Projet de loi sur la stratégie relative au programme national d'aide à la maternité
Troisième lecture--Suite du débat
11 avril 2019
Honorables sénatrices et sénateurs, c’est avec plaisir, malgré l’heure tardive, que j’interviens aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture en qualité de marraine du projet de loi C-243, Loi sur la stratégie relative au programme national d’aide à la maternité.
Je remercie le député de Kingston et les Îles, parrain du projet de loi à l’autre endroit, M. Mark Gerretsen, de cette importante initiative. Je tiens à remercier également mes honorables collègues qui ont pris le temps d’étudier ce projet de loi et de se prononcer à son sujet.
Enfin, je remercie la sénatrice Petitclerc, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ainsi que mes collègues membres de ce comité, pour l’examen approfondi qu’ils ont fait du projet de loi.
Pour effectuer cet excellent travail, le comité a tenu trois réunions entre le 7 novembre et le 6 décembre 2018. Il a entendu le témoignage et profité de l’expertise de 12 personnes, 2 qui se sont présentées à titre personnel et 10 à titre de représentants de groupes de défense des droits des femmes, d’associations professionnelles et de responsables gouvernementaux. En ce qui concerne le projet de loi C-243 lui-même, presque tout a été dit par mes collègues. Cependant, je veux attirer votre attention sur trois points.
Ce projet de loi veut que le gouvernement fédéral élabore une stratégie exhaustive pour aider les femmes enceintes et mène de vastes consultations en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Telle est l’essence de ce projet de loi. Comme je l’ai mentionné en cette Chambre à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-243 prévoit l’engagement du ministre de l’Emploi et du Développement social à lancer une discussion d’un bout à l’autre du pays dans le respect des compétences constitutionnelles des provinces et des territoires. L’objectif de ces consultations sera d’élaborer un programme national d’aide à la maternité. Ce programme offrira un soutien aux femmes dont la grossesse les empêche de travailler et dont l’employeur est incapable de leur fournir des mesures d’adaptation à leur situation.
Lors des consultations, plusieurs points seront discutés, tels que la demande quant à l’instauration d’un tel programme national, les divers milieux de travail, le caractère adéquat des programmes existants, les avantages sociaux et les questions d’ordre juridique qui entrent en jeu. Ce programme, une fois établi à l’échelle nationale, constituera un régime applicable aux travailleuses qui relèvent de la compétence fédérale. Il représentera une référence et un modèle de pratiques exemplaires dont les provinces et les territoires pourront s’inspirer afin d’élaborer leurs programmes respectifs.
Au cours des séances du comité, on a souligné la nécessité de mettre en œuvre des mesures de transparence et de reddition de comptes, afin de s’assurer que les conclusions des consultations seront accessibles dans les trois ans suivant la date de l’entrée en vigueur du projet de loi.
Depuis décembre 2017, le gouvernement fédéral a assoupli et rendu plus inclusives certaines prestations spéciales de l’assurance-emploi, y compris les prestations de maternité. Des modifications ont été apportées à la Loi sur l’assurance emploi pour assurer un accès plus rapide aux prestations de maternité. Cela permet aux travailleuses enceintes de recevoir ces prestations aussi tôt que 12 semaines avant la date prévue de l’accouchement, au lieu de 8 semaines.
De plus, dans le budget de 2018, le gouvernement du Canada proposait une nouvelle prestation parentale partagée d’assurance-emploi de cinq semaines supplémentaires. Cette prestation est entrée en vigueur le 17 mars 2019.
Toutefois, il demeure que, à l’exception du Québec, une stratégie nationale à long terme pour le maintien en emploi sans danger des travailleuses enceintes n’existe pas au Canada. Le système législatif actuel décourage les femmes qui veulent évoluer dans des milieux de travail traditionnellement occupés par la gent masculine. Dans le cas du Québec, depuis 1981, le gouvernement provincial a cherché à remédier à l’iniquité que peuvent vivre les femmes enceintes. L’option du retrait préventif lié à la grossesse est offerte, sous certaines conditions, en vertu du programme Pour une maternité sans danger. Les travailleuses peuvent ainsi bénéficier d’un remplacement de revenu pendant la période du retrait.
Le préambule du projet de loi C-243 salue le programme québécois et met en lumière le fait que le projet de loi actuel s’inspire des effets positifs de ce programme.
Point no 2 :
Il s’agit de prendre des mesures pour assurer l’égalité des sexes. La maternité ne devrait pas être un des grands facteurs à l’origine de la pauvreté.
Comme nous le savons, la participation des femmes au marché du travail au Canada et leur sécurité économique ont connu une remarquable transformation au cours des dernières décennies. Les femmes contribuent significativement à la diversification de notre économie, à la compétitivité de nos entreprises et à la prospérité de notre pays.
Toutefois, en dépit des actions des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en faveur de l’égalité des droits, les inégalités entre les femmes et les hommes persistent encore aujourd’hui. C’est particulièrement le cas des femmes enceintes. Elles se heurtent à des obstacles importants en raison de structures et de systèmes législatifs inadaptés aux réalités de leur grossesse ou de leur accouchement. Elles se trouvent alors dans une position vulnérable. Celles d’entre elles qui souhaitent avoir des enfants doivent subir un fardeau financier additionnel. Cela se produit lorsque leur employeur n’est pas en mesure d’éliminer les dangers liés à leur poste, de modifier leurs tâches ou de les réaffecter à de nouvelles fonctions. Cela est encore plus vrai pour les femmes enceintes dont le métier présente un risque exigeant un arrêt de travail à un stade précoce de leur grossesse. Ces femmes se trouvent dans une situation de vulnérabilité financière et psychologique à cause de leur sexe. Elles doivent composer avec une interruption de revenu entre le moment où elles ne bénéficient plus de prestations de maladie de l’assurance-emploi et celui où elles ne peuvent pas encore toucher des prestations de maternité.
Cette trajectoire les mène droit vers la pauvreté. Tel a été le cas d’une de nos témoins, Mme Mélodie Ballard, la femme qui a inspiré le dépôt de ce projet de loi à l’autre endroit. Durant sa période d’interruption de revenu, elle a dû laisser sa maison pour vivre dans une caravane de voyage, en passant par de multiples déménagements au cours de la même année — environ 11 déménagements.
Point no 3.
Enfin, une femme ne devrait pas avoir à choisir entre un travail dans le domaine de ses rêves et la santé de l’enfant qu’elle porte.
La sénatrice Miville-Dechêne l’a éloquemment rappelé dans la conclusion de son discours, et je cite :
Aucune travailleuse ne devrait avoir à choisir entre son emploi et la santé de son enfant à naître.
D’autres points, qui peuvent avoir une incidence sur le choix d’une travailleuse, ont été soulevés lors de l’étude en comité. Il s’agit des points suivants :
a) la reconnaissance, par les différents intervenants concernés, des difficultés éprouvées par les femmes durant la grossesse et l’accouchement;
b) la sensibilisation des gouvernements, des employeurs, des travailleuses et des syndicats aux besoins spécifiques d’une femme dont les tâches au travail doivent être adaptées ou modifiées en raison du risque qu’elles posent;
c) la sensibilisation au harcèlement auquel une femme peut être exposée en raison de sa grossesse dans son milieu de travail; et enfin,
d) la nécessité d’adopter une approche axée sur les droits des personnes afin d’assurer le respect de la dignité des travailleuses enceintes et l’élimination de la discrimination à leur égard dans leur milieu de travail.
Honorables sénatrices et sénateurs, je lève mon chapeau à ces femmes qui font preuve de courage et d’audace en décidant de fonder une famille, tout en exerçant un emploi à risque. Certaines de ces femmes, parfois même ne partagent pas la responsabilité parentale avec une autre personne. Aujourd’hui, nous pensons à elles et aux barrières qu’elles doivent surmonter. Le projet de loi C-243 ne prétend pas régler toutes les inégalités auxquelles font face ces femmes, mais il nous donne l’occasion de les entendre et de travailler pour leur rendre la tâche plus facile.
Chers collègues, pour nos filles, nos petites-filles, pour d’autres Mélodie et pour toutes les femmes du Canada, je vous exhorte à appuyer le projet de loi C-243 et à l’adopter aussitôt que possible. Je vous remercie.