Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Rejet de la motion d'amendement
1 février 2023
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-11, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau :
a) à l’article 28 :
(i) à la page 32, par adjonction, après la ligne 1, de ce qui suit :
« (2.1) Malgré les paragraphes (1) et (2), en cas de violation de l’obligation de la Société de diffuser un nombre minimal d’heures de programmation régionale ou locale, selon le cas, la Société encourt une pénalité de deux millions de dollars. »,
(ii) à la page 37 :
(A) par substitution, à la ligne 8, de ce qui suit :
« 34.993 (1) Toute pénalité perçue au titre d’une violation est »,
(B) par adjonction, après la ligne 9, de ce qui suit :
« (2) Malgré le paragraphe (1), toute pénalité perçue au titre d’une violation de l’obligation de la Société de diffuser un nombre minimal d’heures de programmation régionale ou locale, selon le cas, est versée — dans les cent quatre-vingts jours suivant son infliction — à une bibliothèque qui, à la fois :
a) est mentionnée à ce titre dans une ordonnance du Conseil;
b) dessert le public dans la région la plus directement touchée par la violation de la Société;
c) a reçu, dans l’exercice précédent, des fonds du gouvernement du Canada, du gouvernement d’une province ou d’une administration municipale. »;
b) à la page 41, par adjonction, après la ligne 22, de ce qui suit :
« 31.01 Le paragraphe 71(3) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa c), de ce qui suit :
c.1) les noms et la rémunération totale, y compris le traitement annuel, de tous les employés de la Société qui, au cours de l’exercice visé, ont touché une rémunération totale, y compris le traitement annuel, supérieure à l’indemnité de session annuelle d’un sénateur pour l’exercice calculée selon l’article 55.1 de la Loi sur le Parlement du Canada; ».
Y a-t-il des sénateurs qui souhaitent poser des questions au sénateur Downe? Nous disposons encore de quatre minutes.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Downe?
Oui.
Tout d’abord, je crois que la plupart d’entre vous le savent, mais j’ai été journaliste à Radio‑Canada pendant 25 ans. Je dois le mentionner pour une question de transparence.
Deuxièmement, ma question est la suivante. Vous avez dit que l’Île-du-Prince-Édouard a été privée de services de télévision régionale pendant la crise, ce qui est en effet inacceptable et condamnable. Toutefois, vous avez oublié une chose dans votre argument, soit que la radio locale a continué d’être là, donc la population a continué d’obtenir des informations de CBC Radio pendant la crise. Ne trouvez-vous donc pas que la pénalité de 2 millions de dollars que vous demandez à la suite de cet incident est un peu exagérée, étant donné, d’une part, l’indépendance de Radio‑Canada et, d’autre part, le fait que la radio de Radio-Canada/CBC était encore disponible?
En fait, je l’avais oublié. J’ai mentionné dans mon discours que c’était le journal télévisé local. Chers collègues, le seul journal télévisé produit localement dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard est celui de CBC. Comme CBC a annulé ce journal télévisé, nous avons été privés de nouvelles télévisées. La radio a continué. S’ils avaient annulé le journal télévisé à Vancouver, est-ce que quelqu’un l’aurait remarqué? Il se classe probablement au quatrième ou cinquième rang. S’ils avaient annulé le journal télévisé local de CBC à Toronto, quelqu’un l’aurait-il remarqué? Non, parce qu’il y a toutes sortes d’options — Global, CTV et ainsi de suite. À l’Île-du-Prince-Édouard, les cotes d’écoute sont supérieures à 90 % des parts de marché parce qu’il n’y a pas de concurrence. C’est le seul service de nouvelles disponible.
Il est important de rappeler qu’au début de la pandémie de COVID-19, personne ne savait quoi faire. Vous achetiez un poivron vert à l’épicerie : deviez-vous le mettre dans votre micro-ondes ou le nettoyer à grande eau? Comment la maladie se transmettait-elle? Les gens cherchaient désespérément des nouvelles pour se protéger. Les gens de CBC TV, au début, quand nous avions le plus besoin d’eux, sont partis. Pourquoi sont-ils partis? Pas parce que les journalistes locaux avaient peur d’attraper la COVID. Ils étaient tout à fait prêts à faire ce que les autres faisaient avec des bâtons de hockey et des microphones. Le journal a été annulé parce que CBC Toronto l’a annulé. La seule province du Canada qui possède un seul journal télévisé a vu ce journal — le journal de la télévision locale — être annulé. C’est totalement inacceptable. Au début d’une crise, ils nous ont totalement abandonnés.
En proposant cet amendement, je tente — et le sénateur Francis l’a, de toute évidence, compris — d’empêcher qu’un tel scénario se reproduise lorsqu’une autre crise surviendra. C’est quelque chose que réclament de nombreux habitants de l’Île-du-Prince-Édouard.
Récemment, la présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada était dans mon bureau. Je lui ai parlé de l’annulation du journal télévisé. Voici ce qu’elle a répondu : « Oh, c’était une simple interruption de service. Le bulletin était de retour sur les ondes quelques jours après. » Or, la seule raison pour laquelle il est revenu après quelques jours, c’est parce que l’annulation avait déclenché une tempête de protestations parmi toute la population de la province, y compris notre premier ministre.
Voilà le hic. Une pénalité de 2 millions de dollars par jour est bien peu. En effet, quand je me suis renseigné sur la situation, j’ai découvert que le CRTC accorde une licence à CBC/Radio-Canada. Les représentants de cette organisation comparaissent devant le CRTC et lui annoncent les mesures qu’ils vont prendre. Le CRTC pourrait leur dire qu’il souhaite qu’ils fassent certaines choses. Après cela, la licence est offerte à CBC/Radio-Canada. Cela ne veut rien dire parce que la licence de CBC/Radio-Canada ne peut pas être annulée, à part si ses représentants demandent au CRTC de le faire. Il n’existe donc pas de mécanisme d’application. J’ai écrit au CRTC et, après trois ou quatre lettres, on m’a répondu en disant essentiellement que le CRTC était responsable de l’octroi de la licence, mais qu’il ne pouvait rien faire pour faire appliquer les règles.
Aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, la CBC avait l’obligation de tenir des audiences publiques et de garantir l’attribution d’un minimum de temps d’antenne à l’Île-du-Prince-Édouard. Aucune audience publique n’a eu lieu et aucun minimum de temps d’antenne n’a été attribué. Du jour au lendemain, la CBC a tout simplement annulé le service, laissant tomber la province — comme je l’ai mentionné dans mon discours, il s’agit d’une population composée majoritairement d’aînés et les connexions Internet figurent parmi les pires au monde. Les gens ne pouvaient qu’espérer capter une émission à la radio.
Sénateur Downe, le temps qui vous était alloué pour débattre est écoulé. Il y a trois autres sénateurs qui veulent vous poser des questions. Demandez‑vous cinq minutes supplémentaires?
Si le Sénat est d’accord.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, sénateur Downe, de cet important amendement que vous proposez. À d’innombrables occasions, le gouvernement nous a demandé ainsi qu’à d’autres de faire confiance au CRTC lorsqu’il s’agit d’établir des normes et un cadre raisonnables pour appliquer les dispositions du projet de loi C-11. Or, nous voyons maintenant un exemple on ne peut plus flagrant de la négligence du CRTC lorsqu’il est question de forcer un radiodiffuseur en particulier à respecter les obligations qui se rattachent à son permis.
La question que j’ai à vous poser est la suivante : pouvons-nous faire confiance au CRTC quand on voit qu’il ne fait rien pour faire respecter les obligations? Par exemple, il n’a jamais imposé d’amende à CBC/Radio-Canada alors qu’il en avait tout à fait le droit, et CBC/Radio-Canada n’a jamais tenu d’audiences publiques pour justifier la réduction des services. Par conséquent, peut-on avoir l’assurance que le CRTC remplira le mandat qu’on lui a confié?
Merci. Si mon amendement est adopté, nous n’aurons pas vraiment à faire confiance au CRTC, puisqu’une pénalité sera prévue. CBC/Radio-Canada devrait alors payer une amende de 2 millions de dollars à une bibliothèque de la région pour chaque jour où elle mettra fin au service, en violation directe de la Loi sur la radiodiffusion.
Comme je l’ai indiqué plus tôt, et je ne vais pas me répéter, nous avons conclu que toutes les règles ont été suivies, mais qu’aucune mesure d’application n’a été prise. Cet amendement prévoit ce genre de mesure ainsi qu’une pénalité.
Le sénateur Downe accepterait-il de répondre à une autre question?
Je vous remercie de votre discours et de votre amendement. Vous avez mentionné à plusieurs reprises qu’il serait question d’une amende journalière. Je ne trouve pas cela dans l’amendement. Pourriez-vous commenter ce détail, s’il vous plaît?
Oui. Merci. L’amendement ne précise pas que les 2 millions de dollars sont pour chaque jour d’infraction. C’est parce que — et je lis ce que les avocats ont écrit; ce ne sont pas mes mots — le projet de loi qui modifie la Loi sur la radiodiffusion propose déjà, à l’article 28, le nouveau paragraphe 34.4(2) :
Violation continue
Il est compté une violation distincte pour chacun des jours au cours desquels se continue la violation.
C’est la question que je me posais lorsque l’amendement est arrivé — pourquoi on ne précise pas que c’est pour chaque jour.
Merci, sénateur Downe. Si vous voulez bien répondre à une autre question, je vous en serais reconnaissant.
Une sanction de 2 millions de dollars par jour de la part de ce qui est essentiellement une institution appartenant aux contribuables — est-ce vraiment beaucoup? Pour moi, cet argent passe d’une poche à l’autre dans le même pantalon. Pourriez-vous réagir à cela et dire quel genre de sanction cela constitue lorsque, au bout du compte, ce sont les contribuables qui paient le prix?
Eh bien, s’ils ont encore recours à cette manœuvre, ce sera fantastique pour les bibliothèques locales qui recevront beaucoup d’argent. Cet argent serait ainsi mieux utilisé que lorsqu’il sert à diffuser certaines des émissions actuelles de CBC/Radio-Canada. C’est une façon d’essayer de les pousser un peu. S’il n’y a pas de diffusion pendant sept jours de plus, ce sera 14 millions de dollars de plus.
Pour revenir à l’essentiel, je rappelle qu’au début de la pandémie, tous les Canadiens avaient désespérément besoin d’information. Nous comptions sur CBC/Radio-Canada. Nous comptions sur les seuls bulletins de nouvelles télévisées produits localement, mais ils brillaient par leur absence. Ce qui s’est passé est tout à fait inacceptable. J’espère que l’amendement proposé fera en sorte que cela ne se reproduise jamais.
Est-ce que le sénateur Downe accepterait de répondre à une autre question?
Dans l’alinéa b) de votre amendement — j’y vais rapidement —, vous proposez de rendre public le salaire d’un certain nombre de personnes comparativement au niveau de salaire d’un sénateur et non pas d’un député. Si vous voulez que l’amendement soit accepté à l’autre endroit, il faudrait peut-être indiquer celui des députés aussi.
Ma question est la suivante : est-ce qu’il n’y a pas ici une atteinte à la protection des renseignements personnels au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
Il n’y a pas d’atteinte de ce genre, en fait, puisque comme vous le savez, monsieur le sénateur, tout le monde peut renoncer aux protections prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je propose de communiquer ce renseignement parce qu’on ne devrait pas demander à d’autres personnes de poser un geste que nous ne sommes pas prêts à poser nous-mêmes. Dans ce cas précis, le salaire des sénateurs est connu; on partirait donc du salaire en vigueur au Sénat pour regarder quels employés de CBC/Radio-Canada gagnent davantage. Cela n’enfreint pas la Loi sur la protection des renseignements personnels, puisque toutes sortes de salaires en vigueur au gouvernement sont rendus publics.
Un article de la loi indique clairement qu’une personne peut renoncer à protéger des renseignements personnels. Je peux demander à un ambassadeur avec qui il a dîné à Berlin la semaine dernière. Il peut me répondre qu’il ne divulguera pas ce renseignement, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais il peut aussi renoncer à cette protection et choisir de communiquer le renseignement en question. C’est la même chose dans le cas dont nous parlons.
Nous reprenons le débat sur l’amendement. Le sénateur Dawson a la parole.
Merci, Votre Honneur.
Tout d’abord, comme j’ai connu le sénateur Downe de nombreuses années avant qu’il ne devienne sénateur, je peux affirmer que son plaidoyer pour l’Île-du-Prince-Édouard et ses intérêts est bien connu. Je le connaissais alors qu’il était chef de cabinet du premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard. Je le connaissais lorsqu’il est arrivé à Ottawa et je le connais en tant que sénateur depuis 18 ans. Cela dit, je comprends que toute politique est locale, même pour les sénateurs.
Cela dit, la pertinence de son amendement au projet de loi C-11 — je suis conscient que même le président de mon caucus est d’accord avec lui — n’est pas évidente. Je n’aurai toutefois pas l’occasion d’en débattre.
Le gouvernement comprend les préoccupations qui sous-tendent la proposition visant à assurer que CBC/Radio-Canada offre une programmation et des services de radiodiffusion que tous les Canadiens reçoivent ailleurs au pays. Je conviens que cela n’aurait pas dû se produire.
Le gouvernement est d’avis que ces questions sont mieux traitées par le CRTC dans le cadre de ses propres procédures plutôt que par voie législative. De façon plus générale, le projet de loi n’apporte pas de changements importants à la partie III de la Loi sur la radiodiffusion, qui porte sur le mandat et les activités de la CBC/Radio-Canada.
Comme l’ont confirmé les représentants du ministère au comité, il revient au CRTC de traiter des affaires où la société n’a pas respecté sa licence. Je rappelle qu’en vertu du projet de loi C-11, le CRTC peut imposer des sanctions administratives à une société, tout comme au secteur privé.
Je rappelle également aux sénateurs que le gouvernement entend entreprendre la modernisation de la CBC/Radio-Canada de manière globale, et non fragmentaire. La modernisation de la CBC/Radio-Canada demeure un aspect essentiel du mandat du ministre Rodriguez. Merci, sénateur.
Évidemment, en ce qui a trait aux salaires, vous ne vous êtes pas adressé à la personne qui présidait le comité à l’époque, mais le sénateur Plett et moi nous souvenons que je suis intervenu sur la question. C’était courtois de votre part de ne pas mentionner mon nom. Évidemment, je souscris toujours aux propos que j’ai tenus. Ils étaient pertinents à l’époque, et ils le sont encore aujourd’hui. Mais c’était courtois de votre part de vous être abstenu de mentionner mon nom.
Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup de sympathie pour le sénateur Downe que je prends la parole aujourd’hui. Je comprends ce qu’il essaie d’accomplir. J’ai commencé ma carrière professionnelle en journalisme à Edmonton, comme productrice adjointe à CBC Radio. Je me souviens très bien qu’à l’époque, la station de CBC à Edmonton éprouvait d’importantes difficultés financières.
Peu après mon embauche, tout le personnel avait été convoqué dans le grand studio de télévision pour une annonce importante. J’étais terrifiée. Je me disais qu’étant la dernière embauchée, j’allais être la première à perdre mon emploi. L’encre du contrat que je venais de signer n’avait pas encore eu le temps de sécher. Au bout du compte, nous avions tous été convoqués à cette réunion pour apprendre que la station de télé d’Edmonton allait fermer ses portes. La CBC avait décidé d’offrir ses services à Edmonton par l’intermédiaire de la station de Calgary.
S’il y a une chose à savoir à propos d’Edmonton et de Calgary, c’est que ce sont des villes très fières et qu’une grande rivalité les oppose. Vous pouvez imaginer la colère de la population d’Edmonton — où, si ma mémoire est bonne, CBC News avait les meilleures cotes d’écoute pour les émissions d’information à l’heure du souper — quand un cadre de Toronto a annoncé qu’Edmonton, une ville de 1 million d’habitants, allait perdre sa station de télévision de la CBC.
Cette décision a été un désastre. Les cotes d’écoute ont plongé et la CBC a fini par admettre avoir commis une grave erreur. Après tout, c’était dans son mandat de servir les régions du Canada et de redonner une station de télévision à la capitale de la province, qui comptait presque un million d’habitants à l’époque. La station a donc rouvert ses portes, mais n’a jamais regagné la confiance du public ni sa part de marché.
Je comprends le point de vue du sénateur Downe. Lorsqu’on vient d’un endroit situé à l’extérieur du centre du pays, il est extrêmement frustrant de voir un gestionnaire de Toronto ou de Montréal décider si votre région mérite le même genre d’attention que le reste du pays trouve normal.
Mais il faut tenir compte de la crise extraordinaire qui s’est produite il y a trois ans. Comme le sénateur Downe l’a dit, à ce moment, on ne savait pas grand-chose sur la COVID, ni à quel point elle était dangereuse, et, qu’il s’agisse des journaux ou des réseaux de télé, toutes les salles de nouvelles du pays ont renvoyé leurs journalistes chez eux et ont fait de leur mieux pour tenter de bricoler des bulletins de nouvelles et des journaux avec des employés qui devaient se côtoyer le moins possible.
J’ai aussi de la sympathie pour les gens qui ont pris cette décision à l’Île-du-Prince-Édouard. Ils n’ont pas laissé l’Île-du-Prince-Édouard sans nouvelles locales, comme l’a souligné la sénatrice Miville-Dechêne — le service de radio était toujours là et actif —, et ils n’ont pas non plus laissé les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard sans accès à la télévision de CBC, puisqu’il y avait une couverture d’autres stations et affiliés de CBC dans tout le Canada atlantique.
Je comprends à quel point les gens ont dû se sentir dépourvus et trahis, mais je pense que nous devons nous rappeler que cette situation ne s’est pas improvisée du jour au lendemain, comme l’a prétendu le sénateur Downe. C’était une réponse d’urgence à une crise.
Cela dit, il est aussi très important de souligner que le projet de loi C-11 tient compte du fait que CBC/Radio-Canada doit respecter les conditions de sa licence et son mandat régional.
Lorsque nous avons discuté de la première partie de cet amendement au sein de notre comité, nous avons eu la chance d’entendre Thomas Owen Ripley, sous-ministre adjoint associé à Patrimoine canadien, aborder cette question :
Le gouvernement serait d’accord avec le point du sénateur Downe pour dire qu’aujourd’hui, le CRTC dispose d’outils très limités dans le cas d’une violation de licence. Au bout du compte, l’outil principal est la révocation de la licence, et c’est évidemment un gros bâton. C’est pour cette raison que le projet de loi C-11 prévoit un régime de sanctions administratives pécuniaires, car cela permet de mieux calibrer les sanctions à infliger quand la société peut vraiment évaluer la nature de la violation ainsi que la sanction appropriée pour assurer la conformité dans le cas en question.
Le gouvernement devait se demander si CBC/Radio-Canada allait être soumise à ce régime de sanctions administratives pécuniaires. Au bout du compte, la décision du gouvernement était de soumettre CBC/Radio-Canada à ce régime. Si vous lisez l’article 34.99 du projet de loi, vous verrez que CBC/Radio-Canada peut faire l’objet de sanctions administratives pécuniaires, tout comme le secteur privé.
Pour être précise, si vous jetez un coup d’œil au paragraphe 34.5(1)b) du projet de loi, ce que je viens de faire, vous constaterez que la pénalité pour une première violation ne peut excéder 10 millions de dollars et qu’en cas de récidive, le montant maximal de la pénalité est porté à 15 millions de dollars. Ainsi, les sanctions administratives pécuniaires prévues peuvent être plus nuisibles que ne le prétend le sénateur Downe. Par surcroît, l’argent ainsi recueilli ne servirait pas à soutenir les bibliothèques locales, car il s’agirait d’un régime de sanctions pécuniaires trop compliqué à mettre en place et à administrer. L’argent est plutôt versé au Trésor pour être ensuite utilisé comme il se doit.
Par conséquent, je suggère que le fait de pénaliser la station de la CBC de l’Île-du-Prince-Édouard pour une décision prise en pleine crise, en situation d’urgence — de lui imposer une sanction en vertu de cette nouvelle Loi sur la radiodiffusion que le Parlement ne rouvrira peut-être pas avant 30 ans — ne tient pas compte de la situation d’ensemble. J’estime que le fait que l’article 34.99 du projet de loi impose l’application d’un régime de sanctions à la CBC — et exige que ce radiodiffuseur respecte les conditions liées à l’octroi de sa licence à défaut de quoi, comme je l’ai dit, il se verrait imposer une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 15 millions de dollars — indique assez clairement que le gouvernement prend la question au sérieux.
Passons maintenant à la question des salaires. J’ai une anecdote personnelle amusante à raconter à ce sujet. À mon arrivée à CBC comme productrice adjointe — les productrices adjointes étaient principalement des jeunes femmes dans la vingtaine, et ce poste représentait pour un bon nombre d’entre nous notre premier véritable emploi en journalisme —, je n’étais pas très bien rémunérée. Je pense que mon salaire de départ était d’environ 27 000 $ par année.
Un jour, mes collègues et moi avons décidé de comparer nos salaires. Nous avons découvert que l’une d’entre nous gagnait un salaire plus élevé et une autre, un salaire plus bas. Ce n’était pas vraiment juste. Nous nous sommes donc rendues ensemble — nous étions quatre ou cinq — au bureau du directeur de la station pour lui dire que nous aimerions que notre rémunération soit régularisée. Le directeur de la station était outré. Il a dit : « Mesdemoiselles, il n’est pas distingué pour des dames de discuter de leurs salaires. »
Il est vrai que je ne suis plus jeune, mais je ne suis pas si vieille que cela. L’anecdote que je vous raconte s’est passée à la fin des années 1980 ou au début des années 1990.
Le flou qu’entretient CBC/Radio-Canada par rapport aux salaires qu’elle verse et le fait qu’il soit possible, même dans un milieu syndiqué, d’ignorer la rémunération de ses collègues sont des problèmes de longue date.
J’aime bien les listes de divulgation, qui jettent de la lumière sur les choses. Cependant, j’ai à l’esprit ce que la sénatrice Wallin a dit lorsque nous avons discuté de cette question au comité. Il faut dire que lorsque j’ai quitté la CBC, je crois que je gagnais le salaire « de princesse » de 47 000 $ par année. Je n’allais jamais figurer sur une liste de divulgation et je resterais toujours dans l’ombre. La sénatrice Wallin a quant à elle eu une carrière différente à la CBC. Elle y était comme une vedette, alors que mon travail consistait à apporter du café aux gens. Elle en connaît plus que moi à ce sujet.
Voici ce que la sénatrice Wallin nous a dit au comité :
Les différents éléments des programmes de rémunération globale de CBC/Radio-Canada sont précisés — je suis certaine que d’autres personnes pourront le confirmer. Si vous êtes une personnalité d’antenne, une partie de votre rémunération est liée à l’échelle syndicale, qui est fixe; il y a aussi une partie contractuelle et des cachets; vous avez aussi droit à des dépenses, par exemple des voitures, un téléviseur, des vêtements, des interventions chirurgicales, et cetera; à cela s’ajoutent des primes d’excellence, qui dépendent de la performance de la personne et non de son rendement tel qu’on le considère traditionnellement dans le monde du travail, où le rendement dépend de l’argent gagné ou des contributions versées.
Autrement dit, c’est très difficile de savoir combien gagne telle ou telle personne à CBC. En tout cas, c’est beaucoup plus compliqué que ce l’était pour ceux qui se situaient dans ma fourchette de salaire.
Je remercie encore une fois le sénateur Downe d’avoir parlé de transparence et de s’être inquiété auprès du comité des inégalités entre les hommes et les femmes, car il y a certains problèmes qui perdurent depuis très longtemps à CBC/Radio-Canada — et, il faut bien le dire, dans le milieu journalistique en général — concernant le salaire versé aux hommes et aux femmes. Quand je suis devenue chroniqueuse pour l’Edmonton Journal, je n’ai pas commencé à temps plein. Au début, j’étais à temps partiel, et c’est après un congé de maternité que je suis passée à plein temps. Un jour, j’ai fini par m’ouvrir les yeux et je suis allée voir mon patron : « Écoutez, je ne sais pas combien gagnent les chroniqueurs masculins, mais j’aimerais que vous compariez mon salaire au leur et que vous me disiez si vous trouvez que c’est juste, tout ça. » Peu après, j’ai constaté que mon salaire avait doublé. C’est vous dire à quel point j’étais moins payée que les hommes. Or, si je n’avais rien demandé, rien n’aurait jamais changé.
J’estime qu’il y a un véritable problème qui fait que, dans les médias canadiens, les femmes sont traditionnellement moins bien payées que les hommes qui font le même travail, ou même un travail moins difficile qu’elles. Cela dit, je suis d’accord avec le sénateur Downe quand il dit que ce genre d’initiative n’a pas rien à voir dans le texte du projet de loi C-11.
J’aimerais bien qu’il y ait plus de transparence dans la façon dont CBC/Radio-Canada rapporte les salaires. Ce sont nous qui payons ces salaires, et nous comptons sur les journalistes pour rapporter les nouvelles. Réclamer des comptes à la CBC/Radio-Canada est dans l’intérêt de tout le pays, mais intégrer cet amendement au projet de loi C-11 à la Loi sur la radiodiffusion... Notre regrettée collègue Elaine McCoy avait l’habitude de dire que nous nous attaquions à la mauvaise cible.
Merci.
La sénatrice Simons accepterait-elle de répondre à une question?
Allez-y.
En fait, je suis surpris, sénatrice, par certaines de vos observations. Il est question de la Loi sur la radiodiffusion. Comme le sénateur Dawson l’a souligné à juste titre, le Parlement ne s’est pas penché sur cette loi depuis des décennies. Si on ne traite pas de la rémunération à CBC/Radio-Canada dans la Loi sur la radiodiffusion, je me demande bien où on peut le faire. C’est dans le cadre de cette loi qu’il est le plus logique de le faire. Où pourrait-on en traiter ailleurs que dans la Loi sur la radiodiffusion dont nous sommes saisis?
Est-ce là qu’il est le plus logique de le faire? Permettez-moi d’en douter. Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit là d’un élément trop précis et détaillé pour être traité dans un cadre réglementaire qui est censé s’appliquer de manière large et générale. Je ne crois pas que cette mesure législative soit le cadre le plus indiqué pour aborder cette question. En effet, celle-ci peut faire clairement l’objet de directives ou de politiques ministérielles. Franchement, le conseil d’administration de CBC/Radio-Canada devrait être poussé à agir en ce sens. Des considérations détaillées sur la rémunération à CBC/Radio-Canada n’ont pas leur place dans un cadre réglementaire général qui s’appliquera peut-être pendant les 20 à 30 prochaines années.
Sénatrice Simons, j’ai un peu de difficulté à comprendre. Soit vous êtes pour la transparence, soit vous ne l’êtes pas. Le problème qui nous afflige depuis de nombreuses décennies est que, sur certains aspects, CBC/Radio-Canada peut sortir de la sphère de la bonne gouvernance et du conseil d’administration et être gérée directement par le cabinet du ministre ou par le président-directeur général du moment, nommé par le cabinet du ministre de toute façon. La Loi sur la radiodiffusion est l’outil idéal pour protéger l’argent des contribuables.
Qu’est-ce qui nous empêcherait, si nous sommes pour la transparence, d’inscrire cette exigence noir sur blanc dans cette nouvelle mouture modernisée de la Loi sur la radiodiffusion afin de nous assurer que CBC/Radio-Canada — une société entièrement financée par les deniers publics — soit aussi transparente que les autres organismes gouvernementaux?
Merci, sénateur Housakos. Je pense avoir répondu à la même question qui a été posée par le sénateur Downe. Ce que vous demandez, c’est d’ajouter des points de détail qui n’ont pas leur place dans un cadre réglementaire général.
De plus, si je peux me permettre, j’aimerais citer ce que le sénateur Dawson nous a dit en comité :
CBC/Radio-Canada publie actuellement la fourchette de rémunération des personnalités d’antenne et des hauts dirigeants. Elle fait un découpage par poste et par classification. Cette approche est conforme à la pratique habituelle du secteur public fédéral. La méthode proposée s’écarterait de cette pratique habituelle.
Vous savez que le Comité des transports avait fait la même recommandation il y a neuf ans. Le sénateur Dawson était président du comité à l’époque et les sénateurs avaient recommandé la même proposition. En fait, nous faisons maintenant ce que le Sénat avait recommandé, mais pour une raison que j’ignore, vous vous y opposez. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je ne parlerai pas des autres commentaires concernant la CBC et la possibilité que la station de Charlottetown soit pénalisée. Je rejette une telle suggestion, mais nous n’avons pas le temps de poursuivre.
D’autres sénateurs veulent-ils participer au débat?
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les non l’emportent.
Avec dissidence.
Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 16 h 45. Convoquez les sénateurs.