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La Loi sur l'Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

4 juin 2025


L’honorable Percy E. Downe [ - ]

Propose que le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, vous remarquerez que ce n’est pas la première fois que je dépose ce projet de loi, la Loi sur l’équité pour les contribuables canadiens, qui oblige le gouvernement du Canada à divulguer toutes les condamnations pour évasion fiscale à l’étranger et à mesurer le manque à gagner fiscal, c’est-à-dire la différence entre les impôts qui auraient dû être perçus et ceux qui ont été effectivement perçus. Il obligerait également l’Agence du revenu du Canada, ou ARC, à fournir au directeur parlementaire du budget, ou DPB, les données qu’elle a recueillies sur le manque à gagner fiscal, ainsi que toutes autres données supplémentaires que le DPB juge importantes à l’établissement de sa propre analyse indépendante du manque à gagner fiscal.

Au cours de la législature précédente, ce projet de loi avait été adopté par le Sénat et en était à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes lorsque les élections ont été déclenchées.

Comme toujours, je tiens à préciser d’emblée qu’il n’est pas illégal d’avoir un compte bancaire à l’étranger. En revanche, il est illégal de ne pas déclarer les revenus provenant de ces comptes à l’Agence du revenu du Canada.

Autrefois, l’Agence du revenu du Canada n’attirait pas beaucoup l’attention, ni du public ni du gouvernement. En tant que seule agence gouvernementale sur laquelle on pouvait compter pour générer des profits, on a toujours été tenté de la laisser faire son travail : s’il n’y a rien de cassé, il n’y a rien à réparer.

Cependant, cette confiance s’est érodée à mesure que nous avons vu défiler les affaires d’évasion fiscale à l’étranger qui restaient impunies et, malheureusement, ne donnaient lieu qu’à un recouvrement minime, voire nul, aggravées par la réponse répétée de l’Agence du revenu du Canada après chaque divulgation publique, selon laquelle elle travaillait d’arrache-pied pour attraper les fraudeurs qui profitent des paradis fiscaux à l’étranger, qu’elle prenait la question très au sérieux, qu’elle avait identifié, mais pas recouvré, un certain montant, que le travail se poursuivait, qu’« il restait beaucoup à faire » et ainsi de suite.

Malheureusement, ces commentaires de l’Agence du revenu du Canada donnent une fausse impression quand on voit à quel point ses efforts et ses résultats sont extrêmement décevants. L’un des nombreux exemples à cet égard, c’est celui qui a suivi la publication des Panama Papers en 2016. Au cours des neuf années qui ont suivi la publication de ces documents, qui ont permis d’identifier des centaines de Canadiens détenant des comptes, d’autres pays dont des citoyens figuraient dans ces documents comme ayant des comptes cachés au Panama ont recouvré à ce jour plus de 1,8 milliard de dollars en impôts qui étaient dus à leur pays.

Un article récent, publié il y a quelques mois à peine par le Consortium international des journalistes d’investigation, l’organisme qui a révélé l’affaire des Panama Papers, indique que l’Australie a déjà récupéré 44 millions de dollars, l’Allemagne, 87 millions de dollars et l’Espagne, 175 millions de dollars et que même l’Islande, un pays de 340 000 habitants, a récupéré 25 millions de dollars. Pourtant, malgré les centaines de comptes et les dizaines d’audits, le Canada n’a pas annoncé le recouvrement d’un seul cent — zéro.

Selon le consortium des journalistes d’investigation, l’ARC s’attend à percevoir près de 92 millions de dollars, mais, comme nous le savons, il y a une différence considérable, surtout en ce qui concerne l’ARC entre ce qu’elle dit s’attendre à percevoir et ce qu’elle perçoit. Sur les quelque 900 Canadiens identifiés, y compris des particuliers, des sociétés et des fiducies cités dans les Panama Papers, pas une seule personne n’a été accusée d’évasion fiscale à l’étranger dans cette affaire, et encore moins déclarée coupable. On peut donc se demander, si l’ARC a identifié ces personnes — et elle pense qu’on lui doit 96 millions de dollars —, pourquoi aucune accusation n’a été déposée.

En octobre 2012, il y a presque 13 ans, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget de l’époque pour lui demander d’enquêter sur l’incidence de l’évasion fiscale à l’étranger sur l’économie. À sa suggestion, cette enquête s’est transformée en un effort pour déterminer le manque à gagner fiscal, c’est-à-dire la différence entre les sommes qui devraient être perçues par l’ARC et celles qu’elle perçoit réellement. Le directeur parlementaire du budget a déterminé qu’il était effectivement possible de réaliser une estimation du manque à gagner, d’autant plus que de nombreux autres pays le font, et il a pris contact avec l’ARC pour s’assurer de sa coopération dans cette démarche.

Chers collègues, l’ARC a refusé de coopérer. On sait pourquoi lorsqu’on réalise que le manque à gagner fiscal ne mesure pas seulement ce qui devrait être perçu, mais aussi l’efficacité de l’agence nationale du revenu relativement à son devoir et à sa responsabilité de percevoir les sommes dues au gouvernement du Canada.

Je suis certain que la mise en évidence, par une analyse du manque à gagner fiscal, du travail totalement inadéquat de l’Agence du revenu du Canada dans la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger a été un facteur majeur dans son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget. Même sans la coopération de l’ARC, le directeur parlementaire du budget a été en mesure de tirer ses propres conclusions à propos du manque à gagner fiscal. Devant un comité sénatorial, il a déclaré ce qui suit en mars 2020, en se fondant sur sa propre analyse :

[P]our avoir travaillé à l’ARC et pour avoir été directeur parlementaire du budget depuis maintenant un an et demi, je suis convaincu qu’il y a des centaines de millions ou même des milliards de dollars en impôts non déclarés qui échappent aux autorités fiscales du Canada, probablement chaque année, en raison des transactions internationales.

De son côté, le très respecté Conference Board du Canada a publié en 2017 un rapport intitulé Canadian Tax Avoidance and Examining the Potential Tax Gap — un rapport sur l’évasion et le manque à gagner fiscal. L’organisation a conclu que des recettes fiscales pouvant s’élever jusqu’à 47 milliards de dollars ne sont pas perçues par le gouvernement du Canada.

Sur son site Web, l’Agence du revenu du Canada tient à jour une liste des avis de mesures d’exécution. Il s’agit de communiqués concernant des enquêtes, des accusations et des condamnations pour des infractions liées à l’évasion fiscale. Selon ses propres termes, elle le fait pour :

[...] maintenir la confiance en l’intégrité du système d’autocotisation et à accroître l’observation de la loi grâce à l’effet dissuasif de cette publicité.

Difficile de ne pas rire en lisant cet énoncé.

Si vous regardez la liste, chers collègues, comme je l’ai fait récemment, vous trouverez un large éventail de personnes d’un océan à l’autre qui ont été inculpées et condamnées, dans la majorité des cas pour évasion fiscale à l’intérieur de nos frontières. Si vous cachez votre argent à l’étranger, vos chances d’être pris sont très faibles, mais si vous trichez sur vos impôts dans votre pays, vous risquez fort de vous faire prendre, d’être condamné à une amende et, dans certains cas, d’aboutir en prison.

À cette fin, sur l’ensemble des avis — et il y en avait 65 en 2020 lorsque j’ai vérifié récemment — seuls trois avis portaient sur des condamnations relatives à l’évasion fiscale à l’étranger, et je suis généreux avec ce chiffre.

Cela ne signifie pas pour autant que les dernières années n’ont pas été marquées par un certain nombre de réussites. Le programme électoral de 2015 du Parti libéral contenait un engagement à :

Demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle « l’écart fiscal ».

Toujours aussi réticente que par le passé, l’agence a néanmoins été contrainte par le gouvernement de commencer — avec une réticence inchangée — à publier une série de rapports sur l’écart fiscal à partir de 2016. Le plus récent a été publié en 2022.

Cependant, le Canada doit étudier l’efficacité de l’Agence du revenu du Canada afin de voir ce qui fonctionne bien et ce qui a besoin d’être amélioré. La décision d’entreprendre cette étude ne doit pas revenir uniquement à l’agence, vu son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget. L’agence devrait y être contrainte par la loi, ce que mon projet de loi permettrait d’accomplir.

Je tiens à souligner qu’exiger que l’Agence du revenu du Canada fasse rapport sur l’évasion fiscale à l’étranger et sur l’écart fiscal en général n’est pas le résultat d’une simple curiosité. D’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie, la Suède, et même l’État de la Californie, mesurent leur écart fiscal. Ils ont constaté qu’il s’agit d’un outil utile pour élaborer des politiques. Ils conviennent tous que l’argent caché à l’étranger doit être rapatrié, et ils ont besoin de renseignements à jour sur l’écart fiscal afin de repérer et rapatrier l’argent.

Comme je l’ai dit, chers collègues, cacher son argent à l’étranger ne comporte essentiellement aucun risque au Canada parce que la probabilité d’être poursuivi ou condamné est pratiquement nulle. Les « centaines de millions ou même [...] milliards de dollars » non déclarés selon le directeur parlementaire du budget ne résoudront pas, comme par magie, nos problèmes financiers. Toutefois, si nous récupérions ne serait-ce qu’une partie de ce manque à gagner, cela permettrait de réduire le déficit, de baisser les taxes et les impôts et de financer des programmes.

Il est indéniable que l’évasion fiscale à l’étranger coûte beaucoup d’argent à notre pays. Qui plus est, c’est, bien sûr, extrêmement injuste. Ceux d’entre nous qui respectent les règles et paient leurs impôts sont trompés par d’autres Canadiens qui contournent le système et cachent leur argent à l’étranger. Le non-recouvrement des impôts dus sape la confiance dans l’égalité de traitement de tous. Si nous sommes tous dans le même bateau, alors nous payons tous nos impôts. Sinon, certains Canadiens qui ont les moyens de cacher leur argent bénéficient d’un traitement spécial, tandis que le reste d’entre nous doit payer plus pour combler ce manque à gagner.

Avant de conclure, j’aimerais remercier les sénateurs qui ont pris la parole en faveur du projet de loi par le passé. Le projet de loi actuellement devant le Sénat est le même que celui qu’ils ont soutenu. Le soutien du sénateur Paul McIntyre et de la sénatrice Pat Bovey — qui sont tous les deux partis à la retraite depuis —, ainsi que celui de la sénatrice Galvez, de la sénatrice McPhedran et de la sénatrice Marshall est très apprécié. Je les remercie de leur soutien. En fait, je remercie tous les sénateurs qui ont adopté le projet de loi au Sénat la dernière fois. Nous espérons que le bon sens prévaudra cette fois-ci à la Chambre des communes, afin qu’elle l’adopte également.

Je conclurai sur l’observation suivante : je me demande toujours si les gens qui cachent leur argent à l’étranger se font soigner dans un endroit comme le Panama si eux-mêmes ou un membre de leur famille tombent malades, ou s’ils rentrent au Canada pour profiter de notre système de santé public, même s’ils refusent de le financer?

Chers collègues, j’espère pouvoir compter une nouvelle fois sur votre appui pour le projet de loi.

L’honorable Colin Deacon [ - ]

Sénateur Downe, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Downe [ - ]

Oui.

Le sénateur C. Deacon [ - ]

Merci. Quelle raison l’Agence du revenu du Canada invoque-t-elle pour ne pas accéder à vos demandes? Elle doit bien avoir une explication logique à vous donner là-dessus. J’aimerais beaucoup la connaître.

De plus, croyez-vous que la décision du premier ministre de nommer un seul ministre responsable du revenu national et des finances vous permettra de surmonter les obstacles qui entravent vos efforts depuis tant d’années?

Le sénateur Downe [ - ]

Merci, sénateur Deacon. Pour répondre à la première question, le directeur parlementaire du budget a demandé à l’Agence du revenu du Canada de lui fournir des données qui permettraient à son bureau de s’attaquer au problème du manque à gagner fiscal, mais il ne s’agissait pas de renseignements personnels sur des Canadiens en particulier. Il s’agissait de données brutes. L’Agence du revenu du Canada a refusé de les fournir, même si, comme je l’ai dit, d’autres pays mesurent actuellement leur manque à gagner fiscal. Ils disposent de ces données et savent comment procéder. C’est pourquoi cette mesure législative est nécessaire pour surmonter le refus que maintient l’Agence du revenu du Canada.

Pour répondre à la deuxième question, je pense que c’est une décision formidable. Je me souviens, il y a des années de cela, quand j’avais l’honneur d’être chef de cabinet de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, j’assistais à toutes les réunions du Cabinet. À aucune de ces réunions, quelqu’un n’a parlé de l’Agence du revenu du Canada. Pourquoi l’aurait-on fait? On supposait que l’Agence faisait son travail et que l’argent rentrait. Le ministre responsable de l’Agence du revenu du Canada participait aux discussions sur l’agriculture et la défense, mais il n’était jamais question de l’Agence.

C’est une bonne décision de la part du premier ministre. Le ministre des Finances pourra ainsi surveiller l’Agence du revenu du Canada, qui en a désespérément besoin. Je pense qu’il s’agit d’une mesure très positive.

Le sénateur C. Deacon [ - ]

L’Agence a-t-elle simplement décliné les demandes précédentes? Elle n’a fourni aucune justification, aucun argument, aucune raison? A-t-elle simplement refusé?

Le sénateur Downe [ - ]

Ce sont en fait de bonnes questions pour le directeur parlementaire du budget. J’ai discuté avec lui et son bureau, ainsi qu’avec son prédécesseur et le prédécesseur de ce dernier. La situation dure depuis longtemps. Cet enjeu dure depuis plus longtemps que celui des droits de péage sur les ponts. Cela fait maintenant 13 ans, et la question des droits de péage sur les ponts n’avait duré que 10 ans.

L’Agence du revenu du Canada soutient qu’elle ne doit pas révéler ces données parce que, pour une raison quelconque, cela risquerait de porter atteinte à la vie privée des Canadiens. Toutefois, elle est très fière de ne pas mesurer le manque à gagner fiscal.

La plateforme électorale de 2015 des libéraux a forcé l’Agence à commencer à le mesurer. Elle mesure le manque à gagner fiscal de l’économie clandestine et celui de ci et de ça, sauf que nous n’avons pas besoin de ces statistiques. Nous avons besoin d’une analyse du manque à gagner fiscal global.

Comme je l’ai dit, si l’État de la Californie peut le faire, de même que tout plein d’autres pays, comme la Suède, alors pourquoi pas nous?

L’objectif, comme je l’ai dit dans mon discours, c’est de savoir combien d’argent est dû à l’Agence du revenu du Canada. Le Conference Board du Canada estime que ce pourrait être jusqu’à 48 milliards de dollars. Cela dit, c’est également un moyen de comparer l’efficacité de l’Agence à celle de ses pendants étrangers lorsqu’il s’agit de percevoir l’argent censé être perçu.

Admettons que le Conference Board du Canada a raison et que jusqu’à 48 milliards de dollars d’impôts sont impayés. Je présume qu’il sera impossible de récupérer toute cette somme. Toutefois, supposons qu’on en perçoive la moitié. La sénatrice Pate propose d’instaurer un programme et, comme pour toute autre proposition du genre, la première question qu’on se pose, c’est : « Quelle idée fantastique, mais comment va-t-on financer ce programme? » Eh bien, il y a beaucoup d’impôts qui ne sont pas perçus en ce moment et qui pourraient servir à financer le tout. C’est un véritable problème.

De plus, comme je l’ai indiqué, c’est extrêmement injuste. Lorsque je suis tombé là-dessus il y a des années, au Liechtenstein, un employé d’une banque avait volé la liste des clients et l’avait vendue au gouvernement allemand. On a appris qu’il y avait une centaine de Canadiens qui détenaient un compte dans cette banque au Liechtenstein. Je ne savais même pas où se trouvait le Liechtenstein, et j’ai dû le chercher sur une carte.

Il est possible que ces personnes avaient des parents au Liechtenstein, et que tout cela était justifié mais, en fin de compte, l’Agence du revenu du Canada n’a intenté aucune poursuite contre les détenteurs de ces comptes. À l’époque, l’agence avait justifié sa décision en affirmant que cette affaire lui apprendrait comment procéder à l’avenir.

Or, depuis, il y a eu les Paradise Papers et les Panama Papers, mais aucune accusation n’a été portée. Toutefois, si un serveur à Moncton ou un charpentier en Saskatchewan commet une fraude fiscale et se fait prendre, il est mis en accusation et pourrait même se retrouver en prison.

Au Canada, l’Agence du revenu du Canada ne peut nommer personne qui ait été emprisonné pour évasion fiscale à l’étranger, même si elle a indiqué dans les Panama Papers qu’elle croyait qu’il y avait 96 millions de dollars en impôts impayés. Cela montre clairement que des personnes ont enfreint la loi. Alors, pourquoi n’y a-t-il aucune poursuite?

Pour revenir à ce que je disais et conclure, lorsque les renseignements provenant du Liechtenstein ont été communiqués à tous les pays, le gouvernement australien a pris des mesures importantes. Il a formé un groupe de travail composé de représentants de divers ministères pour s’attaquer directement à l’évasion fiscale à l’étranger. Il a commencé à porter des accusations. Il a indiqué publiquement qui était accusé. Il a constaté que non seulement il recueillait beaucoup d’argent — contrairement au Canada —, mais que la publication de l’identité des personnes mises en cause et leur accusation dissuadaient le reste de la population de cacher son argent à l’étranger. Il y a eu dénonciation et humiliation. Rien de tout cela ne se produit au Canada.

L’honorable Kim Pate [ - ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Downe?

Le sénateur Downe [ - ]

Oui.

La sénatrice Pate [ - ]

Je vous remercie infiniment de continuer de proposer ces mesures. Comme vous le savez peut-être, lorsque je siégeais au Comité des finances nationales, j’ai posé des questions sur le manque à gagner fiscal et sur les raisons pour lesquelles aucune enquête n’avait été menée au sujet des Panama Papers, des Pandora Papers et ainsi de suite.

On m’a dit qu’il s’agit d’enquêtes complexes et j’aimerais savoir ce que vous pensez de cette réponse. J’ai reçu une réponse semblable lorsque j’ai demandé pourquoi les entreprises canadiennes ne faisaient pas l’objet d’une enquête en vertu de certaines dispositions législatives sur la concurrence.

Avez-vous des précisions à ajouter à ce sujet, étant donné que c’est votre domaine d’expertise?

Le sénateur Downe [ - ]

L’ARC a du mal à retenir ses employés, car une fois qu’ils ont acquis une certaine expérience et des compétences particulières, ils changent souvent de camp. Les entreprises qui se livrent à la dissimulation d’argent à l’étranger cherchent à les recruter. Nous devons ajuster les échelles salariales de l’ARC afin de reconnaître les compétences particulières de ses employés. C’est la première chose à faire.

La deuxième chose est la suivante : j’entends l’argument voulant que ce soit compliqué, et comme je l’ai indiqué en réponse à la question du sénateur Colin Deacon, au Liechtenstein, on nous a dit qu’ils apprenaient comment ces choses fonctionnent. À la banque du Liechtenstein dont j’ai parlé, on ne pouvait pas ouvrir un compte sans avoir 500 000 $; il s’agit donc d’une clientèle particulière, si l’on peut dire.

C’est compliqué pour nous, mais c’est aussi compliqué pour tous ces autres pays, et pourtant, ils ont soit récupéré l’argent, soit inculpé les personnes concernées. Par exemple, je ne recommande pas cette mesure, mais le gouvernement irlandais publie l’adresse du domicile des personnes reconnues coupables d’évasion fiscale à l’étranger. Je pense que ce serait très impopulaire, mais la dénonciation publique s’est avérée être un outil précieux contre les personnes inculpées.

S’ils ne l’ont pas encore compris après 13 ans, vont-ils jamais le comprendre?

Sénateur Down, en vous remerciant de n’avoir jamais abandonné ce dossier et d’avoir accumulé tant d’expertise, je souhaite vous poser une question sur ce qu’il adviendra réellement des sommes en question. Dans l’éventualité, apparemment improbable, où l’Agence du revenu du Canada parviendrait à restituer l’argent aux citoyens canadiens, où irait-il? Existe-t-il un moyen de savoir ce qu’il adviendrait de cet argent?

Le sénateur Downe [ - ]

Je crois comprendre qu’il serait reversé — comme toutes les recettes de l’Agence du revenu du Canada — dans le Trésor public du Canada.

L’Agence du revenu du Canada explique son incapacité à récupérer ces 96 millions de dollars en partie par le fait qu’elle ne sait pas combien elle perçoit au titre de l’évasion fiscale à l’étranger. C’est ce qu’elle m’a écrit récemment. C’est risible.

L’agence ne fait pas de suivi parce qu’elle n’en reçoit rien. En bref, la réponse à votre question est que cet argent serait versé au Trésor.

Nous avons connu plusieurs ministres responsables de l’Agence du revenu et de ses fonctionnaires. Pouvez-vous nous dire si vous avez eu l’occasion de communiquer des informations à certains des ministres précédents? Peut-être que vous n’avez pas informé le ministre actuel dans un délai aussi court. Est-ce que cette question est devenue une priorité pour l’un des ministres avec lesquels vous avez été en contact?

Le sénateur Downe [ - ]

Merci pour la question. Non. J’ai rencontré des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada à qui je ne cessais de dire qu’au lieu de protéger le statu quo, ils devraient se demander où tout cela va mener. C’est comme une partie d’échecs. À un moment donné, tôt ou tard, il faudra procéder à une analyse du manque à gagner fiscal. Ils ne voulaient pas en entendre parler quand je me suis entretenu avec eux. Ils ont toutefois été forcés de faire de petites analyses.

Au bout du compte, il faudra porter des accusations contre des gens et obtenir des condamnations pour rétablir la crédibilité de l’organisation. Puisqu’il faudra procéder à une analyse du manque à gagner fiscal, tôt ou tard, pourquoi ne pas faire le nécessaire dès maintenant pour régler le problème? À leurs yeux, toutefois, la situation n’est pas problématique. Ils ont plutôt l’impression qu’on s’ingère dans leur domaine et dans leur petit groupe fermé.

Il s’agit, sans l’ombre d’un doute, du pire ministère de l’appareil gouvernemental qu’il m’ait été donné de voir.

Je veux préciser ma question. Je vous interrogeais au sujet des ministres. Pourriez-vous répondre? Souhaitez-vous que je répète ma question? C’est au sujet des ministres avec qui vous avez été en communication. Certains d’entre eux ont-ils fait de ce dossier une priorité? Où se situe la responsabilité ministérielle dans le scénario que vous nous décrivez depuis des années?

Le sénateur Downe [ - ]

D’après mon expérience, les ministres sont vraiment sur la défensive et ils défendent exclusivement leur ministère.

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