Projet de loi sur l’assurance médicaments
Deuxième lecture--Suite du débat
11 juin 2024
Honorables sénateurs, je voudrais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux.
Je prends la parole aujourd’hui pour soutenir le principe du projet de loi C-64.
Mon discours d’aujourd’hui comportera trois parties. Premièrement, je ferai un bref historique de la Loi canadienne sur la santé et de la manière dont ce cadre est lié aux lacunes actuelles du régime national d’assurance-médicaments du Canada. Deuxièmement, je décrirai sommairement comment l’accès à la contraception améliore la santé. Troisièmement, j’aborderai quelques aspects du projet de loi C-64 qui, à mon avis, doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi.
Pour commencer, il est important de comprendre la Loi canadienne dans le contexte de cette mesure législative. Le projet de loi C-64 stipule que le ministre doit tenir compte de la Loi canadienne sur la santé ainsi que des principes d’accessibilité, d’abordabilité, d’utilisation appropriée et de couverture universelle lorsqu’il collabore avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et d’autres partenaires et parties prenantes vers la mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments national et universel.
L’idée d’un régime national d’assurance pour les médicaments sur ordonnance n’est pas nouvelle. En 1961, la Commission royale d’enquête sur les services de santé, également connue sous le nom de Commission Hall, a recommandé la mise en place d’une politique nationale de santé et d’un programme complet de soins de santé, jetant ainsi les bases de la Loi canadienne sur la santé. La Commission Hall a notamment recommandé d’inclure les médicaments sur ordonnance dans les avantages offerts par le système de santé proposé.
Plus tard, en 1984, la Loi canadienne sur la santé est entrée en vigueur et a établi un cadre pour le financement fédéral offert aux provinces et aux territoires ainsi que le principe du régime public de soins de santé à payeur unique. Elle énonce également les principes et conditions que les provinces et les territoires doivent respecter pour recevoir la pleine contribution pécuniaire du gouvernement fédéral dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé. Je vous invite à garder en tête la notion des « principes et conditions », car je vais en parler davantage plus tard.
Selon la Loi canadienne sur la santé, les services de santé assurés comprennent les services hospitaliers ou médicaux ou certains services de chirurgie dentaire qui sont médicalement nécessaires, mais pas les médicaments sur ordonnance, et c’est cette lacune que propose de combler le projet de loi C-64. Certains d’entre vous connaissent probablement le rapport de 2019 publié par le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance‑médicaments, mieux connu sous le nom de rapport Hoskins. Le rapport dit ceci :
Nous sommes le seul pays au monde doté d’un système de santé universel, sans offrir à la fois une protection universelle pour les médicaments d’ordonnance.
La deuxième moitié de cette affirmation est vraie, dans la mesure où le Canada n’offre pas de couverture universelle pour les médicaments sur ordonnance, mais il est à noter que le Canada n’est pas doté d’un système de soins de santé universel.
Voici ce qu’on dit sur le site Web du gouvernement du Canada :
Le Canada ne dispose pas d’un régime national d’assurance‑maladie unique. Les 13 provinces et territoires disposent de leurs propres régimes d’assurance-maladie qui partagent certaines caractéristiques communes et des normes de couverture de base définies par la Loi canadienne sur la santé [...]
En outre, parallèlement aux 13 régimes d’assurance-maladie provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral fournit du financement et certains services de soins de santé directs à certains groupes de la population, notamment les membres des Premières Nations vivant dans les réserves, les Inuits, les membres actifs des Forces canadiennes, les anciens combattants admissibles, les détenus dans les pénitenciers fédéraux et certains groupes de demandeurs d’asile. Là encore, gardez ces groupes à l’esprit.
Je passe maintenant à la deuxième partie de mon discours concernant les bienfaits pour la santé de l’accès à la contraception. La contraception sauve des vies, celle des femmes et des bébés, parce qu’elle réduit le taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile.
D’abord, l’utilisation de contraceptifs réduit le nombre d’avortements, plus particulièrement les avortements dangereux qui entraînent le décès de la mère. Près du quart des Canadiens sont en âge de procréer et près de la moitié des grossesses au Canada n’étaient pas prévues. Dans 77 % des cas, les personnes qui demandent un avortement indiquent ne pas avoir de couverture d’assurance pour les contraceptifs.
Même si bien des Canadiens ont une couverture d’assurance partielle, le fait que cette couverture ne soit pas complète a un impact sur l’accès. Exiger des compagnies d’assurance qu’elles offrent un approvisionnement en contraceptifs sur ordonnance pour 12 mois est associée à une réduction de 30 % des grossesses non désirées.
En outre, des données recueillies aux États-Unis montrent que, dès qu’un coût minime doit être payé, il y a une réduction de l’utilisation des services et des médicaments de contraception, surtout chez les femmes à faible revenu et chez celles qui n’ont aucune assurance.
La planification familiale a permis de réduire considérablement le taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile à l’échelle mondiale. La possibilité de planifier les grossesses au moment voulu présente des avantages pour la santé des mères et des bébés.
Plusieurs études indiquent que, plus l’intervalle entre les naissances est court, plus les risques de mortalité maternelle et de mortalité infantile augmentent. Par exemple, une grossesse qui débute dans les six mois suivant une naissance vivante est liée à un risque accru de naissance prématurée et de poids à la naissance inférieur à la moyenne.
La planification des naissances réduit la mortalité maternelle en réduisant la parité — c’est-à-dire le nombre de naissances. Elle diminue le nombre de fois qu’une femme est confrontée aux risques de morbidité et de mortalité liés à l’accouchement.
Enfin, je dirai quelques mots sur les avantages économiques de la contraception. Un rapport de l’Institute for Women’s Policy Research énumère les retombées économiques de l’accès à la contraception. Le rapport est basé sur des recherches qui recensent les effets de causalité sur le niveau d’éducation des femmes, leur participation à la vie active, leur parcours professionnel, leurs revenus, la pauvreté et les effets sur la génération suivante.
Dans les années 1960, l’élargissement de l’accès des femmes à la contraception a entraîné une augmentation estimée entre 12 et 20 % du nombre de femmes inscrites à l’université. L’accès à la pilule contraceptive a permis aux femmes de retarder leur maternité, ce qui a stimulé leur investissement dans leurs études et leur carrière.
L’accès à la contraception a permis d’augmenter la participation des femmes au marché du travail de 15 % et le taux d’inscription des femmes dans des domaines professionnels tels que la médecine et le droit de près d’un tiers entre 1970 et 1990.
Passons maintenant à la troisième partie de mon intervention. Permettez-moi de souligner deux raisons pour lesquelles je me réjouis d’étudier ce projet de loi au comité.
Tout d’abord, le coût prévu et l’absence de mécanisme de conformité et d’application dans le projet de loi C-64 devraient faire l’objet d’un examen plus approfondi. Le directeur parlementaire du budget a estimé que la première phase du régime national universel d’assurance-médicaments augmentera les dépenses fédérales de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans. Pourtant, malgré cette augmentation de près de 2 milliards de dollars, je trouve que le projet de loi C-64 ne prévoit aucune obligation de rendre des comptes, car il ne contient aucune disposition sur la conformité et l’application.
Rappelons que la Loi canadienne sur la santé définit les critères et les conditions que les provinces et les territoires doivent remplir pour bénéficier de l’intégralité du Transfert canadien en matière de santé. La Loi canadienne sur la santé énumère cinq règles de gestion publique : l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité, ainsi que deux conditions relatives à l’information et à la reconnaissance.
Si le ministre fédéral de la Santé estime que le régime d’assurance-maladie d’une province ou d’un territoire ne remplit pas l’une des cinq conditions d’octroi ou les deux conditions, il peut renvoyer la question au gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil est d’accord, il peut ordonner que toute contribution pécuniaire versée à cette province ou à ce territoire pour un exercice soit réduite ou carrément retenue.
En bref, si une province ou un territoire ne respecte pas les principes et les conditions de la Loi canadienne sur la santé, le gouvernement fédéral peut réduire ou retenir le Transfert canadien en matière de santé.
En outre, la Loi canadienne sur la santé interdit à tout régime d’assurance-maladie provincial ou territorial de permettre la surfacturation ou l’imposition de frais modérateurs par les établissements de santé et les professionnels de la santé. Les montants facturés aux patients sous forme de surfacturation ou de frais modérateurs doivent être déduits de la contribution pécuniaire versée au titre du Transfert canadien en matière de santé.
Le projet de loi C-64 vise à offrir une couverture universelle au premier dollar à payeur unique. Toutefois, contrairement à la Loi canadienne sur la santé, le projet de loi C-64 ne contient pas de dispositions relatives à la conformité et à l’application de la loi.
Je me demande comment les provinces et les territoires seront tenus de rendre des comptes. Quel recours a le gouvernement fédéral si une province ou un territoire ne respecte pas les principes énoncés à l’article 4 du projet de loi? Que se passera-t-il si les patients continuent de se faire imposer des frais initiaux qu’ils doivent payer de leur poche, comme la quote-part d’une assurance ou les frais d’ordonnance des pharmaciens?
On peut supposer qu’il sera question des quotes-parts et des frais d’ordonnance dans les discussions entre le ministre fédéral de la Santé et les provinces, les territoires, les peuples autochtones et les autres partenaires et parties prenantes.
Cependant, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas faire de suppositions lorsqu’il s’agit d’adopter un projet de loi. Cela m’amène à la deuxième raison pour laquelle j’ai hâte à l’étude du comité sur ce projet de loi, soit obtenir plus d’informations de la part du ministre et des représentants du gouvernement sur les futures discussions bilatérales.
Comme on l’a mentionné tout à l’heure, le gouvernement fédéral fournit des fonds et divers services de santé directs à certaines populations, notamment les membres des Premières Nations vivant dans les réserves, les Inuits, les membres actifs des Forces armées canadiennes, les anciens combattants admissibles, les détenus incarcérés dans les pénitenciers fédéraux et certains groupes de demandeurs d’asile.
L’article 5 du projet de loi C-64 décrit l’engagement financier pris par le gouvernement du Canada : il s’engage à maintenir le financement à long terme pour les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et le financement destiné aux provinces et aux territoires doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec leur gouvernement respectif. Toutefois, à part les peuples autochtones, le projet de loi C-64 ne détaille pas d’engagement financier à long terme pour les autres groupes de population qui relèvent du fédéral. Ces groupes sont peut-être les « autres partenaires et intervenants » mentionnés à l’article 4, mais la couverture des groupes de population financés par le fédéral devrait être examinée plus en détail au comité.
En conclusion, je souscris à l’idée d’améliorer les soins de santé en offrant un meilleur accès à des médicaments abordables. Or, des questions demeurent sans réponse entourant le projet de loi C-64 dans sa forme actuelle. Comment les provinces et les territoires seront-ils tenus responsables des fonds fédéraux qui leur sont transférés? Quels seront les mécanismes de conformité et d’application, surtout s’ils ne sont pas inscrits dans la loi? Le gouvernement du Canada s’engagera-t-il à améliorer l’accès et l’abordabilité des médicaments sur ordonnance et des produits connexes pour tous les groupes de population qui relèvent du fédéral?
Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer le projet de loi C-64.
Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.
Je tiens à remercier la sénatrice Pate de son travail à titre de marraine du projet de loi et notamment de nous avoir donné un bon aperçu de la question et du projet de loi.
Mon objectif aujourd’hui consiste à apporter des éclaircissements qui, je l’espère, seront utiles à la poursuite de l’examen de ce projet de loi, en particulier lorsqu’il sera renvoyé au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Honorables collègues, vous n’êtes pas sans savoir que le Canada est le seul pays au monde à disposer d’un système de santé universel qui ne couvre pas les médicaments sur ordonnance. La sénatrice Pate a souligné la façon dont les produits pharmaceutiques sont devenus un volet incontournable des soins de santé. Pourtant, nous n’avons pas fait évoluer l’assurance-maladie pour répondre à la nécessité de garantir aux Canadiens les médicaments dont ils ont besoin.
L’accès à des médicaments efficaces n’est pas un luxe. Chers collègues, soyons clairs : nous devrions considérer qu’il s’agit d’un droit fondamental.
Au Canada, au cours des dernières décennies, un système disparate s’est développé à travers des centaines de milliers de régimes publics et privés d’assurance. Les compagnies d’assurances, l’industrie et d’autres vous diront que 97 % des Canadiens sont couverts par des régimes d’assurance. Je vous invite, chers collègues, à considérer ces chiffres avec beaucoup de scepticisme.
En réalité, un Canadien sur cinq n’est pas assuré. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. Bien que certains aient une assurance, les quotes-parts que ces gens doivent payer limitent leur accès. Il se peut aussi que la couverture dont ils bénéficient soit insuffisante pour une année entière d’ordonnances; ou encore, comme nous l’avons entendu dans le cas des contraceptifs, la couverture des médicaments est influencée par un parent ou un autre membre de la famille. Cela conduit au refus de suivre les traitements prescrits à cause du coût élevé des médicaments ou, autrement dit, à l’incapacité de prendre les médicaments dont on a besoin parce qu’on n’a pas les moyens de le faire.
Aucun Canadien ne devrait se trouver face à un tel dilemme. Aucun Canadien ne devrait avoir à choisir entre acheter un médicament pour sa maladie cardiaque et nourrir sa famille. Le fait que des millions de Canadiens soient placés devant ce dilemme nous indique que notre vaste système disparate de régimes publics et privés ne répond pas à nos attentes.
Non seulement cet ensemble disparate ne permet pas à de nombreux Canadiens d’avoir accès à des médicaments, mais il offre aussi un accès inadéquat à ceux qui ont une certaine forme d’assurance. Par exemple, une personne qui occupe un poste de direction aura une meilleure couverture qu’une personne qui travaille dans une usine parce que, dans le contexte actuel, la couverture des médicaments sur ordonnance est parfois traitée comme un avantage pour l’employé, plutôt que comme un moyen d’accéder à des médicaments essentiels.
Franchement, chers collègues, le système que nous avons aujourd’hui ne répond pas aux besoins des Canadiens. Tous les Canadiens devraient avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin.
Non seulement ce système disparate ne permet pas à certains d’avoir accès à des médicaments tout en offrant un accès inégal à d’autres, mais il fait aussi en sorte que le Canada dépense beaucoup plus qu’il ne le devrait pour se procurer des médicaments.
Chers collègues, vous serez peut-être surpris d’apprendre que nous dépensons plus pour les médicaments que des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En fait, selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les médicaments se classent au deuxième rang des éléments les plus coûteux de notre système de santé, après les hôpitaux. En 2023, près de 14 % des dépenses en santé au Canada ont été consacrées aux médicaments. Les régimes publics d’assurance-médicaments ont dépensé un total de 17,2 milliards de dollars en 2022.
Pourquoi? Cela s’explique principalement par le fait que les systèmes mixtes publics-privés comme ceux que nous voyons aux États-Unis, en Allemagne et en Suisse coûtent plus cher.
Une autre raison est que les compagnies d’assurance négocient des remboursements confidentiels avec les fabricants pour récupérer des fonds lorsque les médicaments sont chers, ce qui les dissuade de négocier des prix plus bas. Quelle que soit la raison, il est clair que nous dépensons trop pour les médicaments auxquels nous avons accès, alors que de nombreux Canadiens continuent d’avoir un accès limité ou inégal aux médicaments dont ils ont besoin.
Chers collègues, la réalité telle que je l’ai décrite est le statu quo depuis de nombreuses années au Canada. Comment pouvons-nous alors surmonter ces difficultés et bâtir un système où chaque Canadien peut avoir accès aux médicaments dont il a besoin?
Je vous renvoie à la première recommandation du rapport Hoskins, qui dit :
Le Conseil recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’établir au Canada un système public universel à payeur unique pour la couverture des médicaments d’ordonnance.
Le Conseil propose que soient appliqués au régime national d’assurance-médicaments les cinq principes fondamentaux du régime d’assurance-maladie énoncés dans la Loi canadienne sur la santé :
Universel : tous les résidents du Canada devraient avoir un accès égal à un régime national d’assurance-médicaments;
Intégral : le régime d’assurance-médicaments doit offrir une vaste gamme de traitements sûrs, efficaces et fondés sur des données probantes;
Accessible : l’accès aux médicaments d’ordonnance devrait être fondé sur les besoins médicaux, et non sur la capacité de payer;
Transférable : les prestations d’assurance-médicaments doivent être transférables d’une province et d’un territoire à l’autre lorsque les gens voyagent ou déménagent;
Public : un régime national d’assurance-médicaments doit être financé et administré par l’État.
Honorables sénateurs, avec le projet de loi C-64, le Canada fait un pas vers ce que le rapport Hoskins a proposé. Néanmoins, je tiens à préciser que nous ne devrions pas nous engager sur la voie qui consiste à renforcer le modèle fragmentaire, comme certains l’ont proposé. Cela ne ferait qu’entraîner un accès moins facile et plus inégal pour les Canadiens, à des coûts plus élevés. En fait, si les systèmes publics interviennent pour combler les lacunes et payer les médicaments les plus chers, cela revient à demander au public d’assumer une plus grande charge financière alors que les compagnies d’assurance privées continuent d’engranger des bénéfices. Pourquoi les Canadiens devraient-ils accepter cette approche?
Je voudrais m’inspirer de l’exemple du Royaume-Uni. Là-bas, les prescriptions en dehors des hôpitaux sont assorties d’une quote-part d’environ 3 $ US, tandis que les prescriptions à l’hôpital sont entièrement gratuites. Il existe également des mécanismes qui permettent de limiter les coûts pour les personnes qui ont des prescriptions très lourdes, et beaucoup d’entre elles n’ont rien à payer, comme les enfants, les aînés et les personnes handicapées.
C’est un excellent exemple de système universel, à payeur unique et administré par l’État, qui offre un rapport qualité-prix global nettement supérieur. En effet, en 2021, le système britannique a dépensé 517 $ US par habitant, contre 865 $ US pour le système canadien. Cet exemple montre qu’un régime national d’assurance‑médicaments intégré à notre système de santé peut permettre l’accès aux médicaments tout en réduisant les coûts globaux.
Chers collègues, nous en arrivons au projet de loi C-64. Dans un certain sens, c’est un projet de loi peu convaincant qui nous laisse avec des questions.
Je dirais que le projet de loi C-64 fait en réalité plusieurs choses. Premièrement, il fournit les lignes directrices pour mettre en place un régime national d’assurance-médicaments. Elles comprennent, par exemple, des conditions importantes comme la collaboration avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et la prise en compte de principes tels que l’accessibilité, le caractère abordable et l’utilisation appropriée. Le projet de loi donne également au ministre le pouvoir de conclure des accords en ce qui concerne « des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète », ainsi que la responsabilité de consulter l’Agence canadienne des médicaments.
Ce projet de loi donne au ministre de nombreuses responsabilités, mais il faut souligner que le ministre n’a pas à attendre le mandat que lui confère le projet de loi C-64 pour entamer des discussions avec les principales parties concernées.
Deuxièmement, le projet de loi C-64 énonce certains principes clés pour l’assurance-médicaments, à savoir qu’il doit s’agir d’un programme offrant une couverture universelle au premier dollar à payeur unique.
Enfin, le projet de loi C-64 fait des contraceptifs et des médicaments destinés au traitement du diabète les premiers éléments d’une liste qui devrait s’allonger et qui constituent le projet pilote de l’assurance-médicaments.
Chers collègues, c’est prometteur, à certains égards, mais j’ai beaucoup de réserves concernant la question de savoir si ce projet de loi ouvre réellement la voie à un régime d’assurance‑médicaments universel.
Ma première réserve est liée à la grande ambiguïté présente dans le projet de loi. On ne sait pas vraiment, de prime abord, si le projet de loi C-64 conduira à un véritable système à payeur unique administré par l’État ou s’il se contentera de combler les lacunes de sorte que « l’accès universel » deviendra un terme générique englobant le régime public et les régimes privés.
En mars, le directeur parlementaire du budget a déclaré ce qui suit dans son examen du projet de loi :
Le nouveau programme couvrira 100 % des dépenses liées aux médicaments pour le diabète et la contraception pour les personnes qui n’ont pas de régime d’assurance médicaments public ou privé ou qui ne font pas exécuter leurs ordonnances pour des questions de coût. On présume que ce dernier groupe représente 14 % du total des ordonnances. Le programme couvrira aussi la partie des frais payée par la personne, dans le cas de ceux qui ont un régime d’assurance médicaments public ou privé.
Est-ce le cas? L’objectif est-il de combler les lacunes ou d’offrir une couverture universelle à tous, qu’ils disposent ou non d’un régime privé?
La séance d’information technique organisée la semaine dernière avec des fonctionnaires a soulevé encore plus de questions pour moi. On ne sait pas exactement si le gouvernement a l’intention de procéder à une refonte en profondeur ou de simplement élargir ce que font déjà les provinces. À la suite de la séance d’information technique, je me demande si le gouvernement est réellement déterminé à suivre une voie précise ou s’il veut laisser la porte ouverte à changer d’orientation et à appliquer des principes différents au fil du temps. Ce manque de clarté est très préoccupant à mon avis. J’ai très hâte de poser des questions au ministre et à ses hauts fonctionnaires lors de leur témoignage devant le comité.
En raison de cette ambiguïté, je m’interroge sur l’engagement du gouvernement à confier la gestion du régime d’assurance‑médicaments à l’administration publique. Chers collègues, je ne saurais trop insister sur le fait qu’il est essentiel que le régime d’assurance-médicaments soit administré par nos services publics, car c’est la clé pour garantir l’accès universel aux médicaments pour tous les Canadiens.
Contrairement aux régimes publics, les assureurs privés n’ont pas d’incitatifs qui les motivent à abaisser les coûts, à réduire au minimum les frais administratifs ou à inciter les fabricants à optimiser le rapport coût-efficacité des médicaments.
Soyons clairs, je ne cherche pas à diaboliser les assureurs privés, loin de là. Je considère qu’il est important de souligner que, en tant qu’entreprises, leurs intérêts sont nettement différents de l’intérêt du public.
Cela dit, je recommande fortement à tous mes honorables collègues de veiller à ce que le régime d’assurance-médicaments relève de l’administration publique et à ce que cela ne change pas.
Honorables collègues, je suis en faveur d’un régime d’assurance‑médicaments universel et des intentions du projet de loi C-64. Je crois que ce projet de loi devrait être adopté. Toutefois, nous avons un travail important à faire pour nous assurer que celui-ci soit le plus clair et le plus solide possible pour faire du régime universel d’assurance-médicaments une réalité.
J’ai hâte que ce projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires sociales et j’invite les sénateurs que ce projet de loi intéresse et qui ne sont pas membres du comité à se joindre à nous afin que nous puissions le renforcer pour le bien de tous les Canadiens. Merci, meegwetch.
La sénatrice Moodie accepterait-elle de répondre à une question?
J’aimerais remercier les sénatrices Osler et Moodie pour leurs discours. Je ne prétendrai pas un instant avoir autant d’expérience que vous en matière de soins de santé, mais la prestation des soins et les annonces de régimes et de programmes sont toujours une source de préoccupation. Je vais aussi parler du régime de soins dentaires un instant. Au cours du dernier mois, j’ai reçu à mon bureau une demi-douzaine d’appels d’aînés. Certains ne peuvent pas bénéficier du régime même s’ils n’ont pas d’assurance et d’autres ont une assurance, mais il y a des choses que celle-ci ne couvre pas, et maintenant il est question d’un régime d’assurance‑médicaments.
J’aimerais savoir si vous pensez que le projet de loi C-64 permettra aux Canadiens vulnérables — des aînés dans bien des cas — de bénéficier du régime d’assurance-médicaments, car les choses semblent parfois merveilleuses à première vue, mais ce qui se produit dans les faits me préoccupe. J’aimerais simplement savoir ce que vous en pensez. Merci.
Je vous remercie, sénateur Manning. Le projet de loi C-64 présente beaucoup de potentiel, selon moi. Je crois qu’il pourrait produire le résultat précis dont vous parlez. Nous devons toutefois veiller à ce que le libellé du projet de loi dise très clairement qu’il n’y aura pas d’exceptions et que l’approche sera uniforme, du moins en principe, dans toutes les provinces.
Comme les provinces vont négocier la façon de fournir les soins de santé, la prestation de ces soins pourrait prendre un aspect différent, mais je pense que, si nous faisons clairement...
Je vous remercie. Le temps réservé au débat est écoulé.