Projet de loi sur le vote à seize ans
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
2 octobre 2025
Propose que le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je commencerai comme suit.
En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, le territoire traditionnel des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, ainsi que la patrie de la nation métisse de la rivière Rouge.
Je remercie tous les sénateurs et sénatrices qui ont pris la parole pour débattre de l’élargissement du droit de vote, qu’ils soient favorables ou non à cette mesure. Un débat riche et ouvert ne peut qu’enrichir les délibérations du Sénat sur toute question soumise à notre Chambre.
Je suis particulièrement fière et profondément reconnaissante envers mes collègues du Sénat qui, lors du débat sur une version précédente de ce projet de loi, dans les derniers jours de la 43e législature en 2017, ont reconnu son potentiel et voté pour son renvoi en comité pour une étude approfondie. Il s’agissait du premier projet de loi sur le Vote16 à franchir l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes ou au Sénat. D’accord ou non avec l’élargissement du droit de vote, une majorité a reconnu l’importance de confier à un comité le soin d’étudier et d’évaluer les mérites de ce projet de loi. Il s’agissait d’un signal clair de deux choses :
Premièrement, que nous reconnaissons et respectons l’importance des jeunes dans notre démocratie et que leur participation accrue dans le processus électoral mérite une étude et notre attention sincère.
Deuxièmement, que nous honorons notre devoir mandataire de prendre sérieusement en considération les questions d’importance nationale.
Comme beaucoup le savent, lorsque je suis arrivée dans cette Chambre, j’ai mis en place un comité consultatif de la jeunesse. En 2017, j’ai créé mon premier plan stratégique en collaboration avec un groupe diversifié de jeunes leaders, y compris des francophones, qui ont fait de l’élargissement du droit de vote leur priorité absolue.
En fait, la première organisation jeunesse nationale au Canada qui s’est concentrée sur les avantages du vote des jeunes de 16 et 17 ans a été la Fédération de la jeunesse canadienne-française il y a plus de 20 ans. Les jeunes défendent le Vote16 jusqu’à ce jour.
Je reconnais qu’il existe des opinions variées sur cette question, mais j’espère que vous conviendrez que nous devons d’abord et avant tout examiner les propositions législatives qui nous sont présentées. Les données probantes qui appuient la baisse de l’âge pour voter sont multiples, et je vous invite à visiter notre site Web voteseize.ca. Vous y trouverez notre collection de discours au Sénat et un examen complet des preuves recueillies, notamment des données, des recherches universitaires empiriques, des documents sur les avantages culturels et sociaux et des décennies de récits d’expériences compilés par des pays pionniers comme l’Autriche, l’Écosse et le Brésil — maintenant 17.
Depuis que j’ai présenté ce projet de loi il y a sept ans, les données, les études universitaires et les preuves concrètes de ses bienfaits n’ont fait que s’accumuler.
Pour résumer les preuves de l’élargissement du droit de vote en démocratie : rien de grave ne se produit.
Chers collègues, je me permets de le répéter : la synthèse des données issues de la recherche sur les répercussions de l’élargissement du droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans sur les démocraties montre que cela n’a rien d’inquiétant.
Depuis l’introduction de mon premier projet de loi sur le vote à 16 ans, la tendance mondiale à l’élargissement du droit de vote s’est poursuivie. Comme c’est pertinent pour le contexte canadien, il convient de mentionner l’annonce sans précédent faite récemment par le gouvernement du Royaume-Uni, qui compte 70 millions d’habitants dans quatre pays, selon laquelle les jeunes de 16 et 17 ans pourront voter lors des prochaines élections.
Le premier ministre a déclaré lors de l’annonce :
Si vous pouvez travailler, si vous pouvez payer des impôts, si vous pouvez servir dans les forces armées, alors vous devriez pouvoir voter.
Le premier ministre du Royaume-Uni n’est pas le seul à penser ainsi. Ceci s’adresse à mes chers collègues conservateurs.
Le très honorable Damian Green, un conservateur britannique, a soulevé le point suivant :
Traditionnellement, les conservateurs s’opposent à l’idée d’accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans sous prétexte qu’ils n’ont pas acquis assez de maturité, qu’ils ne paient pas d’impôts et qu’ils ne ressentent donc pas les conséquences d’un éventuel vote [...] Cette réponse traditionnelle mérite d’être examinée plus attentivement.
Il fait valoir que le soutien des conservateurs montrerait :
[...] que nous sommes convaincus de pouvoir présenter nos arguments à une nouvelle génération. Nous pourrions les initier non seulement à la bonne habitude de voter aux élections, mais aussi à celle, encore meilleure, de voter conservateur.
Il est appuyé par une autre voix conservatrice, soit Ruth Davidson, ancienne cheffe des conservateurs écossais, qui a déclaré ceci :
[...] j’ai observé des jeunes de 16 et 17 ans et débattu devant eux tout au long du référendum [...] Ma position a changé. Nous considérons que les jeunes de 16 ans sont suffisamment adultes pour s’engager dans l’armée, avoir des relations sexuelles, se marier, quitter le domicile familial et travailler à plein temps. Les résultats du référendum indiquent qu’ils sont manifestement assez vieux pour voter aussi.
Bien que le droit de vote à 16 ans ait déjà été adopté dans de nombreux pays, la réforme britannique est particulièrement intéressante pour le Canada. Premièrement, le système démocratique au Canada est fondé sur le modèle de Westminster. En effet, à ce jour, nous continuons d’avoir un chef d’État commun. Deuxièmement, le Royaume-Uni compte 70 millions d’électeurs, ce qui en fait l’un des plus grands exemples d’élargissement de l’âge de voter dans le monde. Troisièmement, il y a 50 ans, le Royaume-Uni a étendu le droit de vote aux jeunes de 18, 19 et 20 ans, et le Canada a fait de même peu après.
Le principal argument en faveur du projet de loi est assez simple et évident : nous devrions abaisser l’âge électoral à 16 ans, car d’innombrables preuves confirment que les Canadiens âgés de 16 et 17 ans sont suffisamment mûrs, informés et prêts à exercer leur droit de vote aux élections fédérales, au même titre que les personnes de 18 ans et plus.
L’abaissement de l’âge électoral augmentera la participation électorale en offrant aux jeunes la possibilité de voter pour la première fois dans un environnement encadré par leur école et leur famille. De plus, nous savons que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir. Il est lamentablement paradoxal que les bureaux de vote soient souvent situés dans les écoles secondaires et que la plupart des élèves doivent regarder de loin les autres exercer leur droit de vote.
Il ne s’agit pas là d’affirmations anecdotiques. Nous connaissons ces faits parce qu’un nombre croissant de recherches quantifiables le confirment. Elles sont menées principalement en Europe, mais pas pour longtemps. Je suis ravie de vous inviter à deux tables rondes universitaires sur la résilience démocratique qui auront lieu ici, au Sénat. Le 5 novembre, des universitaires et des étudiants autochtones examineront les recherches qui doivent être menées au Canada sur la résilience démocratique, et le 19 novembre, ils se joindront à d’autres collègues canadiens pour approfondir cette question dans le contexte canadien.
Chers collègues, je sais que ce débat est nouveau pour beaucoup d’entre vous. Je souhaite donc aborder plusieurs des questions et objections soulevées au fil des ans, qui sont en grande partie procédurales plutôt que fondamentales. Ce faisant, j’espère démontrer la légitimité de ce projet de loi et le rôle essentiel que le Sénat peut et doit jouer en le renvoyant au comité pour une étude approfondie.
L’âge requis pour voter a changé au fil du temps, à mesure qu’évoluaient les conventions et les normes sociales. Il ne faut pas le confondre avec l’âge de la majorité, comme l’ont fait valoir certains sénateurs, ne serait-ce que parce que l’âge de la majorité lui-même n’est pas uniforme au Canada, puisqu’il est de 18 ans dans six provinces, de 19 ans dans les quatre autres provinces et dans les trois territoires, et de 18 ans sur le plan fédéral.
Les jeunes Canadiens jouissent de nombreux droits et privilèges juridiques qui ne sont pas du tout liés à l’âge de la majorité, comme la conduite automobile, le travail, le service militaire ou le consentement médical et sexuel. Ces responsabilités fondées sur l’âge s’appuient sur la maturité, la responsabilité et la capacité nécessaires pour prendre des décisions analytiques solides et indépendantes pour chaque tâche.
La capacité de voter est conforme à cette science. C’est un fait scientifique que le développement neurocognitif nécessaire à la prise de décisions raisonnées est aussi développé chez une personne de 16 ans que chez une personne de plus de 18 ans.
La docteure Sarah-Jayne Blakemore, neuroscientifique et professeure à Cambridge, a écrit ceci :
Ils peuvent peser les arguments, penser de façon abstraite et penser aux conséquences à long terme. Ce type de réflexion prudente et délibérée utilisée dans des situations de tranquillité s’appelle la cognition froide. C’est le genre de décision qu’implique généralement le vote.
Un autre sénateur a déjà soutenu que le « gros bon sens » nous disait de ne pas poursuivre ce débat. Eh bien, à mon avis, c’est le gros bon sens qui dit que nous devons le poursuivre. Nous savons que les jeunes peuvent raisonner aussi clairement et logiquement que les adultes — la science de la cognition froide nous le dit —, et le gros bon sens exige que nous nous demandions si le moment est venu d’élargir le droit de vote.
Un autre sénateur nous a demandé de réfléchir à l’âge de la sagesse qui conviendrait pour avoir qualité d’électeur. Je reconnais que c’est une belle question, mais elle n’est pas pertinente. La sagesse peut être synonyme de bon sens et de jugement, qui s’approfondissent souvent avec l’âge et l’expérience, mais elle n’est pas une condition préalable pour avoir qualité d’électeur. Nous connaissons tous de nombreux Canadiens, jeunes et moins jeunes, qui choisissent de s’informer, de s’engager et de s’impliquer dans leur collectivité, de se tenir au courant des événements politiques et qui formulent de manière réfléchie leurs propres préférences et positions politiques. Pour être honnêtes, nous connaissons aussi beaucoup d’autres personnes qui choisissent de ne pas le faire. La baisse du taux de participation aux élections à travers le Canada témoigne de ce désengagement. Cependant, nous ne limitons pas le droit de vote à ceux qui font preuve d’un certain niveau d’engagement ou de connaissances.
D’ailleurs, la sagesse consiste à savoir qu’il est fondamentalement erroné d’agir ainsi. Il n’existe pas de test de connaissances préalable pour qualifier un électeur. On se base simplement sur un âge minimum arbitraire à partir duquel on estime que les gens sont capables de prendre des décisions éclairées. Depuis un demi-siècle, cet âge est fixé à 18 ans. Auparavant, il était de 21 ans, et avant cela, de 25 ans. Il n’y a pas si longtemps dans notre histoire, les femmes et les Autochtones se voyaient refuser le droit de vote, essentiellement parce qu’ils étaient jugés inaptes, ce qui fait écho à de nombreux arguments avancés maintenant contre les jeunes de 16 ans et de 17 ans.
Songez au fait que tous les partis politiques accueillent les jeunes de 14 ans comme étant pleinement capables de servir de délégués votants. Ils leur confient tous les droits nécessaires pour prendre des décisions électorales raisonnées et éclairées quant au choix des candidats à la députation et même d’un futur premier ministre potentiel, mais, d’un autre côté, ils les jugent incapables de voter lors d’une élection générale nationale.
Honorables sénateurs, c’est peut-être précisément pour ces raisons que ce projet de loi mérite d’être examiné attentivement par un comité sénatorial.
Je passe à un autre contre-argument soulevé au Sénat, à savoir que si nous considérons que les jeunes Canadiens sont prêts à voter à 16 ans, nous devrions également abaisser toutes les autres restrictions liées à l’âge, notamment pour la consommation d’alcool. La science souligne que, sur le plan du fonctionnement et du développement neurologiques, la cognition froide diffère de la cognition chaude, qui est davantage liée à l’émotion en tant que motivation. Cet aspect du développement neurologique prend plus de temps à mûrir, car, contrairement à la cognition froide, il est fortement influencé par la croissance hormonale et physiologique continue. C’est pourquoi le Canada autorise la conduite automobile à 16 ans, mais limite la consommation d’alcool et de drogues légalisées, qui cible les processus émotionnels et le contrôle physique, à 18 ou 19 ans.
Aux États-Unis, ce phénomène est encore plus marqué. On peut s’engager dans l’armée à 17 ans, voter à 18 ans, mais on ne peut boire de l’alcool qu’à partir de 21 ans. Nous faisons déjà la distinction entre ces capacités en droit, et le droit de vote s’apparente clairement au raisonnement, et non à la consommation d’alcool.
Les recherches médicales montrent que plus l’âge légal pour consommer de l’alcool est élevé, meilleurs sont les effets pour la santé publique, mais les recherches sur le vote montrent que plus l’âge de voter est bas, plus les résultats démocratiques sont solides. Des études menées dans toute l’Europe montrent que l’abaissement de l’âge de voter augmente la participation aux élections, favorise l’adoption d’habitudes de vote tout au long de la vie, et encourage même les générations plus âgées à renouer avec la démocratie.
Comme je le dis souvent, permettre aux gens de voter à un plus jeune âge, c’est leur permettre de voter plus longtemps.
Lors du débat sur mon projet de loi, le projet de loi S-201, le sénateur Plett, en tant que porte-parole de l’opposition, a soulevé des points qui méritent d’être répétés, car je suis d’accord avec lui. Il a reconnu que la Charte des droits et libertés garantissait le droit de vote aux Canadiens sans préciser d’âge, de sorte que nous ne devions plus nous demander « pourquoi » abaisser l’âge de voter, mais plutôt « pourquoi pas ».
En effet, un groupe de jeunes Canadiens a intenté une contestation en vertu de la Charte, soutenant que l’âge actuel du droit de vote était contraire aux articles 3 et 15 de la Charte des droits et libertés, et donc inconstitutionnel. Dans une décision historique rendue en 2022, la Cour suprême de Nouvelle-Zélande a estimé que l’âge actuel du droit de vote, fixé à 18 ans, constituait une restriction discriminatoire et injustifiée des droits consacrés dans la déclaration des droits de Nouvelle-Zélande. Il convient de noter que les rédacteurs de cette dernière se sont inspirés du modèle canadien pour élaborer leur propre modèle.
En tant que porte-parole responsable d’une version antérieure du projet de loi sur le vote à 16 ans, le sénateur Plett a cité la Commission Lortie de 1991, chargée d’examiner l’âge de voter au Canada. L’engagement des jeunes et des adultes a été comparé dans trois domaines : premièrement, la mesure dans laquelle les personnes devant obtenir le droit de vote avaient un intérêt dans la gouvernance de la société; deuxièmement, la mesure dans laquelle on pouvait s’attendre à ce qu’elles votent de façon mûre et éclairée; et troisièmement, le niveau de participation à des activités citoyennes. Sur ces trois critères, la commission a conclu que les jeunes étaient à égalité avec les adultes.
Le sénateur Plett s’est appuyé sur le fait que la commission n’était pas parvenue à un consensus sur l’abaissement de l’âge de voter. Cependant, il a omis des conclusions importantes dans les recommandations formulées par cette commission royale. Voici un extrait de la page 57 du rapport :
Depuis la Confédération, le droit de vote a été graduellement étendu pour inclure un nombre sans cesse croissant de Canadiens et Canadiennes. Au fil des ans, il est possible que l’abaissement de l’âge électoral devienne une revendication plus pressante de la part des intéressés et que ce projet finisse par recueillir l’appui des Canadiens et Canadiennes [...] Au Canada, l’âge électoral n’est pas inscrit dans la Constitution. Il est donc facile de le modifier. En conséquence, nous recommandons que [...] le Parlement revoie la question périodiquement.
Cela fait plus de 50 ans que le Parlement n’a pas sérieusement réexaminé cette question. Au cours de ce demi-siècle, les sciences et les neurosciences ont considérablement amélioré notre compréhension de la maturité, du raisonnement et de la compréhension des jeunes. Au cours de ces 50 années, les jeunes Canadiens ont été invités à assumer plus de responsabilités ainsi qu’à devenir plus politisés et engagés sur le plan politique, et ils sont plus directement touchés par des décisions sur lesquelles ils n’ont que peu ou pas d’influence.
Diverses études menées à l’échelle mondiale et au Canada ont révélé que les jeunes de 16 et 17 ans ne comprennent pas moins bien les enjeux politiques que les adultes; dans certains cas, ils sont aussi bien informés, voire mieux informés que les adultes. De même, Élections Canada a constaté que les jeunes de 16 à 17 ans montrent autant, voire plus, d’intérêt pour la participation à divers forums d’activité politique que les électeurs plus âgés, qu’il s’agisse d’activités électorales ou d’activités civiques non électorales.
Au cours des cinq dernières décennies, des pays du monde entier ont pris conscience de cette réalité et ont accordé le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans, ce qui a eu des effets positifs concrets : une participation accrue des jeunes, des habitudes civiques mieux ancrées et un engagement plus marqué dans toutes les générations. Rien que cette année, trois villes aux États-Unis ont abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans.
Nous disposons désormais de recherches et de ressources internationales qui nous offrent plus d’options pour revitaliser notre démocratie. Je suis particulièrement encouragée par le document « A Roadmap to Votes at 16 » du Democracy Classroom Network, qui définit 16 mesures visant à garantir que l’abaissement de l’âge du droit de vote « devienne une étape transformatrice pour la démocratie britannique », y compris le droit garanti à une éducation démocratique, un soutien ferme aux enseignants et des possibilités accrues pour les jeunes en matière de leadership et d’influence. S’appuyant sur des outils permettant de lutter contre la mésinformation sur les réseaux sociaux, de comprendre les chambres d’écho et de rendre le dialogue civique plus mobilisateur, ce document est publié alors que le gouvernement britannique s’apprête à présenter sa stratégie pour la jeunesse dans le cadre de la révision des programmes et des évaluations scolaires, laquelle contient des décisions qui façonneront l’engagement national des jeunes.
Le Canada et le Royaume-Uni étant liés par une Couronne et un héritage constitutionnel communs, leur leadership reflète un changement mondial qui mérite l’attention du Sénat.
Certains sénateurs estiment que ce n’est pas le lieu approprié pour mener cette discussion et que les projets de loi touchant la Loi électorale du Canada devraient être présentés par la chambre élue. Pour citer le sénateur Tannas à ce sujet :
Je crois que compte tenu de sa teneur, ce n’est pas un projet de loi qui devrait provenir du Sénat, car il porte sur l’élection des députés à la Chambre des communes [...] À mon avis, ce serait irrespectueux de la part du Sénat de chercher de manière proactive à modifier le processus électoral des députés fédéraux, mais ce n’est que mon avis.
J’ai du respect pour le sénateur Tannas et je respecte son opinion, même si je ne la partage pas. Soulignons que les opinions n’ont pas préséance sur les règles, les conventions ou les précédents parlementaires. Le Règlement n’empêche aucunement un sénateur de présenter un projet de loi sur quelque sujet que ce soit. La Loi constitutionnelle de 1982 accorde au Sénat autant de pouvoirs législatifs que la Chambre des communes, sauf en ce qui concerne les projets de loi de finances, comme nous le savons tous. De plus, au cours des 20 dernières années, le Sénat du Canada a présenté 15 projets de loi visant à modifier la Loi électorale du Canada. L’un d’eux était un projet de loi du gouvernement. L’un de ces projets de loi d’intérêt public a été adopté par le Sénat et renvoyé à l’autre endroit.
L’un de ces importants projets de loi d’intérêt public du Sénat proposait le vote obligatoire. Cette proposition a fait l’objet d’un débat vigoureux à l’étape de la deuxième lecture. L’un de ces projets de loi — et cela devrait retenir l’attention de quelques-uns de mes collègues — a été présenté par l’ancienne sénatrice Frum. Il proposait d’interdire les contributions étrangères aux entités politiques. Ce projet de loi a été renvoyé au comité moins d’un an après sa présentation.
Les sénateurs trouveront peut-être intéressant de savoir qu’à aucun moment, au cours du débat sur l’un ou l’autre de ces projets de loi liés aux élections, les sénateurs de quelque parti politique que ce soit n’ont soulevé l’objection selon laquelle les projets de loi visant à modifier la Loi électorale du Canada ne devraient pas venir du Sénat, jusqu’à ce que je présente mes projets de loi visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans.
Lors de la dernière session, quelqu’un au Sénat a laissé entendre à tort que tous les partis s’étaient opposés au projet de loi sur le vote à 16 ans à la Chambre des communes. En fait, le NPD, le Bloc et le Parti vert ont tous voté à l’unanimité en faveur du projet de loi, tout comme plus de 20 députés du parti au pouvoir qui ont courageusement désobéi à leur whip. Ensemble, ces députés représentaient plus de 30 % des électeurs à l’échelle nationale — soit plus de 4 millions de Canadiens — lors des élections de 2021.
Chers collègues, notre travail consiste à apporter des changements progressifs. Ce vote raconte une autre histoire, celle d’une acceptation croissante de l’élargissement du droit de vote afin de revitaliser notre démocratie, et de témoignages clairs de la part de nombreux Canadiens, peut-être en particulier ceux dont la voix ne peut être entendue actuellement au Parlement, à moins que nous continuions à leur ouvrir la voie en les invitant à s’adresser directement aux sénateurs au comité.
Les données sont claires. Le moment est venu d’agir.
J’ai été profondément honorée par le niveau de soutien dont ont bénéficié mes projets de loi visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans. Plus de 50 organisations de la société civile ont soutenu une déclaration commune réclamant l’élargissement du droit de vote, notamment L’apathie c’est plate, l’Association francophone des parents du Nouveau-Brunswick, la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, le Congrès du travail du Canada, la Fondation canadienne des femmes, le Conseil jeunesse provincial de la Nouvelle-Écosse, le Mouvement pour la représentation équitable au Canada, Fair Voting BC, Franco-Jeunes de Terre-Neuve et du Labrador, l’Association manitobaine des droits et libertés, Operation Black Vote Canada, la PEI Coalition for Women’s Leadership, le Samara Centre for Democracy, UNICEF Canada et Jeunesse Ottawa.
Étant libre des pressions et des préjugés liés au cycle électoral et à la partisanerie, le Sénat n’est-il pas le mieux placé pour entreprendre l’étude tant attendue de cette question importante? En soi, le Sénat est censé participer au processus législatif d’une manière qui le soustrait aux pressions du cycle électoral et à la politique partisane du moment.
Comme notre estimé collègue le sénateur Harder le soutenait dans la Revue nationale de droit constitutionnel :
Parce que les sénateurs étaient nommés pour un long mandat, il était prévu à l’origine qu’ils ne placeraient pas les intérêts et le sort des partis politiques au cœur de leurs délibérations. Les sénateurs adopteraient plutôt une approche indépendante et objective et exerceraient un jugement libre de toute pression électorale ou partisane.
Parce que les sénateurs sont libres des pressions, des contraintes et des impératifs du cycle électoral, ils peuvent prendre plus de recul et être plus nuancés au sujet de la réforme de l’âge du droit de vote, ce qui n’est peut-être pas possible pour un élu, qui est exposé à la partialité et aux pressions, connues et inconnues, inhérentes à ses fonctions.
Chers collègues, que ce soit bien clair : nous ne demandons pas ici un vote définitif sur ce projet de loi. Nous demandons qu’il soit renvoyé à l’étape de l’étude en comité pour un examen approfondi et substantiel. Le comité est le forum approprié pour examiner les faits, entendre les experts et les Canadiens directement touchés par cette mesure législative et explorer toutes les questions ou préoccupations des sénateurs. Les arguments, principalement techniques, qui ont été présentés dans le passé ne sont plus pertinents dans cette législature. Il n’y a aucun obstacle juridique ou constitutionnel à l’étude de ce projet de loi.
Le seul obstacle serait celui que nous choisirions de créer nous-mêmes. En renvoyant ce projet de loi au comité, nous préserverons l’intégrité du processus législatif et démontrerons notre confiance dans la capacité unique du Sénat de se pencher sur une question de manière responsable et indépendante.
Je tiens vraiment à vous convaincre de l’utilité d’examiner ce projet de loi, du bien-fondé de le faire ici, au Sénat, et, par le fait même, de nous acquitter de notre responsabilité d’être la voix de ceux qui n’en ont pas ou qui sont sous-représentés.
En outre, en tant que sénateurs, nous avons un rôle unique à jouer à l’égard de cette question de nature délicate, précisément parce que nous sommes à l’écart des pressions du cycle électoral. Je vous prierais de tenir compte des pensées et réflexions suivantes de nos collègues sénateurs.
Le 11 mai 2023, l’ancien président Furey nous a rappelé que le Sénat n’est pas une Chambre comme les autres. Il a dit :
Dans la poursuite du bien commun, les sénateurs sont les mieux placés pour résister à la pression sociale, ce qui n’a jamais été aussi important que dans le monde actuel.
Nous ne sommes pas liés par les pressions immédiates des élections. Nous pouvons regarder vers l’avenir, nous concentrer sur le long terme et appliquer nos connaissances et notre expérience pour renforcer le discours public.
Le 20 avril 2023, le sénateur Housakos l’a clairement exprimé :
[...] quand le Sénat a été créé, le « père de la Confédération », John A. Macdonald, a clairement dit [...] qu’il devait être le porte-voix de ceux qui n’étaient pas représentés adéquatement à l’autre endroit.
Je me souviens également des paroles de la sénatrice Wallin :
Nous ne sommes pas tenus par la loi ni par la Constitution de nous en remettre à la Chambre élue, qui a des droits et des pouvoirs, tout comme le Sénat.
Cette indépendance s’accompagne d’une responsabilité : le devoir d’étudier les projets de loi de manière approfondie.
Le 21 juin 2023, l’ancien sénateur Cotter a peut-être exprimé cette idée mieux que quiconque :
L’un des avantages d’avoir étudié le projet de loi en premier — ce qui a pour ainsi di[re] fait de nous la Chambre de premier examen objectif —, c’est le plus grand degré de liberté et d’ouverture dont nous avons disposé pour élaborer les amendements, y compris les amendements du gouvernement [...]
Même lorsque les sénateurs s’opposent à un projet de loi, ils comprennent que l’étude en comité est essentielle à une délibération complète et mesurée du Sénat.
Pour citer le sénateur MacDonald qui s’exprimait à propos d’un projet de loi proposant un revenu universel de base, le 18 avril 2023 :
[...] je sais qu’il ne bénéficie d’aucun appui de la part de notre caucus. Cependant, tous les projets de loi méritent de pouvoir être étudiés en comité.
Le 19 mars 2024, le sénateur Plett a repris le principe :
[...] j’ai toujours dit que je suis en faveur du renvoi des projets de loi aux comités. Il serait incohérent et hypocrite de ma part de tenter d’empêcher le renvoi au comité dans ce cas-ci.
Pourquoi les études menées par les comités sont-elles importantes? Parce que les débats publics sont souvent chaotiques, tandis que les comités sénatoriaux sont rigoureux. Le 27 septembre 2022, le sénateur Woo a fait allusion à cela :
[...] les tenants et les opposants à cette idée présentent souvent une version différente [...] et, partant, tiennent un dialogue de sourds. [Un comité sénatorial] il fera une contribution positive à une importante question de politique publique, peu importe que le projet de loi dont nous sommes saisis soit adopté ou non.
Le sénateur Woo parlait du revenu universel de base, mais c’est la même chose pour le vote à 16 ans. Renvoyer le projet de loi au comité permettrait à des experts, à des universitaires, à des militants et, surtout, à des jeunes de venir témoigner, ce qui nous permettrait de mieux comprendre la question et qui éclairerait profondément notre prise de décision. Il faut entendre des gens sur cette question, et, quand les Canadiens font entendre leur voix, le Sénat doit les écouter.
Le 20 avril 2023, le sénateur Housakos a déclaré ceci :
Il arrive aussi que nous, législateurs, entendions un tel mécontentement [...] que nous ayons l’obligation à la fois constitutionnelle et morale, je pense, de faire en sorte que leurs voix soient entendues.
Chers collègues, il y a des Canadiens qui attendent depuis des années d’être entendus sur le vote à 16 ans. Qu’allons-nous leur répondre? Il s’agit d’une question qui prend de l’ampleur et qui ne fera qu’en prendre de plus en plus. C’est ce que montrent les données, le soutien du public et le poids croissant des témoignages émanant du Canada et du reste du monde. Le mouvement prend de l’ampleur et n’a pas encore atteint son point culminant, mais on y arrivera. Je crois sincèrement que les parlementaires et les partis politiques peuvent saisir cette occasion de faire preuve de leadership à l’échelle nationale afin de canaliser ce mouvement pour orienter positivement sa trajectoire, sinon il nous ensevelira probablement, et nous serons écartés comme des opposants retranchés.
De jeunes Canadiens sont à l’avant-garde de cette vague. À Toronto, grâce au travail de jeunes organisateurs comme Sarah Morra et Aleksi Toiviainen, ainsi qu’à celui de plus de 20 organisations de la société civile œuvrant dans les domaines de la sécurité publique, des droits des personnes handicapées, du transport en commun, de la réforme démocratique, de la mobilisation des jeunes et des espaces publics, le conseil municipal de Toronto s’est prononcé en avril dernier en faveur de la participation des jeunes de 16 et 17 ans à des votes sur des enjeux concernant les quartiers. Grâce à ce changement, la plus grande ville du Canada permettrait aux électeurs de commencer à voter pendant leur jeunesse, dans un milieu familier et favorable.
Sarah s’est également adressée au conseil municipal de Port Hope, en Ontario, en juin dernier. Citant les récentes avancées réalisées à Toronto ainsi qu’à Montréal, Mont-Saint-Hilaire et Vancouver, où les jeunes de 16 et 17 ans ont été inclus dans des processus participatifs d’établissement d’un budget, Sarah a fait valoir ceci :
Quand les jeunes participent tôt à la vie civique, ils découvrent la citoyenneté active et leurs responsabilités civiques, ce qui augmente les chances qu’ils restent mobilisés tout au long de leur vie adulte.
Aux côtés des militants pour les droits de la jeunesse Paaven Ghuman et Sam Nadurata, qui ont organisé une pétition parmi les jeunes de Port Hope, le groupe a demandé au conseil municipal d’autoriser les jeunes de 16 et 17 ans à siéger à des comités consultatifs comme celui des parcs, des loisirs et de la culture et celui de l’environnement. Le groupe a passé des mois à étudier les processus décisionnels de la Ville, à affiner sa proposition et à discuter avec le personnel du conseil municipal et la mairesse. Le conseil municipal a voté à l’unanimité pour renvoyer officiellement cette proposition à son comité consultatif chargé de la révision des règlements municipaux et élargir la participation des jeunes dans le cadre de ce processus.
Je suis tout à fait d’accord avec les propos du conseiller Todd Attridge, qui a déclaré ce jour-là : « Chaque fois que des jeunes viennent nous parler, je suis toujours impressionné. »
Je tiens également à souligner l’initiative de certains membres de mon conseil consultatif des jeunes à Winnipeg, au Manitoba, qui ont organisé une rencontre avec les membres du conseil municipal de notre ville. Winnipeg est ainsi devenue l’une des premières villes au monde à se déclarer ville sans nucléaire, et c’est directement grâce à l’organisation et à l’information des jeunes, qui ont veillé à ce que les conseillers municipaux soient bien préparés avant le vote.
Au cours de l’été dernier, le comité spécial sur la réforme démocratique et électorale de la Colombie-Britannique a organisé des consultations à l’échelle de la province, au cours desquelles des particuliers et des groupes ont présenté des exposés sur les moyens d’accroître la participation électorale et l’engagement démocratique dans la province. Sur les 41 exposés qui comprenaient un avis sur l’âge de voter, 93 % étaient favorables à son abaissement à 16 ans.
Le sénateur Harder a longtemps défendu avec vigueur le rôle indispensable que le Sénat peut jouer en donnant une tribune à des voix qu’on entend rarement :
La deuxième Chambre joue un rôle [...] en représentant les plus petites régions et en défendant l’intérêt des minorités pour qu’elles ne soient pas complètement oubliées en présence de la majorité.
Il a également dit ceci :
[...] [C]’est la fonction du Sénat de détecter et de communiquer les perspectives et les opinions que le système représentatif de la Chambre des communes ne parvient pas à exprimer adéquatement [...]
Ce point a également été soulevé d’une autre façon par l’humoriste Rick Mercer, qui a été cité par l’ancien député Scott Simms en appui à la proposition d’abaisser l’âge du vote à 16 ans :
Si j’avais 16 ans, j’écrirais à mon député, je me plaindrais, sauf que si j’avais 16 ans, ils se moqueraient de ce que j’aurais à dire car je n’aurais pas le droit de voter et c’est là le problème.
Une étude en comité permettrait au Sénat d’entendre de jeunes Canadiens, d’évaluer les données probantes et d’effectuer le second examen objectif et indépendant qu’il est censé offrir.
Enfin, je me souviens de ce que la sénatrice Batters a affirmé dans cette enceinte le 25 avril 2023, lors du débat sur un autre projet de loi controversé. Elle a dit que limiter le débat sur des questions importantes « fait fi des intérêts des minorités que les sénateurs ont juré de protéger ».
Elle a aussi dit avec éloquence :
Dans cette enceinte, l’un de nos rôles en tant que sénateurs est de préserver les droits et les intérêts des minorités qui risquent d’être bousculées dans une Chambre des communes élue selon le principe de la représentation par population.
Ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui. Chers collègues, c’est précisément pour cette raison qu’une étude sur l’abaissement de l’âge électoral a sa place ici. Nous avons l’autorité. Nous avons l’indépendance. Nous avons la responsabilité. Fions-nous aux données. Écoutons les jeunes. Donnons au Canada les orientations qu’il mérite. L’abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans ne consiste pas simplement à ajouter des noms sur les listes électorales. Il s’agit de renouveler et de renforcer les institutions démocratiques du pays à un moment où elles sont mises à rude épreuve.
Ici, au Canada, le taux de participation électorale a fortement baissé au cours des 40 dernières années, et la confiance envers le Parlement et les institutions publiques s’est affaiblie. Partout dans le monde, des forces similaires sont à l’œuvre : polarisation, désengagement et cynisme. La meilleure réponse à ces pressions n’est pas de restreindre la participation, mais de l’élargir, d’inviter davantage de Canadiens à participer au processus afin de leur montrer que leur voix compte et de leur faire comprendre clairement que notre démocratie leur appartient.
Les données montrent que cette approche fonctionne. En Autriche, où les jeunes de 16 ans votent depuis 2007, le taux de participation de ce groupe est comparable — et souvent supérieur — à celui des personnes plus âgées qui votent pour la première fois. Lors du référendum sur l’indépendance en Écosse, le taux de participation des jeunes de 16 et 17 ans a été estimé à 75 %, un taux supérieur à celui des jeunes plus âgés de quelques années seulement. Une étude plus récente menée en Écosse a confirmé que les jeunes qui ont obtenu le droit de vote à 16 ou 17 ans ont tendance à voter dans des proportions plus élevées non seulement à leurs premières élections, mais aussi aux élections suivantes, alors qu’ils sont dans la vingtaine.
Ces données m’amènent à l’un des arguments les plus convaincants en faveur de l’élargissement du droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans : le développement de saines habitudes démocratiques. Ici, au Canada, Élections Canada a toujours démontré que voter est une habitude qui s’acquiert. Les jeunes Canadiens qui votent lors des premières élections auxquelles ils peuvent voter sont beaucoup plus susceptibles de continuer à voter tout au long de leur vie. Or, s’ils manquent cette première occasion, leur désengagement a tendance à persister. À l’heure actuelle, notre système introduit le droit de vote à un moment de perturbation, où les jeunes quittent souvent la maison, commencent à travailler ou entreprennent des études postsecondaires et où ils sont le moins enracinés dans leur collectivité. En abaissant l’âge du droit de vote à 16 ans, alors que la plupart des jeunes sont encore à l’école et dans un environnement stable, nous leur offrons les meilleures conditions possibles pour adopter cette habitude qu’ils garderont toute leur vie.
Le fait de donner plus de pouvoir aux jeunes Canadiens plus tôt n’affaiblirait aucunement notre démocratie; au contraire, on rendrait notre démocratie plus résiliente, plus participative, plus représentative et plus forte face aux forces qui cherchent à l’éroder.
Les recherches montrent également un effet d’entraînement vers le haut. Quand les jeunes participent, leurs parents et grands-parents sont plus enclins à participer eux aussi. En d’autres termes, élargir le bassin de personnes en âge de voter ne renforce pas seulement la participation des jeunes, mais aussi celle de l’ensemble de la société.
Comme l’a récemment déclaré le directeur général des élections des Territoires du Nord-Ouest :
Dans les régions où l’âge de voter a été abaissé, on a constaté que les jeunes de 16 et 17 ans votent plus que les 18 à 24 ans [...] mais ils sont aussi plus susceptibles de voter aux prochaines élections, et à celles d’après.
Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous convaincre des avantages de l’élargissement...
Sénatrice McPhedran, votre temps de parole est écoulé.
Puis-je demander trois minutes de plus?
D’accord?
Je vous remercie sincèrement, chers collègues.
Je vous exhorte à renvoyer ce projet de loi à un comité afin que nous puissions tous en apprendre un peu plus sur ses bienfaits potentiels. Le projet de loi S-222 n’est pas une proposition radicale. Dix-sept pays, dont l’Écosse, l’Allemagne et le Royaume-Uni, élargissent actuellement l’âge de voter à l’échelle nationale, provinciale ou locale. Nous avons beaucoup à apprendre de cette expérience. Si le gouvernement britannique a la lucidité d’élargir l’âge de voter, cette Chambre peut certainement manifester la curiosité de découvrir pourquoi.
Je me réjouis à la perspective d’entendre la porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi, la sénatrice Mary Jane McCallum, ainsi que tous les autres sénateurs qui souhaitent prendre la parole. Si vous êtes incertain du bien-fondé de ce projet de loi, si vous êtes indécis ou même si vous êtes simplement curieux, veuillez renvoyer ce projet de loi au comité. Nous nous devons d’en apprendre davantage afin d’être en mesure de faire notre travail et de tenir la promesse que nous avons faite aux Canadiens de les écouter.
Je vous remercie, meegwetch.
Certains d’entre nous ont des questions. Sénatrice McPhedran, merci beaucoup pour votre discours.
Tout d’abord, un vote en deuxième lecture est évidemment plus qu’un simple vote pour soumettre une question à l’étude d’un comité. Il s’agit d’un vote sur le principe du projet de loi, qui pourrait effectivement devenir une loi s’il est adopté à l’issue du processus.
La première question que j’ai à vous poser est la suivante : dans votre discours, je crois que vous citiez le Royaume-Uni, vous avez dit que si l’on peut s’enrôler dans l’armée, on devrait pouvoir voter. Cependant, au Canada, on ne peut pas s’enrôler dans l’armée à 16 ans. Il faut avoir au moins 17 ans. Je crois qu’il faut avoir 17 ans et le consentement parental ou 18 ans sans consentement parental.
Cela a-t-il un effet sur votre citation?
Pas vraiment, car à 16 ans et même avant, les jeunes peuvent s’enrôler dans la Force de réserve ou entrer dans les cadets. Ils peuvent ainsi participer au processus militaire du Canada.
Voici quelques autres choses qu’on ne peut pas faire à l’âge de 16 ans au Canada. Je les ai notées pendant que je vous écoutais. Dans de nombreuses provinces, notamment dans la mienne, la Saskatchewan, on ne peut pas conduire sans conditions. On ne peut pas acheter de cannabis. On ne peut pas acheter d’alcool. On ne peut pas signer de contrat. D’ailleurs, Connor Bedard, grande vedette des Pats de Regina ainsi que de la Ligue nationale de hockey, ou LNH, et premier choix au repêchage cette année-là, n’avait pas encore 18 ans lorsque est venu le temps de signer son premier contrat dans la LNH. Son père a donc dû signer le contrat à sa place. Puis, il y a la question du mariage : certaines provinces n’autorisent le mariage qu’à partir de 16 ans, avec des restrictions importantes telles que le consentement des parents ou du tribunal.
Compte tenu de toutes ces limites, n’est-il pas préférable d’attendre l’âge de 18 ans pour voter plutôt que de le faire à 16 ans?
Sénatrice McPhedran, vous avez demandé trois minutes de plus, et le temps est écoulé. Demandez-vous davantage de temps?
J’aimerais beaucoup en avoir davantage.
Est-ce d’accord?
Cinq minutes.
Merci beaucoup.
Sénatrice Batters, je vous remercie pour votre question. Je pense avoir déjà dit qu’il y a un large éventail d’âges différents pour différentes fonctions. Quoi qu’il en soit, la capacité de cognition froide est l’un des principaux indicateurs de la capacité à voter. Certains des exemples que vous avez cités mélangeaient des éléments qui font appel à la cognition chaude et à la cognition froide.
Ce sur quoi nous nous concentrons, en tout cas dans le cadre du travail que je fais à travers le pays dans le cadre de cette campagne, c’est la capacité. Les recherches scientifiques confirment sans ambiguïté que les jeunes de 16 et de 17 ans ont la capacité de réfléchir et de prendre une décision afin de voter.
Compte tenu de cette question de capacité, ne serait-il pas préférable de comparer l’âge requis pour voter à l’âge requis pour conclure un contrat? Cela touche directement à la capacité, et l’âge requis à cet égard est celui de la majorité, qui est de 18 ans dans certaines provinces et de 19 ans dans d’autres, mais certainement pas de 16 ans.
Cette comparaison me paraît pertinente, mais elle n’est pas déterminante. Nous parlons ici d’étendre le droit de vote, de revitaliser notre démocratie. Les recherches sur la capacité de voter et de le faire de manière responsable penchent très largement en faveur de la capacité des jeunes de 16 et 17 ans.
Il y a beaucoup de lois différentes qui prévoient toutes sortes de limites d’âge différentes pour de nombreuses raisons différentes. Le fait qu’il puisse exister ailleurs dans notre pays une loi qui traite l’âge différemment ne devrait pas nous pousser à mettre spécifiquement en question le droit de vote, la capacité de voter et les données probantes pertinentes en lien avec cette capacité.
Je vais commencer par vous poser une seule question. Je sais que vous vous êtes toujours passionnément investie dans le travail auprès des jeunes et je vous en félicite.
Je ne pense pas que le Sénat soit le lieu le plus approprié pour examiner un projet de loi qui aura des implications aussi considérables. Nous sommes les plus éloignés des salles de classe, où les élèves sont à la merci des adultes qui leur enseignent. Comme vous le savez, j’ai moi-même été enseignante.
Vous avez parlé d’accueillir des jeunes en tant que témoins, mais vous n’avez pas parlé des enseignants, des syndicats ou de tous les intervenants du même ordre. Convenez-vous que le Sénat serait un excellent endroit pour mener une étude qui nous informerait avant que nous nous engagions dans l’examen d’un projet de loi qui aurait d’énormes répercussions?
Je vous remercie pour la question. Vous soulevez quelques points auxquels j’aimerais répondre. D’abord, vous avez parlé de l’influence en milieu scolaire.
En avril dernier, 880 000 élèves du secondaire au Canada ont voté aux élections d’avril à leur école secondaire dans le cadre d’un programme dirigé par Élections Canada. Les résultats étaient largement partagés. Vous serez peut-être heureuse d’apprendre que les élèves ont en fait élu un gouvernement minoritaire conservateur.
Le point que vous soulevez concernant l’influence des enseignants ne se reflète ni dans les études ni dans la pratique, y compris cette année.
Pour ce qui est de l’élément de votre question portant sur une étude, oui, c’est exactement ce que je suggère, mais je suggère également d’étudier le fond de la question et la possibilité de modifier la loi, comme nous le faisons essentiellement pour tous les projets de loi que nous étudions au Sénat. Si nous étions le premier pays à envisager pareille chose, vous m’auriez peut-être persuadée de faire légèrement marche arrière, mais ce n’est pas le cas. Les études prouvent que c’est un changement qui avantage nettement les démocraties.
Hésiter, ne pas suivre la procédure normale, ne pas prendre le temps d’étudier le projet de loi qui est proposé, ou ne pas faire confiance à nos collègues du comité pour l’examiner et en faire rapport aux sénateurs serait...
Sénatrice McPhedran, votre temps de parole est écoulé, mais la sénatrice Patterson souhaiterait vous poser une question. Souhaitez-vous disposer de plus de temps?
Si vous m’accordez plus de temps, je vous en serais reconnaissante.
Êtes-vous d’accord pour lui accorder du temps pour une autre question?
Je voudrais revenir sur certains points qui ont été soulevés. Nous parlons beaucoup des capacités cognitives des électeurs, et je pense que vous avez des arguments convaincants.
Le vote est l’un des plus grands privilèges d’une démocratie. L’un des principes de la démocratie, c’est qu’on est responsable de ce pour quoi on vote. Vous avez certainement présenté des arguments convaincants en ce qui concerne les questions relevant des compétences provinciales ou municipales. Vous avez parlé de manière convaincante des gens qui ne votent pas et qui participent au processus démocratique, et je suis tout à fait d’accord avec vous, mais je vais revenir sur certains points.
J’aimerais apporter une petite précision concernant l’âge pour servir dans l’armée. Le Canada est signataire de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les enfants soldats. L’âge minimum est de 18 ans au Canada, comme c’est le cas à l’échelle internationale. Même si une personne peut s’enrôler dans la force de réserve à 16 ans avec le consentement de ses parents — je précise que mon fils s’est enrôlé à 16 ans — il existe des restrictions sévères. Ces jeunes ne peuvent pas aller à la guerre.
Lorsque je parle des obligations et des responsabilités qui accompagnent le droit de vote, je pense qu’il est essentiel que tout ce que nous faisons à cet égard, c’est formidable de parler des droits — les capacités cognitives sont un exemple parfait —, mais quelles sont les responsabilités, en particulier en ce qui concerne les questions qui relèvent du domaine fédéral?
Je ne pense pas qu’un jeune de 17 ans devrait être incarcéré pour meurtre. Cependant, si on vote aux élections fédérales pour un parti, un groupe ou un politicien, on contribue aux décisions prises relativement à un programme électoral.
Je conviens que les capacités cognitives sont là, mais, selon moi, pour étudier pleinement le projet de loi, je dois vous demander si nous examinerons également les éléments extrêmes, comme les obligations et les responsabilités qui accompagnent le droit démocratique de voter. Devrons-nous regarder ailleurs pour voir si nous devons également changer certaines limites d’âge qui s’appliquent aux mineurs? Ces éléments feraient-ils partie de votre étude?
C’est là toute la beauté des comités sénatoriaux : ils ont le pouvoir de décider ce qui mérite d’être étudié, et j’ai confiance en leur sagesse.
En ce qui concerne votre remarque sur la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes, ce que nous voulons, c’est la cohérence : ne pas imposer aux jeunes de 16 et 17 ans des exigences que nous n’imposons pas aux autres électeurs. C’est en partie ce que je voulais dire tout à l’heure : nous connaissons tous des personnes qui ne devraient pas voter, mais elles en ont le droit.
L’autre avantage ici est que cette mesure a des implications constitutionnelles, sans toutefois nécessiter de modification de la Constitution. Si elle se concrétisait, nous pourrions compter environ deux millions de nouveaux électeurs potentiels.
La proposition consiste à approfondir précisément les questions soulevées ici aujourd’hui et à tirer parti du fait que le Sénat serait éclairé par le processus rigoureux mené par nos comités.