La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
Motion d'amendement
28 novembre 2023
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-234 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :
a) à l’article 1 :
(i) à la page 1, par substitution, aux lignes 4 à 17, de ce qui suit :
« 1 (1) L’alinéa c) de la définition de machinerie agricole admissible, à l’article 3 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, est »,
(ii) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 8;
b) à l’article 2, à la page 2, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :
« 2 (1) Les paragraphes 1(2.1) et (5) ».
Ce sera plus facile à lire sur un bout de papier et cela aura probablement l’air aussi technique que ce que je viens de dire, mais c’est la traduction en termes législatifs de ce que j’ai dit.
Il s’agit de créer une exclusion dans le projet de loi visant à supprimer le chauffage et la climatisation des étables et des vieux bâtiments agricoles parce que cela n’a aucun sens et que le chauffage des êtres humains n’est pas exempté, sauf dans le cas très limité du mazout. Par conséquent, ce n’est pas logique. Si nous sommes prêts à légiférer en nous fondant sur de fausses prémisses et de manière illogique parce que nous craignons les pressions exercées par les agriculteurs et les menaces provenant des gens, à mon avis, nous renoncerons à notre responsabilité, et le Sénat ne sera pas le nouveau Sénat. Il reviendra à la vieille époque, où personne ne se souciait de lui.
Sénateur Dalphond, le temps alloué au débat est écoulé. Êtes-vous prêt à répondre à des questions?
Je m’étais dit qu’après 45 minutes, tout le monde en aurait assez de moi. Si vous souhaitez néanmoins que je parle encore cinq minutes, je suis prêt à le demander.
Le consentement est-il accordé?
Honorables sénateurs, tout d’abord, permettez-moi de dire que je ne suis pas certain de ce que font les producteurs de grain au centre-ville de Montréal, mais dans l’Ouest canadien, ils sont encore en train de sécher leur grain. Je ne sais pas où le sénateur Dalphond a compris que la saison de séchage est terminée. La saison de séchage est loin d’être terminée dans ma province — le Manitoba —, en Saskatchewan, en Alberta et, j’en suis sûr, en Ontario.
Le sénateur Dalphond a aussi dit qu’il s’agit d’une première tentative pour éliminer la taxe. Si c’était le cas, je me demande pourquoi le Parti vert, le NPD et le Bloc ont appuyé ce projet de loi à l’autre endroit. Je ne pense pas que le sénateur Dalphond accuserait le Parti vert de vouloir éliminer la taxe. Cela transcende donc les lignes de parti.
Je serai très bref. Le sénateur Dalphond a aussi dit que les agriculteurs sont tellement efficaces qu’ils utilisent maintenant des séchoirs à grains de NECO, et il a raison. Ce que le sénateur Dalphond n’a pas dit, c’est que les séchoirs à grains de NECO fonctionnent au propane. Je ne sais pas pourquoi, lorsqu’un agriculteur devient plus efficace et qu’il consomme 30 % moins d’énergie, nous ne dirions pas que c’est une bonne chose, qu’il aura besoin d’une exemption moins importante parce qu’il utilise moins d’énergie. Nous devrions l’encourager au lieu d’essayer de le pénaliser.
Ses arguments me laissent donc un peu perplexe. Il faut surtout nous demander, chers collègues, combien de fois il faudra mettre la même proposition aux voix avant que le sénateur Dalphond se dise : « Peut-être qu’ils le veulent vraiment? » Nous avons déjà voté sur cet amendement. Je suis certain que si j’invoquais le Règlement à ce sujet, le sénateur Dalphond pourrait trouver une différence d’une virgule entre son amendement et le premier. Je ne ferai donc pas de rappel au Règlement, Votre Honneur, bien que je sois convaincu qu’il serait possible d’en justifier un en faisant valoir que le Sénat a déjà traité un amendement identique.
Le sénateur Dalphond a proposé cet amendement au comité, puis nous avons voté sur le rapport du comité qui contenait cet amendement. Or, cette Chambre a décidé de rejeter cet amendement en rejetant le rapport du comité. Je ne vois pas comment nous pourrions être plus clairs que cela.
Comme cela ne suffisait pas, le sénateur Dalphond a contribué, j’en suis sûr, au choix de l’amendement suivant sur lequel nous avons voté dans la soirée. Une fois de plus, cet amendement a été rejeté par cette Chambre. Nous avons démocratiquement rejeté cet amendement. Le sénateur Dalphond propose maintenant un autre amendement qui est exactement le même, et j’ai entendu dire qu’un troisième amendement attendait dans les coulisses.
Chers collègues, combien en faudra-t-il? Les agriculteurs d’un bout à l’autre du pays nous implorent. Même si les séchoirs à grains sont plus efficaces, sénateur Dalphond, il y a des gens qui chauffent, et la saison vient de commencer, elle ne se termine pas. Même si vous avez déjà dit à tort qu’on ne séchait plus les grains, la saison de chauffage est déjà commencée. C’est à ce moment-là que les agriculteurs ont grandement besoin que nous défendions leur cause.
Il ne s’agit pas d’agriculteurs d’une seule région du Canada. Il ne s’agit pas seulement des agriculteurs des provinces de l’Atlantique ou de l’Ouest canadien. Les agriculteurs du Québec, même s’ils ont le système de plafonnement et d’échange au Québec, nous supplient de traiter tout le monde équitablement, de rejeter les amendements et d’adopter le projet de loi C-234. C’est dans la province du sénateur Dalphond que cela se passe, mais on dirait que le sénateur Dalphond s’y connaît mieux que tous les agriculteurs de sa province. Il s’agit de producteurs laitiers, de producteurs de porcs, de producteurs de céréales et de producteurs de légumes. Ils veulent tous que nous adoptions le projet de loi C-234 sans amendement.
Chers collègues, il s’agit à nouveau d’un amendement qui, je le répète, est à deux doigts de justifier un recours au Règlement, mais je ne le ferai pas. Je compte sur les sénateurs pour faire ce qu’ils ont fait déjà aujourd’hui et montrer à nouveau au sénateur Dalphond que la majorité des sénateurs veulent que le texte soit adopté, et qu’il soit adopté sans amendement. Nous avons voté deux fois sur ce point, chers collègues.
Je sais que le gouvernement est anxieux et qu’il travaille d’arrache-pied, même s’il ne se mêle jamais des projets de loi d’initiative parlementaire, à moins qu’il ne s’agisse d’un projet qui ne lui plaise pas. Chers collègues, rejetons cette proposition. Passons à autre chose. Donnons aux agriculteurs canadiens ce dont ils ont besoin. Donnons-leur l’assurance qu’ils pourront sécher leur grain et chauffer leurs étables. Ils auront des séchoirs à grains plus efficaces, sénateur Dalphond. S’ils sont disponibles, croyez-moi, ils les achèteront. C’est un avantage pour eux comme pour le reste du pays. Ils n’essaient pas de fonctionner de manière inefficace, ils essaient de fonctionner de la manière la plus efficace possible.
Chers collègues, je vous encourage à rejeter cet amendement et à soutenir les agriculteurs de toutes les régions du pays. Soutenez les agriculteurs — votez contre cet amendement. Il s’agit d’une manœuvre dilatoire. C’est absolument tout ce que c’est, une manœuvre dilatoire comme nous n’en avons jamais vu auparavant. Chers collègues, votez contre cet amendement. Sur ce, je souhaiterais que la motion soit mise aux voix.
Sénateur Plett, la sénatrice Ringuette voudrait poser une question. Acceptez-vous de répondre à la question?
Non.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’amendement au projet de loi C-234, qui a été proposé par le sénateur Dalphond. En fait, comme vous pouvez le voir, la pile de mes recherches est de plus en plus haute.
À mon avis, cet amendement représente un compromis pour faire progresser le projet de loi et s’entendre sur un délai permettant aux producteurs de grains d’acquérir des technologies plus propres — des séchoirs à grains — qui sont maintenant offertes sur le marché. En fait, depuis de nombreuses années, le ministère de l’Agriculture investit des centaines de millions de dollars pour aider les producteurs de grains à acheter de tels séchoirs écoénergétiques.
Je dirai également que le projet de loi ne soulève pas une question d’équité pour les agriculteurs. Comme je vous l’ai déjà démontré par l’entremise du rapport du directeur parlementaire du budget, avec l’exemption actuelle de 97 % pour le diésel et l’essence, le coût moyen net pour les agriculteurs par année et par ferme est de 806 $, et cette moyenne s’applique aux sept prochaines années. C’est le résultat du calcul selon les prix actuels du propane et du gaz naturel, en comptant le remboursement de 90 %. Lisez le rapport du directeur parlementaire du budget. Arrêtez de croire sur parole tous les défenseurs du projet de loi qui prétendent qu’il faut parler de 1 milliard de dollars. Ce n’est pas le cas. Lisez le rapport du directeur parlementaire du budget.
L’actuel mécanisme de tarification du carbone est le plus généreux de tous, plus généreux que la tarification du carbone pour les particuliers — les consommateurs — et plus généreux que le régime privé pour tous les autres secteurs économiques de notre pays.
Ce projet de loi n’a rien à voir avec l’équité pour les agriculteurs. Après les événements dont nous avons été témoins pendant notre semaine de relâche, je réaffirme qu’il s’agit d’un cheval de Troie pour ceux qui souhaitent éliminer la taxe. Tout en faisant des recherches pendant notre semaine de relâche, j’ai passé beaucoup de temps au téléphone avec les producteurs de pommes de terre de notre région à leur expliquer de manière objective l’exemption actuelle de 97 % pour le diésel et l’essence et le remboursement de 90 % pour les agriculteurs. La plupart d’entre eux ne connaissaient pas l’existence de ce remboursement parce que le Nouveau-Brunswick ne faisait partie du programme fédéral que depuis le 1er juillet.
Je leur ai aussi parlé en toute objectivité du projet de loi C-234, qui éliminerait la tarification du carbone sur le propane et le gaz naturel. De plus, il finirait par éliminer à très court terme tout remboursement, chers collègues, vu que ce remboursement est fondé sur 90 % du produit des redevances. Soyons réalistes. Il éliminera les remboursements que les agriculteurs reçoivent. C’est l’autre moitié de l’histoire que vous n’avez pas entendue.
L’analyse de leur feuille de calcul des coûts a clairement montré que le système actuel est financièrement plus avantageux pour eux. En même temps, ils parlent des changements climatiques et disent à quel point ceux-ci affectent sans arrêt leurs activités. Ils savent que la réduction des émissions sera rentable à long terme. Les gens dans ma région sont terre à terre; ils veulent faire partie de la solution, et non du problème. Ils ne veulent pas être la plus grande aberration en matière de tarification du carbone par rapport à n’importe quel autre secteur. Ce sont de fiers agriculteurs. Ils ne veulent pas non plus être le bouc émissaire politique de la rhétorique partisane que nous entendons actuellement.
Soit dit en passant, ce sont les mêmes familles d’agriculteurs qui, pendant la sécheresse qui a frappé l’Ouest il y a quelques décennies, ont envoyé gratuitement des trains remplis de pommes de terre aux Canadiens de l’Ouest, même s’ils étaient pauvres. Ils croyaient que, comme pour la plupart des enjeux, nous sommes tous dans le même bateau.
Je ne leur ai pas encore parlé du discours contradictoire des lobbyistes qu’ils paient pour faire pression sur ce projet de loi. Il s’agit de l’argent qu’ils ont durement gagné, et il y a en même temps un discours contradictoire. Même le sénateur Plett l’a confirmé. Des organisations agricoles et des organisations d’éleveurs de bovins sont allées dans son bureau pour lui dire : « Vous devez appuyer ce projet de loi, mais s’il vous plaît, n’aidez pas les agriculteurs canadiens qui sont soumis à la gestion de l’offre. » Il y en a dans ma région, et ils vont savoir de quoi je parle.
Au cours de ces conversations, ils m’ont informée que la crise climatique les oblige à augmenter la quantité d’engrais dont ils ont besoin et que leur prix a considérablement augmenté en raison de l’embargo qui frappe la Russie. Ces coûts n’ont jamais été abordés lors des réunions du Comité de l’agriculture.
Je dois admettre que ce fut toute une révélation pour moi. Par conséquent, j’ai fait quelques recherches et, même si je n’ai pas pu trouver l’augmentation du prix des engrais en raison de notre embargo frappant la Russie, il est probablement beaucoup plus élevé que ce dont nous parlons aujourd’hui. Toutefois, j’ai trouvé une étude qui a été publiée en octobre dernier au sujet des émissions produites par les agriculteurs de la Saskatchewan au cours des 20 dernières années. Voici la constatation de cette étude : les émissions de gaz à effet de serre produites en Saskatchewan par le secteur de l’agriculture et le secteur de la production des intrants agricoles augmentent constamment. Les émissions ont doublé. Le tonnage — et c’est ce qui détermine le coût réel — des engrais azotés utilisé chaque année a quadruplé en Saskatchewan. Je peux donc supposer que le coût a quadruplé parallèlement, mais pas à cause de la tarification du carbone.
Je reviens à l’augmentation du coût des engrais causée par l’embargo qui frappe la Russie. C’est une mesure que nous avions tous saluée, au Sénat comme à l’autre endroit. Nous nous sommes réjouis de l’embargo frappant la Russie en raison de la guerre qu’elle a déclenchée contre l’Ukraine. En fait, quand nous nous sommes rendus à l’autre endroit pour entendre le président Zelensky, une sénatrice vêtue de son costume ukrainien et assise à côté de moi applaudissait encore plus fort que moi, ce qui m’a fait chaud au cœur.
On dirait que cet appui s’est passablement étiolé. Je me demande comment certaines personnes ont pu tourner le dos à l’Ukraine la semaine dernière. En effet, 109 députés conservateurs ont voté contre l’accord commercial Canada—Ukraine à cause de leur phobie de la tarification du carbone. C’est une phobie, rien de moins. Honorables sénateurs, l’Ukraine a imposé la tarification du carbone en 2011, plus de 10 ans avant nous. C’était incidemment l’année même où Stephen Harper avait retiré le Canada du Protocole de Kyoto, qu’il qualifiait de complot socialiste. Nous étions le seul pays du monde à refuser de respecter le Protocole de Kyoto.
Au lieu de tirer des leçons de nos erreurs passées sur ce sujet, certains sénateurs qui étaient déjà ici à l’époque et qui sont encore ici emploient pratiquement les mêmes arguments, mais sous un enrobage légèrement différent.
La proposition devant nous est une corde de plus à l’arc du laissez-faire. C’est exactement l’objet du projet de loi non amendé : ne rien faire, bien que le secteur agricole se classe au cinquième rang parmi les principaux émetteurs de gaz à effet de serre au Canada.
Ce projet de loi aura de graves conséquences imprévues, puisque l’élimination de 100 % de la tarification du carbone aura des répercussions désastreuses sur les accords commerciaux. Les conséquences de ce projet de loi sont donc pires qu’elles ne paraissent. Le Canada est un pays commerçant. Nous ne vivons pas dans l’isolement. Le monde entier livre une guerre aux émissions, y compris les pays avec qui nous avons des accords commerciaux ou nous souhaitons en avoir. Que cela nous plaise ou non, les accords commerciaux actuels et futurs du Canada contiendront tous des dispositions concernant la réduction des émissions produites par certains secteurs.
On ne pourra pas faire abstraction des réductions d’émissions dans les négociations commerciales. Le Canada est le cinquième exportateur de produits alimentaires en importance : 50 % de notre bœuf, 70 % de notre soya, 70 % de notre porc, 75 % de notre blé, 90 % de notre canola et j’en passe. Dans un monde concurrentiel, comment pensez-vous que les agriculteurs s’en sortiront, selon les futurs accords commerciaux, avec leurs produits sans tarification des émissions? Croyez-vous sincèrement que nos partenaires commerciaux, qui ont tous mis en place une tarification du carbone, fermeront les yeux sur l’exemption de 100 % que vous proposez pour les agriculteurs?
Il y aura des représailles, et elles seront aussi sévères que coûteuses, en particulier pour les agriculteurs du Québec et de la Colombie-Britannique, qui seront frappés sur deux plans plutôt qu’un — la tarification du carbone et les échanges commerciaux — étant donné que les accords commerciaux du Canada ne pourront pas traiter différemment l’activité agricole au Québec et en Colombie-Britannique. Les accords ne prévoient rien de tel.
Si vous ne le croyez pas, honnêtement, vous rêvez en couleurs. Nos partenaires commerciaux n’accepteront jamais que l’ensemble de notre secteur économique agricole soit exclu de la réglementation et de la tarification des émissions de carbone. J’imagine déjà les représailles.
Comme je l’ai dit un peu plus tôt, à l’heure actuelle, le coût annuel net de la tarification du carbone pour les agriculteurs s’élèvera en moyenne à 806 $ par exploitation agricole au cours des sept prochaines années. Conclure les accords commerciaux à venir sans prévoir de tarification du carbone pour les agriculteurs pourrait coûter des millions, voire des milliards, de dollars à ces agriculteurs. Encore une fois, pour implanter au Canada un train de mesures pour réduire les émissions, il faut du courage politique et de la vision. Jusqu’à présent, personne n’a eu un tel courage.
Le monde entier s’engage sur cette voie. En tant que Chambre de second examen objectif, nous devons étudier ce projet de loi en tenant compte de cette réalité. Là encore, ce n’est pas une question d’équité envers les agriculteurs. Sur le plan stratégique, je trouve que c’est une évidence aveuglante. Certains disent qu’en n’agissant pas plus tôt, nous avons déjà condamné la planète. Or, comme vous pouvez le constater, je suis combative. Je suis prête à me battre pour ce qui est juste et je n’abandonnerai pas. Individuellement et collectivement, nous devons travailler plus dur et plus rapidement pour lutter contre les changements climatiques et réduire les émissions.
J’ai appuyé ce rapport du Comité de l’agriculture, qui contenait l’amendement, et dans un esprit de conciliation...
Sénatrice Ringuette, votre temps de parole est écoulé.
Puis-je avoir quelques minutes de plus?
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Honorables sénateurs, je tiens d’abord à remercier la sénatrice Ringuette, le sénateur Plett et le sénateur Dalphond de leurs interventions. Elles nous ont rappelé à quel point le débat à l’étape de la troisième lecture est important, puisque nous avons entendu ce soir de nouveaux renseignements qui devraient nous aider tous à prendre une décision au sujet non seulement de cet amendement, mais de l’ensemble du projet de loi.
À la fin de son intervention, le sénateur Dalphond nous a exhortés à légiférer en nous fondant sur les faits. Même si nous devrons tous déterminer ce que nous croyons être les faits, vous conviendrez peut-être que les sénateurs Dalphond et Ringuette, plus particulièrement, nous ont dit des choses qui ne cadrent pas avec l’avalanche d’information dont nous ont bombardés les groupes de pression.
Encore une fois, c’est à chacun d’entre nous de décider quels faits nous choisirons de croire, mais je suis profondément reconnaissant à mes collègues de nous avoir donné des points de vue différents.
Je suis également très reconnaissant de pouvoir participer au débat sur cet amendement, car je n’étais pas présent au Sénat lorsque le rapport a été débattu et mis aux voix. Je fais comme on le sait partie du Comité de l’agriculture, qui a élaboré le rapport. Au comité, j’ai voté en faveur de l’amendement visant à supprimer les granges des exemptions prévues par le projet de loi C-234.
Je suis déçu de ne pas avoir eu la possibilité d’intervenir sur cet amendement avant que l’ensemble du Sénat se prononce sur le rapport. Je profite donc de l’occasion qui s’offre à moi ce soir.
À ceux qui se demandent pourquoi nous revenons sur un amendement qui a été rejeté du même souffle que le rapport du comité, j’espère que mon intervention vous donnera un point de vue nouveau et qu’elle changera l’opinion de certains.
L’amendement du sénateur Dalphond nous incite à réfléchir à la différence entre les étables et les séchoirs à grains pour ce qui est de l’effet qu’un signal de prix peut avoir sur la réduction des émissions liées à l’utilisation d’énergie. Il part du principe qu’il existe davantage de solutions à faibles émissions pour le chauffage des bâtiments que pour les séchoirs à grains. Cette supposition est correcte. Le sénateur Dalphond l’a déjà développée, et c’est un argument de poids pour retirer les étables de l’exemption prévue par le projet de loi C-234.
Le chauffage et la climatisation des bâtiments, y compris les étables, peuvent être améliorés et les émissions réduites grâce à de meilleures technologies d’isolation, de construction et de ventilation, qui sont toutes faciles à se procurer aujourd’hui.
On peut également réduire les émissions en faisant la transition, en tout ou en partie, vers des sources d’énergie renouvelables lorsque celles-ci sont disponibles, de même qu’en installant des thermopompes — oui, des thermopompes. Je sais que cet appareil simple et plutôt moche qui utilise une technologie qui remonte à des décennies est récemment devenu un symbole de la guerre des cultures brandi par les sceptiques de la science climatique, les junkies qui ont besoin de leur dose quotidienne de combustible fossile et les simples réactionnaires. Ces gens ont démonisé les thermopompes comme une sorte de statut imposé de force qui les brime dans leur droit de polluer ou qui ne répond même pas à leurs besoins en matière de chauffage et de climatisation, voire les deux.
Cela me rappelle l’apparition des premières voitures hybrides, il y a 20 ans. Certaines personnes avaient l’impression que ceux qui conduisaient des voitures hybrides essayaient de faire passer un message ou d’avoir l’air cool et n’étaient pas vraiment sincères. Les perceptions ont changé depuis, bien entendu. On dirait que les thermopompes font un peu le même effet aujourd’hui.
En fait, il y a des guerres culturelles semblables qui font rage en Europe au sujet des thermopompes. En Allemagne, par exemple, le gouvernement a essayé d’imposer les thermopompes comme source d’énergie de prédilection pour les nouvelles constructions, mais le parti Alternative für Deutschland, le parti d’extrême droite — je n’utiliserai pas l’autre qualificatif —, est monté aux barricades et a dit que favoriser les thermopompes était une sorte d’interventionnisme socialiste.
Des débats similaires ont lieu aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Pologne, généralement sous la direction des partis de droite de ces pays.
Permettez-moi de citer un extrait de la MIT Technology Review sur l’efficacité des thermopompes dans les climats froids :
L’affirmation selon laquelle les thermopompes ne fonctionnent pas bien lorsqu’il fait très froid est souvent répétée par les entreprises qui produisent des combustibles fossiles et qui ont un produit concurrent à vendre.
Il y a là un fond de vérité. Les thermopompes peuvent être moins efficaces dans le froid extrême. Lorsque la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur augmente, une thermopompe doit redoubler d’efforts pour extraire de la chaleur de l’air extérieur. Il y a pourtant des thermopompes en marche partout aux États-Unis, de l’Alaska au Maine. En Norvège — qui est un pays froid, soit dit en passant —, 60 % des bâtiments sont chauffés à l’aide de thermopompes.
Chers collègues, même si les thermopompes ne sont pas aussi efficaces dans des températures extrêmement froides, la solution économique et respectueuse du climat consiste à disposer d’une source d’énergie secondaire en complément à la source de chaleur.
Permettez-moi de citer une étude réalisée en 2022 par MM. Ferguson et Sager, qui a révélé que les thermopompes à air pour climat froid produisent moins d’émissions de gaz à effet de serre, ou GES, que les appareils de chauffage au mazout dans toutes les régions du Canada, et pas seulement dans mon coin de pays. Ces mêmes thermopompes produisent moins d’émissions de GES que les appareils de chauffage au gaz en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Les coûts de fonctionnement des thermopompes à air pour climat froid sont inférieurs à ceux des générateurs électriques d’air chaud ou des appareils de chauffage au mazout pour le chauffage des locaux dans toutes les régions du Canada.
Dans les régions où le prix du gaz naturel est bas, les coûts de fonctionnement des thermopompes à air pour climat froid sont plus comparables aux coûts de fonctionnement d’un appareil de chauffage au gaz classique. En d’autres termes, les arguments en faveur des thermopompes, même en cas de températures extrêmement froides, sont très solides.
Le sénateur Dalphond a raison de nous rappeler que les étables sont différents des séchoirs à grains dans la mesure où il existe des technologies de remplacement pour le chauffage et le refroidissement des structures qui produisent moins d’émissions.
Si nous croyons en l’importance du régime prévu dans la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et au rôle essentiel que la tarification du carbone joue dans l’incitation au changement, cela devrait nous suffire pour appuyer cet amendement. Par contre, chers collègues, on aurait tort d’extrapoler à partir de cet argument que les séchoirs à grains s’en tirent à bon compte. Ce qui est important, dans la logique plus vaste de la politique sur la tarification des gaz à effet de serre, ce n’est pas que, contrairement aux séchoirs à grains, les étables bénéficient d’une solution énergétique de rechange et que par conséquent il faudrait épargner les séchoirs à grains. Cette affirmation fallacieuse est fondée sur l’idée que la tarification du carbone ne fonctionne que lorsqu’il existe des technologies de rechange.
C’est en effet un argument clé des partisans du projet de loi C-234, qui affirment que l’absence de solutions de rechange au gaz naturel dans le cas des séchoirs à grains fait en sorte qu’il est inutile d’imposer une redevance sur les combustibles pour cette source d’énergie.
En effet, une bonne partie du débat sur le projet de loi C-234 a porté sur le moment où une toute nouvelle technologie permettra aux agriculteurs de cesser d’utiliser du gaz naturel. L’absence de réponse claire a constitué un argument devant permettre d’exempter le séchage du grain pendant au moins les huit prochaines années. Ce point de vue représente une compréhension erronée du fonctionnement de la tarification du carbone, mais il a été répété à maintes reprises, dont tout récemment dans les lettres provenant de Pulse Canada et dans le courriel qu’un de nos collègues nous a envoyé à tous ce matin.
L’effet d’un signal de prix consiste à inciter les agriculteurs à réduire leur utilisation de combustibles à forte intensité de carbone par tous les moyens possibles, y compris en investissant dans l’efficacité énergétique basée sur les technologies actuelles. L’objectif de la tarification du carbone est d’inciter les agriculteurs à se rapprocher de ce que l’on appelle la frontière technologique, quelles que soient la ou les technologies commerciales qui prévalent. Le mécanisme de prix — le prix du carbone — ne repose pas uniquement sur des percées technologiques totalement inédites, même si les signaux de prix encourageront l’innovation susceptible d’entraîner de telles percées.
Certains d’entre vous diront que tous les producteurs de céréales sont déjà à la frontière technologique, mais ce n’est pas un argument crédible. Le sénateur Dalphond a déjà donné quelques raisons pour lesquelles il n’est pas crédible, mais permettez-moi de citer l’un des témoins vedettes de l’étude du projet de loi par le Comité de l’agriculture et des forêts, qui a admis qu’il n’avait que récemment échangé son séchoir à grains vieux de 50 ans contre un nouveau, ce qui lui a permis de réaliser des économies substantielles en termes d’énergie et de coûts. De même, le sénateur Plett vient de nous dire que le séchoir à grains NECO permettra de réaliser d’importantes économies de coûts et d’énergie. C’est exactement l’objectif de l’incitation par les prix. On peut raisonnablement s’attendre à ce que d’autres agriculteurs qui pratiquent le séchage du grain tiennent compte du prix du carbone lorsqu’ils envisageront de remplacer leur séchoir à grains vieux de 50 ans, 40 ans ou 30 ans, et peut-être d’opter pour le modèle NECO.
Si vous doutez encore qu’il existe d’autres mesures d’efficacité énergétique dont les agriculteurs peuvent se prévaloir — autre qu’une source d’énergie totalement nouvelle —, considérez que le Programme de technologies propres en agriculture du gouvernement fédéral ne suffit pas à répondre à la demande des agriculteurs. La plupart des partisans du projet de loi demandent également une augmentation du financement de ce programme. Nous l’avons entendu à la période des questions avec le ministre Guilbeault la semaine dernière. À mes yeux, c’est l’aveu le plus clair que l’on puisse faire de l’existence de mesures d’efficacité énergétique pour les agriculteurs qui sont disponibles aujourd’hui.
Certains d’entre vous penseront que les agriculteurs agissent déjà dans leur propre intérêt en matière d’efficacité énergétique et qu’un signal de prix n’est donc pas nécessaire. Je suis économiste. J’ai l’impression que les agriculteurs ne sont pas très différents des autres et que les incitatifs sont importants. Supposons, pour les besoins de l’argumentation, que chaque agriculteur possédant une étable et faisant sécher ses grains maximise déjà ses économies d’énergie en utilisant le gaz naturel et le propane. Supposons également qu’une toute nouvelle technologie utilisant une autre source d’énergie apparaisse dans huit ans, ce que la plupart des défenseurs de cette cause estiment. À ce moment-là, les agriculteurs utilisant du gaz naturel auront le choix entre passer à une nouvelle technologie à un coût considérable ou payer 170 $ la tonne d’émissions, par rapport à 65 $ la tonne cette année. Je prédis qu’ils ne choisiront ni l’un ni l’autre parce que le coût d’ajustement sera trop soudain et trop important, et nous aurons fait en sorte que cela se produise. Nous aurons permis que cela se produise. Au lieu de cela, ils feront pression sur le Parlement pour qu’il prolonge l’exemption, ce qui sera facile à faire dans le cadre de la version actuelle de ce projet de loi puisque nous avons rejeté l’amendement proposé par la sénatrice Moncion. Ce qui aurait pu être un ajustement progressif à une nouvelle technologie au rythme d’augmentations annuelles de 15 $ la tonne du prix des émissions est devenu un fardeau gigantesque qui entrera en vigueur le 1er janvier 2031. Vous pouvez voir comment le projet de loi C-234 sape la logique de la tarification de la pollution et intensifie la pression politique en faveur de l’abandon du régime.
Chers collègues, je reviendrai sur cette idée dans mon discours sur la motion principale, à l’étape de la troisième lecture. Je veux m’en tenir strictement à l’amendement. Je me contenterai de dire pour l’instant que cet amendement a beaucoup de mérite. À la fin de son intervention, le sénateur Dalphond a demandé que nous mettions un terme à l’érosion du système de taxation du carbone au Canada. Je ne veux pas dramatiser, mais c’est ce que nous faisons ici aujourd’hui. Si nous votons en faveur de l’amendement, nous mettrons un terme à l’érosion du système de taxation du carbone. J’appuie l’amendement, et j’espère que vous ferez de même.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur l’amendement du sénateur Dalphond, proposé à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Par le biais de ce discours, je veux exprimer mon appui à cet amendement et étayer les raisons pour lesquelles je suis en faveur de limiter l’étendue du projet de loi.
L’amendement présenté par le sénateur Dalphond a pour objet de maintenir les exemptions pour l’équipement de séchage du grain, mais de retirer les exemptions pour le chauffage et le refroidissement des bâtiments d’élevage. Je remercie le sénateur Dalphond pour cet amendement qui vient répondre à une situation problématique identifiée dans le cadre de l’étude du projet de loi au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.
Votre ouverture d’esprit est importante à ce stade du débat pour que l’amendement du sénateur Dalphond soit examiné de manière objective. D’emblée, je me dois de vous faire part de ma déception quant à la conduite de nos travaux en ce qui a trait au projet de loi C-234. La désinformation et la dissémination d’une rhétorique antitaxe ont pollué le débat public portant sur la tarification du carbone et ont influencé inévitablement nos délibérations. Cela a créé chez les parlementaires une vision difficilement objective des enjeux que présente la création de nouvelles exemptions pour les agriculteurs. Nous avons aussi subi de fortes pressions afin de précipiter les travaux, ce qui nous a empêchés de faire un examen rigoureux et complet du projet de loi.
Le régime de la tarification s’insère dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, un plan élaboré par les provinces et les territoires à la suite de consultations avec les peuples autochtones. La complexité et la complétude de ce cadre font en sorte qu’il ne devrait pas être décousu petit à petit au moyen de projets de loi d’intérêt privé.
Le gouvernement actuel s’est engagé à mettre en place une stratégie élaborée pour lutter contre les gaz à effet de serre et les changements climatiques. Il a mis en place des programmes et des incitatifs financiers qui viennent appuyer les efforts en cette matière. La tarification du carbone est une mesure parmi beaucoup d’autres. Il n’est pas de notre ressort de changer les priorités du gouvernement élu, peu importe qu’il soit libéral ou conservateur.
L’industrie de l’agriculture au Canada, rappelons-le, revêt une importance cruciale pour l’économie de notre pays et pour l’employabilité des Canadiennes et des Canadiens. Cela peut notamment expliquer pourquoi le gouvernement canadien investit des milliards de dollars dans ce secteur, ce qui assure, par le fait même, sa pérennité et sa compétitivité sur les marchés.
La semaine dernière, lors de son intervention sur mon amendement, le sénateur Deacon a présenté un excellent discours et il a indiqué les raisons pour lesquelles il ne voterait pas en faveur de l’amendement et les raisons pour lesquelles il voterait en faveur du projet de loi. Je comprends ses frustrations et celles d’autres sénateurs, tout comme le sentiment d’impuissance qui accompagne souvent les démarches que nous entreprenons auprès des ministres et des fonctionnaires. Nous avons souvent l’impression de tenir un dialogue de sourds, alors que les changements se font lentement et difficilement au Canada.
Malgré ce constat, le Canada n’est pas au beau fixe en ce qui a trait aux changements climatiques. La stratégie canadienne de 2023-2028 en ce qui a trait au secteur de l’agriculture, laquelle s’accompagne d’une enveloppe de 3,5 milliards de dollars sur cinq ans, comprend cinq priorités : la première vise à renforcer la capacité, la croissance et la concurrence du secteur; la seconde vise à contrer les changements climatiques et à protéger l’environnement; la troisième vise à faire avancer la science, la recherche et l’innovation; la quatrième vise le développement des marchés et de la concurrence; la cinquième vise l’amélioration de la confiance du public et la résilience.
Le gouvernement canadien investit aussi massivement dans les projets de recherche visant à améliorer les cultures au Canada et à accroître l’efficacité énergétique des outils et des équipements utilisés dans le fonctionnement des fermes, ainsi que dans les technologies destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’industrie de l’agriculture bénéficie d’un soutien important et continu de la part du gouvernement canadien, ce qui en fait un secteur fortement appuyé et subventionné.
La modernisation du fonctionnement des fermes a beaucoup évolué au cours des 30 dernières années. Prenons simplement le secteur laitier, qui est passé à un niveau d’automatisation sans précédent, tant en ce qui a trait à l’alimentation des animaux qu’à l’informatisation des opérations. Cette transformation a mené à une plus grande efficacité de nos producteurs laitiers et à une consolidation des opérations dans un marché hautement compétitif. Si vous n’êtes jamais allé vous promener dans une ferme laitière, je vous invite à le faire. C’est phénoménal de voir à quel point l’automatisation des opérations et l’informatisation des pratiques dans ce domaine sont absolument incroyables.
Prenons le marché de l’agriculture de grandes surfaces qui s’est amélioré au cours des années, alors que le rendement des terres est plus du double de ce qu’il était — et que dire des autres secteurs, comme l’élevage d’animaux, la production de volailles et la production des œufs, et les progrès technologiques?
Je ne reviendrai pas sur la taxe sur le carbone. Le sénateur a présenté tout à l’heure des arguments et des informations qui n’étaient pas tout à fait exacts et qui ont été présentés ici, dans cette Chambre, et ailleurs en comité. Il a fait un excellent travail de ce côté-là et je n’ai pas besoin de revenir sur les différents éléments de son discours. Vous voyez, je passe rapidement sur plusieurs feuilles parce que je ne veux pas répéter les mêmes choses.
Jusqu’à présent, les changements climatiques ont été peu abordés dans le cadre de nos débats. Je tiens à remercier la sénatrice Ringuette de son discours sur mon amendement, qui a mis en lumière des données alarmantes relativement aux coûts humains et financiers des changements climatiques.
Ces coûts ont un impact considérable sur nos producteurs agricoles. Vous vous souviendrez peut-être que, en 2021, les récoltes avaient été frappées par un « dôme de chaleur » et que 40 % de la production de céréales de l’Ouest canadien avaient été anéantis. Le gouvernement canadien est intervenu afin de soutenir le secteur en offrant une contribution de 1,1 milliard de dollars.
En 2022, ce sont les intempéries qui ont causé pour plus de 3,1 milliards de dollars de dommages, avec le derecho observé en Ontario et au Québec en mai, l’ouragan Fiona dans les Maritimes à l’automne, les tempêtes estivales, les inondations et les incendies de forêt dans l’Ouest canadien. On se souviendra que ces coûts sont assumés par les Canadiens, soit par l’augmentation continuelle et importante des primes d’assurance ou encore au moyen des impôts que nous payons.
Dans ce discours, je vous ai présenté plusieurs raisons qui renforcent l’importance de réduire la portée du projet de loi. Il est important que la version du projet de loi qui sera adoptée par le Sénat reflète les travaux menés en comité, sans quoi on pourra affirmer que l’on fait de l’agnotologie. L’agnotologie est un phénomène qui se caractérise par une omission délibérée de prendre en compte des informations qui nous permettraient de prendre une décision judicieuse et éclairée sur les questions qui sont présentées ici.
Cependant, il y a des gens qu’on n’a pas entendus dans cette Chambre, et ce sont les agriculteurs. On a notamment parlé des coûts. J’ai lu dans un journal que j’étais une « sénatrice urbaine ». Cette sénatrice urbaine s’est promenée dans des granges avec des bottes de caoutchouc. J’ai visité des fermes et je me suis promenée dans des champs de foin. J’ai été prêteur pendant 38 ans de ma vie, et l’un des secteurs dont j’ai dû étudier les bilans financiers, c’était le secteur agricole.
Les agriculteurs sont des gens d’affaires extrêmement intelligents. Ils ont beaucoup de connaissances. Ce sont des gens d’affaires qui cherchent des façons d’améliorer leur production, qui cherchent à gagner des revenus. Ce sont souvent des agriculteurs riches en actifs : ils ont des terres, des animaux, des quotas de lait, du tonnage de grain.
Pour en revenir à ce que le sénateur Plett a dit au sujet du séchage du grain, je suis allée dans le nord en fin de semaine. Je suis notamment allée chez moi, mais je suis également montée vers le nord. Ce qu’on voit dans le nord, c’est que la neige est arrivée et que le séchage du grain et les récoltes sont terminés, mais il y a d’autres endroits où le séchage est en cours. Si vous prenez la route 17 et que vous allez vers Cobden, on voit les séchoirs à grain qui fonctionnent à pleine puissance ces temps-ci. Le séchage du grain n’est pas terminé, mais il est en voie d’être terminé, selon l’endroit où l’on se trouve au Canada.
En résumé, le gouvernement canadien travaille de près avec le secteur agricole du pays. Ce qui me déçoit beaucoup dans le projet de loi C-234, c’est la quantité de mésinformation qui nous a été servie. Je n’interviens pas souvent sur différents projets de loi, parce que je n’ai pas toujours l’expertise requise. Je ne dis pas que j’ai une expertise en matière agricole, mais vous savez, on bourre les dindes à l’Action de grâce; eh bien, nous nous sommes fait bourrer considérablement ici au cours des dernières semaines. Je n’aime pas qu’on fasse cela avec des sénateurs canadiens. Je n’aime pas qu’on fasse cela avec des parlementaires.
À la fin de mon discours, tout ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes des êtres très intelligents. Nous avons été nommés ici pour de très bonnes raisons. Nous avons un travail diligent à faire pour prendre des décisions aussi importantes que celles-ci.
J’ai beaucoup aimé le commentaire du sénateur Boisvenu cet après-midi, quand il a dit qu’on proposait des solutions simples à des problèmes complexes. C’est ce que nous avons ici : des solutions extrêmement simples à des situations extrêmement complexes. Je vous invite donc à faire preuve de prudence dans les décisions que vous allez prendre en tant que sénateurs. Peu importe les choix que vous allez faire, ce sont des choix avec lesquels vous devrez vivre et qui seront écologiques pour vous. Dans mon cas, le projet de loi C-234 est un projet de loi avec lequel je ne suis pas à l’aise et il n’est pas conforme à l’idée que je me fais de l’écologie. Je vais voter en faveur de l’amendement du sénateur Dalphond, mais je vais voter contre ce projet de loi. Il va à l’encontre de mes principes et de mes valeurs. Je vous remercie.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui, allez-y.
Sénatrice, par souci de clarté, êtes-vous vraiment certaine qu’on n’utilise pas les séchoirs à grain lorsque la neige tombe au sol? En êtes-vous tout à fait sûre?
Ce que je dirai, c’est que, selon ce qui est récolté — parce que j’ai les chiffres —, certains sécheront pendant 21 jours, selon la quantité d’humidité et tout le reste — j’ai cette information. Cependant, non, monsieur le sénateur. Le séchage est une activité saisonnière et, selon l’endroit où vous vous trouvez au Canada, une fois que votre grain a été séché, selon ce que je sais — et corrigez-moi si je me trompe —, il est placé dans des conteneurs dans l’attente d’être expédié s’il est destiné au marché. Le séchage doit se faire rapidement, car il ne faut pas que les grains ou peu importe ce qu’on fait sécher — il y a quatre catégories — pourrissent. Le séchage se fait donc, et je crois comprendre qu’il se fait sur une plus longue période. Il est saisonnier en raison de la façon dont nous cultivons au Canada.
L’autre chose que je sais, c’est que les agriculteurs ne plantent pas la même chose partout dans leurs champs. Ils commenceront ainsi à récolter certains produits avec une période de séchage plus longue et travailleront tout au long de la saison de séchage. Il en va de même pour l’ensemencement au printemps. Ils dressent aussi une liste, de sorte qu’ils ne récoltent pas tout en même temps. Comme je l’ai dit, ils sont très intelligents et s’appuient sur la technologie.
Je me dois de poser une question. Il faut aborder cela. Je vous demanderais d’envisager de parler aux organisations auxquelles, selon ce que vous avez dit récemment, vous refusez de parler pour leur poser la même question. Le séchage du grain se déroule d’août ou septembre jusqu’en décembre ou janvier, et même en février. Je vous demande de leur poser la question. Merci.
Je suis d’accord avec vous, mais la saison du séchage ne dure pas toute l’année, et ce ne sont pas tous les agriculteurs qui sont concernés.
Dans le Nord, par exemple, je sais que la saison du séchage est terminée parce que les récoltes sont terminées.
Dans le Nord, où j’habite les fins de semaine, la saison est terminée.
Je vous remercie, Votre Honneur. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole à ce stade du débat et j’ai l’intention de ne le faire qu’une seule fois, à moins que je ne manque de temps.
Je tiens à ce que ma position soit claire et je pense que beaucoup d’entre vous le savent déjà. Je ne soutiendrai pas cet amendement et je soutiendrai le projet de loi sans amendement.
Je n’ai pas l’intention de réagir aux observations qui ont été faites précédemment, sauf pour dire que, ayant un peu d’expérience en ce qui concerne cette question, je soutiens personnellement le programme sur les changements climatiques du Canada mis en œuvre de manière équitable et je soutiens pleinement la tarification du carbone, un outil essentiel pour atteindre les objectifs climatiques.
Je chauffe ma maison uniquement à l’aide de thermopompes. Je conduis une voiture électrique et le toit de ma maison est recouvert de panneaux solaires, ce qui n’est pas donné. En dépit des arguments que le sénateur Woo a pu avancer, il ne s’agit pas d’une option très rentable.
Je voudrais parler un peu de l’agriculture et des agriculteurs des Prairies, de ce que ce projet de loi concerne, de ce qu’il ne concerne pas et de quelques points qui militent en faveur du projet de loi.
Je connais un peu l’agriculture — mais pas beaucoup — et j’en ai appris beaucoup en tant que membre permanent du Comité de l’agriculture et des forêts pendant quelques années, pas seulement au cours des audiences sur le projet de loi et de l’examen article par article. Cette partie de mes remarques est tirée de mon expérience personnelle, de certains témoignages que nous avons entendus et de documents gouvernementaux.
Les agriculteurs des Prairies — en particulier ceux de Saskatchewan — ont à cœur l’environnement. Je vais parler de trois points à ce sujet : l’engagement, l’innovation et les réalisations.
Premièrement, je parlerai de l’engagement et d’une histoire personnelle. Mon beau-père — aujourd’hui décédé — était agriculteur. Chaque automne, dans l’Ouest de la Saskatchewan, les chasseurs affluent avec enthousiasme pour chasser la faune sauvage, en particulier les canards et les oies. Il s’agit d’une voie de migration importante. À la fin de la saison de chasse, peut-être vers la mi-novembre, lorsque le temps devenait froid, mon beau-père sortait, non pas pour chasser les oies, mais pour les sauver.
Pendant la saison de la chasse, les chasseurs blessent des oies. Les oies ne pouvaient pas s’envoler et restaient dans les petits lacs, les étangs et les mares-réservoirs. Lorsque l’hiver approchait et que la glace s’installait sur ces lacs et ces étangs, les oies prises dans la glace mouraient de froid — une mort atroce.
Mon beau-père partait dans un petit bateau avec des poches de jute pour sauver ces outardes peu coopératives. Il avait même bâti une enceinte où il pouvait les garder, les soigner, puis les remettre en liberté, si possible. À un moment, il avait deux douzaines d’outardes dans cette enceinte. Elles n’étaient pas particulièrement amicales, mais elles étaient en vie et se portaient bien. C’est un engagement à l’égard de l’environnement qu’il n’avait pas besoin de prendre, et des milliers d’agriculteurs le font dans l’Ouest — et c’est probablement le cas partout au pays.
Passons à l’innovation. Dans ma province, un partenariat remarquable existe entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les agriculteurs, les producteurs agricoles, les innovateurs, les dirigeants d’entreprises et les universités pour faire progresser l’agriculture de façons durables. Le sénateur Klyne a parlé d’une de ces façons, et je ne ferai que mentionner cet exemple d’un partenariat fantastique pour obtenir de meilleurs résultats pour les agriculteurs, adopter des traitements du sol moins fastidieux et remettre le carbone dans le sol.
Au Comité de l’agriculture, nous avons entendu des dizaines d’histoires sur ces techniques, qui sont de bonnes pratiques, en plus d’être bénéfiques pour l’environnement. Elles sont inspirantes. Comme je le dis à mes collègues du Comité de l’agriculture de temps à autre à propos de mon travail dans ce cadre — ils sont las de l’entendre —, je suis venu pour douter et je suis resté pour prier.
Voici deux renseignements. Premièrement, dans les 30 dernières années environ, la productivité du secteur agricole des Prairies a augmenté de 33 %, et ce, sans hausse des émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture; je répète: sans hausse des émissions. Cette information vient du gouvernement du Canada, et aucune autre région du pays n’a obtenu de tels résultats ni des résultats similaires.
Deuxièmement, en ce qui concerne les émissions de dioxyde de carbone liées à la production agricole, et plus particulièrement celles de la Saskatchewan, les chiffres sont si spectaculaires que j’ai dû faire des vérifications pour m’assurer que je n’inventais rien ou que ce n’était pas une invention du premier ministre Scott Moe. L’information vient de Raymond Desjardins, qui est probablement l’agroscientifique le plus remarquable du Canada, et qui a travaillé toute sa vie au gouvernement du Canada. Aujourd’hui à la retraite, ce membre de l’Ordre du Canada a été colauréat du prix Nobel de la paix pour ses travaux au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Cela me suffit, et j’espère que cela vous suffit également.
Pour revenir aux résultats de la Saskatchewan, le gouvernement du Canada a recueilli cette information pour déterminer la quantité d’émissions de gaz à effet de serre qui découle des diverses cultures fourragères produites au pays. On a mesuré la quantité d’émissions de gaz à effet de serre par hectare de terre pour chaque type de culture et pour chaque province.
De 47 % à 49 % des terres arables du Canada se trouvent en Saskatchewan, un pourcentage fichûment important. Pour toute la gamme de produits cultivés en Saskatchewan — on y cultive la plupart des produits, à plus ou moins grande échelle — les émissions par hectare sont beaucoup plus basses que dans les autres provinces. La différence est à ce point marquée qu’elle semble incroyable.
Si on prend les oléagineux, par exemple, les émissions par hectare en Saskatchewan correspondent à la moitié des émissions de la province qui arrive au deuxième rang et elles sont cinq fois meilleures que la moyenne nationale. Pour les légumineuses, ses émissions sont cinq fois meilleures que celles de la province suivante. Pour les céréales, elle fait cinq fois mieux que la province suivante et dix fois mieux que la moyenne nationale. Pour ce qui est du blé de printemps — et il y en a beaucoup —, ses émissions sont quatre fois moins élevées que celles de la province suivante et dix fois meilleures que la moyenne nationale. Même les pommes de terre n’y échappent pas, bonté divine. La Saskatchewan fait des miracles sur le plan des émissions de gaz à effet de serre qui ne se voient probablement nulle part ailleurs dans le monde.
Ces résultats me donnent à penser, Votre Honneur, que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique et, très franchement, M. Poilievre, qui a désespérément besoin d’une stratégie sur le climat — pardonnez-moi, Votre Honneur —, devraient tous aller en Saskatchewan pour chercher à percer le secret de ces miracles.
Venons-en au projet de loi, ce sur quoi il porte et ce sur quoi il ne porte pas. Les manœuvres politiques et procédurales et les grands airs qu’on se donne parfois au Comité de l’agriculture et ici au Sénat détournent l’attention du véritable objet du projet de loi et de ce que nous devrions faire. Je vous invite à ne pas vous laisser distraire par tout cela pendant que nous débattons de la sagesse du projet de loi. Ce n’est pas une épreuve qui décidera du sort de la taxe sur le carbone au grand complet, et ce n’est pas non plus un prélude à l’ouverture des vannes.
Nous l’avons appris récemment en raison de faits nouveaux que le sénateur Dalphond a mentionnés, ce qui est tout à son honneur.
Si nous nous laissons emporter par ces vastes approches politiques controversées, nous nous privons de la capacité de prendre nos responsabilités au sérieux lorsque vient le temps de procéder à l’analyse de politique publique du projet de loi. Mettre ces distractions de côté nous permet d’examiner le projet de loi en fonction de ses propres caractéristiques, de l’objectif qu’il vise et des coûts qu’il engendrera.
Qu’en est-il des incidences financières? Le séchage du grain et le chauffage des bâtiments représentent des dépenses petites, mais pas insignifiantes, pour les agriculteurs. On nous a dit qu’il était question d’environ 1 milliard de dollars perçus en huit ans, mais, comme des sénateurs l’ont souligné, la majeure partie de cet argent est remise sous forme de remboursements. Je crois que la sénatrice Ringuette a parlé de 90 %.
Le problème, et il est difficile de l’isoler, c’est que le remboursement n’est pas distribué aux producteurs de façon cohérente, ce qui signifie que certains agriculteurs reçoivent moins que ce qu’ils paient — dans certains cas, beaucoup moins. Pour ces agriculteurs, qui sont généralement les petits producteurs d’après ce que nous avons entendu au comité, c’est un coût considérable. Ce système est donc un peu plus difficile pour eux.
Une autre distraction importante est l’idée que la taxe sur le carbone applicable aux combustibles fera grimper les prix dans les épiceries. C’est en grande partie une fausseté. Peu importe ce que vous entendez, le coût doit être absorbé par les agriculteurs, qui, à quelques exceptions près, sont des preneurs de prix sur le marché. Ils ne sont pas en mesure de transférer les coûts au maillon suivant en haussant le prix de leurs produits.
Essayez de vendre votre blé à Cargill en demandant un peu plus le boisseau de blé parce que vos dépenses de séchage ont été un peu plus élevées... Ainsi, pour nombre d’agriculteurs, le coût est assimilé dès le début de la chaîne.
Qu’en est-il du coût pour l’environnement? L’agriculture représente 73 mégatonnes des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Le combustible de chauffage, selon les statistiques du gouvernement du Canada, représente 1,7 % de cette quantité, ou 1,2 mégatonne de gaz à effet de serre.
Une partie de ce mazout est consommé dans les provinces où il y a un filet de sécurité, et une partie sert sans doute à autre chose qu’au séchage du grain et au chauffage des bâtiments de ferme. Disons qu’on parle d’environ une mégatonne d’émissions par année. Comme d’autres sénateurs l’ont dit, la taxe sur le carbone n’élimine pas les émissions; elle vise à susciter des changements de comportements qui, eux, réduiront les émissions. À combien s’élèvera cet incitatif? C’est difficile à dire.
Le seul exemple empirique que j’ai pu trouver vient de la Commission de l’écofiscalité du Canada, un organisme qui milite pour la tarification du carbone. Elle estime que 10 ans après l’imposition de la taxe sur le carbone pour l’essence en Colombie-Britannique, la consommation d’essence a diminué de 7 %.
Susciter une diminution de la consommation d’énergie carbonique dans le séchage du grain est un peu plus compliqué, et dans le chauffage des bâtiments de ferme aussi, mais partons du principe que le taux serait semblable, ou même le double. Après 10 ans d’un incitatif fondé sur la tarification du carbone, on pourrait s’attendre, de manière optimiste, à une baisse des émissions de CO2 de 10 ou 20 %, soit environ 0,2 mégatonne.
Mettons les choses en perspective. L’objectif du Canada est de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de 250 mégatonnes d’ici 2050. Ce volet représente donc, au mieux, un millième de l’objectif. Il faut mettre les choses en perspective.
Voici une autre façon de voir les choses. Le gouvernement du Canada, mon gouvernement, plante 2 milliards d’arbres au cours de la présente décennie. C’est un bon incitatif, je trouve. C’était censé contribuer à l’atteinte de notre objectif à hauteur de 11 ou 12 mégatonnes de CO2.
Comment nous débrouillions-nous? Nous faisons tellement piètre figure qu’à la fin du printemps dernier, le commissaire à l’environnement a indiqué qu’il nous manquerait de 7 à 8 mégatonnes pour atteindre l’objectif. C’est ce qu’il a dit au comité. Cette différence représente au moins 3 % de notre objectif national total, dans tous les secteurs, pour 2050. C’est de 30 à 50 fois plus que le problème dont nous débattons aujourd’hui. Je pense que si nous étions vraiment sérieux, nous parlerions des grands enjeux de notre société. Je reconnais que ce projet de loi nuit très légèrement à l’atteinte de l’objectif en matière de changement climatique et avantage un peu les agriculteurs.
Cependant, le secteur agricole et certaines industries au Canada sont plus vulnérables que d’autres, et je crois que c’est le cas de celle-ci. L’exemption accordée aux combustibles agricoles est un parfait exemple de mesure tenant compte de cette vulnérabilité. L’objectif de cette exemption est d’éviter que les producteurs agricoles n’aient à supporter un fardeau excessif, et cela ne représente qu’une contribution additionnelle mineure aux émissions de gaz à effet de serre.
Le gouvernement lui-même a reconnu que l’agriculture et l’agroalimentaire feront partie des quelques rares piliers de l’économie canadienne à l’avenir. Un rapport rédigé sous la direction du sénateur Harder est arrivé à la même conclusion. Que l’on considère l’agriculture comme un métier, comme un moyen de nourrir les Canadiens, comme un moyen de nourrir le monde ou comme un moyen de vendre un produit pour stimuler le commerce international, son importance pour l’avenir de notre pays ne peut être sous-estimée. Cela rend les règles du jeu équitables par rapport à nos concurrents dans le domaine de l’agriculture — bien que dans une faible mesure, je l’admets —, y compris les États-Unis.
En terminant, je vais parler de ce que j’appelle l’édification de la nation. J’ai bien peur que le projet de loi C-234, à certains égards, a pris des proportions symboliques qui vont bien au-delà de ses effets concrets. J’espère en avoir fait la démonstration.
Cet argumentaire semble reposer en partie sur le clivage entre les régions urbaines et rurales du Canada. Ce débat n’a pas fait grand-chose pour aider à cet égard. On peut aussi dire que le projet de loi attise les tensions politiques concernant la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral tient compte des intérêts de l’Ouest, surtout des Prairies — ce qui est un peu paradoxal, puisque près des deux tiers des avantages iront à l’Ontario. Il existe des tensions dans notre pays, il faut le reconnaître, et nous devrions nous efforcer de les atténuer de manière constructive. Cet argument ne justifie pas à lui seul un appui au projet de loi C-234 dans sa forme actuelle, mais c’est un facteur à considérer.
Il y a un ou deux ans, j’ai cité un arrêt important de la Cour suprême du Canada, possiblement le plus important qu’elle n’ait jamais rendu. Au sujet de la nature même du Canada, la cour a indiqué ceci dans sa décision unanime :
Une nation est construite lorsque les collectivités qui la composent prennent des engagements à son égard, quand elles renoncent à des choix et des possibilités, au nom d’une nation [...] quand les collectivités qui la composent font des compromis, quand elles se donnent des garanties mutuelles, quand elles échangent et, peut être plus à propos, quand elles reçoivent des autres les avantages de la solidarité nationale. Les fils de milliers de concessions mutuelles tissent la toile de la nation [...]
La concession présentée dans le projet de loi C-234 est l’un de ces fils. Merci.
C’est le genre de chose que je devrais demander à mon collègue en me tournant vers lui, mais il est impoli de chuchoter en classe. Puis-je poser une question?
Bien sûr.
Je vous remercie. Nous pouvons être en désaccord sur les aspects pratiques du projet de loi C-234, mais en ce qui concerne l’argument sur la partie visible de l’iceberg ou de la pente savonneuse, j’ai récemment reçu une lettre du premier ministre de votre province, et vous avez peut-être tous reçu la même, dans laquelle il disait, plus ou moins, « Vous feriez mieux d’adopter ce projet de loi. » Toutefois, il ajoutait : « Une fois que ce sera fait, je veux éliminer la taxe sur tout pour tout le monde. »
Que devons-nous penser de ce genre de déclaration politique et de pression sur cette Chambre?
Puis-je avoir quelques instants pour répondre à la question?
Le consentement est-il accordé?
Je suis un peu surpris que le sénateur Plett ait donné son accord parce que je veux notamment faire valoir que le premier ministre de ma province n’est pas le seul qui est plutôt mécontent de la taxe sur le carbone. On entend dire que ce premier ministre et d’autres mènent une campagne pour supprimer la taxe.
J’ai reçu la même lettre. J’ai répondu au premier ministre Moe. Je ne l’ai pas fait publiquement, mais je lui ai expliqué ma position sur cette question, c’est-à-dire que chacun des éléments doit essentiellement être jugé séparément. Bien honnêtement, je ne pense pas que le gouvernement du Canada a trouvé la solution parfaite, comme si elle sortait tout droit de la tête de Zeus. Des modifications doivent être apportées, et l’une d’entre elles l’a été il y a deux semaines. Chacun de ces éléments se doit d’être évalué selon sa valeur intrinsèque.
La valeur de chacun des éléments ne fera probablement pas consensus au Sénat. Cependant, on ne peut en conclure que cela implique un appui massif de la position que le premier ministre de ma province ou d’autres dirigeants du gouvernement fédéral avancent, c’est-à-dire qu’il s’agirait d’une victoire pour les opposants de la taxe sur le carbone. Je n’y crois pas et je rejette cette idée.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier mes collègues, les sénateurs Dalphond, Plett, Ringuette, Woo, Moncion et Cotter. Vous m’avez déjà entendu parler de la valeur des débats. Au cours de ma courte expérience au Sénat, ces débats m’ont certainement permis de changer d’avis au moment d’un vote.
Ce soir, plus tôt dans la journée et cette semaine, nous avons entendu divers « faits ». Je mets ce terme entre guillemets parce que certains affirment que ce sont des faits et d’autres que ce ne sont pas des faits. On a entendu dire que le séchage des grains était effectué, ou qu’il ne l’était pas. On a entendu certaines statistiques du directeur parlementaire du budget. On a entendu dire que l’Île-du-Prince-Édouard était une municipalité. Les producteurs de grains ont accès aux technologies, mais nous avons appris que ces technologies n’étaient pas encore assez économiques.
On a également entendu parler par le passé — et j’y ai ajouté ma voix — de la question de la sécurité alimentaire et du coût des biens de consommation. Ce soir, un amendement nous a été présenté. J’ai lu l’amendement pendant le débat pour essayer de trouver la relation entre le débat et cet amendement.
Je pense qu’il faut prendre le temps de réfléchir. Je propose donc l’ajournement du débat.