Aller au contenu

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Motion d'amendement--Report du vote

23 novembre 2023


L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Chers collègues, je remercie la sénatrice Moncion de son amendement, qui me permet de faire ressortir une des nombreuses défaillances du projet de loi C-234. J’aurai l’occasion dans un prochain discours, en tant que porte‑parole du projet de loi, de vous exposer les autres défaillances et faussetés.

D’abord, permettez-moi de vous parler du parcours du projet C-234 à ce jour. La deuxième lecture a commencé le 9 mai dernier par le discours du sénateur Wells. Cette étape s’est terminée par mon discours à titre de porte-parole le 13 juin 2023. Bref, à peine 12 jours de séance pour un projet de loi des conservateurs de l’autre endroit, adopté malgré l’opposition du gouvernement et modifiant son principal outil en faveur de la lutte contre les gaz à effet de serre, d’une tarification progressive des émissions de carbone et, accessoirement, des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Je vous invite à comparer ce processus avec la deuxième lecture du projet de loi C-226, concernant le racisme environnemental, où le porte-parole, le sénateur Plett, n’a pris la parole que six mois après la sénatrice McCallum, ou encore avec le projet de loi C-282 sur la protection de la gestion de l’offre, un projet de loi endossé par tous les chefs de partis aux Communes, où ce même porte‑parole n’a toujours pas pris la parole, deux mois après le discours de la sénatrice Gerba.

Ce qui a permis cette exceptionnelle rapidité, c’est une entente entre les groupes pour renvoyer le projet de loi à deux comités.

La motion adoptée se lit comme suit :

[...] si le projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est adopté à l’étape de la deuxième lecture :

1. il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts;

2. le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi;

3. le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à prendre en considération, au cours de son étude du projet de loi, tout document public et tout témoignage public reçus par le comité autorisé à étudier la teneur du projet de loi [...]

 — c’est à dire les finances —

[...] de même que tout rapport de ce comité au Sénat sur la teneur du projet de loi.

L’implication souhaitée du Comité sénatorial permanent des finances nationales, plutôt que celle du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, découlait du fait que le Comité des finances avait étudié la Loi sur la tarification du carbone lors du budget de 2018, puis les amendements à la Loi de l’impôt sur le revenu qui accordaient des crédits aux agriculteurs, ce qui leur permettait de se partager le prix sur le carbone perçu auprès d’eux, lors du budget de 2022.

Le 20 septembre dernier, avant que le Comité de l’agriculture n’amorce son étude du projet de loi C-234, qui devait être brève, j’ai envoyé un courriel au président pour soumettre une liste de témoins potentiels. Ces témoins avaient exprimé leurs préoccupations, voire leur opposition, au projet de loi.

Onze minutes plus tard, le président m’a envoyé la réponse suivante :

Je vous remercie de votre courriel, sénateur. Le comité a approuvé une liste de témoins plus tôt ce mois-ci, pour au moins les trois prochaines réunions du comité. Nous allons commencer les témoignages demain. S’il était décidé que le comité a besoin d’entendre de nouveaux témoins ou d’obtenir de l’information additionnelle, nous examinerons certainement vos suggestions.

Le même jour, j’ai écrit au comité directeur du Comité de l’agriculture pour souligner la nécessité d’éviter de court-circuiter le processus dans le but d’atteindre un résultat prédéterminé. J’ai remercié le comité directeur pour l’ajout de deux réunions afin d’entendre certains des témoins sur ma liste.

À la troisième réunion, le président a déclaré que, à la fin de la réunion suivante, les membres pourraient passer à l’étude article par article et qu’il serait utile de faire circuler des amendements ou des observations à l’avance. Certains sénateurs avaient ensuite posé des questions sur les observations du Comité des finances nationales. Le président avait répondu que le comité ne fournirait aucune information sur le projet de loi et que des amendements pourraient être proposés à l’étape de la troisième lecture.

Surpris, le sénateur Woo avait suggéré d’inviter le président du Comité des finances nationales à assister à la réunion suivante du Comité de l’agriculture.

Le 3 octobre, le sénateur Mockler, à titre de président du Comité des finances nationales, a assisté à ladite séance et a déclaré ce qui suit :

Dans l’ordre de renvoi qui nous occupe, on lit que le projet de loi est entièrement renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et que le Comité sénatorial permanent des finances nationales est autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la teneur du projet de loi. On fait donc la distinction entre la teneur du projet de loi et l’intégralité du projet de loi qui est renvoyé au comité.

Étant donné les responsabilités du Comité des finances, le comité de direction — et nous nous sommes réunis deux fois à ce sujet — a conclu que le Comité de l’agriculture et des forêts est bien outillé pour rédiger un rapport adéquat et le déposer au Sénat. Nous avons décidé de respecter ce que proposera le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Autrement dit, le président du Comité des finances nationales a confirmé qu’il refusait d’étudier l’objet du projet de loi C-234, indiquant clairement que l’entente entre les groupes avait été reniée.

Pour citer le sénateur Wells, était-ce là une solution?

Le 17 octobre, le Comité de l’agriculture et des forêts devait siéger, mais les conservateurs ont refusé. Le 19 octobre, le même comité a procédé à l’étude article par article. Le nombre de participants a grimpé à 14, comparativement à six ou dix personnes lors des cinq réunions précédentes. Le sénateur Plett, entre autres, a exercé son privilège de chef de l’opposition et a participé comme membre d’office. Selon la pratique, on avise alors le bureau du représentant du gouvernement. La sénatrice LaBoucane-Benson a donc également assisté à la réunion.

Avant la réunion, le sénateur Woo et moi avons distribué quatre projets d’amendement, et d’autres sénateurs ont distribué des observations préliminaires. Mon seul amendement était une copie de l’amendement qui avait été rejeté au comité de la Chambre par six voix contre cinq. Il visait à limiter les exemptions fiscales au séchage du grain et à exclure le chauffage des bâtiments.

J’ai résumé les témoignages présentés au Comité de l’agriculture à l’appui de mon amendement, et la sénatrice Burey a ensuite fait valoir, dans un rappel au Règlement, que mon amendement n’était pas recevable, en se fondant sur des extraits de La procédure du Sénat en pratique. Le sénateur Plett, en lisant une note de service, s’est prononcé en faveur du rappel au Règlement.

Évidemment, ce jour-là, le Parti conservateur du Canada et le Groupe des sénateurs canadiens agissaient conjointement. Bien sûr, ni le Groupe progressiste du Sénat ni le Groupe des sénateurs indépendants ne s’était fait dire à l’avance de se préparer.

Pour reprendre les mots du sénateur Wells, s’agissait-il d’une conspiration, ou plutôt d’une énorme conspiration?

Je n’ai eu d’autre choix que de demander au comité d’annuler la décision, ce qu’il a fait lors d’un vote de sept contre cinq, avec deux abstentions. Les cinq voix favorables à la décision du président ont été celles de trois sénateurs conservateurs et de deux sénateurs du Groupe des sénateurs canadiens. L’événement a pris environ une heure et a forcé la tenue d’une deuxième réunion pour l’étude article par article.

Nous avons finalement débattu de mon amendement, qui a été adopté par sept voix contre six avec une abstention — notre collègue du bureau du représentant du gouvernement, la sénatrice LaBoucane-Benson.

Contrairement à ce qui a été dit par le sénateur Plett dans les médias sociaux et par l’Agriculture Carbon Alliance dans le National Post, le bureau du représentant du gouvernement n’a pas rendu possible l’adoption de l’amendement — au contraire.

Après la tenue du vote sur mon amendement, le président est passé à l’article 2. Le sénateur Woo a présenté son premier amendement, proposant de faire passer la période d’exemption de huit à trois ans. Après un long débat, le vote a abouti à une égalité des voix, sept contre sept, et au rejet de l’amendement.

Ensuite, oubliant que le sénateur Woo avait un autre amendement, le président a dit : « L’article 2 est-il adopté? » Certains sénateurs ont dit « D’accord », et le président a répondu « Merci », puis il a demandé au comité si le titre était adopté.

Le sénateur Woo a immédiatement mentionné qu’il y avait un autre amendement à discuter et qu’il voulait le présenter. Le président lui a répondu « Allez-y », puis le sénateur Woo a présenté son amendement, qui est identique à celui dont nous sommes saisis.

Un débat a suivi. À un moment donné, le sénateur Plett a indiqué qu’il voulait que l’on s’engage à terminer l’étude article par article avant de lever la séance. Le président a dit que le comité devait absolument s’arrêter...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

À l’ordre.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Le président a dit que le comité devait absolument s’arrêter à 11 heures, et on a donc levé la séance.

Lors de la réunion suivante, les sénateurs Plett et Wells se sont opposés à ce que l’on poursuive l’étude de l’article 2, affirmant qu’il était irrecevable, puisque le président avait affirmé, lors de la réunion précédente, que l’article 2 était adopté.

Le sénateur Woo, la sénatrice Simons et moi avons indiqué que le débat sur ce dernier amendement avait déjà commencé. Par ailleurs, nous avons parlé d’incidents similaires qui s’étaient déjà produits au Sénat, et nous avons indiqué que, selon l’article 10-5 :

Tout sénateur peut proposer le réexamen d’un article déjà approuvé d’un projet de loi qui est toujours à l’étude.

Le président a rejeté le rappel au Règlement du sénateur Plett. Ensuite, nous avons repris l’étude des amendements restants, nous avons terminé l’étude article par article, et nous avons tous ajouté bon nombre d’observations judicieuses.

Honorables collègues, si on a apporté une correction ou davantage pendant ce processus, c’est non pas au Sénat, mais au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts qu’on l’a fait.

Passons maintenant à l’amendement de la sénatrice Moncion. Il est certes identique au dernier que le sénateur Woo a présenté au comité. Il est vrai qu’il a été rejeté, mais par un vote à égalité de sept voix contre sept.

Dans une telle situation, il est tout à fait justifié que l’ensemble du Sénat réexamine la question, d’autant plus que l’amendement de la sénatrice Moncion porte sur un mécanisme législatif exceptionnel. Il s’agit de permettre la prolongation de l’exemption d’une durée de huit ans qui est prévue dans le projet de loi — je répète qu’on parle de huit ans, et non de trois — en faisant simplement adopter une motion dans les deux Chambres dans les délais prévus.

Comme le sénateur Woo l’a clairement expliqué mardi, cet amendement offre un moyen facile de prolonger l’exemption avant qu’elle arrive à échéance, sans audiences du comité ni débats normaux.

Pourquoi devrions-nous accepter une procédure spéciale destinée à empêcher un examen approfondi des faits et à étouffer les débats? S’agit-il là d’une autre tentative de piper les dés?

En outre, pourquoi signaler aux agriculteurs qu’il serait facile de prolonger l’exemption et qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’adopter des pratiques agricoles plus écologiques pendant la période d’exemption?

Alex Cool-Fergus, directrice des politiques nationales au sein du Réseau action climat Canada, a dit ceci au comité :

Je ne dis pas qu’il n’y a aucune solution commercialisable présentement, mais, s’il n’y a pas de signal du marché pour stimuler ce genre d’innovation, alors il n’y aura plus d’innovation, que ce soit dans huit ans — si le projet de loi est adopté, jusqu’à la fin de sa durée prévue — ou encore plus loin dans l’avenir.

Chers collègues, si nous voulons encourager les Canadiens à continuer de repousser les frontières technologiques pour réduire les émissions, nous ne devrions pas signaler que la prolongation de cette exemption pourrait être approuvée sans discussion dans huit ans, indépendamment des faits.

En conclusion, il semble que nous subissions toujours des pressions pour écourter le processus relatif à ce projet de loi, ce qui porte à croire que ce dernier ne repose pas sur une base solide. J’appuie donc l’amendement de la sénatrice Moncion. Merci, marsee.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Black, sénateur Plett, sénateur Wells et sénateur Quinn, nous n’avons que deux minutes.

L’honorable Robert Black [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Black [ - ]

Je vous remercie. Avec tout le respect que je vous dois, en tant que sénateur de la métropole de Montréal, comment se fait-il que vous pensiez savoir mieux que les agriculteurs ce dont ils ont besoin?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Je remercie le président du Comité de l’agriculture et des forêts, qui a très à cœur les intérêts des agriculteurs.

Effectivement, je vis à Montréal. Cependant, vous devez savoir qu’il y a deux ans, après le décès de mon père, j’ai vendu les terres agricoles qui appartenaient depuis 150 ans à ma famille à un agriculteur afin qu’elles puissent conserver cette vocation. Je suis né et j’ai grandi dans cette ferme. J’y ai grandi au milieu des vaches et des cultures céréalières.

De plus, j’ai fait les foins chaque année, monsieur.

Je connais les pratiques agricoles et les agriculteurs; la maison familiale est encore là-bas.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Plett, vous avez une question, brièvement.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Le sénateur accepte-t-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Avec plaisir, sénateur.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci. À part le fait que Don Plett appuie le projet de loi, y a-t-il une autre raison pour laquelle vous ne l’appuyez pas? J’ai l’impression que c’est la seule raison.

Je me demande, sénateur Dalphond, si vos collègues savent que la raison pour laquelle il n’a pas été possible de débattre adéquatement du projet de loi C-282, c’est que, pendant un bon moment, vous vouliez que le projet de loi S-270, votre projet de loi, soit priorisé. Lors des réunions d’organisation, vous avez fini par mettre le projet de loi C-282. J’attends que votre collègue en face de vous prenne la parole au sujet du projet de loi C-282 et, ensuite, ce sera mon tour.

Étiez-vous conscient de la situation que j’ai décrite, sénateur Dalphond? C’est une question.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Puis-je avoir cinq minutes de plus pour répondre à cette question?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Plett [ - ]

J’ai une autre question. Si c’est seulement pour répondre à la question, alors c’est très bien.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Accordez-vous cinq minutes de plus au sénateur?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci, honorables collègues.

Sénateur Plett, vous savez très bien que vous assistez à la réunion des leaders, que j’assiste à la réunion des leaders adjoints et que nous participons ensemble à la réunion préparatoire. Lors de notre réunion préparatoire, la sénatrice Martin a dit : « Nous sommes prêts à aller de l’avant avec certains projets de loi. Voici les projets de loi que nous, les conservateurs, proposerons. Voici les projets de loi que vous, les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, proposerez. Voici le projet de loi que vous, sénateur Dalphond, proposerez au nom du Groupe progressiste du Sénat. Enfin, voici le projet de loi que nous sommes prêts à accepter de voir proposer au nom du Groupe des sénateurs canadiens. »

La sénatrice Clement et moi étions surpris qu’ils veuillent non seulement proposer des projets de loi, mais aussi choisir ceux que nous proposerions. Évidemment, pour me faire plaisir, ils ont dit : « Nous allons proposer votre projet de loi sur la fiscalité, c’est-à-dire la Loi instituant la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales. »

J’ai parlé avec mes collègues, comme nous le faisons toujours dans notre groupe. Je ne décide pas seul. Nous en avons parlé la semaine suivante. Nous avons convenu que, si un projet de loi devait être proposé, ce devait être un projet de loi sur les agriculteurs. Ce devait être le projet de loi C-282, soit le projet de loi sur la gestion de l’offre, un projet de loi qui avait été appuyé à l’unanimité par les chefs de la Chambre des communes, y compris M. Poilievre.

Je sais que M. Poilievre a sa propre position et que d’autres collègues ont dit au cours de l’été qu’ils ont des préoccupations, voire de graves préoccupations, par rapport au projet de loi. Toutefois, j’ai dit que si nous voulions faire progresser le projet de loi C-234 — un projet de loi important pour les agriculteurs, selon vous —, je tiens à ce qu’on fasse également progresser un projet de loi sur la gestion de l’offre, un projet de loi important pour les agriculteurs. C’est ce dont on a convenu. Malheureusement, vous avez refusé que l’on propose la deuxième lecture de ce projet de loi tant et aussi longtemps que votre projet de loi n’aura pas franchi toutes les étapes. Si je ne m’abuse, vous avez dit à la sénatrice Gerba que nous avions intérêt à voter dans le bon sens si nous voulions que l’autre projet de loi soit adopté.

Le sénateur Plett [ - ]

Je crois que je mérite de pouvoir poser une autre question.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Pourvu que les trois sénateurs réussissent à poser leurs questions dans les deux minutes et demie qu’il reste.

Le sénateur Plett [ - ]

Sénateur Dalphond, bien entendu, toutes ces informations sont inexactes. Je n’ai pas dit à la sénatrice Gerba ce que vous venez de suggérer que je lui ai dit.

Savez-vous que je suis le porte-parole pour le projet de loi et que la procédure normale au Sénat veut que le porte-parole soit le dernier à intervenir? J’attends que votre collègue et d’autres sénateurs prennent la parole au sujet du projet de loi C-282. J’ai préparé mon discours. Je suis prêt à le prononcer le lendemain du jour où votre collègue et les autres sénateurs auront terminé. Le saviez-vous, sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci, sénateur Plett, de nous rappeler que la règle qui indique que l’on donne 45 minutes à un porte-parole sert à s’exprimer après que tout le monde l’a fait, et non pas à informer les gens de nos préoccupations au sujet d’un projet de loi. Nos règles sont faites pour que le parrain ait 45 minutes pour expliquer un projet de loi et normalement, le porte-parole, qui n’est pas nécessairement un critique amical, devrait avoir 45 minutes pour expliquer à ses collègues, avant que le débat s’engage, les préoccupations et les inquiétudes que d’autres personnes éprouvent à cet égard.

Je sais que, pour le Parti conservateur, la pratique veut que le porte-parole s’exprime en dernier, mais je vous soumets, et je l’ai dit lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture au sujet du projet de loi C-234, que la pratique n’était pas voulue de cette façon, sénateur Plett.

L’honorable David M. Wells [ - ]

Merci, sénateur Dalphond, de votre intervention sur l’amendement.

Vous avez parlé de l’importance des signaux du marché et expliqué que c’est l’une des raisons pour lesquelles le projet de loi ne devrait pas être adopté.

Quel est, selon vous, le signal du marché favorable à une exemption de la taxe sur le carbone pour le diésel et l’essence?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci. Dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, je traiterai de la question en long et en large. Je n’en parlerai pas maintenant dans le cadre du débat sur l’amendement, mais je suis heureux que vous reconnaissiez qu’il faut envoyer un important signal à tous les Canadiens, soit qu’il faut arrêter de faire de la production de dioxyde, qu’il faut arrêter les gaz à effet de serre et que la meilleure façon de le faire, comme tous les économistes du monde entier le reconnaissent, est d’imposer une taxe sur le carbone, comme le font l’Europe et la plupart des pays.

Nous sommes allés à Taïwan avec des collègues il y a trois semaines, et l’un des ministres que nous avons rencontrés a salué le fait que le Canada était un exemple de lutte contre le carbone, puisqu’il a imposé une taxe sur le carbone. Oui, je suis en faveur de la taxe sur le carbone et je crois malheureusement que votre parti, avec sa plateforme politique intitulée Supprimer la taxe, n’y croit pas. Il y a donc une grande différence entre nous deux. Je suggère que nous modifions le projet de loi et qu’il soit renvoyé là où tout cela doit être décidé : chez les élus.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Dalphond, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Black [ - ]

Honorables sénateurs, je n’avais pas prévu prendre la parole au sujet de l’amendement au projet de loi C-234, mais je dois le faire pour vous faire part de quelques réflexions ce soir.

Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Arnot qui, lors de son discours réfléchi de mardi dernier, nous a posé de très bonnes questions. Je vous encourage à les examiner si vous en avez le temps dans les prochains jours. Sénateur Arnot, je vous remercie de vos sages paroles et de vos réflexions.

En second lieu, je tiens à rappeler à tous les sénateurs que, à part le propane et le gaz naturel, il n’existe aucune solution de rechange viable utilisée ou pouvant être utilisée à l’heure actuelle pour sécher le grain, le maïs, les haricots ou tout autre produit au Canada. Il n’y a aucune autre solution.

Enfin, je souhaite exprimer mon désaccord, respectueusement, avec mon honorable collègue, qui a déclaré mardi dernier que le vote sur cet amendement ne concerne pas les agriculteurs. Chers collègues, si nous adoptons cet amendement, le projet de loi retournera à l’autre endroit, s’il finit par passer l’étape de la troisième lecture au Sénat. Là-bas, il mourra certainement au Feuilleton, et, par conséquent, les agriculteurs continueront à souffrir financièrement. Ce vote concerne assurément les agriculteurs, et, voter pour cet amendement, c’est certainement voter contre eux.

Chers collègues, je vous prie de voter contre cet amendement et d’appuyer nos agriculteurs, nos éleveurs et nos producteurs. Ils nous appuient 3 fois par jour, 7 jours par semaine, 52 semaines par année, année après année. Montrons-leur que nous les apprécions et que nous les appuyons dans leurs efforts pour nourrir le Canada et le monde. Merci.

L’honorable Jim Quinn [ - ]

Sénateur Black, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Black [ - ]

J’allais parler très brièvement, je vais donc refuser. Merci.

L’honorable Colin Deacon [ - ]

Honorables sénateurs, je vais tenter de dissocier le projet de loi C-234 des gestes malheureux qui ont été posés ici le 9 novembre et par la suite, gestes qui ont accaparé les discussions cette semaine.

J’aimerais fermement remettre l’accent sur ce qu’il faut faire pour que nos agriculteurs puissent avoir une incidence positive sur nos efforts collectifs de lutte contre les changements climatiques.

La majeure partie du débat sur le projet de loi C-234 a porté sur la façon dont la taxe sur le carbone aurait pu réduire graduellement les émissions de carbone provenant des activités agricoles canadiennes. Comme je l’ai dit dans mon discours sur le rapport du Comité de l’agriculture, je reste persuadé que cette mesure passe à côté d’une possibilité bien plus vaste. Chers collègues, je crains que cet amendement mette en péril notre lutte contre les changements climatiques pour les raisons qui ont déjà été énumérées par les sénateurs Arnot, Black et d’autres.

Le jour où les activités agricoles ne produiront plus de gaz à effet de serre est encore loin. Par contre, le jour où l’agriculture pourra jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques est déjà arrivé, mais nous persistons à ne pas voir cette occasion énorme. Je le répète, le jour où l’agriculture pourra jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques est déjà arrivé.

Je trouve très préoccupant le fait que cette possibilité ne soit pas envisagée à sa juste valeur. Si nous voulons vaincre la crise climatique, nous devons non seulement réduire notre production de gaz à effet de serre, mais il faut aussi commencer à retirer les gaz à effet de serre de l’atmosphère. La séquestration du carbone atmosphérique dans les sols agricoles — un processus appelé agriculture régénératrice — est un processus naturel qui améliore la santé des sols. Ce processus naturel peut être accéléré de façon spectaculaire dès aujourd’hui en prenant appui sur des années de recherche. Toutefois, une bonne partie de cette recherche n’est pas appliquée à grande échelle. Ce problème chronique ne se limite pas à l’agriculture, loin de là. On ne compte plus les fois où vous m’avez entendu parler du problème de longue date du Canada : nous n’appliquons pas les fruits de nos meilleures recherches pour optimiser les possibilités économiques, sociales, sanitaires et environnementales.

Les gouvernements de toutes les allégeances politiques n’y comprennent rien depuis des décennies.

Je comprends qu’en ce qui concerne les agriculteurs, le principal enjeu est qu’ils sont soumis à de nombreux risques externes. Parmi ces risques, on retrouve les événements météorologiques extrêmes, les guerres à l’autre bout du monde causant des hausses massives du coût de leurs intrants ou les fluctuations des marchés mondiaux qui dictent le prix de leurs produits. Par conséquent, les agriculteurs sont réticents à apporter des changements aux aspects qu’ils peuvent contrôler, à moins d’avoir une certitude quant au résultat ultime, d’où la lenteur à adopter des pratiques agricoles régénératives.

Afin d’offrir plus de certitude aux agriculteurs et aux marchés du carbone, des entreprises canadiennes de premier plan comme Terramera, de Vancouver, ont mis au point des technologies brevetées qui mesurent rapidement et à un coût abordable la composition des sols afin que les agriculteurs puissent faire le suivi de la recarbonation de leurs terres. D’autres entreprises ont maintenant des satellites munis de capteurs qui peuvent mesurer le carbone du sol à distance. Ce sont là des possibilités d’exportations absolument palpitantes pour des entreprises canadiennes de premier plan, lesquelles démontrent déjà qu’elles peuvent nous aider à lutter contre les changements climatiques.

Si ces entreprises sont soutenues et incluses dans la lutte contre la crise climatique au Canada, elles pourront ensuite exporter leurs solutions efficaces et rentables dans le monde entier, grâce à leur leadership et à leur expérience. Si nous refusons de saisir cette immense occasion de stockage du carbone et que nous nous contentons de traiter la tarification du carbone comme si c’était notre seul outil, nous allons rater cette occasion mondiale.

Pendant ce temps, un nombre incalculable de pays élaborent et créent des incitatifs et des cadres économiques pour inciter et habiliter les agriculteurs à adopter l’agriculture régénératrice afin de bénéficier d’une plus grande certitude et de pouvoir mieux gérer les risques associés à ces changements et, au bout du compte, recevoir une rétribution financière pour avoir lutté contre les changements climatiques.

Dans d’autres pays, on récompense les agriculteurs pour l’augmentation nette du contenu en carbone de leurs sols : ils trouvent des chèques dans leur boîte aux lettres, au bout de l’allée. Ce n’est toutefois pas le cas des agriculteurs canadiens. Les carburants les plus propres ne sont pas exemptés de la taxe sur le carbone, ce qui n’aide pas les agriculteurs à améliorer leur bilan carbone, puisque cette absence d’exemption est l’un des principaux freins à leur capacité d’investir dans des solutions différentes.

Ralentir l’adoption du projet de loi C-234 forcera le maintien d’une taxe qui ne touche qu’une partie marginale des émissions de carbone totales du secteur agricole. Comme le gouvernement l’a lui-même reconnu, la taxe sur le carbone ne touche que 3 % de tout le carburant utilisé dans les fermes du Canada.

D’après toutes les données probantes que j’ai vues dans le cadre de mes recherches, dans le travail effectué par le comité de l’agriculture pour son étude sur la santé des sols, et dans ce que les sénateurs Black et Cotter nous ont transmis après avoir assisté au Congrès mondial des sciences du sol de 2022, si nous séquestrions des gaz à effet de serre dans les sols agricoles du pays, il serait possible de séquestrer à tout le moins les émissions annuelles de l’ensemble du secteur agricole et peut-être même l’équivalent des émissions totales du Canada.

Le Sénat a réussi à adopter des projets de loi d’initiative parlementaire dans leur forme initiale, particulièrement quand les gouvernements précédents n’agissaient pas. Je mentionnerai, à titre d’exemple, le projet de loi C-208 adopté pendant la dernière législature.

Comme le projet de loi que nous étudions actuellement, le projet de loi C-234, et l’amendement dont nous parlons en ce moment, ce projet de loi était susceptible d’être amendé au Sénat. il visait à modifier la politique fiscale en vertu de laquelle les transferts intergénérationnels d’exploitations agricoles, d’entreprises de pêche et de petites entreprises étaient imposés à des taux doubles ou triples comparativement à ceux d’autres entreprises.

Cette situation a perduré pendant des années, plaçant les parents dans la position intenable de devoir vendre la ferme ou l’exploitation de pêche familiale à un tiers parce qu’ils ne pouvaient pas supporter la charge fiscale supplémentaire résultant de la vente à un fils ou à une fille désireux de perpétuer l’héritage de la famille. Pourquoi cette situation existait-elle? Tout simplement parce que le ministère des Finances estimait que le fait d’autoriser ces transferts pouvait encourager l’évitement fiscal, alors qu’une solution à ce risque existait depuis des années et était connue du ministère, mais n’avait pas été mise en œuvre.

Je suis incroyablement fier du fait que le Sénat se soit opposé à cet amendement en troisième lecture et qu’il ait soutenu le projet de loi non amendé. Après la sanction royale, en juin 2021, des craintes ont continué à être exprimées sur la possibilité de niveaux incontrôlés d’évitement fiscal. Ces craintes ne se sont pas concrétisées. Dans le budget de 2023, après des consultations très approfondies, des mesures ont été mises en place pour protéger fermement les transferts intergénérationnels d’exploitations agricoles, d’entreprises de pêche et de petites entreprises contre tout abus à l’avenir. Je félicite le gouvernement d’avoir trouvé une voie raisonnable et efficace, mais il n’y est parvenu que parce que nous avons tenu bon au Sénat. Chers collègues, nous avons fait notre travail. Nous avons mis le gouvernement au défi de faire mieux, notamment parce qu’il n’avait pas agi sur la question, et c’est précisément ce qui m’a été demandé lorsque j’ai été nommé au Sénat.

Revenons au projet de loi C-234 et à l’amendement.

Soyons clairs : je suis généralement favorable à la taxe sur le carbone et au remboursement qui l’accompagne. Personnellement, j’ai toujours préféré les solutions basées sur le marché lorsqu’il existe un large éventail de solutions abordables. Je suis d’accord avec le sénateur Gold lorsqu’il nous rappelle que le Parti conservateur n’a pas de plan pour lutter contre la crise climatique. La suppression pure et simple de la taxe n’est pas une solution à la crise climatique. L’objectif de la taxe sur le carbone est de motiver le changement lorsque des solutions abordables existent. La question de savoir si elle peut être appliquée de manière égale dans tous les secteurs et dans tous les provinces et territoires se pose et, comme nous l’avons vu récemment, cette question se pose même au sein du Parti libéral.

Lorsque des décisions ont été prises au sein du gouvernement concernant l’application de la taxe sur le carbone à l’agriculture, il est évident qu’il n’y a pas eu d’accord sur l’application égale de la taxe sur le carbone aux quatre différents produits pétroliers utilisés dans les exploitations agricoles, des plus sales, c’est-à-dire le diésel et l’essence, aux plus propres, c’est-à-dire le propane et le gaz naturel. Je n’ai toujours pas trouvé de réponse à la question de savoir pourquoi les deux combustibles les plus propres n’ont pas été exemptés alors que les deux plus polluants l’ont été. La réponse selon laquelle 97 % des combustibles utilisés sont exemptés, de sorte que cela n’a pas vraiment d’importance, n’est ni appropriée ni efficace, car toutes les exploitations agricoles n’utilisent pas le même assortiment de combustibles. Dans les serres, le combustible dominant est très majoritairement le gaz naturel ou le propane. Dans d’autres exploitations, c’est le diésel qui domine.

Les exploitations maraîchères canadiennes sont fortement désavantagées par la taxe sur le carbone. Il ne fait aucun doute qu’elles veulent toutes être plus efficaces sur le plan énergétique, mais, plus que jamais, je veux qu’elles soient en mesure de livrer des produits cultivés au Canada qui peuvent concurrencer ceux de la Californie, de la Floride et du Mexique sur le plan des coûts ainsi que de l’intensité carbonique élevée attribuable au camionnage continental associé à ces légumes.

Chers collègues, l’imposition du statu quo ne fera que réduire légèrement les émissions de gaz à effet de serre provenant de nos activités agricoles. À l’inverse, les exploitations agricoles du Canada peuvent fondamentalement réduire leurs émissions nettes de gaz à effet de serre si nous commençons à suivre les pratiques globales d’agriculture régénératrice qui ont été appliquées avec succès dans d’autres pays comme la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que si nous collaborons avec nos innovateurs pour exporter leurs services et solutions technologiques dans le monde entier.

Pour conclure, chers collègues, je voudrais souligner que l’incohérence de la politique climatique ne se limite pas à cette question; prenons l’approvisionnement, par exemple. Selon le Conseil des académies canadiennes, le recours à l’approvisionnement est la façon la plus efficace d’atteindre la carboneutralité. Les émissions de portée 3 sont nos émissions les plus importantes. Il s’agit d’émissions découlant de nos achats personnels et organisationnels, c’est-à-dire de notre approvisionnement en produits et services.

Cependant, je suis préoccupé par le fait que le ministère responsable de nos stratégies de lutte contre le changement climatique ne modifie pas son propre comportement et n’adopte pas de pratiques d’approvisionnement durable. Je dis cela parce qu’Environnement et Changement climatique Canada, ou ECCC, n’inclut pas systématiquement des critères de durabilité dans ses propres contrats d’approvisionnement. Comment pouvons-nous attendre des autres qu’ils relèvent le défi de la durabilité si le ministère responsable ne donne pas l’exemple?

Chers collègues, le comportement et les gestes déplorables qui ont suivi le 9 novembre ont jeté une ombre troublante sur le projet de loi C-234. Afin de prendre notre décision, nous devons faire abstraction de ces événements et nous concentrer sur le projet de loi lui-même. L’amendement de clarification proposé par la sénatrice Moncion met en péril le projet de loi, et les dissensions à la Chambre des communes rendent pratiquement impossible sa remontée dans l’ordre de priorité des projets de loi inscrits au Feuilleton.

Si j’ai décidé d’appuyer ce projet de loi sans amendement, c’est avant tout parce qu’il faut pousser le gouvernement à saisir l’occasion que représente la séquestration du carbone dans le sol. Je suis loin d’être le seul dans ce cas. Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a passé une bonne partie de la législature actuelle à étudier la question de la santé des sols. Comme je l’ai indiqué, deux membres de ce comité ont assisté au Congrès mondial des sciences du sol pour s’informer des meilleures pratiques, des politiques et des réussites d’autres pays. En revanche, toutes nos tentatives de discussion avec les fonctionnaires d’Agriculture et Agroalimentaire Canada se sont heurtées à un mur. Ce ministère ne s’intéresse aucunement à ce dossier sans que nous sachions pourquoi.

Chers collègues, j’espère vraiment que nous n’amenderons pas ce projet de loi, ce qui ralentirait l’octroi de l’aide aux agriculteurs et, pire encore, ferait languir le projet de loi à la Chambre. J’espère que nous choisirons d’adopter le projet de loi C-234 sans amendement. En acceptant la volonté de la Chambre élue et avec des votes en faveur du projet de loi de la part des cinq partis, je crois que nous encouragerons le gouvernement à réexaminer ses plans pour qu’il ne compte pas uniquement sur la taxe sur le carbone afin de réduire progressivement les émissions de gaz à effet de serre, mais plutôt qu’il élabore des politiques, des incitatifs et des cadres qui modifient fondamentalement la quantité totale des émissions du secteur agricole et qui lui permettent de devenir un puits de carbone net.

Encore une fois, chers collègues, nous sommes loin du jour où les activités agricoles ne produiront plus de gaz à effet de serre. Cependant, l’agriculture peut déjà jouer un rôle important dans la lutte contre les changements climatiques. Il suffit de commencer à donner la priorité au piégeage du carbone dans les sols.

Merci, chers collègues.

Sénateur Deacon, je vous remercie de votre discours, car c’est l’un des premiers discours qui nous fournit des renseignements fondés sur les faits. Je trouve qu’on nous a présenté peu de faits dans l’ensemble du processus.

Je vous donne un exemple. On nous a dit que le carburant coûte 6 000 $ par mois à l’agriculteur, mais que dès que le séchage du grain est terminé, ce coût tombe à 135 $ par mois. Ce qu’on ne nous dit pas, c’est la portion de ce montant que la taxe sur le carbone représente, car le montant n’englobe pas seulement la taxe sur le carbone. C’est la première partie de l’équation.

La deuxième partie de l’équation — et j’arrive à mes questions, chers collègues —, c’est le montant qui est remboursé aux agriculteurs.

La troisième partie de l’équation, c’est la partie du montant qui est admissible au crédit d’impôt.

C’est le premier volet de ma question. Il est extrêmement important de connaître les trois parties de l’équation pour nous faire une opinion par rapport au projet de loi. Nous n’avons pas entendu ces renseignements au Sénat. On nous a fourni de gros montants, mais on ne nous a pas parlé du reste.

L’autre question — sénateur, j’ai la parole. Je ne vous interromps pas lorsque vous avez la parole et j’aimerais, s’il vous plaît, que vous fassiez preuve de la même courtoisie envers moi.

Voici ma question : le gouvernement fournit des subventions et offre 55 programmes par l’intermédiaire de...

L’honorable René Cormier (Son Honneur le Président suppléant) [ - ]

Sénatrice Moncion, le temps de parole du sénateur Deacon est épuisé. Sénateur Deacon, demandez-vous plus de temps?

Le sénateur C. Deacon [ - ]

Oui, s’il vous plaît, Votre Honneur.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur C. Deacon [ - ]

Si c’est la volonté du Sénat.

Le sénateur Plett [ - ]

La volonté du Sénat est de permettre à la sénatrice de poser une question et au sénateur de lui répondre.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Est-ce d’accord?

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Merci.

Il y a le Défi de réduction du méthane agricole, qui dispose de fonds. Connaissez-vous les programmes de ce genre et leurs objectifs? L’argent investi dans ces programmes est-il suffisant pour aider les agriculteurs à au moins commencer à faire les changements nécessaires?

Le sénateur C. Deacon [ - ]

Je vous remercie de vos commentaires et de votre question, sénatrice Moncion. Je vous en suis reconnaissant.

Je vais parler d’un autre programme. Le gouvernement a un programme de prévention des cyberrisques destiné aux petites entreprises. Pourtant, les entreprises ne l’utilisent pas. Ce programme est trop compliqué et trop difficile à comprendre. Même si les risques sont de plus en plus élevés pour les petites entreprises, et les risques sont graves, celles-ci ne font pas appel au programme comme prévu.

Le problème avec les programmes... Je connais les programmes offerts, car j’ai reçu des explications abondantes auprès du personnel du ministre, des fonctionnaires et du sénateur Cotter au cours d’un appel. Or, à aucun moment il n’a été question de la stratégie derrière tous ces programmes ni de la manière dont ils favorisent l’activité commerciale. Il est vrai que les cadres de référence du marché tiennent compte des mesures incitatives et des différents programmes pour aider à absorber les coûts. Toutefois, le cadre lui-même doit être établi, de manière à ce qu’il ne revienne pas à l’État de subventionner ce qui relève fondamentalement du marché. C’est le marché lui-même qui doit être en mesure de créer de la valeur afin de générer une demande et d’y répondre. Il s’agit de créer des règles, des normes et un marché, tout comme il y a une bourse du carbone où les agriculteurs peuvent vendre en toute confiance un crédit de carbone à une autre partie, ce qui apporte une valeur à cette partie sous la forme d’un crédit compensatoire, pendant que l’agriculteur en touche des recettes.

Il s’agit d’une structure et d’une priorité gouvernementales qui n’ont pas été privilégiées au Canada, alors qu’elles l’ont été dans d’autres pays, et personne ne m’en a donné la raison. J’ai eu d’excellentes conversations avec le ministre Wilkinson lorsqu’il était ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Il était très intrigué. Agriculture et Agroalimentaire Canada a dit non.

Nous — le sénateur Cotter, d’autres sénateurs et moi — avons réessayé. Nous nous heurtons à un mur. Les fonctionnaires sont venus nous voir lorsque je siégeais au Comité de l’agriculture et des forêts. Ils nous ont bombardés de questions sur ce sujet, mais cela n’a rien donné.

Je ne comprends pas ce qui achoppe, mais il n’en reste pas moins qu’une liste de programmes, ce n’est pas un cadre de référence pour un marché. Ce cadre doit avant tout être mis au point, puis il faut laisser le marché remplir son rôle en lui en donnant au départ les moyens avec quelques subventions. Un marché ne doit pas reposer sur les subventions, mais sur la valeur qu’il apporte. J’espère que cela vous aide. Merci.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Avons-nous convenu de cinq minutes de plus?

Le sénateur Plett [ - ]

Non.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

D’accord. Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’amendement proposé par la sénatrice Moncion. Ce n’est pas un lutrin qui se trouve devant moi. Il s’agit des recherches que j’ai menées sur ce projet de loi et que j’ai terminées pendant la semaine de relâche afin que je puisse étayer tout ce que je vais dire dans mon discours, et je vous invite... Sénateur Plett, je vais vous dire ceci : la pluie de votre sarcasme n’atteint même pas le parapluie de mon indifférence.

Monsieur le Président, chaque fois que je serai interrompue pendant mon allocution de 15 minutes, je vous demande, étant donné que —

Je n’ai pas un temps de parole illimité, alors chaque fois que je suis interrompue, je veux que ce temps soit rajouté à mes 15 minutes. Merci.

Avant de passer aux arguments, je dois dire quelques mots pour mettre en contexte notre travail de second examen objectif — c’est la raison d’être du Sénat. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a indiqué que le Sénat doit examiner les projets de loi et les politiques de façon impartiale afin d’être une véritable institution parlementaire de second examen objectif.

Les sénateurs n’ont jamais fait l’objet d’un lobbying aussi orchestré qu’à l’heure actuelle. Il ne faut pas oublier que les lobbyistes sont des professionnels bien rémunérés qui cherchent à nous engager à répondre à leur demande. Il est donc très important de comprendre les nombreuses conséquences de toute question donnée.

Je me suis intéressée de plus en plus à ce projet de loi lorsque de nombreux sénateurs m’ont informée que certains des lobbyistes de Farmer Fairness faisaient aussi du lobbying contre un autre groupe qui souhaite l’adoption d’un projet de loi d’initiative parlementaire — le projet de loi C-282 — de la Chambre des communes. Les mêmes personnes qui prônaient l’équité pour les agriculteurs s’opposaient à l’équité pour un important groupe d’agriculteurs assujettis à la gestion de l’offre : les producteurs d’œufs, de lait et de volaille.

Je crois que les agriculteurs de ma région n’apprécient pas ce double discours. Je ne l’apprécie certainement pas.

Lorsque les lobbyistes m’ont alertée, j’ai commencé à faire mes propres recherches. J’ai commencé à lire le compte rendu de la réunion du comité de l’agriculture et des forêts et à recouper ce qui avait été dit avec d’autres recherches. Ce fut un processus d’apprentissage gratifiant. C’était également important pour moi, car lors d’une récente conversation avec le sénateur Klyne, il m’a judicieusement rappelé combien il était important de faire la distinction entre les mythes et les faits.

C’est ainsi que j’ai entrepris ma mission d’information, essentielle pour se former une opinion éclairée sur ces questions, non pas en fonction des lobbyistes ou des beaux discours, mais en fonction des faits qui me permettraient d’être une sénatrice à la hauteur des Canadiens d’aujourd’hui et de demain.

Alors que ce projet de loi aurait dû être un débat sur une politique publique équitable, il a été transformé en un document carrément partisan contre la tarification du carbone. Comme on dit, le chat est sorti du sac. Ce projet de loi n’a rien à voir avec l’équité pour les agriculteurs, c’est un cheval de Troie des climatosceptiques qui souhaitent éliminer la tarification du carbone.

Les chiffres fournis par le directeur parlementaire du budget et que je vais vous communiquer confirmeront cette réalité. Sénateur Plett? Je vous remercie.

Au cœur de ce débat, il y a les émissions de carbone à l’origine des changements climatiques et une politique de réduction des émissions qui permettra aux humains de continuer à vivre sur notre planète. Cela fait cinquante ans que les scientifiques nous avertissent qu’il faut réduire nos émissions de carbone, mais de nombreux dirigeants n’ont rien fait.

Dans mon humble région rurale du Nouveau-Brunswick, nous avons un dicton selon lequel ceux qui critiquent un problème sans proposer de solution font partie du problème.

Quarante-six pays ont mis en place un système de tarification du carbone et 80 autres prévoient de le faire pour lutter contre les changements climatiques. Sommes-nous en train de dire que tous ces pays ont tort? Le rapport du directeur parlementaire du budget daté du 15 juin 2023 — et je crois que le Comité de l’agriculture et des forêts n’a même pas pris la peine d’y jeter un coup d’œil — indique que l’exemption de la taxe sur le carbone pour l’essence et le diésel destinés à des fins agricoles — c’est-à-dire 97 % de la consommation de carburant des agriculteurs —, estime le manque à gagner à 595 millions de dollars en 2023, à 734 millions de dollars en 2024, à 871 millions de dollars en 2025, à 1,009 milliard de dollars en 2026, à 1,147 milliard de dollars en 2027, à 1,282 milliards de dollars en 2028, à 1,422 milliards de dollars en 2029, et à 1,562 milliards de dollars en 2030.

Honorables sénateurs, l’exemption de la taxe sur l’essence et le diésel pour les agriculteurs représente, de 2023 à 2030, un montant total de 8,622 milliards de dollars. Or, il semble que ce ne soit pas assez. Les agriculteurs veulent bénéficier d’une exemption sur 100 % des carburants qu’ils consomment.

Le rapport du directeur parlementaire du budget fournit également des données concernant les émissions totales de gaz à effet de serre dans le secteur de l’agriculture par type activité pour 2021. L’élevage et les cultures représentent 80 % des émissions des agriculteurs. Ces émissions ne font l’objet d’aucune tarification. Ce rapport montre également que le revenu agricole net est passé de 3,563 milliards de dollars en 2010 à 13,816 milliards de dollars en 2021, ce qui représente une augmentation de 387 %.

Honorables collègues, en ce qui concerne l’équité en matière de tarification du carbone, les agriculteurs et les pêcheurs font partie du seul secteur de notre économie qui bénéficie d’une exemption de la tarification du carbone aussi généreuse. La question essentielle à laquelle on n’a toujours pas répondu pendant ce débat est la suivante : combien les changements climatiques coûtent-ils à notre économie? Quel est le coût de l’inaction ou de l’effort minimal?

Honorables collègues, comme je ne suis ni scientifique ni économiste, je compte sur les recherches de ces spécialistes pour me guider. Voici des résultats de recherche de l’Institut climatique du Canada que j’ai trouvés. Dans un rapport de 2022 intitulé Les coûts des changements climatiques pour le PIB du Canada, l’Institut indique que les coûts des changements climatiques pour le PIB du Canada ne se limitent pas à une année donnée. Ils freineront notre croissance chaque année à moins que nous prenions des décisions stratégiques.

Les pertes de PIB de 25 milliards de dollars que nous avons subies dans les neuf dernières années sont attribuables aux changements climatiques, et elles représentent des pertes de revenus de 630 $ par habitant au Canada. Les coûts des changements climatiques s’accumulent au fil du temps, et d’ici 2030, notre PIB sera inférieur de 35 milliards de dollars à la valeur qu’il pourrait atteindre dans d’autres circonstances. Le rapport ajoute ceci :

[...] les ménages essuieront des pertes de revenu, mais ce sont ceux à faible revenu qui en souffriront le plus. En effet, ces derniers pourraient connaître [...] des pertes de revenus de 12 % dans un scénario d’émissions modérées et de 23 % dans un scénario d’émissions élevées.

Selon les conclusions du rapport, pour maximiser la croissance économique pour tous les Canadiens, il faudra prendre les politiques climatiques beaucoup plus au sérieux, sur le plan de l’adaptation comme de la réduction. Est-ce bien ce que nous faisons actuellement?

Honorables sénateurs, il ne s’agit pas de mythes, mais de faits scientifiques dont nous devons tenir compte.

Il y a quelques semaines, dans les nouvelles nationales, nous avons vu un petit Canadien souriant de 10 ans, mort d’asthme après avoir respiré continuellement la fumée de feux de forêt qui était dans l’air cette année. Il y a quelques années, chers collègues, lorsque le Canada a connu des chaleurs extrêmes, cet événement climatique a contribué à la mort de plus de 600 Canadiens. À l’échelle de la planète, les scientifiques estiment que les décès associés aux températures extrêmes s’élèvent à 5 millions par an.

Les faits scientifiques et le réveil brutal m’incitent à poser la question suivante : quel est l’impact sur les vies humaines? Quel est l’impact sur le système de santé? En juin 2021, l’Institut climatique du Canada a publié un rapport sur ces répercussions :

À la suite d’une évaluation d’un éventail de répercussions possibles dans le cadre de scénarios de faibles et de fortes émissions, le rapport conclut que l’impact du changement climatique pourrait coûter des milliards de dollars au système de santé canadien [...] En ajoutant la valeur de la perte de qualité de vie et les décès prématurés associés aux changements climatiques, le coût économique total pour le Canada atteindrait les centaines de milliards de dollars.

Je le répète : ce n’est qu’au Canada seulement. Qui paiera pour cela? Nous ne pouvons pas ignorer ces faits.

Honorables sénateurs, il s’agit de faits scientifiques, pas de mythes. Je suis certaine que les six médecins qui siègent au Sénat peuvent en parler et expliquer comment, dans leur pratique, ils ont été témoins des réalités du changement climatique.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ces faits. En tant que société, nous avons pris un engagement envers le monde avec l’Accord de Paris. En tant que Canadiens, nous avons pris envers les citoyens, nos enfants et nos petits-enfants l’engagement d’agir et de ne remettre à plus tard ni les mesures nécessaires pour réduire les émissions, ni le coût potentiel de ces mesures, en raison des changements climatiques.

Aucune personne ou industrie ne choisira volontairement d’être assujettie à la tarification du carbone — pas même les gens qui se trouvent ici — si elle n’est pas obligatoire. C’est la seule façon de procéder.

En tant que sénateurs indépendants, nous n’hésitons pas à amender les projets de loi du gouvernement et les projets de loi d’intérêt privé. Nous demeurons fermement résolus à fournir un second examen objectif et nous avons renvoyé des amendements à des projets de loi à l’autre endroit. En fait, le Sénat a renvoyé à l’autre endroit plus de projets de loi amendés que jamais auparavant dans son histoire, et c’est grâce aux sénateurs indépendants qui sont ici.

La sénatrice Ringuette [ - ]

Tel est notre mandat. Il nous incombe de fournir les meilleurs conseils objectifs à l’autre endroit.

J’ai entendu certains dire que l’amendement de ce projet de loi le torpillerait. Chers collègues, j’étais députée avant d’être sénatrice. Le Règlement prévoit que ce projet de loi ne serait pas torpillé, parce qu’il n’y aura pas d’élections avant deux ans, c’est certain. S’il devait y avoir prorogation, nous pouvons aussi nous en remettre au Règlement.

Vous devez savoir que je connais mon métier et que je connais le Règlement.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Honorable sénatrice Ringuette, votre temps de parole est écoulé.

La sénatrice Ringuette [ - ]

Pourrais-je avoir encore 30 secondes?

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Ringuette [ - ]

Oui, cinq minutes.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Sommes-nous d’accord?

La sénatrice Ringuette [ - ]

Merci.

J’appuie l’amendement proposé par la sénatrice Moncion...

Le sénateur Wells [ - ]

Je suis désolé, Votre Honneur, mais je sais qu’il faut un consentement unanime et je ne donne pas mon consentement.

Le sénateur Dalphond [ - ]

J’invoque le Règlement. La sénatrice Ringuette a été interrompue au moins deux ou trois fois pendant son discours. Elle dit qu’elle a besoin de 30 secondes pour terminer son discours. Or, comme elle a été interrompue pendant plus de 30 secondes, Votre Honneur, je pense qu’elle devrait disposer de ces 30 secondes.

La sénatrice Cordy [ - ]

Je suis d’accord.

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Sénateurs, acceptez-vous d’accorder à la sénatrice les 30 secondes qu’elle demande?

Son Honneur le Président suppléant [ - ]

Non? J’ai entendu un « non ». D’accord.

L’honorable Percy E. Downe [ - ]

Honorables sénateurs, je serai très bref. Je tiens simplement à préciser que j’appuie ce projet de loi sans amendement. Les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard travaillent très fort pour s’adapter aux changements climatiques. Toutes les fermes que je connais ont installé des thermopompes et des panneaux solaires.

Le problème pour les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard est que nous n’avons pas de gaz naturel. Tout le pétrole ou le propane est expédié dans notre province. Il y a un coût de transport supplémentaire, et il est très élevé.

Le coût de l’adaptation au changement climatique est permanent et très élevé pour les agriculteurs. Les agriculteurs de la province font tout ce qu’ils peuvent pour atteindre les cibles climatiques fixées et réduire les émissions de carbone. Malheureusement, il leur faudra plus de temps et d’argent qu’ils n’en ont actuellement. Le projet de loi ouvre la voie à une réduction des changements climatiques. C’est la raison de son importance.

Les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard savent qu’ils doivent lutter contre les changements climatiques, et ils prennent déjà part à cette lutte, mais elle leur coûte très cher.

Une situation semblable est ce que le gouvernement du Canada vient de faire avec la subvention pour le mazout et l’exemption pour les gens de l’Île-du-Prince-Édouard — pas seulement de l’Île‑du-Prince-Édouard, mais d’autres régions du Canada. Le gouvernement a reconnu qu’il allait trop vite avec ses augmentations et que cela empêchait les gens, bien honnêtement, de chauffer leur maison. Un député du Canada atlantique — pas de l’Île-du-Prince-Édouard — m’a dit pas plus tard que la semaine dernière que des gens de sa région se retrouvaient face à un dilemme impossible : chauffer leur maison ou acheter de la nourriture. Une femme a dit à ce député que sa facture de chauffage coûte si cher qu’elle mange du poulet ou un steak seulement lorsqu’une nièce ou un neveu l’invite à dîner le dimanche.

Les mesures prises récemment par le gouvernement, notamment à l’égard du mazout, ont été accueillies favorablement à l’Île-du-Prince-Édouard. Cela a énormément réduit les coûts, ce qui aide tout le monde. Ce projet de loi aidera plus précisément les agriculteurs.

J’aimerais également revenir sur ce qu’a dit le sénateur Colin Deacon au sujet des projets de loi qui sont renvoyés au Sénat, comme le projet de loi C-208, qui visait à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour le transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale. J’ai appuyé ce projet de loi. J’ai été inspiré par l’appui de tous les partis. Des députés libéraux l’ont appuyé, dont celui qui présidait à l’époque le Comité des finances de la Chambre des communes, l’honorable Wayne Easter, qui est de l’Île-du-Prince-Édouard.

Lorsque ce projet de loi a été renvoyé au Sénat, il a attiré mon attention. Comme beaucoup d’entre vous le savent, contrairement à certains sénateurs indépendants, je suis un sénateur indépendant libéral. Je partage les valeurs et les intérêts du Parti libéral et, par conséquent, j’appuie de 95 % à 97 % des projets de loi du gouvernement libéral au Sénat.

Dans ce cas, j’ai été étonné par le fait que ces députés libéraux ont voté contre ce que l’exécutif voulait faire. Il y a là une distinction à faire. C’est la même chose avec ce projet de loi. L’exécutif veut que ce projet de loi soit adopté. La Chambre des communes a dit « non », puis elle a voté pour le projet de loi, y compris des députés libéraux. Deux députés libéraux de ma province, Robert Morrissey, d’Egmont, et Heath MacDonald, de Malpeque, ont voté pour le projet de loi C-234, ce qui m’envoie un message, comme dans le cas du projet de loi C-208, pour lequel de nombreux députés libéraux avaient voté. Le Parti libéral et le gouvernement libéral ne sont pas comme une secte, comme en Corée du Nord, où tout le monde parle du « cher leader ». Le gouvernement commet parfois des erreurs. C’est ce qu’il a fait dans le cas du projet de loi C-208. Le Sénat a fait ce qu’il fallait en le renvoyant à la Chambre, et, comme l’a indiqué le sénateur Deacon, il a fini par être corrigé après un long moment.

Il en va de même pour ce projet de loi. Lorsque les députés libéraux — des députés élus à la Chambre des communes — adoptent un projet de loi, cela a de grandes répercussions sur moi. Je le remarque; j’y prête attention. Je ne pense pas qu’il m’appartienne de leur dire qu’ils ont tort, surtout lorsqu’ils sont élus par les agriculteurs de leur circonscription et qu’il s’agit d’un projet de loi important pour eux. Étant donné que le projet de loi est important pour les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard, il est important pour moi de soutenir les habitants de ma province et ceux qui travaillent dans l’industrie agricole.

Merci, chers collègues.

L’honorable Jim Quinn [ - ]

Honorables sénateurs, je serai bref. Même si j’ai essayé à trois reprises de poser une question, je vais la poser sous forme de débat. Depuis des mois, nous entendons parler à la Chambre de la question de la sécurité alimentaire, du péril qui guette les agriculteurs et les exploitations agricoles au pays, de la perte quotidienne d’exploitations agricoles et de la difficulté pour les agriculteurs de léguer leur ferme à la prochaine génération à cause des règles qui sont en place. Nous avons entendu tous ces arguments.

Je pense que nous entendons d’autres arguments ce soir. En fait, d’excellents discours ont été prononcés, y compris le vôtre, et celui de la sénatrice Ringuette — pour qui j’ai le plus grand respect, comme vous le savez. Dans ces discours, vous avez clairement démontré que cet enjeu est véritablement lié aux changements climatiques.

Les élus ont présenté un projet de loi. Dieu sait que nous avons eu bon nombre de débats et de discussions sur la pertinence de notre rôle par rapport aux projets de loi que nous présente la Chambre élue et sur ce que nous faisons et la façon dont nous le faisons. Nous avons entendu parler de la nécessité de faire preuve de retenue à cet égard.

Un comité formé de nos honorables collègues s’est penché sur la question et nous a présenté le projet de loi sans proposition d’amendement.

Au lieu d’étudier un amendement et d’en quelque sorte prendre du recul par rapport à celui-ci afin de décider si le projet de loi doit être amendé ou non, je propose que nous agissions comme une Chambre de second examen objectif devant les Canadiens et les parties prenantes, soit le milieu agricole, et que nous traitions du projet de loi lui-même.

Je n’appuierai pas l’amendement, simplement pour être en mesure d’exprimer mon opinion sur le projet de loi et de traiter de la question elle-même, à savoir les changements climatiques, et non d’amendements qui font ceci ou cela, qui présentent un risque ou qui n’en présentent pas. Je respecte votre opinion et votre expérience.

Voilà la question dont nous sommes saisis : allons-nous étudier le projet de loi dans sa forme actuelle, ou allons-nous nous cacher derrière un amendement en évitant d’agir comme un Sénat se doit de le faire pour le bien de ceux que nous représentons dans nos régions? Merci.

Sénateur Quinn, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Quinn [ - ]

Ce soir, j’écoute mes collègues, mais je peux répondre à une question.

C’était une fois de plus une excellente intervention.

Êtes-vous satisfait de la quantité de données que vous avez reçues au sujet de ce projet de loi, qu’elles y soient favorables ou non? Je parle des données que nous avons reçues au sujet des changements climatiques. Nous avons reçu des données sur les agriculteurs, qui sont extrêmement importants pour l’économie canadienne. Ils représentent 10 % de notre PIB.

Êtes-vous satisfait des données financières que vous avez obtenues? Si vous l’êtes, ce n’est pas mon cas. J’aimerais vous entendre à ce sujet.

Je vais passer à ma deuxième question, car vous dites que vous voudriez traiter du projet de loi. Mon problème, c’est que je ne pense pas qu’on nous a fourni des données impartiales. Nous venons ici, nous étudions un projet de loi et nous tentons de prendre une décision — une importante décision. Il ne faut pas se contenter d’examiner un seul côté de la médaille. Ces dernières semaines, nous avons été inondés de courriels allant tous dans le même sens. Normalement — si vous avez déjà étudié un projet de loi sur les armes à feu —, on vous présente les pour et les contre. Mais c’est tout ce que nous avons reçu, et nous en avons reçu des milliers. Je veux comprendre. Êtes-vous satisfait?

Notre travail consiste à procéder à un second examen objectif, et je ne crois pas avoir reçu toutes les données qui me permettraient d’examiner ce projet de loi pour ensuite décider clairement si, au bout du compte, je vais voter pour ou contre.

Le sénateur Quinn [ - ]

Merci, sénatrice. Je commencerais en vous disant que, en tant qu’ancien dirigeant principal des finances au sein du gouvernement du Canada, je m’abstiendrai de commenter. Je n’ai pas suffisamment d’information sur les aspects financiers de la question.

Cependant, j’ai suffisamment d’information sur les aspects relatifs aux changements climatiques. Nous avons un groupe de sénateurs préoccupés par les changements climatiques qui se réunissent chaque mois et qui entendent d’excellents orateurs et discours. D’ailleurs, nous en avons entendu un cette semaine. La sénatrice Coyle accomplit un excellent travail pour diriger ces activités.

Oui, j’ai certainement assez d’information pour prendre une décision éclairée au sujet du projet de loi. Je suis convaincu que notre comité a fait son travail. Je fais pleinement confiance aux personnes élues, que nous avons entendues à maintes reprises. Cela dit, nous devons vraiment faire preuve de retenue dans notre manière de gérer ce qui nous provient des élus. Avec tout le respect que je vous dois, je constate que nous élaborons des exceptions à mesure que nous progressons dans l’examen de votre amendement.

C’est notre devoir en tant que sénateurs de saisir l’occasion d’exprimer notre point de vue devant les Canadiens — y compris devant le milieu agricole — à l’égard du projet de loi. À mon avis, ce projet de loi est directement lié au programme du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques, un programme essentiel.

Merci.

L’honorable David M. Wells [ - ]

Honorables sénateurs, je vous remercie de vos interventions. J’apprécie tous les angles abordés ainsi que les discussions sur le sujet.

On m’a accusé, pendant l’une des interventions, de nier l’existence des changements climatiques. Je peux vous garantir que c’est faux. Je constate les effets des changements climatiques chaque jour dans ma province. J’habite à proximité de la côte. Je les vois. J’ai passé 35 ans dans l’industrie de la pêche, et je peux voir les changements considérables qui se produisent dans cette industrie justement à cause des changements climatiques. Je ne les nie pas. Je crois que les changements climatiques sont réels et que nous devons faire quelque chose. Je crois toutefois que ce qui doit être fait exige un effort mondial.

Chers collègues, je vais parler de l’amendement. J’espère ne pas prendre plus de 15 minutes.

L’élément clé de l’amendement, c’est le décret ou le gouverneur en conseil. Le gouverneur en conseil peut, par décret — ce qu’il est proposé de supprimer —, établir le texte d’une résolution prévoyant un report et précisant la durée de ce report.

Pour les sénateurs qui ne savent pas ce qu’est un décret, il s’agit d’une directive du Cabinet. C’est ce qu’on appelle un décret.

Un décret fédéral est un texte réglementaire par lequel le gouverneur général, c’est-à-dire le pouvoir exécutif du gouverneur en conseil agissant sur l’avis et le consentement du Conseil privé du Roi, exprime une décision. Voilà ce qu’est un décret. Il s’agit essentiellement d’une décision du Cabinet.

Le libellé précis qu’il est proposé de supprimer dans l’amendement de la sénatrice Moncion a été repris textuellement d’un autre projet de loi intitulé Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, qui, je crois, a été adopté en 2014. Cette loi portait sur ce qu’on appelle l’interconnexion. Il s’agissait d’une disposition d’interconnexion qui permettait au Cabinet de permettre très rapidement — et au besoin —, s’il y avait un problème avec l’acheminement du grain d’une ligne ferroviaire vers le marché — ce qui s’est produit en 2015 — et ce décret, ce libellé, permettait donc au Cabinet de dire : « Vous pouvez transférer ce grain vers une autre ligne. »

Cette disposition était destinée à éviter que le grain ne pourrisse dans les wagons ou les silos en attendant l’arrivée d’autres wagons. Or, c’est justement dans ce contexte que cette disposition a été employée.

En 2015, le gouvernement du premier ministre Trudeau a invoqué cette disposition d’interconnexion de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains afin de permettre le transport du grain vers une autre ligne de chemin de fer et son acheminement rapide vers les marchés. Il fallait agir rapidement.

S’il fallait, comme le propose l’amendement, passer par une motion présentée à la Chambre des communes et par une motion présentée au Sénat pour qu’elle y fasse l’objet d’un débat, et s’il fallait que chacune des deux chambres donne son avis, le processus prendrait beaucoup trop de temps, ce qui aurait certainement été le cas en ce qui concerne la disposition d’interconnexion, qui se retrouve textuellement dans l’article du projet de loi qui porte sur son entrée en vigueur. Or, c’est cette disposition que la sénatrice Moncion propose de modifier.

Je tenais à aborder cet aspect, car il n’en a pas été question dans le débat concernant cet amendement.

Honorables collègues, le Comité de l’agriculture de la Chambre des communes a proposé un amendement pour changer la durée de ces mesures. Si on adoptait ce projet de loi sans amendement, la disposition de temporisation entrerait en vigueur au bout de huit ans. Dans la version initiale, elle devait s’appliquer au bout de 10 ans. Le député néo-démocrate Alistair MacGregor a proposé un amendement pour faire passer cela de 10 à 8 ans. On en a débattu un peu, puis on a adopté l’amendement sans le mettre aux voix. On l’a adopté sans réserve.

Tous les partis représentés au Comité de l’agriculture de la Chambre des communes se sont plus ou moins penchés sur la question, et on a convenu d’opter pour huit ans.

Or, cet amendement de la sénatrice Moncion propose d’enlever cette disposition et de ne pas fixer cela à huit ans.

On a débattu de la même question — pardon, je ne parle pas des huit ans, mais des décrets — au sein du comité, et on a rejeté la proposition à l’autre endroit, au Comité de l’agriculture de la Chambre des communes. Ensuite, évidemment, notre comité s’est penché là-dessus, et la proposition a été rejetée de nouveau.

Honorables collègues, nous disons souvent — et j’en ai parlé dans mon discours à l’étape du rapport — que nous sommes ici pour améliorer les projets de loi. Nous avons tous entendu dire cela. Nombre d’entre nous l’ont peut-être dit également. Je sais que je l’ai déjà dit. Or, cet amendement n’améliore pas le projet de loi. Il fait plutôt le contraire.

Chers collègues, je voudrais maintenant parler des amendements du Sénat à un projet de loi d’initiative parlementaire. Nous disons : « Oh, cela va torpiller le projet de loi s’il est renvoyé à l’autre endroit. Cela va le couler. » C’est très facile à dire, mais je vais expliquer pourquoi un amendement du Sénat à un tel projet de loi aurait cet effet.

Je lis un extrait de la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, qui date de 2017 et dit ceci :

Lorsque l’affaire atteint le haut de l’ordre de priorité, elle est étudiée durant l’heure réservée aux Affaires émanant des députés et, si l’on n’a pas terminé son étude à la fin de cette heure, elle est reportée au bas de l’ordre de priorité […]

Le sénateur Cuzner le sait très bien, tout comme la Présidente intérimaire, la sénatrice Ringuette.

Comme il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire modifié par le Sénat, s’il est renvoyé à la Chambre, il serait précédé par 25 projets de loi d’initiative parlementaire, je me suis informé. Ces projets de loi font l’objet d’une heure de débat par jour. En fait, depuis l’énoncé économique de l’automne, ces discussions d’une heure n’ont pas eu lieu. C’est ce qu’on appelle la période réservée aux initiatives parlementaires. Il n’y en a pas depuis l’énoncé économique de l’automne. Et, en raison du débat sur l’énoncé économique de l’automne, les périodes réservées aux initiatives parlementaires continueront à être retardées. Donc, même si le projet de loi était adopté aujourd’hui avec un amendement, il ferait la queue et ne serait étudié pour la première fois que le 8 février 2024. Comme il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire modifié par le Sénat, les règles sont différentes d’un projet de loi d’initiative parlementaire modifié par l’autre endroit. Il y a une limite de temps — une durée maximale prévue — pour un projet de loi d’initiative parlementaire qui vient de la Chambre. Cette limite est de deux heures. Après deux heures, il est renvoyé.

S’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire amendé par le Sénat, il n’y a aucune limite de temps. Il peut être étudié pendant cette heure, et si son étude n’est pas terminée, il retombe au bas de l’ordre de priorité. Lorsque celui remonte en haut de la liste, il peut de nouveau être étudié. Tout ce que ceux qui s’opposent à ce projet de loi ont à faire, c’est de proposer des députés pour qu’ils prennent la parole. Une fois cette heure écoulée, le projet de loi retombe au bas de la liste et est étudié de nouveau pendant une heure dans un délai de 25 jours, ou en fonction du nombre de projets de loi qui le précèdent. Quatre députés peuvent prendre la parole pendant 15 minutes chacun. Si l’étude du projet de loi n’est pas terminée, il retombe au bas de l’ordre de priorité. Voilà, chers collègues, comment on peut torpiller un projet de loi de manière inavouée.

Je sais qu’à l’autre endroit, il y a 15 projets de loi d’initiative parlementaire qui font l’objet d’amendements et qui sont étudiés pendant l’heure réservée aux initiatives parlementaires, et j’en ai la liste.

Six projets de loi d’intérêt public du Sénat amendés y sont étudiés, ainsi que deux motions, qui doivent aussi être abordées dans l’heure réservée aux initiatives parlementaires. Quand on dit que le projet de loi sera torpillé, c’est qu’il est facile de torpiller un projet de loi sans le faire directement. Il suffit de le laisser mourir en permettant à des personnes de prendre la parole. Le projet de loi retombe ensuite au bas de la liste. Je voulais l’expliquer. Je pense que c’est important, parce que je pense que c’est ce qui se passe dans le cas présent.

Je ne le savais pas avant, mais je le sais maintenant. Nous le savons tous maintenant.

La dernière chose dont je voulais parler, chers collègues, et j’en ai parlé l’autre jour quand j’ai pris la parole — je ne me souviens pas du jour de mon dernier discours — au sujet de ce projet de loi, parce que je pensais que ce serait facile. Je me disais que c’était un principe qu’il valait la peine de défendre. Cela concerne les agriculteurs, les éleveurs, les producteurs et ceux qui fournissent notre nourriture. On ne parle pas de fabricants de raquettes de tennis ou de pneus. On parle des gens qui produisent la nourriture que nous consommons. Ils vivent des moments assez difficiles. Chaque année, ils doivent faire face à tous les problèmes imaginables. Leurs coûts sont élevés déjà.

Puis, il y a les effets des changements climatiques, qu’il s’agisse d’inondations, de sécheresses, voire des deux au cours de la même année. Cela peut ruiner des récoltes et nuire aux animaux. Les températures peuvent être très élevées. Nous l’avons observé ces deux dernières années avec les dômes de chaleur dans l’Ouest. Cela tue les animaux. Nous avons vu les incendies de forêt, ainsi que les feux de broussaille et d’herbe, qui empêchent les terres d’être utilisées pour l’agriculture ou l’élevage.

Chers collègues, je pensais que c’était un projet de loi facile. Je pensais qu’il s’agissait d’une question qui faisait vraiment l’unanimité et que je pouvais confortablement soutenir, et ce, par principe, parce que je crois aux changements climatiques et en ceux qui produisent les aliments pour nous et pour le monde entier. Le Canada est un important fournisseur de grains et d’oléagineux pour le monde entier.

Quand je pense aux problèmes que peuvent rencontrer les agriculteurs, qu’ils soient liés aux conditions météorologiques ou aux prix, étant donné qu’ils ne choisissent pas toujours les prix, car ceux-ci sont choisis sur le marché de Chicago ou à une autre table de négociation. Ils ne sont pas maîtres des prix et ils ne sont pas toujours maîtres de leurs coûts non plus. Ces coûts leur sont imposés. Ils doivent faire l’acquisition de séchoirs à grains. La sénatrice Batters nous a indiqué que le prix d’achat d’un séchoir à grains est de 300 000 $. Or, les agriculteurs qui ne sont pas en mesure de payer ce montant au comptant — et je n’en connais pas beaucoup qui peuvent se le permettre — sont contraints de payer des frais de location. Tout l’équipement dont ils doivent faire l’acquisition fait généralement l’objet d’un programme de location, ce qui représente également des coûts. Or, ces coûts ont certainement augmenté en raison de la hausse des taux d’intérêt.

Bien que nous ayons tous des obstacles à surmonter, je pense à tous ceux auxquels sont confrontés chaque année les agriculteurs, les éleveurs et les cultivateurs, qu’il s’agisse de parasites, de virus ou de maladies qui touchent leurs cultures. Ce sont autant d’obstacles qu’ils doivent surmonter chaque année. Il se peut qu’ils aient une bonne année et qu’ils ne se heurtent qu’à quelques-uns de ces obstacles. En règle générale, ceux-ci se manifestent régulièrement et entraînent invariablement des coûts élevés. Qu’il s’agisse de perte de récoltes, de bêtes ou de temps, c’est toujours une perte d’argent.

En fait, ce projet de loi permet aux agriculteurs de garder un peu plus d’argent dans leurs poches. Je crois que l’augmentation d’une taxe sur un carburant de transition, contrairement... J’ai posé au sénateur Dalphond une question au sujet du prix, mais je n’ai pas entendu de réponse compréhensible. Quel est le signal de prix? Quel signal envoie-t-on au marché si on accorde une exemption pour le diésel, mais pas pour le gaz naturel ni le propane? C’est toujours par ce point que je commence quand je tente de faire accepter l’idée du projet de loi, car cela n’a pas de sens.

J’ai des idées claires au sujet du projet de loi. Je ne prends pas le débat à la légère. J’apprécie, bien sûr, tous ceux qui sont en faveur du projet de loi non amendé, mais je suis heureux aussi de devoir réfléchir aux arguments de ceux qui s’opposent au projet de loi. Je comprends. Tout le monde ne pense pas comme moi, et c’est probablement une bonne chose.

Je veux conclure, si nous sommes en train de terminer la partie du débat sur l’amendement de la sénatrice Moncion, en disant ce que ce dernier fait vraiment : il enlève au Cabinet le pouvoir de prolonger ou de raccourcir le délai de caducité de la mesure législative ou de le maintenir tel quel, c’est-à-dire à huit ans. La nécessité accordée au Cabinet par les dispositions du projet de loi est là, comme elle l’était dans le cas de l’interconnexion, et cette disposition est nécessaire et toujours en place, prête à être utilisée par n’importe quel gouvernement jusqu’à ce qu’elle soit supprimée.

Chers collègues, je veux simplement dire qu’il s’agit d’un très bon projet de loi. Il aide les agriculteurs, les producteurs et les éleveurs et, ultimement, il aide les consommateurs et l’économie. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Dalphond, voulez-vous poser une question?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Oui. Est-ce que l’honorable sénateur accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Wells [ - ]

Oui, sénateur Dalphond.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Ma question est très brève. Savez-vous qu’à l’autre endroit, il est possible d’échanger de places? Si vous êtes le no 25 sur l’ordre de priorité et qu’un membre de votre propre caucus est le no 2, vous pouvez échanger vos places et vous rendre directement au haut de la liste.

Le sénateur Wells [ - ]

Merci, sénateur Dalphond. Bien sûr, je suis au courant, mais cela ne change rien au processus. On peut monter dans l’ordre de priorité, mais aussi descendre rapidement après un débat d’une heure avec quatre intervenants. C’est aussi simple que cela.

Il n’y a aucune garantie qu’on pourra changer de place avec quelqu’un. Tous ceux qui ont un projet de loi d’initiative parlementaire prennent ces choses très au sérieux. Certains attendent peut-être depuis des années. Certains ont la chance de se retrouver au haut de la liste lors du tirage au sort. Je pense que c’est un lourd sacrifice, et il n’y a quand même aucune garantie.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Dasko, vous avez une question. Sénateur Wells, votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Wells [ - ]

J’accepterais de répondre à la question de la sénatrice Dasko.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le sénateur Wells aimerait répondre à une autre question. Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

L’honorable Donna Dasko [ - ]

Merci, sénateur, de vos observations.

Vous avez dit — et je vous crois — que vous ne niez pas le problème du carbone...

Le sénateur Wells [ - ]

Je ne suis pas climatosceptique; je suis sceptique de la taxe sur le carbone.

La sénatrice Dasko [ - ]

Oui, désolée. Climatoseptique. J’ai été inspirée par l’expression « le chat est sorti du sac » dans le discours de la sénatrice Ringuette. Je comprends que vous appuyez le projet de loi parce que vous êtes inquiet pour les agriculteurs. Je le crois sincèrement. Ce projet de loi a-t-il aussi pour objectif d’éliminer la taxe sur le carbone?

Le sénateur Wells [ - ]

Merci beaucoup de votre question, sénatrice Dasko.

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai dit très clairement que ce projet de loi n’avait rien à voir avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer la taxe sur le carbone. Je savais que s’il fallait que le débat au Sénat sur ce projet de loi tourne autour de cette idée, la salle serait divisée et il n’y aurait pas de possibilité de convergence des points de vue.

Le fait est qu’il y a une taxe sur le carbone et que c’est un outil du gouvernement. Je l’accepte. Le gouvernement a été élu pour diriger et il prend des mesures. Je ne les aime pas toutes. Il y en a que j’aime et d’autres pas, mais j’accepte que cette mesure-là existe.

Comme nous l’avons déjà dit, il s’agit d’une exemption juste et raisonnable. Elle est conforme aux dispositions concernant la taxe sur le carbone, qui prévoient la possibilité d’exemptions. Je crois qu’il s’agit d’une exemption raisonnable. D’ailleurs, tant qu’à parler de changements climatiques, il s’agit probablement d’une exemption plus raisonnable que celle qui existe déjà pour le diésel et l’essence. Je vous remercie de votre question.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Vous avez trois minutes, sénateur Wells. C’est vrai, nous nous étions entendus pour que ce soit une question. À moins, sénateur Wells, que vous souhaitiez répondre à une autre question.

Le sénateur Wells [ - ]

Merci. Je répondrai à la question de la sénatrice LaBoucane-Benson, si le Sénat le souhaite.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Êtes-vous d’accord? J’ai entendu un « non ».

Chers collègues, nous poursuivons le débat?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

L’honorable sénatrice Moncion, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dupuis, propose en amendement que le projet de loi ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

L’honorable Michèle Audette [ - ]

Madame la Présidente, le vote sera reporté à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le vote est donc reporté. Conformément à l’article 9-10(6) du Règlement, il aura lieu après le vote que nous avons déjà reporté aujourd’hui sans que les cloches se fassent entendre de nouveau, donc immédiatement après l’autre vote.

Haut de page