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Projet de loi d'exécution de l'énoncé économique de l'automne 2023

Troisième lecture--Ajournement du débat

18 juin 2024


Honorables sénateurs, j’ai le privilège de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture à titre de marraine du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.

Comme vous le savez, cette proposition législative contribuerait à stimuler l’économie nationale en rendant la vie plus abordable pour les Canadiens, en favorisant la construction de logements supplémentaires et en générant des emplois de qualité.

Dans le cadre de ce discours, je ferai, dans un premier temps, un résumé des travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et dans un deuxième temps, j’aborderai les mesures que je n’ai pas eu la chance de couvrir à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi.

D’emblée, j’aimerais prendre un moment pour remercier très sincèrement les membres du Comité des finances nationales qui, malgré un emploi du temps chargé en cette fin de session, ont mené une étude diligente et rigoureuse d’un projet de loi volumineux. Merci, chers collègues.

Dans le cadre de son étude, le Comité des finances nationales a entendu plusieurs témoins et examiné des mémoires issus de nombreuses parties prenantes, dont le Business Council of Alberta, l’Association canadienne des carburants, Ecojustice, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, le Centre québécois du droit de l’environnement, l’Association canadienne des produits de consommation spécialisés, et j’en passe. Il a aussi entendu les fonctionnaires provenant des différents ministères concernés par le projet de loi, ainsi que la Chambre de commerce du Canada.

L’étude préalable du projet de loi avait permis de cerner les principaux enjeux ainsi que d’approfondir la compréhension des différentes mesures proposées.

Lorsque le projet de loi a été renvoyé au comité après la deuxième lecture, le comité s’est davantage concentré sur les mesures ayant fait l’objet d’amendements à la Chambre des communes. Par ailleurs, l’une d’entre elles, portant sur la section modifiant la Loi sur la concurrence, soit la section 6 de la partie 5, a suscité des préoccupations chez certaines parties prenantes. Le comité a donc porté une attention particulière à ces préoccupations et aux conséquences potentielles de l’amendement en question.

Avant d’entrer dans les détails de cet amendement et de la discussion ayant eu lieu au comité, je vais brièvement exposer les fondements du régime de concurrence et son fonctionnement au Canada.

La Loi sur la concurrence est une loi-cadre économique fédérale qui a pour but de favoriser une plus grande concurrence au moyen de dispositions civiles et pénales qui luttent contre diverses formes de comportements anticoncurrentiels et nuisibles au sein du marché. La Loi sur la concurrence est administrée et appliquée par le Bureau de la concurrence, un organisme indépendant d’application de la loi qui protège et favorise des marchés concurrentiels en permettant aux consommateurs de faire des choix éclairés.

Au cours des dernières années, surtout depuis la consultation sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada qui a été lancée à la fin de 2022, de nombreux intervenants et membres du public ont exprimé des inquiétudes au sujet de la concentration croissante des entreprises au Canada, de la hausse des prix et du pouvoir disproportionné dont jouissent les grandes sociétés.

Les modifications proposées par le projet de loi C-59 touchent des secteurs soigneusement choisis qui peuvent contribuer directement à régler ces problèmes de longue date.

J’aimerais discuter du travail accompli par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et revenir sur les inquiétudes exprimées après l’adoption d’une série d’amendements à l’article 236 du projet de loi afin de mieux lutter contre l’écoblanchiment. Selon certains, la disposition ajoutée est trop vague et trop mal définie pour respecter les normes internationalement reconnues. Je rappelle qu’une bonne partie des témoins entendus par ce comité étaient favorables à ce qu’on resserre les critères énoncés à l’article 236 du projet de loi. C’est aussi ce qui ressortait des mémoires reçus par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont celui de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, du Centre québécois du droit de l’environnement et d’Ecojustice.

Le Bureau de la concurrence a également recommandé au Comité permanent des finances de la Chambre des communes de resserrer ces critères, car il est bien conscient de l’ampleur que prend le problème de l’écoblanchiment au Canada. La première série d’amendements proposés par le comité de la Chambre s’inspirait des changements recommandés par les groupes environnementalistes, qui souhaitaient qu’on élargisse la portée des dispositions afin qu’elles englobent les prétentions environnementales en général et qu’on oblige les entreprises à dévoiler publiquement les preuves et les essais permettant d’étayer leurs affirmations. Un sous-amendement a ensuite été présenté afin que les entités qui affirment que leurs pratiques sont écologiques ne soient tenues de révéler la teneur des essais auxquels elles ont soumis leurs produits ou le fondement de leurs activités commerciales globales qu’en cas de doute de la part du Bureau de la concurrence et non au moment où elles font leur affirmation, le but étant d’éviter un surcroît de tracasseries administratives aux PME.

Par conséquent, le libellé de la série actuelle d’amendements établit un équilibre qui maintient l’intention et l’orientation des amendements, mais qui évite les conséquences et les fardeaux involontaires pour les entreprises. L’exigence concernant les éléments corroboratifs protège la concurrence en garantissant que les consommateurs peuvent se fier aux déclarations sur les entreprises et leurs activités.

Il convient également de noter que l’amendement et le sous-amendement à l’article 236 adoptés par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes ont obtenu le soutien de tous les partis et ont ensuite été adoptés à l’unanimité par la Chambre des communes à l’étape de la troisième lecture. Dans une lettre envoyée au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce le 31 mai 2024, puis au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le Bureau de la concurrence traite explicitement des amendements en question. Il déclare :

Bien que nous ayons recommandé une étude plus approfondie, nous respectons la décision du Comité permanent des finances de la Chambre des communes d’apporter des modifications au paragraphe 236(1) sur cette question importante. Comme nous l’avons mentionné plus haut, il a pris cette décision après avoir entendu les différents intervenants. Les modifications ont finalement été adoptées à l’unanimité par la Chambre des communes en troisième lecture le 28 mai 2024.

Un peu plus loin dans la lettre, on lit ceci :

À notre avis, les propositions de modifications de la Loi sur la concurrence contenues dans le projet de loi C-59 représentent une mise à niveau tant attendue et nécessaire de notre cadre de droit de la concurrence qui permettra de mieux répondre aux besoins des Canadiens et Canadiennes.

Cette lettre et l’intervention subséquente du Bureau de la concurrence indiquent qu’avec le libellé actuellement proposé dans le projet de loi C-59, l’autorité indépendante du Canada en matière de concurrence est préparée et outillée pour remplir son mandat de défense et de protection des consommateurs canadiens et de promotion d’un marché concurrentiel et innovant au sein duquel les entreprises canadiennes peuvent prospérer.

À cet égard, les fonctionnaires du ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie ont longuement témoigné devant le comité. Selon eux, l’introduction du nouveau concept de méthodologie reconnue à l’échelle mondiale dans la disposition sur l’écoblanchiment ne pose pas de problème, car la Loi sur la concurrence est un cadre raisonné et indépendant du marché. Les termes généraux de la loi sont d’abord précisés par le Bureau de la concurrence au moyen de lignes directrices élaborées avec les parties prenantes, puis par les tribunaux au moyen de la jurisprudence.

Plus important encore, le Bureau de la concurrence s’est engagé à examiner et à élaborer des lignes directrices pour intégrer les modifications proposées par le projet de loi C-59 et le projet de loi C-56 après avoir consulté les parties prenantes.

Le Bureau de la concurrence s’efforcera de mettre en place un encadrement solide et prévisible pour garantir une mise en œuvre juste de la loi. Il est courant, notamment en droit de la concurrence, d’inclure dans le texte de loi une terminologie large et libérale, fondée sur des principes, qui sera ensuite définie et précisée par le Bureau de la concurrence à la lumière de consultations.

Bien que l’expression « méthode reconnue à l’échelle internationale » puisse sembler vague, une interprétation selon le sens ordinaire des mots ainsi que les mémoires des parties prenantes nous éclairent quant à l’intention du législateur derrière cette formulation. Par exemple, les parties prenantes se réfèrent dans leurs mémoires à des méthodes employées par l’Union européenne.

Pour assurer la compétitivité du Canada sur la scène internationale, il est essentiel d’adopter un cadre législatif offrant la flexibilité nécessaire pour intégrer les avancées mondiales en matière environnementale et ajuster nos directives, nos politiques et la réglementation en conséquence. Cette approche nous permet de rester à la pointe de meilleures pratiques et de demeurer réactifs face aux progrès réalisés ailleurs. En définitive, cela joue un rôle crucial dans notre capacité à rester compétitifs sur le marché mondial et à assurer un avenir prospère pour le Canada.

Pour répondre aux préoccupations des parties prenantes, le comité a formulé une importante observation. Je remercie le sénateur Dalphond de l’avoir proposée et je salue le travail du sénateur Gignac, qui a collaboré avec lui dans le cadre de cette démarche.

Je tiens également à remercier la sénatrice Ross, qui a courageusement proposé un amendement pour remédier au problème. Je fais maintenant lecture des importantes observations que le comité a adoptées :

Le Comité souligne qu’une proportion significative d’acteurs industriels actifs au Canada ont fait de réels efforts pour soutenir le passage à une économie zéro émission nette et pour différencier leurs produits et leurs entreprises sur cette base. Ces efforts légitimes ne doivent pas être découragés ou entravés par crainte des conséquences involontaires de la poursuite d’actions d’écoblanchiment.

Votre comité estime qu’il est important que le Bureau de la concurrence procède à une consultation sérieuse afin d’établir des lignes directrices claires dans ce domaine, et que tout droit d’action privé soit éclairé par ces lignes directrices quant à ce qui peut être considéré comme trompeur dans le domaine de la protection de l’environnement.

En outre, bien que [le paragraphe] 236(1) du projet de loi C-59 souligne l’importance d’une méthodologie internationalement reconnue pour justifier de telles affirmations, le Comité estime que l’analyse devrait aussi inclure les meilleures pratiques qu’elles soient fédérales, ou de partout ailleurs au Canada, telles que celles définies par Environnement et Changement climatique Canada.

Ce constat, les interventions du Bureau de la concurrence suite à l’adoption de l’amendement et le travail effectué par le Comité sénatorial permanent des finances nationales devraient nous rassurer sur le fait que le projet de loi contient toutes les mesures de protection nécessaires pour assurer une mise en œuvre adéquate, particulièrement en ce qui concerne la section modifiant la Loi sur la concurrence.

Les modifications à la Loi sur la concurrence prévues dans le projet de loi C-59 ne sont qu’un élément d’une réforme législative plus vaste du régime de la concurrence au Canada. À la suite d’une consultation menée par un ancien collègue, l’ancien sénateur Howard Wetston, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022, anciennement le projet de loi C-19, a apporté plusieurs modifications importantes. Par la suite, le projet de loi C-56 a également proposé diverses modifications à la Loi sur la taxe d’accise et à la Loi sur la concurrence, s’insérant ainsi dans le cadre de cette réforme. Par conséquent, le projet de loi C-59 représente la suite d’une réforme tant attendue, fondée sur le travail de notre ancien collègue. Je tiens à exprimer ma gratitude à l’ancien sénateur Wetston pour ses efforts inlassables. Il a été une force avant-gardiste dans la modernisation du régime de concurrence au Canada.

Passons maintenant aux observations sur l’abordabilité, notamment la deuxième observation adoptée par le comité au sujet de l’abordabilité, qu’il est également important de mentionner. Cette observation met en lumière de nombreuses dispositions du projet de loi et résume son esprit et son objectif, tout en soulignant l’importance de notre engagement à l’égard de l’atteinte de ces objectifs par des efforts concertés. Je remercie la sénatrice Pate d’avoir proposé l’observation suivante, qu’a également adoptée le comité :

Étant donné que le gouvernement a fait de l’accessibilité au logement et à la nourriture des priorités dans le projet de loi C-59, il doit s’assurer que ses décisions sont soutenues par une mise en œuvre adéquate des mesures d’équité fiscale proposées dans le projet de loi et qu’elles traitent efficacement de la sécurité du revenu et de l’inclusion pour les Canadiens en situation d’instabilité financière et les plus démunis.

En ce qui concerne l’accessibilité à des logements abordables et les mesures visant à améliorer la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiennes, je me permets de rappeler aux sénateurs certaines mesures importantes qui se trouvent dans le projet de loi C-59.

Le projet de loi permettrait d’instaurer le crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ainsi que le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres.

Ces mesures sont conçues pour stimuler l’investissement afin de créer des emplois de qualité. Ils feront en sorte de placer notre pays dans le peloton de tête pour ce qui est d’attirer les investissements, tout en bâtissant une économie à la fois plus vigoureuse et à faibles émissions de carbone.

Par ailleurs, le projet de loi supprimerait temporairement la TPS sur la construction de logements locatifs neufs, construits pour ou par des coopératives d’habitation qui offrent des locations à long terme.

Le projet de loi C-56 avait mis en œuvre une telle mesure pour les nouveaux projets de logements locatifs. Le projet de loi actuel va donc encore plus loin en vue d’accroître davantage l’offre de nouveaux logements.

Je vais maintenant aborder certaines des mesures que je n’ai pas eu l’occasion d’aborder dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture.

Pour ce qui est des restrictions des dépenses excessives d’intérêts et de financement, la partie 1a) de la partie 1 du projet de loi C-59 vise à mettre en place les règles de restrictions des dépenses excessives d’intérêts et de financement, ce qu’on appelle en anglais les règles « EIFEL ». Ces règles visent à prévenir l’érosion de l’assiette fiscale canadienne par le biais de déductions d’intérêts excessives. Elles visent les grandes entreprises multinationales et s’alignent sur les recommandations du rapport Action 4 du Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE. En adoptant ces règles, le Canada harmonise ses règles avec ses partenaires internationaux du G7, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et plusieurs États membres de l’Union européenne.

Pour les dispositifs hybrides, la partie 1b) de la partie 1 du projet de loi C-59 vise aussi à prévenir l’érosion de l’assiette fiscale du Canada en neutralisant les avantages fiscaux de ces derniers. Les dispositifs hybrides sont des structures d’évitement fiscal transfrontalières qui exploitent des différences dans le traitement fiscal d’entités commerciales ou d’instruments financiers dans le droit de deux administrations ou plus, dans le but de générer une asymétrie de déductions ou de non-déductions ou encore une asymétrie de doubles déductions. Dans le premier cas, on parle d’une déduction relative à un paiement dans un pays sans revenu imposable pour le bénéficiaire dans un autre pays, et dans le second cas, on parle des déductions disponibles dans plusieurs pays relativement à une seule dépense.

En adoptant ces règles, le Canada harmonise les siennes avec ses partenaires internationaux du G20, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et plusieurs États membres de l’Union européenne.

Parlons maintenant des transferts intergénérationnels d’entreprises, projet qui tenait à cœur au sénateur Forest. La partie 1d) de la partie 1 du projet de loi C-59 vise à faciliter le transfert intergénérationnel d’une entreprise tout en protégeant l’intégrité du régime fiscal.

Vous vous souviendrez sûrement du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale), qui a été adopté par le Sénat en juin 2021 et a reçu la sanction royale le 29 juin 2021. Les règles instaurées par le projet de loi C-208 contiennent des mesures de protection inefficaces et s’appliquent en l’absence d’un transfert légitime à la prochaine génération. Le projet de loi C-59 vise à corriger ces lacunes, tout en conservant l’esprit et l’objet du projet de loi.

Plus précisément, le projet de loi C-59 garantirait que l’exception à la règle contre le dépouillement de surplus ne s’applique que lorsqu’un véritable transfert intergénérationnel d’entreprise a lieu.

Afin d’offrir une certaine souplesse aux contribuables qui souhaitent entreprendre un vrai transfert intergénérationnel, deux avenues sont possibles, soit le transfert immédiat, qui se concrétise sur une période de trois ans et qui est fondé sur des conditions de vente sans lien de dépendance, ou le transfert progressif sur une période de cinq à dix ans, fondé sur les caractéristiques traditionnelles du gel successoral. Le transfert immédiat offre plus de certitude plus tôt dans le processus, mais est assorti de conditions plus strictes, alors que la règle du transfert progressif offre une souplesse supplémentaire.

Maintenant, passons au partage de renseignements confidentiels sur les contribuables aux fins du régime canadien de soins dentaires. La partie 1o) de la partie 1 du projet de loi C-59 vise à modifier les lois fiscales afin de donner à Services publics et Approvisionnement Canada un accès aux renseignements confidentiels sur les contribuables, pour aider à mettre en place la prestation du Régime canadien de soins dentaires permanent. Emploi et Développement social Canada pourra retenir les services de Services publics et Approvisionnement Canada pour l’aider à administrer le Régime canadien de soins dentaires.

On se souviendra que le plan du gouvernement inclut la Prestation dentaire canadienne, qui verse aux familles ayant un revenu inférieur à 90 000 $ des paiements directs qui peuvent aller jusqu’à 1 300 $ par enfant de moins de 12 ans au cours des deux prochaines années, afin de couvrir le coût des soins dentaires de ces derniers.

Les fiducies collectives des employés, c’est un projet phare de la sénatrice Omidvar. La partie 1q) de la partie 1 du projet de loi C-59 vise à instaurer un cadre standard sur ce qui constitue une fiducie collective d’employés et son traitement fiscal associé. Ces règles définissent les employés qui sont admissibles comme bénéficiaires d’une fiducie collective d’employés (FCE) et établissent leurs droits à recevoir des distributions de la fiducie et à voter sur les affaires fondamentales de la fiducie. Cette partie contient également des dispositions pour empêcher que les anciens propriétaires de la société y participent en tant que bénéficiaires ou exercent une influence indue sur la gouvernance de la fiducie collective d’employés.

Pour ce qui est des institutions financières fédérales, la section 1 de la partie 5 du projet de loi C-59 vise à introduire des modifications législatives pour permettre aux institutions financières fédérales de tenir des assemblées de propriétaires uniquement virtuelles et pour autoriser l’introduction de conditions garantissant une participation adéquate.

Cette modification alignerait les lois régissant les institutions financières avec la Loi canadienne sur les sociétés par actions, qui permet aux sociétés constituées sous le régime fédéral de tenir des assemblées d’actionnaires uniquement virtuelles.

La section 5 de la partie 5 du projet de loi modifie la Loi canadienne sur les paiements pour élargir l’admissibilité à l’adhésion à Paiements Canada à trois types d’entités réglementées : les fournisseurs de services de paiement supervisés en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail, les coopératives de crédit locales membres d’une société coopérative de crédit centrale et les exploitants de chambres de compensation désignées en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements et supervisées par la Banque du Canada.

Cette mesure permettra aux coopératives de crédit locales et aux fournisseurs de services de paiement d’accéder aux systèmes de Paiements Canada, ce qui permettra d’améliorer leurs services de paiement électronique et d’offrir des transferts plus rapides et prévisibles vers et depuis des comptes non affiliés. Elle illustre également des progrès vers la modernisation des paiements, qui est soutenue par les parties prenantes.

L’insolvabilité des établissements publics d’enseignement postsecondaire : voilà mon projet. À la section 7 de la partie 5, le gouvernement propose de modifier la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies afin que les établissements postsecondaires ne puissent pas être poursuivis au titre de ces deux lois. Le gouvernement a sollicité l’avis des provinces, des territoires, des universités, des collèges, des spécialistes, des prêteurs et des autres parties intéressées afin de trouver des façons de mieux protéger l’intérêt public lorsqu’un établissement postsecondaire fait faillite ou devient insolvable.

Ces modifications proposent des solutions préventives à la détresse financière, et ces solutions tiennent compte, primo, du fait que ces établissements servent l’intérêt public et, secundo, du fait que l’éducation postsecondaire relève des provinces et des territoires.

Passons maintenant à la section 8 de la partie 5, qui porte sur le recyclage des produits de la criminalité, ou blanchiment d’argent, le financement des activités terroristes et le contournement des sanctions. Le gouvernement estime que son Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes est suffisamment rigoureux pour bien protéger les Canadiens et l’intégrité du réseau financier national. L’Énoncé économique de l’automne 2023 proposait plusieurs modifications législatives visant à renforcer ce cadre.

En deux mots, le projet de loi C-59 propose les changements suivants :

Dans le cas du contournement des sanctions, il modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes de manière à permettre au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, de lutter contre le contournement des sanctions et de transmettre l’information en sa possession aux forces de l’ordre.

En ce qui concerne l’efficacité opérationnelle, le projet de loi modifie le Code criminel afin de s’en prendre au blanchiment d’argent par des tiers, d’actualiser les dispositions sur les fouilles et les perquisitions en cas d’activités criminelles et d’étendre les ordonnances de communications de données financières aux actifs numériques.

À propos du blanchiment d’argent par voie commerciale, le texte modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et la Loi sur les douanes de manière à élargir la portée des pouvoirs de réglementation de l’Agence des services frontaliers du Canada en matière de conformité et à lui permettre de mieux faire appliquer les lois.

Pour ce qui est des guichets automatiques privés, le projet de loi modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin que les intermédiaires qui offrent des services de retrait en argent soient considérés comme des guichets automatiques privés.

Dans le dossier des crimes environnementaux, la mesure législative modifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes afin d’autoriser le CANAFE à transmettre de l’information issue du renseignement à Environnement et Changement climatique Canada et à Pêches et Océans Canada.

Au chapitre du renseignement stratégique, le projet de loi améliore les produits de renseignement utilisés par le CANAFE pour désigner les entités étrangères et corriger les divergences techniques.

Ces mesures permettront d’améliorer le Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et de moderniser les techniques de prévention des crimes financiers.

La section 9 de la partie 5 du projet de loi C-59 vise à modifier la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, afin de clarifier l’intention du gouvernement de publier des détails sur les paiements liés aux principaux programmes de transferts pour s’acquitter de ses obligations en matière de publication. Ainsi, les Canadiens auront accès à des renseignements détaillés et à jour sur les paiements de péréquation et sur les autres transferts principaux aux provinces et aux territoires.

La section 10 de la partie 5 du projet de loi C-59 apporte des ajustements à la composition du conseil d’administration de l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public et au processus de rappel de fonds. Selon la nouvelle mouture, le nombre d’administrateurs du régime passerait de 11 à 13 et les deux nouveaux sièges seraient occupés par des représentants syndicaux.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-59 fait progresser des éléments clés du plan économique du gouvernement en concrétisant les principaux éléments de l’Énoncé économique de l’automne 2023. Il représente un pas important vers la réalisation de nos objectifs économiques et renforce notre engagement envers la prospérité et le bien-être de tous les Canadiens.

Le nombre de projets que je vous ai présentés vous donne une très bonne idée de l’ampleur de ce projet de loi et des éléments qu’il comprend.

Sur cette note, je vous remercie de votre attention.

L’honorable Clément Gignac [ - ]

La sénatrice Moncion accepterait-elle de répondre à une question?

Avec plaisir.

Le sénateur Gignac [ - ]

Chère collègue, merci du leadership dont vous avez fait preuve dans ce dossier. Je vous remercie également de votre ouverture d’esprit lorsqu’on s’adresse à vous pour exprimer nos préoccupations afin d’être rassuré.

Une des mesures fiscales de ce projet de loi qui me préoccupe beaucoup concerne la taxe de 3 % sur les services numériques. Bien que la ministre des Finances ait déposé en décembre 2021 un avis de motion de voies et moyens, il a fallu attendre pratiquement deux ans et demi avant qu’un projet de loi soit déposé. Je crois que la ministre voulait négocier un accord multilatéral avec les autres pays de l’OCDE, ce qui n’a pas fonctionné. Le résultat, c’est que les entreprises se voient imposer une taxe de 3 % rétroactive pour deux ans. Dans la mesure où ce sont de grosses compagnies américaines qui sont visées, comme Netflix et Disney, qui jouissent de marges de profits de 30 %, personne ne versera de larmes. Toutefois, pour de plus petites entreprises, comme des agences de voyages, dont la marge de profit est de 6 %, une taxe de 3 % qui est rétroactive risque de leur faire mal.

Dans la mesure où l’ambassadeur américain au Canada a avisé notre gouvernement qu’il s’embarquait dans quelque chose de litigieux — il a même utilisé l’expression « big fight » en parlant de ce qui pourrait se produire —, pouvez-vous nous rassurer, surtout à l’aube d’un changement à Washington? Avez-vous des garanties que toutes ces mesures ne seront pas contestées et que, dans le fond, on ne sera pas obligé de modifier ce projet de loi?

Je vous remercie de la question, sénateur Gignac. Vous me demandez de vous donner des garanties. Je ne pourrai jamais vous donner quelque garantie que ce soit, ni en tant que sénatrice ni d’un point de vue décisionnel.

Je vous remercie d’avoir rappelé la chronologie. À l’automne 2020, la taxe sur les services numériques avait été annoncée. Une espèce d’entente avait alors été conclue selon laquelle le gouvernement essaierait de négocier avec les différentes compagnies pour en arriver à un accord. En octobre 2021, le gouvernement a suspendu l’imposition de la taxe sur les services numériques jusqu’à la fin de l’année 2023. À la fin de 2023, le gouvernement a déposé son énoncé économique pour l’année 2023 et a quand même annoncé ses intentions. Cela donnait le temps aux entreprises de commencer à mettre de côté des provisions pour payer cette taxe.

Entre-temps, étant donné l’absence d’un calendrier ferme pour la mise en œuvre du pilier 1 justement, et puisque d’autres pays continuent de percevoir la taxe — car d’autres pays ont cette taxe en place —, le gouvernement propose de protéger les Canadiens et les Canadiennes en veillant à ce que les entreprises paient leur juste part d’impôt. C’est ce qui avait été entendu. Le projet publié dans une embauche en décembre 2021, avec les modifications apportées en 2023, entre en vigueur à compter du 1er janvier.

Je ne peux donc pas vous donner de garanties, et je viens de vous donner la chronologie des événements. Les entreprises pouvaient se préparer. Cela peut affecter les négociations avec le gouvernement et c’est lui qui devra transiger avec les entreprises en fonction de cette situation au moment où l’on tiendra des négociations. On sait que les négociateurs peuvent utiliser des tactiques d’intimidation pour amener un gouvernement à reculer devant des situations comme celle-là. Toutefois, je crois que le gouvernement est bien placé pour négocier un accord qui pourrait éventuellement être acceptable pour les deux pays, peu importe qui sera à la tête du pays.

Le sénateur Gignac [ - ]

Merci de votre réponse. Je comprends que vous ne pouvez pas offrir de garanties. Vous serez d’accord pour dire que la pratique actuelle n’est certainement pas la meilleure. Le fait qu’un projet de loi ait un délai aussi important pour un avis de motion de voies et moyens n’est pas idéal. Il est vrai que les entreprises étaient au courant. Toutefois, quand je lis ce qui a été publié à l’époque, on disait que, dans l’intervalle, le gouvernement ferait cela, qu’il n’avait pas l’intention de déposer quoi que ce soit avant 2024, mais qu’il espérait négocier un traité avec les autres pays de l’OCDE.

Si je comprends bien, les entreprises comme Expedia et Booking auraient dû mettre de l’argent de côté ou auraient dû imposer une taxe de 3 % à leurs clients au cas où le gouvernement irait de l’avant avec le projet de loi, dans l’hypothèse où les pourparlers ne fonctionneraient pas avec les autres pays de l’OCDE. Une telle façon de faire n’est pas évidente pour les entreprises, en raison d’un délai aussi long pour le dépôt d’un avis de motion de voies et moyens par rapport au dépôt d’un projet de loi. Quand un projet de loi est déposé, on peut en débattre, entendre des témoins, soumettre des amendements et on peut agir. Dans un avis de motion de voies et moyens, on prend des notes, mais les choses peuvent changer.

Êtes-vous d’accord avec moi pour dire que cette façon de procéder n’est pas idéale et que cela porte préjudice aux entreprises?

Merci pour la question, monsieur le sénateur.

On peut débattre de ce sujet, à savoir que ce n’est peut-être pas la façon idéale de fonctionner, mais c’est la façon qui a été choisie par le gouvernement actuel.

D’après ce qu’on a vu dans les négociations avec l’Australie et l’Europe, il y a quand même eu des délais dans les négociations, mais les parties ont fini par se mettre d’accord et trouver des terrains d’entente. Je pense que le Canada en est rendu là avec son partenaire américain.

Ce n’est peut-être pas l’idéal, mais vous êtes un banquier, tout comme j’étais banquière, et vous savez qu’on n’avait pas le choix d’inclure des dispositions pour toutes sortes de choses et d’éventualités. J’imagine que les entreprises qui font une bonne comptabilité et qui savent que ces éventualités existent doivent mettre de côté des sommes pour se préparer à ces situations.

L’honorable Rosa Galvez [ - ]

Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui dans cette Chambre au sujet du projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023.

Je concentrerai mes remarques sur l’article 236, qui modifie la Loi sur la concurrence, et sur l’importance de ces changements.

De plus en plus souvent, des dispositions environnementales sont ajoutées aux projets de loi budgétaires. Le projet de loi C-59 ne fait pas exception. S’il en est ainsi, c’est parce que les risques climatiques et environnementaux entraînent des coûts importants. Pour s’attaquer à la pollution et au réchauffement planétaire tout en passant à une économie à faibles émissions de carbone, il faut une approche gouvernementale globale qui repose sur des mécanismes environnementaux s’inscrivant dans un cadre horizontal de mesures législatives et stratégiques.

Dans la mesure où les crises s’enchaînent, où la crise climatique sévit et où le Canada ne réduit ni ses émissions de gaz à effet de serre ni la pollution, le gouvernement fédéral doit redoubler ses efforts pour protéger les Canadiens.

Depuis 1990, après la mise en œuvre de plus de 10 plans d’atténuation des changements climatiques, le Canada n’a toujours pas atteint ses objectifs climatiques ni ses cibles de réduction des émissions.

L’ONU affirme ceci, ce qui est d’ailleurs indéniable :

Le verdissement d’image sape les efforts crédibles de réduction des émissions et de lutte contre la crise climatique. En usant d’un marketing trompeur et de fausses affirmations de durabilité, le verdissement d’image induit en erreur les consommateurs, les investisseurs [...]

 — c’est-à-dire les investisseurs responsables —

[...] entravant la confiance, l’ambition et l’action nécessaires pour provoquer un changement global et garantir une planète durable.

La section 6 de la partie 5 du projet de loi C-59 modifie la Loi sur la concurrence dans le but de moderniser le cadre concurrentiel. Les nouvelles dispositions ont été adoptées à l’unanimité à l’autre endroit. Chers collègues, je vous invite à voter en faveur du projet de loi C-59 tel qu’il a été amendé par la Chambre élue et à accepter le rapport avec les observations du Comité des finances nationales.

Le Bureau de la concurrence a depuis longtemps la capacité de faire respecter les dispositions relatives à l’écoblanchiment, c’est‑à‑dire les déclarations fausses ou trompeuses sur les avantages d’un produit pour l’environnement, qui ne sont pas fondées sur des essais appropriés et adéquats. Toutefois, les dispositions existantes ne permettaient de recueillir que quelques allégations d’écoblanchiment et, surtout, n’exigeaient pas que les entreprises fournissent des preuves à l’appui de certaines allégations environnementales. Cette situation a limité la capacité du Bureau de la concurrence à lutter efficacement contre l’écoblanchiment.

Au Canada, l’écoblanchiment est malheureusement un problème systémique. La semaine dernière, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a clairement indiqué que les banques canadiennes prétendent être sur la voie de la carboneutralité, mais qu’elles investissent davantage dans les combustibles fossiles que dans les énergies renouvelables. Bref, les banques favorisent les investissements dans les combustibles fossiles plutôt que dans les énergies propres selon une proportion de quatre pour un, alors que ce devrait être l’inverse. Il faudrait réaliser de tels investissements d’ici 2030 pour respecter le scénario d’un réchauffement maximal de 1,5 degré Celsius.

Les membres du Comité de l’environnement de l’autre endroit ont rencontré des représentants d’Alliance nouvelles voies, une coalition de six entreprises produisant 95 % du pétrole extrait des sables bitumineux au Canada. Cette coalition a annoncé ses objectifs de carboneutralité pour 2050 et a fait pression sur le gouvernement pour qu’il approuve et subventionne un projet de captage et de séquestration du carbone. Le groupe affirme que ce projet l’aidera à atteindre la carboneutralité, en dépit des doutes exprimés par plusieurs scientifiques quant à la validité scientifique de cette technologie.

En outre, selon un rapport conjoint du Comité du budget du Sénat américain et du Comité de surveillance de la Chambre des représentants publié en avril dernier, les pétrolières mènent de vastes campagnes auprès du public où elles présentent le captage et le stockage du carbone comme une solution viable et disponible leur permettant de continuer à augmenter leurs émissions de gaz à effet de serre, alors qu’elles reconnaissent à l’interne qu’elles ne prévoient pas déployer la technologie à une échelle suffisante pour résoudre la crise climatique.

Ce rapport des États-Unis conclut également que le véritable objectif de l’industrie consiste à prolonger, peut-être indéfiniment, l’utilisation des combustibles fossiles. En se fondant sur ces faits, faut-il être surpris qu’une de nos cinq grandes banques et Alliance nouvelles voies fassent l’objet d’une enquête de la part du Bureau de la concurrence, ou qu’Alliance nouvelles voies fasse pression dans le but de faire amender cet article du projet de loi C-59?

L’écoblanchiment peut donner à une entreprise un avantage injuste lui permettant de ne rien changer à ses pratiques polluantes tout en tirant profit d’affirmations trompeuses sur sa gestion de l’environnement. Cela peut mettre des bâtons dans les roues des entreprises qui ne pratiquent pas l’écoblanchiment et qui, en fait, font le dur travail nécessaire pour se démarquer sur le marché.

Au fil du temps, l’écoblanchiment a érodé la confiance des consommateurs, qui sont plus enclins à rejeter les allégations environnementales, même celles qui sont en fait légitimes.

Un rapport de 2023 a révélé que 57 % des consommateurs canadiens ne croient pas la plupart des affirmations écologiques des marques. Il est donc avantageux pour les entreprises de rattraper le décalage entre les perceptions et de légitimer leurs prétentions en matière de développement durable et d’environnement.

Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que les entreprises qui fabriquent des produits prétendument verts ou qui gèrent des entreprises et des installations prétendument vertes ont également l’habitude d’implanter ces entreprises polluantes dans des communautés défavorisées, notamment des communautés à faible revenu et racialisées, et, bien sûr, sur les terres des peuples autochtones. L’écoblanchiment met en danger non seulement l’environnement, mais aussi la santé publique. C’est notamment pour cette raison que nous avions besoin d’un cadre pour la prévention du racisme environnemental.

Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence dans le projet de loi C-59 permettront aux consommateurs de reconnaître plus facilement les produits écologiques authentiques, ainsi que les entreprises qui appliquent des pratiques durables.

Selon un sondage réalisé en 2021, 49 % des consommateurs canadiens affirmaient faire des achats auprès d’entreprises qui soutiennent la protection de l’environnement, et 46 % des personnes interrogées affirmaient acheter davantage de produits biodégradables et écoresponsables. Chers collègues, il existe une forte demande et un marché en forte croissance pour les produits écologiques, et nous savons que les consommateurs peuvent stimuler le marché. Or, dans le contexte du marché écologique, cette capacité a jusqu’à présent été compromise par l’écoblanchiment.

Dans une lettre adressée à la présidente du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie par le Bureau de la concurrence le 31 mai 2024, on peut lire ce qui suit :

Lorsque des entreprises donnent des indications environnementales pour promouvoir un produit ou un intérêt commercial, elles devraient être en mesure de les étayer. Les indications fictives sont fausses ou trompeuses et minent la concurrence sur le fond. Dans le contexte de l’écoblanchiment, le tort causé par des indications non fondées est encore plus pernicieux compte tenu de la menace existentielle posée par les changements climatiques et de la nécessité d’accélérer une transition verte.

La lettre ajoute ce qui suit :

L’obligation de corroborer les indications protège la concurrence en garantissant que les consommateurs peuvent se fier aux indications données au sujet des entreprises et de leurs activités. Elle protège les fabricants et les commerçants honnêtes et dignes de confiance qui sont en concurrence avec ceux qui donnent des indications concernant les répercussions environnementales de la production. De plus en plus, les consommateurs prennent des décisions d’achat fondées sur les répercussions environnementales de la production et, à ce titre, le préjudice causé par des indications non fondées concernant une entreprise ou l’activité d’une entreprise est tout aussi grave pour la concurrence que le préjudice causé par des indications non fondées concernant des produits individuels.

Ces modifications renforceront notre capacité à contrôler les indications trompeuses d’écoblanchiment.

Je sais que quelques intervenants et certains membres du comité se sont demandé ce qui pourrait constituer une « méthode reconnue à l’échelle internationale » dans le contexte d’éléments corroboratifs suffisants et appropriés en ce qui concerne les avantages d’une entreprise ou de ses activités par rapport à ses prétentions environnementales. Ce terme n’est pas défini dans le projet de loi, mais je suis toutefois persuadée que les Canadiens et les entreprises canadiennes peuvent se fier au Bureau de la concurrence, au commissaire et au Tribunal de la concurrence.

Comme on l’a rappelé au comité, le Bureau de la concurrence a une excellente réputation, une réputation sans tache. Il est reconnu pour son professionnalisme, sa compréhension des lois et sa connaissance de ce qui se passe au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

En ce qui concerne la « méthode reconnue à l’échelle internationale », je souligne aussi qu’il en existe pour la plupart des prétentions environnementales, dont l’initiative Science Based Targets, qui est couramment utilisée pour les objectifs de carboneutralité; le Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, auquel on a couramment recours pour l’information relative aux changements climatiques; et le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature, qui est d’usage courant pour ce type de communications. Ce ne sont que quelques exemples. On me dit qu’avec un peu de recherche, on pourrait trouver une quinzaine d’autres normes, dont celles de l’Organisation internationale de normalisation.

En outre, ce genre d’exigences en matière de justification ne sont pas uniques au Canada. La Californie a des exigences presque identiques, et l’Union européenne et le Royaume-Uni élaborent des règles et des orientations visant à réglementer et à exiger des preuves concernant certaines déclarations environnementales, notamment celles relatives à la carboneutralité et à l’absence d’effet sur le climat.

Enfin, je voudrais souligner que les modifications à la Loi sur la concurrence proposées paragraphe 236(1) ne constituent pas une attaque contre la liberté d’expression et ne visent pas non plus à favoriser l’écosilence. Si ces modifications peuvent amener les organisations à être plus prudentes lorsqu’elles font état de prétentions écologistes, il faut considérer qu’il s’agit d’une conséquence positive. Bref, aucune organisation ne doit faire d’allégations d’écoresponsabilité ou d’autres allégations qu’elle ne peut étayer par des preuves solides.

Il est encore possible de renforcer la Loi sur la concurrence et la réglementation sur l’écoblanchiment en général, mais je recommande que cette question soit examinée ultérieurement, notamment qu’on envisage de donner plus de pouvoir au commissaire, comme il l’a indiqué.

Alors que l’intensité des crises environnementales et sociales augmente, nous devons adopter une approche horizontale à l’égard des projets de loi budgétaires, et nous devons considérer tous les aspects du cycle budgétaire canadien sous l’angle du climat.

Je soutiens cette approche législative visant à combler horizontalement les lacunes qui rendent notre environnement, notre économie et notre société vulnérables. C’est pour les raisons que je viens d’exposer que je soutiens le projet de loi C-59 et que je vous demande de voter en sa faveur. Merci. Meegwetch.

L’honorable Colin Deacon [ - ]

Honorables sénateurs, quelle belle journée d’intenses discussions sur la réforme des lois sur la concurrence le Sénat vient de connaître. Il s’agit à mon avis d’une très belle journée, et j’attends depuis longtemps le projet de loi C-59, qui met à exécution l’énoncé économique de l’automne 2023, parce qu’il contient plusieurs mesures qui permettront de resserrer la concurrence, de stimuler l’innovation, d’améliorer la productivité, mais surtout, de rendre le pays plus prospère. Je tiens toutefois à redire tout le mécontentement qu’a pu susciter le fait que la Chambre des communes nous renvoie non pas un, mais deux projets de loi complexes en quelques semaines à peine.

Le projet de loi C-59, qui fait 546 pages, a été déposé en novembre, soit il y a près de sept mois. Il nous a pourtant été renvoyé juste avant le projet de loi C-69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024, qui fait 686 pages et qui a été déposé il y a seulement deux mois. Je trouve irresponsable qu’on force le Sénat à étudier en quatrième vitesse des projets de loi aussi lourds de conséquences.

Cela étant dit, je suis ravi de pouvoir parler des trois changements législatifs apportés par le projet de loi C-59 qui, à mon avis, vont stimuler et l’innovation et l’économie. Je pense par exemple aux modifications apportées à la Loi canadienne sur les paiements et au crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres. J’y reviendrai dans un instant, car je tiens à parler d’abord des modifications importantes qui seront apportées à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement a proposé les plus importantes modifications au cadre législatif sur la concurrence du Canada depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la concurrence, dans les années 1980. Pourquoi est-ce important? En octobre dernier, le Bureau de la concurrence a publié les résultats d’une analyse effectuée sur une période de 20 ans qui indiquent une baisse constante de la concurrence et une augmentation constante du niveau de concentration des entreprises partout au Canada. Il y a trop peu de concurrents dans un nombre croissant de secteurs, ce qui profite aux grandes entreprises, mais nuit aux consommateurs. Les consommateurs sont donc découragés parce que les profits et les prix ont augmenté de façon constante dans tous les secteurs où la concentration est élevée. Quant aux entrepreneurs qui tentent d’innover, ils sont découragés parce que la réglementation, qui devait à l’origine protéger les consommateurs, représente maintenant un trop coûteux obstacle à la participation. Cette barrière réglementaire protège les oligopoles contre d’éventuels nouveaux compétiteurs qui pourraient les menacer, et sans une vigoureuse concurrence, les oligopoles en place sont moins poussés à innover.

Nombreux sont ceux qui jugent essentiel que l’ensemble du gouvernement adopte à l’égard de la concurrence des politiques plus rigoureuses qui puissent : premièrement, contribuer à accroître les investissements des entreprises; deuxièmement, rendre les marchés plus équitables; troisièmement, réduire les prix pour les consommateurs.

Quelles sont les modifications proposées dans le projet de loi C-59 et pourquoi sont-elles importantes? La section 6 de la partie 5 prévoit plusieurs modifications majeures à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur le Tribunal de la concurrence. Ces modifications sont les derniers éléments de ceux qui ont été examinés dans le cadre de la consultation sur l’avenir de la politique de concurrence au Canada menée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada de novembre 2022 à mars 2023. Il s’agit d’une consultation qui — comme l’a mentionné la sénatrice Moncion — a été fortement encouragée par les travaux antérieurs du sénateur Howard Wetston.

Les modifications prévues par le projet de loi s’appuient sur les changements introduits dans le projet de loi C-19, Loi no 1 d’exécution du budget de 2022 — où il était question des accords sur la fixation des salaires et sur le non-débauchage — et le projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable, qui a permis au Bureau de la concurrence de lancer des études de marché et a supprimé la défense fondée sur les gains en efficience.

J’appuie entièrement les modifications apportées par le gouvernement et le Comité permanent des finances de la Chambre des communes à la Loi sur la concurrence et à la Loi sur le Tribunal de la concurrence.

Les détracteurs font souvent remarquer que ces changements législatifs ont été faits de manière fragmentaire au cours des deux dernières années. À mon avis, cette critique ne tient pas compte du fait que les modifications ont été intensément axées sur l’attribution de pouvoirs considérables aux gendarmes de la concurrence.

Permettez-moi de vous fournir quelques données pour illustrer à quel point les choses allaient mal avant 2002. Les modifications apportées aux articles 92, 93 et 97 de la Loi sur la concurrence visent à changer la manière dont les fusions seront examinées, principalement de la manière suivante. Premièrement, les critères qui obligent les parties à envoyer un préavis de fusion au Bureau de la concurrence sont élargis.

Pour mettre les choses en contexte, Keldon Bester, boursier et chercheur au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, a identifié 16 000 fusions au Canada entre 2016 et 2022. Cependant, il a constaté que le bureau n’avait été informé que de 8 % de ces fusions et que les lois en vigueur n’avaient permis au bureau de contester que 33 de ces fusions d’une manière ou d’une autre. Au cours des six dernières années, 33 fusions sur 16 000 ont été contestées au Canada. Cela ne représente que 0,2 %.

Deuxièmement, la concentration du marché et la position dominante sur le marché seront désormais des facteurs explicites que le tribunal devra prendre en considération. Pour mettre les choses en contexte, l’Institut C.D. Howe a constaté que, depuis les années 1980, le tribunal n’a été saisi que de huit affaires portant sur une fusion. Sept d’entre elles concernaient des niveaux de concentration qui créaient ou préservaient des parts de marché supérieures à 60 % et quatre de ces fusions auraient créé des monopoles ou des quasi-monopoles. Pourtant, le tribunal n’a ordonné des mesures correctives que dans deux de ces affaires.

Troisièmement, le délai dont disposera le commissaire pour contester une fusion qui n’a pas été précédée d’un avis passera d’un an à trois ans, ce qui donnera au Bureau de la concurrence la capacité de se pencher de façon plus générale sur les « acquisitions prédatrices » et aux fusions préjudiciables. L’achat de logiciels immobiliers par Dye et Durham constitue un exemple récent particulièrement scandaleux de cette situation. L’entreprise s’est bien tenue pendant un an, jusqu’à ce que le bureau ne soit plus habilité à agir. Au cours des mois qui ont suivi, l’entreprise a décuplé ses prix.

Quatrièmement, grâce au projet de loi, l’examen des fusions tiendra compte des effets de ces fusions sur le marché du travail. Ainsi, le tribunal sera tenu de considérer explicitement la diminution de la concurrence sur le marché du travail comme facteur dans l’examen d’une fusion.

Le projet de loi C-59 introduit également le droit d’action privé. Il s’agit d’une modification aux conséquences importantes, car, dans des circonstances précises, elle permettrait aux demandeurs privés de présenter au tribunal une demande pour exercer ce droit.

Fait important, le tribunal joue un rôle de gardien en ce qui a trait à ce nouveau droit et pourrait rejeter des demandes, en particulier si elles sont jugées frivoles ou vexatoires. Ce rôle de gardien n’est pas nouveau pour le tribunal. De plus, ce droit entrera en vigueur un an après que le projet de loi aura reçu la sanction royale.

Le projet de loi C-59 répond également aux demandes de plus en plus nombreuses visant à accorder aux consommateurs le droit de réparer les produits qu’ils achètent en élargissant les dispositions relatives au « refus de vendre » de la Loi sur la concurrence. Ces modifications s’ajoutent aux modifications à la Loi sur le droit d’auteur proposées dans les deux projets de loi sur le droit de réparer qui sont actuellement à l’étape de l’étude en comité au Sénat, soit les projets de loi C-244 et C-294. Je suis sûr que vous vous souvenez tous de mon discours passionnant sur le projet de loi C-244, qui porte sur les mesures techniques de protection.

Enfin, et c’est très important, le projet de loi C-59 comprend une réponse opportune à la décision choquante rendue par le Tribunal de la concurrence le 28 août 2023, dans laquelle il a accordé aux sociétés Rogers Communications et Shaw Communications 13 millions de dollars pour compenser leurs frais juridiques. Vous vous souvenez peut-être qu’en avril 2022, le Bureau de la concurrence avait entrepris de contester la fusion de Rogers et de Shaw en vertu de la Loi sur la concurrence du Canada, qui est complètement dépassée. Quand le bureau a perdu cette contestation, le tribunal lui a ordonné de payer les frais juridiques des parties qui allaient fusionner en raison de la vigueur avec laquelle il s’était opposé à la fusion en s’appuyant sur des preuves convaincantes. Je pense que cette décision a provoqué un vif émoi dans tout le pays parce qu’on s’est rendu compte que c’étaient les contribuables qui allaient payer ces frais juridiques.

À la suite de cette décision scandaleuse, j’ai été particulièrement heureux de constater que le gouvernement modifiait la Loi sur le Tribunal de la concurrence afin de garantir qu’à l’avenir, défendre vigoureusement la concurrence lors du règlement d’une affaire n’aboutisse pas au paiement des frais juridiques.

Voilà donc, dans les grandes lignes, les modifications proposées par le gouvernement dans le projet de loi C-59.

Par ailleurs, le Bureau de la concurrence a soumis plusieurs recommandations visant à renforcer le projet de loi C-59, dont la plupart ont été acceptées à l’étape de l’étude en comité à la Chambre des communes. Ces amendements visaient tout d’abord à éliminer les échappatoires législatives afin d’empêcher les entreprises de dissimuler des frais supplémentaires dans les prix partiels et d’encourager la transparence des prix. Nous avons tous vu que les prix partiels entraînent une hausse des prix pouvant atteindre 30 % par l’ajout de frais de commodité, de frais de traitement, de frais de nettoyage, de frais de villégiature, et j’en passe. L’objectif du bureau est simple : les entreprises devraient faire de la publicité et se faire concurrence sur la base de leur prix total.

Le deuxième amendement recommandait que les entreprises qui font valoir leurs intérêts au moyen de déclarations environnementales soient tenues de justifier ces déclarations si ces dernières sont contestées par le bureau. Je crois que notre collègue a été très claire à ce sujet.

Le troisième amendement prévoyait l’adoption d’une approche d’inversion du fardeau de la preuve pour que les entreprises soient tenues de prouver la légitimité de leurs remises si celles-ci sont contestées par le bureau.

Le quatrième amendement portait sur la mise en œuvre de nouvelles mesures correctives pour les fusions anticoncurrentielles spécifiquement destinées à rétablir ou à préserver le niveau de concurrence qui existait avant la fusion.

Je voudrais m’arrêter un instant sur ce point. Par le passé, l’économie canadienne garantissait une concentration accrue. Pourquoi? Parce que, jusqu’à maintenant, si on prévoyait qu’une fusion risquait d’affaiblir la concurrence de manière substantielle, la solution était simplement de retirer le mot « substantielle », et non le mot « affaiblir ». Il y avait une garantie que chaque fusion au Canada aurait pour effet de rendre l’industrie moins concurrentielle et plus concentrée. Avec la mise en œuvre de cet amendement, le niveau de concurrence avant le fusionnement doit être rétabli. C’est une très bonne chose et un grand changement.

Enfin, le comité des finances de l’autre endroit est allé plus loin que la demande initiale du Bureau de la concurrence en apportant un amendement à l’article 236 afin que la définition des pratiques commerciales trompeuses soit élargie pour inclure les déclarations relatives à l’environnement qui seraient évaluées en utilisant — et nous avons déjà entendu cela — une « méthode reconnue à l’échelle internationale ». Cet amendement vise à englober les déclarations relevant de l’écoblanchiment, mais la définition crée plutôt de l’incertitude parce qu’aucune méthodologie particulière n’existe. L’incertitude est tout sauf utile pour qui que ce soit, y compris le Bureau de la concurrence.

Au Comité sénatorial des finances nationales, la sénatrice Ross a présenté un amendement visant à supprimer ces trois mots, mais cet amendement a été rejeté. Je partage entièrement les inquiétudes présentées de manière très convaincante par les sénateurs Ross et Tannas et qui ont été citées dans les observations du comité. Cependant, je crois que les orientations seront clarifiées bien avant que cette disposition entre en vigueur, comme le Bureau de la concurrence s’est engagé à le faire dans une lettre adressée au comité.

Le fait que nous n’ayons pu découvrir et traiter cette question problématique qu’à la dernière minute est une démonstration supplémentaire des défis qui se posent lorsque le Sénat ne dispose pas de suffisamment de temps pour s’acquitter de ses responsabilités législatives.

Chers collègues, au cours des deux dernières années, de grands progrès ont été réalisés dans la réforme des lois en matière de concurrence. Je félicite le gouvernement de ses efforts. Cependant, nous sommes loin d’avoir terminé. Il nous faut encore une approche efficace et pangouvernementale pour éliminer les politiques, les programmes, les règlements et les lois qui nuisent à la concurrence dans chaque ministère et agence. Pourquoi? Parce que le Canada est le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques avec le plus lourd fardeau réglementaire. Nous avons trop de règlements contraignants qui décrivent le processus qui doit être suivi plutôt que le résultat qui devrait être produit. Cela empêche l’innovation.

Il faut agir sans tarder à l’échelle nationale, au sein du gouvernement et de l’économie. Le 10 juin dernier, un chercheur de premier plan dans ce domaine, le professeur Thomas Ross, a offert un témoignage convaincant devant le comité de l’industrie de la Chambre des communes :

[...] la Loi sur la concurrence, le Bureau et le Tribunal s’occupent exclusivement d’une grande partie de la concurrence au Canada, mais pas de tout le domaine.

Des programmes, des politiques et des règlements obsolètes et anticoncurrentiels existent dans tous les recoins du gouvernement, et la compétitivité mondiale du Canada ne s’améliorera pas tant qu’on ne commencera pas à atténuer ce fardeau.

Je répète depuis longtemps qu’il est impossible de réglementer une entreprise de telle sorte qu’elle devienne centrée sur les consommateurs; seule la concurrence peut permettre d’atteindre cet objectif crucial. Voici un exemple qui m’est revenu à l’esprit aujourd’hui. En Australie, la politique nationale de la concurrence englobe tous les ordres de gouvernement et a mené à l’examen et à la modernisation de plus de 1 800 lois et règlements. Des paiements de transfert fédéraux permettent aux États et aux territoires d’être d’importants partenaires de ces efforts. Selon une estimation prudente, ce travail a entraîné une augmentation permanente de 2,5 % du PIB de l’Australie, ce qui correspond à environ 5 000 $ par ménage par année.

Rationaliser les lois et les règlements procure un retour sur investissement considérable. L’Australie l’a démontré, et le Canada peut en faire autant.

Toujours dans l’optique selon laquelle une concurrence accrue encourage l’innovation, la section 5 de la partie 5 du projet de loi C-59 modifie la Loi canadienne sur les paiements. Ces modifications permettront à de nouveaux membres de se joindre à Paiements Canada; c’est particulièrement le cas des fournisseurs de services de paiement supervisés par la Banque du Canada en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail, qui constituait un élément important du budget de 2022.

Le processus d’accréditation des fournisseurs de services de paiement établi par la Banque du Canada a été élaboré de manière robuste et inclusive. Bon nombre des nouveaux participants soumis à la réglementation sont des entreprises de technologie financière canadiennes novatrices, qui introduisent dans les systèmes de paiement du Canada des innovations responsables et conformes à la réglementation. À noter que les systèmes de paiement du Canada gèrent chaque année quelque 20 milliards de transactions d’une valeur d’environ 10 billions de dollars.

Sont aussi visées les coopératives de crédit faisant partie d’une centrale, c’est-à-dire d’un regroupement qui administre l’infrastructure financière de ses nombreux établissements membres. Bien souvent, les coopératives de crédit sont les seules institutions financières présentes dans les régions rurales et éloignées, et elles pourront désormais se faire entendre directement par Paiements Canada. Elles pourront aussi compter sur le soutien en liquidités de la Banque du Canada.

Les changements proposés à la Loi canadienne sur les paiements feront également en sorte que le Comité consultatif des intervenants de Paiements Canada ne puisse compter aucun membre de Paiements Canada en son sein. Grâce à ce changement, le comité pourra mieux représenter le point de vue de tous les utilisateurs du réseau de paiements, dont les marchands, lorsqu’il conseillera les dirigeants de Paiements Canada. Pour cet organisme, il s’agit d’un petit pas vers la saine gouvernance, et chacun sait que ce principe est essentiel à la crédibilité des réseaux de paiements.

Les reproches que j’ai à faire à Paiements Canada et à ses dirigeants sont surtout attribuables aux retards que connaît sans cesse la mise en service du système de paiement en temps réel. Parmi les pays du G7, le Canada est bon dernier pour ce qui est des paiements en temps réel, alors qu’il s’agit d’un élément crucial si l’on veut que les transactions financières des entreprises et des particuliers du Canada soient traitées en temps réel, que les mouvements de trésorerie soient plus fluides et que les fraudes soient détectées plus rapidement.

Même si le système de paiement en temps réel a vu le jour en 2015, Paiements Canada estime aujourd’hui qu’il sera fonctionnel seulement en 2026. Je me dois de rappeler que 56 autres pays ont réussi à bouger beaucoup plus rapidement, ce qui leur a permis d’éviter à leurs entreprises et à leurs citoyens de se retrouver en net désavantage concurrentiel, avec les coûts que cela suppose. Je me réjouis certes de voir qu’on progresse, mais je continue de me demander si on va finir par y arriver.

Enfin, je suis absolument ravi de voir que la partie 1 du projet de loi C-59 prévoit un crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres, qui a été proposé pour la première fois dans l’Énoncé économique de l’automne 2022 et dans le budget de 2023. Il s’agit d’un crédit d’impôt remboursable destiné aux entreprises qui investissent dans les technologies propres, comme le captage du carbone, des systèmes de chauffage à faible émission de carbone, de l’équipement carboneutre et des filières énergétiques qui ne consomment pas de combustibles fossiles, comme l’éolien.

Comment cela fonctionne-t-il? Les entreprises qui investissent dans ces technologies peuvent profiter d’un crédit d’impôt remboursable pouvant atteindre 30 % des coûts d’investissement, ce qui leur permet de soutenir plus facilement des projets de technologies vertes qui pourraient autrement être trop coûteux. L’objectif du gouvernement fédéral étant de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050, et d’avoir un réseau électrique carboneutre d’ici 2035, il est impératif que nous continuions à offrir des incitatifs qui accéléreront l’innovation.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse s’attend à ce que ces crédits d’impôt génèrent, dans notre province, des mises en chantier d’une valeur de plus de 450 millions de dollars et créent environ 1 700 emplois directs et indirects pendant la période où ils seront offerts, principalement dans les régions rurales de la Nouvelle‑Écosse. En outre, ces projets devraient permettre aux Néo-Écossais de réaliser des économies tangibles en réduisant le coût moyen de l’électricité, ce qui permettra aux contribuables d’économiser environ 100 millions de dollars par an au cours des 25 prochaines années — c’est 100 millions de dollars par an grâce à la réduction des coûts de l’électricité. Les projets seront opérationnels d’ici la fin de 2025 et réduiront les émissions de gaz à effet de serre de la Nouvelle-Écosse de plus d’une mégatonne par an, ce qui contribuera à accélérer la transition du Canada vers la carboneutralité.

Chers collègues, chacune des initiatives du projet de loi C-59 fait appel à l’innovation pour améliorer la vie des Canadiens. Voilà pourquoi je suis très heureux de soutenir ce projet de loi — ravi, en fait.

Une autre chose m’est venue à l’esprit pendant l’allocution de la sénatrice Moncion. Vous vous souvenez peut-être qu’en 2021, il y a trois ans, nous avons débattu du projet de loi C-208, un projet de loi émanant d’un député de la Chambre des communes. Il visait à rendre équitables les transferts intergénérationnels de petites entreprises, d’exploitations agricoles ou d’exploitations de pêche familiales qui n’étaient pas admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital à laquelle tous les autres Canadiens avaient accès. Ce projet de loi a fait l’objet d’une forte résistance de la part du gouvernement en juin 2021, mais le Sénat a tenu bon et a soutenu le projet de loi adopté par la Chambre des communes. Beaucoup d’entre nous ont ressenti une forte pression à ce moment‑là, car la ministre Freeland craignait que cela n’ouvre la voie à toute une série de transactions inappropriées et de transferts intergénérationnels inappropriés. En fait, elle s’est même opposée à la date d’entrée en vigueur.

Au bout du compte, deux ans et demi plus tard, il n’y avait pas beaucoup de preuves de fraude, mais elle a réussi à mettre en place des restrictions dans le projet de loi afin que de telles fraudes ne se reproduisent plus à l’avenir. Nous avons tenu bon. Nous avons fait notre travail et nous sommes restés indépendants face aux pressions exercées contre le projet de loi et, à mon avis, nous avons fait ce qu’il fallait. Il est merveilleux de voir que le gouvernement va enfin boucler la boucle, et nous pouvons être très fiers du travail que nous avons accompli.

Je félicite la sénatrice Moncion de son discours, de son travail, mais aussi de ce qu’elle a fait dans le dossier de la faillite et de l’insolvabilité des établissements d’enseignement postsecondaire. Il est bon de voir cela dans le projet de loi également, sénatrice Moncion. Félicitations.

Merci, chers collègues.

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