lutte contre la violence faite aux femmes requiert une action concertée, du financement et des investissements.

Plus tôt cette année, j’ai participé à une table ronde d’une journée à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, sur la violence entre partenaires intimes, où j’ai pu écouter et apprendre. Ce fut une expérience très précieuse qui a contribué à éclairer ma participation subséquente au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, où l’on débattait du projet de loi S-249.

J’aimerais prendre un moment pour parler de la réunion du Comité des affaires sociales, car c’est là que nous avons entendu Georgina McGrath, une femme dont l’histoire, et le courage de la raconter, sont à l’origine de la création de ce projet de loi. Georgina est venue pour parler de son expérience à titre de survivante de la violence conjugale.

Sachez que certains des détails peuvent être pénibles pour certains auditeurs. Je veux utiliser les mots de Georgina autant que possible, car, comme elle l’a dit elle-même, elle parle au nom de milliers de femmes qui sont derrière elle et qui ne peuvent pas parler elles-mêmes.

Elle a déclaré :

Lorsque je parle, je me fonde sur mon expérience.

J’ai 54 ans. J’ai grandi à Labrador City, à Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis la mère de deux magnifiques enfants [...] Je suis la grand-mère de notre précieux petit Thomas [...] Je suis une fille, une sœur, une belle-mère, une tante et une amie. Aujourd’hui, je suis la fière épouse de l’un des hommes les plus gentils, les plus doux et les plus compréhensifs que l’on puisse avoir le plaisir de connaître. [...] Nous vivons [...] dans la baie Sainte-Marie, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans une maison dotée d’une petite ferme devant l’océan Atlantique. Aujourd’hui, je suis en sécurité.

Elle a poursuivi :

En 2012, je ne voulais pas d’une autre relation amoureuse. Je recherchais une amitié platonique. C’est à cette époque que j’ai rencontré le plus grand manipulateur de ma vie. Il était venu d’Irlande pour s’installer à Labrador City. [...] Je lui ai donné un emploi. Nous étions des amis au début. Il me traitait plutôt bien. Même s’il était plus jeune, je le trouvais intrigant et divertissant. Il a tissé des liens avec mes enfants, surtout avec mon fils. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, et nous sommes devenus plus que des amis. J’avais comme éthique professionnelle de ne pas fréquenter mes employés. Non seulement je bafouais mes principes, mais je ne voyais pas les signaux d’alarme. Les signaux étaient là, mais je me laissais aveugler encore une fois. Je mettais toutes mes insécurités de côté avec l’idée de passer le reste de ma vie avec cette personne. Le premier signe que je n’ai pas vu était l’argent. Ce n’était pas de l’exploitation financière de sa part, mais il profitait de chaque sou que j’avais, et je l’ai laissé faire.

Environ un an plus tard, en septembre 2013, nous sommes allés à Las Vegas. Le premier soir, j’ai reçu mon premier coup de poing, mais cette fois-là, je me suis défendue. À l’intérieur de moi reprenait le sempiternel cycle qui permettait à quelqu’un d’autre de prendre le contrôle.

Le témoignage complet de Georgina est, bien sûr, accessible sur le site Web du Sénat, et j’encourage tous mes collègues à le regarder.

Je lui ai demandé quel soutien ou quelles ressources elle avait obtenus ou elle aurait souhaité obtenir. Elle m’a répondu ceci :

Je tiens à vous dire que je n’ai pas réuni la force de me présenter devant vous aujourd’hui en un claquement de doigts. J’ai recouru à de multiples séances de counseling [...]

Les ressources que j’aurais aimé obtenir... J’ai vraiment senti que le poste de police local m’avait laissée tomber. Je pensais jusque-là que la politique de tolérance zéro s’appliquait à la grandeur du pays. Elle ne s’appliquait manifestement pas à moi à Labrador City à cette époque.

Comme l’a dit le sénateur Manning mardi dernier, le comité a modifié le titre abrégé du projet de loi S-249, qui passe de « Loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale » à « Loi de Georgina ». J’applaudis ce changement, tout comme je salue le courage de Georgina qui a témoigné devant le Comité des affaires sociales pour raconter ce qu’elle a vécu.

Comme l’a dit le sénateur Manning, l’adoption de ce projet de loi serait un pas dans la bonne direction. Le gouvernement fédéral a mis en place le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Ce plan décennal est assorti d’une enveloppe de 525 millions de dollars pour appuyer les provinces et les territoires dans la lutte contre ce grave problème. Des ententes ont été conclues avec chaque province et chaque territoire pour les aider à s’attaquer aux défis et aux priorités qui leur sont propres, en fonction de cinq grands domaines du plan d’action national. Ce projet de loi vise à inscrire le plan d’action dans la loi.

Notre collègue la sénatrice Dasko a fait une déclaration l’année dernière sur le signal d’aide créé par la Fondation canadienne des femmes, qui mérite d’être répété, car c’est une façon dont nous pouvons tous soutenir les femmes en détresse. Paume vers le haut, pouce à l’intérieur et doigts repliés.

La Fondation canadienne des femmes propose également un mini-cours gratuit sur le signal d’aide, qui permet d’apprendre les bases du soutien à apporter à une personne victime de maltraitance. Un cadre national soutiendrait des efforts tels que ceux entrepris par des organisations et des particuliers en veillant à ce qu’une feuille de route pour le changement et une vision collective pour lutter contre la violence des partenaires intimes soient comprises et partagées par tous.

Je vous ai fait part tout à l’heure de statistiques affligeantes qui reflètent une dure réalité. Il est important de se rappeler que les crimes tels que la violence entre partenaires intimes ne sont souvent pas signalés, de sorte que ces chiffres ne donnent qu’un aperçu de ce qui se passe réellement. Ils ne représentent probablement qu’une fraction d’une expérience plus large et souvent cachée.

Pourquoi faut-il un cadre national sur la violence entre partenaires intimes? La réponse est simple : c’est parce que les solutions fragmentées ne suffisent pas. Dans le cadre du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre du gouvernement, toutes les provinces et tous les territoires doivent rendre compte chaque année des progrès accomplis dans la lutte contre la violence fondée sur le sexe. Ce plan prévoit une réponse cohérente à la violence fondée sur le sexe qui s’appuie sur cinq principes clés : premièrement, le soutien aux personnes survivantes et à leur famille; deuxièmement, la prévention; troisièmement, la réactivité du système juridique et judiciaire aux besoins; quatrièmement, le soutien des approches et des réponses dirigées et informées par les Autochtones; et cinquièmement, une infrastructure sociale et un environnement propice.

Le projet de loi S-249 signale à tous les survivants que, peu importe le gouvernement en place, il y aura un plan pour lutter contre la violence entre partenaires intimes, et un rapport d’étape devra être présenté à la Chambre des communes tous les deux ans pour montrer les mesures prises par le gouvernement pour s’attaquer à ce problème. Désormais, le gouvernement sera toujours tenu de rendre compte de la priorité qu’il accorde à ce problème.

En outre, une stratégie nationale nous permettrait de commencer à nous attaquer aux causes profondes de la violence familiale. Nous ne pouvons pas nous contenter de traiter les symptômes; nous devons nous attaquer aux problèmes sous-jacents. Chers collègues, la violence entre partenaires intimes a longtemps été considérée comme une affaire privée entre couples, quelque chose qui a lieu derrière des portes closes et qui passe souvent inaperçu, mais il incombe à chacun d’entre nous de s’attaquer à la perpétuation de ce crime violent.

Avec les récentes tendances inquiétantes sur les médias sociaux qui ciblent les femmes et qui les menacent de violence, nous devons prendre position et dire que notre pays n’acceptera pas ce genre de comportement, peu importe de qui il s’agit et où cela se produit.

Je souhaite citer Georgina une dernière fois pour conclure mon intervention. Elle a dit :

Sénateurs [...] Je vous implore d’adopter rapidement le projet de loi. Il y a beaucoup à faire. Le tout repose sur vos épaules. N’oubliez pas que vous êtes les seules personnes au pays qui peuvent donner aux milliers de femmes qui se tiennent derrière moi et qui ne peuvent pas parler une chance de vivre et une chance de survivre.

Je vous prie de vous joindre à moi et de voter pour le projet de loi S-249 à l’étape de la troisième lecture. Merci.

L’honorable Wanda Thomas Bernard [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-249, Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes, aussi connue sous le nom de Loi de Georgina.

Georgina, je tiens à vous remercier, vous et votre famille, d’être ici. Je me souviens très bien de votre discours, et notre collègue vient d’en souligner certains messages clés.

Sénateur Manning, merci de défendre une cause aussi importante.

Chers collègues, je participe demain à une table ronde dans le cadre des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre. Le thème de cette année, comme vous l’avez entendu, est « S’unir pour agir ». En préparant cette table ronde, j’ai réfléchi au projet de loi du sénateur Manning sur la violence entre partenaires intimes. La table ronde à laquelle je participe s’intitule « Beyond the Silence: Black Women’s Leadership in Addressing Gender-based Violence ».

J’ai trouvé très difficile d’écouter les témoignages livrés dans le cadre de l’étude du projet de loi par notre Comité des affaires sociales. En fait, cela a déclenché quelque chose en moi, et c’est pourquoi j’ai hésité à m’exprimer sur ce projet de loi, mais après avoir exploré la question et y avoir réfléchi, je me suis rendu compte que j’avais des raisons à la fois personnelles et professionnelles de me sentir ainsi. J’ai donc décidé de prendre la parole sur le projet de loi S-249 afin d’ajouter ma voix aux débats et d’amplifier la voix des femmes noires canadiennes. J’ai décidé de mettre l’accent sur les deux perspectives, ajoutant ainsi à notre étude collective de ce projet de loi.

Je commencerai par parler de mon expérience personnelle : je connais les répercussions qu’a la violence dont on est témoin dans l’enfance. J’ai grandi dans un foyer où ma mère était une survivante de la violence entre partenaires intimes. Mon père est mort dans un tragique accident de voiture quand j’avais 12 ans et, pendant des années, j’ai eu du mal à me remémorer quoi que ce soit de positif à son sujet, parce que le souvenir de la violence a laissé des cicatrices extrêmement profondes. Je les sens encore maintenant.

Les effets de telles cicatrices peuvent être un poids lourd à porter, un poids que l’on porte tout le reste de sa vie. Ce poids lourd à porter peut nourrir une douleur durable, un traumatisme, une colère, une amertume, peut-être même une rage. J’ai ressenti tout cela. Cependant, il peut aussi alimenter une volonté farouche de rendre le monde plus sûr pour les femmes. Personnellement, j’ai trouvé un moyen d’utiliser l’expérience de ma famille pour alimenter ma volonté farouche et mon engagement profond à briser le silence qui entoure la violence dans les familles et les communautés.

Rendez-vous compte, chers collègues, plus de 60 ans plus tard, le sujet ravive toujours des traumatismes en moi. Au bout du compte, cependant, c’est ce qui m’a poussé à prendre la défense des personnes qui ne sont pas capables de raconter leurs expériences liées à la violence entre partenaires intimes. Je suis ici pour défendre les droits de ces femmes et de ces familles. Comme le sénateur Manning l’a rappelé il y a quelques minutes, les enfants sont aussi les victimes silencieuses de la violence entre partenaires intimes.

Cela m’amène à parler de mon parcours professionnel et du travail professionnel que j’ai effectué dans ce domaine. En tant que travailleuse sociale dans le domaine de la santé mentale, conseillère itinérante qui se déplaçait dans le comté d’Halifax, professeure en travail social et praticienne dans un cabinet privé, j’ai travaillé avec des centaines de femmes ayant survécu à la violence d’un partenaire intime, des femmes qui ont parlé de la violence qu’elles ont subie, et des femmes qui n’ont pas été en mesure de parler de leur réalité. J’ai également travaillé avec quelques hommes victimes de violence d’un partenaire intime.

L’une des choses que j’aime de ce projet de loi est le fait qu’il met l’accent sur la prévention par l’éducation. Dans les années 1980, alors que j’étais jeune travailleuse sociale, j’ai rencontré le ministre de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse de l’époque, l’honorable Tom McInnis, aujourd’hui sénateur à la retraite, pour lui proposer d’introduire dans le système scolaire public de la Nouvelle-Écosse un programme d’éducation sur les relations saines. C’était au début des années 1980. Malheureusement, la proposition n’a pas été acceptée, mais je pense qu’il y a un désir accru à ce chapitre maintenant. On est davantage conscient de la nécessité de commencer l’éducation tôt, comme l’a répété le sénateur Manning dans son discours. Je pense que l’éducation sur les relations saines et les conséquences de la misogynie et du sexisme est une mesure préventive essentielle.

Si le langage et la terminologie ont changé au cours des quarante dernières années pendant lesquelles j’ai travaillé dans ce domaine, l’impact, lui, est resté le même. Je m’intéresse en particulier à la façon de briser le silence autour de la violence dans les communautés afro-néo-écossaises. C’est à cela que j’ai consacré une grande partie de mon temps. J’ai été responsable de la l’Association of Black Social Workers en Nouvelle-Écosse au cours des 45 dernières années et l’association a organisé des conférences, des ateliers, des séminaires et des programmes éducatifs s’adressant aux jeunes filles, aux femmes, aux personnes âgées et même aux hommes et aux garçons afin de sensibiliser les communautés à la nécessité de mettre un terme à la violence fondée sur le sexe et à la violence entre partenaires intimes. Nous nous sommes également engagés dans des programmes d’éducation des jeunes afin de mettre davantage l’accent sur la prévention.

Pourtant, chers collègues, la violence continue. Parfois, l’impact du travail sur le terrain peut sembler minime au regard des taux élevés de violence entre partenaires intimes au Canada en général et dans les communautés noires en particulier.

Selon un rapport de Statistique Canada publié en 2021, 42 % des femmes noires ont déclaré avoir subi de la violence de la part d’un partenaire intime ou de la violence familiale. Pourtant, des recherches menées par des collègues de l’Université Dalhousie nous apprennent que beaucoup de ces femmes souffrent en silence. J’ai participé à un projet de recherche intitulé « Culturally Responsive Healthcare to Address Gender-Based Violence Within African Nova Scotian Communities ». Ce projet, qui était dirigé par Mme Nancy Ross, a examiné les expériences de violence vécues par des femmes noires pendant la pandémie de COVID-19. Nous avons appris que la majorité des femmes interrogées étaient plus préoccupées par la violence liée au racisme qu’elles subissaient que par la violence de leur partenaire intime. Elles craignaient de parler de la violence de leur partenaire intime parce que le système de santé, les services sociaux et la police n’offraient pas de services adaptés à la culture.

Un fort préjugé lié à la violence dans les familles et les communautés noires persiste, et nous nous sommes efforcés de trouver des moyens de briser ce préjugé et de rompre le silence. Comme je l’ai dit tout à l’heure, quand on a été victime ou témoin de violence conjugale, il peut être traumatisant d’en parler. Il ne devrait pas incomber aux survivantes de décrire leur expérience pour que les choses changent.

J’appuie le projet de loi et j’espère qu’il sera soutenu par nos collègues de l’autre endroit, car l’épidémie nationale actuelle nécessite une approche systémique. Alors que la ministre s’engage avec un large éventail de partenaires à mener une action nationale, je l’encourage à accorder une attention particulière à une approche intersectionnelle de la violence entre partenaires intimes, en particulier l’inclusion des femmes et des communautés noires, afin de reconnaître le silence historique lié à la violence entre partenaires intimes dans ces communautés particulières, où l’on fait face à plus de préjugés et craint vraiment de se manifester.

En conclusion, chers collègues, je vous encourage à appuyer le projet de loi S-249 pour qu’un changement plus important s’opère concernant le problème omniprésent de la violence entre partenaires intimes au Canada. Il est temps de « s’unir pour agir ». Asante.

L’honorable René Cormier [ + ]

Honorables sénateurs, au lendemain de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-249, Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes. Je remercie le sénateur Manning d’avoir présenté ce projet de loi si important et je tiens à reconnaître que je m’adresse à vous à partir du territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

La violence entre partenaires intimes a atteint des proportions absolument inacceptables au Canada, c’est un fait. Qu’elle soit psychologique, verbale, économique, physique ou sexuelle, la violence conjugale est dramatiquement trop présente dans notre société et elle exige que l’on prenne des actions urgentes et concrètes.

Saviez-vous, chers collègues, qu’une femme meurt toutes les 10 minutes dans le monde à cause de la violence conjugale? Selon Statistique Canada, entre 2014 et 2019, 3,5 % des Canadiens qui avaient un conjoint ou un partenaire en union libre ont déclaré avoir été victimes de violence conjugale, et cette forme de violence touche plus particulièrement les femmes. En 2019, 4,2 % des femmes au pays ont rapporté avoir subi ce type de violence, contre 2,7 % des hommes. Entre 2014 et 2019, 80 % des 500 Canadiens tués par leur partenaire intime étaient des femmes.

Dès l’adolescence, les femmes sont plus susceptibles de subir des formes graves de violence de la part de leur partenaire intime, notamment des agressions sexuelles, des menaces et des actes dirigés contre leurs proches. Elles sont également beaucoup plus susceptibles de perdre la vie dans des féminicides liés à la violence familiale. Comme le sénateur Manning l’a mentionné dans son discours sur le rapport du comité, depuis qu’il a présenté pour la première fois le projet de loi au Sénat en avril 2018, plus de 1 000 femmes ont été tuées par leur partenaire intime au Canada.

Afin de s’attaquer à cette réalité plus que troublante, le projet de loi S-249 dans sa nouvelle mouture, après l’étude en comité, prévoit que le ministre, et je cite, « continue à mener une action nationale visant à prévenir et à contrer la violence entre partenaires intimes ». Pour ce faire :

[...] il s’entretient, d’une part, avec les autres ministres fédéraux et les ministres provinciaux responsables de la condition féminine sur une base annuelle et, d’autre part, avec des partenaires autochtones, des victimes, des survivants, et des parties prenantes sur une base régulière;

Il est précisé dans le projet de loi que les discussions entre le ministre et les parties prenantes devront porter sur ce qui suit :

[...] le caractère adéquat des stratégies et des programmes actuels visant à prévenir la violence conjugale ainsi qu’à protéger et à aider les victimes de violence conjugale;

Cependant, chers collègues, sans minimiser l’horreur de la violence perpétrée contre les femmes — je souligne que ma propre mère a été victime de la violence d’un partenaire intime et que je suis très honoré de parler de ce projet de loi en présence de Mme Georgina McGrath —, nous devons admettre que les stratégies et les programmes actuels ne sont pas toujours adéquats, car ils présentent plusieurs lacunes importantes, notamment en ce qui concerne la violence des partenaires intimes contre les hommes, la violence entre partenaires de même sexe et l’impact de la violence familiale sur les enfants.

En effet, bien que les femmes soient les plus touchées par les formes les plus graves de cette violence, ce qu’il faut déplorer et dénoncer avec force, les hommes, qu’ils soient en couple dans des relations hétérosexuelles ou homosexuelles, en sont malheureusement victimes également. Cette réalité est fréquemment ignorée, mais les statistiques montrent que 2,7 % des hommes, soit environ 280 000 hommes au Canada, ont subi de la violence conjugale entre 2014 et 2019. Selon certaines études, les hommes représentent même jusqu’à un tiers des victimes de violence entre partenaires intimes.

Entre 1999 et 2019, les données de Statistique Canada indiquaient que 5,92 % des femmes et 5,12 % des hommes avaient été victimes de violence conjugale. Bien que les femmes soient sept fois plus susceptibles d’être assassinées par leur partenaire, les hommes ne sont pas absents de ces sinistres statistiques. En 2021, près du quart des 90 homicides conjugaux concernaient des hommes.

Pendant l’étude du comité sénatorial, nous avons entendu des témoignages poignants relatant les expériences de certains hommes qui ont été victimes de violence de la part de leur partenaire intime et qui ont subi de graves conséquences physiques et psychologiques, telles qu’une perte partielle de la vue, un traumatisme crânien, des tentatives de suicide et une dépendance à des substances pour faire face à leurs souffrances.

Le 7 novembre, le National Post a publié un article sur le monde caché des hommes victimes de violence conjugale. Matt, une victime, y raconte les violences physiques qu’il a subies. Il avoue avoir hésité à appeler la police, craignant de ne pas être pris au sérieux en raison de son sexe. Finalement, c’est un membre de la famille, alarmé par ses confessions, qui a pris l’initiative de contacter les autorités.

Tout comme les femmes, chers collègues, certains hommes se retrouvent souvent piégés dans des situations où ils doivent choisir entre leur propre sécurité et celle de leurs enfants. Ils craignent de les laisser à leur partenaire violent, mais n’ont souvent pas d’autre choix. Ainsi, par souci pour leurs enfants et par manque de refuges, ils restent dans des relations abusives. La crainte de perdre la garde de leurs enfants pèse lourdement sur leur décision de rester avec leur partenaire.

Par ailleurs, lorsqu’ils se tournent vers les forces de l’ordre, les professionnels de la santé ou les organismes d’aide, les hommes font souvent face à de la méfiance. Ils ne sont pas toujours pris au sérieux et parfois, ils sont même accusés à tort d’être les agresseurs.

Une étude menée en 2012 par le professeur Don Dutton, de l’Université de la Colombie-Britannique, révélait que plus de la moitié des hommes qui avaient fait des signalements à la police pour des violences subies avaient été traités comme des agresseurs plutôt que des victimes. Ces réalités contribuent à expliquer la réticence de nombreux hommes à chercher de l’aide. Ils craignent souvent de ne pas être crus, d’être ridiculisés ou d’être accusés à tort.

Lorsqu’il a témoigné devant le comité, le Dr Rob Whitley a évoqué des témoignages troublants à cet égard : un homme victime de violence qui avait contacté la police s’est fait demander ce qu’il avait fait pour « mériter » les coups qu’il avait reçus. Ce genre de réaction illustre pourquoi tant d’hommes hésitent à porter plainte.

Aussi, malgré la gravité des actes subis, les hommes signalent bien moins fréquemment que les femmes leurs expériences de violence conjugale à la police. Le même témoin a raconté au comité que moins de 20 % des hommes victimes de violence conjugale rapportaient leur expérience à la police ou à des professionnels de la santé.

Il faut reconnaître qu’un homme victime de violence conjugale, qu’il soit issu d’un couple hétérosexuel ou d’un couple de même sexe, ne correspond pas aux idées reçues qui sont associées aux victimes de ce type de violence.

Chers collègues, les hommes ont de la difficulté à parler de leur situation, ce qui contribue à l’écart important entre les données officielles de la police, qui identifient principalement les femmes comme les victimes, et les données autodéclarées, qui montrent que les hommes sont également victimes de violence entre partenaires intimes. Les préjugés associés au fait d’être un homme victime de violence familiale expliquent en grande partie pourquoi la violence qu’ils subissent est sous-déclarée. C’est pour cette raison que les statistiques de la police montrent que la majorité des agresseurs sont des hommes et que la majorité des victimes sont des femmes, alors que les données autodéclarées présentent un rapport beaucoup plus équilibré. En conséquence, les victimes masculines deviennent souvent invisibles dans les données officielles. Cette sous-déclaration efface leur existence des statistiques, ce qui limite la reconnaissance de leur situation et contribue au manque de services à leur disposition.

Chers collègues, actuellement, au Canada, les services spécifiquement conçus pour les hommes victimes de violence conjugale sont pratiquement inexistants. Lorsqu’ils existent, les professionnels qui offrent ces services ne sont pas toujours bien outillés pour offrir de l’aide aux victimes masculines. Il existe donc un écart évident entre la réalité vécue par les hommes victimes de violence conjugale et les services qui leur sont offerts.

Parmi les 600 refuges pour les victimes de violence conjugale au Canada, 4 % seulement acceptent les hommes, et rares sont ceux qui peuvent accueillir des hommes et leurs enfants. Des organisations comme le Centre canadien pour les hommes et les familles, dirigé par Justin Trottier, essaient de combler ces lacunes en offrant des refuges pour hommes à Toronto et Calgary, mais de tels efforts ne sont pas encore assez nombreux pour répondre pleinement aux besoins qui existent dans tout le Canada.

Chers collègues, il est clair que la violence entre partenaires intimes concerne tout le monde, sans distinction de genre ou d’orientation sexuelle. Les hommes sont peut-être trop souvent perçus uniquement comme des agresseurs, mais ils peuvent aussi être des victimes, une réalité qu’il est essentiel de reconnaître.

Une autre réalité troublante, chers collègues, est le fait que la violence entre partenaires intimes — peu importe que la cible soit un homme, une femme, une personne hétérosexuelle ou une personne homosexuelle — a des répercussions profondes sur les enfants qui y sont exposés. Ces enfants peuvent être directement témoins d’actes de violence en les voyant, en les entendant ou même en essayant d’intervenir. Les enfants peuvent également subir des effets négatifs sans être des témoins directs. Par exemple, ils peuvent observer les blessures physiques d’un parent, remarquer des changements dans son comportement ou être touchés par l’intervention des forces de l’ordre ou des services de protection de l’enfance.

Selon une étude publiée par le ministère de la Justice :

En 2014, 70 % des adultes qui ont déclaré avoir été témoins de violence de la part d’un parent à la maison lorsqu’ils étaient enfants ont aussi dit avoir été victimes de violence physique ou d’agression sexuelle pendant leur enfance‍.

Cela montre que la violence entre partenaires intimes est souvent associée à la violence directe contre les enfants.

La violence entre partenaires intimes a un impact profond et durable sur le développement des enfants qui en sont témoins, qu’ils soient directement ou indirectement exposés. Chez les tout-petits, cela peut causer des troubles de l’attachement et freiner leur développement cognitif.

À l’âge scolaire, cela se traduit souvent par des difficultés comportementales et émotionnelles, alors que chez les adolescents, cela affecte leur santé mentale et déforme leur perception des relations. Enfin, à l’âge adulte, ces séquelles peuvent entraîner des maladies chroniques, des troubles mentaux durables et un risque accru de reproduire ou de subir de la violence.

Bien que de nombreux enfants ayant été exposés à la violence entre partenaires intimes parviennent à développer des relations saines et harmonieuses à l’âge adulte, chers collègues, les recherches montrent que les garçons qui ont grandi dans des foyers violents sont plus susceptibles d’adopter des comportements violents dans leurs relations intimes, tandis que les filles courent un plus grand risque d’en être victimes.

Comme beaucoup de Canadiens, chers collègues, je suis né et j’ai grandi dans une famille où la violence conjugale était malheureusement présente. Je me souviens trop bien des nuits où, enfant, j’étais pétrifié dans mon lit en entendant mon père poser des gestes violents envers ma mère.

Je me souviens de l’angoisse ressentie par cet enfant de 8 ans, tremblant dans son lit, impuissant à défendre sa mère.

Je me souviens d’une grande détresse psychologique, pris entre l’amour pour sa mère, l’amour pour son père et le désir que cette violence cesse. Sans minimiser les gestes de mon père, je me souviens aussi du sentiment de déprime qui l’habitait au réveil quand il prenait conscience des gestes insensés qu’il avait posés envers ma mère.

Autant mon père était un homme bon et bienveillant envers sa femme et ses 10 enfants, autant il devenait violent et exerçait un contrôle sur ma mère et notre famille quand il consommait de l’alcool. Chers collègues, je me demande souvent, quand il posait de tels gestes, s’il avait reçu toute l’aide dont il avait tant besoin à l’époque.

Jeune adulte, je fus longtemps habité par la peur et l’anxiété à l’idée que certains de mes proches ou moi-même puissions subir une telle forme de violence, ou pire encore, la faire subir à d’autres.

J’ai la profonde conviction, aujourd’hui et depuis toujours, que nous ne réglerons pas la violence subie par les femmes et les autres victimes si nous n’agissons pas à la racine de cette violence, ce que ce projet de loi pourrait permettre de faire.

Le projet de loi S-249 prévoit que le ministre doit continuer à mener une action nationale visant à prévenir et à contrer la violence entre partenaires intimes. Il est essentiel que cette action nationale tienne compte de tous les facteurs mentionnés ci-dessus et qu’elle inclue toutes les victimes, qu’il s’agisse de femmes, d’hommes ou de personnes qui se considèrent en dehors de ces catégories. Cela signifie que les discussions avec les intervenants doivent inclure des hommes ayant survécu à la violence entre partenaires intimes, qu’ils soient hétérosexuels ou queer.

Les consultations prévues dans le projet de loi ont pour but d’évaluer la pertinence des stratégies et des programmes actuels visant à prévenir la violence entre partenaires intimes ainsi qu’à protéger et à aider les victimes de cette violence.

Cet effort mener à l’évaluation de ces stratégies et de ces programmes en fonction de leur capacité à protéger et à soutenir toutes les victimes de violence familiale, y compris les femmes, les hommes et les personnes qui ne font pas partie des catégories de genre binaires.

Honorables sénateurs, pour que nos politiques soient efficaces, elles doivent refléter toute la complexité de la réalité de la violence conjugale dans notre société. Elles doivent protéger et aider toutes les victimes, sans distinction de genre, d’expression de genre ou d’orientation sexuelle.

Bien sûr, je voterai en faveur de l’adoption du projet de loi S-249 à l’étape de la troisième lecture. Je remercie encore le sénateur Manning et Mme McGrath.

J’espère que le ministre responsable prendra pleinement en compte la réalité qui touche toutes les catégories de victimes de notre société. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons vraiment prévenir et contrer la violence entre partenaires intimes au Canada.

Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.

L’honorable Joan Kingston [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-249, Loi concernant une action nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes.

Je tiens à féliciter le sénateur Manning de son travail et de ses efforts concernant ce projet de loi. Je tiens également à dire à quel point je suis touchée que Georgina soit ici et que la sénatrice Petten ait raconté son histoire une fois de plus. À mes collègues qui ont parlé de leurs expériences personnelles, je dis que cela prend du courage. Je vous en remercie.

Dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence entre partenaires intimes, la loi confie au ministre la tâche de consulter d’autres ministres fédéraux, les représentants des gouvernements provinciaux responsables du développement social, des familles et de la sécurité publique, et les représentants de groupes qui offrent des services aux victimes de violence entre partenaires intimes ou qui les défendent en ce qui concerne la pertinence des programmes et des stratégies actuels visant à prévenir la violence entre partenaires intimes ainsi qu’à protéger et à aider les victimes de cette violence.

Aujourd’hui, je me concentrerai plus particulièrement sur la disponibilité d’une aide rapide pour les victimes.

Plus de 40 % des femmes canadiennes subissent des violences de la part d’un partenaire ou d’un ancien partenaire au cours de leur vie, et ces violences constituent une épidémie dont les victimes sont principalement des femmes. La violence porte atteinte à la sécurité, à la santé, aux finances et aux relations des femmes, souvent pendant une longue période, alors que la plupart des mesures de soutien sont à court terme et centrées sur les situations de crise. Les conséquences sur la santé, en particulier, ont un coût social et économique élevé, car elles touchent l’éducation des enfants, la productivité au travail et le bien-être à long terme des femmes.

La santé mentale et le développement des enfants qui subissent des violences au sein de leur foyer peuvent être perturbés. Ces enfants sont également plus susceptibles de vivre des relations malsaines et violentes à l’âge adulte. Jusqu’à 80 % des femmes ne cherchent jamais à obtenir une aide officielle en cas de violence entre partenaires intimes, surtout si elles vivent dans des endroits où il n’y a pas beaucoup de services, comme l’a souligné le sénateur Manning, ou si les listes d’attente pour obtenir de l’aide sont longues. De nombreuses femmes nomment également des obstacles tels que la honte, la stigmatisation, la peur pour leur vie privée, la peur que l’agresseur découvre leur démarche ou, tout simplement, le fait qu’elles ne savent pas par où commencer ou à quoi s’attendre.

En somme, les femmes victimes de violence entre partenaires intimes sont confrontées à toute une série de difficultés lorsqu’elles prennent la décision de mettre un terme à une relation de violence et lors de la séparation d’avec un partenaire violent; ces difficultés persistent souvent sur une longue période. Même s’il a été démontré que les femmes sollicitent de l’aide pour de nombreux types de services, y compris les soins de santé, peu d’interventions répondent à toute la gamme complexe de besoins et de priorités des femmes, ou ont démontré qu’elles produisaient de multiples bienfaits.

Pour combler les lacunes existantes, je suis fière de dire qu’il existe un programme qui, selon les recherches, a eu des résultats positifs pour les femmes victimes de violence entre partenaires intimes. Le programme Intervention for Health Enhancement and Living, ou iHEAL, est financé par l’Agence de la santé publique du Canada et est actuellement offert à trois endroits : le Bureau de santé de Middlesex-London, à London, en Ontario; le Centre de santé communautaire du centre-ville de Fredericton; et la Kilala Lelum Urban Indigenous Health and Healing Cooperative, à Vancouver, en Colombie-Britannique.

Les exemples de contrôle coercitif dont j’ai parlé dans mes observations à l’appui du projet de loi C-332 proviennent de femmes qui participent au programme iHEAL au Nouveau-Brunswick.

Les recherches du programme iHEAL sont dirigées par Marilyn Ford-Gilboe, de l’École des sciences infirmières de l’Université Western, en Ontario, Kelly Scott-Storey, de la Faculté des sciences infirmières de l’Université du Nouveau-Brunswick, et Annette Browne, de l’École des sciences infirmières de l’Université de la Colombie-Britannique. Elles ont conçu le programme iHEAL comme un programme d’intervention et de promotion de la santé fondée sur des données probantes qui vise à aider les femmes dans leur transition lorsqu’elles veulent quitter un partenaire violent et à les aider à cerner leurs problèmes de santé et d’autres problèmes ainsi qu’à y remédier.

Le programme iHEAL s’appuie sur la théorie qualitative du renforcement de la capacité à limiter l’intrusion, qui décrit les multiples priorités des femmes qui se séparent d’un partenaire violent et les difficultés intrusives qui en découlent et auxquelles elles sont doivent faire face lorsqu’elles s’efforcent de bâtir une nouvelle vie pour elles-mêmes et pour leurs enfants.

Cette théorie a donné naissance aux six composantes de l’intervention, chacune d’entre elles se concentrant sur un problème connu, qui nuit au bien-être des femmes. L’ampleur de l’application iHEAL — dans laquelle le personnel infirmier se concentre simultanément sur la sécurité physique et émotionnelle des femmes, leur santé et leur bien-être, leurs relations et leurs liens avec d’autres personnes et leurs besoins fondamentaux au fil du temps alors qu’elles négocient la transition de la séparation, ainsi que son approche fondée sur les traumatismes et la violence et axée sur l’équité — constitue une nouveauté parmi les interventions contre la violence exercée par un partenaire intime. L’application iHEAL comble une lacune majeure dans les interventions destinées aux femmes victimes de violence de la part d’un partenaire intime en adoptant une perspective à long terme sur les besoins des femmes en matière de soutien. En effet, de nombreuses interventions et de nombreux services se concentrent sur la période de crise qui précède le départ et moins sur les problèmes et les besoins à long terme des femmes tout au long du processus de séparation, y compris lorsqu’elles essaient de créer une vie séparée de leur partenaire.

Sur la base de fondements théoriques et de recherches, ils ont conçu l’application iHEAL pour qu’elle convienne aux femmes qui ont qualifié leur relation de violente et qui prennent des mesures pour y remédier d’une manière ou d’une autre. Il ne s’agit pas nécessairement de se séparer, bien que la majorité des femmes victimes de violence entre partenaires intimes au Canada finissent par se séparer de leur partenaire violent.

Les résultats de la recherche montrent qu’un soutien adapté, tenant compte des traumatismes et de la violence et dirigé par des femmes, apporté par une infirmière autorisée qualifiée, a des effets bénéfiques importants et durables sur les femmes victimes de la violence et de ses effets sur la santé. Les infirmières autorisées possèdent toutes les compétences requises pour offrir le programme iHEAL, mais elles ont besoin d’une formation supplémentaire et d’un soutien clinique et organisationnel pour pouvoir le faire d’une manière qui demeure bénéfique pour les femmes. Étant donné que les infirmières constituent le groupe le plus important de prestataires de soins de santé au Canada et qu’elles sont présentes dans presque toutes les communautés, grandes et petites, le potentiel d’extension du programme iHEAL dans les services existants est élevé.

Les chercheurs ont également développé une application pour compléter le programme. L’application iHEAL aide les femmes à prendre leur vie en main. Elle est gratuite, privée et confidentielle, et disponible en français et en anglais. Des activités et des sujets liés à la santé, aux relations, aux finances et à la sécurité sont présentés en fonction de ce que la recherche nous apprend sur les besoins et les priorités des femmes. Des activités interactives — telles que l’évaluation du danger, une liste de contrôle des mesures de sécurité, une liste de contrôle des symptômes, des relations saines avec un partenaire et le développement de sa famille — et des sujets d’information aident les femmes à réfléchir à leur situation et aux solutions qui s’offrent à elles. Les femmes indiquent leur province ou leur territoire afin que l’application puisse fournir des liens personnalisés vers des ressources, avec une brève description de chacune d’entre elles, adaptées à l’endroit où elles se trouvent, et les femmes peuvent rechercher des ressources. Les informations, les activités et les ressources peuvent être sauvegardées, ce qui permet aux femmes d’adapter l’application à leurs propres besoins au fil du temps.

L’application tient compte des traumatismes et de la violence. Elle est conçue pour travailler avec les femmes là où elles se trouvent et pour fournir des renseignements pratiques afin d’aider les femmes à planifier les prochaines étapes sans jugement. Elle met l’accent sur les forces et les réussites des femmes, en tenant compte des complexités de la vie et des options qu’ont les femmes, et en donnant le contrôle aux femmes. Pour avoir utilisé un peu l’application, je sais aussi qu’elle comporte des mesures de sécurité pour que les femmes ne se fassent pas prendre à l’utiliser, si c’est un problème.

L’application a du succès et a enregistré plus de 6 000 utilisatrices actives au Canada au cours de sa première année d’existence. Un nombre croissant de fournisseurs de services — par exemple la police, le personnel infirmier et les services d’établissement — aiguillent les femmes vers l’application ou l’utilisent dans le cadre des services qu’ils fournissent, ce qui élargit le soutien offert aux femmes, comme le fait également le programme iHEAL.

En tant que témoin à la réunion du comité sénatorial sur le projet de loi S-249, l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario a fait valoir que les infirmières et infirmiers en particulier sont au cœur de la prévention de la violence entre partenaires intimes et de l’intervention dans tous les contextes de santé parce qu’ils sont souvent les premiers membres de l’équipe de santé à interagir avec les patients victimes de violence entre partenaires intimes et qu’ils sont un point de contact commun avec les clients en période de stress et de maladie, ainsi que lors des transitions développementales comme l’adolescence, la grossesse, la parentalité et les trajectoires de vie.

Les données d’enquête montrent que la profession infirmière est l’une des plus respectées au Canada. La fiabilité du personnel infirmier est un atout intangible dans l’établissement de relations de confiance, qui sont essentielles pour faciliter la divulgation et avoir une incidence sur les résultats. Le personnel infirmier est accessible, il travaille dans tous les milieux du système de santé, et leurs connaissances et compétences particulières sont des atouts précieux pour dépister, reconnaître et gérer la violence conjugale.

Enfin, le personnel infirmier n’établit pas de relations potentiellement intimidantes de coercition ou de contrôle. Au contraire, il s’appuie sur des cadres holistiques de promotion de la santé qui intègrent des stratégies d’autonomisation et de défense des droits, ce qui, selon la recherche, est particulièrement important lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de femmes victimes de violence.

Les résultats montrent qu’iHeal — une intervention en promotion de la santé qui offre un appui général, personnalisé et dirigé par des femmes sur toute une série de questions — présente des avantages initiaux et à long terme pour la qualité de vie, la santé, le bien-être et la sécurité des femmes, qui se maintiennent dans le temps. Les résultats apportent de nouvelles preuves que le personnel infirmier autorisé spécialement formé peut jouer un rôle pour offrir un soutien efficace aux femmes. Ces résultats prometteurs constituent une base solide pour la mise en œuvre et l’expansion d’iHeal au Canada, sans parler de la possibilité d’adapter et de tester cette intervention efficace dans d’autres pays.

L’équipe d’iHEAL est activement à la recherche de possibilités d’expansion. J’attends avec impatience l’expansion d’iHEAL dans le cadre de la stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale. Merci. Wela’lin.

Georgina McGrath, sa famille et le sénateur Manning se rappelleront qu’en 2018, je m’opposais à ce projet de loi. Je pensais que la plupart des mesures proposées existaient déjà et qu’il serait redondant. Je tenais à prendre brièvement la parole ce soir simplement pour vous dire, sénateur Manning, que j’avais omis le fait le plus important à propos de votre projet de loi et que je regrette de ne pas l’avoir mieux compris.

Vous avez mentionné une statistique selon laquelle une femme meurt toutes les 10 minutes. Elle provient d’ONU Femmes. Ce que nous observons n’est pas une épidémie, mais bien une pandémie mondiale de violence croissante que la civilisation humaine n’a aucunement réussi à prévenir, à combattre et à éliminer.

Dans les cercles féministes, on parle souvent de dénoncer les hommes. En réalité, ce projet de loi sert à inclure les hommes. Il vise à tous nous unir, quels que soient notre genre ou notre affiliation. C’est un projet de loi très important.

Les exemples qui ont été fournis ce soir, les histoires racontées qui viennent du fond du cœur montrent amplement que ces personnes sentent qu’elles peuvent le faire en toute sécurité. J’admire le fait que vous, un homme, ayez pris cette initiative et que d’autres hommes l’appuient. Il s’agit réellement d’un effort concerté de la part de tous les sénateurs. J’espère sincèrement que nous adopterons ce projet de loi très rapidement. Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

L’honorable Kim Pate [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que porte-parole, une porte-parole bienveillante, du projet de loi S-249. Je tiens à remercier une fois de plus le sénateur Manning de son engagement à faire avancer ce projet de loi visant à remédier à la pandémie de violence à l’égard des femmes et de violence entre partenaires intimes au pays.

Je tiens également à vous remercier, chers collègues. Le projet de loi S-249 est important, mais le projet de loi S-230 l’est tout autant, et je tiens à vous remercier du fait qu’en plus d’examiner ce projet de loi, nous terminerons le débat et procéderons au vote à l’étape de la troisième lecture sur le projet de loi S-230 le 10 décembre.

La loi de Georgina et la loi de Tona sont étroitement liées. Tona a été condamnée pour avoir tenté d’échapper à la violence et au viol incestueux, d’échapper à la violence. Ce projet de loi vise donc à renforcer la prévention.

Je tiens également à remercier les millions de femmes dont l’expérience a eu un impact direct sur la mienne et sur votre compréhension de la nécessité urgente d’aborder ces questions. Je remercie tout particulièrement les nombreuses femmes et jeunes filles, dont Georgina McGrath, qui ont fait preuve d’un courage et d’une force incroyables en partageant leurs expériences et en insistant pour que nous fassions tous la lumière sur la terreur honteusement omniprésente et pourtant souvent cachée dont sont victimes les femmes les plus démunies. Ces réalités constituent l’horrible toile de fond de ce projet de loi.

La défense tenace de Mme McGrath a joué un rôle déterminant en inspirant le sénateur Manning à élaborer ce projet de loi et, par conséquent, nous rappelle à tous l’importance d’exiger des mesures significatives pour prévenir et éliminer les situations qui donnent lieu à la violence et aux mauvais traitements patriarcaux et misogynes ou qui les exacerbent.

Tel qu’amendé par le Comité des affaires sociales, le projet de loi S-249 demande au gouvernement fédéral, par un engagement régulier avec divers groupes — ministres fédéraux, représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux, peuples autochtones ainsi que victimes, survivants et autres parties prenantes — de continuer à prendre des mesures pour prévenir et contrer la violence entre partenaires intimes. Nous savons que la violence entre partenaires intimes touche des personnes de tous les sexes, de tous les âges, de tous les niveaux d’instruction et de tous les milieux socioéconomiques, raciaux, ethniques, religieux et culturels. Nous savons également que les femmes représentent la grande majorité des personnes qui subissent cette forme de violence fondée sur le genre et que cette violence est le plus souvent perpétrée par des hommes.

Le sénateur Manning a cité les mots de l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et je n’ai pas besoin de les répéter, mais j’ajouterais qu’outre le fait que la violence ne connaît aucune frontière géographique, culturelle ou de richesse, elle est souvent niée, et les auteurs sont moins susceptibles d’être tenus responsables de leur comportement quand ils occupent des positions de privilège et de pouvoir. Il suffit de regarder ce qui se passe dans le monde, par exemple la récente élection à la présidence des États-Unis d’un prédateur connu pour ses agressions sexuelles.

Pendant trop longtemps, nous avons parlé de la nécessité de remédier à la violence contre les femmes et à la violence entre partenaires intimes sans prendre les mesures qui s’imposaient. Les élections américaines ont envoyé un message sans précédent aux victimes et, surtout, aux agresseurs, un message qui fait froid dans le dos et qui enhardit les agresseurs, et on ne peut pas l’ignorer. Pendant des décennies, la réponse systématique a été d’imposer des peines plus sévères et plus longues aux personnes reconnues coupables de violence. Ces mesures n’ont pas assuré la sécurité des femmes. Pratiquement aucun cas n’est signalé, et encore moins de cas donnent lieu à des accusations, voire à des condamnations. Les personnes condamnées sont généralement les plus faciles à attraper, celles qui sont marginalisées par la pauvreté, la race, le handicap ou leur propre expérience de la violence.

Une fois qu’ils ont purgé leur peine, qu’ils assument pleinement la responsabilité de leurs actes et qu’ils sont prêts à apporter une contribution positive à la collectivité, on ne leur offre pas la possibilité de se libérer de la stigmatisation associée à un casier judiciaire, ce que des mesures comme le projet de loi S-212 pourraient offrir, en grande partie en raison du genre de discours de « répression de la criminalité » que le prochain président des États-Unis prône. Le fait qu’il ait agi ainsi en dépit de sa propre condamnation criminelle pour avoir caché des paiements versés à une travailleuse du sexe pour la faire taire, en dépit du fait qu’un jury l’a jugé civilement responsable d’agressions sexuelles et en dépit du fait qu’il s’est vanté à maintes reprises d’avoir commis des agressions sexuelles, tout cela renforce la parodie que nous devons combattre ensemble.

Trop d’hommes, en particulier ceux qui sont riches, puissants et privilégiés, sont en mesure de s’en prendre aux femmes en toute impunité. Nous devrions être horrifiées, mais non surprises, de la tendance observée sur les médias sociaux dans les heures qui ont suivi les élections, à savoir l’expression « ton corps, mon choix », en plus d’autres menaces misogynes de grossesse forcée et de viol. Il ne faut pas non plus se surprendre que le nouveau président ait invité le baladodiffuseur nationaliste blanc qui semble s’attribuer le mérite de cette expression devenue virale.

D’autres messages populaires en ligne appelaient les femmes à « retourner à la cuisine » et à abroger le 19e, en référence à l’amendement de la Constitution américaine qui protège le droit de vote des femmes. Les sondages effectués à la sortie des urnes indiquent d’ailleurs que les hommes ont été plus nombreux à préférer le prochain président des États-Unis par la marge de 13 %. Les femmes, en particulier les jeunes, les Noires et les Latino-Américaines, ont pour leur part été plus nombreuses à voter contre lui par la marge de 8 %. Parmi les personnes qui ont le plus voté en sa faveur par rapport aux dernières élections, on trouve les hommes de moins de 34 ans, le groupe démographique le plus susceptible de suivre les influenceurs et les baladodiffuseurs qui diffusent des messages violents à l’encontre des femmes.

Ces derniers jours, l’utilisation de ces messages dans le but de dominer, de réduire au silence et de punir les femmes et les jeunes filles a dépassé le monde en ligne et s’est répandue dans les écoles. L’Institute for Strategic Dialogue répertorie les signalements de jeunes garçons dans des salles de classe chantant « ton corps, mon choix » aux filles de leur école. Le harcèlement sur les campus universitaires s’intensifie également et des groupes d’hommes portant des vêtements promotionnels du mouvement MAGA auraient dit aux étudiantes de rentrer à la maison, car c’est là leur place.

Le 25 novembre était la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Le 6 décembre, le Canada marquera le trente-cinquième anniversaire du massacre de l’École polytechnique, où 14 femmes ont été tuées simplement parce qu’elles étaient des femmes dans une salle de classe d’ingénierie. L’urgence de travailler ensemble pour assurer la sécurité des femmes à la maison, à l’école, au travail et dans la communauté n’a jamais été aussi évidente.

Pendant que des filles et des femmes étaient victimes de harcèlement à l’école ce mois-ci, le prochain président des États-Unis tentait de nommer procureur général — le chef du département de la Justice — son principal conseiller juridique et son principal responsable de l’application de la loi, un homme qui a fait l’objet d’une enquête de ce même département de la Justice et de ses collègues du Congrès relativement à la traite d’enfants à des fins sexuelles. Le département de la Justice a refusé de porter des accusations contre lui, notamment pour des raisons qui ne seront que trop familières aux victimes et aux survivants de violence, à leurs alliés et à leurs défenseurs : les autorités se demandaient si un jury croirait le témoignage d’une enfant de 17 ans, aujourd’hui une jeune femme, qui l’avait accusé.

L’enquête du Congrès a été bloquée quand le procureur général pressenti a démissionné du Congrès avant qu’un rapport final sur sa conduite puisse être publié. Des témoins entendus par le comité du Congrès chargé de l’enquête ont toutefois laissé entendre qu’il avait payé une enfant pour avoir des relations sexuelles. Bien que cet homme n’ait finalement pas réussi à obtenir l’appui d’un nombre suffisant de sénateurs pour confirmer sa nomination, au moins un autre membre pressenti du Cabinet, au poste de secrétaire à la Défense, a également fait l’objet d’une enquête policière en lien avec des actes de violence sexuelle. En fin de compte, il n’a pas été accusé et il a versé un paiement de règlement à la plaignante, qui est maintenant assujettie à une entente de non-divulgation.

Nous assistons à la montée en puissance d’acteurs politiques qui, au mieux, sont des complices et, au pire, encouragent le harcèlement et la violence à l’encontre des femmes et des partenaires intimes à des fins politiques. Dans ce climat, les hommes, y compris au Sénat, à l’autre endroit et ailleurs, doivent s’engager, redoubler d’efforts et montrer l’exemple du comportement que doivent adopter nos dirigeants et nos modèles afin de défendre l’égalité pour tous.

Cela inclut des formes plus insidieuses de sexisme et de misogynie, dont beaucoup sont intégrées dans les modes de fonctionnement de nos institutions. Il s’agit non seulement d’actes manifestes de violence, mais aussi de formes plus difficiles à discerner et trop souvent plus cachées de coercition et de contrôle.

Comme nous l’a rappelé Kofi Annan, tant que la violence à l’égard des femmes continuera d’être perpétrée, « [...] nous ne pourrons prétendre à des progrès réels pour atteindre l’égalité, le développement et la paix ».

Un nouveau rapport d’ONU Femmes sur les féminicides dans le monde souligne que, en 2023 seulement, sur les 85 000 femmes qui ont définitivement été tuées par un homme, 60 % ont été tuées par leur conjoint ou un membre de leur famille. Le rapport conclut que pour les femmes, l’endroit le plus dangereux, c’est leur maison.

Cette année, l’histoire de Gisèle Pelicot a rappelé au monde entier que cela est la réalité et qu’il existe une connivence entre des tiers qui maintiennent les femmes en danger. Dominique Pelicot a admis avoir violé son épouse, une grand-mère de 72 ans et une ancienne directrice d’entreprise française, et d’avoir organisé son viol par d’autres hommes alors qu’elle était inconsciente au domicile familial. Il a pris des milliers de photos et de vidéos afin de documenter ces agressions sexuelles répétées sur une période de 10 ans.

Pour avoir participé à ce nombre abominable de viols, 50 hommes subissent un procès. La plupart ont tenté de prétendre qu’ils croyaient que Mme Pelicot avait donné son consentement, même si elle était inconsciente, ou qu’elle participait à un soi-disant jeu sexuel… pensez-y. Parmi les dizaines d’hommes que M. Pelicot avait invités chez lui dans ce but, aucun ne semblait avoir avisé les autorités ou pris la moindre mesure pour prévenir ces actes violents.

Mme Pelicot a obtenu un soutien fort et sincère de la part de femmes du monde entier pour avoir courageusement renoncé à son droit à la vie privée et à l’anonymat, et pour avoir insisté sur la tenue d’audiences publiques. Son objectif était de renverser le scénario de la culpabilisation des victimes et d’insister sur les changements à apporter à la culture du viol tolérée par la société et à l’idée que les violences sexuelles sont commises par quelqu’un d’autre, et non par le conjoint, les amis et les voisins, et parfois les collègues.

Que faut-il donc faire? Comme l’ont souligné les médias et les experts, les efforts législatifs visant à remédier à la violence entre partenaires intimes ont échoué. Dans la pratique, ils se résument à un simple symbole de notre volonté de lutter contre la violence à l’égard des femmes au pays. Les mesures en droit criminel fondées sur des lois toujours plus punitives et contraignantes, sans le financement, l’infrastructure et les ressources indispensables pour prévenir la violence, y réagir et la traiter ne sont rien de plus que des paroles en l’air.

Pire encore, lorsque les femmes et les filles voient des hommes se livrer impunément à des comportements violents et intimidants, elles ne sont pas incitées à croire qu’elles seront crues ou soutenues si elles dénoncent un comportement abusif. En effet, à la suite de son étude réalisée en août 2022 pour le Bureau du commissaire aux droits de la personne de la Colombie-Britannique, Myrna Dawson a qualifié « [...] l’impact des lois existantes sur le changement social [de] faible [...] ».

Honorables sénateurs, si le projet de loi S-249 doit faire plus qu’éveiller les consciences, nous devons nous demander les uns aux autres et à tous les gouvernements de rendre des comptes et insister sur la mise en œuvre de mesures proactives, systémiques et durables pour lutter contre l’inégalité et l’injustice. Les mesures proactives doivent s’attaquer aux causes profondes de la violence entre partenaires intimes et à l’inégalité qui sous-tend et renforce les structures et les systèmes socioéconomiques et les systèmes de pouvoir existant au sein desquels nous opérons. Ces facteurs sont les plus préjudiciables et, trop souvent, fatals pour les femmes, d’autant plus si elles appartiennent également à des populations marginalisées, à savoir les femmes autochtones, les femmes noires et les autres personnes marginalisées en raison de leur race, celles qui vivent dans la pauvreté ou qui sont handicapées, les membres des communautés 2ELGBTQQIA+ et celles qui sont opprimées principalement par l’utilisation du pouvoir et les abus de pouvoir par les hommes.

Comme le souligne le journaliste Dean Beeby dans ses livres sur la Commission des pertes massives et le féminicide dans le comté de Renfrew, « [...] il y a longtemps qu’il a été démontré que les féminicides entre partenaires intimes sont l’un des rares crimes prévisibles et évitables ». Nous avons la responsabilité de mettre en œuvre des mesures visant à empêcher les femmes maltraitées d’être victimes de viols, d’agressions et de meurtres.

Pour comprendre à quel point la menace de la violence des hommes est courante et enracinée dans l’expérience collective des femmes, il suffit de parcourir les médias sociaux. Les menaces observées après les élections américaines m’ont fait penser à un débat viral sur TikTok au printemps dernier, lorsque le Comité sénatorial des affaires sociales entamait l’étude du projet de loi S-249. Les femmes répondaient à la question de savoir si elles préféraient être laissées seules dans les bois avec un homme ou un ours. La plupart choisissaient l’ours. De nombreuses personnes ont avancé des arguments bouleversants selon lesquels « […] la pire chose que l’ours puisse faire, c’est de me tuer […] », « […] au moins, les gens me croiraient si je disais qu’un ours m’a attaquée […] » et « […] personne ne me demanderait ce que je portais […] ». Ce genre de réponses révèle ce que bien trop de femmes vivent : les effets déshumanisants, coûteux et psychologiquement irrémédiables de la violence sexuelle.

Qui plus est, la réaction d’un grand nombre d’hommes a montré leur ignorance insensible, leur privilège et leur confusion envers les réponses des femmes. Certains se sont offusqués et ont riposté. Il était particulièrement effrayant de lire des réponses qui illustraient non seulement une incompréhension totale de l’omniprésence de la violence physique et sexuelle dans les expériences vécues par les femmes, mais qui contribuaient également à ces menaces. Nous devons mettre fin à ces menaces qui pèsent sur la vie et les décisions quotidiennes des femmes.

Cette dichotomie souligne la nécessité de démanteler les piliers du patriarcat, des privilèges et du pouvoir qui ont longtemps servi à perpétuer et à maintenir la position sociale subordonnée des femmes par rapport aux hommes dans notre pays et partout dans le monde.

En 1993, soit il y a maintenant plus de 30 ans le Comité canadien d’action sur le statut de la femme — la plus grande organisation féministe nationale de l’époque —, composé de plus de 700 groupes affiliés, a formulé les 99 mesures fédérales pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes. Le comité a reconnu que la violence à l’égard des femmes est fondamentalement et inextricablement enracinée dans l’inégalité substantielle des femmes. Sa stratégie reconnaissait que :

[...] les femmes pauvres, les femmes handicapées, les femmes de couleur et les femmes [autochtones] sont plus susceptibles d’être victimes d’agressions, et nous semblons avoir du mal à voir l’avantage que les hommes ont sur ces femmes et comment ces avantages juridiques, sociaux et économiques font partie de l’arsenal des agressions violentes. Tous les types d’avantages acquis (qu’il s’agisse de l’appartenance à la race dominante ou de l’exercice d’une profession) sont trop souvent utilisés pour faire du tort aux femmes. Aucun programme visant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes ne peut être efficace s’il ne rompt pas ces relations de pouvoir et qu’il ne les transforme pas dans le sens de l’égalité.

En effet, comme il a été reconnu et réaffirmé dans plusieurs rapports au cours des décennies qui ont suivi, y compris le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre, le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences de 2019 et le rapport de 2022 de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones, pour mettre fin à la violence entre partenaires intimes, il faut la contextualiser dans des structures et des systèmes sociaux et économiques plus vastes. Cela comprend une collaboration entre les secteurs — juridique, social et économique — pour démanteler les normes patriarcales qui désavantagent les femmes et les empêchent d’atteindre les mêmes niveaux de protection juridique, de statut social et de stabilité financière que ceux dont jouissent les hommes.

Pourquoi tant de féministes — dont je fais partie — insistent-elles sur la nécessité d’un revenu minimum garanti? Les désavantages économiques que vivent les femmes sont nombreux. Elles gagnent en moyenne 89 cents pour chaque dollar gagné par leurs homologues masculins. L’écart est encore plus grand chez les femmes qui sont confrontées à des obstacles supplémentaires à l’atteinte d’une égalité réelle en raison de leurs identités qui se recoupent, en particulier les femmes autochtones, les autres femmes racialisées et marginalisées, ainsi que les femmes handicapées.

Plus de 1,5 million de femmes au Canada vivent dans la pauvreté et 10 fois plus de femmes que d’hommes ont quitté le marché du travail depuis 2020. Plus de femmes que d’hommes au Canada se trouvent dans une situation financière vulnérable et précaire. C’est un constat troublant en soi, mais qui l’est encore plus dans le contexte des conséquences financières préjudiciables souvent subies par les survivantes de la violence entre partenaires intimes.

Selon une étude réalisée en 2012, plus de 80 % des coûts de la violence entre partenaires intimes au Canada — qui sont estimés à 6 milliards de dollars par an — sont assumés par les survivantes elles-mêmes, sous la forme de frais médicaux, de perte de salaire, de perte d’éducation, de biens volés ou endommagés, de douleurs et de souffrances. Selon une étude réalisée en 2021 par le Centre canadien pour l’autonomisation des femmes, 80 % des survivantes de la violence entre partenaires intimes dans la seule région de la capitale nationale ont déclaré que leur partenaire avait adopté des comportements plus contrôlants et coercitifs à l’égard de leurs finances et de leur stabilité économique pendant la pandémie, et 1 femme sur 10 a été ramenée sous le contrôle de son agresseur en raison de contraintes liées à la dépendance financière. La possibilité d’échapper à la violence est un privilège que la pauvreté rend trop souvent inaccessible.

Dans les années 1970, l’expérience du revenu annuel de base au Manitoba, le Mincome, a entraîné une réduction de 17,5 % de la criminalité, dont 350 crimes violents de moins par 100 000 habitants par rapport à des villes semblables. Les chercheurs ont attribué cette réduction au fait que le Mincome a réduit le stress financier, ce qui a réduit la probabilité d’un incident violent, et a également amélioré le pouvoir de négociation et l’autonomie des femmes, ce qui a réduit l’incidence des agressions commises par un partenaire.

Des recherches récentes font écho à ces conclusions : les transferts d’argent envoyés directement aux femmes peuvent contribuer à lutter contre les inégalités entre les sexes et à donner de l’autonomie aux femmes et aux filles en améliorant leur position de négociation, leur mobilité et leur statut économique et social, ce qui réduit le risque de violence entre partenaires intimes. Le revenu de base garanti suffisant peut également aider les femmes et les autres personnes marginalisées qui fuient des situations de violence en leur fournissant les ressources financières nécessaires pour trouver un logement sûr et de la nourriture pour elles et pour leurs enfants.

De tels faits révèlent précisément pourquoi les appels à la justice 4.5 et 16.20 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées portaient sur le revenu minimum garanti national et pourquoi l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a récemment déclaré devant le Comité des finances nationales : « Il y a toute une science de la prévention de la criminalité qui s’harmoniserait bien avec les principes du revenu minimum garanti [...] »

Comme l’a dit Isabel Grant lors de son témoignage à la Commission des pertes massives :

[...] l’autonomie économique de chaque femme dans ce pays est un énorme élément de la capacité des femmes d’échapper à toute forme de violence sexuelle.

Pour que le projet de loi S-249 ait un impact positif sur la libération des femmes, il ne doit pas seulement reconnaître les lacunes de l’aide sociale et économique existante, mais y remédier, et garantir des soins de santé réellement accessibles et efficaces, des solutions en matière de logement sûres et adéquates, la sécurité alimentaire et l’accès à des services universels de garde d’enfants.

Le sénateur Manning nous a rappelé les statistiques, et je n’y reviendrai pas, mais les femmes sont souvent condamnées pour ce que l’on appelle leur « choix de rester ». Les statistiques nous disent le contraire. Les femmes ne choisissent pas de rester dans des relations abusives. Toutefois, pourquoi ne pas plutôt chercher à savoir pourquoi les hommes ne veulent pas laisser partir les femmes — ou mener un examen sérieux pour trouver des endroits et des moyens pour s’en aller que nous pourrons suggérer aux femmes?

Comme Mme McGrath et plusieurs autres témoins l’ont souligné au comité, les femmes victimes de violence entre partenaires intimes sont censées porter le fardeau de la recherche d’un refuge sûr pour elles-mêmes et leurs enfants, ainsi que de l’atteinte de l’indépendance financière à l’abri de l’influence ou du contrôle de leur partenaire violent — tout cela en dépit de l’absence de soutien, et encore moins d’infrastructures, pour les aider à y parvenir.

Certains organismes et fournisseurs de services dont les efforts visent à remédier à la violence faite aux femmes ont mis en œuvre des mesures d’intervention en tenant compte de considérations pratiques et du bien-être des femmes — la sénatrice Kingston et d’autres en ont donné des exemples — et il existe des approches comme les cercles de femmes autochtones et le modèle de logement Safe at Home de WomanACT, à Toronto, qui permet aux femmes fuyant la violence de rester en sécurité dans leur logement actuel ou de déménager directement dans un logement autonome pendant que l’agresseur est retiré du foyer, ce qui réduit les risques de préjudice pour les femmes et les enfants.

Nous devons nous assurer que les stratégies sont viables à long terme et qu’elles accordent la priorité à la sécurité et au bien-être des femmes. Les femmes ne devraient pas continuer de faire face à des difficultés supplémentaires lorsqu’elles font des efforts pour échapper à la violence et aux mauvais traitements.

À cet égard, je tiens à souligner le travail du sénateur Manning et du Comité des affaires sociales, qui ont tenu compte des préoccupations soulevées par plusieurs témoins et supprimé des dispositions du projet de loi qui auraient nécessité un engagement en ce qui concerne:

[...] l’obligation des professionnels de la santé de signaler à la police les actes de violence conjugale qui, à leur avis, auraient été subis par leurs patients [...]

Comme nous l’avons entendu, la mise en œuvre de l’obligation de signaler peut involontairement entraver l’accès au soutien et aux soins de santé nécessaires pour les personnes victimes de violence entre partenaires intimes.

Les victimes de violence entre partenaires intimes s’adressent aux prestataires de soins de santé et aux lieux de culte plus que tout autre service dans leur communauté. C’est dans ces lieux que de nombreuses victimes sont le plus susceptibles d’établir des rapports et de favoriser des relations qui atteignent un niveau de confort qui leur permet et les habilite à révéler leur situation. Une obligation de signalement sans le soutien et l’éducation nécessaires pourrait dissuader certaines victimes d’accéder à ces lieux et à ces services. En raison des effets de longue date du colonialisme, du racisme et du patriarcat, qui sont ancrés dans le fonctionnement de nos institutions sociales — y compris le système de santé, les services de police, les services correctionnels et tant d’autres éléments —, les femmes noires et les femmes autochtones ont bénéficié d’encore moins de protection, de respect et de soins que les femmes non marginalisées sur le plan racial — sans parler des hommes.

Il est impératif de noter que seulement environ un cas de violence entre partenaires intimes sur dix est signalé. Si nous voulons encourager les victimes à porter plainte et à demander de l’aide, elles doivent être convaincues qu’elles disposent d’un soutien social, financier et juridique adéquat.

L’histoire troublante du Canada en matière de violence à l’égard des femmes autochtones, en particulier, contribue au fait qu’elles « sont souvent victimes de racisme, de sexisme et d’autres formes de discrimination [...] [d]ans leurs rencontres avec les différentes institutions ». L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées fait état de beaucoup trop de récits de rencontres empreintes de mépris et conflictuelles avec la police à la suite d’expériences de violence faite aux femmes.

De nombreux témoins ont affirmé dans le cadre de l’Enquête :

[...] ne plus se sentir à l’aise de faire appel à [la police] lorsqu’ils sont en danger, par crainte que les policiers contribuent à la violence déjà subie. Ces histoires marquées par la violence — et la prédation en toute impunité — expliquent en grande partie la réticence des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones à avoir confiance envers les institutions...

... à la suite de leurs rencontres. Non seulement les femmes autochtones sont continuellement rejetées lorsqu’elles signalent des actes de violence, mais elles sont aussi souvent dépeintes comme des agresseuses, traitées comme si la violence était de leur faute et considérées comme des victimes moins dignes de ce nom par de nombreuses personnes, à commencer par la police et parfois leurs avocats, des juges et l’ensemble du système de justice pénale.

Le harcèlement et la violence des autorités juridiques — que les peuples autochtones ne connaissent que trop bien — conjugués au mépris, à l’hyperresponsabilisation et au manque de considération que subissent les femmes et les filles autochtones lorsqu’elles signalent leurs expériences de violence faite aux femmes font en sorte qu’elles hésitent à signaler un incident à qui que ce soit.

Aussi troublante que soit leur inaction à l’égard des femmes autochtones victimes de violence fondée sur le sexe, les autorités judiciaires réagissent trop souvent de façon punitive en criminalisant des femmes comme Tona qui arrivent à faire face au manque de considération qu’on leur fait subir en essayant de se protéger ou de protéger les autres contre les mauvais traitements. Comme l’ont exprimé les auteurs du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le système juridique canadien :

Dans le cas de plusieurs femmes autochtones [...] [on] criminalise les actes qui découlent directement de leur instinct de survie. Cette situation renforce le colonialisme en jetant le blâme et la responsabilité sur les femmes autochtones et sur les choix qu’elles ont faits, et on ignore les injustices systémiques qu’elles subissent et qui les amènent souvent à commettre des crimes.

Le récent examen périodique du Canada par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a fait état de préoccupations concernant la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons. Le comité a également souligné « la criminalisation des actions menées par les femmes autochtones défenseuses des droits de l’homme ».

Il convient de noter que l’élargissement de l’article 34 du Code criminel, la disposition qui autorise le recours à la légitime défense, a été adopté sous le gouvernement Harper en 2012, non pas dans le but de protéger les femmes, mais dans le but de donner aux propriétaires fonciers la force légale de protéger leurs terres en ayant recours à la force d’une manière jugée raisonnable. Le motif de l’ancien premier ministre pour cet élargissement n’était pas la protection des femmes contraintes de recourir à une force mortelle pour se défendre et défendre leurs enfants. Il visait plutôt à privilégier les propriétaires fonciers. L’élargissement de la légitime défense n’avait pas pour but d’aider les survivantes de la violence faite aux femmes.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a révélé que les femmes autochtones sont trop souvent criminalisées et emprisonnées en réponse aux violences perpétrées contre elles ou contre d’autres personnes dont elles sont responsables et que les taux d’incarcération des femmes autochtones continuent de monter en flèche. En 2018, par exemple, Statistique Canada a constaté que 50 % des personnes ayant déclaré avoir été victimes de violence de la part d’un partenaire intime ont elles-mêmes été inculpées. Le système juridique canadien a appliqué de manière incohérente la légitime défense aux survivants de violence fondée sur le sexe.

Plutôt que de problématiser la violence déraisonnable infligée aux femmes, notre système juridique est connu pour problématiser les réponses raisonnables des femmes à la violence déraisonnable et illégale. Au lieu de considérer comme raisonnable l’usage de la force par une femme pour lutter contre la violence de son agresseur, notre système juridique tente souvent de justifier cette force en la qualifiant de symptôme du syndrome de la femme battue, pathologisant ainsi les femmes qui tentent de se protéger et de protéger autrui.

Le Comité des affaires juridiques a récemment constaté l’incidence des préjugés systémiques discriminatoires à l’égard des femmes dans le système de justice pénale dans le cadre de son examen du projet de loi C-40. Nous avons entendu des témoignages clairs et convaincants, notamment de la part de femmes autochtones comme Rheana Worme, sur l’incapacité des criminalistes, même chevronnés et respectés, à replacer dans leur contexte la violence subie par les femmes, en particulier les femmes autochtones. Pire encore, même lorsqu’un tel contexte est déterminé par la suite, la plupart des hommes ne sont pas disposés à assumer leurs échecs antérieurs. Pensez à ce que ce comportement représente pour les autres.

Il n’est donc pas étonnant qu’à ce jour, en dépit du fait que la plupart des femmes condamnées pour des délits violents sont judiciarisées et emprisonnées pour avoir réagi à la violence perpétrée contre elles ou contre une personne dont elles s’occupent, le processus actuel de révision des condamnations n’ait pas abouti à une seule mesure de réparation pour une femme, et encore moins pour une femme autochtone.

Comme le sénateur Manning l’a déjà souligné, les personnes qui ne connaissent pas la dynamique du pouvoir et l’élément de contrôle qui sous-tend la perpétuation de la violence faite aux femmes peuvent également ne pas connaître les contraintes juridiques, sociales et économiques imposées aux survivantes en raison du racisme, de l’insécurité liée à l’immigration et de la pauvreté. Par conséquent, ces personnes peuvent être particulièrement mal équipées pour apprécier les ramifications négatives d’une tentative d’échapper à la violence.

On ne peut pas dire que les survivantes qui n’ont pas les moyens financiers de vivre seules, ou qui craignent la réaction du système judiciaire et de la société en général, aient véritablement le choix de quitter leur partenaire violent, ce qui ne leur laisse pas d’autre option que de riposter par la force physique aux violences qu’elles subissent.

À tous les stades de l’expérience de la survivante dans le système, les autorités judiciaires doivent répondre à son témoignage et à sa conduite en tenant compte des traumatismes et avec une compréhension informée de la complexité de l’ensemble de sa situation.

Afin de faire du signalement un choix sécuritaire et fiable pour les survivantes, le gouvernement fédéral devra investir dans des mesures et des infrastructures durables et à long terme qui aident les survivantes à accéder à un plan adéquat pour assurer leur protection, qui comprend la stabilité financière, un logement sûr et à long terme et des services de soutien social. Nous devons faire en sorte que le milieu qui les accueille est sécuritaire ou, à tout le moins, plus sécuritaire que le milieu dont elles s’échappent.

L’impact du projet de loi S-249 devrait se mesurer en fonction des conséquences réelles qu’il aura pour les victimes et les survivantes qu’il est censé servir.

Les progrès en matière de réparation et de prévention de la violence entre partenaires intimes ne peuvent être réalisés qu’avec une réponse à l’échelle de la société, soutenue par le financement de la prévention et des interventions relatives à la violence fondée sur le sexe dans une mesure comparable à la réponse à une épidémie.

Ces mesures doivent viser à déraciner et à éradiquer les désavantages juridiques, sociaux et financiers qui ont maintenu l’avantage et le contrôle des hommes sur les femmes dans notre pays, et qui, de fait, ont empêché les femmes d’atteindre l’égalité réelle qu’elles méritent.

Une stratégie nationale doit également fournir aux survivantes, aux prestataires de services et à la société dans son ensemble l’éducation nécessaire pour accéder aux mesures d’intervention disponibles pour les victimes de violence, en leur fournissant les indications et le soutien nécessaires pour qu’elles puissent se réfugier dans des centres d’hébergement, accéder aux soins de santé, acquérir une stabilité financière indépendamment de leur partenaire et mener une vie exempte de violence pour elles-mêmes et pour toute personne dont elles ont la responsabilité.

Soyons clairs, chers collègues. Les auteurs de violence entre partenaires intimes et de sévices à l’encontre des femmes ne sont pas des aberrations de notre société. Ils sont plutôt le résultat extrême et trop fréquent des normes et des structures sociales patriarcales et misogynes dans lesquelles ils sont élevés, de même que nous. Ce sont des structures qui mettent l’accent sur la domination des femmes et qui permettent d’abuser d’elles sans conséquence.

Il y a plus de 30 ans, les groupes de défense des femmes ont reconnu que, pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes, il fallait bouleverser les relations de pouvoir qui maintiennent les femmes dans une position de subordination aux hommes dans notre société.

Aujourd’hui, plus que jamais, les conséquences de l’élection américaine continuent de se répercuter sur la politique canadienne. Ce projet de loi devrait nous pousser, en tant que décideurs, à faire face au défi qui n’a toujours pas été relevé.

Dans 30 ans, j’espère que nos successeurs se souviendront de ce moment comme du début d’un changement monumental dans la manière dont nous luttons contre la violence à l’égard des femmes et la violence entre partenaires intimes, en commençant par le démantèlement du statu quo structurel et systémique afin de garantir aux femmes l’égalité réelle pour laquelle nous nous sommes battues depuis longtemps et à laquelle nous avons droit. Nous le devons aux femmes du monde entier. Elles ne méritent rien de moins.

Alors que nous appuyons d’une seule voix ce projet de loi, n’oublions pas qu’il s’agit, comme l’a souligné la sénatrice Bernard, de l’objet des 16 jours pour mettre fin à la violence de cette année. Agissons maintenant. Meegwetch. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

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