Aller au contenu

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources--Suite du débat

3 décembre 2020


Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer la motion no 17 de la sénatrice McCallum, qui demande au Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles d’examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et leurs effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales.

Sénatrice McCallum, je vous remercie de donner au Sénat l’occasion de dénoncer, de manière proactive, le racisme systémique, le sexisme, la discrimination fondée sur la capacité physique, la marginalisation économique et d’autres inégalités qui, trop souvent, empêchent les personnes touchées par l’extraction et le développement des ressources de se faire entendre au Sénat ou à l’autre endroit.

L’examen proposé est particulièrement pertinent dans le contexte actuel, alors que le Canada donne suite à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et que la pandémie de COVID-19 se poursuit. Cet examen sera l’occasion cruciale de veiller à ce que les mesures de relance économique soient ancrées dans les droits de la personne et dans des considérations environnementales conformes à l’engagement du Canada à l’égard des objectifs de développement durable de l’ONU, sans oublier l’élaboration d’un plan d’action en vue de régler les nombreux problèmes soulevés au sujet des femmes et des filles autochtones disparues, assassinées, itinérantes ou emprisonnées.

L’examen proposé favoriserait une prise en compte globale des effets de l’extraction et du développement des ressources, surtout sur les personnes les plus marginalisées et sur les secteurs où ces activités s’ajoutent à des inégalités systémiques et les intensifient.

Chaque journée de pandémie nous rappelle brutalement les liens inexorables qui existent entre la santé de l’environnement, la vigueur de l’économie et le bien-être de la société, des liens que les objectifs de développement durable de l’ONU mettent en relief. Pour que l’économie puisse fonctionner, et même prospérer, nous devons faire en sorte que les gens, les communautés et l’environnement soient en santé et en sécurité.

On nous demande peut-être ces temps-ci d’unir nos efforts pour vaincre la COVID-19, mais nous ne devons pas oublier pour autant la tâche qui nous attendra par la suite, c’est-à-dire mettre un frein aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement et en renverser le plus possible les effets. Or, pour ce faire, nous devrons nécessairement modifier les lois et les politiques afin qu’elles tiennent adéquatement compte des répercussions de l’extraction et de l’exploitation des ressources naturelles.

L’objectif de développement durable no 10 porte sur la réduction des inégalités. La sénatrice McCallum a parlé du fait que divers problèmes de santé, comme certains cancers rares, touchent de manière disproportionnée les Autochtones vivant près des sables bitumineux, des mines d’uranium et des usines de pâte à papier. La sénatrice Galvez, elle, a attiré notre attention sur le racisme environnemental et sur les politiques économiques aux termes desquelles les industries produisant des émanations et des déchets toxiques et dangereux s’installent presque systématiquement près des zones habitées par des personnes pauvres ou racialisées.

La dégradation de l’environnement causée par l’extraction des ressources naturelles empêche les Autochtones de se rendre jusqu’aux sites sacrés menacés de destruction, nuit aux activités traditionnelles comme la chasse, la pêche et la cueillette, et constitue un danger pour la faune, pour la diversité de la flore et pour la qualité de l’eau et de la nourriture, en plus de compromettre la santé et le bien-être des personnes et des groupes qui vivent à proximité.

Le fait que le Canada n’ait pas réussi à contrôler les émissions de gaz carbonique et autres associées au secteur extractif a eu un effet disproportionné sur les personnes pauvres et racialisées. Plus une personne est marginalisée économiquement, plus elle est désavantagée par le prix des aliments et plus elle risque de souffrir d’insécurité alimentaire, sans parler du fait qu’elle n’a généralement pas les moyens de se protéger contre les catastrophes climatiques occasionnées par les changements climatiques, qu’il s’agisse d’inondations, de feux de forêt ou de tornades, de s’y préparer ou, si la situation l’exige, de fuir sans mettre sa vie en danger.

Mme Pamela Palmater a souligné que, dans trop de communautés autochtones :

[l]e génocide et l’écocide vont de pair. L’extraction et le développement détruisent les terres et les eaux dont [nous dépendons] et contribuent directement à la violence et au génocide commis contre les femmes et les filles autochtones.

L’objectif de développement durable no 5 porte sur l’égalité entre les sexes. Comme nous l’ont rappelé les sénatrices McCallum et Galvez, ainsi que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le secteur de l’extraction des ressources naturelles est associé à un taux plus élevé de violence contre les femmes, et en particulier contre les femmes autochtones. La traite et l’exploitation sexuelle des femmes ont trop souvent été rattachées à des campements d’extraction des ressources naturelles.

En outre, les femmes vivant dans des régions éloignées se heurtent à des obstacles économiques les empêchant de quitter des partenaires qui abusent d’elles si elles dépendent d’eux pour leur subsistance ou si elles ne peuvent aller nulle part pour se réfugier.

Les emplois bien rémunérés dans le secteur de l’extraction et de l’exploitation des ressources sont encore occupés en très grande majorité par des hommes, ce qui aggrave les inégalités fondées sur le sexe dans les collectivités dont l’économie repose sur ces industries et dont les autres emplois sont souvent des emplois mal rémunérés dans le secteur des services.

La déclaration de Pictou, produite en 2004 par des groupes communautaires et des groupes nationaux de femmes, met en lumière le lien entre l’égalité des femmes et l’égalité des revenus en réclamant la mise en place, au niveau national, d’un revenu de subsistance garanti dans le but d’assurer la sécurité et l’autonomie de toutes les femmes.

La déclaration de Pictou fait aussi valoir que la mise en place d’un revenu minimum garanti pourrait permettre à des collectivités de résister et de concevoir des solutions de rechange aux économies qui font fi du bien-être de la population et de la planète et qui nient la valeur du travail des femmes.

L’objectif de développement durable no 1 consiste à mettre fin à la pauvreté, et l’objectif de développement durable no 8, à promouvoir le travail décent et la croissance économique.

Honorables sénateurs, en étudiant les effets des activités d’extraction et d’exploitation des ressources, on peut envisager la mise en place d’un revenu minimum garanti, qui peut offrir d’autres possibilités que celle de devoir faire un choix difficile entre le moyen de subsistance des membres de la collectivité et les droits de la personne liés à l’environnement. Les collectivités choisissent souvent de vivre avec les risques associés à l’extraction et à l’exploitation des ressources parce que le fait de militer pour des protections ou de s’opposer à la croissance de l’industrie est perçu comme une menace pour les emplois, voire pour toute une économie locale.

La mise en place d’un revenu minimum garanti pourrait donner la possibilité de créer des économies plus durables, mais aussi plus justes et équitables, qui aideraient la collectivité à prendre les décisions à long terme les plus prometteuses pour le bien-être des tous les membres de la collectivité.

Dans un contexte d’abandon progressif des industries des combustibles fossiles, la mise en place d’un revenu minimum garanti ne pourrait probablement pas égaler les salaires des employés du secteur de l’extraction et de l’exploitation des ressources, mais cela pourrait offrir un filet de sécurité aux gens qui perdent leur emploi ou qui connaissent des difficultés financières, et cette mesure pourrait aussi garantir une source de revenu stable à ceux qui veulent se recycler ou trouver de nouvelles possibilités.

L’objectif de développement durable no 14 porte sur la vie aquatique, et l’objectif de développement durable no 15, sur la vie terrestre.

Les collectivités autochtones ont subi de façon disproportionnée les répercussions négatives de l’extraction et du développement des ressources. En même temps, on a trop souvent laissé aux peuples autochtones le soin de prendre l’initiative de protéger la terre et l’eau d’une manière qui profite à tout le monde.

Selon le Forum économique mondial, les peuples autochtones représentent moins de 5 % de la population mondiale, mais ils sont responsables de la protection de 80 % de la biodiversité de la planète. Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, les terres gérées par les peuples autochtones sont caractérisées par de plus faibles niveaux de déforestation et des niveaux plus élevés de stockage du carbone.

La reconnaissance du droit autochtone ainsi que des droits inhérents, des territoires et de la gouvernance des peuples autochtones pourrait être un élément essentiel pour limiter les effets négatifs de la dégradation de l’environnement associée à l’extraction et au développement des ressources.

L’objectif de développement durable no 16 est un appel à la paix, à la justice et aux institutions efficaces, y compris à l’accès égal à la justice. Trop souvent, les systèmes juridiques canadiens ne sont pas parvenus à reconnaître, et encore moins à faire respecter, les droits conférés par les ordonnances juridiques autochtones et internationales. Pire encore, les Autochtones qui prennent des mesures pour faire valoir leurs droits afin de se protéger, ou pour protéger leur famille ou l’environnement, y compris en s’opposant à l’extraction et au développement des ressources sur leurs terres, se font reprocher d’avoir causé des inconvénients, et on les dépeint comme des contrevenants à la primauté du droit. Trop souvent, on les judiciarise et on va jusqu’à les emprisonner. On n’a qu’à penser au traitement que l’État a réservé aux matriarches wet’suwet’en en Colombie-Britannique ou aux protecteurs de l’eau mi’kmaqs et innus en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Un nombre croissant de recherches montre que la dégradation de l’environnement causée par les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution de l’air a accru le risque de nouvelles maladies infectieuses et de pandémies mondiales comme la COVID-19.

Alors que l’économie reprend, le Canada a l’occasion de donner la priorité aux politiques et aux investissements qui favorisent la santé et la résilience des personnes, des communautés et des économies.

L’étude proposée par la motion no 17 offre une occasion nécessaire et urgente de rendre des comptes sur les conséquences environnementales, économiques, sanitaires et sociales de l’extraction et de l’exploitation des ressources alors que nous empruntons une voie plus juste et plus équitable pour tous qui est axée sur les droits des générations futures et notre responsabilité envers elles.

Honorables sénateurs, assurons-nous de laisser en héritage un monde plus propre, plus équitable et plus durable.

Meegwetch. Je vous remercie.

Haut de page