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L'Énoncé économique de l'automne 2023

Interpellation--Ajournement du débat

28 novembre 2023


L’honorable Pierrette Ringuette [ - ]

Conformément au préavis donné par la sénatrice LaBoucane-Benson le 22 novembre 2023 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur l’Énoncé économique de l’automne 2023, déposé à la Chambre des communes le 21 novembre 2023 par la vice-première ministre et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, et au Sénat le 22 novembre 2023.

— Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui de l’énoncé économique de l’automne, qui a été présenté la semaine dernière. Cet énoncé offre un peu de répit à de nombreux Canadiens et s’attaque à plusieurs dossiers économiques de l’heure, à commencer par les frais excessifs qu’exigent les entreprises de téléphonie cellulaire et les banques, un problème que je dénonce justement depuis des années.

En ce qui concerne le prix des logements, j’ai aussi souvent dénoncé auprès du Comité des banques la rigidité des règles hypothécaires imposées aux institutions financières par le Bureau du surintendant des institutions financières. Le gouvernement fédéral demande aujourd’hui aux institutions financières d’allonger les périodes d’amortissement offertes afin d’alléger la pression qu’exercent les taux d’intérêt élevés sur les propriétaires, du moins le temps que nous réussissions à réduire le taux d’inflation, même si la hausse du taux d’inflation est surtout due aux pétrolières, dont les profits ont doublé ces dernières années.

L’énoncé économique de l’automne aborde aussi la suspension temporaire, annoncée dernièrement, qui a été accordée au mazout domestique, ce qui me permet de tirer certaines choses au clair.

Chers collègues, depuis des années passent sous mes yeux des projets de loi budgétaires consacrant des milliards de dollars aux transports en commun dans les régions urbaines. Depuis 2015, le gouvernement a annoncé 13 milliards de dollars pour moderniser les réseaux urbains de transports en commun. Dans le plus récent budget, il en a annoncé 14,9 milliards de plus, ce qui nous mène à 27,9 milliards de dollars uniquement pour le transport en zone urbaine.

En voyant ces annonces et ces projets de loi budgétaires, je me demandais : « Ces mesures sont-elles justes pour les régions rurales du Canada? » Elles ne l’étaient pas, parce qu’il n’y a pas de transports en commun dans la plupart des régions rurales.

Pendant que je me demandais pourquoi le gouvernement affectait ces milliards de dollars aux transports en commun des villes, je n’ai rien dit. Et si je n’ai rien dit, c’est parce que, au bout du compte, les projets de réduction des émissions de carbone sont avantageux pour l’ensemble des Canadiens.

La semaine dernière, quand le gouvernement fédéral a annoncé qu’il accordait une suspension temporaire au mazout domestique utilisé dans les régions rurales, je me suis sentie plus encline à tolérer les milliards de dollars consacrés au transport urbain. Or, à ma grande surprise, que ce soit ici au Sénat ou ailleurs, de nombreux sénateurs provenant autant des régions rurales qu’urbaines du pays ont qualifié cette politique d’injuste. Quand on tient compte du portrait d’ensemble et des faits au lieu de se laisser porter par l’idéologie, les critiques visant les Canadiens de l’Atlantique ne tiennent pas la route. Mon cœur se mettait à battre la chamade chaque fois que j’entendais quelqu’un dénoncer cette mesure inédite permettant aux Canadiens des régions rurales de réduire leurs émissions de carbone.

Eh bien aujourd’hui, honorables collègues, j’ai fini de me taire. Aujourd’hui, je me porte à la défense des Canadiens des régions rurales. Aujourd’hui, j’entends défendre la région de l’Atlantique contre les opinions partiales qui font fi de tout l’argent que le gouvernement fédéral a consacré au transport urbain dans le but de réduire les émissions des grandes villes.

Je n’ai jamais entendu personne ici critiquer les investissements dans le transport urbain. Eh bien les critiques contre les Canadiens des régions rurales — de toutes les régions rurales, pas seulement du Canada atlantique —, à qui le gouvernement fédéral vient enfin d’offrir une pause leur permettant de mieux réduire leurs émissions, sont injustes. Les Canadiens des régions rurales qui ont un revenu moins élevé veulent quand même participer pleinement aux initiatives canadiennes et mondiales de réduction des émissions.

Voici les faits associés à la suspension de trois ans qui a été annoncée, faits que vous pourrez vérifier dans le document produit par le directeur parlementaire du budget le 17 novembre.

L’annonce en question comporte trois éléments. Premièrement, elle soustrait temporairement le mazout domestique à la tarification du carbone, et ce, pour l’ensemble des Canadiens. Deuxièmement, elle double pendant trois ans le remboursement sur le prix du carbone qui est accordé aux habitants des régions rurales du Canada. Troisièmement, elle bonifie de 5 000 $ le Programme pour la conversion abordable du mazout à la thermopompe, en partenariat avec les provinces qui le souhaitent, ce qui permettra aux propriétaires à faible revenu d’obtenir gratuitement une thermopompe moyenne et aux propriétaires en général de réduire leurs émissions et de profiter d’une baisse de leur facture de chauffage pouvant atteindre 2 500 $ par année. J’espère que ce troisième élément est clair pour tous.

Maintenant, passons à ce que cela signifie que de soustraire temporairement le mazout domestique de la tarification du carbone, et ce, pour la totalité des Canadiens, ce qui représente 1,1 million de maisons. Sur ces 1,1 million de maisons, 267 000 sont en Ontario, 287 000 dans l’Atlantique et le reste, soit 546 000, sont réparties dans les zones rurales de l’Ouest et du Nord du pays. Maintenez-vous qu’il s’agit d’un programme destiné uniquement au Canada atlantique?

La suspension de trois ans, qui va des derniers mois de 2023 à la fin de l’exercice 2026-2027, devrait coûter 1,075 milliard de dollars. Je rappelle en outre que 26 % des ménages qui profiteront la suspension temporaire de la tarification du carbone sur le mazout temporaire utilisé dans les régions rurales proviennent du Canada atlantique, 24 % de l’Ontario et 50 % de l’Ouest. Ce sont les faits.

Maintenant que vous avez tous les faits sur le premier élément de cette annonce, passons au deuxième élément, à savoir le doublement du remboursement par province qui est offert aux Canadiens des régions rurales, et qui s’étendra sur sept ans, soit de 2024-2025 à 2030-2031.

Terre-Neuve recevra 161 millions de dollars de plus; la Nouvelle-Écosse, 189 millions; le Nouveau-Brunswick, 117 millions; l’Ontario, 1,005 milliard; le Manitoba, 243 millions; la Saskatchewan, 449 millions; et l’Alberta, 881 millions, pour un grand total de 2,97 milliards de dollars.

J’aimerais attirer votre attention sur un point, et je m’adresse plus particulièrement aux sénateurs Downe, Francis et MacAdam parce que, comme l’a rappelé le directeur parlementaire du budget, l’Île-du-Prince-Édouard ne recevra rien de plus parce qu’aux yeux de Statistique Canada, l’île tout entière est considérée comme une région cosmopolitaine; la province n’est pas considérée comme une région rurale. Il faudra s’y atteler et se mettre au travail pour l’Île-du-Prince-Édouard, chers collègues.

Le doublement du remboursement pour les régions rurales du Canada se répartira ainsi : 15,5 % pour le Canada atlantique, 33,8 % pour l’Ontario et 52,9 % pour le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta, qui obtiennent la plus grosse part. Je répète, chers collègues : la part du Canada atlantique n’est que de 15,5 %.

Honorables sénateurs, maintenant que vous avez tous les faits sur l’annonce destinée aux Canadiens des régions rurales, ne voyez-vous pas que certains, y compris dans les médias, ont critiqué très injustement le Canada atlantique, ce qui est tout simplement inacceptable à mes yeux? Vous comprenez maintenant pourquoi je tiens à présenter les faits tels qu’ils sont au lieu de tomber dans les mythes politiques.

En tout et pour tout, les deux premières parties de l’annonce représentent un investissement de 4,04 milliards de dollars sur sept ans pour les régions rurales. Comparons cette somme aux 27,9 milliards pour les transports en commun des villes dont je parlais au début. C’est sans parler du fait que les usagers des transports en commun peuvent déduire le montant de leurs laissez-passer de leur revenu fiscal, alors que les habitants des régions rurales ont besoin d’une voiture, qu’ils doivent remplir d’essence, assurer et entretenir, pour aller au travail et qu’ils ne peuvent déduire aucune de ces dépenses de leur revenu. Vous comprenez maintenant pourquoi je ne peux plus demeurer silencieuse quand d’aucuns crient à l’injustice. Au moins tenez-vous-en aux faits.

Le Sénat exige que, personnellement et collectivement, nous poussions l’analyse un cran plus loin. J’ai toujours prôné la justice pour l’ensemble des Canadiens, mais désormais, quand j’entendrai des gens critiquer les Canadiens de l’Atlantique et des régions rurales sans avoir d’abord fait leurs recherches, je vais mettre mon pied à terre. Peut-être serai-je la seule à le faire, mais j’entends rétablir les faits et démolir les arguments sans fondement. Je vous remercie.

L’honorable Percy E. Downe [ - ]

Merci de vos commentaires, sénatrice Ringuette, car ils sont toujours intéressants.

Vous m’avez pris par surprise quand je vous ai entendu dire que le gouvernement fédéral considère l’Île-du-Prince-Édouard comme une région « cosmopolitaine » — je crois que c’est l’adjectif que vous avez utilisé — et non rurale. Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Qu’est-ce que cela signifie pour ma province en ce qui concerne l’initiative annoncée la semaine dernière?

Comme vous le savez, il n’y a pas de gaz naturel à l’Île-du-Prince-Édouard. Le pétrole et le propane y sont importés, et les frais de transport supplémentaires sont exorbitants. Je connais bien des gens dont la facture de mazout peut atteindre 800 $, voire 1 000 $ pour quatre semaines. Le gouvernement provincial a créé un programme qui permet aux ménages dont le revenu est inférieur à 75 000 $ d’obtenir gratuitement une thermopompe. Le gouvernement fédéral vient d’annoncer un autre programme, mais la province a déjà une bonne longueur d’avance pour l’utilisation des thermopompes, des panneaux solaires et autres équipements du genre.

Pouvez-vous nous en dire plus long sur l’Île-du-Prince-Édouard? Je vous remercie.

La sénatrice Ringuette [ - ]

Dans le document que j’ai étudié, le directeur parlementaire du budget n’a assigné aucun montant à l’île pour le doublement du remboursement destiné aux régions rurales parce que, techniquement, aux yeux de Statistique Canada, la totalité de la province est une région métropolitaine. Voilà pourquoi j’ai tenu à alerter mes collègues de l’Île-du-Prince-Édouard, au cas où ils souhaiteraient pousser l’enquête plus loin. Si la situation doit être corrigée, corrigeons-la, parce qu’autrement, ce serait terriblement injuste.

L’endroit où je vis compte 15 000 habitants et il n’est pas considéré comme une région métropolitaine, mais rurale.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Votre temps de parole est écoulé, sénatrice. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Ringuette [ - ]

Cinq minutes de plus, je vous prie, sénateurs.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le consentement est-il accordé?

L’honorable Jim Quinn [ - ]

Merci de vos commentaires, sénatrice Ringuette. Je crois qu’il est temps que les Canadiens comprennent qu’il y a des gens qui se chauffent au mazout partout au pays. Je suis conscient de ce qu’il en coûte. Je vous remercie également d’avoir fondé votre analyse sur les faits.

Ma question va dans le même sens que celle du sénateur Downe, car je me vois maintenant dans l’obligation de remettre en question toute l’information qui nous est fournie, parce que si l’Île-du-Prince-Édouard est considérée comme une région métropolitaine, et comme une seule et même entité, je me dois de douter du jugement de ceux qui en sont arrivés à cette conclusion. Je me suis souvent rendu à l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai traversé l’île à vélo grâce à ses nombreuses pistes cyclables. La grande majorité du temps, soit on est entouré de fermes, soit on longe la mer. Summerside elle-même peut difficilement être qualifiée de zone métropolitaine.

Voilà qui me fait douter de la légitimité des observations du directeur parlementaire du budget ou de je ne sais qui d’autre, mais qui me fait aussi douter de la fiabilité du reste de l’analyse.

La sénatrice Ringuette [ - ]

L’analyse du directeur parlementaire du budget est très rigoureuse. C’est purement pour des raisons d’ordre statistique qu’il a exclu l’Île-du-Prince-Édouard.

C’est la deuxième fois en six mois que je signale que Statistique Canada publie des données erronées au sujet des habitants de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous devons unir nos forces, et les sénateurs de la province pourront compter sur moi pour tirer au clair toutes ces situations qui finissent par désavantager les habitants de l’île. C’est inexact. À mon avis, l’Île-du-Prince-Édouard n’est qu’un ensemble de collectivités rurales.

Sénatrice Ringuette, vous avez parlé d’un montant de 15 000 $; il y avait une mesure incitative de 10 000 $ du gouvernement fédéral qui a été augmentée de 5 000 $. Pour l’instant, le Nouveau-Brunswick est la seule province à avoir un programme de gratuité pour les thermopompes.

Vous avez également mentionné dans votre discours que d’autres provinces participeront probablement au projet — c’est à souhaiter, surtout en ce qui concerne l’Ontario, où il y a environ 200 000 familles qui utilisent encore le mazout. Il y avait des mesures incitatives pour les voitures électriques dans plusieurs provinces et ces sommes ont été retirées, notamment en Ontario, où il y avait un incitatif de 7 000 $. Êtes-vous au courant d’une information selon laquelle les provinces de l’Atlantique, par exemple l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, auraient un programme comme celui du Nouveau-Brunswick pour bénéficier de cette fenêtre de trois ans pour apporter ce changement?

La sénatrice Ringuette [ - ]

Non, je n’ai pas cette information. En fait, l’information la plus à jour est celle que je vous ai transmise. Pour le moment, le Nouveau-Brunswick est la seule province qui a conclu une entente avec le gouvernement fédéral pour aider les propriétaires résidentiels à installer des thermopompes.

Nous devons reconnaître que, dans l’ensemble du pays, on parle de 1,1 million de maisons dans les régions rurales qui devraient se prévaloir de ces thermopompes, parce que la fenêtre est de trois ans. Donc, on a mis tous les efforts nécessaires. Je suis agréablement surprise que le Nouveau-Brunswick ait déjà conclu une entente, et j’espère que toutes les autres provinces s’engageront dans une entente de la sorte. Il est facile de critiquer, de dire que le coût de la vie est difficile et de jeter le blâme sur le gouvernement fédéral, mais il est temps que les provinces se mettent à la tâche, elles aussi, si elles sont vraiment conscientes des difficultés. Merci.

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