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PÉRIODE DES QUESTIONS — Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile

Le projet de loi C-83-- L'isolement préventif

7 mai 2019


Monsieur le ministre Goodale, même s’il vise à mettre fin à l’isolement, le projet de loi C-83 donne aux employés du Service correctionnel du Canada un vaste pouvoir discrétionnaire pour placer en isolement indéfiniment des détenus pendant au moins 20 heures par jour.

Durant des visites que nous avons effectuées dans des prisons, plusieurs d’entre nous ont été frappés par l’ampleur des pouvoirs discrétionnaires exercés par les membres du personnel du service correctionnel, ainsi que par le fait que certains de ces employés ne connaissent pas les lois et les politiques régissant leurs actes ou, pire encore, les enfreignent en toute connaissance de cause. Comme on l’a récemment reconnu dans l’affaire Brazeau, les politiques du Service correctionnel du Canada sur l’isolement « sont bafouées la plupart du temps ». Les prisonniers ont appris qu’il est impossible de prévoir si leur passage dans le système se fera sans heurts et conformément à la politique, même s’ils suivent toutes les règles.

Monsieur le ministre, le projet de loi C-83 ne prévoit aucune surveillance judiciaire du Service correctionnel du Canada pour prévenir de telles violations des politiques, des lois et des droits de la personne. Il compte sur le personnel du service correctionnel pour surveiller et signaler les violations des droits de la personne. Quelles mesures ont été mises en place — je ne parle pas ici de mesures éventuelles — pour changer la culture au sein du Service correctionnel du Canada afin que les droits des prisonniers soient respectés, que le personnel soit récompensé pour avoir fait respecter ces droits, et que les prisonniers et le personnel suivant les règles puissent améliorer leur sort?

L’honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [ - ]

Je vous remercie, sénatrice, de vous intéresser de si près à ce sujet.

J’ai plusieurs points à soulever en réponse à votre question. Comme vous le savez, il y a eu de très nombreuses causes touchant l’isolement ou l’isolement préventif. Ces causes en sont à différents stades du processus judiciaire. J’aimerais souligner que, dans pratiquement tous les cas, il est question du système ou de faits datant de 2015 ou avant.

Quand le portefeuille de la Sécurité publique m’a été confié, j’ai commencé très rapidement à me pencher sur les possibilités d’améliorer le système correctionnel, de faire en sorte qu’il soit plus efficace sur le plan de la réadaptation tout en permettant de protéger les Canadiens. Dans le cadre de l’examen de ces questions générales, l’isolement préventif a particulièrement retenu l’attention. Nous avons commencé à envisager différents moyens de modifier le système, par exemple en prévoyant une certaine limite sur le nombre de jours qu’une personne pourrait être placée en isolement préventif ainsi qu’une forme de surveillance indépendante.

Parallèlement à l’examen de toutes ces options se déroulaient des poursuites judiciaires où l’isolement préventif était de plus en plus critiqué. En outre, il y a eu les rapports de l’enquêteur correctionnel et d’autres sources d’information et de conseils. J’en suis venu à la conclusion que, plutôt que d’essayer d’améliorer l’isolement préventif en érigeant des systèmes tout autour, autrement dit, d’en accroître la surveillance et d’y imposer des plafonds et des limites fermes, il valait mieux s’en débarrasser complètement. Voilà donc ce que j’essaie de faire au moyen du projet de loi C-83.

Les instances judiciaires définissent l’isolement préventif comme étant l’absence de contacts humains réels. Le projet de loi C-83 tente de faire en sorte que le système correctionnel comprenne des méthodes pour séparer les détenus lorsque c’est nécessaire du point de vue de la sécurité, tout en veillant à ce que les traitements, le counselling, les services de santé mentale, les services de personne-ressource autochtone et ainsi de suite puissent se poursuivre, voire être intensifiés pendant que la personne est placée dans ce que l’on appellerait dorénavant une unité d’intervention structurée.

Je suis déterminé à bien faire les choses dans ce dossier.

Je ne veux pas que l’isolement préventif se poursuive dans le système correctionnel du Canada. Il nous faut un meilleur moyen de gérer la situation afin que nos établissements soient sûrs et sécuritaires, mais que, en même temps, les personnes qui ont besoin de services de counselling, de santé mentale ou autres puissent les obtenir.

L’essentiel est de s’assurer que le système est financé comme il se doit. Je souligne que le ministre des Finances a prévu une affectation spéciale de 450 millions de dollars pour la mise en œuvre des principes énoncés dans le projet de loi C-83, non seulement pour embaucher des agents correctionnels, mais aussi pour offrir des services en santé mentale, notamment du counselling, et donner accès à des conseillers autochtones, ce qui sera nécessaire au bon fonctionnement des unités d’intervention structurée.

Nous mettons également sur pied un groupe de décideurs externes indépendants — pas uniquement des conseillers — qui auront le pouvoir d’intervenir au besoin. Par exemple, si une personne ne passe pas quotidiennement le nombre d’heures auquel elle a droit en dehors de sa cellule, les décideurs indépendants externes pourront intervenir. Le financement et les décideurs indépendants seront disponibles. Je vais également nommer un comité d’experts externes qui sera chargé de surveiller la mise en œuvre du projet de loi C-83, pour savoir si, en pratique, cette mesure permet d’atteindre les objectifs établis et ne sert pas un objectif de moindre importance.

Je suis impressionné par votre grand intérêt à l’égard de cette question. J’ose espérer que nous pourrons trouver un moyen de collaborer pour obtenir les résultats que nous souhaitons de part et d’autre atteindre, soit un système correctionnel stable et sûr qui permet d’atteindre les objectifs en matière de réadaptation, sans recourir à l’isolement préventif.

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