Projet de loi sur la prévention et la préparation en matière de pandémie
Deuxième lecture--Ajournement du débat
22 octobre 2024
Propose que le projet de loi C-293, Loi concernant la prévention et la préparation en matière de pandémie, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis honorée de marrainer le projet de loi C-293, Loi concernant la prévention et la préparation en matière de pandémie.
Rassurez-vous, les 45 minutes allouées ne me seront pas nécessaires pour vous démontrer le bien-fondé du principe de la prévention en santé qui sous-tend ce projet de loi.
Le projet de loi C-293 vise à prévenir le risque de pandémie et à bien se préparer aux pandémies futures. Le principe du projet de loi C-293 se résume ici en deux maximes que vous connaissez bien, « mieux vaut prévenir que guérir », et la maxime bien connue du mouvement scout, « toujours prêts! »
On peut quantifier économiquement et humainement les impacts d’une pandémie. À cet égard, le Bureau du vérificateur général du Canada a partagé publiquement les audits liés à la pandémie de COVID-19.
Avant d’aller plus loin, j’aimerais vous définir les deux termes que sont « épidémie » et « pandémie ». Une épidémie fait référence à l’augmentation et à la propagation rapide d’une maladie infectieuse et contagieuse dans une région donnée.
Le terme « pandémie » désigne une épidémie qui s’étend au-delà des frontières des pays et qui peut se répandre sur un continent, un hémisphère ou dans le monde entier. Elle peut ainsi toucher des millions de personnes quand celles-ci ne sont pas immunisées ou quand la médecine ne dispose d’aucun médicament pour la traiter. Cela a été le cas de la COVID-19.
De nos jours, les changements climatiques contribuent à accélérer les risques d’épidémie et de pandémie. À titre d’exemple, le réchauffement climatique fait en sorte que les espèces animales porteuses de maladies, comme la maladie de Lyme ou le virus Zika transmis par les moustiques et les tiques, se multiplient de plus en plus en traversant nos latitudes nordiques pour remonter vers le Canada.
Étant donné le caractère imprévisible des pandémies et les conséquences graves qu’elles peuvent avoir sur la santé, la société et l’économie, le Canada doit être prêt en tout temps à intervenir face à des maladies infectieuses qui pourraient devenir des pandémies.
C’est pour cela que la vérificatrice générale du Canada a produit son huitième rapport intitulé Préparation en cas de pandémie, surveillance et mesures de contrôle aux frontières.
Ce rapport a été déposé au Sénat le 30 mars 2021. La vérificatrice générale y soulignait ceci :
Lorsque survient une pandémie, il est important de déterminer, de suivre et de prévoir la propagation de la maladie afin que tous les ordres de gouvernement puissent intervenir rapidement et déployer les ressources requises pour enrayer sa propagation.
Dans un article de Radio-Canada du 24 juin 2021, on mentionnait ce qui suit :
Le Réseau mondial de renseignement de santé publique, soit le système de surveillance qui permet d’être à l’affût des épidémies et de la transmission des maladies infectieuses ailleurs dans le monde, n’avait pas lancé d’alerte sur la contamination du virus à Wuhan, en Chine.
La vérificatrice générale a aussi reproché à l’Agence de la santé publique d’avoir apporté des changements qui ont limité la capacité d’action du Réseau mondial d’information en santé publique à lancer des alertes en cas de pandémie.
Les décideurs publics doivent disposer d’évaluations des risques crédibles, en temps opportun, pour mener des interventions efficaces. Il est également important d’avoir un cadre efficace de surveillance à l’échelle nationale pour recueillir, échanger, analyser et communiquer de l’information sur la santé publique. Les interventions peuvent aussi comprendre des mesures de contrôle aux frontières, notamment l’imposition de restrictions aux voyageurs, la fermeture des frontières, ainsi que des ordonnances de mise en quarantaine ou d’isolement.
La conclusion de la vérificatrice générale était sans équivoque : l’agence n’était pas adéquatement préparée à intervenir en cas de pandémie. L’agence n’avait pas réglé certains problèmes qui existaient de longue date dans l’information de surveillance de la santé avant la pandémie, ce qui aurait pu l’aider à mieux se préparer. La vérificatrice générale a fait de nombreuses recommandations en ce sens qui ont toutes été acceptées par l’agence.
Chers collègues, le 24 septembre dernier, le gouvernement fédéral a créé une nouvelle agence pour renforcer nos capacités industrielles dans le secteur des sciences de la vie et de la biofabrication, afin d’aider le Canada à se préparer aux situations d’urgence sanitaire. Nous n’avons qu’à penser à la course effrénée qui se tient souvent en dehors du pays pour obtenir les équipements de protection individuelle, comme les gants, les masques et les désinfectants, qui sont nécessaires pour affronter une pandémie.
La mise sur pied de Préparation aux crises sanitaires Canada, le nouvel organisme fédéral au sein d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, permettra de protéger la population contre les pandémies futures.
Pour ceux qui ne siégeaient pas encore au Sénat, huit mois après le dépôt de l’audit, soit le 24 novembre 2021, j’ai déposé le projet de loi S-209, afin d’instituer le Jour commémoratif de la pandémie.
Depuis que ce projet de loi a reçu la sanction royale, le 11 mars de chaque année est devenu une journée de commémoration de la pandémie. Ses trois principes cardinaux sont les suivants : se souvenir, s’en sortir et mieux s’y préparer.
À l’époque, on devait encore travailler pour soigner et soutenir les personnes atteintes de la COVID. On souhaite désormais « briser le cycle » pour faire en sorte que les plus vulnérables ne le deviennent pas encore davantage à chaque pandémie.
À titre d’exemple, la mobilité des soins, par l’entremise de camions de vaccination ou de dépistage, est un concept qui existe depuis longtemps, a souligné l’historienne de la santé Laurence Monnais, professeure d’histoire de la médecine et de la santé publique à l’Institut des humanités en médecine de Lausanne, en Suisse. Je la cite :
L’État ne pourrait-il pas revenir davantage à ce genre d’initiatives pour à la fois faire de la vraie prévention et s’assurer que tout le monde est à égalité quand il s’agit d’avoir accès aux services de santé?
Au cours de la dernière pandémie au Canada, de nombreuses voix politiques de l’opposition ont critiqué sévèrement le manque de préparation du gouvernement en matière de pandémie.
J’abonde dans le même sens : le Canada peut faire mieux et devra faire mieux.
L’auteur Yuval Noah Harari le soulignait : chaque crise est aussi une opportunité. D’ailleurs, la création du ministère de la Santé en 1919, après la pandémie de grippe espagnole, de même que celle de l’Agence de la santé publique du Canada en 2004, après le SRAS, découlent des crises sanitaires que notre pays a traversées.
Le projet de loi C-293 est une réponse législative aux recommandations de la vérificatrice générale. C’est aussi une réponse aux critiques qui ont souligné des lacunes du Canada en matière de préparation pour affronter la dernière pandémie.
Je veux souligner l’engagement du député de Beaches—East York sur ce sujet qui me tient à cœur.
Je ne veux pas être prêtresse de malheurs, mais les pandémies sont cycliques; ce n’est pas une question de si, mais de quand se produira la prochaine.
J’espère que ce projet de loi recevra promptement votre appui afin qu’il soit étudié en comité dans ses menus détails dans les plus brefs délais.
Je souhaite que le Canada se tienne toujours prêt à protéger sa population et soit un exemple pour le monde entier en la matière.
Merci.
J’aurais quelques questions, si la sénatrice Mégie veut bien y répondre.
Sénatrice Mégie, le sénateur Plett aurait des questions à poser.
Oui.
Merci, sénatrice, et merci pour votre discours.
Sénatrice Mégie, je suis convaincu que vous n’êtes pas sans savoir que l’industrie agricole a de graves préoccupations concernant ce projet de loi, à un point tel qu’elle est alarmée par ce qui y est proposé.
Pourriez-vous dire au Sénat ce qu’on entend par le sous-alinéa 3(2)l)(ii)? Le projet de loi dit :
(2) Le plan de prévention et de préparation en matière de pandémie :
l) prévoit, après consultation du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, du ministre de l’Industrie et des gouvernements provinciaux, des mesures pour :
(ii) réglementer les activités commerciales susceptibles de contribuer au risque de pandémie, notamment l’élevage industriel,
Le projet de loi contient également la disposition suivante :
l) prévoit, après consultation du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, du ministre de l’Industrie et des gouvernements provinciaux, des mesures pour :
(iii) promouvoir les activités commerciales susceptibles de contribuer à réduire les risques de pandémie, notamment la production de protéines de remplacement,
Pourquoi ce projet de loi comprend-il un tel énoncé? Êtes-vous en train de dire que les protéines animales causent des pandémies et qu’il faut les éliminer progressivement?
Je vous remercie de la question. Ce n’est pas du tout à cause de cela. C’est parce qu’on sait déjà qu’il y a souvent des problèmes sur le plan de la biosécurité dans les fermes. C’est plutôt de ce côté qu’il faudra agir. On n’a pas besoin d’en parler en détail dans le discours; on va attendre l’étude en comité et on y invitera des agriculteurs issus des différents secteurs de l’agriculture. Ils pourront alors nous dire ce qu’il faut faire, car ils feront des propositions par rapport à ce qu’ils craignent et à ce qui peut être fait en conséquence. On ne peut pas l’imposer dès maintenant.
J’ai une liste de questions, mais je vais m’en tenir à une de plus, si je peux me le permettre.
Madame la sénatrice, acceptez-vous de répondre à une autre question?
Oui, je peux répondre à une autre question.
Comme vous le savez, le projet de loi stipule également ceci :
(2) Le plan de prévention et de préparation en matière de pandémie :
— et voici ce qui me préoccupe beaucoup —
(m) contient les renseignements suivants, que le ministre de l’Environnement fournit :
(ii) un résumé des mesures qu’il entend prendre pour réduire les risques de pandémie découlant du commerce d’espèces sauvages au Canada et à l’étranger, y compris celles visant à réglementer ou à éliminer progressivement les marchés d’animaux vivants [...]
Quels « marchés d’animaux vivants » de l’agriculture canadienne ce projet de loi souhaite-t-il réglementer ou éliminer progressivement?
Quand on parle de ce genre de marché, l’objectif est toujours d’être mieux équipés. Il faut rencontrer les gens qui sont en cause dans les va-et-vient qui se produisent sur le marché à l’échelle internationale ou autre.
Si l’on parle des animaux, vous savez qu’il fut un temps où l’on parlait de la grippe aviaire. Si on ne gère pas cet élément pour empêcher les va-et-vient, en essayant de savoir où se trouve la source et où fermer le foyer pour éviter que cela se répande partout, c’est à partir de là qu’on va le savoir. En ce qui concerne le projet de loi, on peut inviter des gens qui viendront dire au comité comment eux-mêmes et leur industrie agricole pourraient réagir, quelles sont les choses dont ils ont besoin, quelles sont les mesures dont ils ont besoin pour être capables de protéger soit leur culture, soit leurs animaux. Les solutions doivent venir d’eux, en collaboration avec les ministères; bien sûr, ce sont eux qui vont agir.
J’ai une observation à laquelle vous pouvez répondre. Je trouve cela étrange. Je vous remercie pour vos réponses et, bien entendu, je comprends que vous ne pouvez pas connaître tous les tenants et aboutissants de ce projet de loi. Je crois que le projet de loi doit être un peu plus clair, car je ne nous vois pas attendre que les agriculteurs viennent défendre leurs cheptels ou que des défenseurs des droits des animaux viennent essayer de les éliminer progressivement. À mon avis, une phrase comme « y compris [des mesures] visant à réglementer ou à éliminer progressivement les marchés d’animaux vivants » est plutôt inquiétante. Vous me dites maintenant que les témoins doivent venir nous dire cela.
Ne croyez-vous pas que l’architecte de ce projet de loi devrait venir nous dire quel est son plan?
Je ne pense pas qu’il y ait un plan déterminé. En fait, lors des études en comité, quand on a besoin de solutions, on peut justement compter sur les témoins, qui sont les personnes désignées pour nous proposer des solutions face aux difficultés qu’ils éprouvent ou aux difficultés auxquelles ils sont confrontés quand viendra le temps d’appliquer le projet de loi. Vous pourriez proposer des amendements, tout comme vos autres collègues, si vous jugez, que ce qui a été proposé n’a pas de sens. C’est notre rôle de second examen objectif : on peut apporter des solutions et proposer des amendements. Vous serez donc tout à fait libres de proposer des amendements.
J’ai aussi quelques questions.
Sénatrice Mégie, étant originaire de la Saskatchewan, j’ai entendu de nombreux agriculteurs dire qu’ils redoutaient fortement ce projet de loi. Aujourd’hui, nous entendons un discours de deuxième lecture assez court qui ne répond pas vraiment aux vives préoccupations des agriculteurs concernant la production de protéines de remplacement et l’élimination progressive, comme le disait le sénateur Plett, de certains de leurs moyens de subsistance. Comment allez-vous atténuer leurs inquiétudes, autrement qu’en leur disant qu’ils peuvent, peut-être — si le comité les invite —, venir témoigner devant le comité pour y donner leur avis, de sorte qu’ils n’aient pas à s’inquiéter de voir leurs moyens de subsistance menacés?
Vous savez comment cela se passe quand on doit inviter des témoins. Il faut inviter les bons témoins et ceux qui vont justement bien parler de leur industrie, de ce qu’ils font et de leurs appréhensions. À ce moment-là, on peut trouver des solutions avec eux et avec nous, qui allons réfléchir minutieusement là-dessus. Cela a été fait exprès et je pourrai donner tous ces détails plus tard. Si je donnais ces détails maintenant, il faudrait que je propose moi-même des solutions et je ne les ai pas, ces solutions-là. J’ai donc fait exprès de ne pas les présenter.
À la fin, selon la traduction, vous dites : « Je ne les ai pas, ces solutions », mais vous êtes la marraine du projet de loi au Sénat. Habituellement, ce qui se passe avec un discours de deuxième lecture — le projet de loi a franchi l’étape de la Chambre des communes, et de nombreuses réserves ont été exprimées pendant assez longtemps depuis son passage à la Chambre des communes, puisque nous revenons tout juste de la pause estivale.
Comme vous l’avez dit, vous n’avez pas de solutions, mais que répondez-vous aux agriculteurs qui craignent que ce projet de loi ne nuise gravement à leurs moyens de subsistance? Diriez-vous qu’il leur nuit ou non? Quelles sont les raisons qui vous amènent à répondre par l’affirmative ou par la négative?
Il ne faut pas tout laisser au comité. Le débat devrait nous permettre d’obtenir certaines réponses avant l’étape du comité.
Je vais répondre à la première partie de ce que vous avez dit.
Normalement, si on n’a pas la solution, on n’est pas obligé de la présenter à l’étape de la deuxième lecture, parce que finalement, lors de l’étude en comité et lorsqu’on aura les propositions d’amendement, le rapport apportera peut-être des solutions.
Madame la sénatrice Mégie, je comprends que nous parlons actuellement du principe, de l’examen du principe de ce projet de loi, et que ce principe est celui de la prévention des pandémies. Il s’agit d’un principe de précaution qui devient prioritaire, d’abord pour préserver la santé et la vie des humains, mais également pour préserver l’élevage des animaux et les intérêts des agriculteurs et de tous les autres partenaires de la chaîne économique au Canada. Est-ce bien le principe fondamental que défend ce projet de loi, et est-ce que les questions plus détaillées sur le plan de la mise en œuvre, soit de la loi ou éventuellement du règlement, seront examinées au comité?
Comme je vous l’ai dit, justement, on soulève le principe du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. On veut prévenir une nouvelle pandémie. On veut, à ce moment-là, prévenir une nouvelle pandémie. Je pourrais vous dire qu’il y a telle pandémie qui va se produire et vous dire comment la prévenir, mais est-ce que j’ai tous les éléments? Quand la COVID est arrivée, on ne savait pas de quoi il s’agissait. On se demandait : « Est-ce un virus, est-ce une bactérie? » Une fois qu’on a su que c’était un virus, on s’est demandé comment allaient réagir les humains. Il a fallu tout ce processus pour savoir ce qui allait arriver. Il faut donc être en présence de ces processus. Il y a des professionnels de la santé qui ont pu dire : « S’il arrive telle chose, nous allons faire telle chose. » C’est en menant un processus de réflexion qu’on arrive à cela.
C’est la même chose qui se produira pour les agriculteurs. S’il arrive un événement particulier, comme l’envahissement d’une zoonose dans une ferme, voilà comment on pourrait réagir. Par contre, on ne peut pas tout prévoir à l’étape de la deuxième lecture. La deuxième lecture sert surtout à se mettre en contexte. On veut prévenir une prochaine pandémie, donc on veut prévenir la contagion et la dissémination.