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La Loi sur la procréation assistée

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

25 mai 2021


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que marraine du projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur la procréation assistée.

Depuis que j’ai prononcé mon discours le 12 mars 2020, notre monde a complètement changé. La pandémie nous a forcés à remettre en question ce que nous tenons pour acquis, pour le meilleur et pour le pire.

En ce qui concerne la procréation assistée, la pandémie a mis en exergue certaines limites et conséquences désolantes d’une mondialisation de la procréation assistée et du tourisme de la reproduction.

L’an dernier, les médias rapportaient qu’une centaine de bébés nés de mères porteuses étaient bloqués en Ukraine parce qu’ils ne pouvaient être récupérés par leurs parents adoptifs en raison de la fermeture des frontières. Parents adoptifs, mères porteuses et enfants se sont vus lésés à cause de cette situation déplorable.

Les disparités juridiques considérables à l’échelle mondiale et la rareté des régimes juridiques permettant une procréation assistée mieux adaptée nous font bien voir les inégalités entre les citoyens du monde et compromettent la santé et la sécurité des femmes et des enfants. Le cadre législatif du Canada renforce ces inégalités à l’échelle internationale en n’assurant pas la réglementation de l’intégralité de la pratique de la procréation assistée ou du don de gamètes sur son territoire.

Mes préoccupations concernant la sécurité des femmes et des enfants au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde, m’ont amenée à remettre en question les dispositions législatives sur la procréation assistée au Canada. Pour mieux comprendre les enjeux et ce que l’on peut faire pour améliorer le cadre législatif et la réglementation, j’ai consulté des avocats spécialistes des droits génésiques, des criminalistes, des médecins, des mères porteuses, des parents d’intention et des représentants d’agences. D’après ces consultations, je suis portée à croire que les dispositions actuelles du droit pénal sont inadéquates et qu’elles sont à l’origine des problèmes de santé et de sécurité liés à la procréation assistée.

Mon avis se fonde également sur une vaste consultation d’ouvrages universitaires ayant trait principalement à des études de politiques comparées et de politique canadienne pour comprendre pourquoi le Canada a décidé de criminaliser cette pratique et pour m’informer sur les dispositions législatives et les pratiques entourant la maternité de substitution et les dons de gamètes dans d’autres États. Que l’on soit pour ou contre la maternité de substitution, l’actuel cadre législatif visant cette pratique comporte des lacunes et doit être modifié.

Il en va de la santé et de la sécurité des femmes et des enfants, car cette pratique n’est pas réglementée, et les agences sont très peu encadrées. Le cadre pénal encourage une culture du silence particulièrement propice à toutes les formes d’abus ou de négligence.

Par exemple, une enquête de la CBC a présenté le cas d’une femme qui n’avait pas été informée du risque d’avoir des grossesses successives, sans prendre un temps d’arrêt adéquat entre chacune. J’ai rencontré d’anciennes mères porteuses qui ont eu de multiples grossesses successives. Il y a une femme qui a été enceinte sept fois et qui a donné naissance à neuf enfants. Il y en a d’autres qui ont eu de graves complications après le prélèvement des ovules. Je ne suis pas convaincue qu’on a mis le soin voulu à les informer, afin qu’elles soient en mesure de prendre une décision éclairée.

On voit ce genre de situation dans le contexte juridique actuel, ce qui soulève la question suivante : pourquoi tenons-nous tant à réglementer les aspects financiers plutôt que ceux liés à la santé et à la sécurité? Mes inquiétudes au sujet de la santé et de la sécurité des femmes et des enfants ne sont donc nullement atténuées par le fait que des femmes deviennent mères porteuses pour des raisons purement altruistes au Canada. D’ailleurs, la littérature scientifique montre qu’il n’y a pas de lien entre ces deux aspects.

La semaine dernière, j’ai été invitée, avec la sénatrice Miville-Dechêne, à assister à la projection du film The Secret Society, qui sortira en salle à compter de l’automne. Ce documentaire met en lumière certains aspects de l’extraction d’ovules chez des femmes qui choisissent, pour des raisons altruistes, d’entreprendre une thérapie hormonale invasive afin de devenir donneuse d’ovules. Ces ovules seront, par la suite, utilisés dans le processus d’insémination artificielle in vitro.

Ce film met en lumière la situation de couples qui éprouvent des problèmes de fertilité et décrit les démarches qu’ils entreprennent et les coûts qu’ils assument pour devenir parents. Il met également en lumière — dans une moindre mesure — la grossesse de substitution et les raisons qui poussent une femme à accepter de devenir mère porteuse.

En regardant le documentaire, je me suis demandé pourquoi une femme choisirait de s’administrer des injections d’hormones dans l’abdomen, trois fois par jour, et de modifier la chimie et le fonctionnement de son corps, pour ensuite subir une intervention chirurgicale invasive et possiblement dangereuse pour sa santé, afin de faire un don d’ovules. Je me suis demandé pourquoi un couple choisirait de tenter à répétition de devenir parents et de payer des sommes importantes à des cliniques d’insémination in vitro, sans pour autant savoir que le processus aboutira à une grossesse viable. Je me suis aussi demandé pourquoi une femme accepterait de subir une intervention chirurgicale pour se faire inséminer, porter l’enfant d’une autre, passer neuf mois enceinte et accepter de vivre tous les désagréments qui accompagnent une grossesse.

En regardant le documentaire, je me suis également demandé pourquoi nos lois et nos règlements permettent que des médecins, des cliniques médicales, des agences de fertilité et des bureaux d’avocats puissent fonctionner et bénéficier des retombées économiques qui sont associées au marché de l’infertilité, alors qu’ils criminalisent ceux qui sont associés au don d’ovules et à la grossesse des mères porteuses.

Après le visionnement, les participants ont été invités à faire part de leurs commentaires sur la qualité et le contenu du film. Certains éléments nous montrent bien la réalité de cette pratique et les laideurs qu’elle peut comporter.

Lorsqu’on voit un couple « magasiner » son bébé en ligne, alors qu’il discute de la taille de la donneuse, de la couleur des yeux, de la peau et des cheveux de son futur bébé, on reste avec un goût amer. Lorsqu’on voit des exposants, à l’occasion d’un « salon canadien de la fertilité », faire la promotion de leurs produits et de leurs services, qui dénaturent la pratique et la commercialisent, cela devient carrément répugnant.

Parmi les personnes invitées à la discussion, il y avait une chercheuse qui nous a présenté très sommairement la situation des femmes qui font des dons d’ovules aux États-Unis. Elle a mentionné que ces femmes peuvent recevoir jusqu’à 10 000 $ par extraction d’ovules, et que bon nombre d’entre elles le font pour payer des dettes d’études ou subvenir à leurs besoins. La chercheuse a mentionné que certaines de ces jeunes femmes se prêtent à l’exercice plusieurs fois, qu’elles mettent leur santé à risque, qu’elles s’exposent à des problèmes d’infertilité éventuels ou à des cancers et qu’elles risquent d’être exploitées par des praticiens sans scrupules, qui ne voient que le gain financier associé à la vente d’ovules extraits.

À la lumière de ces observations, je me suis demandé ceci : pouvons-nous mettre nos préjugés de côté et accepter d’étudier la question du don de gamètes et des mères porteuses, comme nous le faisons pour toutes les questions qui prêtent à controverse?

Dans l’intention d’améliorer la santé et la sécurité des femmes et des enfants, je souhaite que la question soit étudiée avec un esprit ouvert, en mettant de côté les idéologies et les croyances. En présentant le projet de loi S-202 dans cette Chambre de second examen objectif, je souhaite que nous cherchions collectivement à comprendre le raisonnement ou l’absence de raisonnement expliquant la décision de favoriser un cadre juridique criminel plutôt qu’un cadre juridique réglementaire au Canada.

Permettez-moi de présenter brièvement l’état du droit au Canada. D’abord et avant tout, il est illégal de payer pour un don d’ovules ou de spermatozoïdes. Il est aussi illégal de payer une mère porteuse, mais il est permis de lui rembourser certaines dépenses associées à la grossesse, comme pour de la nourriture supplémentaire, des vêtements, des vitamines et des coûts de transport liés aux rendez-vous médicaux. Pour prendre un exemple banal, il est criminel d’offrir des fleurs ou du chocolat à une mère porteuse lorsqu’elle est enceinte. Il est également illégal de payer un donneur.

S’il est reconnu coupable de violation à la Loi sur la procréation assistée, un parent d’intention peut être condamné à 10 ans d’emprisonnement et à une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 $.

Dans le contexte de la pandémie, d’autres défis se sont posés quant aux dépenses et aux risques exacerbés pour la santé et la sécurité qui sont liés à la procréation assistée. Par exemple, à l’heure actuelle, les parents d’intention ne peuvent pas légalement aider financièrement leur mère porteuse pour qu’elle reste chez elle en sécurité. Cette situation a mis en danger des mères porteuses et des enfants.

Quant à eux, les parents d’intention craignent, à juste titre, les conséquences juridiques du remboursement de dépenses non admissibles selon la Loi sur la procréation assistée.

L’intention qui sous-tend les amendements proposés à la Loi sur la procréation assistée est de permettre de mettre en place des balises et des limites à la procréation assistée, afin de protéger la santé et la sécurité des femmes et des enfants et de prévenir des situations d’abus. La décriminalisation est nécessaire à la mise en place d’un tel cadre réglementaire. L’enjeu en est un de cohérence, soit la cohérence entre l’objet de la loi et ses effets réels.

Il est grand temps de chercher à concilier le texte de loi et son objet. Les principes directeurs énoncés à l’article 2 de la Loi sur la procréation assistée sont notamment les suivants : la protection et la promotion de la santé, de la sécurité, de la dignité et des droits des êtres humains; la santé et le bien-être des femmes; le consentement libre et éclairé de la personne.

Les principes directeurs évoquent également l’idée selon laquelle :

e) les personnes cherchant à avoir recours aux techniques de procréation assistée ne doivent pas faire l’objet de discrimination, notamment sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur statut matrimonial;

La criminalisation de la gestation pour autrui et du don de gamètes à des fins commerciales ne concorde pas avec ces principes et empêche d’assurer une réglementation adéquate.

Les modifications qui sont proposées par l’intermédiaire du projet de loi S-202 touchent principalement les articles ayant trait à la gestation pour autrui, à l’article 6, et au don de spermatozoïdes ou d’ovules, à l’article 7. Dans l’ensemble, le projet de loi décriminalise le versement d’une somme d’argent en contrepartie d’un contrat de gestation, ou de don de spermatozoïdes ou d’ovules, en abrogeant les dispositions qui prohibent ces actes.

Enfin, le projet de loi prévoit des restrictions en ce qui a trait aux personnes qui peuvent devenir donneuses de spermatozoïdes et d’ovules. Un donneur doit être âgé d’au moins 18 ans, être mentalement capable et consentir librement au don.

En ce qui a trait à la gestation pour autrui, le projet de loi précise également des restrictions ayant trait aux personnes pouvant devenir mères porteuses. Ces femmes doivent être âgées d’au moins 21 ans, être mentalement capables et y consentir librement.

De plus, le projet de loi élimine l’interdiction de remboursement pour les dépenses encourues par les mères porteuses, sous certaines réserves. Ainsi, plutôt que de prohiber le remboursement des dépenses, sauf celles qui sont énumérées dans un règlement, on autorise la rétribution de manière générale et on simplifie le processus.

En résumé, les difficultés liées à l’incertitude quant aux dépenses remboursables viennent du fait qu’une dépense jugée « non remboursable » pourrait être perçue comme une forme de rétribution, ce qui rend son remboursement criminel ipso facto. Malgré l’entrée en vigueur d’un règlement en juin dernier, qui vise à préciser les dépenses qui sont admissibles, les incertitudes et le poids de la criminalisation demeurent.

En gros, en décriminalisant les paiements, on fait disparaître la lourdeur réglementaire liée à un encadrement très strict du remboursement des dépenses. Le cadre juridique actuel peut, en théorie, exposer une personne qui commet une erreur non intentionnelle à de graves sanctions.

Le cadre juridique proposé permettrait aux parties de se mettre d’accord sur les conditions de remboursement des frais, y compris le type de frais et le montant maximum pouvant être remboursés et les justificatifs requis. Le remboursement des frais relèverait du droit contractuel plutôt que du droit pénal.

En outre, contrairement au projet de loi C-404 débattu lors de la 42e législature, le projet de loi S-202 entrerait en vigueur 180 jours après la sanction royale. Cela donnerait au gouvernement fédéral et aux assemblées législatives provinciales un délai raisonnable pour exercer leurs pouvoirs de réglementation, au besoin.

En ce qui concerne les agences, le projet de loi S-202 montrerait de façon claire que les agences offrant des services de maternité de substitution, à l’instar des agences d’adoption, sont parfaitement légales et légitimes en abrogeant le paragraphe 6(2) de la Loi sur la procréation assistée, qui se lit comme suit :

Il est interdit d’accepter d’être rétribué pour obtenir les services d’une mère porteuse, d’offrir d’obtenir ces services moyennant rétribution ou de faire de la publicité pour offrir d’obtenir de tels services.

Les provinces et les territoires seraient en mesure de réglementer ces agences ou de leur accorder une licence, tout comme les agences d’adoption sont réglementées au niveau provincial.

Il est important de réglementer les agences pour protéger la santé et la sécurité des femmes, mais aussi pour donner une voix aux parents en cas d’abus. À l’heure actuelle, les agences ne sont pas réglementées, et il est improbable qu’elles le deviennent tant et aussi longtemps que les paragraphes 6(2) et 6(3) existeront, puisqu’ils ne sont pas compatibles avec la politique souhaitable et qu’ils empêchent les provinces de réglementer les agences.

En outre, les parents qui ont recours à une mère porteuse ne poursuivront vraisemblablement pas une agence pour rupture de contrat ou négligence s’ils craignent d’avoir enfreint le paragraphe 6(2) de la loi. Ainsi, les agences existantes n’ont bien souvent aucun compte à rendre. La criminalisation des actes qui sont interdits nuit à la tenue de discussions ouvertes sur l’amélioration du régime réglementaire actuel. Elle empêche aussi les gouvernements fédéral et provinciaux de pleinement réglementer cette pratique, de sorte que tout se passe derrière des portes closes par crainte de répercussions judiciaires.

Soyons clairs, les parents qui ont recours à une mère porteuse s’entendent directement avec elle avant le transfert de l’embryon. Normalement, les parents et la mère porteuse obtiennent des avis juridiques indépendants sur l’entente avant de la signer. Pour sa part, la clinique attend une lettre lui donnant l’autorisation légale avant d’entamer le processus de transfert de l’embryon.

L’agence conclut également une entente distincte avec les parents concernant ses services.

Le projet de loi vise principalement la décriminalisation, puisque l’on sait que la réglementation des agences et des autres aspects de la procréation assistée doit se faire au niveau provincial ou territorial. Dans le renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, la Cour suprême du Canada a conclu que l’autorisation et la réglementation sont ultra vires du gouvernement fédéral et relèvent, comme il se doit, des gouvernements provinciaux.

À la lumière de ce renvoi et de la division des pouvoirs prévue dans la Loi constitutionnelle de 1867, un projet de loi trop ambitieux visant à centraliser la réglementation par la voie législative fédérale risquerait d’être jugé inconstitutionnel. Tant et aussi longtemps que les paragraphes 6(2) et 6(3) existeront, il est peu probable qu’une province intervienne pour réglementer des agences dont la légalité actuelle est douteuse.

Par conséquent, ce projet de loi permettrait aux provinces de réglementer les agences; et si des parents d’intention ont un problème avec une agence de maternité de substitution qui ne respecte pas l’entente conclue ou qui agit de manière inadéquate, les parents d’intention auraient un recours — par exemple, ils pourraient poursuivre l’agence pour rupture de contrat ou pour négligence — sans avoir à craindre d’avoir commis un crime en contrevenant au paragraphe 6(2) de la Loi sur la procréation assistée.

Aux termes du paragraphe 7(1) de la loi, il est illégal de payer un donneur. Paradoxalement, le Canada permet l’importation de gamètes provenant d’autres pays, même si le donneur y a été payé. Cela explique pourquoi environ 90 % des dons de sperme au Canada proviennent des États-Unis, alors que de 5 % à 10 % seulement proviennent de donneurs canadiens. En autorisant les importations, le gouvernement renonce à contrôler le cadre juridique qui régit le prélèvement de la plupart des gamètes qui se trouvent dans les banques canadiennes de sperme et d’ovules.

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture lors de la première session, je vous ai fait l’historique de la mise en place du régime actuel de procréation assistée. Ce régime a été étudié il y a longtemps et, à cette époque, le rapport final avait exhorté le gouvernement à prendre le virage en douceur. Il faut se rappeler que nous en étions alors aux premiers essais en matière de clonage humain et qu’il y avait des considérations éthiques associées à ce genre de pratique. De plus, il y avait les préoccupations relatives à une vision plus conventionnelle de la procréation et de la famille. Les mariages homosexuels n’étaient pas encore légaux et les problèmes de fertilité des couples ne faisaient pas encore partie des discours politiques. Somme toute, c’était une tout autre époque.

Il est important de s’intéresser à l’incidence du régime législatif canadien sur le comportement de la population canadienne à l’étranger.

De nombreux Canadiens se rendent dans des pays où il y a un risque accru et omniprésent que les mères porteuses soient exploitées. En raison de la loi canadienne actuelle, il arrive souvent que les Canadiens qui souhaitent utiliser d’autres méthodes de procréation assistée soient incertains et qu’ils craignent qu’une dépense non admissible soit considérée comme un paiement illégal. Ils n’ont également pas accès aux mères porteuses et aux gamètes à l’échelle nationale en raison des répercussions de la loi actuelle. Cela encourage les gens à se rendre dans d’autres pays où les règles sur l’utilisation des services de mères porteuses et l’obtention de gamètes sont plus souples. Cette pratique entraîne une série de problèmes, notamment l’exploitation de femmes pauvres et racisées dans d’autres pays et la difficulté d’accéder aux services de gamètes et de mères porteuses au Canada.

En théorie, on pourrait dire que l’approche législative du Canada est contradictoire parce que nous acceptons un régime qui favorise l’exploitation des femmes dans d’autres pays par crainte d’exploiter les femmes au Canada. En facilitant le recours à une mère porteuse au Canada, le projet de loi réduirait l’exploitation canadienne des femmes dans d’autres pays et serait plus conforme aux principes sous-jacents de la Loi sur la procréation assistée.

J’ai été surprise de constater qu’il n’existe aucune preuve empirique qui justifierait une différence de traitement dans les pays occidentaux entre les mères porteuses rémunérées et les femmes qui deviennent mères porteuses pour des raisons altruistes. Les deux groupes sont vulnérables dans une certaine mesure et doivent être mieux protégés au moyen d’un cadre réglementaire adéquat.

Dans l’enquête de la CBC, le Dr John Kingdom, médecin et professeur à l’Université de Toronto, a déclaré ceci : « Je crois que nous devrions reconnaître que les mères porteuses sont des personnes altruistes et bienveillantes, qui risquent d’être victimes d’un déséquilibre de pouvoir. »

Les données empiriques ont considérablement dissipé les inquiétudes qui se manifestaient au début du processus de procréation assistée concernant le profil type des mères porteuses. On croyait, et certains croient encore, que, dans les pays riches, les mères porteuses étaient des femmes qui formaient une sorte de sous-classe de reproduction visant à répondre aux besoins de riches femmes blanches. Les données montrent que les femmes pauvres, sans éducation et racialisées ne sont pas surreprésentées dans ce groupe. En fait, contrairement à certaines croyances, selon les plus récentes recherches, les mères porteuses types aux États-Unis et dans les pays occidentaux ne sont pas des femmes de couleur pauvres et sans éducation qui forment une sorte de « sous-classe » de reproduction visant à répondre aux besoins de riches femmes blanches.

Bien que cette dichotomie soit l’une des raisons pour lesquelles les législateurs canadiens justifient le besoin de criminaliser la maternité de substitution à des fins commerciales, elle ne s’appuie pas sur des données empiriques. La criminalisation favorise un climat de peur et de silence, qui étouffe le débat et augmente le risque que les personnes vulnérables se fassent exploiter, qu’il s’agisse de mères porteuses, de parents d’intention, de donneurs ou de receveurs de gamètes, ou d’enfants.

Que l’on soit d’accord ou non avec le don de gamètes ou la maternité de substitution contre rémunération, il convient aujourd’hui d’examiner la question avec un regard de 2021. Le monde a considérablement changé depuis l’adoption de la Loi sur la procréation assistée. Quelle est la justification, ou l’absence de justification, de la décision de privilégier un cadre juridique criminel plutôt qu’un cadre juridique réglementaire?

Il n’y a plus aucune raison valable de maintenir ces interdictions aujourd’hui. Il est temps de revoir l’étendue des preuves empiriques qui soutiennent la décriminalisation de la maternité de substitution commerciale et du don de gamètes, afin que les Canadiens puissent bénéficier d’une réglementation qui protège véritablement leur santé et leur sécurité et qui assure l’équité et la justice pour tous ceux qui contribuent à la réussite des efforts de parentalité.

Il est grand temps que cette question soit réexaminée afin qu’une étude exhaustive puisse se pencher sur tous les aspects de la procréation assistée et proposer des solutions concrètes à un problème que le Parlement refuse de réglementer de manière appropriée depuis bien trop longtemps.

Je vous remercie de votre attention.

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