Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2022
Deuxième lecture--Débat
14 juin 2022
Propose que le projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures. En tant que marraine de ce projet de loi au Sénat, je suis heureuse de présenter les mesures proposées par le gouvernement.
Ce projet de loi permet au gouvernement d’aller de l’avant avec certaines mesures du budget de 2022. Comme vous le verrez dans mon discours, les investissements décrits dans le récent budget du gouvernement — et par l’entremise du projet de loi C-19 — sont axés sur certains des enjeux les plus pressants de l’économie canadienne, car nous sommes tous bien conscients de l’inflation élevée qui pèse lourdement sur l’esprit et sur le portefeuille des Canadiens.
En effet, ce projet de loi budgétaire contient plusieurs mesures visant à relever les défis contemporains auxquels la plupart des Canadiens sont confrontés. Parmi ces défis, mentionnons le logement abordable, les pénuries de main-d’œuvre et les iniquités de notre régime fiscal actuel.
Dans ce discours, j’expliquerai d’abord comment le gouvernement entend relever ces défis. Je présenterai ensuite les améliorations qui ont été apportées au projet de loi à l’autre endroit et, enfin, je parlerai des contributions du Sénat à ce projet de loi, notamment par le biais d’études et de projets de loi d’intérêt privé présentés par des sénateurs.
Le premier défi est de rendre le logement plus abordable.
Comme il s’agit de la principale préoccupation de nombreux Canadiens, je vais d’abord parler du train de mesures visant à endiguer la crise du logement au Canada et, plus précisément, à répondre au besoin de logements accessibles et abordables pour tous les Canadiens.
Tout le monde devrait avoir un endroit sûr et abordable où vivre. Or, d’après Statistique Canada, en 2018, plus de 1,6 million de Canadiens vivaient dans un logement inadéquat ou inabordable. C’est donc dire qu’une famille canadienne sur dix était mal logée et n’avait pas les moyens de trouver un autre logement dans sa région.
Les gens qui sont les plus touchés par la crise du logement sont les aînés qui vivent seuls et les Canadiens racisés.
Le gouvernement entend changer la donne en dotant le Canada des outils nécessaires pour doubler le nombre de logements construits au cours des 10 prochaines années. Certaines des mesures proposées dans le projet de loi C-19 appuient cet effort, y compris la levée des obstacles à la construction de plus de logements.
Il y a d’abord le versement de jusqu’à 750 millions de dollars aux municipalités pour faire face aux déficits dans le transport en commun causés par la pandémie et améliorer l’offre de logements et l’accès à des logements abordables.
Plus précisément, le projet de loi C-19 autorisera le ministre des Finances à effectuer des paiements sur le Trésor aux provinces et aux territoires. Les paiements seraient assujettis aux modalités et conditions que le ministre juge indiquées et, afin de maximiser le financement, ils seraient conditionnels au versement de fonds de contrepartie par les provinces et territoires.
Au Comité permanent des finances de l’autre endroit, la Fédération québécoise des municipalités a déclaré qu’il était important que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux coordonnent leurs investissements dans le logement. Pour que cela fonctionne, tous les ordres de gouvernement devront collaborer.
Il est important de noter que la Chambre des communes a adopté à l’unanimité un amendement exigeant qu’un rapport indiquant le montant versé aux provinces et aux territoires pour le transport en commun et le logement soit préparé dans un délai de trois mois, et que ce rapport soit déposé dans les 15 jours de séance du Parlement suivant l’achèvement du rapport. Cela permettrait d’améliorer la transparence et le mécanisme de reddition de comptes pour obtenir des résultats plus probants et visibles.
Les investissements annoncés dans le budget de 2022 afin de doubler le nombre de logements construits au Canada au cours des 10 prochaines années représentent un plan ambitieux qui nécessitera la collaboration et l’engagement de tous les ordres de gouvernement.
Au moyen du projet de loi C-19, le gouvernement fédéral se donne les moyens de ses ambitions afin d’augmenter de manière notable le nombre de logements abordables au Canada.
Le projet de loi C-19 vise également à rendre le marché du logement plus équitable en interdisant pendant deux ans aux investisseurs étrangers d’acheter des maisons au Canada. Depuis des années, des capitaux étrangers affluent au Canada pour l’achat de biens immobiliers résidentiels. Cette situation a alimenté les inquiétudes liées aux répercussions sur les coûts de l’immobilier dans des villes comme Vancouver et Toronto, et dans tout le pays.
Les contribuables canadiens à revenu moyen ne peuvent tout simplement pas soutenir la concurrence dans un marché où les capitaux étrangers circulent librement, ce qui entraîne une flambée des prix. La section 12 de la partie 5 du projet de loi interdirait à des non-Canadiens de faire l’acquisition d’immeubles résidentiels au Canada pendant deux ans, à compter du 1er janvier 2023. Cette mesure s’appliquerait aux sociétés et entités étrangères, et empêcherait toute personne non admissible de contourner l’interdiction en ayant recours à des sociétés privées.
Les étrangers qui résident au Canada et qui ont un permis de travail, les réfugiés et les gens qui fuient une crise sur la scène internationale et les étudiants étrangers en voie de devenir résidents permanents seraient exemptés de cette interdiction.
En interdisant l’achat d’immeubles résidentiels par des étrangers pendant deux ans, le gouvernement vise à s’assurer que les maisons au Canada servent à loger des familles canadiennes, et non à constituer des actifs financiers spéculatifs.
Outre ces mesures, le projet de loi C-19 vise à s’attaquer aux transactions spéculatives en rendant les cessions d’un contrat de vente relatives à des propriétés résidentielles nouvellement construites ou ayant fait l’objet de rénovations majeures taxables aux fins de la TPS et de la TVH. Cette modification éliminerait l’ambiguïté qui existe, dans les règles actuelles, quant à la façon de traiter la TPS ou la TVH dans le cas des cessions de contrats de vente.
Cela permettrait d’appliquer la TPS et la TVH au prix total payé pour une nouvelle habitation, ce qui comprend toute somme payée en raison de la cession d’un contrat de vente. Ainsi, le traitement fiscal des nouvelles habitations serait mieux harmonisé et le marché immobilier deviendrait plus équitable pour les Canadiens.
Pour ceux qui sont déjà propriétaires d’une maison, le projet de loi C-19 aidera les aînés et les personnes handicapées à vivre et à vieillir chez eux en doublant le plafond annuel du crédit d’impôt pour l’accessibilité des résidences à compter de l’année d’imposition 2022, le faisant passer de 10 000 $ à 20 000 $.
Le fait de doubler la limite annuelle du crédit contribuera à rendre plus abordables des modifications et des rénovations plus importantes, notamment l’achat et l’installation de rampes d’accès pour fauteuils roulants, de baignoires de plain-pied et de douches accessibles aux fauteuils roulants; l’élargissement des portes et des couloirs pour assurer le passage d’un fauteuil roulant ou d’une marchette; la construction d’une chambre ou d’une salle de bain pour permettre d’occuper un premier étage.
Cette mesure aidera notamment les Canadiens qui vivent dans un logement multigénérationnel. Même avant la pandémie, la tendance au logement multigénérationnel était à la hausse. Pendant la pandémie, cette tendance s’est encore accentuée, les grands-parents devant jouer un rôle plus important dans la vie de leurs petits-enfants pour aider les parents à mieux gérer leurs obligations professionnelles, la fermeture des écoles et des garderies et l’apprentissage à distance. Un logement multigénérationnel permet de s’occuper à la fois des membres les plus âgés et les plus jeunes d’une famille.
Durant la pandémie, nous avons également vu comment de jeunes adultes vivant avec un handicap ont dû se contenter d’un mode de vie très isolé et limité dans des maisons de soins de longue durée, et ce, même si d’autres options, qui auraient pu améliorer considérablement leur qualité de vie, étaient disponibles.
Le projet de loi C-19 vise aussi à aider à bâtir une main-d’œuvre solide et diversifiée.
Dans le cadre du projet de loi, le gouvernement vise également à renforcer la main-d’œuvre canadienne et à remédier aux pénuries de main-d’œuvre qui accablent l’économie depuis un certain temps, notamment en améliorant la capacité du gouvernement à sélectionner les candidats dans le système Entrée express qui répondent aux besoins des entreprises canadiennes dans le but de faciliter l’arrivée des immigrants qualifiés dont le Canada a besoin.
Entrée express a fait ses preuves en ce qui concerne la sélection d’immigrants qualifiés qui réussissent dans l’économie et la société canadiennes. Il s’agit d’une amélioration considérable par rapport au modèle « premier entré, premier sorti » qui était en place auparavant.
La section 23 de la partie 5 du projet de loi C-19 propose des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui s’appuieraient sur la souplesse actuelle d’Entrée express et soutiendraient la reprise économique et la croissance future du Canada en permettant au gouvernement de sélectionner facilement des candidats qui répondent à toute une gamme de besoins et de priorités économiques. Les partis de l’autre endroit ont travaillé ensemble pour améliorer cette section du projet de loi en exigeant un processus de consultation publique pendant l’établissement des catégories.
Le projet de loi C-19 propose d’introduire une modification à la Loi de l’impôt sur le revenu par l’intermédiaire d’une nouvelle déduction relative à la mobilité de la main-d’œuvre pour les gens de métier pour l’année d’imposition 2022 et les suivantes, afin d’aider à réduire les pénuries de main-d’œuvre dans les métiers spécialisés.
Dans l’industrie de la construction, à différents moments, certaines régions ont plus de possibilités d’emploi que d’autres. De nombreux travailleurs tirent avantage de ces possibilités et acceptent des emplois temporaires à différents endroits au pays lorsque des occasions se présentent.
Cette nouvelle mesure permettrait aux travailleurs admissibles de déduire les dépenses admissibles jusqu’à la moitié de leur revenu d’emploi provenant d’une réinstallation, pour un montant maximum de 4 000 $ par année.
Le projet de loi C-19 prévoit également l’introduction de 10 jours de congé de maladie payé pour les travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale, ce qui aidera un million de travailleurs dans des industries comme le transport aérien, ferroviaire, routier et maritime, les banques et les services postaux et de messagerie. La mise en œuvre est prévue au plus tard le 1er décembre 2022. Un amendement proposé donnerait au gouverneur en conseil la possibilité de retarder l’application de la disposition sur les congés de maladie payés aux petits employeurs, par exemple les entreprises comptant moins de 100 employés. En effet, les petits employeurs pourraient avoir besoin de plus de temps pour mettre en œuvre les changements nécessaires en matière de paie et d’organisation afin de se conformer aux nouvelles exigences.
Cependant, le gouvernement ne prévoit pas utiliser cette option, et les dispositions relatives aux congés de maladie payés devraient entrer en vigueur le 1er décembre 2022 pour tous les employeurs, petits et grands.
Pour relever les défis auxquels de nombreux Canadiens ont dû faire face en raison du report de procédures médicales pendant la pandémie, report qui a entraîné d’importants arriérés, le projet de loi C-19 prévoit un paiement ponctuel de 2 milliards de dollars par l’intermédiaire du Transfert canadien en matière de santé. Ce montant s’ajoute aux 4,5 milliards de dollars déjà versés aux provinces et aux territoires pour réduire les arriérés dans le système de soins de santé.
Ce montant, qui serait distribué aux provinces et aux territoires de façon proportionnelle selon le nombre d’habitants, aiderait à réduire davantage les arriérés associés aux nombreuses chirurgies et procédures dont les Canadiens ont besoin, mais qui ont dû être reportées en raison des répercussions de la COVID-19 sur le système de soins de santé du Canada.
Dans le cadre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, le Canada a accepté de modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de faire passer la durée générale de protection du droit d’auteur de 50 à 70 ans après la mort de l’auteur, d’ici la fin de l’année 2022. La durée de protection générale s’applique à un large éventail d’œuvres, notamment les livres, les films, les compositions musicales, les photographies et les programmes informatiques. La section 16 de la partie 5 permettra au Canada de respecter ses obligations avant l’échéance prévue, d’être sur un pied d’égalité avec ses partenaires commerciaux et de créer de nouvelles possibilités d’exportation pour l’industrie créative canadienne et le contenu canadien.
Environ 80 pays ont adopté une protection d’une durée générale de 70 ans ou plus après la mort de l’auteur, y compris certains des principaux partenaires commerciaux du Canada, comme les États-Unis, le Mexique, l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud. La prolongation de la durée de protection garantira aux titulaires de droits canadiens une protection de même durée dans chacun de ces pays.
Vient ensuite un système fiscal solide et juste. En édictant la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe, le projet de loi C-19 permettra de renforcer le système fiscal canadien. Ceux qui peuvent se permettre de s’acheter des voitures de luxe, des avions et des yachts peuvent aussi se permettre de payer un peu plus. Par l’entremise du projet de loi C-19, le gouvernement créera donc une taxe sur les véhicules de luxe et les avions neufs dont le prix de détail est supérieur à 100 000 $ et sur les bateaux valant plus de 250 000 $. De tels objets de luxe sont totalement hors de la portée de la majorité des Canadiens.
La loi comprend des éléments d’administration et d’application de la loi conformes à ce que l’on trouve dans d’autres lois fiscales. La taxe serait calculée selon le moins élevé des deux montants suivants : 10 % du prix total du véhicule de luxe, de l’avion ou du bateau, ou 20 % du prix total de l’article en cause qui dépasse le seuil de prix pertinent. Elle entrerait en vigueur le 1er septembre 2022. Il est important de noter que la demande pour ces yachts de millionnaires ou ces avions privés ne vient pas du Canada. En effet, plus de 80 % de la production canadienne est exportée et donc exemptée de cette taxe de luxe. Les fabricants ne devraient donc pas trop s’en ressentir. En ce qui concerne les véhicules de luxe, comme la plupart sont construits à l’étranger, la taxe ne devrait pas avoir une grande incidence sur les emplois au Canada.
Afin de donner suite aux préoccupations soulevées par certains intervenants à propos de l’impact potentiel de la taxe sur l’industrie aéronautique, l’autre endroit à adopté un amendement au projet de loi C-19 afin d’accorder plus de souplesse au gouvernement en ce qui a trait à l’entrée en vigueur des dispositions sur les aéronefs. Cette souplesse donnera la possibilité au gouvernement de mener de plus amples consultations et d’apporter les correctifs nécessaires au libellé actuel, s’il y a lieu.
Le gouvernement prévoit également d’accélérer la création d’un registre public consultable des sociétés constituées en vertu d’une loi fédérale avant la fin de 2023, soit deux ans plus tôt que ce qui était prévu au départ, afin de lutter contre les activités illégales, notamment le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Cette mesure permettrait de régler le problème des sociétés fictives canadiennes, qui servent à dissimuler la propriété réelle d’actifs, y compris des entreprises et des biens, et aiderait le Canada à renverser la tendance en privilégiant une approche fondée sur le risque en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
De façon plus urgente et pressante, le projet de loi C-19 permettrait également au gouvernement du Canada de confisquer et d’aliéner les biens détenus par les personnes et les entités sanctionnées, y compris les élites russes et ceux qui agissent en leur nom, et d’utiliser les recettes des biens confisqués pour aider la population ukrainienne. Cette mesure provient en fait du projet de loi S-217, la Loi sur la réaffectation des biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre, de la sénatrice Omidvar. Je salue le travail et la résilience de la sénatrice Omidvar en ce qui a trait à l’avancement de ce dossier important, qui prend tout son sens dans le contexte de la situation internationale actuelle, en raison de la guerre qui sévit en Ukraine.
Ceci me permet de faire le pont avec le prochain sujet de mon discours, c’est-à-dire la reconnaissance des travaux du Sénat et des sénateurs pour ce qui est de l’étude d’un projet de loi volumineux et complexe.
J’aimerais avant tout souligner le travail important des six comités qui ont déjà terminé l’étude préalable de certaines sections de la partie 5 du projet de loi C-19. Il s’agit des comités suivants : le Comité des peuples autochtones, le Comité des banques et du commerce, le Comité des affaires étrangères et du commerce international, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le Comité de la sécurité nationale et de la défense, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Le Comité des finances nationales s’occupe d’étudier l’intégralité du projet de loi et poursuit son travail, qui est déjà bien entamé. J’aimerais remercier les membres de ces comités et leurs présidents de leur excellent travail, qui est crucial à l’exercice d’un second examen objectif digne de la Chambre haute.
Les améliorations apportées au projet de loi : pendant que le Sénat procédait à l’étude préalable du projet de loi, l’autre endroit — en prenant appui sur les travaux de son Comité permanent des finances nationales — a adopté une série d’amendements qui ont profondément amélioré cette mesure législative. Ces amendements ont été adoptés avec l’appui du gouvernement et des partis de l’opposition. Je vous en ai déjà donné quelques exemples au début de mon discours. Je vais en mentionner quelques autres.
La partie 1 du projet de loi C-19 élargit les critères d’admissibilité par rapport à la déficience des fonctions mentales ainsi qu’à la catégorie des règles relatives aux soins thérapeutiques essentiels du Crédit d’impôt pour personnes handicapées. En vertu d’un amendement adopté à l’unanimité, les personnes atteintes de diabète de type 1 sont automatiquement admissibles au Crédit d’impôt pour personnes handicapées. C’est une grosse amélioration du projet de loi, et je suis très reconnaissante que tous les partis de l’autre endroit lui aient donné leur appui.
Sénatrice Moncion, je regrette d’être obligé de vous interrompre. Vous pourrez utiliser le temps qu’il vous reste lorsque le débat recommencera.