Le Code criminel
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat
17 juin 2021
Propose que le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-218, Loi sur le pari sportif sécuritaire et réglementé, à titre de parrain de cette mesure au Sénat. Ce projet de loi vise à réglementer les paris sur une seule épreuve sportive, à renforcer la protection des consommateurs afin d’assurer la sécurité et le bien-être des parieurs, à ramener les revenus légaux et imposables au pays afin d’investir les recettes connexes dans les collectivités canadiennes et à retirer au crime organisé et aux entités étrangères la mainmise sur ces activités.
Je voudrais remercier mes collègues d’avoir amené le projet de loi au point où il en est, notamment ceux qui ont pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. Je remercie aussi le président du Comité des banques et du commerce, le sénateur Wetston, ainsi que les autres sénateurs membres du comité de leur analyse attentionnée de ce projet de loi lors des réunions que nous avons tenues il y a deux semaines.
Je veux également remercier tout spécialement le député de Saskatoon—Grasswood, Kevin Waugh, d’avoir présenté ce projet de loi à l’autre endroit et de travailler à améliorer la réglementation, le soutien des consommateurs et l’habilitation des collectivités en matière de paris sur une seule épreuve sportive.
Je tiens également à remercier le sénateur Cotter, le porte-parole officiel pour le projet de loi C-218. Ses vastes connaissances conccernant cette question et ses sages conseils dans tout le processus ont été d’une valeur inestimable.
Il est également important de reconnaître l’apport de tous les Canadiens qui m’ont envoyé des messages pour me dire qu’ils considèrent que cette mesure est positive pour le Canada — des gens qui espèrent qu’elle amènera davantage de fonds pour soutenir les priorités publiques essentielles.
Chers collègues, dans mon discours aujourd’hui, je parlerai de quatre éléments clés : les témoignages entendus au comité, la législation concernant les matchs truqués dans le Code criminel, la participation des communautés autochtones dans l’industrie des paris et la position du Canada en ce qui a trait à la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives, aussi appelée Convention de Macolin.
Pour faire un bref historique, les paris sportifs sont légaux au Canada depuis des décennies — depuis 1985. Toutefois, il y a une ligne dans le Code criminel, soit l’alinéa 207(4)b), qui rend illégal les paris sur une seule épreuve sportive. Les Canadiens peuvent parier légalement sur deux matchs regroupés, mais ils ne peuvent pas parier sur ces matchs séparément.
Les sociétés de loterie provinciales offrent des paris progressifs, qui sont des paris regroupés pris sur deux matchs ou plus, et les Canadiens obtiennent un gain seulement s’ils arrivent à deviner correctement l’issue de tous les matchs. Cette situation est paradoxale parce que le Code criminel oblige ainsi les gens à parier davantage, étant donné que les parieurs sont obligés de parier simultanément sur de nombreux matchs au lieu d’un match unique.
Cette obligation désavantage fortement les Canadiens qui souhaitent parier légalement. Dans une industrie où l’on se préoccupe du jeu pathologique et de la dépendance au jeu, il semble contreproductif d’obliger les parieurs canadiens à parier plus qu’ils le souhaitent, ce qui a pour effet de les diriger vers les sites Web étrangers non réglementés qui offrent des paris sur une seule épreuve sportive.
Chers collègues, vous savez que les Canadiens dépensent 14 milliards de dollars pour faire des paris sur une seule épreuve sportive. Ces paris sont pris chaque jour sur des sites de paris en ligne à l’étranger. Ces activités des marchés noir et gris se déroulent en dehors du cadre juridique canadien et, par conséquent, elles ne sont assujetties à aucun règlement, et aucun impôt n’est prélevé sur les recettes. Qui plus est, des milliards de dollars tombent entre de mauvaises mains chaque année.
De nos jours, pour parier sur un match de hockey, il suffit de télécharger une application sur un téléphone intelligent. L’organisation qui exploite cette application, dont il existe un grand nombre, traiterait alors la transaction financière par l’intermédiaire de comptes à l’étranger, ce qui lui permet de contourner les cadres juridiques et les structures réglementaires du Canada.
Pire encore, beaucoup de consommateurs qui font des paris sur une seule épreuve sportive par l’intermédiaire de ces organisations et de leurs applications respectives ne savent même pas que cette activité est illégale au Canada.
Chaque année, les Canadiens font des milliards de dollars de paris sur des sites qui échappent à la réglementation et aux normes de protection des consommateurs. Ces mêmes Canadiens sont souvent exposés sans le savoir aux risques qui en découlent. D’ailleurs, lorsqu’il est question de paris non réglementés, aucune réglementation canadienne ne régit le délai dans lequel le paiement doit être versé, si jamais il l’est.
Comme je l’ai déjà dit, la réglementation, les licences et les autres questions relatives aux jeux et aux paris relèvent des provinces et des territoires du Canada. Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont élaboré et perfectionné des pratiques de jeu responsable et des cadres réglementaires pour assurer l’intégrité de l’industrie et la sécurité des participants.
Voilà des années que ces gouvernements souhaitent apporter ce changement et ils sont prêts à y répondre rapidement et de manière responsable. Leurs cadres réglementaires sont actuellement en place et ils s’appliqueraient aux paris placés sur une seule épreuve sportive si le projet de loi est adopté et l’activité peut être réglementée.
Bien que nous ne puissions pas dicter les pratiques réglementaires des gouvernements provinciaux du Canada, nous pouvons tout de même apporter cette modification à une ligne du Code criminel, leur donnant ainsi le pouvoir d’introduire en toute sécurité les paris sur une seule épreuve sportive au Canada.
Les règles qui seraient promulguées et renforcées en ce qui concerne cette activité sont concrètes et on en a un besoin urgent. La vérification de l’âge et de l’identité, la protection de l’intégrité des parties et la prévention des épreuves arrangées, ainsi que l’interdiction pour les joueurs, les entraîneurs et les officiels de faire des paris sont des exemples de mesures qui pourraient protéger les Canadiens.
Les nombreuses mesures de protection sont nécessaires pour réduire les risques associés au problème de jeu compulsif dans les collectivités, mais elles ne peuvent être mises en œuvre que si le projet de loi est adopté.
Étant donné la nature clandestine de ces activités, il n’y a pour le moment aucune règle de protection provinciale concernant les paris sur une seule épreuve sportive. Il est donc plus probable que des mineurs participent aux paris et plus difficile de découvrir les épreuves arrangées.
Honorables sénateurs, des centaines de millions de dollars — voire des milliards — permettraient de financer, entre autres priorités, la recherche sur la dépendance, des programmes sportifs pour les jeunes, les soins de santé et l’éducation si l’on pouvait mettre la main sur les revenus que procurent les paris sur une seule épreuve sportive. Quel contraste par rapport à la situation actuelle!
L’adoption de ce projet de loi procurerait à la société canadienne des avantages qui vont au-delà de l’impôt et des revenus associés aux activités de jeu légales. Selon les estimations, une fois que les paris sur une seule épreuve sportive auront été retirés du Code criminel, près de 2 700 emplois seront créés au Canada en deux ans. Il s’agirait de bons emplois rémunérés au salaire moyen de l’industrie, qui dépasse les 65 000 $ par année.
Bien que ces chiffres soient éloquents, chers collègues, je ne vous demanderais pas d’appuyer ce projet de loi seulement pour des raisons économiques. En fait, il s’agit d’une mesure logique et juste, centrée sur les communautés canadiennes. Voilà pourquoi elle bénéficie d’un vaste appui de la part des gouvernements provinciaux, des groupes communautaires, des ligues sportives, des syndicats, des sociétés de loterie et même, chers collègues, de Canadiens.
Beaucoup de communautés autochtones du pays sont grandement favorables à cette modification du Code criminel, puisqu’elle leur permettrait de collaborer avec les gouvernements provinciaux en vue d’offrir ces paris et de recueillir les revenus requis. Dans une lettre adressée au Sénat, la Saskatchewan Indian Gaming Authority dit ceci :
[...] nous voulons simplement pouvoir soutenir la concurrence et offrir un produit que nos clients réclament. Nous voyons actuellement dans notre province un marché semi-clandestin qui n’est pas réglementé et qui ne rapporte rien aux intervenants de notre secteur.
Ce sont ses paroles et non les miennes, chers collègues.
La Saskatchewan Indian Gaming Authority est une organisation à but non lucratif qui réinvestit la totalité du bénéfice net qu’elle tire de ses établissements de jeux dans les communautés des Premières Nations de la Saskatchewan. Son objectif principal est de renforcer les communautés autochtones au moyen de l’emploi, de la croissance économique, des relations communautaires saines et de l’autonomie financière.
Honorables collègues, la Saskatchewan Indian Gaming Authority représente 74 Premières Nations de la Saskatchewan.
Pas plus tard que ce matin, j’ai reçu un appel du chef Sheldon Kent de la Première Nation de Black River, au Manitoba. Il siège aussi à l’Assemblée des chefs du Manitoba ainsi qu’au comité des jeux de cette dernière. Il appuie fortement et sans réserve cette mesure législative.
Le président-directeur général de la Saskatchewan Indian Gaming Authority, Zane Hansen, a témoigné lors de la première réunion du comité et il a expliqué qu’il ne produirait pas de nouveaux jeux. Voici ce qu’il a dit :
On le fait déjà, mais c’est dans les mains d’exploitants qui ne sont pas autorisés à le réglementer dans notre province. En passant à un environnement réglementé, nous pouvons l’offrir correctement, de manière sécuritaire et avec un haut niveau d’intégrité.
Lors de la même réunion, Paul Burns, président et chef de la direction de la Canadian Gaming Association, a parlé de l’importance d’instaurer des mesures de sauvegarde et des programmes de lutte contre la dépendance. Il a dit :
Ce que nous avons vu, c’est que les Canadiens aiment parier sur les sports, mais nous avons également vu que nous avons certains des meilleurs programmes de jeu responsable au monde. Une recherche récente publiée par l’Alberta Gaming Research Institute montre également que les taux de jeu problématique dans ce pays, entre 2002 et 2018, ont diminué de 45 %. Nos programmes d’éducation fonctionnent [...]
M. Burns a ajouté que les groupes du crime organisé qui planifient les paris sportifs ne demandent pas mieux que de faire crédit aux parieurs. En revanche, selon lui :
Il y a moins d’une poignée de casinos dans ce pays qui vous accordent un crédit, et c’est comme demander un prêt hypothécaire [...] Il y a beaucoup de différences qui viendront avec un marché réglementé et contrôlé.
Selon Randy Ambrosie, commissaire de la Ligue canadienne de football, la Ligue appuie le projet de loi parce qu’il assurerait l’intégrité du sport au Canada en créant des normes réglementaires rigoureuses et en offrant des retombées économiques aux ligues sportives et aux collectivités. Il a dit que l’adoption de ce projet de loi aurait des effets positifs « sur l’ensemble des industries du sport et du divertissement, alors que nous tenterons de nous relever ».
Au comité, nous avons entendu des représentants de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario et de la British Columbia Lottery Corporation parler des changements positifs que l’adoption du projet de loi apporterait au cadre réglementaire du Canada et des retombées financières dont les collectivités pourraient bénéficier.
Stewart Groumoutis, de la British Columbia Lottery Corporation, a donné cette explication :
On estime à plus de 1 milliard de dollars les paris sportifs annuels en Colombie-Britannique, mais nous savons que les joueurs de la province, pour faire des paris sportifs sur une seule épreuve sportive, se rendent dans les casinos de l’État de Washington, au sud de la frontière, ou sur des sites web non réglementés à l’étranger. Aucune de ces pratiques ne rapporte de revenu à la Colombie-Britannique, ni ne soutient l’emploi dans la province.
Shelley White, cheffe de la direction du Conseil du jeu responsable s’est elle aussi dite favorable au projet de loi. Comme elle l’a expliqué : « Le CJR est un organisme de bienfaisance canadien sans but lucratif qui a pour objectif de prévenir le jeu compulsif et d’en réduire les répercussions. » Elle a ajouté ceci : « Le Canada est considéré comme un chef de file en matière de jeu responsable, et nous sommes fiers d’en faire partie. »
Dans son témoignage, elle a exprimé les préoccupations du conseil en ce qui concerne l’aspect non réglementé de cette industrie au Canada :
Si les paris sportifs demeurent non réglementés, comme ils le sont actuellement, les personnes vulnérables sont à risque. C’est en pensant à ces gens que nous nous adressons à vous aujourd’hui. Le CJR croit qu’il est dans l’intérêt des Canadiens et de la société canadienne que le projet de loi C-218 soit adopté.
Cela permettrait aux autorités provinciales d’établir un cadre réglementaire pour les paris sur une seule épreuve sportive, mettant la protection des consommateurs au cœur de la réglementation.
Chers collègues, la cheffe Gina Deer et le chef Ross Montour du Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke ont aussi témoigné devant le comité. J’ai parlé avec la chef Deer à de nombreuses reprises. J’ai eu des appels Zoom avec un certain nombre de chefs. Ils ont certainement fait en sorte que le comité et moi soyons bien informés à ce sujet.
La chef Deer a déclaré ceci :
Je tiens d’abord à préciser que notre communauté approuve la teneur du projet de loi C-218. En effet, les Canadiens devraient avoir le droit de parier sur des épreuves sportives ou athlétiques particulières.
Elle a ajouté que le projet de loi était « une mesure positive pour l’industrie du jeu au Canada », mais qu’il ne tenait pas compte des intérêts des Autochtones. Le chef Montour a ajouté que les Autochtones voulaient obtenir une « exemption » au titre du Code criminel. Nous avons entendu et compris leurs préoccupations. Toutefois, nous avons jugé que la question dépassait la portée du projet de loi C-218 et que les loteries n’étaient pas de compétence fédérale. Elles relèvent des gouvernements provinciaux depuis 1985.
Je crois comprendre que l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, mène actuellement des consultations auprès de communautés et d’intervenants autochtones concernant, et je cite sa lettre, le rôle que jouent les « nations et les communautés autochtones dans l’industrie du jeu ».
J’encourage les provinces et les territoires à collaborer avec les communautés autochtones et les autres groupes concernés pour parvenir à une entente dans le domaine des jeux de hasard et pour faire en sorte qu’ils soient pleinement capables de profiter des retombées économiques du projet de loi. Le comité a joint une observation à cet effet.
Voici ce que dit cette observation :
Le comité est d’avis que, le cas échéant [...] les provinces et territoires devraient travailler en collaboration avec les Premières Nations et les groupes [concernés] pour conclure des ententes relatives au jeu.
Un dernier point que j’aimerais aborder est celui qui a été discuté en détail lors des audiences du comité, à savoir les épreuves truquées.
Le sénateur White nous a parlé dans cette enceinte, à l’étape de la deuxième lecture, des risques liés aux épreuves truquées. Je tiens à le remercier de l’attention qu’il porte à la question.
Le sénateur White a déclaré dans son discours à l’étape de la deuxième lecture qu’« au Canada, les épreuves truquées ne sont pas illégales ». Bien que je convienne que les épreuves truquées sont une priorité, tout comme les témoins experts et les collaborateurs du comité, je ne suis pas d’accord pour dire qu’elles sont effectivement légales au Canada. Je ne suis pas non plus d’accord sur la voie à suivre.
J’ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de préparer un résumé de recherche sur le cadre juridique concernant les épreuves truquées au Canada. Le document est, bien entendu, impartial et fondé sur des faits. Il explique que, bien qu’il n’y ait pas de disposition dans le Code criminel qui mentionne explicitement les épreuves truquées, une série de dispositions englobe le trucage des épreuves. Voici pourquoi ces dispositions constituent une meilleure protection juridique.
Les dispositions du Code criminel les plus pertinentes sont les articles 209, 380 et 465.
L’article 209 s’applique directement aux épreuves arrangées, car il criminalise la tricherie au jeu, ce qui signifie :
[…] Quiconque, avec l’intention de frauder quelqu’un, triche en pratiquant un jeu, ou en tenant des enjeux ou en pariant est coupable […]
[…] d’un acte criminel.
En vertu de l’article 380, la fraude est un acte criminel. Cette disposition législative n’a pas seulement été utilisée pour intenter des poursuites contre les responsables des épreuves arrangées, mais elle a aussi été confirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Riesberry. Comme le document de la Bibliothèque du Parlement le signale, la Cour suprême a été du même avis que la Cour d’appel, à savoir que les faits dans cette affaire satisfont aux critères définissant la fraude parce que M. Riesberry :
[…] voulait procurer un avantage indu à ses chevaux à l’occasion d’une course. Il s’agit d’une conclusion de fait suivant laquelle M. Riesberry savait que sa conduite malhonnête exposait les parieurs à un risque de privation, ce qui, après tout, correspond à la définition de la tricherie.
L’une des caractéristiques clés des épreuves arrangées est la corruption, ce qui correspond à la définition de la fraude à l’article 380 du Code criminel.
L’article 465 porte sur le complot et, lorsqu’il est combiné à une autre disposition comme les deux autres dont j’ai parlé précédemment, cela permettrait de :
[…] permettrait de traduire en justice quiconque collabore avec d’autres personnes pour organiser des épreuves arrangées, même si ce ne sont pas eux qui procèdent au trucage de l’épreuve.
Le document d’information énonce aussi ce qui suit :
Notons aussi que tout ce qui est requis pour qu’on puisse considérer qu’une infraction est commise, c’est un accord visant à commettre une infraction criminelle et une intention de passer à l’acte selon cet accord. Il n’est pas nécessaire de passer à l’acte en tant que tel. Cela permettrait, par exemple, de poursuivre à la fois une personne qui paie un arbitre pour changer l’issue d’un match et l’arbitre lui-même, même si l’une ou l’autre de ces parties ne passe pas à l’acte.
Un avis juridique émanant du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault arrive à des conclusions semblables et ajoute que l’article 462 du Code criminel, qui porte sur le blanchiment d’argent, pourrait également servir à incriminer les personnes qui organisent une épreuve arrangée.
À l’évidence, les épreuves arrangées sont illégales au Canada, en vertu de multiples dispositions du Code criminel qui concourent pour que l’illégalité soit effective. La Cour suprême l’a également confirmé. Il est inexact de soutenir, comme argument, que les épreuves arrangées sont légales pour la simple raison que le Code criminel ne les mentionne pas en toutes lettres.
Ajoutons, chers collègues, que lorsqu’une disposition du Code criminel interdit une activité spécifique, la possibilité qu’une personne soit reconnue coupable de ce crime peut diminuer, puisque la spécificité de la disposition ouvre la voie à des échappatoires. Par comparaison, lorsqu’il existe de multiples dispositions qui ont une vaste portée, elles couvrent plus d’aspects du crime. À titre d’exemple, si une disposition juridique criminalise le vol qualifié, il n’est pas nécessaire d’adopter des dispositions distinctes qui interdisent le vol qualifié dans une banque, ou une épicerie, ou une station-service ou une pharmacie. En fait, il serait contre-productif d’établir toutes ces dispositions, puisque le champ d’action précis de chacune pourrait être contesté.
Donald Bourgeois, expert du droit relatif aux jeux de hasard, a été admis au Barreau de l’Ontario en 1984. Quand il a comparu devant le comité, il a parlé du problème que j’ai mentionné et d’autres enjeux juridiques. Voici ce qu’il a dit quand je lui ai posé une question à ce sujet :
Lorsque la législation pénale devient très spécifique, il y a un risque que la Couronne soit incapable de faire la preuve de chacun des éléments. Donc, le risque lié à une disposition très détaillée est qu’il sera impossible de réunir la preuve, et de prouver tous les éléments particuliers au-delà de tout doute raisonnable. Plus on est spécifique, plus la Couronne doit prouver des éléments spécifiques pour obtenir une condamnation.
La vice-présidente du Comité, la sénatrice Wallin, a aussi directement demandé à M. Bourgeois s’il est nécessaire d’inclure dans le Code criminel un article qui rend expressément illégal le trucage des épreuves. Il a répondu non et a ajouté ceci :
Je pense que c’est couvert de deux façons. Premièrement, il existe une disposition du Code criminel à l’article 209, qui traite de la fraude, en combinaison avec l’article 380. La Cour suprême du Canada a dit très clairement qu’il est suffisant qu’une activité malhonnête ait lieu, non seulement pendant un match, mais avant un match.
Il a poursuivi ainsi :
Le deuxième aspect est que la structure réglementaire, combinée à un lien avec l’application de la loi, ainsi qu’avec d’autres intervenants du secteur, fait en sorte de prévenir les problèmes découlant de la manipulation des matchs.
M. Bourgeois a discuté de l’arrêt Riesberry de la Cour suprême du Canada et a indiqué ceci :
[...] la Cour suprême du Canada nous a indiqué très clairement ce qui constitue les éléments de l’infraction. Encore une fois, comme je l’ai dit, la seule raison pour laquelle nous connaissons l’existence de M. Riesberry, c’est qu’il y avait une structure réglementée qui a transmis l’information nécessaire pour obtenir une condamnation.
M. Ambrosie, de la Ligue canadienne de football, s’est aussi exprimé sur ce sujet et nous offre cette explication :
les organismes sportifs, les opérateurs de paris sportifs, les organismes de règlementation du jeu et les services de police se communiquent des renseignements et des données, et ce, afin de veiller à ce que la compétition soit juste et honnête sur le terrain, parce que l’intégrité de notre sport a une importance capitale pour nous [ce qui fait que] nous nous efforçons de la préserver.
David Phillips, directeur général des opérations de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, a ajouté ceci :
La lutte internationale contre le trucage de matchs exige un effort hautement coordonné entre les organismes de réglementation, les organismes d’application de la loi, les ligues sportives, les exploitants et les observateurs indépendants.
Le projet de loi donnerait au Canada le marché réglementé qui est une condition préalable pour remarquer les matchs arrangés lorsqu’ils se produisent.
Chers collègues, il existe un traité international axé sur la lutte contre les matchs arrangés, soit la Convention sur la manipulation de compétitions sportives, aussi connue sous le nom de Convention de Macolin, qui était prête à être signée le 18 septembre 2014. L’un de ses principaux fondements est l’établissement d’un marché réglementé pour découvrir les matchs arrangés dès le départ au lieu de les laisser passer inaperçus en raison de l’absence de réglementation.
Paul Melia, président-directeur général du Centre canadien pour l’éthique dans le sport, qui se spécialise dans la protection de l’intégrité du sport au Canada, est en faveur de permettre au pays d’examiner :
[…] la valeur de l’adhésion à la Convention Macolin comme moyen de mieux s’assurer que nous protégeons la santé et la sécurité de nos athlètes et l’intégrité du sport.
Cependant, dans son témoignage devant le comité, il a clairement indiqué qu’il faut d’abord adopter le projet de loi C-218 en vue d’établir un marché réglementé avant de signer éventuellement la convention.
Il a dit :
Je pense que l’adoption du projet de loi C-218 et du cadre réglementaire qui l’appuierait est une première étape nécessaire.
Chers collègues, le comité a ajouté une autre observation au projet de loi à cet effet qui se lit comme suit :
Le comité encourage fortement le gouvernement fédéral à signer la Convention sur la manipulation de compétitions sportives du Conseil de l’Europe afin de se soumettre aux pratiques internationales en ce qui concerne les matchs arrangés ainsi qu’à travailler en collaboration avec les provinces et les territoires, qui sont responsables de tout ce qui concerne le jeu, à cet égard.
Le Sénat ne peut évidemment pas obliger le gouvernement fédéral à signer un traité international. C’est pourquoi le comité a rédigé l’observation de cette manière.
Il est à noter que, bien que plus de 30 pays aient signé la convention, très peu l’ont ratifiée. Elle n’a pas été ratifiée par l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France ou tout pays en dehors de l’Europe. Bien qu’il soit important que le Canada suive les pratiques exemplaires à l’échelle internationale, il faut d’abord mettre en place des mesures législatives et réglementaires pour décourager les activités criminelles et mieux assurer l’intégrité des établissements et des activités.
Encore une fois, honorables collègues, ce projet de loi est largement appuyé par des intervenants très crédibles qui sont des spécialistes des questions à l’étude.
Le projet de loi renforcera les mesures de protection et de sauvegarde destinées aux consommateurs qui permettront d’offrir de l’aide en cas de problèmes de jeu compulsif et de dépendance. Il permettra de détourner des sources de revenus qui profitent aux groupes du crime organisé et qui vont dans des comptes à l’étranger pour les rediriger vers des établissements légaux qui seront assujettis à un cadre fiscal et réglementaire. Il permettra de générer chaque année des centaines de millions de dollars en recettes fiscales et en revenus qui pourront être réinvestis dans des programmes essentiels et dans les collectivités. Il permettra de créer de bons emplois partout au pays. Honorables collègues, il est temps que les paris sur une seule épreuve sportive sortent de l’ombre. Merci.
Sénateur Wells, plusieurs sénateurs souhaitent poser une question. Accepteriez-vous de répondre à une question?
J’en serais ravi, Votre Honneur.
Sénateur Wells, le statut juridique de Kahnawake repose sur l’affirmation d’un droit autochtone, ce qui relève clairement du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon le document de consultation de la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, l’Ontario évaluera le statut juridique seulement en vertu du Code criminel, qui ne prévoit actuellement aucune disposition sur les Premières Nations. Cette interprétation étroite par la province présente un risque. De telles conclusions s’appliqueront-elles à d’autres Premières Nations si la province où elles se trouvent adopte le même point de vue?
Voilà pourquoi Kahnawake avait demandé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles une audience équitable pour que la question soit étudiée de façon appropriée. Or, la question a été renvoyée au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Merci.
Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Elle est importante.
D’abord, il s’agit d’une question de compétence. Comme je l’ai dit dans mon discours — et je pense l’avoir fait aussi à l’étape de la deuxième lecture —, le Canada a délégué aux provinces les pouvoirs par rapport au jeu et aux règlements qui l’encadrent. Je crois comprendre que le Conseil des Mohawks de Kahnawake a tenté à maintes reprises d’entamer des discussions au sujet des permis et du jeu avec l’autorité compétente, qui est la province.
Comme je l’ai mentionné dans mon discours, j’ai parlé au chef Sheldon Kent de l’Assemblée des chefs du Manitoba et j’ai abordé cette question précisément. J’ai noté sa réponse parce que j’ai cru que c’était important. Il a dit :
Toute consultation devrait porter sur l’ensemble des questions d’inclusion des Premières Nations, et non sur une ligne dans un projet de loi.
Je sais que — et je suis certain que vous êtes au courant — le procureur général et ministre de la Justice, David Lametti, a écrit aux Premières Nations de partout au pays à propos d’une vaste discussion sur leur inclusion et plus précisément sur l’article 35.
La dernière partie de votre question portait sur le renvoi du projet de loi au Comité des banques et du commerce, qui est compétent pour l’étudier, plutôt qu’au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous avons eu un débat ici sur la question, et c’est le Sénat qui a pris cette décision.
Honorables sénateurs, avant que la sénatrice McCallum pose sa question complémentaire, un certain nombre de sénateurs veulent poser des questions et nous disposons d’un temps limité. Je demanderai donc à chaque sénateur s’il a une question et une question complémentaire. Si un sénateur désire poser d’autres questions, j’inscrirai son nom sur la liste pour le deuxième tour.
Si on avait mieux consulté les Premières Nations et davantage collaboré avec elles, est-ce que le projet de loi aurait était plus efficace? Aurions-nous dû étendre son application aux Premières Nations de la Saskatchewan et du Manitoba, les mettant dans la même catégorie que les Premières Nations de Kahnawake et d’autres provinces, afin que le point de vue d’une nation ne soit pas exclu au détriment des autres?
Nous savons tous que les Premières Nations ont leurs propres structures de gouvernement, un droit mentionné dans la déclaration des Nations unies. Pourquoi adoptons-nous ce projet de loi alors que des consultations sont encore en cours sur la participation des communautés autochtones à l’industrie du jeu?
Merci, sénatrice McCallum. Le son n’était pas bon, mais je pense avoir compris votre question, à savoir pourquoi cela ne se fait pas plus largement?
Tout d’abord, en matière de compétences, le jeu relève des provinces. En fait, dans le cas de ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, la province a conclu un partenariat avec les trois autres provinces de l’Atlantique et l’autorité en a été confiée à la Société des loteries de l’Atlantique.
En ce qui concerne des consultations avec des groupes particuliers — ou même des groupes du Manitoba, de la Saskatchewan et du Québec, comme vous l’avez mentionné — je reviendrai au commentaire que m’a fait le chef Kent de la Première Nation de Black River au Manitoba. Il y a des discussions sur l’article 35 partout au Canada. Je n’oserais pas choisir au hasard une province ou une autre ou plusieurs pour avoir des conversations particulières sur un point lié précisément à l’article 35, qui, nous le reconnaissons, constitue une part importante de la consultation et de l’inclusion :
Je pense que la discussion plus générale sur l’article 35 relève du ministre Lametti. Je sais que des lettres ont été échangées et que ces consultations ont peut-être commencé ou sont en cours. Une approche a certainement été adoptée à ce sujet. Il n’en demeure pas moins que ce sont les provinces et les territoires qui ont compétence en matière de jeux.
C’est tout ce que je peux dire sans m’aventurer sur un sujet qui ne relève pas du gouvernement fédéral, donc du Sénat.
Sénateur Wells, à titre de parrain du projet de loi C-218, je prends la parole aujourd’hui pour attirer l’attention sur les préoccupations de l’industrie des courses hippiques.
Cette industrie s’étend bien au-delà des emplois des jockeys et des entraîneurs de chevaux. Elle a des retombées sur les industries du tourisme, de l’agriculture, de la fabrication et du jeu. En fait, l’industrie des courses hippiques est responsable de l’équivalent de 50 000 emplois à temps plein au Canada rural et urbain, et contribue à l’économie nationale à hauteur de 5,6 milliards de dollars par année.
Toutefois, comme pour bien des industries, la pandémie de COVID-19 a asséné un coup dur à celle des courses hippiques. Bien que cette dernière subissait déjà des pressions accrues en raison de la menace des conséquences imprévues potentielles de la légalisation des paris sportifs, elle appuie le principe du projet de loi C-218. Toutefois, elle espère que les parlementaires comprennent ses répercussions négatives potentielles sur les courses de chevaux.
Sénateur Wells, pouvez-vous confirmer que, le projet de loi n’autorisera pas les paris à cote fixe sur les courses hippiques et que l’industrie des courses hippiques sera protégée? Merci.
Merci, sénateur Black. Je peux le confirmer. En fait, vous savez peut-être qu’un projet de loi d’initiative ministérielle à l’autre endroit, le projet de loi C-13, a été proposé, puis rejeté parce que le projet de loi C-218 était déjà inscrit au Feuilleton. Quoi qu’il en soit, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a réglé cette question. Il a précisément amendé le projet de loi pour protéger l’industrie des courses hippiques.
L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr, sénateur White.
Merci. Vous avez parlé de l’incapacité de régler les questions liées aux Premières Nations, puisque la gestion est menée par les provinces. Or, l’article 207 du Code criminel ne prévoit-il pas justement que ce sont les provinces qui doivent gérer les loteries? Ce que le Conseil mohawk proposait était de pouvoir gérer lui-même des loteries, de la même manière que les provinces et les territoires le font.
Merci, sénateur White. Pour être sûr de bien comprendre, voulez-vous savoir si les Mohawks de Kahnawake devraient avoir un rôle à jouer dans la gestion?
Vous avez laissé entendre qu’il s’agissait d’une question d’ordre provincial, mais, en réalité, la mise sur pied de loteries relève du fédéral, en vertu de l’article 207 du Code criminel. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.
Vous avez tout à fait raison. Il s’agit d’une compétence fédérale qui est déléguée aux provinces depuis 1985. Évidemment, le Code criminel du Canada est un code fédéral. Il est donc permis par le Code criminel fédéral d’inclure une telle chose, mais la gestion et la réglementation du jeu ont été déléguées aux autorités provinciales et territoriales.
J’en suis conscient. J’ai écouté les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il est faux de dire que ce n’est pas du ressort du gouvernement fédéral, parce que c’est la loi fédérale qui permet aux provinces de le faire. En fait, l’article 207 pourrait être modifié pour permettre à un gouvernement d’une province, soit seul ou conjointement avec celui d’une autre province, ou à une nation ou un groupe autochtone qui a conclu un accord avec le gouvernement du Canada, mais, en fait, le Comité des banques n’a pas envisagé ces possibilités.
Bien des options auraient certainement pu être envisagées si le gouvernement l’avait voulu, mais il ne l’a pas fait. Nous devons donc nous en tenir à ce dont nous sommes saisis.
Sénateur White, je vous redonnerai la parole si nous avons du temps. Je vais passer à un autre intervenant. J’ai dit que je permettrais une question et une question complémentaire, et que je reviendrais par la suite. Sénatrice McPhedran, allez-y, je vous prie.
Ma question s’adresse au sénateur Wells. Convenez-vous que les Premières Nations qui ne font pas partie d’une société autochtone panprovinciale ou qui ne sont pas visées par un accord conclu avec une province ne disposent pas du droit constitutionnel de gérer leurs propres établissements de jeux dans le cadre de leur autonomie gouvernementale?
Je vous remercie, sénatrice McPhedran. Il va bien au-delà de mes compétences d’évaluer les droits dont disposent les Premières Nations à l’égard d’établissements relevant d’une compétence provinciale déléguée par le gouvernement fédéral.
Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Cela sort du cadre du projet de loi et, s’il s’agit d’une compétence provinciale, des éléments à examiner par le Sénat.
Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Bien sûr.
Vous avez indiqué plus tôt que le gouvernement aurait pu choisir de le faire, mais qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi d’initiative ministérielle. Puisqu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, le gouvernement n’a pas pris part à sa conception. Pourquoi le comité ne l’a-t-il pas pris en considération, étant donné que le gouvernement n’y a pas contribué?
Je vous remercie de votre question. Même s’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, et non d’initiative ministérielle, s’il est adopté sans amendement au Sénat, il devient une loi du Canada et il est assujetti aux lois du Canada, peu importe qu’il soit d’initiative parlementaire ou ministérielle. Le fait que ce soit un projet de loi d’initiative parlementaire relève d’un concours de circonstances.
L’existence de l’article 207 ne change en rien le passage de ce projet de loi qui porte sur la modification du Code criminel. Je crois donc que l’effet sera très indirect.
Je vous remercie de votre réponse, sénateur. Cependant, le sommaire du projet de loi dit qu’il vise à « légaliser la mise sur pied et l’exploitation dans une province, par le gouvernement de cette province ou par une personne ou une entité titulaire d’une licence délivrée par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province, d’une loterie ». On a donc dû songer que les provinces ne seraient pas les seules à s’occuper de la gestion de ces loteries, même si c’est actuellement le cas.
Ayant vu et lu ce qui a été dit au Comité des banques, je me demande pourquoi on n’a pas invité un fonctionnaire du ministère de la Justice pour lui demander si c’est un bon moment pour envisager de donner des pouvoirs de réglementation des jeux de hasard aux Premières Nations qui avaient réclamé une telle mesure et l’avaient obtenue dans le projet de loi initial. Après avoir regardé les délibérations du Comité des banques, je ne sais pas si le projet de loi a été suffisamment débattu, ce qui me ramène à la question qui a été plus tôt et qui consiste à se demander si le projet de loi a été renvoyé au comité approprié parce que le Comité des banques ne l’a pas étudié et n’a fait comparaître aucun témoin.
Je vous remercie, sénateur White. Encore une fois, je ne ferai pas de commentaires sur les raisons pour lesquelles le Comité des banques a été choisi. Des sénateurs qualifiés y siégeaient et ont fait appel à des témoins experts lorsque cela était nécessaire. La liste des témoins a été élaborée en fonction des recommandations du comité directeur à partir de suggestions de membres d’autres comités et d’autres sénateurs.
Le fait qu’une ligne du Code criminel soit modifiée en vertu du projet de loi C-218 n’a pas d’effet sur le cadre réglementaire. Je sais, vous avez posé une question sur les cadres réglementaires dans les provinces et le rôle des Premières Nations dans ces cadres réglementaires, mais le projet de loi C-218 modifie une seule ligne du Code criminel. Ce n’est pas une discussion à propos des compétences, pour expliquer pourquoi certaines provinces sont incluses et d’autres sont exclues. Cela n’a pas d’intérêt dans la discussion parce que le projet de loi modifie une ligne du Code criminel pour autoriser les paris sportifs sur une seule épreuve. Ce n’est pas une analyse portant sur les compétences visant à déterminer pourquoi certaines provinces sont incluses et d’autres non. Je pense que votre question donne l’impression que le projet de loi est plus vaste qu’il ne l’est, et ce n’est pas le cas.
Sénateur White, une sénatrice veut poser une question.
Sénateur Wells, vous nous avez fait part des observations du comité. Comment suggérez-vous que les provinces interviennent dans ce dossier? Pouvez-vous nous donner des suggestions précises à la lumière de vos vastes consultations auprès des Premières Nations?
Merci, sénatrice McPhedran. Voici ce qui se passera, selon la British Columbia Lottery Corporation : la levée de l’interdiction des paris sportifs sur une épreuve sportive simple ne changera rien au reste. Au lieu d’avoir à parier sur deux manifestations sportives ou plus, ce qu’on appelle un pari par reports, comme j’en ai parlé, on pourra parier sur une seule manifestation. On pourra parier sur le prochain match des Canadiens contre Las Vegas sans avoir à parier en même temps sur un autre match en espérant que ses prédictions soient bonnes. Le projet de loi ne changera rien au fonctionnement ou à la structure réglementaire mis à part le fait qu’on pourra dorénavant parier sur une épreuve simple. Que cela inclue ou non des consultations concernant les Premières Nations, la structure réglementaire ou autre chose du genre, rien ne changera. L’application ou le processus employé pour parier sera simplement modifié pour autoriser les gens à parier sur une épreuve simple.
Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Bien sûr, sénateur Dalphond.
Merci de ce discours intéressant. J’ai également écouté les témoignages au Comité des banques et il y avait un avocat au sein du dernier groupe de la dernière journée des audiences qui a parlé de l’affaire Riesberry entendue en 2015 par la Cour suprême du Canada. La cour avait conclu que droguer un cheval avant qu’il prenne part à une course constituait une fraude, parce que la personne qui drogue le cheval emploie des moyens frauduleux. La Cour suprême avait fait référence à la conclusion suivante :
Lors du procès, le juge a conclu que M. Riesberry, en tant qu’entraîneur accrédité, était lié par les règles interdisant la possession de seringues et l’administration des drogues en question en vue d’améliorer la performance : Commission des courses de l’Ontario, Règlement établissant les règles sur les courses de chevaux Standardbred, 2008 [...]
Il existe un système réglementaire gouvernemental qui établit que le geste posé par M. Riesberry allait à l’encontre des règles et qu’il s’agissait donc d’un moyen frauduleux. Il était par conséquent possible d’accuser M. Riesberry de fraude.
Si on prend les joueurs de football ou de soccer, je ne crois pas que la réglementation des provinces s’applique à eux. Dites-vous qu’il faudra que les provinces adoptent des règlements pour que des accusations de fraude soient possibles?
Merci de votre question, sénateur Dalphond. Non, ce n’est pas ce que je dis. Les dispositions de l’article 209 et des deux autres articles dont j’ai parlé continueraient de s’appliquer dans le cas de ces sports. Cela ne changerait pas. Les lois fédérales en matière de fraude, de tricherie — j’oublie le dernier point, mais cela inclut également les pots-de-vin et tout ce qui est interdit dans les lois fédérales —, continueraient de s’appliquer. Cela ne changerait absolument pas.
Si je comprends bien ce que vous dites, tricher au jeu demeurerait une infraction possible, mais il n’y aurait pas d’infraction pour fraude en lien avec une réglementation provinciale qui rendrait un comportement illégal?
Si un geste est posé au Canada, il est assujetti aux lois canadiennes. Bien que la réglementation d’un sport ou d’un pari soit provinciale, si une personne commet une fraude qui constitue un acte criminel selon les lois fédérales, ce geste est assujetti aux lois du Canada. La fraude et la corruption sont des infractions fédérales, comme vous le savez.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Wells?
Volontiers.
Des preuves établissent l’ingérence de la province dans les activités de la Kahnawake Gaming Commission. Pouvez-vous confirmer qu’elle ne le fera plus, ce qui permettra vraiment à Kahnawake d’avoir des chances égales? Pouvez-vous aussi confirmer qu’il n’y aura pas d’ingérence de la part des autres provinces? Si l’ingérence continue à Kahnawake, quelles options s’offriront aux Premières Nations?
Merci, sénatrice McCallum.
Toute ingérence des autorités provinciales à l’égard d’un groupe, peu importe lequel, impliqué dans les entreprises de jeux, approuvés ou non par la province, ne relève pas de ce projet de loi. Je ne suis pas certain s’il existe des lois à cet effet, mais parce que ces enjeux ne relèvent pas de ce projet de loi, honorables collègues, il serait bon de ne pas compliquer le débat inutilement. Ce projet de loi porte sur les paris sur une seule épreuve sportive. Toutes les structures entourant les plateformes réglementaires et l’exploitation des jeux à l’échelon provincial arrivent seulement au troisième rang par rapport à ce projet de loi. Elles ne sont pas au cœur de ce projet de loi.
Sénateur Wells, votre temps est écoulé.
Sénateur Cotter, avant que nous ne preniez la parole, je dois m’excuser à l’avance, car je vais vous interrompre dans cinq minutes.
Votre honneur, cela me fait penser à ce qui était inscrit sur la pierre tombale d’une personne récemment décédée : « Je m’y attendais ». Je m’attends à ce que vous m’interrompiez dans cinq minutes.
J’ai quelques observations à formuler et, en tout respect, je vais essayer de les présenter de façon organisée. Il est possible que je fasse référence à certaines des questions qui ont été posées au sénateur Wells. Il a très bien expliqué la raison d’être du projet de loi et je ne veux pas répéter ce qu’il a dit.
Je pense qu’il est nécessaire de revenir sur certains des points qui ont été abordés dans la présentation et au début du débat. Je suis toujours un peu mal à l’aise de me mesurer au sénateur Dalphond concernant des notions juridiques, mais je tiens à aborder brièvement le concept du crime qu’est la fraude.
J’ai obtenu l’avis d’un éminent juriste au sujet du point qu’a soulevé le sénateur White durant la discussion sur l’efficacité des dispositions existantes du Code criminel. J’aimerais axer mon intervention sur la fraude.
Pour qu’il y ait fraude, la Couronne doit prouver qu’il y a eu « [...] supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif [...] ». Les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, donnent une interprétation large de l’expression « autre moyen dolosif ». Le fait que M. Riesberry ait violé le règlement de l’association de courses de chevaux lorsqu’il a posé son geste facilite les choses, mais presque tout ce qui est illégal est considéré par les tribunaux comme appartenant à la catégorie « autre moyen dolosif ». Résultat : la fraude s’applique à un vaste éventail de choses. J’y reviendrai dans d’autres observations que je ferai plus tard.
Les questions posées par le sénateur White au sujet du projet de loi et de la possibilité de modifier celui-ci pour inclure les références proposées par lui et la nation de Kahnawake sont légitimes. Toutefois, je crois que l’on modifierait alors la portée du projet de loi, laquelle dépasserait ce qu’il proposait de modifier dans le Code criminel, au point d’offrir de restructurer le régime du jeu au pays. On irait ainsi au-delà du pari sur une épreuve sportive unique pour s’attaquer au jeu dans son ensemble — y compris le jeu qui est offert professionnellement à Kahnawake et dans d’autres territoires du pays.
En ce qui concerne la question de la sénatrice McPhedran sur l’existence d’un droit inhérent concernant les jeux de hasard, dont la Première Nation de Kahnawake se sert pour justifier son travail, les tribunaux canadiens ne se sont jamais prononcés sur la question. J’en parlerai dans mes principales observations. Dans de nombreux cas, la question fait l’objet d’un débat légitime et quelques tribunaux de première instance ont entendu des témoignages sur le sujet, mais elle n’a pas été tranchée de façon définitive. Elle a permis à Kahnawake de poursuivre ses activités de jeu, y compris ses activités de jeu en ligne, au Canada — et sans interruption, si j’ai bien compris. Cependant d’autres compétences, y compris la mienne en Saskatchewan, ont établi un cadre différent dont je parlerai lorsque j’aurai terminé mes observations.
Je vais discuter de ce que je voulais aborder au début de mon intervention, puis passer à un autre sujet.
Je voulais fournir une série d’explications et de justifications, mais je pense que le sénateur Wells a très bien couvert ce point. Il est assez évident que je ne suis pas vraiment un détracteur du projet de loi; au contraire, j’en suis un partisan. Tous les arguments qu’il a présentés sont vrais et même les témoins du Comité des banques qui étaient sceptiques ou qui avaient des réserves ont appuyé l’adoption du projet de loi assorti d’un cadre réglementaire satisfaisant.
J’ai trois points à soulever. Pour prendre une analogie, je vais vous raconter une histoire personnelle. Je cherche à vous persuader que le projet de loi vaut toujours la peine d’être appuyé, même si vous avez quelques réserves à son égard. J’ai l’impression que je plaide comme un avocat pour que vous approuviez une sage décision.
En réalité, la mesure législative ne vise pas à créer un marché de paris sur une seule épreuve sportive : elle ne fait que les légaliser et les réglementer. On prend déjà ce genre de paris sur les marchés gris et noir, qui nous inquiètent. PricewaterhouseCoopers a soulevé ce point dans l’un des rapports exhaustifs qu’il a produit. L’organisme a également écrit ceci :
[...] la surveillance réglementaire au sein du marché canadien des paris sportifs peut accroître la protection des joueurs et l’intégrité des sports ainsi qu’empêcher le blanchiment d’argent et d’autres activités illégales qui peuvent avoir lieu dans les « marchés gris et noir ».
Comme le sénateur Wells l’a indiqué, toutes les grandes instances pour qui l’intégrité est essentielle à ce chapitre, soit l’intégrité du sport et du jeu, ont exprimé leur appui pour le projet de loi à condition que les règlements soient rigoureux. Je parle du Conseil du jeu responsable du Canada, dont nous avons entendu parler, du Centre canadien pour l’éthique dans le sport et de toutes les ligues professionnelles, qui voient leur industrie se faire détruire par l’absence d’intégrité.
Par ailleurs, n’oublions pas que c’est par courtoisie envers les provinces que la responsabilité des jeux leur a été transférée aux termes des modifications de 1985. Ce transfert d’une initiative productrice de ressources a été positif pour les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces. La modification proposée, de façon un peu plus modeste, aura le même effet.
Sachant que je pourrais être interrompu à tout moment, je tiens à dire que si vous craignez un tant soit peu que les provinces ne soient pas en mesure de faire ce qu’il faut, je vous demanderais d’avoir un peu plus confiance en elles. Dans l’architecture de notre fédération, les provinces ont plus de responsabilités que dans n’importe quelle autre nation fédérative du monde occidental, et elles font un excellent travail d’administration de la santé, de l’éducation, du monde du travail — 94 % des Canadiens travaillent sous juridiction provinciale —, de la justice, des principaux aspects de l’économie et — je vous rappelle que cela est indispensable — ce qui nous unit en tant que pays, peut-être plus que toute autre chose, et qui constitue un élément d’identité pour les Canadiens, de l’assurance-maladie. C’est le produit de l’esprit et du cœur d’un premier ministre des Prairies et d’une équipe de brillants conseillers provinciaux.
Ayez un peu confiance dans les provinces pour que tout se passe bien. Elles ont réussi jusqu’à présent.
Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive.
Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
Suspendre.
J’entends « suspendre ». La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.
Mon grand-père était un homme pieux et droit qui allait à l’église chaque semaine. C’était un fervent catholique qui cherchait toujours des âmes à convertir. Un jour, un ami lui a dit : « Bill, pourrais-je aller à ton église pour apprendre comment vous faites les choses là-bas? » Mon grand-père, toujours à l’affût, comme je l’ai dit, l’a emmené avec lui pour assister à la messe du dimanche. En voyant le début de la cérémonie, l’ami s’est tourné vers mon grand-père pour lui demander la signification de ce rituel, et mon grand-père le lui a expliqué. Un peu plus tard, l’ami a encore demandé des explications, et mon grand-père lui a répondu avec patience. Au milieu de la cérémonie, le prêtre est allé au lutrin qui se trouvait à une extrémité de la salle, il a enlevé soigneusement sa montre, comme je le fais maintenant, pour ensuite la poser sur le lutrin. L’ami s’est tourné de nouveau vers mon grand-père et lui a demandé : « Qu’est-ce que cela veut dire? » Mon grand-père a secoué la tête et lui a dit avec tristesse : « Rien du tout. » Quand mes deux heures seront écoulées, Votre Honneur, j’espère que vous me donnerez le signal.
J’ai examiné certains éléments du projet de loi sur les paris sur une seule épreuve sportive, et j’aimerais parler d’un troisième aspect, puis établir une analogie, pour ensuite raconter une histoire personnelle.
Le troisième élément — et je dois mentionner que c’est le sénateur White qui m’a parlé de cette question, et que j’ai trouvé qu’elle méritait d’être prise en considération sérieusement — ne porte pas tellement sur les lois contre le trucage des matchs, mais sur ce qui pourrait constituer le talon d’Achille de la question des paris sportifs. Je pense ici non pas à ses effets sur les ligues sportives majeures, mais à la vulnérabilité des niveaux inférieurs des sports, où les joueurs, les entraîneurs et les arbitres sont beaucoup moins bien payés, ce qui pourrait les rendre plus enclins à la tentation d’accepter de l’argent pour truquer un match ou pour refuser quelques points dans un certain sport. Un régime légal de paris sportifs n’augmente pas ce risque. Le risque existe s’il est déjà présent.
Les États-Unis nous donnent un autre exemple d’un cadre réglementaire efficace. Un certain nombre d’étudiants-chercheurs travaillent avec moi cet été. Il s’agit surtout d’étudiants en droit. Ils font de l’excellent travail. Deux d’entre eux, Meghan Johnson et Rhett Kehoe, ont examiné la situation des États-Unis, où les paris sportifs sont légaux depuis 2018.
Voici ce qu’ils ont appris. À ce jour, 23 États ont légalisé et réglementé les paris sportifs. Une confortable majorité d’entre eux ont exclu certains sports où les risques sont élevés — c’est-à-dire qu’ils ont rendus illégaux les paris sur ceux-ci. Pensons aux paris sur les sports collégiaux ou le baseball mineur. Cela n’empêchera pas les gens sans scrupule d’agir peu scrupuleusement en dehors du régime légal. Les lois rendent rarement les mauvaises personnes bonnes. Cependant, le régime légal peut être structuré de façon à ne pas encourager les mauvais comportements. Si nous précisons clairement que ces types de comportements sont illégaux, cela pourrait faciliter les poursuites criminelles et améliorer leurs chances de réussite.
Je pense que la mise en place d’un régime réglementaire au Canada pourrait vraiment être utile.
Je veux maintenant présenter une analogie. Je vais vous parler d’un ami de longue date, avec qui j’ai grandi à Moose Jaw. Il se nomme Dave. Nous sommes amis depuis 50 ans. Nous sommes allés à l’université en même temps. Nous n’avions pas beaucoup d’argent, alors nous avons obtenu des prêts étudiants. Nous trouvions des emplois d’été et des emplois à temps partiel pendant l’année. Il a travaillé fort, et il a bien réussi.
Il y a de nombreuses années, il s’est hissé jusqu’au poste de PDG d’une société sidérurgique. Il n’occupe plus ce poste, mais il est maintenant président du conseil d’administration de l’une des plus grandes sociétés sidérurgiques en Amérique du Nord. Lors de sa nomination, pour lui montrer ma loyauté, j’ai acheté quelques actions dans la société.
Ce que j’ai tout de suite appris, c’est que le prix des actions de la société est étonnamment fluctuant. Le jour de l’annonce de sa nomination à la présidence du conseil d’administration, le cours de l’action a chuté de 10 %. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi les actions d’une si grande entreprise, qui était, comme je l’ai dit, l’une des plus grandes entreprises sidérurgiques d’Amérique du Nord, étaient si instables. Dave m’a expliqué que sa société était une société commerciale plutôt qu’une société d’investissement. Ce sont quelque 20 à 30 millions d’actions qui sont négociées chaque jour, d’où l’instabilité. Les gens échangent constamment leurs actions, et ils n’investissent pas tant dans l’entreprise sidérurgique que dans ces échanges d’actions. Cela m’a fait penser aux spéculateurs sur séance qui œuvrent dans le marché boursier.
Les spéculateurs sur séance, ce sont les milliers de Canadiens — mes connaissances en la matière sont limitées, vous devrez donc me pardonner si vous avez l’impression d’entendre un écolier en quatrième année; c’est à peu près tout ce que je sais — qui achètent et vendent des actions sur le marché boursier au cours d’une seule journée ou en quelques heures au cours d’une journée. Ils le font en se basant sur leur conviction que l’action va augmenter ou baisser ce jour-là ou dans l’heure qui suit.
Ils parient sur la fluctuation du prix de l’action, par exemple, en achetant lorsqu’elle est à 10 $ à l’ouverture des marchés et en vendant lorsqu’elle arrive à 11 $ une heure plus tard. Ils parient sur la montée ou la chute de l’action. S’ils pensent que l’action va descendre, ils sont vendeurs à 10 $ en début de journée et ils rachètent une heure plus tard lorsque l’action chute à 9 $. Ils font de la vente à découvert et ils doivent racheter les actions à prix plus élevé pour couvrir le coût de la vente. Ils parient contre le titre.
Tout cela se fait surtout en ligne. Le spéculateur sur séance est lié à une entité commerciale, souvent une banque, auprès de laquelle il achète et vend des actions. Cette entité, disons la plateforme de la Banque Scotia, passe les commandes d’achat et de vente pour le spéculateur dans le marché boursier, effectue les transactions pour lui et exige des frais ou une commission minimes en retour. Ces transactions sont légèrement imposables.
J’ai fait part de cette analogie au sénateur Marwah et il ne voulait pas j’utilise la prochaine expression, mais pour tenter d’illustrer mon propos, je vais quand même l’utiliser. Les gens effectuent alors essentiellement des millions de « paris » par jour. La Banque Scotia n’emploie pas ce mot, mais sa plateforme en ligne est son « preneur aux livres », un preneur aux livres très honorable qui a des principes, mais un preneur aux livres quand même. Le cadre des paris est soigneusement réglementé par l’organe de la banque responsable des transactions, les bourses et les organismes gouvernementaux.
La spéculation sur séance n’ajoute pas de valeur à l’économie comme le fait l’investissement dans une entreprise, mais nous l’acceptons sans problème. Les gens effectuent leurs paris. Parfois, ils gagnent; parfois, ils perdent. L’exaltation de la victoire s’accompagne de temps à autre de l’agonie de la défaite.
Je poursuis un instant cette analogie.
Parfois, il y a manipulation des cours et des gens se font exploiter. Par exemple, un spéculateur apprend — alors que personne d’autre n’est au courant — que le PDG d’une entreprise a eu une crise cardiaque hier soir. Un tel événement fait habituellement baisser le cours d’une action. Le spéculateur vend ses actions avant que la nouvelle se répande pour éviter les pertes. Hélas, une personne qui n’était pas au courant a donc acheté les actions à un prix trop élevé.
Ou pire, une fraude importante est en cours. Une société aurifère canadienne annonce qu’elle a trouvé un grand gisement d’or dans le cadre de travaux de prospection minière en Indonésie. Des gens achètent frénétiquement des actions de la société. Le prix des actions monte en flèche. La découverte d’un gisement d’or est un véritable canular. Les fraudeurs ont saupoudré la mine de particules d’or pour faire croire qu’un grand gisement d’or avait été découvert. Lorsque la vérité éclate, le prix des actions chute à zéro. C’est une histoire vraie; les gens qui ont parié sur la société se sont fait avoir. De nombreuses personnes, surtout dans l’Ouest canadien, ont perdu des milliards de dollars.
La même chose est arrivée à mon grand-père, qui était plombier, joueur de hockey et croyant, à sa retraite. Contrairement, peut-être, à certains autres plombiers, il n’avait pas des milliards de dollars à parier, mais il a parié sur une société fictive et a perdu sa chemise ou, du moins, une partie de sa chemise.
Quelqu’un avait truqué le système d’achat et de vente d’actions de certaines sociétés et quelqu’un a perdu — injustement — de l’argent. Quelqu’un a pipé les dés, pour ainsi dire. Une option qui permettrait de protéger les gens contre de telles situations consisterait à rendre le commerce des actions illégal. Nous ne le faisons pas. Ce serait ridicule.
Ce que nous faisons, c’est renforcer la réglementation pour rendre ce commerce équitable. Nous optons pour la transparence. Nous établissons des règles concernant la divulgation rapide d’informations importantes. On informe le public que le PDG d’une entreprise a eu une crise cardiaque hier soir, alors il vaut peut-être mieux ne pas acheter d’actions de cette dernière aujourd’hui. Pour replacer cela dans un contexte de manifestation sportive, le quart-arrière des Roughriders de la Saskatchewan est tombé dans la douche hier soir, il s’est brisé le bras et il ne pourra pas participer au Banjo Bowl en fin de semaine, alors il est peut-être mieux de ne pas parier sur cette équipe.
Certains diront qu’on ne devrait pas parier sur cette équipe de toute façon.
Nous avons établi des exigences de divulgation pour les initiés afin d’empêcher certaines formes d’activités boursières sur la base d’informations privilégiées. Nous avons mis en place des mécanismes de surveillance pour permettre aux organismes publics de surveiller les marchés boursiers pour repérer les tendances inhabituelles dans les opérations et pour enquêter sur celles-ci afin de détecter les actes répréhensibles, d’enquêter sur ceux-ci et, au besoin, d’intenter des poursuites.
Tout cela a été fait dans le cadre juridique actuel du Canada, où le Code criminel fonctionne efficacement dans les cas d’inconduite criminelle et où les autorités de réglementation, qui relèvent presque toutes des provinces, font un excellent travail pour réglementer les marchés financiers. C’est ce que faisait de façon exemplaire notre collègue le sénateur Wetston dans son ancienne carrière.
Nous légalisons et nous réglementons. J’espère que vous voyez l’analogie avec les paris sportifs.
Ce serait une erreur, selon moi, d’abandonner le marché des paris sportifs ou d’en faire abstraction, surtout parce qu’il prospérera alors dans la clandestinité et de façon problématique. Il est vraiment préférable de décriminaliser ce marché et de le réglementer d’une manière qui nous permet de mieux encadrer les vulnérabilités qu’il crée déjà.
J’appuie le projet de loi parce que la voie proposée est la bonne, selon moi. Cela dit, j’ai aussi une autre motivation, qui se rattache aux possibilités de réussite des Autochtones. C’est ce qui m’amène à une histoire personnelle dont je n’ai encore jamais parlé en public.
Comme je l’ai déjà dit, j’ai été sous-procureur général de la Saskatchewan pendant cinq ans au milieu des années 1990. À l’époque, les gouvernements et d’autres intervenants commençaient à réfléchir aux jeux et aux casinos puisque, comme l’a mentionné le sénateur Wells, leur réglementation avait été confiée aux provinces lorsque le Code criminel a été modifié en 1985. Grâce à ces modifications, les provinces étaient autorisées à « mettre sur pied et exploiter » des jeux.
Alors que la Saskatchewan réfléchissait, sans se presser et à contrecœur, aux jeux et aux casinos, une Première Nation du Sud-Est de la province a pris les devants et a ouvert son propre casino. Ce geste était, disons, « incompatible » avec ce que disait le Code criminel. Le casino a été ouvert pendant un certain temps, puis la GRC est arrivée, l’a fermé et a placé sous l’autorité de la justice tout le matériel de jeu et l’argent qui se trouvaient dans le casino. Il y a eu une poursuite pénale. La Première Nation et ses dirigeants n’étaient pas contents. On pourrait parler longuement du côté juridique de l’affaire, qui comprend notamment un exemple de grande sagesse de la part de la Cour d’appel de la Saskatchewan, mais j’aimerais parler d’un volet personnel de cette histoire qui a un lien avec le projet de loi à l’étude, je crois.
Deux jours après que la GRC soit intervenue — je ne crois pas me tromper en disant qu’il s’agissait d’une descente, même si elle avait été exécutée avec le plus grand soin possible —, j’ai reçu un appel du commissaire adjoint de la GRC. Le titulaire de ces fonctions est le plus haut gradé au sein de la GRC dans chacune des provinces, en l’occurrence c’était Larry Proke, que certains d’entre vous connaissent. Il a eu une carrière exceptionnelle en tant que dirigeant dans les forces policières. Il m’avait informé que la GRC avait reçu des menaces crédibles qui mettaient en danger la vie de trois personnes dans la foulée de la fermeture du casino. J’étais l’une d’entre elles. M. Proke voulait poster une équipe devant mon domicile la nuit jusqu’à ce que la menace ait fait l’objet d’une enquête approfondie et soit écartée.
Quand l’agent de la GRC le plus haut gradé de la province vous appelle pour une telle menace, vous collaborez. Ma maison était surveillée la nuit, et j’allais reconduire mes enfants à l’école chaque matin jusqu’à ce que nous soyons hors de danger.
Je n’ai pas envie de m’étendre sur les émotions que j’ai ressenties durant cette épreuve, sauf pour dire que c’était un mélange de confusion, de colère et de peur. Cependant, pour moi personnellement, la suite est plus importante et elle est directement liée au sujet de notre débat d’aujourd’hui.
Petit à petit, j’ai commencé à me demander ce qui avait pu motiver des gens — des gens bien, honnêtes — à proférer ce genre de menaces. En fait, je pensais savoir qui était derrière les menaces. Petit à petit, j’ai commencé à comprendre. Je ne suis pas l’homme le plus perspicace du monde — ma famille le confirmerait — mais j’ai fini par comprendre, et, ce soir, je veux vous aider à comprendre vous aussi.
Imaginez que vous occupez un poste de dirigeant dans une communauté autochtone. Celle-ci se trouve sur un petit timbre-poste. L’histoire de votre communauté, c’est celle d’un peuple qui a été plus ou moins contraint de s’installer sur cette terre il y a un siècle. La terre n’est pas très fertile. Il n’y a pas d’économie à proprement parler. Il y a peu d’emplois. Vous estimez qu’Ottawa ne fournit pas assez d’argent pour les services de base, la santé, les services sociaux et l’éducation dont la communauté a désespérément besoin. Les jeunes partent et s’installent dans les villes, où ils sont marginalisés, se sentent marginalisés, sont méprisés, ont de mauvaises fréquentations et s’enlisent dans un cercle vicieux. Trop de vies finissent par mal tourner.
Vous êtes porté à maudire les ténèbres, mais cela ne changera pas grand-chose. Vous voulez faire une différence. Vous avez alors une idée. Vous avez vu comment les casinos autochtones près de Phoenix, Tuscaloosa ou Albuquerque ont apporté la prospérité aux bandes autochtones des États-Unis. La même chose pourrait peut-être arriver à votre nation à plus petite échelle.
Vos collègues et vous décidez de réunir toutes les ressources de la bande que vous pouvez trouver. Pour ce genre de projet, vous ne pouvez pas simplement demander un prêt hypothécaire à la Banque de Nouvelle-Écosse. Vous achetez des machines à sous et des tables de jeu d’occasion, et vous demandez à des spécialistes du domaine des jeux de hasard de vous aider à vous organiser. Vous engagez et vous formez des jeunes de votre communauté, et vous ouvrez un casino. À votre étonnement, des gens viennent. Ils jouent. Dans la plupart des cas, ils perdent un peu d’argent, mais c’est comme cela que les casinos fonctionnent. L’argent commence à s’accumuler, et vous pouvez ainsi payer les salaires de vos jeunes employés et réinvestir de l’argent dans votre communauté.
Au lieu de maudire les ténèbres, vous avez allumé une chandelle. Cependant, juste au moment où l’espoir et la prospérité arrivent dans la communauté, le gouvernement se pointe et vous oblige à tout arrêter. Qui ne serait pas fâché dans une telle situation?
Il a fallu que j’aille au-delà de mes propres expériences et de mes fonctions de juriste haut placé au gouvernement pour voir ce genre de situation. Je n’ai pas tout vu d’un seul coup.
Heureusement, l’histoire s’est bien terminée. À la suite d’une sage décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’affaire criminelle, nous avons renoncé aux poursuites pénales et nous nous sommes assis à la table de négociation. Je ne suis pas tellement en faveur du jeu, mais mes réflexions m’avaient amené à comprendre à la fois le besoin et l’intérêt pour les Premières Nations de prendre part à l’économie du jeu. Je suis devenu un tenant du jeu.
Nous avons conclu un accord-cadre que j’ai défendu. Sur la question délicate des compétences — je pense ici aux préoccupations légitimes de la sénatrice McCallum —, nous avons convenu de ne pas être du même avis. J’ai proposé que, dans l’accord-cadre, la Fédération des nations autochtones souveraines rédigerait un « considérant » affirmant que le jeu est un droit inhérent. J’ai rédigé un « considérant » affirmant que l’autorité de la province de mettre sur pied et d’exploiter une loterie était conforme au Code criminel. Nous nous sommes ensuite employés à créer un cadre professionnel faisant consensus pour le jeu dans la province.
Pour ce qui est des revenus, il a été entendu que les Premières Nations en obtiendraient la moitié et la province, l’autre moitié. Par souci d’équité, les profits feraient l’objet d’une péréquation. En vertu de la loi provinciale, la Saskatchewan Indian Gaming Authority, un organisme à but non lucratif dont le sénateur Wells a parlé, a été fondée. Il était prévu qu’elle dirigerait les casinos conformément au cadre dont on avait mutuellement convenu.
Les profits de la Saskatchewan Indian Gaming Authority seraient partagés entre les 74 Premières Nations de la province. Qu’il s’agisse de la nation Dakota de Whitecap, où se trouvait le casino de Saskatoon — un établissement très rentable, où ma sœur perd régulièrement de l’argent —, de la nation des Cris de Cumberland House ou de la nation de Cote, située loin du marché des casinos, cet arrangement a permis de créer des milliers de bons emplois pour les Autochtones de la Saskatchewan, en plus de débouchés pour les entreprises autochtones et des dizaines de millions de dollars qui affluent vers ces 74 Premières Nations, qui peuvent alors embaucher du personnel supplémentaire, comme des enseignants, des infirmières, des travailleurs sociaux et des aide-enseignants, selon les besoins de chaque nation.
Cela n’a pas résolu les nombreux problèmes auxquels les communautés des Premières Nations sont confrontées, mais c’était un pas sur la voie de la réconciliation, avant même que ce mot ne devienne en vogue.
Revenons maintenant au temps présent. Le projet de loi que nous étudions permettra aux Premières Nations, grâce à leurs réseaux de jeux, de participer de modeste façon à un marché légal et réglementé de paris sportifs. En Saskatchewan, il générera une cinquantaine de bons emplois. Il générera de 10 à 20 millions de dollars supplémentaires par an qui iront dans les poches des Premières Nations de la Saskatchewan de la manière que j’ai expliqué. Il a l’appui de la Saskatchewan Indian Gaming Authority, l’autorité en matière de jeux, et de 74 Premières Nations de la Saskatchewan. Il ne résoudra pas les problèmes auxquels sont confrontées les Premières Nations, mais il aidera un peu.
On peut voir un lien avec les discussions que nous avons eues ces derniers jours sur le projet de loi C-15 en ce qui concerne la réconciliation avec les peuples autochtones. La réconciliation ne sera pas toujours facile, et elle ne se fera pas du jour au lendemain. Elle arrivera sous la forme d’un millier d’accommodements, dont beaucoup seront modestes. Celui-ci en est peut-être un. Mais ces mille accommodements pris ensemble, dont celui-ci fait partie, tisseront l’étoffe de la réconciliation avec les peuples autochtones.
Même si j’avais des réserves sur le bien-fondé de ce projet de loi, ce qui n’est pas le cas, il me serait difficile — et j’espère qu’il en serait de même pour vous — de m’y opposer et d’empêcher les fils de la réconciliation de se nouer. J’espère que vous appuierez ce projet de loi.
Permettez-moi de terminer en disant ceci : si ce projet de loi devient loi, j’ai bien l’intention, lors du prochain Banjo Bowl, de m’essayer pour la première fois aux paris sportifs et de placer un pari de 20 $ sur mes bien-aimés Roughriders de la Saskatchewan, même si le quart-arrière se casse le bras la veille du match, même si certains d’entre vous pensent qu’un tel pari est peu judicieux. Peut-être le sénateur Plett pariera-t-il sur les Blue Bombers et nous comparerons nos notes après le match.
Merci, hiy hiy.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Cotter?
Oui, bien sûr.
Sénateur Cotter, vous avez dit de faire confiance aux provinces. En tant que représentante des Premières Nations qui travaille avec les peuples autochtones de partout au pays, je peux vous dire qu’il y a un problème : les relations entre les provinces et les Autochtones ne sont pas bonnes. Je pense notamment au projet de loi C-92. Nous avons eu des conversations avec des gens de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba qui ne peuvent pas lancer les négociations parce que la province ne veut pas participer. C’est un point qu’il faut régler parce que nous avons adopté le projet de loi.
Que se passe-t-il si la province ne veut pas négocier? Ces milliers de fils d’entente ne se sont pas concrétisés, et nous les attendons toujours. Il est impossible de légaliser ou de réglementer des domaines s’ils relèvent des provinces. Comment croyez-vous que nous devrions procéder, si nous continuons d’adopter des lois qui placent les peuples autochtones dans un vide entre les différentes compétences? C’est une question que nous n’avons pas réglée au Sénat, et nous continuons d’adopter des lois qui poussent les gens dans ce vide. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Il est plus facile pour moi de parler de la Saskatchewan. À mon avis, le modèle que j’ai décrit est un partenariat constructif parmi les Premières Nations et entre les Premières Nations et la province. Je dois dire que ce modèle a été adapté et adopté par d’autres régions du pays.
Si l’on pense aux Premières Nations qui n’auraient pas de partenariat avec la province, le projet de loi n’aura aucun effet pour elles. Il ne compromet pas leur capacité de continuer leurs activités. Ce sont là des choix qu’elles pourront continuer à faire. Je comprends votre raisonnement et je ne suis pas insensible à l’argument sur les compétences. Je pense que nous avons peaufiné l’approche en Saskatchewan. Il me semble que le Code criminel n’est pas le bon endroit pour bâtir notre cadre des compétences qui va bien au-delà, comme il le devrait, de la question du jeu et, en particulier, des paris sur une seule épreuve sportive.
L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Oui, certainement.
J’aimerais d’abord remercier les étudiants que vous avez chargés de faire de la recherche, car j’estime pertinent d’examiner les 19 États américains qui fonctionnent comme le Canada en ce sens qu’ils ont une seule loi qui gère les partis sportifs.
J’ai notamment trouvé intéressantes leurs observations sur l’interdiction de parier, par exemple, sur les sports universitaires. La question suivante a été soulevée en 2013 et demeure toujours pertinente : qui inclura-t-on dans ce régime de paris sportifs? Aucun amendement n’a été proposé ni observation formulée concernant l’interdiction, par exemple, de parier sur un match de hockey de calibre Junior C. Pourquoi n’a-t-on pas examiné la possibilité d’exiger le consentement de l’entité sportive avant de l’inscrire dans le régime ou d’exclure un certain groupe d’âge?
Merci, sénateur White. Je pense que vos questions sont bonnes, mais elles devraient s’adresser aux autorités de réglementation provinciales parce que les États américains, comme le Kansas ou l’Oklahoma, fonctionnent plutôt comme des provinces. J’ai cru comprendre que les provinces ont élaboré un cadre de réglementation des paris sportifs et qu’il est prêt à être mis en œuvre. Rien ne sera fonctionnel tant qu’il ne sera pas mis en place. Chaque province fera ses propres choix.
J’ai fait allusion à Tommy Douglas dans mon intervention, sans citer son nom, notamment parce que j’estime qu’il est inapproprié de croire que les autorités de réglementation provinciales ne feront pas un bon travail dans ce dossier. Outre le fait que les provinces sont capables de bien faire ce travail — et elles font bien ce type de travail de réglementation dans de nombreux domaines de notre vie —, elles ont grand intérêt à maintenir l’intégrité du régime de paris et à assurer son succès parce que son échec éroderait toute l’entreprise. Je n’aime pas vraiment dire qu’elles ont des intérêts personnels en jeu. Disons donc qu’elles tiennent énormément à assurer l’intégrité du régime, et je crois qu’elles feront le type de choix que vous et moi espérons pour protéger les sports les plus vulnérables.
Si je peux me permettre, sénateur Cotter, je le comprends, mais que ce soit l’Oklahoma, le New Jersey ou l’État de New York, ils ont tous eus à produire des lois, comme nous le faisons présentement. Ce n’est pas le gouvernement fédéral qui l’a fait à leur place. C’est exactement la même situation au Canada. Ils ont pris des décisions au moyen du processus législatif, pas toujours du processus administratif, pour exclure la troisième division de football de la NCAA, par exemple. Ne devrions-nous pas inclure cet amendement ici, plutôt que de renvoyer la balle aux provinces, qui prendront peut-être la mauvaise décision? Je ne dis pas que ce sera nécessairement le cas, mais je ne dis pas qu’elles prendront assurément la bonne décision non plus.
Je crois que c’est à elles de décider. Il y a eu ce que j’appellerais une entente massive conclue en 1985 pour la refonte de l’industrie des paris, des jeux et des loteries. Toutes les compétences sont transférées aux provinces en matière de mise sur pied et d’exploitation des jeux. On incite ensuite les provinces à mettre en place un régime réglementaire et on s’attend à ce qu’elles le fassent. Qu’elles choisissent la voie législative ou réglementaire pour le faire a peu d’importance, à mon avis. Vous pouvez préférer l’encadrement législatif de la Saskatchewan ou celui de la Colombie-Britannique, mais le résultat est le même.
En tout respect, je n’ai entendu personne dire que l’encadrement réglementaire qui existe présentement dans ces autres provinces ne fonctionne pas parce qu’il a été établi au moyen d’un processus réglementaire.
Sénateur Cotter, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui, certainement.
Merci, sénateur. J’ai beaucoup aimé votre discours. Lorsque vous en donnez un, il est toujours bien documenté et bien présenté.
Ma question demeure la même. Peu importe la réglementation qui est mise en place, le problème du jeu compulsif m’inquiète énormément. Vous n’en avez pas parlé dans votre discours. J’aimerais connaître votre opinion sur le sujet.
Je vous remercie de votre question, sénatrice. Le risque que quelqu’un devienne un joueur compulsif est présent dans toutes les catégories de jeux et de paris. Franchement, c’est la seule réserve que j’ai à ce sujet. Je n’ai aucune réserve sur la possibilité qu’une personne décide de risquer son argent et de le perdre, mais plutôt qu'elle se laisse trop emporter.
Cela se produit actuellement. J’ai oublié les chiffres exacts, mais le fait est qu’on pense que les Canadiens parient 13,5 milliards de dollars par année sur une seule épreuve sportive. Une partie de ces paris sont placés par des gens qui sont malheureusement devenus des joueurs compulsifs. Ils se sont trop laissés prendre au jeu. Ils ont une série de vulnérabilités et c’est ce qui m’inquiète.
L’un des problèmes, c’est que nous ignorons qui ils sont, car tous les paris se déroulent dans un monde obscur ou semi-obscur. Le projet de loi pourrait augmenter la quantité de paris qui se font — modérément, je pense —, mais il sortira de l’ombre une grande partie de ce monde et il permettra aux régimes du jeu responsable qui existent actuellement de s’engager auprès des personnes à risque. Je crois savoir que la stratégie consiste à essayer de prévenir le phénomène ou du moins, à le reconnaître et à le traiter, si je puis dire. Les organisations de jeu responsable comme celle à laquelle le sénateur Wells a fait référence ont effectué non seulement d’excellentes recherches, mais aussi des recherches de haut niveau pour savoir comment procéder, y compris quelles agences de jeu responsables consulter et avec lesquelles s’associer.
Vous savez, le marché illégal n’est pas particulièrement responsable. Ceux qui y font des affaires n’ont pas vraiment intérêt à s’occuper des joueurs vulnérables et dépendants potentiels. Ils n’ont pas leur propre programme de jeu responsable. En ce moment, dans le cadre juridique du jeu, les établissements de jeux et les organismes de réglementation investissent 125 millions de dollars par an dans le jeu responsable. Les statistiques suggèrent que le niveau de dépendance au jeu est en baisse. Ce n’est pas encore une réponse complète, mais il y aura plus d’investissements à la suite de la mise au jour du monde du jeu et des profits générés qui pourront être utilisés par les autorités qui régissent le jeu. D’après ce que j’ai compris des témoignages que nous avons entendus, ces autorités sont déterminées à le faire.
Il ne s’agit donc pas d’une réponse parfaite, mais, à mon avis, la lutte contre la dépendance au jeu sera plus efficace grâce à un cadre juridique et réglementaire.
Vous avez parlé de sortir cette activité de l’ombre, et je pense que c’est un point de vue que je n’avais pas entendu de la part des témoins. Merci de ces observations, sénateur.
Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une autre question?
Oui.
Sénateur Cotter, j’aimerais revenir à ce que vous avez exposé de l’entente qui a été conclue avec la Fédération des nations autochtones souveraines (FSIN). J’aimerais savoir si cette entente est postérieure ou antérieure à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Pamajewon, qui a été rendue en 1996.
Vous vous rappellerez que, dans cette cause, la question du droit ancestral de tenir des maisons de jeu pour une Première Nation avait été entendue par la Cour suprême. Je sais que le procureur général de la Saskatchewan — vous avez parlé du moment où vous travailliez au bureau du procureur général, au milieu des années 1990 — était l’un des intervenants, avec d’autres procureurs généraux provinciaux. Cette entente a-t-elle suivi ou précédé la décision de la Cour suprême?
Comme c’est souvent le cas en Saskatchewan, nous sommes souvent des pionniers et des visionnaires dans ce genre de dossiers. Cette entente a été conclue avant le litige mentionné par la sénatrice Dupuis, et je pense avoir dit qu’il s’agissait d’une solution pratique qui permettait d’éviter qu’un différend en matière de compétence nous prive d’une occasion à saisir pour la province, mais aussi pour les Premières Nations.
Si je comprends bien, à cette époque-là, la démarche de la Saskatchewan était d’autoriser, en vertu du droit ancestral ou des droits issus de traités, les Premières Nations à gérer les maisons de jeu, ce qui laissait la question entièrement en suspens. Rien n’empêche qu’un tribunal en vienne un jour à la conclusion que ce droit existe, si la preuve en est faite, et qu’il écarterait le projet de loi que nous étudions en ce moment.
Je pense que c’est exact. Le projet de loi ne contient aucune précision à cet égard. En ce qui concerne plus précisément la Saskatchewan, des accusations ont été portées lors de la descente dans le casino dont j’ai parlé. Tout le monde a été condamné. Des Premières Nations étaient impliquées, y compris des Américains qui contribuaient à la gestion du casino. Un certain nombre de ces condamnations ont été maintenues par la Cour d’appel, mais les Premières Nations et la communauté ont soutenu que le jeu faisait partie de leurs droits issus de traités. La Cour d’appel a jugé que la preuve était insuffisante, et elle a ordonné la tenue d’un nouveau procès. À ce moment-là, après des encouragements de ma part, le gouvernement et les procureurs ont décidé de ne pas porter des accusations, et ils ont plutôt choisi de négocier le cadre dont j’ai parlé.
C’est donc dire que la question des droits issus de traités n’a pas été tranchée par les tribunaux. Elle a en quelque sorte été mise de côté afin que nous puissions mettre en œuvre une entente qui puisse répondre aux attentes de tout le monde.
Sénateur Cotter, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui, certainement.
Hier et dans votre discours à l’étape de la deuxième lecture, vous nous avez donné des exemples simplistes de gens ordinaires qui prennent de petits paris sur des matchs sportifs. Si c’est ce dont nous parlons, je n’aurais aucune inquiétude à propos du projet de loi. Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que je crois que le projet de loi prépare le terrain à une grande quantité de paris sportifs en plein milieu des matchs, où une entreprise comme Rogers, par exemple, propose de lancer une plateforme. Imaginez que l’on puisse parier non seulement sur l’issue d’un match, mais aussi sur l’issue de chaque jeu, et que l’on peut parier en temps réel extrêmement rapidement sur des plateformes numériques. Ainsi, il pourrait y avoir des milliers de microparis à chaque match. À mon avis, le risque de dépendance est beaucoup plus grand et il s’apparente davantage à celui lié aux terminaux de loterie vidéo qu’aux paris sportifs conventionnels.
En répondant à la sénatrice Moncion, vous vous êtes montré très optimiste par rapport à la dépendance. Je me demande donc si vous avez réfléchi au fait qu’on ne parle pas de personnes qui prennent des paris amicaux sur les Roughriders ou les Elks, mais plutôt du genre de paris instantanés que l’on prend très rapidement sur des plateformes numériques, où l’argent circule à une vitesse folle et où les gens parient et regardent les résultats sur leur téléphone. Ce serait instantané. Les gens auraient une poussée d’adrénaline instantanée, ce qui fait partie du cycle de la dépendance.
Je me demande si vous avez tenu compte de la façon dont les nouvelles technologies en ligne transforment en arme ce type de paris.
Je vous remercie. J’avais une bonne compréhension de certaines de ces questions de paris dans les années 1990. J’ai siégé au conseil d’administration des sociétés d’encadrement des jeux. Une des choses qui j’y ai apprise, et que le sénateur Black m’a rappelée avec sa question sur les courses de chevaux, c’est qu’il faut du temps pour connaître le résultat d’une course de chevaux. C’est l’un des grands défis de ce type d’événements. Il faut attendre que la course soit terminée. On passe la soirée à la piste de course, mais combien y a-t-il de courses dans une soirée? Il n’y en a pas beaucoup. Dans le cas des jeux, le caractère instantané des résultats suscite l’enthousiasme des participants, mais leur patience s’étiole lorsqu’ils doivent attendre.
Je reconnais donc la légitimité de la prémisse de votre question, madame la sénatrice, mais on pourrait maintenant en dire autant de presque tout, de nos jours. Vous avez donné l’exemple des appareils de loterie vidéo, qui me semblent incroyablement redoutables pour créer la dépendance. Bien franchement, ce sera peut-être aussi le cas. Je vais vous parler de deux personnes que je connais, qui pratiquent la spéculation sur séance.
Sénateur Cotter, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
La permission n’est pas accordée. Nous reprenons le débat avec le sénateur White.
Honorables sénateurs, je prends la parole à propos du projet de loi C-218, qui modifiera les paris sportifs au Canada, afin de permettre aux parieurs de faire des paris sur des événements individuels, ou même sur des parties d’un événement, plutôt que sur des événements multiples, comme la loi du Canada le permet à l’heure actuelle. Il y a plusieurs choses dont je voudrais parler dans ce projet de loi, mais je vais m’arrêter à un point et c’est celui sur les paris sportifs et les inévitables matchs truqués lorsque nous passerons aux paris sur un seul événement.
Comme l’indique le projet de loi et comme l’ont dit le parrain, le porte-parole et les autres députés, le fait d’autoriser les paris sur un seul événement nécessitera une modification du Code criminel. En introduisant les paris sur un seul événement au Canada, nous ouvrons la porte aux matchs truqués. C’est comme cela dans tous les autres pays, alors pourquoi en serait-il autrement chez nous? Ce projet de loi entraînera une multiplication des paris sportifs, non seulement sur les matchs dans des sports de premier plan comme le hockey, le football et d’autres au niveau de la LNH et de la NBA notamment, mais aussi dans toutes les ligues et tous les matchs pour lesquels la province donnera son feu vert.
Dans d’autres pays — européens, asiatiques ainsi qu’en Australie — il y a des paris sur des événements uniques dans des ligues de soccer junior, des tournois de badminton, des matchs amicaux de cricket et des événements sportifs électroniques. Il n’y a pas que les événements. On pourrait parier sur le fait qu’un joueur particulier va marquer dans le prochain match, obtenir un penalty ou prendre part à une échauffourée. Tout est possible. Si la province le veut, et que le parieur est prêt à le faire, on peut parier là-dessus. Et si une ligue disait : « Non merci, pas nous. » Eh bien, tant pis, parce que les athlètes, en tant que membres de la ligue, n’ont pas leur mot à dire. Ce n’est pas d’eux qu’on parle, mais de paris. Il se passera ce qui s’est passé au Royaume-Uni et en Australie : les paris toucheront les sports moins réputés.
Le projet de loi ouvrirait les paris sur un événement unique aux fins que la province définira et, comme je l’ai dit, nous savons déjà jusqu’où sont allés les problèmes de dépendance. Les sports amateurs s’ouvriront certainement à ces paris. On ne parle pas de sports. On parle de paris et d’argent.
Qu’en est-il des épreuves arrangées? Dans des pays où les paris sur une seule épreuve sont autorisés par la loi — par exemple en Europe, en Australie et en Asie —, il y a eu de nombreux cas graves d’épreuves arrangées au cricket et au soccer, pour ne nommer que ces sports.
Declan Hill, un journaliste et auteur canadien, a écrit une thèse de doctorat et un livre, intitulé The Fix , sur les problèmes des épreuves arrangées et les risques éventuels pour le Canada. Je dois préciser que M. Hill est l’une des plus grandes sommités mondiales sur les épreuves arrangées. Il est invité à faire des présentations lors de conférences et dans les universités partout dans le monde pour éduquer la population sur cette activité problématique. En décembre, il a publié un article dans le Globe and Mail pour dire que si le Canada autorisait la tenue de paris sur une seule épreuve, il devra rendre illégales les épreuves arrangées. Elles ne le sont pas à l’heure actuelle.
Declan Hill n’a pas comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, même si son nom avait été proposé. Il n’a pas été invité à comparaître devant la Chambre pour la même raison. Il aurait pu transmettre sa sagesse au comité pour l’aider à prendre des décisions éclairées. Il affirme catégoriquement que les épreuves arrangées sont la plus grande menace qui pèse sur l’intégrité du sport au Canada. Comme il le souligne, dans la réalité, le problème, ce ne sont pas les parties importantes où l’on s’attend à ce que l’équipe 1 subisse la défaite contre l’équipe 2, qui est meilleure, mais où l’équipe 1 remporterait la partie. Selon lui, l’issue des parties arrangées demeure la même, mais c’est l’écart des points qui diffère. Par exemple, l’équipe la plus faible perdra par deux buts au lieu de quatre. Le public qui s’attendait à une défaite n’est pas déçu. Les preneurs de paris qui prévoyaient une défaite ne sont pas surpris. Cependant, la défaite s’inscrit en dehors de l’écart de points prévu et le fait que la partie a été truquée entraîne des gains ou des pertes de millions de dollars. M. Hill souligne également que cela risque davantage de se produire dans les ligues mineures, où il y a moins de publicité et moins de surveillance, que dans les ligues majeures.
Paul Melia, président et chef de la direction du Centre canadien pour l’éthique dans le sport, affirme que la légalisation de la prise de paris clandestins :
[…] comporte aussi des risques associés à la sécurité de nos athlètes et à l’intégrité du sport au Canada, du fait de la menace que représente la manipulation des matchs.
Il poursuit en disant :
La manipulation des matchs est liée au crime organisé. Elle profite des athlètes vulnérables, des officiels, des entraîneurs et d’autres membres du personnel de soutien pour déterminer l’issue d’une épreuve sportive [...]
M. Melia a dit que, selon une analyse confidentielle réalisée, les sports jugés à haut risque comprennent :
[...] le badminton, les sports de combat, le cricket, les sports électroniques, la Ligue canadienne de football, certaines ligues de la Ligue canadienne de hockey, la Ligue de hockey de l’Ontario, la Ligue de hockey de l’Ouest, le soccer et le tennis.
Il a ajouté : « Une fois le projet de loi adopté, le risque pour ces sports pourrait augmenter encore. » Selon M. Melia, la manipulation ne vise pas nécessairement le résultat final d’un match arrangé, mais plutôt des anomalies à savoir si, par exemple, au tennis, tel joueur commettra une double faute dans le deuxième jeu de la deuxième manche.
En 2019, lors d’un symposium sur le jeu et la manipulation des matchs sportifs tenu à Toronto, Richard McLaren, auteur d’un rapport publié en 2016 sur le dopage parrainé par l’État en Russie, et David Howman, ancien directeur général de l’Agence mondiale antidopage, ont brossé un tableau alarmant des matchs truqués. M. McLaren, professeur de droit canadien et PDG de McLaren Global Sport Solutions, a dit que le dopage et les matchs truqués sont deux des principaux problèmes portant atteinte à l’intégrité dans le domaine des sports. Pourtant, la manipulation des résultats constitue un plus gros problème. Il a dit :
Ce qui différencie le sport du divertissement est l’imprévisibilité. Arranger les résultats en retire la plus importante caractéristique : l’imprévisibilité. [...] Si le sport perd son caractère imprévisible en raison des résultats arrangés, la passion qu’il suscite s’en trouve diminuée, ce qui pose un problème beaucoup plus important.
Il a affirmé que le problème des épreuves arrangées s’était étendu à un certain nombre de sports au cours des dernières années.
Revenons au Canada. En 2012, CBC a fait un reportage sur les matchs truqués dans la Ligue canadienne de soccer. Le reportage arrivait à la conclusion que jusqu’à 42 % des matchs étaient truqués ou que leur résultat avait été manipulé. Certes, cette conclusion a entaché la réputation de la ligue et des mesures ont été prises par les autorités sportives, mais pas par les tribunaux, les procureurs ou les forces de l’ordre. Pourquoi? Ils soutenaient qu’il était difficile d’agir contre les matchs truqués au Canada, parce que le Code criminel ne contient pas de disposition à ce sujet.
Une des préoccupations qui m’habitent au sujet de ce projet de loi est qu’il semble être plus important de l’adopter que de s’assurer qu’il soit bien conçu. Cela était évident au Comité des banques lorsque la sénatrice Wallin a posé une question à Paul Burns, président et chef de la direction de la Canadian Gaming Association, au sujet des matchs truqués. Dans sa réponse, il a donné des arguments à ceux qui s’opposent à l’amendement que je vais proposer lorsqu’il a dit : « Nous croyons fermement qu’il existe déjà des dispositions dans le Code criminel [...] » Il a ajouté que le Code criminel comprend des dispositions sur la « tricherie », l’article 209, qui prévoient ceci :
Quiconque, avec l’intention de frauder quelqu’un, triche en pratiquant un jeu, ou en tenant des enjeux ou en pariant est coupable […] d’un acte criminel […]
Quand j’ai discuté avec nos avocats, ils m’ont dit clairement que cette disposition fait référence au fait de tricher à un jeu de hasard — comme les cartes ou le bingo — et non de tricher à un sport. Voici toutefois l’élément crucial et fascinant qui me fait dire que les gens qui ne demandent pas d’amendement cherchent simplement à accélérer l’adoption du projet de loi et non à s’assurer qu’il s’agit d’une mesure bien ficelée.
Rick Westhead, correspondant principal à TSN, a mené une enquête sur le scandale de la Ligue canadienne de soccer que j’ai mentionné plus tôt, alors que 42 % des matchs avaient été manipulés. Il a demandé à M. Paul Burns, de la Canadian Gaming Association, ce qu’il pensait du fait qu’aucune accusation n’avait été portée au criminel pour le scandale de la Ligue canadienne de soccer. M. Burns, celui-là même qui a dit au Comité des banques et du commerce qu’il existait des mesures législatives à propos des matchs truqués, avait des idées très différentes pendant son entrevue. Quand on lui a posé une question à propos d’accusations dans le contexte de la Ligue canadienne de soccer, il a dit ceci :
C’est difficile au Canada parce que nous n’avons pas de loi qui porte spécifiquement sur les matchs truqués, comme c’est le cas au Royaume-Uni et en Australie.
Le parrain du projet de loi à l’autre endroit a dit que ce même Paul Burns les avait beaucoup aidés à préparer le projet de loi. Je n’avancerais pas que les gestes de M. Burns vont à l’encontre de ce que la Canadian Gaming Association attend de lui. Cela dit, il n’agit sûrement pas pour le bien du sport, de l’éthique sportive ou des Canadiens, dont nous-mêmes.
Il travaille pour « [...] une association nationale qui représente des exploitants et des fournisseurs importants de l’industrie canadienne du jeu, des paris sportifs, des sports électroniques et des loteries ».
Lorsque les promoteurs du projet de loi affirment que le Code criminel du Canada couvre la question, ce n’est tout simplement pas vrai. Si vous ne me croyez pas ou si vous ne croyez pas le plus grand expert des épreuves arrangées, Declan Hill, ou les enquêteurs de l’affaire touchant la Ligue canadienne de soccer — on parle de dizaines d’accusations criminelles possibles —, vous croirez peut-être le témoin vedette du Comité des banques et du comité de la Chambre, Paul Burns, président et chef de la direction de la Canadian Gaming Association. Il a dit qu’il n’y avait aucune loi contre cette pratique comme celle qu’il y a au Royaume-Uni.
En effet, au Royaume-Uni, le gouvernement était d’avis que sa loi était insuffisante pour combattre les épreuves arrangées. Il a donc adopté la Gambling Act qui inclut une nouvelle infraction sur la tricherie. Le texte de loi a été rédigé de façon à cibler les différentes infractions liées aux épreuves arrangées et à fournir un effet dissuasif suffisant. Tous les États australiens ont adopté une loi semblable lorsqu’ils ont approuvé les paris sur une seule épreuve sportive. À mon avis, nous devons faire de même aujourd’hui. En fait, après avoir entendu le parrain parler de la difficulté de trouver les éléments d’une infraction, je dirais même qu’une disposition sur les épreuves arrangées apporterait plus de clarté sur les éléments requis, au lieu de parler de fraude.
Je rappelle que certains font valoir que l’article 209 du Code criminel interdit déjà de « tricher au jeu », ce qui serait suffisant. Des discussions avec l’ancien avocat qui a géré cette mesure législative à la Chambre et au Sénat en 2013 et avec des avocats au Sénat indiquent clairement que cette disposition ne vise pas les sports, mais plutôt le jeu et les paris. À propos des délais, une question qui est soulevée régulièrement, le Sénat tente de bien faire les choses. Pour que ce projet de loi soit satisfaisant, il doit aussi rendre illégales les épreuves arrangées.
En ce qui concerne le moment choisi, je dois dire que des membres du comité ont reçu mon amendement avant leur première rencontre et qu’ils n’ont convoqué aucun témoin sur les épreuves arrangées, y compris Declan Hill, qui vit à Ottawa. Ils auraient pu régler cette question eux-mêmes, au comité, mais ils ont choisi de ne rien faire. Je vous demande d’appuyer un amendement qui corrigera cette erreur. Je vous demande d’appuyer cet amendement. Renvoyons le projet de loi amendé à l’autre endroit.