L'honorable Ratna Omidvar, O.C., O.Ont.
Interpellation--Suite du débat
31 octobre 2024
Conformément au préavis donné par la sénatrice Clement le 23 octobre 2024 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable Ratna Omidvar.
— Honorables sénateurs, il s’agit donc d’un hommage à notre collègue partante, la sénatrice Ratna Omidvar.
Ma relation avec la sénatrice Omidvar a démarré sur les chapeaux de roue. Je me souviens d’une femme menue, décidée et directe, qui me disait ce qu’il fallait faire et ne pas faire, avec beaucoup d’assurance. Je n’étais pas habituée à cela. J’étais un peu mal à l’aise. Par contre, Ratna est aussi celle qui m’a invitée dès ma première semaine au Sénat à souper dans son condo, alors que je me sentais vraiment seule et perdue.
Je me souviens aussi que, lors de mon premier discours sur mon projet de loi S-211 contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises, j’ai vu Ratna faire rapidement le tour du Sénat pour venir me chuchoter à l’oreille : « Julie, tu as oublié le plus important. Le travail forcé n’est pas seulement un fléau international, car il y a des victimes ici et nous devons en parler. » La sénatrice Omidvar avait tout à fait raison. J’avais choisi de me concentrer sur les pires cas de travail forcé à l’étranger, par exemple, les enfants forcés de travailler dans les mines, mais j’aurais dû penser à dire que le Canada avait aussi ses torts dans ce domaine, notamment parmi les travailleurs agricoles et d’autres travailleurs étrangers vulnérables. Cette anecdote m’a permis de tirer une leçon précieuse. Il ne faut pas faire la morale au reste du monde sans d’abord porter un regard critique sur se qui se passe dans son propre pays.
La sénatrice Omidvar et moi nous sommes rapprochées progressivement. Il y a eu un événement tournant. Quelques sénateurs anglophones de l’extérieur du Québec, des musulmans et des sikhs, dont la sénatrice Omidvar, m’ont demandé de contextualiser pour eux le projet de loi 21, la loi québécoise qui interdit les signes religieux visibles pour certains professionnels, le hidjab en particulier. La sénatrice Omidvar était curieuse, déterminée à comprendre et reconnaissante d’écouter une collègue québécoise lui donner une perspective historique sur cette loi controversée, qui était populaire dans bien des milieux au Québec, mais décriée dans le reste du Canada.
Ce qui a vraiment fait de nous des complices, c’est notre intérêt commun pour les femmes en Afghanistan et en Iran, en particulier le mouvement féministe, Femmes, vie, liberté. Ratna a vécu en Iran pendant cinq ans, je crois, avant de chercher refuge au Canada; alors, elle connaît la culture iranienne et les tensions qui existent entre les groupes de réfugiés. Pour ma part, j’étais proche des femmes de la diaspora iranienne de Montréal. Nous avons collaboré avec nos équipes pour rédiger des textes d’opinion en anglais et en français et appuyer des motions demandant au gouvernement canadien d’agir. Nous étions sur la même longueur d’onde. En prime pour moi, Ratna Omidvar avait une réelle profondeur. Ses paroles avaient de l’influence, et ce fut un privilège pour moi de soulever des questions et de défendre des causes à ses côtés.
Non seulement je perds une collègue et une partenaire, mais je perds également une amie et, dans certains cas, une mentore. Chère Ratna, je sais que vous continuerez de vous faire entendre haut et fort. Merci.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole sur les terres de la nation algonquine anishinabe dans cette auguste Chambre de second examen objectif à propos de l’interpellation no 31 dont l’objectif est de souligner le départ à la retraite de notre estimée collègue la sénatrice Ratna Omidvar, de chanter ses louanges en raison de ses contributions durables au Canada et ailleurs dans le monde et de lui souhaiter bonne continuation alors qu’elle entreprend, avec son dynamisme légendaire, le prochain chapitre exaltant de sa vie et de son service public.
La sénatrice Omidvar est une personne très respectée et fort appréciée au Sénat. Elle y a parlé de son expérience du déracinement et des difficultés concrètes vécues par sa famille et par elle en tant que réfugiés au Canada.
Récemment, lorsque nous avons rencontré des réfugiés et d’autres personnes déplacées originaires d’Haïti, de Syrie, d’Afghanistan, du Congo et de l’Ukraine à Antigonish, Ratna a pu les écouter avec une véritable empathie et leur raconter les problèmes qu’elle a elle-même vécus, les efforts considérables qu’elle a déployés et sa réussite subséquente.
La sénatrice Omidvar a également apporté au Sénat son bagage professionnel, d’abord celui d’éducatrice, puis celui acquis pendant les nombreuses années à la présidence de l’organisme Maytree de Toronto, où elle a mené des initiatives novatrices pour appuyer des immigrants aux niveaux local, national et international. Sa priorité était d’aider les gens à gagner leur vie, ce qui est d’une importance capitale pour la réussite de l’intégration et de l’inclusion au Canada. Elle a poursuivi ses travaux sur la diversité, la migration et l’inclusion à l’Université Ryerson, aujourd’hui l’Université métropolitaine de Toronto.
L’expérience approfondie de la sénatrice Omidvar dans le secteur de la société civile canadienne, son travail sur l’immigration et la réussite des réfugiés, et son attention particulière aux questions de diversité et d’inclusion l’ont bien préparée à son rôle au sein de cette enceinte.
En fait, sa première déclaration au Sénat concernait les excuses du Canada pour avoir refoulé 376 migrants pendjabis qui, en 1914 à Hong Kong, étaient montés à bord du Komagata Maru à destination de Vancouver, pour y trouver un endroit sûr où vivre. La politique d’immigration du Canada n’admettait que les Blancs à l’époque.
Comme dans tout ce qu’elle avait fait avant, la sénatrice Omidvar a été incroyablement productive durant son mandat au Sénat. Le travail d’un sénateur consiste à représenter sa région, à enquêter et surtout à légiférer.
La sénatrice Omidvar a parrainé plusieurs projets de loi cruciaux. Le projet de loi C-20 établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public, qui vient d’être adopté et de recevoir la sanction royale; le projet de loi S-279 relatif au traitement fiscal des organismes de bienfaisance; et le projet de loi S-278, Loi modifiant la Loi sur les mesures économiques spéciales, concernant la disposition des biens d’un État étranger.
En tant que présidente du Comité des affaires sociales, elle a piloté d’innombrables autres projets de loi au sein de ce comité très occupé : des projets de loi sur des mesures de soutien destinées aux personnes handicapées, la prévention du suicide, l’éducation préscolaire, la violence entre partenaires intimes, les emplois durables dans une économie carboneutre et l’assurance-médicaments.
En ce qui concerne la responsabilité d’enquêter, la sénatrice Omidvar a été vice-présidente du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance et, comme nous le savons tous, elle a guidé le Comité des affaires sociales, en qualité de présidente, dans son étude récemment achevée sur le programme canadien des travailleurs étrangers temporaires.
Elle a bien représenté les habitants de Toronto et de l’Ontario au Sénat et, en tant que citoyenne du monde, elle a attiré notre attention sur le sort des Iraniennes et des Afghanes opprimées ainsi que sur l’exploitation des étudiants étrangers au Canada, en nous rappelant également les contributions importantes de toutes ces personnes. Elle a représenté les travailleurs étrangers temporaires, et elle a veillé à ce que les différentes voix qui se font peu entendre soient entendues ici.
Ratna n’hésite jamais à attirer notre attention sur les nombreuses injustices dont sont victimes certaines personnes au Canada ou à l’étranger, mais elle ne s’y éternise jamais. La sénatrice Omidvar est toujours bien consciente des contributions que chacun apporte ou peut apporter lorsqu’on lui en donne réellement l’occasion. Elle sait reconnaître quelles sont les forces de chacun; elle nous voit dans toutes nos dimensions.
C’est pour ces nombreuses réalisations que Ratna a gagné notre respect, mais c’est pour sa façon de travailler et ses relations interpersonnelles qu’elle a gagné notre affection. Ratna Omidvar est une dirigeante motivée, sérieuse et accomplie, mais elle n’est pas un loup solitaire. Elle est une collaboratrice. Elle a l’esprit d’équipe. Elle est généreuse et bienveillante, et c’est un plaisir de travailler avec elle. Elle sait tendre la main à ses collègues sénateurs des deux côtés de cette enceinte, à nos collègues de l’autre endroit, aux ministres, aux Canadiens et à nos homologues du monde entier.
Lorsque je suis arrivée au Sénat — tout comme la sénatrice Miville-Dechêne vient de le raconter —, la sénatrice Omidvar s’est montrée très généreuse. Elle faisait partie d’un groupe de sénatrices qui ont pris un certain nombre de recrues sous leur aile.
Tout au long de la période que nous avons passée ici, nous avons travaillé sur de nombreux dossiers en commun. En septembre, j’ai reçu la sénatrice Omidvar, son époux Mehran et son employée Stephanie Saunders à Antigonish, en Nouvelle-Écosse. La visite avait pour objectif d’examiner la situation des nouveaux arrivants dans cette région rurale et de relever les façons officielles et non officielles de les aider.
Bien sûr, nous avons rencontré le chocolatier le plus célèbre d’Antigonish, Tareq Hadhad, un ancien réfugié syrien qui est devenu PDG de Peace by Chocolate. Sans surprise, et comme par hasard, notre tout premier événement au Sénat — une collaboration — se concentrait sur les questions touchant les réfugiés. Parrainé conjointement avec le Carrefour des réfugiés de l’Université d’Ottawa, il réunissait le PDG de Peace by Chocolate Tareq Hadhad, le partenaire commercial de cette entreprise Sobeys et le ministre Hussen, qui était alors ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Il y a quelques semaines, nous avons coorganisé avec plusieurs collègues un événement très enrichissant avec des femmes influentes de la société civile provenant de partout dans le monde.
La sénatrice Omidvar est membre des Sénateurs pour des solutions climatiques. Elle a contribué de façon notable à mon interpellation sur les solutions climatiques en établissant des liens entre les questions de migration et les changements climatiques. Bien évidemment, nous avons notre plan initial pour travailler ensemble à l’avenir. Elle n’est pas près de s’arrêter. Ce plan est axé sur la réussite de la migration, un modèle innovant de formation et d’emploi qui est avantageux pour les migrants, les pays d’accueil et les pays d’origine.
Ratna et moi avons un certain nombre de points communs, dont la date du 5 novembre. Ratna fêtait son cinquième anniversaire de naissance à Amritsar, en Inde, le jour où je suis venue au monde à Orillia, en Ontario. Nous voici toutes les deux sur le point de célébrer un anniversaire important, et je sais que nous partageons toutes les deux le même souhait pour notre anniversaire de mardi prochain, le 5 novembre. Ce souhait se nomme Kamala.
Très honorable collègue en partance, Ratna — ma sœur jumelle temporelle —, je tiens à vous souhaiter une retraite très heureuse, épanouissante et en bonne santé avec votre tendre et généreux époux, Mehran, avec vos filles adorables et accomplies, Ramona et Yasi, avec vos gendres, Vik et Dan, et avec ces petits-enfants si précieux que vous adorez chérir, Nylah, Elikah, Maisha, Zayan, Kiaan et Asher.
Je tiens à vous remercier sincèrement, Ratna, pour le don de notre amitié, et j’invite nos collègues à se joindre à moi pour vous remercier de la marque indélébile que vous avez laissée ici, au Sénat, ainsi que dans la vie des citoyens de notre pays et du monde entier.
Que notre respect et notre affection vous accompagnent, Ratnaben.
À l’occasion de la Divali, ce jour de lumière, nous vous présentons nos meilleurs vœux, chère collègue et amie. Bonne retraite, Ratna. Joyeux anniversaire, Ratna, et joyeuse Divali!