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Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l'antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé--Suite du débat

1 juin 2021


L’honorable Paula Simons [ - ]

Je prends la parole ce soir parce que je voudrais reprendre le débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, qui propose que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.

Le racisme médical revêt divers visages et se manifeste sous de nombreuses formes. Parfois, il est facile de le reconnaître quand on entend les histoires de patients autochtones à qui l’on a refusé des soins rapides parce que le personnel des urgences a jugé qu’ils étaient intoxiqués et non malades. Il est facile de constater ce racisme aussi lorsque des patients racontent avoir entendu le personnel soignant utiliser des insultes ou des épithètes racistes à leur sujet. Parfois, des patients qui essaient d’exprimer leurs besoins dans un hôpital, mais se retrouvent sans réponses à leurs questions ou ne sont pas rassurés parce que le personnel ne s’est pas donné la peine de passer outre leur accent.

Ce sont des exemples très frustrants de racisme parce qu’ils sont très clairement et cruellement enracinés dans la malice, les préjugés, le cynisme et la paresse. Nous ressentons une grande colère parce qu’il est très facile de deviner qui sont les méchants et les victimes dans ces histoires.

Cependant, nous parlons de racisme systémique dans le système de santé, nous ne parlons pas des paroles et des gestes racistes qui sont malveillants et dirigés vers une personne en particulier. Nous parlons de quelque chose de beaucoup plus insidieux et de plus difficile à enrayer. Le racisme systémique se présente sous un nombre illimité de formes subtiles, comme l’accès inéquitable aux soins de santé en raison du manque de médecins pour les communautés autochtones des régions éloignées ou dans les quartiers urbains très pauvres. Nous avons constaté les exemples flagrants depuis le début de la pandémie, que ce soit la situation de Wood Buffalo ou celle de Brampton.

Le racisme systémique prend aussi des formes plus subtiles, plus sournoises, qui sont plus difficiles à repérer parce qu’elles sont fondées sur les angles morts de notre vision culturelle. Voici une anecdote personnelle à titre d’exemple.

Je n’ai pas une stature particulièrement délicate, mais ma grand-mère paternelle était vraiment minuscule, comme l’est aussi ma belle-mère. Le hasard de la génétique a aussi voulu que je donne naissance à une fille en parfaite santé mais vraiment petite. Elle est restée en parfaite santé et avait un excellent appétit mais, au chapitre du poids et de la taille, elle demeurait au vingtième centile, comme le voulaient ses gènes.

Pendant une visite à une clinique pour bébés, une infirmière de la santé publique particulièrement féroce m’a vertement semoncée parce qu’elle croyait que je ne nourrissais pas assez ma petite fille, ce qui nuisait à sa croissance. J’ai pleuré pendant tout le trajet de retour et j’ai passé à deux cheveux de ne jamais retourner dans cette clinique.

Quand je suis arrivée à ma visite suivante, j’étais vraiment irritable et sur la défensive. Cette fois-là, par contre, l’infirmière, qui était elle aussi d’origine chinoise, m’a dit qu’il n’y avait pas à s’inquiéter. Elle a souligné que les tableaux de tailles et de poids étaient fondés sur des moyennes démographiques obsolètes qui ne tenaient pas compte de la réalité multiculturelle du Canada contemporain. Ces tableaux étaient fondés sur des données nord-américaines du milieu du XXe siècle et ne tenaient absolument pas compte, par exemple, de la taille moyenne d’un bébé philippino-canadien ou d’un bébé dont les parents venaient de la Thaïlande, du Vietnam ou du Sri Lanka.

Après l’observation de l’infirmière, cela a semblé évident, mais, pour une jeune mère comme moi, bien installée dans le cocon du privilège blanc, c’était une véritable révélation. Bien sûr, l’infirmière avait raison. Par défaut, ces tableaux de taille et de poids ignoraient toutes sortes de bébés — du moins, c’était le cas il y a 25 ans, à l’époque où mon enfant est née. Tandis que les paroles de réconfort de l’infirmière s’imprimaient dans mon esprit, je me suis soudainement demandé combien de jeunes mères immigrantes s’étaient fait sermonner et intimider par des infirmières de la santé publique bien intentionnées, simplement parce que leur nourrisson ne correspondait pas aux centiles jugés comme acceptables dans le tableau. Je me suis demandé combien de fois on avait fait appel à un travailleur social, non pas parce que la mère s’y prenait mal, mais simplement parce que son enfant ne correspondait pas à un paradigme issu d’une population plus homogène des années 1950.

L’exemple peut paraître anodin, mais il illustre tout de même le genre de vision étriquée qui prévaut souvent dans notre système de santé public.

Ce peut être une chose aussi banale que les menus des hôpitaux, qui n’offrent que des plats peu variés et fades, ne reflétant pas les goûts et les cultures de beaucoup de patients canadiens. Il est difficile de se rétablir si la nourriture servie par le personnel diététicien de l’hôpital est tout à fait étrangère à notre vécu et à notre identité. Mais les conséquences peuvent être bien plus dangereuses.

Qu’est-ce qui arrive si une personne étudie pour devenir dermatologue et que, pendant sa formation, on lui présente presque uniquement des images de personnes blanches pour lui apprendre à reconnaître les différents problèmes de peau? Cette personne saura-t-elle reconnaître ces problèmes de peau et faire des diagnostics lorsqu’elle recevra des patients noirs, sud-asiatiques ou polynésiens?

Une étude de cas récente menée par la Case Western Reserve University de Cleveland, en Ohio, a suivi 97 000 patients atteints d’un mélanome, une des formes les plus rares, mais les plus mortelles, du cancer de la peau. L’étude a révélé que les patients blancs et hispaniques avaient les meilleures chances de survie, alors que les patients afro-américains et ceux des îles du Pacifique, dont Hawaï, présentaient les chances les moins bonnes. Les chercheurs ont conclu que les médecins arrivaient moins bien à diagnostiquer les mélanomes chez les patients dont la peau est plus foncée, parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils devaient chercher et qu’ils n’arrivaient pas à reconnaître les mélanomes lorsqu’ils les voyaient.

Qu’arrive-t-il si une technologie employée pour dépister quelque chose est uniquement calibrée sur la peau blanche?

En décembre 2020, le New England Journal of Medicine a publié les résultats d’une étude qui cherchait à savoir s’il y avait des différences dans le fonctionnement des sphygmo-oxymètres — ces petits appareils qui mesurent la saturation en oxygène dans le sang — entre les patients blancs et les patients noirs. L’étude a révélé que ces appareils, utilisés à grande échelle dans les hôpitaux, en particulier dans le cadre de la pandémie de COVID-19, étaient beaucoup moins fiables chez les patients noirs et que ces derniers risquaient près de trois fois plus de se retrouver en sous-saturation sans que cela soit détecté par ces appareils conçus pour fonctionner avec des patients caucasiens.

Qu’advient-il si les médicaments que votre médecin vous administre n’ont été testés que sur des Blancs?

Un article paru en 2018 dans Scientific American signale qu’une proportion trop élevée des patients qui participent aux essais cliniques de nouveaux médicaments sont blancs. Dans certains cas, elle est de 80 % à 90 %. Pourtant, comme le fait remarquer le magazine, les symptômes de maladies telles que les maladies du cœur, le cancer et le diabète, ainsi que les facteurs contribuant à ces maladies varient selon l’ethnicité, tout comme ils varient selon le sexe.

L’article soutient que si une telle étude n’est pas réalisée auprès de divers groupes, il est impossible d’avoir la certitude qu’un traitement fonctionnera dans toutes les populations ou de savoir quels effets secondaires risquent de survenir dans un groupe ou un autre. Puisque nous, au Canada, consommons fréquemment des produits pharmaceutiques créés aux États-Unis, leurs problèmes deviennent les nôtres également.

Prenons par exemple le médicament Tegretol, qui est couramment utilisé contre l’épilepsie et parfois contre la bipolarité. Pour bien des gens, le médicament fonctionne bien et cause peu d’effets secondaires. Toutefois, si vous êtes originaire de l’Asie orientale, et particulièrement si vous êtes d’origine chinoise han, le Tegretol peut causer diverses affections cutanées graves, notamment le syndrome de Lyell. Voilà le genre de chose qu’il est difficile de prévoir si aucun essai n’a été réalisé sur des sujets d’origine chinoise. Le problème ne s’arrête pas là. Par exemple, les Américains d’origine africaine sont plus susceptibles de souffrir d’affections respiratoires que les Américains blancs. Or, depuis 2015, seulement 1,9 % de toutes les études portant sur les maladies respiratoires aux États-Unis ont été réalisées sur des groupes de sujets incluant des membres de minorités ethniques.

Ce n’est pas non plus uniquement un problème américain. En effet, une étude récente des essais de médicaments portant sur environ 150 000 patients, dans 29 pays, à cinq moments différents, sur une période de 20 ans, révèle qu’approximativement 86 % des sujets à ces essais sont de race blanche.

Personne n’a l’intention sinistre de rédiger des manuels de médecine où la vaste majorité des photographies représentent des patients blancs ou d’inventer des oxymètres qui fonctionnent mieux sur les peaux blanches. Personne ne fait exprès de breveter des médicaments qui ne sont pas efficaces pour les patients chinois ou d’organiser des essais de médicaments qui incluent seulement des sujets blancs. Personne non plus ne crée délibérément des menus d’hôpitaux ou des tableaux des poids des bébés qui excluent certaines races. Cependant, le racisme, et surtout le racisme systémique, ne part pas toujours d’intentions mauvaises ou malveillantes. Parfois, il est seulement attribuable à l’ignorance, à la suffisance ou à un manque d’imagination. Cela ne rend pas ces gestes inoffensifs, mais plutôt plus insidieux. Nous ne pouvons pas tolérer une telle ignorance si nous voulons un réseau de soins de santé public qui reflète la diversité du pays où nous vivons tous.

C’est pourquoi je suis très heureuse et reconnaissante de pouvoir me prononcer sur la motion de la sénatrice McCallum, surtout aujourd’hui, après qu’elle nous a donné un cadeau aussi précieux qu’un témoignage personnel et émouvant sur les ravages causés par le racisme institutionnel dans son expression la plus brutale.

Nous ne pouvons pas éradiquer le racisme profondément enraciné et discret qui passe souvent inaperçu à moins d’agir avec empathie et fermeté. Nous devons faire en sorte que les étudiants qui deviendront des médecins, des infirmiers, des techniciens, des psychologues, des conseillers en génétique, des pharmaciens et des chercheurs du domaine biomédical viennent d’une foule de cultures et obtiennent la formation dont ils ont besoin pour cerner et diagnostiquer des problèmes de santé chez les Canadiens de diverses origines, non pas pour qu’ils fassent abstraction de la race, mais pour qu’ils soient sensibles aux différences physiques entre nos concitoyens.

Nous devons faire en sorte que les tests ainsi que les nouveaux médicaments et équipements médicaux tiennent compte de la diversité culturelle du monde moderne. Nous ne pouvons plus prendre l’homme blanc « typique » comme référence de base pour l’ensemble des nouveaux médicaments et dispositifs médicaux. Nous devons avoir l’assurance que les produits pharmaceutiques et l’équipement médical conviendront tout aussi bien aux femmes et aux personnes de toutes origines.

Lorsque nous disons que nous ne voulons pas que le système de santé soit raciste, nous ne pouvons pas nous contenter de renvoyer quelques travailleurs de la santé intolérants. Nous devons aller beaucoup plus loin et examiner les choses plus attentivement pour déceler les exemples les plus subtils de racisme systémique qui sont enracinés dans les façons de faire du système de santé.

C’est pourquoi je tiens à remercier la sénatrice McCallum de nous avoir donné l’occasion importante d’en débattre afin que nous puissions nous efforcer de créer au Canada un système de santé publique qui puisse bien servir tout le monde de manière équitable.

Merci et hiy hiy.

Je vous remercie de votre présentation, sénatrice Simons.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 41 de la sénatrice McCallum, qui demande au gouvernement fédéral d’adopter l’antiracisme comme sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé. Une telle mesure est réclamée par des défenseurs et des experts, dont le Groupe de travail Brian Sinclair, qui a été formé à la suite du décès de M. Sinclair en 2008 à l’urgence d’un hôpital de Winnipeg. Cet homme de la nation anishinaabe avait besoin de soins de toute urgence, mais on l’a négligé et ignoré alors que son état empirait tandis que tous les malades à l’urgence ont été vus et traités avant lui.

D’innombrables rapports et études indiquent que les actions et l’inaction inacceptables qui ont mené au décès de M. Sinclair se poursuivent. Nous tenons ce débat aujourd’hui pendant l’enquête de la coroner sur la mort de Joyce Echaquan. Mme Echaquan est morte l’année dernière alors qu’elle était la cible de railleries racistes et de cruauté de la part des professionnels de la santé chargés de lui fournir des soins.

Durant cette enquête la semaine dernière, certains employés de l’hôpital ont soutenu qu’il n’y avait pas de racisme à l’établissement où Mme Echaquan est morte, dénonçant plutôt l’état de stress des employés, qui manquent de ressources et qui sont accablés par une surcharge de travail. La coroner Kamel a rejeté ces affirmations, et des témoins ont fini par fournir des preuves de stéréotypes nuisibles à l’égard des Autochtones, qui circulaient à l’hôpital.

Les membres du Groupe de travail Brian Sinclair nous rappellent avec raison que les pressions subies par le personnel ne créent pas les préjugés dont Mme Echaquan et M. Sinclair ont été victimes. Les actes de racisme systémique et individuel sont une réalité partout au Canada. L’étendue, la gravité et l’urgence de la situation risquent d’être masquées et perpétuées si le racisme est tout simplement accepté comme une fatalité dans un système de santé où les gens sont très occupés ou s’il est considéré comme quelque chose qui peut être réglé en embauchant plus de personnel sans prendre des mesures pour un accès sûr, juste et égal aux soins.

Alors que nous cherchons à remplir le mandat que nous avons de représenter les groupes marginalisés et minoritaires, nous avons le devoir d’affirmer clairement que le racisme dans le secteur de la santé et des soins de la santé est bien réel et que, si la situation n’est pas corrigée, il y aura d’autres décès évitables.

Dans le cadre de notre étude du projet de loi C-7 au cours des derniers mois, nous nous sommes penchés sur une réalité inacceptable : pour beaucoup trop de gens, les risques pour la santé et les souffrances ne sont pas inévitables. Ils peuvent être causés et exacerbés par le racisme systémique, y compris par des lacunes en ce qui concerne l’accès à de véritables mesures d’aide sociale et de soutien à la santé et au revenu.

Le Dr Naheed Dosani est médecin en soins palliatifs et milite pour qu’on offre des soins aux personnes qui vivent dans la rue. Il a témoigné devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, où il a fait remarquer que, pendant la pandémie de COVID-19, « le racisme est une urgence de santé publique ».

Nous ne pouvons effectivement pas ignorer que, depuis le début de la pandémie, deux fois plus de personnes sont mortes des suites de la COVID-19 dans les quartiers racisés et pauvres du Canada.

Le système de santé du Canada est fondé sur les principes d’universalité et d’accessibilité énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Pourtant, comme la motion no 41 l’indique clairement, cela ne suffit pas, surtout pendant les urgences de santé publique actuelles. Alors que nous nous efforçons de remédier aux séquelles laissées par le colonialisme au Canada, le système de santé doit être activement antiraciste.

Jane Philpott, la doyenne de la faculté des sciences de la santé de l’Université Queen’s et ancienne ministre fédérale de la Santé et des Services aux Autochtones, a fait la remarque suivante au sujet du racisme dans les soins de santé :

Nous n’avons pas besoin de nouvelles études; il nous faut une série de réformes. Des mesures ont été énoncées dans de nombreux rapports, notamment les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Si on fait de l’antiracisme un pilier de la Loi canadienne sur la santé, cela montrera clairement que la poursuite de ces réformes est une priorité intégrale et déterminante à tous les niveaux du système de santé du Canada.

C’est au carrefour des soins de santé et des systèmes carcéral et de justice pénale que les effets du colonialisme et du racisme systémique sont les plus marqués.

Chers collègues, vous êtes maintenant nombreux à m’avoir accompagnée en prison et à avoir pu constater directement qui croupit dans les cellules. S’il en est ainsi, c’est parce que les autres systèmes, notamment le système de santé, ont failli à la tâche et que la discrimination est ancrée en eux. À cause de l’éviscération du filet de sécurité sociale, économique et sanitaire des dernières décennies, la police, les tribunaux et les prisons sont devenus la solution par défaut, et les systèmes juridique et pénal sont les seuls qui ne peuvent refuser personne.

Nous devons nous occuper du logement, des soutiens économiques et des soins de santé, surtout la santé mentale et les traitements contre les dépendances, qui sont nécessaires pour beaucoup de gens qui ont été autrement abandonnés et maltraités, trop souvent à cause de décisions politiques et stratégiques. Les systèmes juridique et carcéral ne conviennent pas à cette fin, et pourtant, nous refusons constamment de tenir compte de ces réalités.

Ne pas fournir de soins de santé et de soins de santé mentale accessibles et adaptés à la réalité culturelle a des conséquences dévastatrices, surtout pour les personnes les plus marginalisées. Un nombre disproportionné d’entre elles ont des démêlés avec la justice et se retrouvent devant les tribunaux, puis en prison, plutôt que de recevoir les traitements dont elles ont besoin.

L’été dernier, des personnes noires et autochtones sont mortes lors de vérifications de santé mentale effectuées par des policiers, ce qui est à l’origine d’appels urgents pour adopter des mesures antiracistes. Pour trop de personnes, ces mêmes interventions finissent en judiciarisation d’un problème qui relève de la santé plutôt que de la criminalité.

Selon la Commission de la santé mentale du Canada, parmi les personnes atteintes d’une maladie mentale, deux sur cinq ont déjà été arrêtées. De plus, la police a participé au plan d’intervention de trois personnes sur dix. D’après les données du système correctionnel fédéral, 79 % des femmes détenues dans les prisons fédérales ont des problèmes de santé mentale. Parmi les prisonniers fédéraux, 25 % sont considérés comme des aînés, et la plupart d’entre eux ont un problème de santé chronique et, dans bien des cas, plusieurs problèmes de santé chroniques qui vont de la douleur chronique à une invalidité en passant par le cancer, le diabète, les problèmes circulatoires, les problèmes cardiaques et la démence.

Trop souvent, le système carcéral choisit, pour « gérer » les personnes ayant besoin de soins de santé complexes, de les isoler, ce qui ressemble à un isolement cellulaire. Non seulement les gens ne reçoivent-ils pas les soins dont ils ont besoin, mais cet isolement a pour effet de créer et d’exacerber des problèmes de santé. Il suffit parfois de 48 heures pour qu’apparaissent les premiers dommages irréversibles d’ordre physique, physiologique, psychologique et neurologique causés par le fait de passer presque toute la journée enfermé seul dans une cellule plus petite que la plupart des espaces de stationnement ou des salles de bain. Tant au Canada qu’à l’échelle internationale, on considère que passer 15 jours dans de telles conditions est une forme de torture.

Depuis le début de la pandémie, des prisons fédérales ont été soumises à des isolements et des confinements qui ont duré des semaines ou des mois, voire plus d’un an.

Ces rudes conditions ont touché de manière disproportionnée les populations noires et autochtones. Pendant la première vague de la pandémie de COVID-19, le taux d’infection parmi les hommes était 10 fois plus élevé dans les pénitenciers fédéraux que dans le reste du Canada. Pour les femmes, il était 77 fois plus élevé, ce qui est inconcevable.

Le Dr Dosani décrit ainsi la situation des patients racialisés qui vivent dans la rue, dans l’ombre de la criminalisation, et qui sont atteints d’un cancer ou dont l’état de santé exige des soins palliatifs :

Les gens dont je prends soin ont peur et sont inquiets. Nous avons été témoins de la criminalisation de l’itinérance, surtout pendant la pandémie de COVID. Notamment, les personnes en situation d’itinérance habitent les parcs et d’autres endroits, parce qu’ils n’ont nulle part où aller. En effet, les maisons de répit, les refuges et les centres de dépannage ont dû réduire leurs services et leurs heures d’ouverture.

Dans bien des endroits, on a réagi en faisant intervenir les policiers, qui distribuent des contraventions, ce qui est inapproprié et empire les relations avec la police.

Il est malheureusement très clair que les pénitenciers ne sont pas un substitut pour les refuges, les centres de traitement ou les centres de santé mentale pour les plus marginalisés, y compris ceux qui le sont en raison du racisme systémique, et nous ne devrions pas accepter qu’ils continuent de servir à cette fin. Ceux qui ont besoin de soins de santé devraient avoir accès à des soins appropriés, complets et sécuritaires.

Merci, sénatrice McCallum, du leadership dont vous avez fait montre en mettant cette enceinte au défi d’utiliser ses privilèges et son autorité pour qu’on arrête d’abandonner ceux qui souffrent à la misère de la rue ou de la prison ou à la mort. Merci aussi de nous avoir inspirés à demander avec insistance des soins de santé dénués de racisme et la mise en œuvre d’une vision et d’une promesse d’accessibilité et d’un meilleur et plus équitable avenir pour tous.

Meegwetch. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, j’allais inviter la sénatrice Pate à finir son intervention, mais j’ai remarqué que le sénateur Richards avait la main levée. Je ne sais pas s’il voulait poser une question à la sénatrice Pate ou à la sénatrice Simons.

Sénateur Richards, vouliez-vous poser une question?

L’honorable David Richards [ - ]

Honorables sénateurs, je voulais la poser à la sénatrice Simons initialement, mais je peux la poser à l’une ou à l’autre, en fait.

Son Honneur le Président [ - ]

Je suis désolé, sénateur Richards. Si vous voulez poser votre question à la sénatrice Simons, il faut que j’en demande la permission.

Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire « non ».

Allez-y, sénateur Richards.

Le sénateur Richards [ - ]

Parfois, sénatrice Simons, c’est une question d’intégrité et parfois, c’est de la paresse ou simplement un manque d’égards. En fin de vie, ma mère, une femme blanche, était tourmentée par une infirmière parce que sa condition ne s’améliorait pas. Chaque jour, cette infirmière tourmentait ma mère et lui faisait des remarques parce que sa condition ne s’améliorait pas. Je connais une autre femme blanche à qui on a enlevé son enfant parce qu’on croyait, à tort, qu’il avait été victime du syndrome du bébé secoué.

Je ne dis pas que le projet de loi est mauvais. Je crois qu’il devrait être adopté, mais je crois que l’intolérance peut venir de tous les côtés. Souvent, elle relève de la paresse ou de l’ignorance. Il faut prendre garde à ne pas trop restreindre ce qui constitue de l’intolérance. Peut-être avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, sénatrice.

La sénatrice Simons [ - ]

Je serai heureuse de le faire, Votre Honneur.

Nous sommes confrontés à deux types de problèmes. Cela m’attriste de parler en mal des travailleurs de la santé en pleine crise de la COVID alors qu’ils sont si nombreux à risquer leur vie et leur santé mentale et physique pour prendre soin de nous, mais nous savons tous qu’il y a un certain pourcentage de ces nombreux travailleurs dans la santé qui ne sont pas bienveillants.

Lorsque ma mère était en fin de vie à l’hôpital l’été dernier et qu’elle hurlait, parce qu’elle souffrait de démence grave, une infirmière est venue la voir et lui a crié de se taire. J’ai dit à cette infirmière que ma mère ne pouvait pas comprendre et qu’il était impossible qu’elle fasse ce qu’elle lui demandait. Pourquoi cette femme faisait-elle des reproches à ma mère — une femme blanche, blonde aux yeux bleus — et la torturait-elle? Parce que cette infirmière n’était pas gentille.

Je voulais aborder dans mon discours le problème beaucoup plus subtil du type de discrimination et de racisme systémique que nous ne faisons pas par malice, mais inconsciemment. C’est la contribution que j’espère apporter au débat. D’autres sénateurs, dont la sénatrice Pate, ont parlé en termes fort émouvants du problème des mauvais intervenants dans le système de santé. Je voulais prendre un instant dans mon discours pour aborder les choses auxquelles nous ne pensons pas toujours et que nous ne voyons pas toujours — les tests, l’équipement médical, les manuels médicaux — qui sont encore en quelque sorte basées sur le monde des années 1960, bien que notre société ne ressemble plus à celle de cette époque.

Lorsqu’il est question de racisme systémique, les gens sont sur la défensive et disent : « Je ne suis pas une mauvaise personne. Il est impossible que je contribue au racisme systémique, car je ne suis pas méchant. Je ne suis pas intolérant ». Toutefois, nous faisons tous partie d’une vaste société qui doit cesser d’être autant sur la défensive et dire : « D’accord. Je n’y avais pas pensé de cette façon auparavant. Je n’avais pas pensé au fait que d’autres personnes pouvaient être mal à l’aise. Je n’avais pas pensé au fait que le manuel médical ne tient pas compte de la population que je sers ».

C’est le sujet dont j’espérais parler ce soir, soit les questions de racisme systémique qui sont si subtiles que nous ne les voyons pas. Cela ne signifie pas que nous sommes d’affreux êtres humains, mais que nous devons élargir notre vision.

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