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La Loi sur la Commission canadienne du lait

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

15 mai 2020


La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du lait.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné plus tôt aujourd’hui, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Comme l’a ordonné le Sénat, le comité accueillera la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Je l’invite maintenant à entrer, accompagnée de ses fonctionnaires.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Marie-Claude Bibeau et les fonctionnaires qui l’accompagnent prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente [ - ]

Madame la ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

L’honorable Marie-Claude Bibeau, c.p., députée, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire [ - ]

Merci, madame la présidente. Je suis accompagnée de M. Chris Forbes, sous-ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, et de Mme France Pégeot, première vice-présidente de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Merci, honorables sénateurs, de me recevoir aujourd’hui.

Je suis heureuse de présenter ce projet de loi qui propose une modification à la Loi sur la Commission canadienne du lait. C’est avec empressement que je vous invite, honorables sénateurs, à l’appuyer également. C’est une mesure dont le secteur laitier canadien a besoin. Elle fait partie de l’ensemble des mesures annoncées par le premier ministre la semaine dernière pour répondre aux besoins urgents des producteurs agricoles et des transformateurs alimentaires canadiens durant cette période difficile.

La pandémie de la COVID-19 a des répercussions énormes sur notre industrie laitière, qui est un pilier de la vitalité de nos communautés rurales. Elle stimule notre économie en générant des milliards de dollars de revenus et en soutenant des dizaines de milliers d’emplois.

Au cours des deux premières semaines de la crise, lorsque les mesures de distanciation sociale ont été imposées, la demande de lait liquide a augmenté subitement, puis elle a diminué tout aussi rapidement quand les familles canadiennes ont fait leurs provisions. Puis, avec la fermeture des écoles, de nombreux restaurants et d’entreprises de l’industrie hôtelière, la demande de produits laitiers a encore diminué, surtout en ce qui concerne le fromage et la crème.

Les Producteurs laitiers du Canada ont déclaré n’avoir jamais vu une telle fluctuation de la demande d’une semaine à l’autre.

Les vaches n’ont pas de robinet qu’on peut ouvrir ou fermer à volonté. La situation a créé des problèmes de logistique et des goulots d’étranglement dans toute la chaîne d’approvisionnement.

L’industrie n’a ménagé aucun effort pour aligner la production sur la demande des consommateurs. Les offices de commercialisation provinciaux ont adopté des mesures pour réduire la production, y compris une diminution des quotas. Des producteurs et des transformateurs de l’industrie laitière ont fait de généreux dons de produits laitiers aux banques alimentaires partout au pays.

Malgré tous ces efforts, entre la fin du mois de mars et la première moitié du mois d’avril, les producteurs ont dû jeter le lait excédentaire dans leurs exploitations.

Honorables sénateurs, nous devons apporter notre contribution pour trouver une solution efficace à cette situation difficile. L’industrie s’est adressée au gouvernement et a demandé que la Commission canadienne du lait élargisse les programmes de stockage des produits laitiers qu’elle utilise pour établir un équilibre entre l’offre et les fluctuations de la demande.

La Commission canadienne du lait achète directement des transformateurs des produits laitiers comme le beurre pour les écouler plus tard au cours de l’année, lorsque la demande reprend, pendant le temps des Fêtes, par exemple.

Avec ses capacités d’emprunt actuelles, la commission a déjà pu reprendre la maîtrise de la situation, mais il lui faudrait une plus grande marge de manœuvre pour continuer à répondre aux besoins de l’industrie, notamment en achetant aussi du fromage, comme elle le fait pour le beurre.

Ainsi, je vous demande d’appuyer ce projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la Commission canadienne du lait pour faire passer sa capacité d’emprunt de 300 à 500 millions de dollars.

J’exhorte les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi, qui vise à modifier la Loi sur la Commission canadienne du lait pour faire passer sa capacité d’emprunt de 300 millions de dollars à 500 millions de dollars.

Cette mesure répond directement aux recommandations faites par l’industrie pour résoudre cette crise. Les Producteurs laitiers du Canada ont accueilli favorablement cette mesure visant à renforcer efficacement notre chaîne d’approvisionnement alimentaire. C’est une autre preuve du soutien du gouvernement au système de gestion de l’offre du Canada, un modèle de stabilité qui permet à nos entreprises agricoles de se développer et de prospérer depuis près de 50 ans déjà.

Ces dernières années, nombre de producteurs m’ont reçue dans leur exploitation agricole, dans leur fromagerie ou dans leur usine de transformation pour me parler de leur métier, de leurs réalisations et de leurs aspirations pour l’avenir.

Ils ont gagné depuis longtemps mon admiration, et je sais que nous avons tous leur bien-être à cœur. Alors, soutenons-les. Allons de l’avant avec ce projet de loi. Tandis que nous commençons à relancer l’économie, continuons à travailler avec l’industrie, les provinces et les territoires pour soutenir toutes les entreprises agricoles et agroalimentaires au Canada. Merci.

La présidente [ - ]

Merci, madame la ministre.

Le sénateur Plett [ - ]

Madame la ministre, merci d’être ici ce matin. Je tiens à vous assurer que le Parti conservateur du Canada, tant à la Chambre des communes qu’ici au Sénat, appuie pleinement le projet de loi. Nous sommes d’avis qu’il est nécessaire. Il n’est pas allé assez loin, mais je vous assure que vous avez notre appui concernant le projet de loi.

Je comprends que le projet de loi C-16 aidera la Commission canadienne du lait à entreposer temporairement les produits laitiers, mais il y a d’autres problèmes auxquels le secteur est confronté et qui méritent votre attention. L’industrie laitière dit avoir été induite en erreur par votre gouvernement concernant la date de mise en œuvre du nouvel ALENA. Votre gouvernement lui a promis qu’il n’entrerait en vigueur qu’après le 1er août. Il n’a pas tenu parole, et l’accord entrera en vigueur le 1er juillet, ce qui entraînera des pertes évaluées à 100 millions de dollars pour l’industrie laitière canadienne.

Madame la ministre, on nous dit maintenant que le premier ministre a promis d’indemniser l’industrie laitière pour la mise en œuvre précoce de l’accord. Combien allez-vous accorder à l’industrie laitière pour avoir rompu la promesse que vous lui avez faite, ce qui lui coûtera 100 millions de dollars? Allez-vous lui accorder des miettes comme vous l’avez fait à l’ensemble du secteur agricole la semaine dernière et même avec le projet de loi aujourd’hui, ou allez-vous lui offrir une compensation équitable?

Mme Bibeau [ - ]

Je vous remercie, sénateur, et je tiens à vous remercier tous d’appuyer la modification apportée dans la présente mesure législative. Votre appui est important, et je vous en sais gré.

Nous n’avons pas fixé une date définitive pour la mise en œuvre du nouvel ALENA. En tant qu’Équipe Canada, nous avons travaillé très fort avec beaucoup de nos partenaires de l’industrie et des provinces partout au pays afin d’obtenir le meilleur accord pour l’ensemble de l’économie canadienne. Cet accord entrera en vigueur au mois de juillet.

Pour ce qui est de l’indemnisation, nous nous sommes engagés à verser 1,75 milliard de dollars au secteur laitier sur huit ans en vue d’indemniser ses travailleurs pour l’accord de libre-échange avec l’Europe et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Le processus d’indemnisation est déjà en cours. Les travailleurs ont reçu leur premier versement, et nous poursuivrons nos discussions avec eux maintenant que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique est sur le point d’être ratifié.

Le sénateur Plett [ - ]

Avez-vous dit 1,75 million de dollars ou 1,75 milliard de dollars?

Mme Bibeau [ - ]

Milliard.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci, madame la ministre. Je veux également aborder avec vous la question des contingents tarifaires pour les producteurs laitiers, ainsi que l’importance de s’assurer qu’ils avantagent surtout les producteurs et les transformateurs laitiers qui ont souffert davantage des récents accords commerciaux internationaux que les détaillants ou les distributeurs. Comme vous le savez, madame la ministre, on a suspendu l’examen par Affaires mondiales Canada de l’administration des contingents tarifaires pour les producteurs de lait, de volaille et d’œuf, ainsi que de leur allocation. Que ferez-vous pour garantir que les producteurs et les transformateurs laitiers sont ceux qui bénéficieront des contingents tarifaires? En terminant, madame la ministre, est-ce que la ministre Freeland vous a dit quand l’examen reprendra, et est-ce que vous l’avez informée que cela devrait se faire le plus tôt possible?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, monsieur le sénateur. En ce qui concerne les contingents tarifaires, je collabore étroitement avec la ministre Ng. De plus, je ne ménage aucun effort pour que les fonctionnaires du ministère dont je suis chargée et les parties prenantes de ce dossier puissent parler avec les responsables. Je peux vous assurer que nous défendons les intérêts des producteurs canadiens.

Le sénateur Plett [ - ]

Pouvez-vous insister sur l’urgence de ce dossier auprès de la ministre Freeland?

Mme Bibeau [ - ]

Bien sûr. Je peux le faire auprès des ministres Ng et Freeland.

Le sénateur Plett [ - ]

Nous sommes aujourd’hui saisis d’une mesure législative modifiant une loi sur le secteur laitier. Toutefois, c’est le secteur agricole de tout le pays qui a été durement touché avant la pandémie et qui continue à l’être pendant la crise. Permettez-moi de parler quelques instants des producteurs de grains. Depuis environ un an, leur parcours est semé d’embuches : une grève du rail, des conditions météorologiques exécrables dans les provinces des Prairies pendant la période des récoltes — je crois qu’ils l’ont qualifié d’été infernal —, des barrages ferroviaires et une augmentation punitive du coût du séchage du grain à cause de la taxe sur le carbone imposée par le gouvernement actuel.

Si l’annonce que le gouvernement a faite la semaine dernière est évidemment insuffisante, il est carrément honteux que les producteurs de grains canadiens n’aient même pas été mentionnés. La pandémie de COVID-19 met ces entreprises agricoles en péril. Selon l’organisation Grain Farmers of Ontario, plus de la moitié des producteurs de grains ont déjà constaté une baisse des ventes, et un quart d’entre eux sont touchés par l’annulation ou le report de contrats existants. L’organisation a lancé une campagne publicitaire pour enfin réussir à attirer l’attention du gouvernement avant qu’il soit trop tard.

Madame la ministre, pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement abandonne les producteurs de grains? Que ferez-vous pour répondre à leurs préoccupations? J’aimerais avoir une réponse précise, surtout à propos du financement des programmes de gestion des risques de l’entreprise.

Mme Bibeau [ - ]

Merci, monsieur le sénateur. Parlons des programmes de gestion des risques de l’entreprise, qui comportent divers types de programmes. Certains procurent du soutien en cas de baisse des revenus. D’autres appuient les agriculteurs lorsqu’ils sont aux prises avec une hausse considérable des coûts. Il y a aussi des programmes pour les aider lorsqu’ils sont affectés par des catastrophes naturelles, ou encore, lorsqu’ils ont besoin d’aide pour économiser de l’argent en prévision d’une année difficile. Tous ces programmes sont à leur disposition et ils en retirent, pour une année moyenne, 1,6 milliard de dollars. Ces programmes sont conçus de manière à répondre à la demande. Par conséquent, la somme pourrait être plus élevée — peut-être même doublée — cette année, si cela était nécessaire.

Nous travaillons sans relâche pour ces programmes en collaboration avec nos homologues provinciaux. Comme vous le savez, ce sont des programmes à frais partagés dont 60 % des frais sont payés par le gouvernement fédéral et 40 %, par les provinces. Depuis que ces programmes ont été modifiés par l’ancien gouvernement, en 2013 — leur budget a été réduit d’environ 400 millions de dollars à l’époque —, il est plus difficile maintenant, en période de crise, d’obtenir le soutien de toutes les provinces quand on veut y apporter des changements importants.

Cependant, ils existent, ils fonctionnent, et nous sommes prêts et disposés à les bonifier et à contribuer à certains programmes spéciaux pour soutenir les secteurs qui souffriront le plus à cause de la crise de la COVID-19. C’est ce que nous avons annoncé récemment.

Je donnerai l’exemple de la somme que contient le compte Agri-investissement du secteur céréalier; c’est le plus important. Je pense que la moyenne dépasse les 100 000 $. C’est important pour les exploitations céréalières. Je les encouragerais fortement à se servir de cet argent, dont 50 % ont été fournis par le gouvernement au fil des ans pour aider lors des années difficiles. Les exploitants ont aussi accès au Programme de paiements anticipés, et ils ont tous accès à un prêt pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars, selon ce qu’ils produisent. La première tranche de 100 000 $ est sans intérêt; pour les producteurs de canola, les premiers 400 000 $ sont sans intérêt.

Les producteurs sont aussi admissibles au programme Agri-stabilité. Pour les aider, nous avons repoussé au 3 juillet la date limite pour présenter une demande. Dans les provinces qui y ont consenti, les agriculteurs peuvent rapidement obtenir un paiement anticipé allant jusqu’à 75 %; c’est soit 50 % ou 75 %, selon la province. Nous avons mis en ligne une calculatrice pour permettre aux agriculteurs d’estimer le montant auquel ils pourraient avoir droit. Avant de dire que cela ne fonctionne pas, je les invite à l’essayer, car certains ont été assez surpris de constater que le programme fonctionne. Je comprends qu’ils souhaitent qu’il soit plus généreux, mais ils peuvent obtenir de l’argent assez rapidement grâce à ces programmes, dès maintenant.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Bienvenue, madame la ministre. Dans votre présentation, vous avez souligné que la hausse de ce plafond, de 300 millions de dollars à 500 millions de dollars pour la marge de crédit de la Commission canadienne du lait, lui donnait une plus grande marge de manœuvre, ce qui est souhaitable dans les circonstances.

Ma question se divise en deux parties. Dans un premier temps, j’aimerais savoir si les conditions d’emprunt, par conséquent, seront assouplies. Une plus grande marge de manœuvre pour la commission est un élément positif. Toutefois, pour les emprunteurs, y aura-t-il un assouplissement, compte tenu du contexte?

La deuxième partie de ma question concerne la consultation avec les provinces. Nous sommes, vous et moi, originaires du Québec. Les intérêts de l’industrie laitière du Québec, plus grand producteur laitier au Canada, sont à l’avant-plan. Comment la consultation avec les provinces s’est-elle déroulée? Quels constats en avez-vous tiré?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, madame la sénatrice, de votre question. La Commission canadienne du lait devra emprunter pour pouvoir acheter. Elle le faisait pour le beurre, et elle pourra désormais acheter plus de beurre et de fromage, entreposer ces produits, puis les revendre à ceux à qui elle les avait achetés. Cette mesure donnera une plus grande marge de manœuvre et plus de liquidités aux transformateurs. C’est ainsi que les marges sont gérées. Les conditions d’emprunt ne s’appliquent pas en termes d’intérêt. Les produits sont achetés puis revendus aux transformateurs au même prix. Voilà en quoi consiste l’entente.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Qu’en est-il des consultations auprès des provinces?

Mme Bibeau [ - ]

Tout s’est bien déroulé. La demande de la Commission canadienne du lait a fait l’unanimité. Qu’il s’agisse de la commission, des provinces ou de l’industrie, toutes les parties ont affirmé que c’était ce dont elles avaient besoin.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

J’ai posé des questions qui suscitaient des réponses courtes, parce que je souhaite laisser le reste de mon temps de parole au sénateur Boehm.

Mme Bibeau [ - ]

Merci.

Le sénateur Boehm [ - ]

Merci beaucoup, madame la ministre. C’est un plaisir de vous voir. Merci à vos talentueux sous-ministres d’être ici également.

Je m’interroge au sujet de l’aide accordée aux producteurs laitiers et de la manière dont cette aide s’inscrit dans la question plus générale des accords commerciaux internationaux.

Les trois accords consécutifs qui ont été conclus, à savoir l’AECG, le PTPGP et l’ACEUM, aussi appelé le nouvel ALENA, ont accordé aux producteurs étrangers un accès modérément accru à notre marché intérieur tout en nous permettant de conserver notre système de gestion de l’offre. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. À cela s’ajoutent deux autres problèmes pour les producteurs laitiers : la date de mise en œuvre de l’ACEUM et la baisse de la demande créant une offre excédentaire en raison de la crise de la COVID-19.

Au titre du Programme de paiements directs pour les producteurs laitiers, le gouvernement fédéral a promis de verser 1,75 milliard de dollars aux 11 000 producteurs de lait de vache soumis à la gestion de l’offre afin de les compenser pour la perte d’une part de marché engendrée par l’AECG et le PTPGP ainsi que celle qu’ils subiront après la mise en œuvre de l’ACEUM. Tous les producteurs de lait de vache qui ont présenté une demande d’indemnisation avant le 13 décembre dernier ont reçu leurs paiements avant le 31 décembre, et la somme totale qui leur a été versée pour la première série de paiements est de 345 millions de dollars. Cela leur a été très utile, surtout dans le contexte des accords commerciaux. La Commission canadienne du lait et l’industrie laitière sont toutes deux favorables à la modification de la Loi sur la Commission canadienne du lait visant à faire passer le plafond des prêts consentis de 300 millions à 500 millions de dollars comme moyen de s’attaquer directement aux conséquences de la pandémie.

La prochaine série de paiements d’indemnisation promis aux termes du Programme de paiements directs pour les producteurs laitiers aura-t-elle lieu comme prévu en dépit de la crise? Le cas échéant, dans combien de temps les producteurs laitiers recevront-ils l’argent, et à quelles autres mesures de soutien l’industrie laitière du Canada peut-elle s’attendre?

Mme Bibeau [ - ]

Comme vous le dites si bien, nous nous sommes engagés très clairement à offrir une indemnisation pour les concessions faites dans l’AECG et le PTPGP, soit une somme totale de 1,75 milliard de dollars, dont 340 millions ont déjà été versés.

À l’heure actuelle, nous concentrons nos efforts sur un soutien d’urgence plus large à tous les secteurs de l’agriculture, mais nous demeurons résolus à indemniser les producteurs laitiers, avicoles et agricoles pour les concessions faites dans les trois accords de libre-échange. Il est un peu trop tôt pour révéler plus de détails, mais sachez que notre engagement demeure ferme.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Madame la ministre, merci d’être avec nous aujourd’hui. Si je comprends bien, grâce à ce projet de loi, la Commission canadienne du lait pourra subventionner les transformateurs pour leur permettre de stocker les surplus de lait sous forme de fromage. Toutefois, est-ce qu’il ne s’agit pas là d’une solution à très court terme? Quand la crise sera passée, il y aura toujours autant de lait sur le marché. Comme vous l’avez dit, on ne peut pas fermer une vache comme un robinet. Or, nous devrons écouler tous ces fromages. Vous le savez, ces fromages sont fabriqués en grande partie au Québec, et on vend de moins en moins de fromages fins. Que fera-t-on de tous ces fromages supplémentaires et de tous ces surplus de lait pendant que les fermes continueront d’en produire autant? Il me semble que les surplus seront ingérables.

Mme Bibeau [ - ]

Merci, madame la sénatrice. Il ne s’agit pas tout à fait de subventions, mais plutôt de permettre aux entreprises de mieux gérer leurs stocks et leurs liquidités, car on achètera les produits au même prix qu’on les revendra le moment venu. On ne peut pas diminuer ou augmenter la production laitière du jour au lendemain. Cet ajustement doit se faire sur quelques semaines au gré des troupeaux. C’est justement la beauté du système de gestion de l’offre. Comme la Commission canadienne du lait est une organisation forte, organisée, structurée et expérimentée, elle sera en mesure de se réorganiser et de faire en sorte que l’offre réponde à la demande au cours des prochains mois. La plus grande disponibilité des fonds lui donnera le temps d’ajuster sa production en fonction de la nouvelle réalité.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

J’ai une question complémentaire à celle du sénateur Boehm. Les producteurs de lait du Québec à qui j’ai parlé sont anxieux, ils vivent beaucoup grâce à leur marge de crédit, et certains d’entre eux ont peur de contracter la COVID-19 parce qu’ils n’ont pas forcément quelqu’un pour les remplacer à la ferme. Ils subissent un double choc, soit celui de la COVID-19 et l’entrée en vigueur de l’ACEUM, le 1er juillet.

Pouvez-vous leur dire à quel moment ils recevront la deuxième tranche d’aide financière liée aux accords de libre-échange? Ils m’ont demandé de vous poser la question et je vous la pose, car les producteurs ont besoin de certitude en ce moment.

Mme Bibeau [ - ]

Je comprends très bien votre intervention, et je suis moi aussi en contact constant avec ces producteurs. J’habite un comté qui compte près de 500 producteurs laitiers. Je comprends leur anxiété, et la santé mentale de nos producteurs me préoccupe pour l’ensemble du secteur en général. L’aide en matière de santé est de compétence provinciale, mais, par le truchement de Financement agricole Canada, on a mis en place certains programmes pour essayer de les aider à gérer ce stress.

Pour répondre précisément à votre question, je n’ai pas de date à vous donner pour l’instant. Comme je l’ai dit au sénateur Boehm, en ce moment, tous nos efforts sont consacrés aux programmes d’urgence. Nous essayons de mettre en place des programmes très vastes qui pourront aider le maximum de gens qui ont perdu leur emploi ou leurs revenus, des programmes qui permettront d’aider le maximum d’entreprises, les petites, les moyennes et les grandes. Ensuite, nous procéderons par secteur. Dans le secteur de l’agriculture, il y a déjà des programmes de gestion de risque, que nous sommes prêts à compléter et à bonifier, au besoin.

Ainsi, mon message aux producteurs, c’est de leur recommander d’utiliser au maximum les programmes existants, comme Agri-investissement, dont j’ai parlé plus tôt. Le secteur laitier a la chance d’avoir une organisation aussi solide que la Commission canadienne du lait pour l’aider à gérer les défis et à ajuster la production.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Je vous remercie, madame la ministre.

Le sénateur R. Black [ - ]

Je vais partager mon temps de parole avec le sénateur Dagenais et le sénateur White, s’il reste assez de temps.

Madame la ministre, comme je l’ai mentionné dans cette enceinte au cours des dernières semaines, beaucoup de villages et de collectivités rurales ne pourront pas tenir des foires et des expositions agricoles cette année comme elles le feraient en temps normal. Ma propre société agricole, celle de Fergus, en Ontario, qui est vieille de 183 ans, ne tiendra pas de foire en 2020. Selon l’Association canadienne des foires et expositions, le fait de sauter une année entraînera des difficultés financières telles que l’on s’attend à ce qu’une foire agricole sur dix disparaisse définitivement et que l’avenir est incertain pour cinq foires sur dix.

Ces événements sont des moteurs économiques importants dans les collectivités agricoles et rurales, et elles représentent 2,9 milliards de dollars par année dans le PIB du Canada. Le gouvernement envisage-t-il d’offrir de l’aide à cette industrie, comme un fonds de stabilisation financière pour les foires, les expositions et les sociétés agricoles?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, sénateur. Dans ma circonscription, qui compte 36 municipalités, il y a aussi de nombreuses expositions. Hatley préparait une grande exposition cette année pour le 150e anniversaire.

L’aide pour les expositions est plutôt du ressort du ministère du Patrimoine, par le volet tourisme, voire le volet culture, selon les occasions qui se présentent lorsqu’un anniversaire du genre est souligné. Pour l’heure, je leur suggérerais surtout d’accéder aux mesures d’aide générales pour les ONG que nous avons annoncées. Certains programmes de Patrimoine Canada pourraient peut-être aussi leur venir en aide.

Ceux qui devaient déjà recevoir des fonds cette année ont pu s’en servir pour couvrir certaines dépenses exceptionnelles entraînées par la COVID-19.

Le sénateur R. Black [ - ]

Un sondage mené auprès des producteurs de grains récemment indiquait que 61 % d’entre eux craignaient de ne pas pouvoir traverser la crise, alors que 55 % affirmaient qu’ils ne feraient aucun profit ou qu’ils perdraient de l’argent et que 84 % étaient d’avis que leur marge de profit serait plus basse que d’habitude.

Le gouvernement entend-il apporter des changements à la série de programmes de gestion des risques afin de mettre en place le filet de sécurité que demandent les agriculteurs, qui ont commencé les semences et qui ne savent pas s’ils auront un marché pour écouler leurs récoltes?

Mme Bibeau [ - ]

Merci. Les programmes de gestion des risques de l’entreprise sont là et prêts à apporter un secours. Je suis consciente que les agriculteurs aimeraient une aide plus généreuse. Toutefois, je les encourage fortement à présenter une demande. Ils peuvent se servir de l’estimateur en ligne pour calculer, moyennant un certain effort de leur part, combien ils pourraient obtenir par l’entremise d’Agri-stabilité. Nul besoin de connaître les chiffres définitifs de 2019. Ils peuvent saisir leur meilleure estimation et découvrir combien ils pourraient obtenir. Ils peuvent également essayer différents scénarios et demander une avance, qui peut atteindre jusqu’à 75 % du paiement final, selon leur province.

Je dirais que c’est la première étape. Évidemment, j’encourage les agriculteurs qui ont des fonds dans leur compte Agri-investissement à les utiliser. En ce moment, environ 2,3 milliards de dollars sont disponibles dans le cadre d’Agri-investissement au pays. La moitié de ces fonds proviennent du gouvernement, et ils ont été accumulés en prévision d’une année difficile.

Le sénateur R. Black [ - ]

Merci. Je pose la prochaine question au nom de la sénatrice Paula Simons. Selon le syndicat qui représente les inspecteurs des viandes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, en date de cette semaine, 40 inspecteurs fédéraux ont contracté la COVID-19, dont 21 uniquement en Alberta. Puisque autant d’inspecteurs sont en congé de maladie ou en quarantaine, on manque maintenant de personnes formées pour faire le travail et, d’après le syndicat, on fait appel à des personnes qui n’ont pas la formation ou l’expérience requises. Pouvez-vous nous assurer que les inspecteurs ont les compétences, la formation et l’expérience requises pour s’acquitter efficacement de leurs fonctions? Quelles mesures prenez-vous pour protéger l’ensemble du personnel de l’Agence canadienne d’inspection des aliments? Merci.

Mme Bibeau [ - ]

Je vous remercie. Je dirais qu’il y a trois semaines, ou peut-être un mois — on perd la notion du temps ces jours-ci —, nous avons annoncé une hausse de 20 millions de dollars pour le budget de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’objectif étant de lui permettre d’embaucher davantage de personnel. Jusqu’à présent, l’agence a été en mesure d’embaucher 70 inspecteurs de plus, de même que 20 vétérinaires additionnels. Il s’agit de nouveaux effectifs disponibles pour effectuer des inspections.

Nous avons également conclu des accords avec certaines provinces. Cela se fait actuellement de manière informelle. La collaboration est bonne. Nous pourrions même former des inspecteurs provinciaux afin de mettre en commun nos ressources et d’élargir notre marge de manœuvre. Si vous souhaitez obtenir d’autres précisions, je peux aussi m’adresser à la vice-présidente de l’agence, si nécessaire. Je vous remercie.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Bonjour, madame la ministre. Je suis toujours étonné de voir à quel point votre gouvernement manque de vision en ce qui concerne l’industrie agricole.

Depuis que vous êtes en poste, tout ce qu’on entend de votre part, c’est que le gouvernement indemnisera les producteurs et les agriculteurs pour compenser les pertes qu’ils subiront à la suite des ententes internationales qui ont été conclues.

Aujourd’hui, nous sommes saisis d’un projet de loi que j’ai l’intention d’appuyer parce que les agriculteurs ont vraiment besoin de cette aide, si incomplète soit-elle. Cependant, on ne peut pas bâtir une industrie agricole solide avec des aides financières et des congés de paiement de six mois.

Je porte à votre attention le fait que le gouvernement américain aidera ses agriculteurs à hauteur de 19 milliards de dollars. La Fédération canadienne de l’agriculture réclame 2,6 milliards de dollars, et votre premier ministre arrive avec un projet de loi qui représente à peine 10 % de la demande, soit 252 millions de dollars.

J’aimerais que vous alliez au-delà des annonces quotidiennes du premier ministre et que vous nous disiez quelle est l’enveloppe globale que votre gouvernement consacrera aux secteurs de l’agriculture, de l’alimentation et des pêches afin de les aider à se sortir de la crise actuelle.

Mme Bibeau [ - ]

Il est toujours difficile de se comparer aux États-Unis, parce que notre approche est complètement différente. Ici, nous avons mis en place des programmes de gestion de risques qui sont disponibles et qui ont été approuvés afin de répondre à la demande.

Donc, d’une part, au cours des cinq dernières années, la moyenne représentait 1,6 milliard de dollars. On peut facilement s’imaginer que cette année ce sera beaucoup plus, peut-être même le double.

D’autre part, il existe des programmes, comme Agri-investissement, qui permettent aux producteurs de déposer 10 000 $ dans un compte bancaire auquel le gouvernement ajoute également 10 000 $. Cela a pour but de créer un coussin pour les années difficiles. En ce moment, il y a 2,3 milliards de dollars dans ces comptes, et nous constatons que les producteurs ne s’en servent pas. Mon message aux producteurs, c’est qu’il faut absolument y adhérer. Contrairement aux Américains qui doivent réagir lorsqu’il y a des chocs, nous avons des programmes en place, soit quatre différents programmes pour répondre à quatre différents types de risques. Il faut utiliser ces programmes, et nous sommes prêts à en prévoir davantage.

Vous avez mentionné l’annonce de 252 millions de dollars. En moyenne, dans les années passées, le programme Agri-relance, par exemple, était doté d’une enveloppe de 15 millions de dollars. Nous avons déjà annoncé qu’elle se montera maintenant à 125 millions de dollars. C’est pour vous dire à quel point nous sommes prêts à en faire davantage qu’en temps normal. Cette enveloppe est passée de 15 à 125 millions de dollars, et je suis certaine que le programme ne s’arrêtera pas là. Nous discutons beaucoup avec les provinces en ce moment parce qu’à la base, Agri-relance est un programme qui répond aux demandes des provinces et non directement aux demandes des producteurs. Il s’agit simplement d’un exemple qui démontre notre volonté d’en faire plus.

La somme de 77,5 millions de dollars que nous avons annoncée en faveur des transformateurs ne s’inscrit absolument pas dans les programmes de gestion de risques, car elle s’étend au-delà de ces mesures. L’enveloppe de 50 millions de dollars en faveur du rachat de surplus alimentaires pour les diriger vers nos banques alimentaires ou encore vers nos collectivités nordiques, par exemple, représente aussi des fonds supplémentaires. Il y a aussi 20 millions de dollars destinés à l’Agence canadienne d’inspection des aliments, et 5 milliards de dollars de prêts additionnels offerts au moyen de Financement agricole Canada.

La présidente [ - ]

Merci, madame la ministre.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Madame la ministre, je vous remercie d’être parmi nous.

Pourriez-vous donner des précisions sur les motifs qui sous-tendent la décision du gouvernement d’augmenter la capacité de prêt de la Commission canadienne du lait de 200 millions de dollars plutôt que d’offrir un programme d’aide aux producteurs de lait, comme cela a été fait pour de nombreuses autres industries? Vous avez parlé et discuté de divers programmes, mais certains craignent que de nombreux agriculteurs ne soient toujours pas admissibles aux mesures de soutien proposées. Merci.

Mme Bibeau [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur. L’explication, c’est que le gouvernement a tout simplement accédé à la demande du secteur laitier et de la Commission canadienne du lait. C’est exactement ce qu’ils ont demandé. Grâce à la commission, le secteur laitier est très bien structuré et possède une solide expérience. Les producteurs savent comment gérer leurs stocks, ce qu’ils ont commencé à faire grâce à la marge de 300 millions de dollars dont ils bénéficiaient précédemment. Néanmoins, comme la situation est hors de l’ordinaire, les producteurs ont demandé au gouvernement d’augmenter leur marge de manœuvre parce qu’ils sont confiants de pouvoir gérer leurs stocks avec cette capacité additionnelle de 200 millions de dollars.

Pour ce qui est de l’admissibilité des agriculteurs aux divers programmes que nous avons annoncés, nous avons été mis au fait d’un enjeu important : de petits producteurs qui ne sont pas nécessairement constitués en société commerciale ne sont pas admissibles à la subvention salariale ou au prêt de 40 000 $. Dorénavant, ils auront accès à un soutien financier similaire par l’entremise des organismes de développement locaux.

Au Québec, entre autres, on parle des SADC.

Cela fait une grande différence pour les petits producteurs.

Il y a en effet un très grand nombre d’entreprises dans cette catégorie qui ne produisent rien. Elles ont été créées à des fins administratives, par exemple. Nous ne pourrions remettre une subvention de 10 000 $ à une entreprise qui n’est pas réellement en affaires, mais qui a plutôt un rôle de soutien administratif. Le fait de travailler avec les agences de développement régional nous offrira ce contact direct avec les entreprises et les agriculteurs, et nous saurons ainsi que nous aidons ceux qui en ont vraiment besoin.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Je vous remercie.

Comme vous pouvez l’imaginer, nous avons été nombreux à être bouleversés par les articles sur le lait jeté ou déversé; je vous remercie donc d’avoir présenté cette mesure législative. Ce lait a été jeté ou déversé à cause des limites de capacité, des arriérés dans la transformation et d’autres contraintes.

À votre avis, est-ce que ce projet de loi va régler cette situation et éliminer le gaspillage à toutes les étapes? Je songe aussi à la fabrication supplémentaire de fromage et de beurre.

Mme Bibeau [ - ]

Je suis persuadée que ce sera le cas. En fait, personne n’a jeté de lait depuis la mi-avril car la Commission canadienne du lait, en collaboration avec les producteurs, a eu le temps de réorganiser et de gérer les stocks grâce à la capacité d’emprunt de 300 millions de dollars déjà disponible. Voilà pourquoi j’ai confiance qu’elle pourra poursuivre sur cette lancée au cours des prochains mois grâce à cette capacité financière accrue.

Le sénateur Loffreda [ - ]

En attendant que tous les détails soient mis en place, avez-vous travaillé avec l’industrie pour mettre au point un plan de commercialisation et de distribution robuste qui pourrait inclure les banques alimentaires de tout le pays? Qu’avez-vous fait? Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Mme Bibeau [ - ]

Je dirais que le secteur laitier est déjà très bien organisé pour promouvoir ses produits, et j’encourage tous les Canadiens à rechercher le logo de la vache bleue.

Dans le cadre de la politique alimentaire, nous avons la campagne « Achetez canadien », dont l’un des objectifs est évidemment de promouvoir nos producteurs. Je dois admettre qu’à l’heure actuelle, nous nous concentrons sur des programmes d’urgence, mais différents volets de la politique alimentaire vont également progresser dans un avenir proche.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Compte tenu de ce dont parlait mon collègue, le sénateur Boehm, notre souveraineté alimentaire suscite-t-elle des inquiétudes? Celui-ci faisait en effet allusion à l’Accord États-Unis—Mexique—Canada. Étant donné par ailleurs que l’aide internationale a été beaucoup plus conséquente que l’aide canadienne à de nombreux intervenants du secteur agricole, notre souveraineté alimentaire suscite-t-elle des inquiétudes? Les agriculteurs estiment-ils qu’on a comblé leurs besoins?

Mme Bibeau [ - ]

Je n’ai pas d’inquiétude à propos de notre souveraineté alimentaire. Nous veillons à entretenir une bonne collaboration avec nos partenaires commerciaux internationaux, en commençant évidemment par les États-Unis.

Tout comme le Canada, ils souhaitent que la frontière reste ouverte aux échanges commerciaux dans différents secteurs, dont le secteur alimentaire, qui est très intégré. Un très grand nombre de produits proviennent du Canada, sont transformés aux États-Unis et reviennent ensuite chez nous, et vice versa. Je m’entretiens en outre régulièrement avec le secrétaire Perdue pour veiller à protéger la circulation des produits alimentaires à la frontière.

Comme je l’ai expliqué un peu plus tôt, il est difficile de faire une comparaison avec les États-Unis en matière de soutien. Le Canada a toujours préféré avoir des programmes de gestion des risques de l’entreprise qui sont déjà en place et prêts à être utilisés quand survient une situation difficile. Je sais que les agriculteurs aimeraient des mesures plus généreuses, mais ces programmes sont là pour les aider. Nous essayons aussi de simplifier les choses et nous sommes prêts à ajouter des programmes pour combler les lacunes, ce que nous avons d’ailleurs déjà commencé à faire.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Donc, les agriculteurs aimeraient que le gouvernement soit plus généreux. Y aura-t-il d’autres mesures d’aide ou pensez-vous qu’il y en aura d’autres?

Mme Bibeau [ - ]

Oui, je pense qu’il y en aura d’autres, et c’est pourquoi je leur demande d’utiliser les programmes en place pour que nous puissions déterminer quels sont les besoins, quelles sont les lacunes. Nous voulons concentrer nos mesures d’urgence sur ceux qui en ont le plus besoin.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Les Canadiens n’ont donc pas à s’inquiéter de problèmes liés à la souveraineté alimentaire et au gaspillage, et nos agriculteurs sont satisfaits présentement. Je vous remercie.

Le sénateur Smith [ - ]

Merci de votre présence, madame la ministre.

Le gouvernement a annoncé une aide de 252 millions de dollars pour le secteur agroalimentaire et prévoit consacrer environ 50 millions de dollars de cette enveloppe à l’achat de quantités excédentaires de nourriture qui auraient autrement été détruites. Ces denrées seront ensuite distribuées dans les régions du pays où l’insécurité alimentaire est répandue. Les États-Unis, bien sûr, se sont engagés à débloquer 3 milliards de dollars pour l’achat de surplus alimentaires, mais je suis conscient que les économies d’échelle diffèrent énormément entre nos deux pays.

Pourriez-vous nous dire comment le gouvernement est parvenu à ce montant de 50 millions de dollars, et comment s’effectuera la distribution de ces denrées partout au pays? Qu’en est-il du Nord? Les Canadiens qui habitent dans le Nord doivent payer leur épicerie plus cher en raison des coûts liés au transport et à la distribution, et cela les touche durement.

Mme Bibeau [ - ]

Merci. Dans un premier temps, nous avons versé 100 millions de dollars aux banques alimentaires du Canada par l’entremise de cinq partenaires principaux. Plus récemment, la semaine dernière, nous avons versé 50 millions de dollars de plus afin d’acheter des surplus alimentaires et de les acheminer à la population par l’intermédiaire des banques alimentaires du pays, y compris celles dans les collectivités du Nord.

J’aurais dû dire que, en plus du financement initial de 100 millions de dollars, il y avait aussi un fonds supplémentaire de 25 millions de dollars pour les collectivités nordiques et autochtones.

À l’heure actuelle, nous déterminons quels secteurs agricoles ont des surplus — comment ils sont disponibles —, ainsi que leur quantité, leur format, leur emballage et l’endroit où ils se trouvent, et nous communiquons également avec les collectivités du Nord et les réseaux de banques alimentaires pour nous informer sur leur capacité, c’est-à-dire la quantité de surplus qu’ils peuvent obtenir, distribuer et entreposer. Nous nous renseignons sur les difficultés liées au transport ou à l’emballage, par exemple.

Il ne s’agit donc pas seulement d’acheter de la nourriture, mais aussi de tisser les liens nécessaires pour régler tous les problèmes logistiques qui existent.

Le sénateur Smith [ - ]

Pensez-vous qu’il existe suffisamment d’informations fiables pour vous permettre d’élaborer un plan stratégique qui aidera véritablement le Nord? Il y a des histoires et des reportages sur le coût et la qualité des aliments et sur la façon de faire en sorte que les bons aliments sont envoyés pour répondre aux besoins des communautés. Je ne suis pas sûr que vous ayez dit quoi que ce soit de concret. Avez-vous une idée d’un plan que les fonctionnaires de votre ministère pourront mettre en œuvre? Sera-t-il exécuté immédiatement ou à court terme afin que les gens puissent bénéficier de certaines prestations et d’un allègement des prix exorbitants?

Mme Bibeau [ - ]

Je ne prétends pas être une spécialiste du Nord, mais je travaille en étroite collaboration avec le ministre Vandal sur ce dossier. J’ai des conversations hebdomadaires avec mes homologues provinciaux et territoriaux, et c’est une question qui est soulevée chaque semaine. Il m’a été confirmé directement hier que des conversations sont aussi en cours avec les gouvernements des territoires afin de trouver la meilleure façon d’utiliser ces 50 millions de dollars pour répondre aux besoins de la population.

Je travaille avec des gens qui connaissent le sujet mieux que moi.

Le sénateur Smith [ - ]

Je vous remercie.

Le sénateur Ngo [ - ]

Merci d’être ici, madame la ministre.

Les nouvelles mesures financières qu’a annoncées le gouvernement, la semaine dernière, pour les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire ont reçu un accueil mitigé, et à juste titre. Nous avons appris que certaines d’entre elles ne sont même pas de nouvelles mesures. Le plus troublant, c’est que certaines ne sont même pas liées à la COVID-19, puisqu’elles figuraient déjà dans le budget ou qu’elles comptaient parmi les promesses électorales du gouvernement. Je parle des 125 millions de dollars qui ont été annoncés une deuxième fois, mais qui avaient déjà été prévus pour le programme Agri-relance, ainsi que des 5 milliards de dollars de financement pour Financement agricole Canada, qui constituaient une promesse électorale.

Pourriez-vous expliquer aux agriculteurs, aux citoyens, aux entreprises et aux travailleurs canadiens des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui ont du mal à joindre les deux bouts pourquoi le gouvernement annonce une deuxième fois des mesures qu’il s’était déjà engagé à mettre en place avant même le début de la pandémie?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, monsieur le sénateur. Comme je l’ai dit plus tôt, au Canada, nous avons décidé il y a plusieurs années de mettre en place des programmes de gestion des risques de l’entreprise. Les agriculteurs peuvent avoir recours à ces programmes lorsqu’ils traversent une période difficile. C’est ainsi que nous avons décidé de procéder, et je crois que c’était la bonne chose à faire. Les producteurs et les agriculteurs savent qu’ils peuvent compter sur ces programmes en cas de coup dur.

Les programmes de gestion des risques de l’entreprise comptent quatre éléments principaux : Agri-stabilité, qui soutient les agriculteurs qui subissent une baisse de revenus considérable; Agri-investissement, qui offre des comptes d’épargne en cas de mauvaise année; Agri-protection, qui appuie les agriculteurs en cas de catastrophe naturelle; et Agri-relance, qui soutient les agriculteurs aux prises avec des coûts exceptionnels. Au cours des cinq dernières années environ, le montant moyen du soutien destiné aux producteurs par l’entremise d’Agri-relance s’est élevé à 15 millions de dollars.

Dans le cadre de ce programme, nous avons annoncé le versement de 125 millions de dollars, mais ce n’est que le début. Je m’attends à ce que les provinces présentent d’autres demandes. Je pense qu’il s’agit bel et bien d’argent frais. Le gouvernement engage ainsi une somme considérable, et nous avons pris les devants alors que, en temps normal, nous attendons que les provinces nous demandent de l’aide dans le cadre du programme Agri-stabilité.

Partout au pays, nous apporterons notre contribution, qui équivaut à 60 %, et ce, peu importe si les provinces décident d’avancer les 40 % restants ou non. En temps normal, le plafond des dépenses admissibles est fixé à 70 %; nous l’avons fait passer à 90 %.

Le sénateur Ngo [ - ]

Merci de votre réponse. Je tiens à revenir sur la question du sénateur Dagenais.

Le gouvernement a demandé aux secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire le montant de l’aide financière dont ils avaient besoin pour traverser la crise. Ils ont répondu 2,6 milliards de dollars, mais le gouvernement a annoncé seulement 252 millions de dollars, ce qui est très loin de répondre à leur demande et à ce dont ils ont désespérément besoin. Vous leur avez demandé ce dont ils avaient besoin, mais vous n’avez pas écouté ou respecté ce qu’ils vous ont dit.

Mme Bibeau [ - ]

J’écoute les agriculteurs tous les jours. Je le répète, nous ne pouvons pas tourner le dos au Programme de gestion des risques de l’entreprise. Chaque année, en moyenne, on accorde 1,6 milliard de dollars dans le cadre de ce programme. Je m’attends à ce que le montant soit beaucoup plus élevé cette année. Le compte d’Agri-investissement contient déjà 2,3 milliards de dollars. La semaine dernière, nous avons augmenté de 100 millions de dollars le financement accordé aux producteurs de porc et de bœuf. Nous avons également versé 77,5 millions de dollars aux transformateurs d’aliments, alors nous prenons différentes mesures.

Je le répète, j’encourage les producteurs à utiliser ces programmes pour que nous puissions cibler où sont les lacunes et qui sont ceux qui sont le plus dans le besoin.

La présidente [ - ]

Vous avez 30 secondes.

Le sénateur Ngo [ - ]

Dans ce cas, je cède mon temps de parole.

Le sénateur Munson [ - ]

Merci, madame la ministre. Merci de ce que vous faites. C’est parfois difficile, la vie de ministre de l’Agriculture. Je me souviens encore du visage de celui qui était à votre place, Eugene Whelan, quand on lui a versé du lait sur la tête. En tout cas, il semblait en aimer le goût. C’était en 1976, je venais d’avoir 30 ans, je débutais ma carrière de journaliste sur la Colline et les producteurs laitiers du Québec faisaient les manchettes parce qu’ils ne décoléraient pas. C’est un poste difficile, mais je crois que vous avez la personnalité, et la détermination — enfin j’ose croire —, pour bien vous en sortir.

Il a été brièvement question des producteurs obligés de jeter une partie de leur lait cru. Ce type de situation ne réjouit personne, mais vous semblez dire que cela ne se reproduira plus d’ici la fin de la pandémie.

Vous avez aussi parlé d’argent pour distribuer les produits laitiers par l’entremise des banques alimentaires. Un demi-million d’enfants canadiens vivent dans la pauvreté. À part les banques alimentaires, pouvez-vous nous dire précisément comment se fera la distribution de lait, de beurre et de fromage, toutes choses que nous considérons comme faisant partie de notre quotidien, aux gens qui vivent dans la pauvreté?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, sénateur. Je tiens à remercier les producteurs et les transformateurs laitiers, qui ont fait des dons importants aux banques alimentaires lorsqu’ils se sont vus obligés de se débarrasser de leur lait. Un gros merci.

Les banques alimentaires peuvent accepter une quantité limitée. Selon moi, ces dons les ont beaucoup aidées. Nous avons créé deux fonds distincts pour appuyer les banques alimentaires. Tout d’abord, il y a le fonds de 100 millions de dollars qui a été réparti par l’intermédiaire de cinq partenaires importants : Banques alimentaires Canada, l’Armée du Salut, Second Harvest, le Club des petits déjeuners et la Federation of Community Organizations. Nous avons collaboré très étroitement avec eux pour que tout le pays soit couvert et nous avons mis de côté 30 millions de dollars afin d’avoir la marge de manœuvre nécessaire pour combler les manques.

Puis, nous avons ajouté 50 millions de dollars pour acheter des surplus. En plus d’acheter des surplus, nous avons aussi établi des relations et trouvé les bons partenaires afin de régler d’éventuels problèmes de transport ou d’emballage et nous assurer que ce que nous achetons répond véritablement aux besoins des gens que nous voulons aider dans diverses régions. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les collectivités nordiques.

Le sénateur Munson [ - ]

Merci de votre réponse. J’aimerais maintenant parler des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons tenu notre première séance du Comité des affaires sociales hier, et nous avons entendu des témoignages de représentants d’Agriculture Canada. J’ai été frappé par la décision du premier ministre du Nouveau-Brunswick d’interdire aux travailleurs étrangers d’entrer dans la province. Année après année, l’expérience a montré qu’il manque toujours de travailleurs étrangers.

Lorsque M. Forbes, votre sous-ministre, était ici, il a abordé cette question. De plus, lors de la séance du Comité de l’agriculture et de l’agroalimentaire du 5 mai, il y a quelques jours à peine, M. Forbes a parlé de l’arrivée des travailleurs étrangers au Canada. Est-il garanti que le Canada pourra combler ce vide? Étant donné l’argent qui a été distribué aux jeunes Canadiens, y a-t-il une garantie qu’eux ou d’autres remplaceront temporairement ces travailleurs étrangers pour se faire une idée de ce que c’est de travailler dans leur propre pays et de les motiver à le faire en leur offrant une expérience sur le terrain? Aux États-Unis, le Corps des volontaires de la paix exerce des activités partout dans le monde. Cependant, demander à des jeunes Canadiens de travailler dans leur pays, bien que temporairement, pourrait valoriser leur identité nationale. C’est la seule solution qui me vient à l’esprit pour combler le vide laissé par les travailleurs étrangers.

Mme Bibeau [ - ]

La pénurie de main-d’œuvre est sans contredit un énorme défi. C’était déjà le cas avant la pandémie de COVID-19. En temps normal, nous accueillons 60 000 travailleurs étrangers temporaires. Même avec leur apport, quelque 15 000 emplois restaient en général vacants. Il ne fait donc aucun doute qu’il s’agit d’un défi de taille.

C’est pourquoi nous travaillons très fort avec le ministre de l’Immigration et le ministre des Affaires étrangères pour simplifier le processus au maximum et ainsi accueillir le plus grand nombre de travailleurs temporaires possible. En avril, les efforts ont plutôt bien fonctionné : les résultats ont été supérieurs à nos attentes. Nous sommes parvenus à accueillir 11 200 travailleurs par rapport à 13 000 l’an dernier. Nous avons donc bon espoir que la situation sera meilleure que ce à quoi nous nous attendions il y a un mois.

À ce sujet, je peux ajouter que nous offrons 1 500 $ aux employeurs — principalement des agriculteurs, mais également des transformateurs d’aliments — qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires. Ils reçoivent donc 1 500 $ par travailleur pour les aider à assumer les coûts supplémentaires associés à la période d’isolement de 14 jours.

Nous avons aussi lancé le programme Mettez la main à la pâte, un portail réunissant tous les emplois vacants en agriculture partout au pays. Nous tentons de faire la promotion de ces emplois de différentes façons avec l’ensemble des intervenants.

Dans le cadre du programme Emplois d’été Canada, nous avons déjà inclus les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans les services essentiels. Maintenant, les agriculteurs peuvent trouver des travailleurs — qui sont des jeunes, pas nécessairement des étudiants — par l’entremise de ce programme qui couvre 100 % de leur salaire.

Je peux peut-être aussi en profiter pour rappeler à tous que nous avons convenu de transférer 3 milliards de dollars aux provinces afin qu’elles puissent bonifier le salaire des travailleurs essentiels, y compris ceux des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Le sénateur Munson [ - ]

Que diriez-vous aujourd’hui aux jeunes pour les inciter à aller travailler dans une exploitation agricole ou laitière, à se salir un peu les mains pendant cette période particulière, à faire un assez bon salaire et à contribuer au processus de relance de leur pays? Que diriez-vous aux jeunes Canadiens?

Mme Bibeau [ - ]

J’en ai trois à la maison, ils ne sont pas tous les miens, mais j’ai quand même trois jeunes sous mon toit et nous en avons discuté. Je crois que de nombreux parents ont ce genre de discussions avec leurs enfants présentement.

J’ai beaucoup entendu parler de la prestation d’urgence pour les étudiants, parce que certains craignent que les étudiants préfèrent rester à la maison plutôt que d’aller travailler. Ils devront prouver qu’ils ont cherché du travail, mais je crois que c’est l’occasion parfaite pour enseigner à nos jeunes les valeurs canadiennes et l’importance de soutenir sa collectivité, particulièrement lors de périodes comme celle que nous vivons.

Si on revient à l’expérience de travail qu’ils pourraient acquérir à la ferme, ils apprendraient certainement des choses qu’aucun autre emploi d’été ne pourrait leur apprendre. Que voudront-ils raconter à leurs enfants lorsqu’ils leur demanderont comment c’était? Aimeraient-ils mieux leur répondre qu’ils ont profité du système ou qu’ils ont appris à faire un potager? Plus tard, quand ils parleront de 2020, ils pourront dire : « C’est grâce à la COVID-19 que j’ai appris à cultiver la terre. » Je crois que c’est une question d’éducation dans chaque famille.

Le sénateur Munson [ - ]

Madame la ministre, je vous remercie énormément de ces observations. Bien que nous ayons des questions concernant les chiffres, les statistiques, les échéances et d’autres détails de cette nature, je crois qu’il faut aborder ce problème avec humanité, et nous avons vu toutes ces annonces. Derrière chaque statistique, il y a un être humain ou une personne qui est décédée. Lorsque je songe aux familles et à la façon de résoudre cette crise, je crois que le pays a une occasion à saisir pour assurer sa relance. Je crois vraiment que nous pouvons en tirer d’importantes leçons, et c’est pour cela que je tenais à souligner qu’il n’y a pas de meilleur endroit où travailler qu’une ferme. Merci beaucoup.

Mme Bibeau [ - ]

Merci.

Le sénateur Dean [ - ]

Madame la ministre, d’abord, je vous remercie de vous joindre à nous et de tout le travail que vous faites. Je sais que vous travaillez très fort pour soutenir la communauté agricole au pays.

Je saisis également l’occasion pour remercier le personnel politique et les fonctionnaires fédéraux qui vous appuient, deux groupes qui se démènent ces derniers mois pour aider les Canadiens pendant cette situation d’urgence et qui accomplissent leur travail avec brio. Cela vaut notamment pour les inspecteurs des aliments du Canada, en particulier les inspecteurs des viandes.

J’ai deux questions à vous poser. Premièrement, les sénateurs sont convaincus que la modification législative à l’étude aujourd’hui correspond à ce que les producteurs et les transformateurs laitiers réclament. Elle permettra d’éviter le gaspillage. Ma première question porte sur ce que fait le gouvernement plutôt que sur ce qu’il ne fait pas. Pourriez-vous nous parler brièvement des programmes, nouveaux et existants, qui peuvent aider les producteurs et transformateurs laitiers en ces temps difficiles?

Ma deuxième question nous ramène aux inspecteurs des viandes. Je reviens sur la question du sénateur R. Black concernant les 40 inspecteurs atteints de la COVID-19. Il est utile que notre collègue de l’agence d’inspection soit ici avec nous aujourd’hui. Vous avez adéquatement remédié aux problèmes de dotation dans la chaîne d’approvisionnement. Je sais que nous disposons de ressources très compétentes à l’échelle provinciale et que celles-ci ont pris le relais. Revenons toutefois à la santé et à la sécurité. Puisque nous parlons d’un bon employeur responsable, quelles mesures supplémentaires prend-on précisément pour promouvoir le plus possible la santé et le bien-être des inspecteurs canadiens des aliments, en particulier ceux qui inspectent les établissements de transformation de la viande?

Mme Bibeau [ - ]

Merci. Je vais commencer par les programmes de gestion des risques. Je reviendrai encore et toujours à ces programmes parce que ce sont les plus importants. Je pourrais parler d’un plus grand nombre de programmes, mais je vais mettre l’accent sur ceux qui concernent la gestion des risques. Même si les programmes existent déjà, cela ne veut pas dire que l’argent est automatiquement versé. Il doit y avoir un besoin. Une année, la somme provenant d’un programme peut être plus élevée que celle qui provient d’un autre. Puis, l’année suivante, ce peut être l’inverse.

Le meilleur exemple, c’est le programme Agri-relance. Une année moyenne, ce programme accorde un total de 15 millions de dollars aux producteurs. Cette année, les montants à leur verser atteignent déjà 125 millions de dollars. Je suis persuadée que la somme sera encore plus élevée parce que nous discutons actuellement avec les provinces au sujet de ce programme.

Pour ce qui est des nouveaux programmes, notons l’aide de 77,5 millions de dollars pour les producteurs d’aliments, la somme de 50 millions de dollars pour acheter les surplus agricoles et les 20 millions de dollars pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Ce sont toutes de nouvelles mesures. Nous avons également augmenté la capacité de prêt de Financement agricole Canada et nous avons assoupli les critères pour obtenir un prêt.

Vous avez raison de dire que les agents chargés de l’inspection des aliments font en ce moment un travail incroyable dans un contexte très difficile. De nombreux Canadiens se rendront compte de ce que signifie être un travailleur essentiel. C’est évident dans le secteur de la santé, mais les Canadiens constatent maintenant que le secteur alimentaire constitue aussi un système essentiel qui repose sur les travailleurs de l’alimentation, des inspecteurs aux scientifiques, en passant par les travailleurs des usines de transformation, les agriculteurs sur le terrain, les jeunes qui travaillent dans les épiceries et les camionneurs. Il faut veiller au bien-être de ces travailleurs essentiels. Vous avez évidemment vu les efforts que déploie le gouvernement pour fournir de l’équipement de protection individuelle au personnel du secteur médical. Nous mettons actuellement en place — et je suis membre du comité responsable — des ressources pour soutenir les autres secteurs essentiels, notamment ceux de l’alimentation et du transport, afin de les aider à trouver les bonnes filières pour se procurer de l’équipement de protection individuelle.

Je reviens en particulier à la situation des usines de produits alimentaires. En pratique, ce sont les autorités sanitaires provinciales ou locales qui doivent donner des directives aux propriétaires d’usine en ce qui concerne les mesures à mettre en place pour assurer la protection des employés et créer un milieu de travail sûr. L’Agence canadienne d’inspection des aliments a pour mission d’assurer la salubrité des aliments, mais elle travaille également en étroite collaboration avec les services de santé publique locaux et les entreprises pour protéger les travailleurs, y compris les inspecteurs.

Si vous souhaitez davantage d’information, je cède la parole à Mme Pégeot.

Le sénateur Dean [ - ]

Brièvement peut-être, si vous le voulez bien.

France Pégeot, première vice-présidente, Agence canadienne d’inspection des aliments [ - ]

Merci beaucoup de votre question, sénateur, et merci de souligner le travail de nos inspecteurs des viandes. Je conviens certainement que l’agence en général et nos inspecteurs des viandes en particulier travaillent très fort depuis le début de la crise pour s’acquitter de leur mandat. Ils ont vraiment été à la hauteur compte tenu des défis à relever. Il faut leur rendre hommage et les remercier de ce qu’ils font. Je vous remercie de l’avoir souligné, et j’aimerais joindre ma voix à la vôtre.

En tant que dirigeants et gestionnaires de cette agence, la santé et la sécurité de nos inspecteurs sont primordiales depuis le début de cette crise. Nous n’avons fait aucun compromis à ce sujet. Dès le départ, nous avons collaboré avec les directeurs des usines. Nous considérons que chaque usine est différente et nécessite des solutions qui lui sont propres. Nous avons donc collaboré avec les directeurs des usines, les syndicats, notre propre personnel bien entendu, et avec les experts en santé publique afin que chaque usine possède ses propres mesures préventives. Nous souhaitons offrir des conseils sur la manière de transmettre les rapports et de signaler l’apparition de cas de COVID-19 dans les usines, et de faire face à la situation afin de maintenir un milieu de travail sécuritaire. C’est ce que nous avons fait. Nous avons veillé à ce qu’on prenne les mesures appropriées pour offrir un environnement sûr à nos inspecteurs et qu’ils se sentent à l’aise de travailler dans ces usines, de contribuer à l’économie et d’aider à nourrir les Canadiens.

Encore une fois, merci beaucoup, sénateur.

De rien. Merci beaucoup pour le travail que vous et vos collègues accomplissez. Je tiens également à remercier nos collègues, les sénatrices Griffin et Lankin, qui ont contribué à susciter cette question.

Le projet de loi C-16 nous rappelle que les difficultés du secteur liées aux chaînes d’approvisionnement alimentaire ont également de graves répercussions pour les Canadiens, tant sur le plan de l’insécurité alimentaire que sur celui de l’augmentation du coût des aliments. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les membres des communautés les moins favorisées subissent ces conséquences de façon disproportionnée et sont donc plus vulnérables et plus démunis. Même si certaines provinces sont sur le point de rouvrir leur économie, les réactions ne sont pas nécessairement cohérentes, d’où la persistance des problèmes liés à la main-d’œuvre et à l’approvisionnement alimentaire. Quelles mesures le gouvernement prend-il — ou compte-t-il prendre — pour maintenir et élargir le soutien direct au revenu des particuliers, comme la Prestation canadienne d’urgence ou une autre type de soutien au revenu, pendant la période de reprise économique?

La présidente [ - ]

Votre temps de parole de 10 minutes est écoulé.

Le sénateur Carignan [ - ]

Ma question s’adresse à la ministre. Madame la ministre, il y a beaucoup de producteurs de sirop d’érable dans ma circonscription. Il semble qu’ils soient les grands oubliés de l’ensemble de cette aide offerte par votre gouvernement. Je vous décris l’exemple des producteurs de sirop d’érable, qui ont été frappés de trois façons. Ils sont touchés, parce qu’il s’agit aussi d’une activité commerciale. La pandémie s’est déclarée au début de la saison, et ils ont dû fermer leurs portes immédiatement. La perte des activités liées aux réceptions, au tourisme et aux repas offerts en salle à manger a eu pour eux un impact économique important. Aussi, comme le début de la saison de production du sirop d’érable a coïncidé avec la pandémie, ils ont souffert d’une pénurie de main-d’œuvre. Enfin, les producteurs accusent des retards dans le classement du sirop d’érable en raison des réductions du personnel, ce qui entraîne des délais de paiement.

Le gouvernement a-t-il tenu compte des besoins des producteurs de sirop d’érable? Quelle partie de vos récentes annonces en faveur du secteur agricole s’applique-t-elle aux producteurs de sirop d’érable?

Mme Bibeau [ - ]

Vous avez raison, ils ont été touchés de plein fouet au cœur de la saison de production. Les producteurs de sirop d’érable, comme tous les producteurs, sont des entrepreneurs. Ils ont accès aux programmes généraux qui ont été mis en place. Je pense entre autres au programme de prêt de 40 000 $ sans intérêt avec 10 000 $ non remboursables. Pour les petits...

Le sénateur Carignan [ - ]

Chez nous, la plupart des entrepreneurs ne sont pas admissibles à ce programme.

Mme Bibeau [ - ]

J’y arrive. Ils seront maintenant admissibles en passant par les SADC. Comme il a été annoncé plus tôt cette semaine, 211 millions de dollars seront octroyés aux agences de développement régional. Une bonne partie de cette somme, je crois qu’il s’agit de 71 millions de dollars, sera distribuée par l’entremise des SADC. Ainsi, nous voulions faire en sorte que tous les petits entrepreneurs aient accès au fonds de 40 000 $.

Nous cherchions toutefois la bonne façon de le faire pour éviter d’inclure les entreprises qui ne produisent pas nécessairement, mais qui ont des fonctions plus administratives. En passant par le réseau des SADC, nous veillons à ce qu’il y ait un contact humain direct entre nos agents et les producteurs. Cette annonce est très récente, elle a été faite il y a deux jours. J’encourage donc les petits producteurs à rencontrer leur administrateur dans les SADC, les CAE ou à DEC.

Le sénateur Carignan [ - ]

Il risque de ne rester que des miettes pour ces gens. Un montant de 210 millions de dollars, c’est très peu pour les producteurs de l’ensemble du territoire canadien. C’est rêver en couleur que de dire que cette mesure réglera le problème des cabanes à sucre. Je pense à la famille Constantin, dans ma région, qui est durement frappée. Il est clair que votre programme, par l’entremise des SADC, ne sera pas suffisant.

Un autre problème, pour les producteurs du Nouveau-Brunswick, est la perte d’acheteurs. Les États-Unis ont décidé de cesser d’acheter le sirop d’érable ou de le négocier à la baisse. Êtes-vous au courant de ce problème? Qu’entendez-vous faire, encore une fois, pour soutenir ces producteurs du Nouveau-Brunswick?

Mme Bibeau [ - ]

Tous les producteurs ont accès aux programmes de gestion de risques. Dans le cas d’une diminution de revenu significative, c’est le programme Agri-stabilité qui est peut-être le plus approprié. On a mis en ligne une calculatrice qui permet d’évaluer ce à quoi les entreprises ont droit. On a aussi augmenté la marge pour qu’elles puissent faire une demande de paiement anticipé. En fonction des provinces, la marge est passée de 50 à 75 %. On leur donne jusqu’au 3 juillet pour en faire la demande. Pendant cette période, elles peuvent envisager différents scénarios et voir ce à quoi elles pourraient avoir droit avant de présenter une demande dans le cadre de ce programme. Certaines d’entre elles ont peut-être contribué au programme Agri-investissement. Ce sont toutes des mesures qui leur sont offertes.

Le sénateur Housakos [ - ]

Madame la ministre, dans une interview publiée début janvier, vous avez déclaré que vous aviez besoin de preuves pour, de concert avec vos collègues du Cabinet, monter un dossier sur les effets négatifs de la taxe sur le carbone sur les agriculteurs. Vous avez dit que vous étiez tout à fait disposée à plaider leur cause dès lors que vous auriez davantage de preuves de la portée de la taxe sur le carbone sur les exploitations agricoles et les agriculteurs.

Grâce à Blacklock’s, nous avons découvert la semaine dernière que vous déteniez ces preuves, mais que vous n’étiez pas disposée à les communiquer aux Canadiens. Vous avez dit à vos collègues de la Chambre des communes que les informations qu’elles contiennent sont « secrètes ».

Madame la ministre, avez-vous jamais eu l’intention de prévoir une exemption pour les agriculteurs qui sont injustement accablés par cette terrible taxe sur le carbone? Ou était-ce simplement de votre part une stratégie pour gagner du temps puisqu’il ne s’agit pas vraiment d’aider les Canadiens, mais plutôt de mettre en place une stratégie de relations publiques visant à obtenir des votes?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, sénateur. Non, j’ai toujours été très franche avec les agriculteurs canadiens. Les chiffres que je recevais des diverses parties prenantes et du ministère étaient très différents. Les différences étaient considérables.

C’est pourquoi, en décembre dernier, quand nous avons tenu notre rencontre fédérale-provinciale-territoriale des ministres de l’Agriculture, j’ai dit à mes collègues : « Fournissez-moi les données. Aidez-moi à monter un dossier et je le défendrai si l’incidence sur eux est importante. »

Comme vous le savez, nous avons déjà exempté les carburants agricoles et les carburants des installations fonctionnant avec une carte-accès et nous avons accordé un remboursement partiel pour le propane et le gaz naturel employés dans les serres commerciales. J’étais donc vraiment prête à conclure une entente.

Je vais vous donner les chiffres finaux, mais, soit dit en passant, le rapport dont vous faites mention est un rapport public. Certains chiffres étaient confidentiels en raison de la confidentialité du budget, mais le rapport est publié. Je peux vous le transmettre si vous le souhaitez.

Pour arriver à ces estimations, Agriculture et Agroalimentaire Canada a utilisé les données du Programme des données fiscales agricoles afin de déterminer l’incidence par exploitation agricole en pourcentage des coûts d’exploitation totaux. Les estimations variaient entre 210 $ et 819 $ par exploitation agricole et entre 0,05 % et 0,42 % des dépenses d’exploitation totales.

Le sénateur Housakos [ - ]

Madame la ministre, chaque fois que votre gouvernement fait une annonce de financement durant cette pandémie, vous ne nous donnez que peu ou pas de détails. Est-ce, oui ou non, parce qu’il ne s’agit pas d’ententes qui visent à aider les Canadiens, mais plutôt de mesures vous permettant d’améliorer vos relations publiques et d’obtenir plus de votes?

Mme Bibeau [ - ]

Non, monsieur le sénateur, je vous l’assure. Je crois que les producteurs avec lesquels j’ai l’occasion de travailler tous les jours — et ils sont nombreux — pourront témoigner de mon authenticité, de mon honnêteté et de mon intégrité.

Le sénateur Housakos [ - ]

Madame la ministre, jusqu’ici, le gouvernement n’a pas annoncé son intention de déposer un budget dans un proche avenir, ni même de produire une mise à jour financière. Est-ce parce que vous ne voulez pas que les Canadiens connaissent l’ampleur de l’abîme dans lequel vous avez plongé le pays? Ne pensez-vous pas qu’il serait prudent et nécessaire que, à court terme, le gouvernement présente une mise à jour financière au Parlement?

Mme Bibeau [ - ]

Je crois que nous faisons preuve d’une grande ouverture et de transparence au fur et à mesure que nos engagements financiers sont déployés. Nous avons tenu l’équivalent de sept périodes des questions en trois jours, de façon virtuelle et en personne. Je suis tout à fait persuadée que le ministre des Finances et le premier ministre présenteront un budget ou un rapport budgétaire au moment opportun.

Le sénateur Housakos [ - ]

Madame la ministre, en tout respect, le Parlement ne siège pratiquement jamais, et le gouvernement n’a guère fait preuve de transparence. Nous savons qu’il sera très difficile de gérer le gouffre financier causé par la pandémie. Il se peut même que cette tâche soit plus ardue que la lutte contre la pandémie elle-même.

Mon temps de parole est écoulé, madame la ministre. Je vous remercie de vos réponses.

La sénatrice Galvez [ - ]

Ma question provient de la sénatrice Ratna Omidvar. Elle est semblable à la question posée par le sénateur Munson.

J’aimerais que vous me parliez de ce qui s’en vient. Vous avez mentionné que les agriculteurs et les producteurs laitiers n’ont pas recours à certains fonds mis à leur disposition. Après la crise, et une fois les mesures d’aide mises en œuvre, d’autres fonds seront probablement consacrés à la relance.

Pensez-vous qu’il y aurait lieu de réfléchir à des correctifs qui pourraient être apportés au secteur agricole et qui permettraient d’assurer une production agricole et laitière plus efficace et plus durable?

Mme Bibeau [ - ]

Toujours. Nous pouvons toujours faire mieux. Nous nous concentrons actuellement sur des mesures d’urgence pour aider ceux qui en ont le plus besoin. Cependant, nous tournerons rapidement notre attention vers notre vision de l’avenir et de l’avenir du secteur agricole.

Beaucoup de gens se demandent si nous pouvons accroître notre souveraineté alimentaire. Le Canada demeure un pays commerçant très important. Notre industrie alimentaire est fortement intégrée au marché américain. Je pense que certaines régions jouiront d’une plus grande souplesse et que d’autres sont plus liées à l’exportation. Ce sera très intéressant et il s’agit d’un moment palpitant pour réfléchir à l’avenir de chaque industrie et à sa viabilité sur le plan de la souveraineté et de l’environnement.

C’est un exercice que j’ai hâte d’entreprendre et de faire avancer, car nous pensions évidemment déjà à l’avenir. Toujours est-il qu’il changera probablement la vision de l’avenir.

La sénatrice Galvez [ - ]

Merci.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Je vous remercie, ainsi que votre équipe, d’être ici aujourd’hui. Il s’agit d’un projet de loi important que nous avons certainement hâte d’appuyer.

Ma question, que je vais écourter à la lumière des propos de mes collègues, a certains points communs. De toute évidence, le projet de loi dont nous discutons prévoit une mesure nécessaire pour protéger l’industrie laitière.

Le gouvernement a également annoncé 250 millions de dollars pour d’autres programmes d’aide à l’industrie agricole destinés aux secteurs du bœuf et du porc, à des mesures de sécurité, aux transformateurs et à un programme de rachat.

Cependant, nous avons reçu des commentaires d’agriculteurs et de transformateurs dans l’ensemble du secteur agricole qui éprouvent des difficultés et qui ne bénéficient pas de ces mesures. Une aide directe est-elle prévue pour d’autres secteurs? Dans l’affirmative, quand pouvons-nous nous attendre à ce qu’elle arrive; pour quand est-elle prévue? Pouvez-vous nous donner une petite idée et, dans la négative, pourquoi n’y en a-t-il pas?

Mme Bibeau [ - ]

Merci, sénatrice. Oui, nous avons mis en place deux programmes expressément pour les producteurs de porc et de bœuf. L’idée derrière ces programmes est d’aider les producteurs à couvrir les coûts supplémentaires qu’ils doivent assumer à cause des difficultés que connaissent actuellement les usines de transformation, que ce soit à cause d’un manque de main-d’œuvre parce que trop d’employés sont touchés par la COVID-19, ce qui entraîne la fermeture de l’usine pendant quelques jours, voire des semaines, ou parce qu’ils doivent mettre en place des mesures de protection dans les usines et que cela ralentit la production.

Pour ces raisons, les agriculteurs doivent retenir leur bœuf et leur porc, ce qui signifie des coûts supplémentaires pour eux. Pensez-y. Ils doivent nourrir leurs bêtes plus longtemps. De plus, nous voulons faire tout en notre pouvoir pour éviter que les bêtes soient euthanasiées. Ces deux programmes visent à aider les agriculteurs à couvrir ces coûts supplémentaires. Les 77,5 millions de dollars qui restent sont destinés aux transformateurs afin qu’ils fassent des rénovations et mettent en place toutes les mesures possibles, en premier lieu, pour protéger leurs employés, y compris nos inspecteurs, et, en second lieu, pour optimiser leur chaîne de production, leur capacité de production dans ce nouveau contexte.

D’autres mesures d’aide seront-elles proposées? Oui. Lesquelles? Je ne peux pas vous le dire pour l’instant, mais je peux vous dire que nous discutons actuellement avec de nombreuses provinces dans le cadre du programme Agri-relance parce que ce programme a pour but de couvrir les coûts supplémentaires. Voici comment le programme fonctionne normalement : une province dit au gouvernement fédéral qu’elle a analysé un secteur en particulier et qu’elle souhaite lancer une initiative sous Agri-relance. La province contribuera à hauteur de 40 % des coûts, et le gouvernement fédéral, lui, en couvrira 60 %.

La sénatrice M. Deacon [ - ]

Merci.

La sénatrice Moodie [ - ]

Monsieur le sous-ministre Forbes et chers membres de l’équipe, je vous remercie d’être parmi nous. Nous avons beaucoup entendu parler aujourd’hui des conséquences économiques de la COVID-19 sur les collectivités rurales et urbaines ainsi que de ses effets sur la sécurité alimentaire.

Dans un rapport publié plus tôt cette année, PROOF, un groupe de recherche sur l’insécurité alimentaire, indiquait qu’un ménage canadien sur huit, dont plus d’un million d’enfants, souffrait d’insécurité alimentaire. C’était avant les conséquences de cette pandémie sans précédent.

Les banques alimentaires canadiennes sont désormais très sollicitées. Nous le savons. Un centre à Toronto a constaté une hausse de 53 % de la demande depuis le début de la pandémie. Le problème ici, c’est le manque de données. Lors d’une réunion du Comité des affaires sociales du Sénat en début de semaine, des fonctionnaires de Statistique Canada ont indiqué que le ministère avait entrepris une collecte très limitée de données, ou n’avaient même pas commencé à en recueillir, concernant les enfants et les jeunes. Il semble que nous ignorions la situation actuelle des enfants au Canada.

Le gouvernement dispose-t-il de statistiques à jour ou a-t-il un plan pour recueillir des informations et collecter des statistiques afin d’orienter sa politique visant à assurer la sécurité alimentaire des enfants et de leur famille?

Quel est le plan du gouvernement pour mettre en contact les banques alimentaires et d’autres organismes communautaires afin de distribuer les denrées alimentaires excédentaires aux familles qui en ont cruellement besoin aujourd’hui et dans l’avenir? Je vous remercie.

Mme Bibeau [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur. La Prestation canadienne d’urgence de 2 000 $ par mois vise à fournir un soutien rapide aux familles canadiennes qui ont perdu leur gagne-pain. La grande priorité du gouvernement consistait à mettre en place très rapidement ce filet de sécurité. Je pense que cette mesure a donné de bons résultats.

Nous avons également fourni 100 millions de dollars à des réseaux de banques alimentaires d’un bout à l’autre du pays. Nous avons principalement collaboré avec cinq grands réseaux, notamment Banques alimentaires Canada, l’Armée du Salut, Second Harvest, le Club des petits déjeuners, qui vise précisément les enfants, et la Fédération des organismes communautaires. C’est une mesure importante que nous avons prise. Par ailleurs, nous avons également investi 50 millions de dollars pour l’achat de surplus dont nous veillons à la livraison aux banques alimentaires et aux communautés du Nord. Voilà un autre engagement et une autre mesure importante que nous avons pris.

Je pourrais peut-être également parler de la Politique alimentaire pour le Canada, que nous avons lancée il y a presque un an. Cette initiative comprend un programme alimentaire scolaire dont la mise en place repose sur la collaboration avec les provinces, parce que l’école est le meilleur moyen d’atteindre les enfants et que l’éducation est une responsabilité de compétence provinciale. Nous devons donc aborder la question avec les provinces et collaborer avec elles dans ce dossier.

Le sénateur Campbell [ - ]

Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui madame la ministre et monsieur le sous-ministre.

La question suivante avait à l’origine été posée par le sénateur Black de l’Alberta mais je vous la pose aujourd’hui à titre personnel. Une raison en particulier explique la très faible participation des producteurs de bœuf au programme Agri-stabilité. Ils ne participent pas à ce programme parce qu’il n’est pas équitable pour eux.

L’industrie a recommandé qu’on modifie le programme, notamment en éliminant le plafond de paiement de 3 millions de dollars, en supprimant la limite de marge de référence et en portant le seuil à 85 % pour l’exercice 2019-2020. Comme nous avons entendu que le gouvernement tient à ce que les producteurs se tournent vers les programmes existants de gestion des risques de l’entreprise, est-ce que la ministre compte apporter ces modifications afin que les producteurs puissent avoir accès à l’aide nécessaire?

Mme Bibeau [ - ]

Le programme fonctionne. Il n’est simplement pas aussi généreux qu’ils le souhaiteraient.

Vous vous souviendrez peut-être que le programme a été amputé d’environ 400 millions de dollars en 2013 pour une année normale. Si ces règles étaient toujours en vigueur et que le gouvernement précédent n’avait pas fait de compressions, tout le monde serait heureux. Toutefois, comme le programme a été amputé et modifié, il nous faut l’assentiment de toutes les provinces. Le gouvernement fédéral doit s’entendre avec chacune des provinces avant de rétablir le financement de ces programmes. Manifestement, une crise n’est pas le moment idéal pour établir des programmes d’assurance. C’est pourquoi nous avons essayé de rendre ce programme plus facile à comprendre. Nous avons repoussé la date limite de présentation d’une demande au 3 juillet. Nous avons augmenté le montant des paiements anticipés qu’il est possible d’obtenir. Nous avons mis un estimateur en ligne afin qu’ils puissent établir des scénarios et voir combien ils pourraient recevoir s’ils présentent une demande et obtiennent très rapidement une avance pouvant atteindre 75 %. Selon la province, ce pourrait être 50 % ou 70 %.

Nous faisons vraiment de notre mieux pour rendre le programme plus accessible. Nous tenons des discussions hebdomadaires, et nos représentants ont des discussions approfondies avec mes homologues provinciaux afin de déterminer comment nous pouvons nous entendre sur la façon d’améliorer ce programme.

Le sénateur Campbell [ - ]

Le Programme d’assurance des prix du bétail dans l’Ouest a connu un grand succès, surtout pour les jeunes producteurs de viande bovine des provinces de l’Ouest. Il est évident que la région de l’Atlantique n’a pas de programme de ce type et en réclame un. En collaboration avec l’industrie, la ministre va-t-elle tirer les leçons de l’expérience et mettre en œuvre ce programme afin de favoriser l’équité et la croissance du secteur canadien du bœuf, en particulier pour les jeunes producteurs qui se lancent en agriculture?

Mme Bibeau [ - ]

Oui, nous avons des discussions dans le cadre de ce programme. Il n’est pas facile à mettre en œuvre au niveau national, car il privilégie l’approche régionale. Les ministres des provinces des Prairies m’en ont parlé et nous examinons différentes façons d’atteindre l’objectif souhaité, qui est principalement de soutenir les producteurs de viande bovine. Je suis ouverte à toutes les options. Je ne peux pas être beaucoup plus précise. Si vous voulez en savoir plus sur ce programme, veuillez vous adresser à mon sous-ministre.

Le sénateur Campbell [ - ]

Je sais qu’il s’agit d’un programme régional, mais je voulais, en posant la question, trouver un moyen de permettre à toutes les régions de participer à un programme performant. Je crois savoir que vous y travaillez, même si le fait que l’approche régionale pose problème. Voilà où je voulais en venir. Si le programme fonctionne dans l’Ouest, il serait bon de l’importer pour aider les agriculteurs de l’Est. Je vous remercie de votre réponse.

La sénatrice Verner [ - ]

Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, de votre présence parmi nous aujourd’hui.

Madame la ministre, la majorité des fermes laitières canadiennes sont situées au Québec et en Ontario. Pourtant, la production laitière est cruciale pour la sécurité agroalimentaire et constitue un levier économique important dans toutes les régions du pays. Comment les avantages découlant de l’augmentation de la capacité d’emprunt de 200 millions de dollars prévue par le projet de loi seront-ils répartis au Canada? Avez-vous examiné la façon dont cette somme sera distribuée par région et, si oui, en fonction de quels critères?

Mme Bibeau [ - ]

Merci de votre question. Le secteur laitier bénéficie d’une organisation expérimentée, compétente et bien outillée grâce à la Commission canadienne du lait. Le système de la gestion de l’offre ne fait pas de distinction entre les régions. Par exemple, un producteur laitier qui est à Terre-Neuve et un producteur laitier situé à La Prairie paieront les mêmes coûts de transport. C’est partagé de façon équitable parmi les différentes provinces, et cette équité est un des points forts du système de gestion de l’offre. Elle permet de favoriser la vitalité de nos régions, car les exploitations laitières, de volaille et d’œufs sont plus stables grâce à ce système, et cela fait vivre nos régions. Je suis persuadée que la méthode selon laquelle la Commission canadienne du lait met en place l’achat de produits sera absolument équitable à travers toutes les régions du pays.

La sénatrice Verner [ - ]

Je vous remercie. Ma prochaine question est la suivante : le 17 avril 2020, le gouvernement américain a annoncé une aide financière de 19 milliards de dollars par l’entremise de son initiative intitulée Coronavirus Food Assistance Program. Cela représente 16 milliards de dollars d’aide financière directe pour les producteurs agricoles et 3 milliards de dollars pour le rachat de produits laitiers et de viande, comme vous le savez. En comparaison, bien que le gouvernement du Canada ait augmenté la capacité d’emprunt des producteurs agricoles de 5 milliards de dollars le 23 mars dernier, il n’a accordé que 252 millions de dollars en aide directe. De plus, ces mesures ont été annoncées plus de deux semaines après celles du gouvernement américain, qui sont beaucoup plus généreuses pour les producteurs situés au sud de la frontière. Compte tenu des pressions importantes sur le marché agroalimentaire nord-américain et de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, pourquoi y a-t-il eu un délai entre l’annonce des États-Unis et le moment où l’aide financière directe aux producteurs canadiens a été annoncée?

Mme Bibeau [ - ]

Merci de votre question. Il est difficile de se comparer aux États-Unis parce qu’on fonctionne de manière totalement différente. Ici, au Canada, on a fait le choix depuis plusieurs années de mettre en place un système de gestion des risques, et ces programmes font en sorte de nous donner une avance sur les Américains, parce que nos producteurs connaissaient déjà les programmes mis à leur disposition. Il y a quatre programmes principaux qui les aideront en cas de pertes de revenus, de catastrophes naturelles ou de coûts additionnels, ou qui leur permettront d’épargner pour faire face aux périodes de vaches maigres.

Ces programmes existent déjà, mais nous allons les bonifier. Nous cherchons à cerner les secteurs qui ont les plus grands besoins et auxquels les programmes actuels ne suffiraient pas. C’est ainsi que nous pourrons cibler les secteurs qui auront besoin d’une aide ponctuelle d’urgence.

Au cours d’une année normale, il s’agit de 1,6 milliard de dollars, mais les programmes de gestion de risques répondent à la demande. S’il faut en prévoir davantage, nous le ferons, et nous nous attendons à ce que la demande soit beaucoup plus importante cette année. Par exemple, le programme Agri-relance, durant une année normale, représente une aide de 15 millions de dollars, mais, cette année, elle se monte à 125 millions de dollars. Il y a des programmes que nous élaborons en ce moment avec les provinces grâce à ce même canal pour aider les secteurs où les besoins sont les plus grands.

La sénatrice Verner [ - ]

D’accord, je vous remercie.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci, madame la ministre, d’être au Sénat aujourd’hui. Je dois dire que j’endosse pleinement la proposition qui nous est présentée aujourd’hui d’augmenter la capacité d’emprunter de la Commission canadienne du lait pour mieux gérer une fluctuation anormale du marché. Je comprends que la production est planifiée annuellement selon les besoins anticipés. Cette année, la pandémie provoque une distorsion du système. Je comprends que nous achèterons plus de produits que nous n’en aurons besoin temporairement pour les mettre sur le marché plus tard, ce qui permettra au marché de continuer à fonctionner normalement.

Donc, je n’ai pas vraiment de question à vous poser sur le projet de loi; je le comprends bien et vos explications sont très claires. Cependant, je profite de votre présence pour vous poser deux questions à titre de sénateur québécois.

La première porte sur le manque de travailleurs temporaires dans les exploitations agricoles du Québec. Une bonne part de cette main-d’œuvre provient de l’étranger, mais la main-d’œuvre étrangère sera réduite cette année. Le gouvernement du Québec a mis en place un programme qui vise à inciter les étudiants à remplacer ces travailleurs étrangers qui ne seront pas là. Depuis, le gouvernement fédéral a annoncé un programme pour venir en aide aux étudiants qui ne pourraient pas se trouver d’emploi. On constate certains effets pervers de la mesure et certaines mesures qui n’incitent pas les étudiants à travailler dans les fermes. Lorsque la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées s’est présentée au Sénat, je lui ai demandé s’il était possible que les 100 $ par semaine offerts par le gouvernement du Québec ne soient pas considérés comme un revenu aux fins du seuil de 1 000 $, car cela mènerait à la perte de l’octroi. Est-ce qu’il y a du nouveau à ce chapitre?

Mme Bibeau [ - ]

Les travailleurs temporaires étrangers sont des travailleurs essentiels dans le secteur de l’alimentation. Pour faciliter leur embauche malgré la COVID-19, nous leur permettons d’entrer au pays et nous avons mis en place des mesures exceptionnelles pour accélérer le traitement de leur documentation. Il y avait des défis dans le pays d’origine de certains travailleurs, ne serait-ce qu’en matière de transport local pour obtenir un visa et des documents. Nous travaillons le plus efficacement possible en ce moment. Au mois d’avril, nous avons accueilli 11 200 travailleurs, alors que l’année passée, nous en avons accueilli 13 000. Nous croyons tout de même pouvoir en accueillir beaucoup plus que ce qui était prévu dans les scénarios inquiétants du début de la crise.

Nous essayons aussi de mettre en place des mesures qui encourageront les Canadiens à travailler dans le secteur alimentaire et dans les fermes cette année. Nous avons mis en œuvre la plateforme Mettez la main à la pâte pour rassembler sur un même portail toutes les offres d’emploi du secteur agricole afin de faciliter la vie aux gens. Vous remarquerez, en ce qui concerne les différentes mesures mises en place, que nous tentons de les adapter en fonction de la réalité. Nous construisons l’avion en plein vol. C’est notre réalité en ce moment.

Je prends l’exemple de la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, que vous avez mentionnée. Nous avons précisé que les étudiants doivent avoir fait l’effort de chercher un emploi et être en mesure de le prouver si nous le leur demandons. Des suivis seront faits dans les prochains mois. C’est une précision importante.

Nous avons transféré 3 milliards de dollars aux provinces pour qu’elles puissent bonifier les salaires des travailleurs essentiels du secteur de la santé, bien sûr, ainsi que ceux du secteur alimentaire. Le Québec a été parmi les premiers à mettre en place des mesures comme la prestation de 100 $. Il est difficile en ce moment d’apporter de petites modifications. Quand nous le faisons, nous tentons de nous assurer qu’elles s’adressent à tout le monde. Dans la situation actuelle où nous voulons mettre en place des programmes qui s’adresseront au plus grand nombre de personnes, nous savons que ces programmes sont imparfaits. Nous avons privilégié la rapidité pour être sûrs de créer un filet social de la meilleure façon possible dans les circonstances. Pour la demande très spécifique que vous faites, je n’ai pas de suivi particulier à vous donner encore. Merci.

Le sénateur Dalphond [ - ]

J’ai une deuxième question. Les étudiants qui feront partie de la main-d’œuvre temporaire cet été retourneront aux études à la fin août ou en septembre, on l’espère, mais les récoltes ne seront pas finies. Il y aura encore des besoins — au Québec, en particulier — en septembre et même au début d’octobre. Le ministère a-t-il songé à établir un programme qui encouragerait les gens impliqués dans la restauration, qui, apparemment, ne reprendra pas bientôt, à travailler dans les exploitations agricoles et à se familiariser ainsi avec ce qui se passe en amont, avant que les plats soient servis sur les tables? Plusieurs jeunes travaillent dans la restauration, soit dans les cuisines ou en faisant le service. Cette main-d’œuvre n’est pas utilisée à l’heure actuelle puisque les restaurants sont fermés ou fonctionnent à capacité minimale. N’y a-t-il pas lieu de mettre en place un programme qui pourrait inciter ces gens à remplacer temporairement les étudiants ou à se joindre à eux cet été? Ils pourraient se familiariser avec la chaîne alimentaire.

Mme Bibeau [ - ]

C’est une belle idée. Quant au transfert de 3 milliards de dollars aux provinces, on leur laisse la liberté et la flexibilité de créer, avec cet argent, les programmes qu’elles jugeront les plus appropriés dans leur contexte.

Pour ce qui est des travailleurs étrangers temporaires, j’espère que même si certains d’entre eux arrivent avec un peu de retard, nous aurons le nombre de travailleurs nécessaires dans nos champs d’ici l’automne.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Merci, madame la ministre.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Madame la ministre, bienvenue à vous et à vos collaborateurs. Dans mon ancienne vie, lorsque j’étais au gouvernement du Québec, j’ai travaillé très étroitement avec plusieurs fermes québécoises et avec leur fédération. L’agriculture, contrairement à d’autres types d’industries, est plus qu’une production végétale et animale. C’est l’occupation du territoire, c’est le gagne-pain de milliers de familles, mais c’est surtout la base de l’économie rurale dans plusieurs régions du Québec et du Canada.

Avec la crise que nous vivons à l’heure actuelle, si l’aide financière apportée par votre gouvernement n’est pas suffisante, plusieurs de ces entreprises verront la fin de leur production et nous risquons de revivre ce que nous avons vécu avec le BAEQ — pour les gens de mon âge —, où l’on a fermé des dizaines de fermes dans l’Est du Québec. Des paroisses entières ont fermé. Donc, l’aide du gouvernement est très importante dans le cas de cette industrie qui ne peut se déplacer, car ces travailleurs occupent le territoire, contrairement à des industries qui peuvent être déplacées et relocalisées.

Je vais poursuivre mes questions dans le sens de celles de mes collègues. Vous avez mis plusieurs mesures en place depuis quelques mois. Certaines sont très généreuses, comme la PCUE, qui est très critiquée par plusieurs industries, surtout celle de la restauration, où l’on voit arriver le déconfinement, mais où il sera difficile de ramener le personnel au restaurant. Il est souvent plus avantageux d’obtenir la prestation que d’aller travailler dans ces conditions. De plus, vous avez investi presque 7 milliards de dollars dans ce programme. Cela correspond à 12 fois plus que ce que vous avez investi ou allez investir pour soutenir l’industrie agricole.

Cette semaine, je lisais dans un journal de mon coin, à La Prairie, que votre ancien secrétaire parlementaire, Jean-Claude Poissant, jette quotidiennement entre 700 et 800 litres de lait. C’est énorme. M. Poissant affirme que le transfert de la production laitière — puisque le lait est un produit périssable à court terme — vers d’autres types de production, comme le fromage, ne se fera pas à court terme. Cela demande des investissements majeurs, de la formation et de l’équipement. C’est presque rêver en couleur que de dire qu’on va transformer les producteurs laitiers actuels en producteurs d’autres produits moins périssables.

J’essaie de comprendre la philosophie de votre gouvernement. D’un côté, vous avez investi 258 millions de dollars dans une industrie qui revêt une grande importance pour le tissu régional, alors que cette industrie vous demandait presque 2 milliards de dollars; d’autre part, peu de gens vous demandaient de venir au secours des étudiants de façon urgente. On aurait pu attendre en septembre pour bonifier les programmes de prêts et bourses pour les étudiants qui n’auraient pas travaillé. Quelle est l’idée d’appuyer les étudiants de façon aussi majestueuse et de ne répondre que partiellement aux besoins des producteurs agricoles? M. Poissant m’a dit qu’il a perdu 10 000 $ à lui seul dans son exploitation agricole. Si l’on calcule les pertes des fermes au Canada, le besoin ne se chiffre pas à 258 millions de dollars, mais plutôt à 2 milliards.

Mme Bibeau [ - ]

Merci, sénateur Boisvenu. Il y a des milliards de dollars qui sont offerts grâce aux programmes de gestion de risques. Comme je vous le disais, une année normale correspond à 1,6 milliard de dollars. Il est clair que, cette année, ce chiffre sera beaucoup plus élevé. C’est évident. C’est pour cela qu’on le rappelle. Ces programmes sont mis en place d’année en année pour que les producteurs sachent à quoi s’attendre et de quelle façon ils peuvent anticiper les mauvais coups.

Dans le programme Agri-investissement, il y a 2,3 milliards de dollars qui sont en attente. La philosophie derrière la mise en œuvre de nos programmes est d’aider les personnes qui en ont le plus besoin. Je mets l’accent sur le mot « personnes », sur les travailleurs et sur les individus. En offrant la Prestation canadienne d’urgence, on visait les gens qui avaient perdu leur revenu et on voulait être sûr d’atteindre le plus grand nombre possible de personnes. Les étudiants ont aussi besoin d’aide.

Il est plus difficile en ce moment que pendant une année normale de se trouver un emploi quand on est jeune, et tous n’ont pas la chance de se tourner vers leurs parents pour subvenir à leurs besoins et à leurs études. Il est donc important de leur donner tout de même accès à une prestation. Ce n’est pas un choix qu’ils font en se demandant s’ils vont travailler ou toucher la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants. Ce n’est pas un choix, c’est une alternative qui leur est offerte s’ils n’ont pas trouvé d’emploi. Ils ont le devoir de faire l’effort de chercher un emploi. En même temps, on ne peut pas les laisser tomber sans rien leur offrir durant l’été, sans qu’ils puissent accumuler l’argent nécessaire pour poursuivre leurs études.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Je comprends très bien, mais pourquoi ne pas avoir répondu aux demandes de la Fédération canadienne de l’agriculture, qui s’élevait à 2,6 milliards de dollars?

Mme Bibeau [ - ]

Je reviens à ces programmes qui existent et qui sont offerts. Les producteurs peuvent demander cet argent. L’enveloppe de 1,6 milliard qui est prévue pour les producteurs au cours d’une année typique est beaucoup plus importante en ce moment. Mon message est d’aller chercher cet argent. Nous mettrons en place d’autres programmes pour combler les lacunes et pour secourir les secteurs ou les régions où les besoins se feront ressentir le plus. Nous tentons de favoriser l’accès à ce programme, et je sais que les gens souhaiteraient qu’il soit plus généreux et plus simple. Ainsi, pour le rendre plus accessible, nous avons reporté la date d’adhésion, nous avons augmenté le montant des avances que les producteurs peuvent recevoir et nous avons mis une calculatrice en ligne pour qu’ils puissent évaluer le montant auquel ils ont droit.

Il y a 2,3 milliards de dollars qui dorment dans les comptes d’Agri-investissement. Les producteurs ne retirent pas cet argent. Pourtant, il est là, et il leur appartient à tous, non pas dans des comptes particuliers, parce que chacun le gère à sa façon, mais il y a toujours 2,3 milliards de dollars dans les comptes d’Agri-investissement qui sont à la portée d’un très grand nombre de producteurs en ce moment.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Allez-vous adopter la même philosophie pour les industries que vous allez aider en leur demandant de sortir l’argent qu’ils ont dans leur bas de laine avant de les appuyer?

Mme Bibeau [ - ]

Absolument.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Vous allez avoir la même approche.

Mme Bibeau [ - ]

Oui.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Comment allez-vous faire pour contrôler cela, alors qu’on sait qu’à l’heure actuelle, en ce qui a trait aux demandes de la PCU, il y a des dizaines de milliers de personnes qui l’ont demandée sans raison et qu’il semble y avoir une directive selon laquelle on ne refuse rien, car on donne de l’aide?

J’ai posé la question à la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées ainsi qu’à son haut fonctionnaire lorsqu’ils sont venus nous rencontrer il y a deux semaines. Je leur ai demandé ceci : comment allez-vous faire pour exercer un contrôle? Ils ont répondu qu’ils n’avaient pas le temps de le faire. Leur priorité en ce moment, c’est d’émettre des chèques, et le contrôle se fera dans un ou deux ans. Comment allez-vous contrôler les industries que vous allez aider, alors que vous dites aux producteurs agricoles de retirer de l’argent et que vous les aiderez plus tard?

Mme Bibeau [ - ]

Je vous invite à consulter les différents programmes d’aide mis en place en ce moment pour les différents types d’industries. Nous cherchons à sauver les entreprises qui seraient viables en temps normal. Nous tentons de leur donner les moyens de faire le pont avec des prêts, des reports de paiement et des subventions salariales. Encore une fois, nous nous concentrons beaucoup sur l’aide aux travailleurs, c’est notre priorité.

Nous préférons en donner un peu plus en ce moment, quitte à recouvrer cet argent dans quelques mois, au lieu de laisser des gens dans le besoin qui n’auront rien à manger à la fin du mois et qui devront s’adresser à la banque alimentaire. Nous serons en mesure de repérer ceux qui auront abusé du système un peu plus tard. En ce moment, on ne veut pas que les gens crèvent de faim.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Le 23 mars, vous avez annoncé aux transformateurs et aux producteurs alimentaires une aide de 5 milliards de dollars sous forme de prêts qui seraient gérés par Financement agricole Canada. Ces 5 milliards faisaient partie de vos promesses électorales, ce n’est pas de l’argent frais. C’est de l’argent que vous aviez déjà, car vous l’aviez annoncé pendant la campagne électorale.

Mme Bibeau [ - ]

Nous avions effectivement prévu d’augmenter la capacité de Financement agricole Canada. Nous l’avons fait beaucoup plus rapidement que prévu. Nous avions quelques années pour le faire. Il est vrai que ce n’est pas de l’argent frais, mais c’est tout de même de l’argent.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

On ne peut pas traiter cette enveloppe comme une mesure spécifique visant à faire face à la pandémie, car c’est quelque chose que vous aviez planifié avant son apparition. C’est une promesse électorale que vous avez mise en place.

La présidente [ - ]

Sénateur Boisvenu, je regrette, mais les 10 minutes qui vous sont accordées sont écoulées.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Déjà?

La présidente [ - ]

Déjà. Le temps passe vite quand on s’amuse.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Cela fait deux fois que ça m’arrive, et j’ai l’impression qu’on n’a pas le même chronomètre.

La sénatrice Coyle [ - ]

Quel plaisir de vous avoir parmi nous encore une fois, madame la ministre. Au nom de tous les Canadiens, je tiens à vous dire merci pour tout le travail que vous et vos collègues faites pendant cette période très difficile pour le pays et le monde entier.

Nous sommes heureux de voir que le gouvernement a accédé à la demande de l’industrie laitière, qui souhaitait voir augmenter le pouvoir d’emprunt de la Commission canadienne du lait. Cette mesure sera utile et j’espère que nous pourrons adopter le projet de loi C-16 aujourd’hui. On permettra ainsi à la Commission canadienne du lait d’augmenter sa capacité d’acheter et de stocker de plus grandes quantités de fromage et de beurre ce qui atténuera les blocages dans la chaîne d’approvisionnement de l’industrie et empêchera d’autres gaspillages alimentaires, chose que nous voulons absolument éviter.

On dit que l’ensemble de mesures de soutien annoncé jusqu’ici pour le secteur agricole est un début et vous-même avez dit aujourd’hui qu’il y en aura d’autres. Vous n’avez pas donné de détails à ce sujet, mais cela ne pose pas de problème.

Sur une autre question connexe, pourriez-vous nous dire si votre ministère a collaboré avec d’autres ministères pour analyser l’utilisation que le secteur agroalimentaire canadien en général, y compris l’industrie laitière, pourrait faire ou a fait des diverses autres mesures de soutien d’urgence liées à la pandémie mises en place par le gouvernement à l’intention des entreprises canadiennes en général, indépendamment de leur secteur d’activité?

Mme Bibeau [ - ]

Je vais laisser au sous-ministre le soin de répondre à cette question.

Chris Forbes, sous-ministre, Agriculture et Agroalimentaire Canada [ - ]

Je vous remercie de votre question. C’est certainement quelque chose que nous sommes en train d’examiner. La ministre a mentionné un certain nombre d’initiatives plus vastes. Il est probablement trop tôt pour obtenir des données, mais nous souhaitons suivre la situation. Le secteur nous fait part de ses commentaires sur l’utilité des mesures, et nous souhaitons déterminer leur efficacité. C’est donc quelque chose que nous examinons de près avec nos collègues.

La sénatrice Coyle [ - ]

Merci beaucoup. J’aimerais en savoir plus à ce sujet, car c’est une grande industrie. J’imagine que certains de ces programmes sont très populaires.

J’aimerais céder le reste de mon temps de parole à la ministre pour qu’elle puisse répondre à la question que lui a posée la sénatrice Pate au sujet du soutien direct du revenu.

Mme Bibeau [ - ]

Pourriez-vous me rafraîchir la mémoire? Je suis désolée.

Merci beaucoup, sénatrice Coyle. Quelles mesures le gouvernement prend-il, ou prendra-t-il, pour maintenir et bonifier le soutien direct du revenu des particuliers, comme la Prestation canadienne d’urgence ou toute autre version de ce plan de soutien du revenu, au cours de la période cruciale de reprise économique?

Mme Bibeau [ - ]

Merci. Évidemment, nous suivons la situation. Il y a quelques jours, nous avons annoncé que la subvention salariale se poursuivra après le mois de juin. Je pense qu’on devait en préciser les détails aujourd’hui.

Pour ce qui est de la Prestation canadienne d’urgence, nous examinons très certainement la situation à l’heure actuelle, mais il est trop tôt pour faire une annonce. Merci.

La présidente [ - ]

Il nous reste trois minutes. Le sénateur White a demandé la permission de poser des questions. Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Le sénateur White [ - ]

Je vous remercie d’être ici, madame la ministre. Je veux revenir sur des commentaires précédents concernant la transformation du fromage et du beurre. Depuis que la Commission canadienne du lait a approuvé le programme, il n’inclut pas les fromages en stock chez les fromagers. Je veux maintenant savoir si ces fromagers pourront vendre leur fromage dans le cadre du programme d’achat des aliments excédentaires de 50 millions de dollars.

Mme Bibeau [ - ]

Ils sont admissibles. Il s’agit d’une discussion que nous menons actuellement avec les différents secteurs de l’industrie agricole pour cerner les types de produits disponibles, leur format et les régions où ils se trouvent afin de déterminer dans quelle mesure cela répond aux besoins des banques alimentaires et des collectivités du Nord et s’il existe des problèmes logistiques sur le plan du transport et de l’emballage.

Le sénateur White [ - ]

Merci. J’ai également cru comprendre que vous avez discuté des 1,75 milliard de dollars relativement à l’AECG et au PTPGP. Ce montant inclut-il les indemnités pour l’Accord Canada—États-Unis—Mexique ou s’agit-il d’une somme distincte qui s’y ajoute?

Mme Bibeau [ - ]

C’est une somme distincte. Les 1,75 milliard de dollars visent seulement à indemniser les agriculteurs pour l’AECG et le PTPGP.

Le sénateur White [ - ]

Quel est le montant des indemnités pour l’Accord Canada—États-Unis—Mexique?

Mme Bibeau [ - ]

Il n’a pas encore été annoncé.

Le sénateur White [ - ]

Quand pouvons-nous nous attendre à cette annonce?

Mme Bibeau [ - ]

Nous attendions que l’accord soit ratifié. Nous nous concentrons actuellement sur l’urgence, mais l’annonce viendra peu après la ratification.

Le sénateur White [ - ]

Merci.

La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 125 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier les fonctionnaires qui vous ont accompagnée.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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