Projet de loi sur l'unité de l'économie canadienne
Troisième lecture--Débat
26 juin 2025
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5, partie 2, qui vise à bâtir le Canada de demain. Je salue le leadership du sénateur Yussuff, le parrain de ce projet de loi, qui nous a beaucoup alimentés par des sessions d’information et par ses discours très touchants et enrichissants.
Ce projet de loi est ambitieux : il veut accélérer la réalisation de projets d’intérêt national, fluidifier le commerce interprovincial et renforcer notre cohésion économique. J’appuie ce projet de loi, car je crois qu’il était temps qu’un pays aussi vaste, aussi complexe et aussi riche de ses différences se dote d’outils à la hauteur de ses aspirations.
Toutefois, si nous voulons bâtir vite, nous devons surtout bâtir juste, pour assurer la prospérité de tous les Canadiens.
C’est pourquoi je tiens à rappeler que ce grand élan de développement économique doit aussi être un moment de justice économique, car nous avons la responsabilité de favoriser non seulement l’efficacité, mais aussi l’équité dans la façon dont les marchés seront attribués, les fournisseurs sélectionnés et les chantiers déployés.
L’article 19 de la partie 2 du projet de loi C-5 prévoit que certains projets d’intérêt national seront exemptés de plusieurs étapes de l’évaluation d’impact environnemental. Cela vise à accélérer leur mise en œuvre, mais cette accélération ne doit pas se faire au détriment de la consultation, comme nous l’avons entendu ici. Cette accélération ne doit pas se faire avec un manque de transparence ni d’inclusion. Si l’on réduit les délais, il faut redoubler de vigilance en ce qui a trait à ceux qui bénéficient de ces projets de loi et à la manière dont ils sont réalisés.
Plusieurs collègues ont déjà parlé des défis liés aux peuples autochtones, qui doivent absolument être consultés, écoutés et intégrés à toutes les étapes des grands chantiers. Je remercie nos collègues, qui nous ont bien alimentés à cet effet. Pour ma part, je vais me concentrer sur les entrepreneurs noirs. J’en profite pour évoquer une étude que j’ai eu l’honneur de codiriger au Sénat à l’été 2023 avec notre collègue le sénateur Colin Deacon.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude au sénateur Deacon pour son leadership et sa considération.
Le sénateur Deacon est l’une des rares personnes à reconnaître sans détour, pour l’avoir expérimenté, qu’il existe un privilège blanc dans les milieux d’affaires au Canada et que ce privilège, s’il n’est pas activement déconstruit, perpétue l’exclusion et nuit à la prospérité économique des entrepreneurs noirs.
Notre rapport, dont je recommande vivement la lecture — ou la relecture — à tous mes collègues, montre avec clarté qu’il ne suffit pas d’avoir un bon plan d’affaires pour réussir. Les entrepreneurs noirs issus de la diversité, et en particulier les femmes noires, doivent surmonter des barrières systémiques multiples, souvent invisibles, mais bien réelles. J’ai vécu cela durant 25 ans dans le milieu des affaires au Canada avant d’être nommée au Sénat.
Des données plus récentes sont sans équivoque : aujourd’hui, la population noire ou d’ascendance africaine dépasse 1,5 million de personnes, ce qui correspond à 4,3 % de la population totale.
De plus, en 2024, selon le Diversity Institute, 76 % des personnes noires au Canada exprimaient un intérêt marqué pour l’entrepreneuriat, ce qui représente un taux supérieur à la moyenne nationale. Plusieurs raisons expliquent cela, notamment le manque d’emplois, le besoin d’autonomie financière et la recherche de la création de richesses multigénérationnelles.
Pourtant, en 2024, seulement 1,3 % des adultes noirs sont actuellement entrepreneurs, contre 2,3 % des adultes dans la population générale, selon Statistique Canada.
Parmi eux, 0,7 % de ces personnes sont des femmes noires, un des groupes les plus sous-représentés dans le milieu entrepreneurial à l’échelle pancanadienne, contre 1,2 % des femmes en général.
De plus, selon Statistique Canada, en 2024, 53 % des immigrants et 32 % des enfants d’immigrants étaient des entrepreneurs.
Environ 144 990 entreprises étaient dirigées par des personnes noires, lesquelles représentaient 2,4 % de l’ensemble des entreprises au pays. Enfin, en 2024, selon la Banque de développement du Canada (BDC) et le Diversity Institute, 83 % des entrepreneurs noirs devaient autofinancer leurs entreprises, faute d’accès au crédit.
Pourtant, 81 % d’entre eux se disent optimistes quant à l’avenir de leurs entreprises, toujours selon la BDC en 2024. Ces chiffres ne sont pas des anecdotes. Ils sont le reflet d’un système qui, trop souvent, reproduit les inégalités au lieu de les corriger.
Notre rapport propose des solutions concrètes qui pourraient être utilisées dans le cadre du projet de loi C-5, soit renforcer la collaboration entre les parties prenantes, investir de manière soutenue dans les initiatives d’entrepreneuriat noir, collecter des données désagrégées et assumer pleinement le rôle catalyseur de l’État.
Toutefois, je tiens à souligner un point fondamental : l’équité n’est pas une faveur. Elle doit être fondée sur la compétence et les résultats. Les entreprises ont la responsabilité sociétale d’intégrer l’inclusion non seulement comme un critère d’obtention de contrats, mais aussi comme une mesure du rendement.
C’est une responsabilité du gouvernement que d’évaluer les développeurs, les consortiums et les grandes entreprises, non seulement sur leur capacité à livrer, mais sur leur capacité à inclure toutes les entreprises.
Je crois que les affaires et le développement social vont de pair. L’un ne peut prospérer durablement sans l’autre. L’inclusion économique est un levier de croissance, de cohésion et de justice.
Bâtir le Canada de demain ne signifie pas seulement d’ériger des infrastructures. C’est aussi construire un pays où chaque entrepreneur et chaque communauté peuvent contribuer pleinement à notre prospérité collective. L’intégration de l’intersectionnalité doit constituer un pilier central de l’évaluation des grands projets, afin de refléter pleinement la complexité des réalités vécues par toutes les communautés touchées.
Honorables sénateurs, je voterai en faveur du projet de loi C-5, mais mon appui s’accompagne d’un engagement ferme devant vous ici. Je veillerai à ce que la responsabilité sociétale en matière d’équité, d’inclusion et de justice économique devienne une norme incontournable dans la réalisation de tous les projets d’intérêt national.
Nous devons veiller à ce que les entreprises appartenant à des personnes noires, dans toutes les régions du pays, soient non seulement considérées, mais pleinement outillées et intégrées dans les chaînes de valeurs de ces grands projets structurants. C’est ainsi que nous garantirons une prospérité véritablement partagée, une croissance durable et un Canada à l’image de toutes ses communautés. Je vous remercie.
Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat sur le projet de loi C-5, Loi sur l’unité de l’économie canadienne. Le Canada traverse une période de transition et de bouleversements. Certaines des relations auxquelles nous étions habitués depuis des années, notamment en matière de commerce, ont été bouleversées.
Les conséquences sont déjà désastreuses pour nos citoyens. Les Canadiens sont confrontés à des prix plus élevés pour d’innombrables biens et services, ce qui fait grimper le coût de la vie en général, les coûts demeurant élevés dans le sillage de la pandémie de COVID-19.
Les travailleurs canadiens sont confrontés à l’instabilité de l’emploi dans des secteurs fragilisés par les tarifs douaniers, ce qui met ces travailleurs, leurs familles et leurs moyens de subsistance dans une situation précaire.
La viabilité et les perspectives à long terme du secteur canadien des ressources sont de plus en plus incertaines, une situation aggravée par le repli de notre principal partenaire commercial et par son éviction.
Honorables sénateurs, en guise d’exemple, j’aimerais dresser le portrait d’un jeune Canadien qui a vu sa situation financière se détériorer rapidement ces dernières années. L’accession à la propriété, autrefois une aspiration à court terme pour cette jeune génération, est désormais un rêve inaccessible, car le prix des maisons a doublé à l’échelle nationale au cours de la dernière décennie.
De plus, au cours des cinq dernières années seulement, le prix des aliments a augmenté de 26 %, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile pour les ménages de se nourrir. Selon le Bilan-Faim de Banques alimentaires Canada, 55 % des familles canadiennes ont du mal à subvenir à leurs besoins alimentaires de base, la demande auprès des banques alimentaires atteignant des sommets historiques partout au pays.
Honorables sénateurs, nous connaissons tous des individus qui correspondent à cette description, que ce soit votre enfant, votre petit-enfant, votre nièce ou votre neveu, votre voisin ou peut-être le personnel de votre bureau.
Voilà pourquoi le projet de loi C-5 est si important. Il doit permettre de prendre des mesures audacieuses, décisives et révolutionnaires qui amélioreront considérablement les perspectives économiques du Canada, tant pour le pays que pour sa population.
La nécessité de faire face à ces menaces et à celles imposées par le principal partenaire commercial du Canada a non seulement été une question déterminante pour de nombreux Canadiens lors des élections de cette année, mais elle a également été à l’origine du projet de loi dont nous sommes saisis.
Le Canada est une nation commerçante. Nous avons la chance de disposer d’abondantes ressources naturelles très prisées partout dans le monde. Cependant, les infrastructures essentielles du Canada sont actuellement loin d’être suffisantes pour garantir que notre offre réponde à la demande. Après avoir trop longtemps cherché à renforcer nos relations avec notre voisin du Sud, nous avons négligé de développer les moyens nécessaires pour diversifier nos échanges commerciaux. Nous subissons aujourd’hui les conséquences immédiates et graves de notre complaisance et de notre dépendance excessive à l’égard d’un seul marché.
Affaires mondiales Canada souligne que 65 % de l’activité économique du Canada est liée au commerce international. Au lieu de privilégier les échanges commerciaux avec notre voisin immédiat — souvent à rabais —, il est impératif pour la prospérité et la croissance économique futures du Canada de renforcer notre capacité à commercer davantage avec le reste du monde.
Je voulais pouvoir soutenir ce projet de loi avec enthousiasme, mais comme il a été adopté à la hâte au Parlement, nous n’avons pas eu l’occasion de l’examiner correctement et de donner notre avis sur les freins et contrepoids nécessaires. Pire encore, nous n’avons pas obtenu la rétroaction des dirigeants autochtones — les détenteurs de droits, et non les parties prenantes —, une rétroaction qui, si on l’avait prise en compte, aurait pu améliorer les chances de réussite de cette mesure législative et réduire les possibilités de contestations. Parfois, il faut aller lentement pour aller vite.
J’ai bon espoir que, grâce aux engagements pris par le premier ministre et les membres de son Cabinet, nous serons en mesure de surmonter ces défis et de réaliser les objectifs du projet de loi. J’appuie donc le projet de loi.
En guise de contexte, j’aimerais parler de l’expérience que j’apporte au Sénat. Avant ma nomination, j’ai passé les 13 dernières années au sein de l’équipe de direction de la plus importante administration portuaire du pays, qui s’occupe du tiers de nos échanges commerciaux à l’extérieur de l’Amérique du Nord. J’ai vu des projets et des possibilités d’échanges commerciaux réussir et échouer. C’est dans cette optique que je vois comment le projet de loi C-5 pourrait permettre au Canada d’éliminer des obstacles qu’il s’impose à lui-même et de réaliser des projets d’infrastructures d’intérêt national qui nous permettront de diversifier nos capacités en matière de commerce international, dans l’intérêt supérieur des Canadiens.
Cependant, je suis également sensible aux préoccupations liées à ce projet de loi et aux répercussions que l’accélération de tels projets pourrait avoir sur l’environnement ou sur les droits inhérents et les droits issus de traités des peuples autochtones. Il est malheureux que l’on n’ait pas consulté les dirigeants autochtones dès le début au sujet de ce projet de loi, car je pense que cela aurait donné l’occasion de structurer le projet de loi de manière à ce qu’il inspire une plus grande confiance. Cela dit, à mon avis, le projet de loi garantit le respect des droits prévus à l’article 35, même s’il ne le dit pas aussi clairement que certains l’auraient souhaité.
À cet égard, j’aimerais citer certaines observations faites par l’honorable Rebecca Alty, ministre des Relations Couronne-Autochtones, lors de sa comparution devant le comité plénier du Sénat, car elles méritent d’être répétées :
[...] [L]es grands projets seront uniquement réalisés dans le cadre de cette loi si des consultations constructives sont menées auprès des Autochtones dont les droits garantis par l’article 35 risquent d’être touchés et leurs besoins sont pris en compte.
Cette loi nécessite la tenue d’importantes consultations auprès des peuples autochtones, d’abord dans le cadre du processus de désignation des projets d’intérêt national, puis lors de l’élaboration des conditions auxquelles ces projets seront assujettis.
Cette exigence n’est pas facultative. Elle est protégée par la Constitution canadienne et intégrée dans l’ensemble de la législation.
Chers collègues, j’avais également l’intention de parler de la Loi d’interprétation du Canada. Toutefois, notre collègue l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, qui est la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat, s’est déjà exprimée de manière très éloquente à ce sujet. Je suis heureux que le gouvernement nous ait donné l’assurance que cette loi sera respectée.
Tout comme nous devons veiller à ce que les droits des Autochtones ne soient pas compromis, nous devons également veiller à ne pas négliger la protection de l’environnement. Je comprends la crainte que les considérations environnementales soient reléguées au second plan lorsque nous parlons d’accélérer la mise en œuvre de projets spécifiques d’édification nationale. Par contre, le déploiement d’efforts d’atténuation et la prise de mesures de restauration et de renaturation des environnements et des écosystèmes du Canada seront des éléments essentiels du travail effectué dans le cadre de ces projets d’édification nationale.
J’aimerais répéter une suggestion — que j’appuie fermement — faite par M. Sean Southey, directeur-général de la Fédération canadienne de la faune, durant sa comparution devant le comité plénier du Sénat. En parlant de réserves d’habitats par des tiers et de programmes de compensation, M. Southey a dit ceci à propos du concept de compensation :
Il s’agit d’une mesure de conservation visant à compenser les répercussions des projets de développement [...] En termes simples, si un projet a des répercussions négatives sur l’environnement à un endroit, il faut améliorer l’environnement de façon équivalente ou supérieure ailleurs.
Nous encourageons le gouvernement fédéral à autoriser cette solution en permettant, en vertu de la Loi sur les pêches, la création de réserves d’habitats par des tiers. Il s’agit d’une solution avantageuse pour tous. Le fait de restaurer préalablement les habitats et d’en confirmer l’efficacité avant la vente des crédits présente des avantages pour la conservation. Les promoteurs, qui sont les champions de ces projets, peuvent bénéficier d’un processus d’approbation réglementaire simplifié, tandis que nous reconnaissons les avantages environnementaux pour tous les Canadiens.
Chers collègues, en réalité, la création de réserves d’habitats par des tiers est un concept selon lequel une organisation autre que le promoteur responsable d’un projet crée, restaure ou améliore un habitat, puis vend des crédits aux promoteurs qui ont besoin de compenser les impacts environnementaux de leurs projets. Au titre de cette approche, l’habitat doit être construit et sa fonctionnalité doit être prouvée avant que la réserve d’habitat puisse être utilisée comme compensation pour un projet, contrairement à l’approche actuelle, qui exige des mesures de compensation qui n’ont pas encore été créées ni éprouvées.
Bien que ce type de système prenne du temps à mettre en place et qu’il ne nous aidera pas à très court terme, je vais continuer à la promouvoir comme un élément essentiel d’un cadre réglementaire plus efficace et plus efficient pour l’avenir.
Bien que j’appuie l’intention et l’objectif du projet de loi C-5, j’aimerais également rappeler un point qui a été soulevé par l’honorable Lisa Raitt lors du comité plénier du Sénat. Mme Raitt s’est dite préoccupée par le risque de politisation des processus décisionnels qui sont prévus dans ce projet de loi. Même si les amendements ont donné suite à certaines de ces préoccupations, Mme Raitt avait plaidé en faveur du rétablissement du Bureau de gestion des grands projets, tel qu’il était structuré pendant le mandat du premier ministre Harper. Ce bureau, dirigé par Ressources naturelles Canada, était une initiative horizontale qui regroupait 12 ministères et organismes fédéraux. Son mandat était d’améliorer le processus d’examen des grands projets d’exploitation des ressources naturelles. Fait important, cette initiative était dirigée par un comité de sous-ministres, qui fournissait des directives pour régler des questions entourant les projets et les politiques et qui assurait une véritable reddition de comptes à l’égard du processus.
Ayant travaillé dans le domaine de l’élaboration de grands projets sous des gouvernements successifs, je peux témoigner de l’efficacité de ce modèle qui permettait aux sous-ministres d’accorder une attention toute particulière à l’atteinte des objectifs, tout en dépolitisant la gouvernance entourant l’approbation et la mise en œuvre des grands projets — chose qui fait défaut dans le projet de loi C-5. Alors que le gouvernement s’apprête à créer un nouveau bureau pour superviser les projets d’intérêt national, je l’exhorte à rétablir ce modèle efficace, en particulier le volet lié à la surveillance et à la reddition de comptes aux plus hauts échelons de la fonction publique. Je demanderais à l’équipe du bureau du représentant du gouvernement de transmettre ce message aux ministres.
Chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis représente une occasion économique dont le Canada a désespérément besoin. Nous sommes confrontés à une crise du coût de la vie qui astreint d’innombrables Canadiens à s’enliser plutôt qu’à progresser. Nous sommes confrontés à une pénurie de logements à l’échelle nationale. Notre système de santé est surchargé et manque de personnel. Les changements climatiques continuent de ravager nos écosystèmes, et il faut des fonds pour en atténuer les effets. Nos récents engagements de dépenses en matière de défense, bien qu’essentiels, signifient que nous disposons de moins de fonds pour d’autres secteurs névralgiques. Les investissements dans les infrastructures essentielles des communautés autochtones, telles que l’approvisionnement en eau potable, font cruellement défaut. Afin de financer ces initiatives, il nous faut une économie qui grandit et qui prospère.
En bref, ne lions pas les mains de notre gouvernement afin qu’il puisse réaliser ce pour quoi les Canadiens l’ont élu. Soutenons plutôt ce projet de loi tout en demandant au gouvernement de rendre des comptes sur les nombreux engagements qu’il a pris pour assurer la prospérité économique tout en respectant l’environnement ainsi que les droits garantis par l’article 35 et les engagements du Canada relativement à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Chers collègues sénateurs, donnons au gouvernement la chance de prouver qu’il est à la hauteur de ces défis. Merci. Meegwetch. Hiy hiy.
Accepteriez-vous de répondre à une question, monsieur le sénateur? Merci beaucoup. Vous avez un point de vue bien particulier grâce à votre expérience dans le secteur des ports et ce que vous avez pu voir — je reviens à ce que Mme Raitt a dit dans son témoignage la semaine dernière à propos du bureau des grands projets.
Certains mots sont revenus souvent à propos du projet de loi jusqu’à maintenant. Je pense que nous pouvons résumer ainsi : confiance, collaboration, scepticisme et précipitation. D’après votre expérience professionnelle avec ce bureau des projets, y a-t-il quelque chose, de votre point de vue, qui aurait pu améliorer son travail? Si nous voulons bien faire les choses, faisons-les vraiment bien.
Merci. C’est une excellente question. La décision concernant les projets qui relèvent du bureau est cruciale. Dans ce cas précis, il s’agissait de projets liés aux ressources naturelles et, bien que nous ayons participé à certains d’entre eux, de nombreux projets d’importance nationale n’ont pas été inclus.
Donc, pour l’instant, dans le contexte du projet de loi à l’étude, nous nous intéressons uniquement aux projets d’importance nationale. Il existe probablement de nombreux autres projets dans le système qui pourraient bénéficier de ce type d’approche. Je dirais que si nous pouvons faire une chose, c’est peut-être d’utiliser cela comme programme pilote pour déterminer à quoi ressemble le modèle de gouvernance, puis commencer à appliquer ces enseignements à d’autres parties du processus de révision réglementaire.
Chers collègues, après avoir consulté mes collègues parlementaires, les dirigeants autochtones et la société civile, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5 pour y proposer des amendements. Je présenterai certains de ces amendements au nom de la sénatrice Dawn Margaret Anderson, qui est en mission parlementaire dans son territoire d’origine, les Territoires du Nord-Ouest.
Ces amendements ont été élaborés en collaboration avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, ou ITK. Vous vous souviendrez que le président de l’ITK, Natan Obed, nous a fait part de ses préoccupations en comité plénier. La sénatrice Anderson m’a demandé de vous faire savoir qu’elle devait présenter cet amendement en raison des piètres antécédents du gouvernement du Canada dans des lettres semblables à celle que nous avons reçue du ministre Dominic LeBlanc.
La constitutionnalité de ce projet de loi est remise en question compte tenu de son érosion des principes démocratiques, de l’atteinte prévue aux droits des Autochtones et des risques qu’il fait courir aux Canadiens et à l’environnement en péril que nous partageons. Bien que les amendements de la Chambre des communes remédient en partie à certains de ces problèmes, notamment en améliorant la transparence et en limitant le recours à ce qu’on appelle la clause Henri VIII, c’est-à-dire les dispositions des articles 21 à 23, en cas de prorogation ou de dissolution, ils ne garantissent pas que les dispositions législatives seront conformes aux normes constitutionnelles et aux protections démocratiques.
De plus, les amendements de la Chambre introduisent des incohérences qui pourraient mener à une mauvaise interprétation ou à des contestations judiciaires. En s’empressant d’adopter le projet de loi C-5 avant l’ajournement du 20 juin, les députés de la Chambre des communes qui ont appuyé les deux parties de ce projet de loi ont, dans les faits, laissé au Sénat le soin de procéder à un second examen objectif afin de corriger certaines lacunes graves. Les pouvoirs conférés par ce qu’on appelle la clause Henri VIII, soit les dispositions des articles 21 à 23, sont particulièrement troublants, ils ont une vaste portée, et leur constitutionnalité peut être mise en doute.
Bien que la Cour suprême du Canada ait confirmé qu’un pouvoir semblable est conféré par la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, ces dispositions ne faisaient que permettre au Cabinet de prendre des règlements pour annuler des dispositions de cette loi. Dans son opinion dissidente, la juge Côté a qualifié ce pouvoir de « renversant » et a souligné à quel point la loi est encore mal définie, prévenant que de telles dispositions risquent de porter atteinte à la souveraineté parlementaire et de limiter le contrôle judiciaire.
Chers collègues, ce qui est plus renversant, c’est que les conservateurs et les libéraux à l’autre endroit ont volontairement renoncé à leur souveraineté parlementaire au profit du Cabinet Carney, afin qu’il puisse passer outre à des lois comme la Loi sur les pêches et la Loi sur les espèces en péril. Sans aucune orientation judiciaire, sans aucun précédent parlementaire, les conservateurs se sont joints aux libéraux pour céder leur pouvoir au Cabinet dans une mesure et à une échelle largement supérieures à ce qui a été validé dans l’affaire de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.
Au sujet de ce transfert de souveraineté parlementaire, les professeurs Olszynski et Bankes ont conclu qu’il était non seulement « contraire aux principes démocratiques et aux idées de transparence et de reddition de comptes », mais également contestable sur le plan constitutionnel.
Les amendements que je propose visent à éviter que nous renoncions à notre souveraineté parlementaire en limitant le pouvoir réglementaire du gouverneur en conseil à la seule loi habilitante et en ajoutant la Loi sur les espèces en péril à la liste des exceptions prévue au paragraphe 21(2).
Les amendements de la sénatrice Anderson, élaborés en partenariat avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, visent à renforcer la transparence et la clarté, en particulier à l’article 4. Ils introduisent des exigences plus claires en matière de consultation et répondent à la mobilisation continue de l’Inuit Tapiriit Kanatami concernant les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Chers collègues, avant de procéder au vote final, qui se conclura probablement par l’adoption du projet de loi, je souhaite vous faire part de plusieurs observations clés de l’Alliance féministe pour l’action internationale concernant les implications de ce projet de loi sans précédent. À l’heure actuelle, au Canada, les femmes, les Autochtones, les communautés racisées — en particulier les femmes racisées — et les personnes handicapées sont déjà aux prises avec une marginalisation économique systémique. Le projet de loi C-5 renforcera ces disparités.
La définition qu’a le gouvernement d’une « économie forte », qui se reflète dans ce projet de loi, que fait valoir le premier ministre Mark Carney et qu’appuient les députés conservateurs, donne la priorité aux projets d’infrastructure à grande échelle dont l’impact négatif sur l’environnement est un fait établi, aux industries qui, historiquement, ont offert un accès limité aux femmes et aux groupes en quête d’équité, à un discours de rapidité et d’urgence qui contraste avec des décennies d’appels à des mesures économiques inclusives de la part des organisations de femmes, appels qui sont souvent restés sans réponse, et à une optique économique étroite qui ne tient pas compte des coûts financiers et sociaux importants de la violence fondée sur le genre.
Des définitions plus larges et plus inclusives du développement économique qui reconnaissent à la fois la durabilité environnementale et les réalités vécues par les communautés marginalisées sont absentes du projet de loi C-5, et cela influencera quels projets seront financés et qui en bénéficiera.
Alors que nous observerons les résultats de cet écrasant projet de loi se déployer au Canada, je vous invite à ne pas oublier cette question clé : les droits à l’égalité garantis par la Constitution, les droits des Autochtones et les droits issus des traités seront-ils les premiers à disparaître avec le projet de loi C-5?
En conclusion, je vous demande d’appuyer les amendements afin de garantir que les décideurs tiennent compte des répercussions des grands projets sur la violence fondée sur le genre et de leur contribution potentielle aux mesures d’atténuation. Ces considérations, qui sont essentielles pour lutter contre la disparition et le meurtre de femmes et de filles autochtones, ne seront probablement pas une priorité pour les promoteurs de projets ou les décideurs fédéraux, à moins qu’elles ne soient explicitement exigées.