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Le Sénat

Motion tendant à reconnaître que les changements climatiques constituent une urgence--Suite du débat

14 décembre 2021


L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole au sujet de la motion no 7, proposée par la sénatrice Galvez.

Cette motion invite le Sénat du Canada à reconnaître que le changement climatique constitue une crise urgente qui exige une réponse immédiate et ambitieuse. Chers collègues, comme vous le savez, l’honorable Catherine McKenna, à l’époque où elle était ministre de l’Environnement et du Changement climatique, a présenté une motion semblable à l’autre endroit le 16 mai 2019.

À l’époque, la motion de la ministre soulignait les effets du changement climatique, comme les inondations, les incendies de forêt, les vagues de chaleur et autres phénomènes météorologiques extrêmes, et, entre autres préoccupations, les répercussions du changement climatique sur les collectivités partout au Canada, notamment les communautés côtières, nordiques et autochtones, qui sont particulièrement vulnérables à ces effets.

Les inondations catastrophiques en Colombie-Britannique nous rappellent que les changements climatiques sont bien réels et que les gouvernements du monde entier doivent agir rapidement et de façon décisive. L’inaction est désormais inacceptable.

Comme l’a expliqué le nouveau ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, le Canada fait sa part et il a pris les mesures suivantes.

Dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a fixé un prix sur la pollution par le carbone et a tracé une trajectoire de prix jusqu’en 2030, qui est l’une des plus ambitieuses au monde.

Le gouvernement fournit également du soutien aux propriétaires de maisons et de véhicules afin qu’ils puissent améliorer l’efficacité énergétique de leur foyer et acheter des véhicules à zéro émission nette.

Le gouvernement accélère ses plans d’élimination progressive de la production traditionnelle d’électricité à partir du charbon et offre des incitatifs aux industries afin qu’elles se décarbonisent et qu’elles développent des technologies propres. De plus, le gouvernement a instauré une réglementation qui vise à réduire les émissions de méthane provenant des secteurs pétrolier et gazier, et il s’est engagé à faire de même pour l’ensemble de l’économie canadienne.

Parallèlement, le gouvernement s’engage à protéger 25 % de nos terres et de nos océans d’ici 2025. C’est pourquoi il a consacré 4 milliards de dollars en vue d’appuyer des solutions climatiques naturelles, ce qui inclut une initiative visant à planter 2 milliards d’arbres au cours des 10 prochaines années.

Honorables sénateurs, trouver des moyens d’accélérer la lutte contre les changements climatiques peut être une expérience frustrante pour beaucoup d’entre nous.

** Dès 1973, alors que beaucoup d’entre nous découvraient les problèmes écologiques, E.F. Schumacher écrivait dans son ouvrage classique Small is beautiful : une société à la mesure de l’homme :

Une philosophie qui cherche l’accomplissement de l’homme dans la seule poursuite de la richesse — en bref, le matérialisme — ne cadre pas avec ce monde, car une telle attitude ne connaît aucun principe de limitation, alors que l’environnement dans lequel elle s’inscrit est, lui, strictement limité. Déjà, cet environnement cherche à nous avertir que certaines tensions deviennent excessives.

Près de 50 ans plus tard, ces tensions environnementales n’ont fait qu’augmenter. Comme nous le rappelle constamment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et, plus récemment, la COP26, nous atteignons un point d’épuisement écologique dans plusieurs domaines.

Avant de conclure, je veux féliciter la sénatrice Galvez d’avoir présenté la motion et de servir sans cesse la cause climatique.

Au Sénat, comme ailleurs, nous devons nous devons mener la lutte contre les changements climatiques sur plusieurs fronts. Nous faisons face à un problème aux proportions titanesques qui exige que tous mettent l’épaule à la roue afin d’éviter le fameux iceberg qui est maintenant bien en vue.

La motion de la sénatrice Galvez constitue un geste important, mais, bien entendu, il faut faire plus. Dans cette enceinte, en comités et individuellement, nous devons faire preuve de créativité et d’innovation afin d’envisager des mesures plus ambitieuses de lutte contre les changements climatiques, pour aujourd’hui et demain.

Merci, meegwetch.

L’honorable Marie-Françoise Mégie

Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer la motion n° 7 déposée par la sénatrice Galvez, qui vise à reconnaître l’urgence d’agir face aux changements climatiques.

La responsabilité est entre nos mains, chers collègues, et nous devons prendre les devants pour que toutes nos actions législatives puissent contribuer à trouver des solutions appropriées.

Il y a quelques années, en tant que citoyenne, ma compréhension de la protection de l’environnement se limitait à la réduction de l’utilisation des sacs et des bouteilles de plastique, à réduire les émissions polluantes provenant des véhicules et de l’industrie, ainsi qu’à renverser les effets des trous dans la couche d’ozone causés par les CFC, les chlorofluorocarbures. Ce concept a évolué au fil du temps, avec les publications dans les médias et les discours des politiciens sur le sujet. Au Sénat, mes conversations avec la sénatrice Galvez et la lecture de son livre blanc m’ont convaincue de l’urgence d’agir.

En médecine, nous avons recours au mot « urgence » lorsque la vie d’un patient est en danger et qu’il requiert des soins immédiats. Aujourd’hui, il en est ainsi pour la planète, qui soutient la vie. Elle ne peut attendre nos actions plus longtemps. On doit la traiter aux soins intensifs sans plus de délais.

Honorables sénateurs, j’aimerais mettre plus particulièrement l’importance sur la partie d) de la motion, qui se lit comme suit : « les changements climatiques ont un effet négatif sur la santé et la sécurité des Canadiens ».

Dans la pratique médicale, le questionnaire concernant l’environnement des patients inclut notamment des questions sur leur habitat et leur milieu de travail.

Par exemple, si une personne souffre de problèmes pulmonaires chroniques et si l’on se pose des questions sur ses hospitalisations répétées malgré une médication adéquate, une visite à son domicile peut parfois permettre de découvrir un sous-sol humide et des signes de moisissure.

Dans son milieu de travail, si une personne fait une crise d’asthme ou présente des lésions cutanées et des démangeaisons dès qu’elle met le pied dans son bureau, cela peut être le résultat de la présence de moisissures dans les murs ou un signe de mauvaise qualité de l’air.

Deux mises à jour ont été publiées par l’American Heart Association en 2004 et 2010. Elles ont établi clairement que la pollution aérienne est un facteur de risque et qu’elle est une cause d’infarctus du myocarde et d’AVC.

Dans son article sur les impacts de la pollution atmosphérique sur la santé des Québécois et des Canadiens, le Dr François Reeves, cardiologue d’intervention et professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal, a souligné ce qui suit :

L’usage massif des combustibles fossiles a deux impacts sur la santé : par toxicité directe et par événements climatiques. L’impact environnemental sur notre santé est hautement significatif : la pollution de l’air est la première cause de mortalité au monde [...]

Ceci cause annuellement plus de 8 millions de décès excédentaires, soit plus que le tabac ou la COVID-19.

Les données de 2019 de l’Agence de la santé publique du Canada rapportaient que la pollution atmosphérique engendre des coûts de santé et d’invalidité de 114 milliards de dollars canadiens par année.

Le chercheur Hussein Wazneh, du Centre de recherche et d’innovation en sécurité civile du Québec, souligne que :

Au Québec comme ailleurs dans le monde, les vagues de chaleur ont des conséquences sanitaires importantes. Par exemple, une vague de chaleur de 5 jours en 2010 a causé la mort de 106 personnes à Montréal. Lors de cet épisode, les excès de décès se sont élevés à 280 [...]

Quand on parle de décès excédentaires ou prématurés, on parle de décès qui ne seraient pas survenus si le facteur nocif en question n’avait pas existé.

Dans le contexte des changements climatiques, il est largement accepté que les canicules augmenteront en sévérité, en durée et en fréquence au cours des prochaines décennies. Le nombre de journées de 30 degrés Celsius pourrait tripler dès 2080 dans plusieurs villes canadiennes.

Derrière ces chiffres se cachent des inégalités importantes sur le plan des déterminants de la santé. Les personnes qui sont en situation de précarité socioéconomique vivent souvent à proximité des autoroutes et des îlots de chaleur urbains.

Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, les polluants routiers représentent 62 % des polluants composés de particules fines, de dioxyde de soufre, de dioxyde d’azote et d’ozone. La différence entre le verdissement de certains arrondissements bien nantis et l’asphaltage de chaque pouce carré dans les arrondissements ouvriers traduit les disparités sociosanitaires. L’Institut canadien pour des choix climatiques, dans son rapport intitulé Les coûts des changements climatiques pour la santé, souligne que :

Les groupes défavorisés sont davantage touchés par les maladies et les décès liés à la chaleur

Certains des problèmes de santé préexistants qui peuvent exacerber les risques liés à la chaleur sont davantage présents au sein des groupes défavorisés.

Dans une synthèse des connaissances publiée en mars 2021 par l’Institut national de santé publique du Québec, l’INSPQ, on brosse un tableau des nombreux phénomènes climatiques affectant la santé des populations, des vagues de chaleur aux vagues de froid, des tempêtes aux inondations, de la pollution de l’air aux épisodes de smog, des sécheresses aux feux de forêt, de l’empiétement humain des milieux naturels aux zoonoses, etc.

Comme nous l’avons observé dans l’Ouest du Canada, les conséquences catastrophiques de la déforestation appauvrissant les sols, conjuguées aux feux de forêt et aux pluies diluviennes, ont causé des inondations dévastatrices. Il n’est donc pas surprenant que nous mobilisions encore l’armée canadienne pour pallier les phénomènes météorologiques désastreux.

Les perturbations climatiques provoquent des effets en cascade que l’on observe au Canada d’un océan à l’autre. Le Canada est le pays qui a la plus longue ligne côtière au monde; environ un habitant sur cinq y habite. L’incidence du changement climatique est une question que l’on considère généralement à long terme, soit pour une période de 10, 20, voire 50 ans. Dans l’Arctique, l’érosion des côtes est observable quotidiennement. Selon Ressources naturelles Canada, on estime que chaque année, dans l’Arctique, de 30 à 40 mètres de côte sont engloutis.

Au cours des 10 à 15 dernières années, les changements provoqués par l’érosion nuisent à l’approvisionnement alimentaire des populations inuites. L’insécurité alimentaire des gens du Nord doit aujourd’hui justifier les moyens extraordinaires et urgents que nous devons prendre pour contrer l’impact de la déstabilisation du climat.

Bien que les effets de la pollution sur la santé soient évidents, comme je l’ai mentionné précédemment, certains effets des changements climatiques sur la santé des populations sont plus insidieux.

Prenons l’exemple des zoonoses, ces maladies ou infections qui passent naturellement d’une espèce animale à l’espèce humaine. La maladie de Lyme fait les manchettes chaque été depuis quelques années. La migration des tiques sur les populations de cerfs de Virginie est responsable de l’arrivée de cette maladie au nord du 45e parallèle.

Les risques de zoonose s’accroissent avec l’empiétement que réalisent les humains dans les espaces fauniques.

Dans un livre intitulé Brève histoire des épidémies au Québec, on évoque l’avertissement qu’avait fait le virologue Patrick Berche en 2015 :

Avec l’accroissement actuel de la population, de la pauvreté, les contacts de plus en plus fréquents avec les animaux, il est hautement probable que d’autres épidémies apparaîtront, de grippe ou de coronavirus […]

Il est donc impératif de prendre soin de nos écosystèmes. En intervenant ainsi, on contribuera à prévenir l’apparition de prochaines épidémies ou même d’autres pandémies.

Chers collègues, les actions que nous devons prendre sont bien connues. Plusieurs mesures concrètes proposées par le gouvernement du Canada visent à améliorer nos chances de renverser les effets dévastateurs des changements climatiques, par exemple en construisant des bâtiments viables et carboneutres, en effectuant une transition énergétique accélérée vers des sources renouvelables, en se libérant de notre dépendance aux énergies fossiles polluantes par l’électrification des véhicules et en purifiant l’air en plantant 2 milliards d’arbres au Canada.

Sous l’onglet « Initiatives » du site Web de la sénatrice Galvez, vous trouverez d’autres mesures : améliorer la santé des sols, bonifier le Code national du bâtiment et créer une économie circulaire.

La motion no 7 fait écho aux observations de l’INSPQ : même si nous réduisons substantiellement la production canadienne des gaz à effet de serre au cours des prochaines années, les effets du réchauffement climatique se font déjà sentir et continueront d’affecter nos communautés au cours des prochaines décennies.

C’est pourquoi il est essentiel de redoubler d’efforts afin de combattre, maintenant plus que jamais, les causes de la crise climatique.

C’est l’unique façon de garantir une meilleure espérance de vie, en bonne santé, aux générations actuelles et futures.

Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Pate, il sera 18 heures dans huit minutes.

L’honorable Kim Pate [ - ]

Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole pour appuyer la motion de la sénatrice Galvez. Cette urgence est réelle même si, au Canada comme ailleurs dans le monde, la façon dont nous en ressentons les effets varie en grande partie en fonction de notre classe, de notre race, de notre sexe et de notre accès aux ressources — bref, en fonction de nos privilèges.

Les inégalités systémiques ont provoqué la dégradation de l’environnement, qui les a aussi amplifiées. Nous ne remporterons pas la lutte contre les changements climatiques si nous continuons à laisser pour compte les plus marginalisés. Les prochaines générations seront façonnées par notre travail collectif. Nous devons respecter les engagements internationaux à l’égard de la réconciliation, éradiquer les inégalités et agir de toute urgence afin de mettre fin à la destruction de l’environnement.

Le premier des objectifs de développement durable de l’ONU consiste à éliminer la pauvreté sous toutes ses formes. Des millions de Canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté. Ils subissent de façon disproportionnée les conséquences de notre incapacité à gérer les émissions de carbone et d’autres émissions, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses ou d’incendies de plus en plus nombreux, ou d’événements météorologiques catastrophiques comme les ouragans ou les tornades. Un trop grand nombre de familles et de collectivités ne disposent pas des ressources nécessaires pour se protéger des conséquences des changements climatiques.

L’argent permet de se payer la climatisation lorsque les températures augmentent; l’argent permet de remplir le panier d’épicerie lorsque l’insécurité alimentaire augmente; l’argent permet de payer une réinstallation loin des catastrophes naturelles, comme des inondations, des glissements de terrain et des ouragans.

Ceux qui vivent dans la pauvreté ont moins les moyens de se préparer aux catastrophes naturelles, de se protéger contre elles et de quitter les régions qui y sont sujettes. Les décisions stratégiques les laissent tomber et les abandonnent intentionnellement.

En 2020, en raison des faiblesses catastrophiques des programmes d’aide sociale, les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées ont dû traverser la pandémie avec un revenu qui se situait entre 34 % et 63 % du seuil de pauvreté, alors que bon nombre de services et de programmes de soutien communautaires n’étaient pas accessibles.

Je tiens à dire très clairement, chers collègues, que le revenu dont on parle ici est même inférieur au seuil de pauvreté extrême au Canada. Dans certaines provinces, plus de 50 % des gens se trouvaient sous ce seuil.

Alors que les conséquences les plus lourdes pèsent sur les personnes les plus pauvres d’entre toutes, ce sont les gens extrêmement riches qui accélèrent les changements climatiques. Selon les données d’Oxfam, les 1 % les plus riches de la planète sont à l’origine de deux fois plus d’émissions de carbone que les 50 % les plus pauvres depuis 25 ans.

La COVID-19 a encore exacerbé cette inégalité. Seulement entre le 18 mars et le 31 décembre 2020, les milliardaires ont vu leur fortune augmenter de 3 900 milliards de dollars, alors qu’on estime que le nombre de personnes vivant avec moins de 5,50 $ par jour pourrait avoir augmenté de 500 millions en 2020.

Quand la pandémie a cloué au sol les avions commerciaux, la vente de jets privés a grimpé en flèche partout sur la planète. Ce sont les jets et les yachts des milliardaires qui contribuent le plus à leur empreinte carbone, une empreinte énorme et injuste, qui ne peut pas durer.

Selon Oxfam :

[...] les plus riches sont les personnes les moins affectées par la pandémie, et celles qui reconstituent le plus vite leur fortune. Ce sont également les principaux émetteurs et émettrices de carbone et les principaux acteurs du dérèglement climatique.

Ce rapport conclut que les gouvernements à l’échelle mondiale doivent placer au haut de leurs priorités l’élimination du fossé entre ceux qui récoltent les profits des activités qui génèrent du carbone et ceux qui en paient le prix : « Il n’y a pas de distinction à faire entre la lutte contre les inégalités et la lutte pour la justice climatique [...] »

Ce sont les femmes qui paient le prix de cette crise, car, en moyenne, leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes et elles sont plus à risque de vivre dans la pauvreté. Ce sont les femmes noires et autochtones qui connaissent les pires degrés de pauvreté. De plus, partout dans le monde, ce sont les femmes qui sont traditionnellement responsables de nourrir la famille et de trouver de l’eau potable, et la crise climatique rend ces tâches encore plus ardues.

En 2017, le Programme des Nations unies pour le développement rapportait qu’à l’échelle mondiale, les femmes représentaient approximativement 80 % des personnes déplacées en raison des changements climatiques.

Quand des catastrophes naturelles liées aux changements climatiques surviennent au Canada, on constate une augmentation des incidents de violence contre les femmes.

Les inégalités raciales systémiques contribuent de façon démesurée aux problèmes de santé, mais aussi à la surreprésentation dans des emplois à l’extérieur. Les gens se trouvent ainsi exposés de manière disproportionnée à la chaleur extrême et à la pollution atmosphérique. Les peuples des Premières Nations qui habitent dans les réserves sont 33 fois plus à risque d’être évacués en raison des incendies de forêt. Les communautés racialisées et à faible revenu au Canada sont en péril à cause de notre inaction.

Les femmes et les filles jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les changements climatiques. Les sondages montrent régulièrement que les femmes sont plus informées que les hommes au sujet de la dégradation de l’environnement et des conséquences de ce phénomène, veulent que le gouvernement prenne de toute urgence des mesures dans ce dossier et votent en fonction des questions liées aux changements climatiques.

Les actions visant à arrêter, à atténuer et à prévenir les changements climatiques et la dégradation de l’environnement constituent un élément fondamental pour maintenir le droit des femmes et des filles à l’égalité. Les politiques sur les changements climatiques ne dureront pas si elles ne tiennent pas compte du féminisme et de l’intersectionnalité. Notre succès dépend de notre capacité à cerner les vulnérabilités, à créer des politiques climatiques plus inclusives et à améliorer l’égalité et l’inclusion économiques.

Comme la sénatrice Galvez l’a souligné dans son livre blanc, la mise en place d’initiatives axées sur le revenu minimum garanti favoriserait la résilience climatique. Avec des programmes de la sorte, tout le monde aurait l’occasion de participer à la lutte contre les changements climatiques.

La crise climatique :

[...] nécessite une mobilisation urgente de toute la société pour offrir aux enfants nés aujourd’hui l’environnement vivable et les systèmes de santé solides dont ils et elles auront besoin pour s’épanouir dans un monde où le climat aura changé.

La pandémie de la COVID-19 nous a montré ce que les gouvernements peuvent accomplir pour lutter efficacement contre une crise mondiale. La crise des changements climatiques nécessite le même genre d’intervention. Nous avons besoin de politiques qui réduisent la demande d’énergie et qui mettent fin aux subventions accordées aux industries des combustibles fossiles. De plus, les banques doivent cesser d’investir dans les combustibles fossiles et augmenter leurs investissements dans les énergies durables et renouvelables. Nous devons mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficient les sociétés productrices de combustibles fossiles qui, selon le rapport du directeur parlementaire du budget de la semaine dernière, coûtent 1,8 milliard de dollars par année, ce qui représente environ 9,2 milliards de dollars entre 2015 et 2019.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Madame la sénatrice Pate, je suis désolée de vous interrompre, mais comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Nous poursuivons donc la séance.

La sénatrice Pate [ - ]

Comme nous l’avons vu avec la Prestation canadienne d’urgence pendant la pandémie, le soutien du revenu peut aider les familles et les collectivités à surmonter les difficultés liées à une telle mobilisation, allant de la perte d’emploi à la garantie que tout le monde dispose des moyens nécessaires pour se protéger contre les dangers pour la santé. Ce type de soutien pourrait s’avérer particulièrement important à mesure que l’économie se transforme pour favoriser le bien-être humain, social et environnemental.

À l’avenir, en plus de réduire la pauvreté, il est important de reconnaître et d’appuyer les connaissances traditionnelles et le leadership des Autochtones dans les plans d’action contre les changements climatiques. Bien qu’ils soient touchés de manière différente par les changements climatiques et qu’ils disposent de moins de ressources pour s’adapter en raison d’inégalités systémiques, les peuples autochtones continuent de prendre l’initiative de protéger les terres et l’eau d’une manière qui profite à tous. En dépit de leurs efforts louables, trop souvent, les Autochtones se font reprocher d’avoir causé des « inconvénients » et on les dépeint comme des contrevenants à la primauté du droit. Ensuite, on les judiciarise et on va jusqu’à les emprisonner lorsqu’ils prennent des mesures pour protéger les eaux et les terres.

Les systèmes juridiques canadiens ont trop souvent échoué à protéger et à faire respecter les droits conférés par les ordonnances juridiques autochtones et internationales, comme celles que les protecteurs des terres et des eaux wet’suwet’en ont fait valoir. En revanche, le Canada n’a pas fait preuve de la même hésitation lorsqu’il a été question de judiciariser et d’emprisonner les peuples autochtones qui avaient pris des mesures pour se protéger, protéger leurs familles ou protéger l’environnement.

Tandis que nous luttons contre les changements climatiques et la dégradation de l’environnement, il est évident que le Canada doit mieux reconnaître et respecter les lois et les droits autochtones. Il doit notamment donner suite à l’engagement qu’il a pris de mettre pleinement en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Judiciariser des personnes parce qu’elles protègent leur environnement et font valoir leurs droits ne fera qu’aggraver et mettre en évidence les injustices historiques.

Honorables sénateurs, c’est à nous, en tant que personnes en position d’autorité, de montrer la voie en matière de lutte contre les changements climatiques. Nous ne devons pas oublier que les dommages infligés par les changements climatiques ne sont pas ressentis de manière égale et qu’il faut accorder une attention immédiate aux populations les plus marginalisées. J’exhorte tous les sénateurs à agir dès maintenant, à appuyer la motion à l’étude et le travail de la sénatrice Galvez et de beaucoup d’autres, et à contribuer à la construction d’une société plus viable, plus équitable et plus saine pour les générations à venir. Meegwetch. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum [ - ]

Honorables sénateurs, je parle au nom de la Wa Ni Ska Tan Alliance of Hydro-Impacted Communities du Manitoba.

Nous sommes heureux de pouvoir parler de cette motion et de donner notre avis sur les situations d’urgence et les risques en émergence, dont les changements climatiques, et de faire une mise en garde contre les dangers que représente le fait d’approuver aveuglément les grands projets hydroélectriques comme solution en vue de répondre aux besoins futurs en énergie renouvelable. Bien que la crise climatique représente un véritable danger pour tous les peuples du monde, les solutions proposées doivent s’appuyer sur des principes de justice et ne pas profiter à certaines collectivités au détriment des autres.

Notre partenariat de recherche se compose de gens de la collectivité qui font partie de divers peuples des Premières Nations du Nord du Manitoba qui sont touchés par les répercussions de l’hydroélectricité et qui ont exprimé des préoccupations par rapport à l’histoire et au développement de l’hydroélectricité sur leurs territoires respectifs. Notre alliance comprend également des chercheurs et des universitaires de neuf universités ainsi que des membres de plusieurs organisations non gouvernementales.

On trouve dans le Nord du Manitoba de nombreux lacs et affluents d’eau douce, dont certains ont été essentiels aux premiers échanges et aux activités commerciales qui ont eu une incidence sur la colonisation du Canada. Des universitaires ont clairement documenté l’importance historique de plusieurs anciens affluents comme la rivière Churchill, le fleuve Nelson et la rivière Saskatchewan. Selon les Ithiniwuk, c’est-à-dire les Cris, ces affluents ont assuré la subsistance de leurs ancêtres et leurs communautés pendant des millénaires. Cependant, au milieu des années 1960, l’arrivée d’une nouvelle industrie allait changer le paysage et le cours des rivières de façon irréversible.

Pendant ce temps, le Manitoba, de concert avec le gouvernement fédéral, a entrepris une étude conjointe visant en partie à étudier la faisabilité de l’exploitation à grande échelle de l’énergie hydraulique dans le Nord. Peu après la fin de cette étude, les services publics du Manitoba ont entrepris l’ambitieux projet consistant à exploiter la puissance des eaux dans la région. Des mégaprojets s’en sont suivis et, dans le cadre de ce qui allait devenir la dérivation de la rivière Churchill et l’aménagement du lac Winnipeg, de gigantesques chenaux de dérivation ont été excavés afin de réacheminer les débits d’eau. À l’origine, les barrages érigés le long du fleuve Nelson visait à réaliser des économies sur la production d’électricité pour Winnipeg et d’autres collectivités du Sud du Manitoba, et ils n’avaient rien à voir avec des motifs environnementaux. Le discours public sur les changements climatiques et sur leur lien avec les combustibles fossiles n’est arrivé que beaucoup plus tard.

La dérivation de la rivière Churchill modifie l’écoulement de la rivière Churchill, qui se déverse naturellement dans la baie d’Hudson. Au milieu des années 1970, cette rivière a été intentionnellement et artificiellement déviée par le barrage de régulation aux chutes Missi vers la décharge naturelle du lac South Indian. Son nouveau tracé coule dans la rivière aux Rats et la rivière Burntwood pour atteindre le bassin du fleuve Nelson. La province du Manitoba indique que « la dérivation de la rivière Churchill sert aux centrales du fleuve Nelson, qui comptent pour environ 75 % de la production d’énergie au Manitoba ».

Les projets hydroélectriques d’envergure comme le projet de dérivation de la rivière Churchill au Manitoba ont été rendus possibles grâce à différentes ententes et accords conclus sur une période de plus de 30 ans, qui ont touché quatre générations jusqu’à maintenant dans de nombreuses communautés autochtones. La construction de barrages à des fins commerciales, notamment pour l’exportation, a débuté avec l’établissement de la Convention sur l’inondation des terres du Nord en 1977. Cette entente regroupait la province du Manitoba, le conseil de Manitoba Hydro, le gouvernement fédéral et cinq Premières Nations représentées par le Comité des inondations dans le Nord, mais elle a été rendue nécessaire par la résistance des Cris dont les terres de réserve allaient être inondées par le projet de dérivation de la rivière Churchill de Manitoba Hydro et par le projet d’aménagement du lac Winnipeg. L’entente, reconnue en tant que traité, visait à atténuer les nombreux différents impacts négatifs, dont l’ampleur n’était pas tout à fait connue au moment de la signature.

Le projet de dérivation de la rivière Churchill a eu un impact direct sur plus de 8 000 kilomètres de rivages. Il s’agit d’une estimation conservatrice fondée sur les données de publications concernant les berges du lac Southern Indian, mais il est difficile d’avoir une idée précise en raison de l’impossibilité d’obtenir des renseignements qualifiés de publics [...] Autant le gouvernement du Manitoba que la population sont contraints de se fier à l’information produite par Manitoba Hydro, parce que c’est la société qui finance la majorité des études scientifiques concernant ses projets et elle se sert de stratégies pour diviser afin de mieux régner lorsqu’elle doit conclure des ententes avec les différentes communautés.

La communauté de South Indian Lake et sa population étaient autosuffisantes, florissantes et même prospères avant l’achèvement du projet de dérivation de la rivière Churchill; elles n’avaient pas besoin de l’intervention ou de l’aide du gouvernement. La pêche commerciale menée dans le lac Southern Indian était la troisième pêche de grand corégone en importance en Amérique du Nord. Le revenu annuel moyen à South Indian Lake était environ sept fois supérieur à celui dans les autres communautés du Nord, parce que l’économie de la communauté dépendait en grande partie de la pêche et de la trappe. Les rapports scientifiques sur les impacts négatifs potentiels du projet ont été ignorés par les autorités et des permis ont été accordés à la société d’État pour qu’elle lance légalement son projet.

L’hydroélectricité produite par ces mégabarrages jouit depuis longtemps d’une réputation non méritée d’énergie « propre » et « renouvelable ». Dans le cadre des efforts pour lutter contre les changements climatiques par l’entremise de l’électrification, l’« écoblanchiment » de l’hydroélectricité représente une nouvelle menace aux proportions idéologiques. Les structures coloniales dysfonctionnelles et profondément ancrées, y compris les problèmes de compétences, contribuent également à accentuer les déséquilibres de pouvoir dans la région. L’empreinte écologique de ce type d’énergie a entraîné des répercussions qui n’ont pas encore fait l’objet d’un examen environnemental digne de ce nom. Des îles entières ont été englouties. Des pêches traditionnelles et commerciales ont été annihilées. Des milliers de personnes et des communautés entières ont subi des inondations; elles ont été déplacées et dépossédées.

Les émissions des barrages hydroélectriques sont produites en inondant des rives et des forêts, ce qui entraîne le relâchement de matières organiques dans l’eau, lesquelles se décomposent et produisent du dioxyde de carbone, de l’oxyde nitreux et du méthane. Les inondations du Nord du Manitoba ne se sont pas limitées à un seul projet ou à un seul événement. Dans les régions touchées par les activités de production d’hydroélectricité, le niveau et le débit des eaux sont augmentés ou réduits selon la demande en énergie. Ces pratiques entraînent des cycles d’inondation et d’assèchement des affluents, ce qui produit des émissions de gaz à effet de serre de façon continue. Les réservoirs d’hydroélectricité sont une source de gaz à effet de serre et, dans certains cas, ils peuvent produire autant d’émissions que les centrales thermiques. Des études scientifiques indépendantes ont montré que les émissions associées à l’hydroélectricité sont grandement sous-estimées. Une surveillance rigoureuse des réservoirs est absolument indispensable afin de s’assurer qu’ils ne contribuent pas de manière substantielle aux changements climatiques.

Les rives de plusieurs affluents historiques qui sillonnent cette région renferment deux histoires aux discours antagonistes : l’une raconte celle d’avant l’arrivée de l’hydroélectricité et l’autre raconte ce qui se passe après son arrivée. Dans la première, on raconte l’histoire des gens qui se déplaçaient selon les flux et reflux des terres et des eaux, l’histoire d’un peuple indépendant, vivant de ces terres et de ces eaux qui sont devenues si indispensables pour assurer le fonctionnement des installations hydroélectriques. Avant l’arrivée de l’hydroélectricité, les terres et les eaux étaient intactes, à l’état sauvage. Aujourd’hui, ces mêmes terres — et les communautés qui en vivent — portent les stigmates culturels, sociaux, environnementaux et économiques de cette relation coloniale assez récente qui persiste aujourd’hui. Il faut éviter à tout prix qu’on fasse la promotion de l’hydroélectricité comme une source d’énergie responsable, écologique et propre. Celle-ci a des répercussions et il nous faut encore prendre toute la mesure de son empreinte environnementale, que ce soit pour ses émissions de gaz à effet de serre, ses effets environnementaux cumulatifs ou la façon dont elle accélère la crise climatique.

Dans ce contexte climatique, il est indispensable de trouver des projets d’exploitation des énergies renouvelables, mais il faut les entreprendre en évitant de reproduire les erreurs du passé. Au Manitoba, les barrages hydroélectriques ont été construits dans un esprit colonial qui ne mettait pas au centre des priorités la collaboration avec les peuples autochtones ou l’atténuation des dommages causés à l’environnement. Les futurs projets énergétiques doivent se concentrer sur les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, qui peuvent être construits à proximité des centres urbains comme Winnipeg, ce qui permet de réduire la quantité d’infrastructures et de carburants nécessaires à leur bon fonctionnement. Ces énergies seront moins vulnérables aux futurs changements climatiques, contrairement à l’hydroélectricité, qui pourrait être touchée en cas de sécheresse, un phénomène que nous vivons actuellement au Manitoba. On estime également que le Nord du Canada se réchauffera davantage que d’autres régions du monde; raison de plus pour concentrer nos efforts sur des solutions résilientes. Nous exhortons les gouvernements et l’industrie à profiter de cette occasion de développer des solutions innovantes qui ne contribueront pas à empirer la situation environnementale, socioéconomique et culturelle.

Aujourd’hui, partout au pays, nous observons un changement dans la façon dont la population perçoit les projets de mégabarrage. Qu’il s’agisse du Site C en Colombie-Britannique, du chantier de Keeyask au Manitoba ou du projet de Muskrat Falls au Labrador, les gens veulent savoir s’il vaut la peine de réaliser de tels projets pour produire de l’électricité supposément bon marché, étant donné les dépassements de coûts qu’ils engendrent et les dommages environnementaux inutiles qu’ils causent. Les communautés autochtones ont toujours exprimé leur opposition à ces projets, et les non-Autochtones commencent enfin à les écouter. Nous recommandons que tous les services publics et les gouvernements provinciaux au Canada collaborent de manière constructive et de bonne foi avec les communautés touchées par les projets hydroélectriques en vue d’obtenir leur consentement pour tous les projets énergétiques existants et prévus. Nous recommandons aussi d’imposer immédiatement un moratoire sur la construction de tout mégabarrage. Il faudrait maintenir ce moratoire jusqu’à ce qu’on ait mené des recherches en bonne et due forme sur toutes les répercussions de l’hydroélectricité sur les changements climatiques, y compris la production de gaz à effet de serre, la libération du carbone séquestré et tout autre effet aggravant les changements climatiques.

De nos jours, les terres et les sources d’eau qui ont donné vie et sens à cette région et aux premiers habitants du territoire ont été perturbées et détruites, ce qui a entraîné le déplacement de nombreuses communautés autochtones. En cette ère de réconciliation, nous vous parlerons brièvement d’un secteur où il faudra favoriser la reddition de comptes et la réparation: le secteur hydroélectrique manitobain. Quatre générations ont déjà été touchées par des projets hydroélectriques d’envergure. La crise climatique évolue rapidement, mais on peut en tirer de nombreuses leçons et elle offre de nombreuses occasions à saisir. Nous devons assurer un avenir plus juste et durable aux prochaines générations.

Nous remercions la sénatrice Galvez d’avoir soulevé cet enjeu crucial, de même que le Sénat. Merci.

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