Projet de loi de crédits no 5 pour 2020-2021
Motion d'amendement--Déclaration de la présidence
9 décembre 2020
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots après le mot « Que » et par substitution de ce qui suit :
« le projet de loi C-17, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, parce que le Sénat est d’avis qu’il ne comprend pas de dépenses adéquates visant à réduire la pauvreté au Canada, actuellement vécue par plus de trois millions et demi de personnes dont la vie a été touchée de manière disproportionnée par la pandémie de la COVID-19, y compris des taux d’infection élevés et conséquemment de maladie grave et de décès. ».
Merci. Meegwetch.
Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir qu’il s’agit d’une procédure à laquelle le Sénat a rarement recours, procédure qui est mentionnée à la page 133 de La procédure du Sénat en pratique et que l’on appelle amendement motivé. Cet amendement permet à un sénateur d’indiquer pourquoi il s’oppose à la deuxième ou à la troisième lecture d’un projet de loi. Il permet d’inscrire au compte rendu une déclaration ou une explication exposant pourquoi l’étude d’un projet de loi devrait être abandonnée. L’amendement peut être débattu, sous-amendé et ajourné.
Les honorables sénateurs ne sont pas non plus sans savoir que, si un amendement motivé est adopté, le projet de loi est rejeté.
Ceci étant dit, l’honorable sénatrice Pate, avec l’appui de l’honorable sénatrice McPhedran, propose que la motion soit modifiée... puis-je me dispenser de lire l’amendement?
Sénateur Woo, vous avez la parole.
Honorables sénateurs, les sénateurs qui, comme moi, sont présents dans la salle du Sénat ont l’avantage d’avoir le document devant eux. Je crois comprendre que l’Administation du Sénat a envoyé le même document par courriel à nos collègues qui participent par téléconférence. Dans l’intérêt de ceux qui n’ont pas lu leurs courriels, Votre Honneur, pourriez-vous, je vous prie, lire intégralement l’amendement?
La motion a été envoyée par courriel à tous les honorables sénateurs qui participent par téléconférence. Je vais lire l’amendement, mais cela aura seulement pour effet de le soumettre à un débat. J’ai vu plus d’un sénateur se lever, alors je suis convaincu que vous aurez l’occasion de lire l’amendement. Sinon, je vous invite à lever la main pour m’en aviser, et nous prendrons le temps de le lire.
Honorables sénateurs, à la vue du fantôme de son père, l’un des personnages de Shakespeare parle d’« un air de tristesse plutôt que de colère ». Personnellement, j’ai probablement l’air de quelqu’un qui a subi un petit choc.
Je prends position contre l’amendement proposé. Je félicite la sénatrice Pate de son activisme et de son militantisme en faveur des personnes les plus vulnérables. Quel que soit l’enjeu en cause, son engagement ne se dément pas, et c’est tout à son honneur.
Cela dit, très respectueusement, il m’est impossible d’appuyer la motion à l’étude, et j’encourage tous les sénateurs à la rejeter. Il s’agit, en fait, d’une motion dilatoire qui retarderait considérablement la mise en œuvre du projet de loi. Étant donné la date actuelle et le fait que nous traversons toujours une crise, si la motion est adoptée, elle aura pour effet de tuer le projet de loi, comme l’a signalé le Président.
Je ne doute pas que la motion ait été présentée avec des intentions sincères, dans le but d’aider les personnes vulnérables qui, on ne peut le nier, ne profitent pas pleinement des avantages de l’économie canadienne et n’ont peut-être pas bénéficié autant que le souhaiterait la sénatrice des programmes instaurés par le gouvernement pour aider les Canadiens à traverser la crise actuelle.
Mais le fait de rejeter le projet de loi ou d’adopter l’amendement aurait de sérieuses conséquences sur le plan économique et opérationnel. Je ne nie pas, et je ne doute pas, qu’on l’ait présenté de bonne foi. Je me permets toutefois de dire — peut-être est-ce en raison de mon ahurissement — que cela aurait de cruelles répercussions. En rejetant le projet de loi à l’étude, on empêcherait la prestation continue de programmes et de services gouvernementaux dont les Canadiens ont besoin.
Cela entraverait — en fait, cela ralentirait et même interromprait dans certains cas — d’importants programmes et mesures mis en place pour lutter contre la pandémie. Cela entraverait ou même suspendrait — le temps est notre ennemi lorsque l’on a affaire à une maladie aussi implacable que la COVID-19 — le développement de la capacité de production canadienne et l’établissement de notre capacité à faire face aux futures pandémies, l’élaboration de vaccins canadiens, l’aide aux travailleurs essentiels qui se sont exposés, eux et leur famille, au risque chaque jour, pour le bien des plus vulnérables de la société. Cela empêchera tout simplement le gouvernement, lequel a été démocratiquement élu, d’accomplir son travail à tous les égards — et pas seulement celui-ci — au nom des Canadiens.
Chers collègues, c’est un euphémisme de dire que l’adage « ne laissons pas le mieux être l’ennemi du bien » s’applique tout à fait à ces circonstances-ci, avec des conséquences on ne peut plus claires.
Je vais me calmer, et tout simplement rappeler aux sénateurs nos responsabilités en tant que législateurs et en tant que citoyens. Le projet de loi traite de mesures financières. Manifestement, il peut faire l’objet d’un vote de confiance, mais le Sénat ne peut pas accorder sa confiance au gouvernement ou la lui refuser, comme le sénateur l’a fait valoir indirectement. C’était un vote de confiance dans l’autre endroit, et les députés ministériels, du Parti libéral, n’ont pas été les seuls à voter pour le projet de loi. Ceux du NPD, du Bloc québécois et du Parti vert ont voté pour également. Ces quatre partis ont recueilli ensemble une nette majorité des suffrages aux dernières élections.
Je ne suis peut-être pas très fort en mathématiques, mais je m’appuie sur des principes très solides. L’autre endroit s’est prononcé, lors d’un vote de confiance, pour accorder au gouvernement les fonds dont il a besoin afin de poursuivre le travail qui lui incombe, comme il lui incombe de gouverner. En effet, comme l’opposition s’efforce de nous le rappeler à juste titre aux Communes et au Sénat— et c’est tout à son honneur — c’est une chose de poser des questions, de s’interroger et de demander des comptes au gouvernement, mais c’en est une autre de ne pas permettre au gouvernement de gouverner. Ce projet de loi nous est justement soumis par un gouvernement qui gouverne.
J’ai énormément de respect pour le Sénat et pour la contribution que nous apportons au moyen des débats et des examens critiques, mais agir de la sorte serait aller au-delà de notre rôle et nuirait aux Canadiens. Il m’est absolument impossible d’appuyer cet amendement, et je vous implore de ne pas le faire non plus.
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait son travail, comme d’habitude. Il a fait preuve de la diligence voulue. Nous avons entendu son rapport. Nous avons entendu les préoccupations que partagent, nous le savons, la sénatrice Pate et d’autres, comme moi, qui s’inquiètent pour les laissés-pour-compte de l’économie canadienne. Cependant, ce n’est pas de cette façon que le Sénat doit faire son travail.
En tout respect, cet amendement est irresponsable et il ne peut avoir l’aval du gouvernement ni, je l’espère, celui de l’ensemble des sénateurs. Je vous remercie de votre attention.
Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question ou prendre la parole?
Je veux soulever un recours au Règlement, monsieur le Président.
D’accord.
Je veux m’assurer d’avoir bien compris les règles du Sénat. Lorsqu’on dépose un amendement, celui-ci doit-il être présenté dans les deux langues officielles?
Oui, absolument.
Alors, est-ce que vous me permettez de poser la question et de demander pourquoi nous devrions examiner cet amendement à ce moment-ci, si nous n’en avons pas reçu la version française?
Sénatrice Dupuis, je crois comprendre que l’amendement a été envoyé par courriel à tous les sénateurs qui participent à distance, et ce, dans les deux langues officielles. Je peux confirmer qu’il a été distribué dans les deux langues officielles au Sénat. Je consulte le courriel en ce moment même, sénatrice Dupuis.
De toute façon, cette question sera abordée demain. Je suis désolé, sénatrice Dupuis. Si vous constatez que vous n’avez pas reçu l’amendement, je vous prie de communiquer avec mon bureau, et nous déterminerons ce qui s’est passé.
Monsieur le Président, si vous me le permettez, j’ai reçu l’amendement uniquement en anglais. Merci.
On corrigera la situation. Toutes mes excuses. L’amendement aurait dû être envoyé dans les deux langues officielles.