Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré
Troisième lecture--Ajournement du débat
9 avril 2024
Propose que le projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture en tant que marraine du projet de loi S-252, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.
Le projet de loi S-252 propose de souligner chaque année au Canada la Semaine d’appréciation de la fonction de juré pendant la deuxième semaine de mai.
Au cours des dernières années, j’ai eu le privilège de m’exprimer à quelques reprises dans cette enceinte en faveur de la reconnaissance de la fonction de juré au Canada. J’ai notamment présenté une motion pour demander au gouvernement fédéral d’instituer une Semaine d’appréciation du jury au Canada, qui a été adoptée par le Sénat le 12 mai 2022. J’ai également été porte-parole pour le projet de loi S-206, parrainé par le sénateur Boisvenu, qui a permis de lever la règle du secret du délibéré dans des cas bien précis, en permettant aux jurés de s’entretenir avec un professionnel de la santé mentale au sujet des délibérations après un procès. Ce projet de loi a été adopté et a reçu la sanction royale en 2022. Ces interventions m’ont permis de lever le voile sur une situation problématique qui était auparavant peu connue des parlementaires.
Comme sénateurs, nous avons le privilège de proposer des projets de loi pour instaurer des journées ou des semaines nationales. Bien que parfois critiquée pour sa portée symbolique, cette voie permet de combler certaines lacunes en suscitant un dialogue national sur des enjeux importants, mais méconnus des gouvernements et des Canadiens.
Une telle semaine offre l’occasion d’atteindre plusieurs objectifs. En plus de promouvoir la reconnaissance, l’éducation et la sensibilisation des Canadiens et Canadiennes à l’exercice de ce devoir civique, une semaine nationale consacrée à l’appréciation du rôle des jurés permet de faciliter la collaboration et la coordination, par les organismes, tribunaux et gouvernements provinciaux et territoriaux, dans la mise en œuvre des recommandations du rapport de 2018 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a fait des observations sur le projet de loi et une semaine nationale permettrait également de se pencher sur ces observations.
Pourquoi le projet de loi propose-t-il la deuxième semaine de mai comme semaine d’appréciation de la fonction de juré? C’est une question qui m’a été posée au comité; je me permets donc d’y répondre aussi dans cette Chambre pour expliquer ce choix.
Le printemps marque la fin de nombreux procès, ce qui en fait un moment opportun pour exprimer notre gratitude envers les jurés et pour reconnaître leur contribution au système judiciaire. La fin des procès est également une occasion de mieux faire connaître aux jurés le soutien qui leur est offert.
Aux États-Unis, la deuxième semaine de mai correspond à la reconnaissance d’une telle semaine par l’American Bar Association et diverses administrations, notamment la Californie et la Louisiane. De plus, les tribunaux de l’ensemble des États-Unis, ainsi que les législatures du Texas et de l’Oregon et le Sénat de l’État de Pennsylvanie observent une semaine consacrée à l’honneur des jurés au mois de mai.
Au Canada, la deuxième semaine de mai est reconnue comme une semaine de reconnaissance depuis déjà deux ans par diverses parties prenantes et par le gouvernement fédéral, par le biais du ministre de la Justice. Le Sénat a reconnu la semaine en question lors de l’adoption d’une motion le 12 mai 2022. Vous comprendrez, chers collègues, qu’il serait inefficace de présenter une telle motion chaque année. Ces reconnaissances n’ont pas d’assises dans la législation et n’offrent donc pas de certitude à long terme pour les acteurs impliqués et touchés par cette cause. On parle ici de milliers de Canadiens et de Canadiennes chaque année.
Le projet de loi S-252 n’est pas uniquement axé sur la reconnaissance symbolique du devoir de juré. Nous savons que le fait d’enraciner dans la législation une semaine officielle peut être un catalyseur de changements, et ce, de plusieurs manières. Le préambule du projet de loi nous permet de comprendre son objet, mais aussi de se projeter dans l’avenir pour comprendre la portée potentielle de la proposition. Le préambule reconnaît que des milliers de Canadiens et de Canadiennes exercent chaque année la fonction de juré et que ce devoir constitue un élément crucial de notre système de justice et de notre démocratie. La valorisation du devoir de juré pourrait cultiver un sentiment de fierté et d’accomplissement, ce qui aiderait les jurés à sentir que leurs sacrifices sont vus et reconnus par le gouvernement et le système judiciaire.
Le préambule attire également l’attention sur le lien entre le bien‑être et la santé mentale des jurés pour ce qui est du fonctionnement efficace de notre système de justice. Cet élément me tient beaucoup à cœur, car j’ai moi-même souffert du syndrome de stress post‑traumatique en raison de mon expérience comme jurée. Des mesures concrètes doivent être mises en place pour soutenir les jurés avant, pendant et après leur service. Mieux informer et préparer les jurés avant le procès pourrait faire une énorme différence dans leur capacité à vivre sereinement cette responsabilité. Tout cela passe par une communication claire et transparente sur le déroulement du procès, les règles à respecter et les différents types de cas qu’ils peuvent être amenés à traiter.
Lorsque des citoyens sont appelés à siéger comme jurés, ils se retrouvent souvent plongés dans l’inconnu. Un simple avis leur ordonne de se présenter au tribunal, sous peine d’une amende de 5 000 $ ou d’une peine de prison, sans aucune information sur ce qui les attend. Confrontés à un système complexe et à des émotions fortes, ils manquent souvent de préparation pour gérer le stress et l’impact psychologique de cette expérience. Le besoin de soutien ne s’arrête pas à la fin du procès. Les jurés peuvent avoir besoin de temps pour digérer les témoignages et le verdict et pour parler de leur expérience avec d’autres personnes ayant vécu la même chose, ainsi qu’à des professionnels de la santé mentale au besoin.
Il est essentiel de mieux accompagner les jurés tout au long du processus, et ce, dès la convocation. Une semaine officielle célébrée chaque année permettrait de mettre en lumière l’interrelation entre le bien-être des jurés et le bon fonctionnement du système de justice canadien, afin que certains acteurs clés comprennent bien la nature de ce lien.
Enfin, le préambule précise que cette loi servira de projet éducatif, visant à informer et à mobiliser les citoyens, les organismes, l’ensemble de l’appareil judiciaire ainsi que les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, en favorisant la sensibilisation et la compréhension des complexités associées à l’accomplissement de ce devoir civique. Une initiative visant à célébrer cette semaine à l’échelle nationale permet de remédier aux fragmentations de notre système actuel, qui favorise les discussions en silos entre divers organismes et les provinces et territoires pour ce qui est de l’administration de la justice, mais aussi en matière d’offre de services en santé mentale. Tout en respectant les compétences des provinces et des territoires, le projet de loi permet de jeter les bases d’un fédéralisme coopératif en matière de soutien aux jurés et fait le pont entre une variété d’acteurs de la société civile qui œuvrent dans des domaines liés à la justice, à l’éducation et à la santé.
Pour combler les lacunes en matière de soutien aux jurés, une semaine consacrée à l’appréciation de la fonction de juré pourrait grandement améliorer l’expérience des jurés à de multiples égards. S’inspirant des récits d’anciens jurés et de mes propres observations, les exemples suivants mettent en lumière les principaux besoins auxquels une telle semaine pourrait répondre.
Être juré peut s’avérer une expérience psychologiquement difficile, voire entraîner des symptômes du trouble de stress post‑traumatique. Les jurés et leur famille sont confrontés à diverses pressions, et les répercussions de la participation à un jury peuvent se faire sentir longtemps après la fin du procès.
Le manque de soutien financier, en particulier pour les personnes à faible revenu, est un facteur de stress majeur qui nuit à la représentation et à la diversité des jurys canadiens. La rémunération des jurés est actuellement inférieure au salaire minimum. En Ontario, par exemple, un juré reçoit 5 $ l’heure, ce qui ne compense pas la perte de revenu occasionnée par la participation au système de justice. Le manque de soutien financier peut rendre difficile la participation des personnes à faible revenu aux jurys et conduire à un manque de diversité dans le processus de sélection des jurés.
Les employeurs sous-estiment souvent les difficultés rencontrées par les employés appelés à faire partie d’un jury. Le soutien et l’indemnisation fournis par les employeurs, les provinces et les territoires sont le plus souvent négligeables et insuffisants. Le manque de soutien peut rendre difficile la participation des employés à des jurys et conduire à des difficultés financières et à la perte d’un emploi.
Enfin, après un procès, la société s’attend à ce que les jurés reprennent leur vie normale comme si rien ne s’était passé. Les employeurs perçoivent souvent cette absence prolongée comme des vacances. Il est essentiel d’informer les employeurs, en particulier. Les employeurs doivent être sensibilisés aux défis auxquels sont confrontés les jurés et ils doivent être prêts à soutenir leurs employés qui sont appelés à faire partie d’un jury.
Il est impératif de contrer ces attentes irréalistes et d’entamer des discussions sur l’élimination de ces obstacles afin de créer un système de jury plus inclusif et plus équitable. Il est essentiel de soutenir le bien-être de ceux qui font des sacrifices pour assurer le bon fonctionnement du système judiciaire et de la démocratie au Canada. Il faut notamment fournir un soutien financier adéquat, garantir la sécurité d’emploi et offrir aux jurés des ressources en matière de santé mentale.
Le projet de loi S-252 représente la pierre angulaire de la création d’un environnement favorable à la réalisation de ces objectifs.
À la suite de mon expérience comme jurée numéro un dans un procès pour meurtre au premier degré, de conversations engagées avec d’anciens jurés et intervenants, de réflexions fournies par nos comités parlementaires, j’en suis venue à la conclusion qu’un leadership à l’échelle fédérale est nécessaire. Il y a un réel écart à combler sur le plan national.
Je vais maintenant aborder brièvement le rôle du gouvernement fédéral en ce qui concerne la fonction de juré. Le manque de leadership à l’échelon fédéral explique en partie une offre fragmentée et incohérente de services et de soutiens aux jurés. Ce manque explique également l’absence de reconnaissance pour ce qui est de l’apport à la justice et à la démocratie canadienne du rôle de juré.
La justice est une compétence partagée. Le rôle du gouvernement fédéral et du ministère de la Justice est central dans chacune des recommandations contenues dans le rapport de 2018 intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada. Tout cela est aussi cohérent avec l’objet du projet de loi S-252.
À titre illustratif, le rapport recommande un financement fédéral à certains égards et le partage de bonnes pratiques avec les provinces et les territoires. Il souligne également l’importance de sensibiliser les juges, les coroners et les fonctionnaires judiciaires aux répercussions potentielles des procédures judiciaires sur la santé mentale des jurés.
Bien que la fonction de juré soit une fonction vitale de notre système judiciaire et de notre démocratie, le gouvernement fédéral n’a pas encore joué un rôle de premier plan dans le soutien aux jurés. Le projet de loi propose un moyen efficace pour le gouvernement fédéral de combler cette lacune, tout en respectant l’administration provinciale et territoriale de la justice.
J’ai eu le privilège de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans le cadre de son étude du projet de loi S-252. Les membres du comité ont écouté mon témoignage avec attention et compassion. Je leur suis très reconnaissante de leur gentillesse et de leur considération.
Les membres du comité ont non seulement fait preuve d’une grande sensibilité à mon égard et à l’égard des autres témoins, mais ils ont également adopté une approche pragmatique et analytique pour examiner ces questions. Le rapport du comité ne contient pas d’amendements, mais il renferme trois observations constructives.
La première observation concerne le manque de diversité au sein des jurys au Canada, notamment en ce qui concerne la représentation des personnes racisées, noires et autochtones. Le comité recommande donc que les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones tentent de déterminer des mesures qui amélioreront la diversité des jurys afin que les accusés puissent être jugés par des pairs.
La deuxième observation concerne le traumatisme vicariant subi par les jurés, ainsi que les programmes et services de santé mentale. Selon la définition de Santé Canada :
On subit un traumatisme vicariant en ressentant le témoignage d’atrocités commises à l’endroit d’une autre personne. Par empathie, on voit, sent, entend, touche et ressent la même chose que la victime, en écoutant celle-ci raconter ses expériences en détail, dans le but d’atténuer sa propre douleur. […] Le traumatisme est lié à l’énergie qui se dégage de l’exposition au récit d’événements traumatiques et à la manière dont le corps et l’âme réagissent à la rage, à la douleur et au désespoir profonds.
J’aurais aimé connaître la notion de traumatisme vicariant lorsque je vivais des moments difficiles à la suite de mon expérience comme jurée. Cela m’aurait aidé à comprendre que mes sentiments étaient à la fois normaux et valables, et je suis sûre que c’est le cas pour beaucoup d’autres anciens jurés. Comprendre les fondements scientifiques de notre expérience pourrait favoriser grandement notre rétablissement, et il est essentiel d’avoir accès à des programmes fondés sur des données probantes.
Par rapport à cette seconde observation, le comité exprime sa préoccupation concernant les mesures insuffisantes de soutien en santé mentale offertes aux jurés avant, pendant et après un procès. Par conséquent, il recommande la création de programmes gouvernementaux complets axés sur la gestion des traumatismes afin de soutenir et de protéger le bien-être des jurés.
La troisième observation souligne les répercussions financières des fonctions de juré sur les Canadiens qui les exercent, notamment la perte de salaire, mais également l’indemnisation inadéquate des dépenses liées à l’exercice de fonctions de juré, dont les frais de garde d’enfants et de déplacement. Ces obstacles financiers expliquent en partie le manque de diversité au sein des jurys. En réponse, le comité propose que le gouvernement du Canada envisage d’utiliser le programme d’assurance-emploi pour offrir un soutien financier aux jurés pendant leur service.
Au sujet de la compensation financière, Tina Daenzer, ancienne jurée ayant témoigné devant le comité, a fourni l’explication suivante :
La rémunération des jurés est encore nettement insuffisante pour former un jury vraiment équilibré. À vrai dire, en Ontario, les montants n’ont pas changé depuis ma participation au procès de Paul Bernardo en 1995. Les 10 premiers jours ne sont pas rémunérés, puis on commence à toucher 40 $ par jour.
Elle a été jurée en 1995. Je l’ai été en 1989, et les mêmes règles s’appliquaient à l’époque.
Des millions de Canadiens occupent des emplois au salaire minimum ou sont des travailleurs indépendants, ce qui signifie qu’ils sont financièrement incapables de faire partie d’un jury. Si nous voulons vraiment former des jurys de pairs, nous devons veiller à ce que chaque Canadien puisse en faire partie.
Les anciens jurés et les autres témoins entendus par le comité ont été unanimes à dire que cette semaine d’appréciation est nécessaire non seulement pour sensibiliser la population, mais aussi pour reconnaître et célébrer les personnes qui ont exercé cette fonction. Une semaine nationale donnerait aux gens l’occasion de s’engager dans une réflexion et des discussions approfondies sur les observations formulées par le Comité des affaires sociales et les recommandations incluses dans le rapport du Comité de la justice de l’autre endroit, qui date maintenant de six ans.
Le Sénat a déjà voté en faveur d’une motion visant à reconnaître la Semaine d’appréciation de la fonction de juré. J’espère, chers collègues, pouvoir compter sur votre appui pour cette proposition législative modeste et simple. L’adoption du projet de loi S-252 par le Parlement illustrerait la portée et l’importance des contributions des citoyens qui exercent la fonction de juré. Cette reconnaissance témoignerait de notre gratitude pour les sacrifices qu’ils font et du rôle important qu’ils jouent pour assurer le bon fonctionnement de notre système de justice.
J’aimerais citer à nouveau Tina Daenzer, cette fois au sujet du manque de reconnaissance de la société canadienne envers les jurés. Lors de son témoignage devant le Comité des affaires sociales sur le projet de loi S-252, elle a dit :
Si la fonction de juré est si importante pour l’ensemble de notre système juridique, pourquoi les personnes sélectionnées souffrent-elles d’un tel manque de reconnaissance, tant sur le plan de la rémunération que sur celui de la santé mentale? De nombreuses études ont montré que la reconnaissance en milieu de travail stimule l’engagement, attire de meilleurs employés, aide le personnel à trouver un sens à son travail et renforce les aspects positifs. Dans notre pays, nous devrions tous souhaiter ces bienfaits, non seulement pour les employés, mais aussi pour les personnes choisies comme jurés. Nous devons veiller à ce qu’ils se sentent soutenus et valorisés et que, à la fin du procès, ils puissent repartir avec le sentiment d’avoir vécu une expérience gratifiante et enrichissante.
Je vais dévier de mon discours un instant. C’est probablement la dernière fois que je vais parler de mon expérience en tant que juré, alors je vais vous raconter une histoire.
Au cours des 35 dernières années, j’ai toujours craint que les personnes reconnues coupables ne sortent un jour de prison et s’en prennent à moi ou à un autre membre du jury. C’était une de mes préoccupations. L’autre préoccupation que j’avais en tant que juré concernait le verdict de meurtre au premier degré que nous avons rendu. Il y a toujours eu un doute dans mon esprit — pas parce que nous n’avions pas les preuves adéquates, mais parce que j’ai toujours craint d’avoir commis une erreur ou d’avoir rendu un verdict erroné.
Il y a quelque temps, j’ai décidé de chercher dans Google le nom des deux condamnés et j’en ai trouvé un. Cet homme est sorti de prison depuis 2014. Il a maintenant 62 ans. C’est un détenu réadapté. Dans la séquence vidéo que j’ai regardée, il parle de sa vie de détenu. Non seulement il a confirmé qu’il avait tué la personne qui faisait l’objet du procès auquel nous avions siégé comme jurés quand il a été reconnu coupable la première fois, mais il a également tué à nouveau pendant qu’il était en prison.
Aujourd’hui, j’ai pu constater d’après son témoignage que cet homme est réadapté. Comme je l’ai dit, il a 62 ans. Il vit quelque part au Canada. C’est un grand-père et il est réadapté. Il a écrit un livre. Il se rend dans des écoles pour témoigner et parler aux jeunes de son expérience. Il raconte comment il est devenu un détenu, comment il s’est retrouvé dans la situation qu’il a connue, ce qui lui est arrivé en prison pour qu’il change sa façon de penser, et il dit qu’il a développé de l’empathie pendant qu’il était en prison. Il a commencé à comprendre que tout ce qu’il faisait avait des conséquences sur les autres.
Cet homme est maintenant réadapté. Il a un emploi. Il fait partie de notre société. Après avoir lu cela, j’ai dit à mon mari : « J’ai vu cela. » Il a dit : « Es-tu en train de me dire que tu lui pardonnes pour ce qu’il a fait? » Je lui ai répondu : « Je ne sais pas si je lui pardonne, et je ne sais pas non plus ce que je ressens maintenant au sujet de cet homme. » Mais j’ai toujours voulu m’assurer que quelque chose de bon est ressorti du travail que j’ai fait il y a 35 ans. J’ai seulement cherché le nom de cette personne sur Google, alors je n’ai pu trouver que des renseignements à son sujet. Cet homme a aussi écrit un livre.
Ce n’est qu’une anecdote. À mes yeux, c’est comme boucler la boucle à ce sujet. Je ne sais toujours pas ce que je ressens au sujet de cet homme, ni où il en est dans sa vie aujourd’hui. Une des choses qu’il a dites, c’est qu’il n’est pas fier de ce qu’il a fait. Il a été incarcéré pendant 32 ans, mais il a dit : « Je vis toujours dans ma propre prison, car je vis toujours avec ce que j’ai fait, et cela qui me suivra jusqu’à ma mort. »
Sur cette note, je rappelle que, en appuyant le projet de loi S-252, nous sensibiliserons chaque année les Canadiennes et Canadiens ainsi que les gouvernements aux nombreux enjeux liés à la fonction de juré.
Vous comprendrez, bien évidemment, que le temps presse pour que ce projet de loi soit renvoyé à la Chambre des communes. Je demande donc bien humblement votre appui pour que ce projet de loi puisse rapidement franchir les étapes à l’autre endroit.
Je vous remercie de votre attention.
Acceptez-vous de répondre à une question?
Je tiens vraiment à vous remercier de faire cela. J’étais membre du comité des affaires sociales et je me souviens d’avoir appris que votre projet de loi allait être présenté, et que c’était la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, et j’ai pensé : « Oh, c’est super. » Puis, vous avez été le premier témoin et vous avez parlé de votre expérience, de ce qui s’est passé par la suite et du fait qu’on ne vous avait pas préparée en amont. Puis, le lendemain du procès, vous avez repris une vie normale, une vie aussi normale que possible après avoir vécu un tel traumatisme.
Je pense que vous avez parlé du manque d’appréciation de la fonction de juré. J’ai connu des personnes qui ont fait partie de jurys. On les revoit, et c’est bien qu’ils aient terminé, mais ils ne peuvent pas parler de ce qu’ils ont vécu. Ce n’est même pas correct de leur demander ce qu’ils ont traversé.
Ma question est la suivante. Pendant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré — qui, à mon avis, sera très bénéfique — quels types d’activités envisagez-vous pour que les Canadiens comprennent ce que les jurés ont enduré? On pense souvent qu’un procès dure une semaine ou deux, mais nous avons entendu un témoin nous dire que le procès avait duré des mois et des mois. Après quoi, au lendemain du procès, il avait dû retourner à son bureau et continuer comme si la vie avait été « normale » pendant les six ou neuf mois précédents.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ce que vous envisagez? J’espère que les gens feront preuve de créativité si le projet de loi est adopté. Pouvez-vous nous dire ce qui pourrait se passer pour aider les jurés ou les jurés potentiels à comprendre ce qui va se passer, mais aussi pour aider le grand public à mieux comprendre le rôle que les membres d’un jury jouent dans la société?
Je vous remercie de votre question, sénatrice, et de toutes les bonnes questions que vous et tous vos collègues du Comité des affaires sociales, de la science et de la technologie avez posées lorsque nous, les témoins, avons assisté à la réunion.
Beaucoup de choses sont déjà en cours, et elles ont été utilisées l’année dernière lors de la Semaine d’appréciation de la fonction de juré. Le contenu est élaboré au fur et à mesure que les différentes provinces s’inscrivent au programme. Depuis que nous avons commencé à travailler sur la modification de la loi en ce qui concerne les règles de confidentialité, la Commission canadienne des jurés a été créée, et son travail consiste à sensibiliser les gens au travail que les jurés doivent accomplir.
La commission travaille avec les provinces qui souhaitent adhérer à l’initiative. Il y a des renseignements qui sont disponibles sur le Web. Il existe toutes sortes de cours que les gens peuvent suivre ou de sessions auxquelles ils peuvent participer pour se préparer à être jurés. Il y a différentes choses qui se font dans les différentes provinces.
Diverses mesures ont été prises dans les dernières années, et il y a donc de plus en plus d’information accessible. On fournira plus d’information à l’employeur lorsqu’un membre de son personnel sera convoqué comme juré. On fournit toute l’information nécessaire pour comprendre les obligations de l’employeur, le travail que le juré devra faire et à quel point ce travail prend du temps. On facilitera également l’accès à cette information.
La semaine d’appréciation vise seulement à faire de la sensibilisation. Ainsi, les gens commenceront peut-être à s’informer pour savoir ce qui se passe lorsqu’on est convoqué comme juré. Il y aura plus de renseignements accessibles, et toutes sortes d’outils sont maintenant en place pour aider les jurés.
Merci.