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La Loi sur les lettres de change—La Loi d'interprétation—Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

2 juin 2021


L’honorable Brian Francis [ + ]

Propose que le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail relativement à la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

J’aimerais commencer par reconnaître que je prononce mon discours depuis Epekwitk, qui est maintenant connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, le territoire ancestral et non cédé de mon peuple, les Mi’kmaqs ou, comme nous nous appelons, les L’nú’k.

Je partage la peine et le chagrin collectifs ressentis à la suite de la découverte de 215 enfants autochtones, dont certains n’avaient que 3 ans, enterrés dans des tombes sans épitaphe sur le site de l’ancien pensionnat indien de Kamloops, qui était l’un des plus grands pensionnats du Canada et qui a été en exploitation de la fin du XIXe siècle à la fin des années 1970.

Je ne peux m’empêcher d’être envahi par l’horreur et la colère lorsque je pense aux derniers jours et aux dernières heures que ces enfants ont passés sur Terre à vivre dans l’isolement, la solitude et la peur. Leurs cadavres ont ensuite été abandonnés comme s’ils étaient des ordures, car leurs vies étaient jugées insignifiantes et traitées comme telles.

Il s’agissait toutefois d’enfants qui étaient aimés et qui sont toujours aimés et regrettés. Aucun d’entre eux ne méritait d’être privé de sa dignité et de son humanité.

Il peut être difficile d’accepter que le Canada, qui s’enorgueillit depuis longtemps d’être un haut lieu de la démocratie, de la paix et de la bienveillance dans le monde, ait pris part à un génocide planifié et délibéré à l’endroit des peuples autochtones. Quelles preuves nous faudrait-il encore pour conclure que c’est bel et bien ce qui a été fait au nom du Canada et des Canadiens? Nous devons veiller à ne pas perpétuer ces efforts et à employer le mot juste : il s’agit d’un génocide, c’est le mot qui s’impose.

Bon nombre d’entre nous sont pères et grands-pères. Nous ne pouvons même pas imaginer l’ampleur des pertes et des souffrances que ressentent les familles et les communautés de la Colombie-Britannique et de partout au pays qui attendent toujours des réponses pour pouvoir tourner la page. Des blessures jamais guéries ont été rouvertes. Elles ne guériront pas tant et aussi longtemps que tous les enfants perdus n’auront pas été identifiés et retournés aux leurs. J’encourage chacun d’entre vous à soutenir les dirigeants et les communautés autochtones qui demandent de l’aide pour accomplir ce travail.

Je trouve profondément troublant qu’il faille une tragédie de cette ampleur pour rappeler à tout le monde que les Autochtones méritent d’être bien traités et protégés, et que nous avons le droit, comme tout le monde, de mener une vie heureuse, saine et épanouie, libre des conséquences de la discrimination, du racisme et de la violence. On ne devrait évidemment pas avoir à le dire, mais bon, voilà.

Il est temps de passer des paroles aux actes. Nous, les Autochtones, luttons depuis trop longtemps pour notre dignité, notre bien-être et notre survie. Il est temps que le Canada tienne ses promesses et se conduise honorablement.

Pour que ce pays puisse faire ses premiers pas sur la voie de la guérison et de la réconciliation, il faut que la vérité soit connue et que des mesures correctives soient prises. C’est seulement à partir de ce moment-là que nous pourrons bâtir une relation renouvelée entre le Canada et les peuples autochtones, une relation fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat. Voilà l’avenir que nous devons œuvrer à bâtir. La création d’une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, célébrée chaque année le 30 septembre, sera un petit pas important dans la bonne direction.

Honorables sénateurs, mes observations d’aujourd’hui porteront surtout sur la signification et l’importance de la journée nationale de la vérité et de la réconciliation, que j’appuie sans réserve. On l’a déjà dit, mais cela mérite d’être répété : le système des pensionnats n’est pas un sombre chapitre de notre passé, mais bien une réalité pour beaucoup de gens. Le système des pensionnats a existé au Canada pendant plus de 160 ans. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996, soit il y a seulement 25 ans. L’objectif premier de ces établissements n’était pas l’éducation : leur but était de retirer les enfants de leur famille et de leur communauté pour mieux les assimiler dans la culture dominante. Comme en témoignent ces paroles tristement célèbres, leur objectif était de « tuer l’Indien dans l’enfant pour sauver l’homme ». Ces actions étaient fondées sur des opinions racistes sur l’infériorité intellectuelle et culturelle des Autochtones ainsi que sur nos modes de connaissance et nos façons d’être.

Tous les sénateurs ont la responsabilité unique de redresser les torts du passé et de contester le récit colonial, qui continue de faire fi des histoires et des réalités autochtones. Nous devons discuter de ces sujets difficiles et pénibles afin de pouvoir, en tant que législateurs, bâtir un avenir plus inclusif et plus équitable pour tous.

On estime que plus de 150 000 enfants ont été arrachés de leur foyer et envoyés dans ces institutions dures et dangereuses. Les enfants ont été privés de l’amour et des soins de leur famille et de leur communauté pendant de nombreuses années, et parfois de façon permanente. On leur a fait sentir qu’ils ne valaient rien et qu’ils devaient avoir honte de qui ils étaient, ce qui a éventuellement mené à la perte de leur langue, de leur culture et de leur identité, ainsi qu’à la destruction des liens familiaux et communautaires. Trop souvent, les enfants ont été victimes d’une négligence et d’une maltraitance endémiques. Ce qui s’est passé ici, et dans tous les autres pensionnats, ne serait pas toléré aujourd’hui, et cela n’aurait pas dû l’être à l’époque.

Par exemple, nous savons qu’au tristement célèbre pensionnat St. Anne à Fort Albany, en Ontario, une chaise électrique improvisée était utilisée pour torturer des enfants âgés d’à peine 6 ans. Pensez-y un moment. Le Canada a fait cela. Pire encore, les survivants du pensionnat de St. Anne se battent depuis des années contre le gouvernement fédéral pour obtenir des documents détaillant les horreurs qui y ont été commises. C’est une véritable honte et cela devrait nous rappeler à tous que la vérité, la guérison et la justice continuent d’être un combat difficile pour les survivants et pour l’ensemble des Autochtones.

Il faut garder l’esprit ouvert et avoir des conversations difficiles. Les pensionnats autochtones ont contribué au Canada dans lequel nous vivons aujourd’hui. C’est indéniable. Le gouvernement fédéral, entre autres, doit être tenu responsable du fait que les survivants des pensionnats ont été abandonnés pendant des années. Il faut réparer les torts passés et actuels, ce qui instaurera le respect et la confiance dans nos relations. De toute évidence, nous n’en sommes pas encore là, mais c’est l’avenir que nous devons bâtir pour nos enfants et petits-enfants.

À ce jour, on ressent encore le traumatisme causé par les pensionnats autochtones. J’ai vu trop d’existences perdues et de familles déchirées. J’ai moi-même fréquenté un externat indien — une version des pensionnats où les élèves vivaient avec leurs parents et demeuraient dans leur communauté. Comme les élèves des pensionnats, beaucoup d’élèves des externats ont dû vivre avec le traumatisme infligé par ceux qui avaient la tâche de s’occuper d’eux. Même à 63 ans, je ne suis pas prêt à en parler. Ma guérison est toujours en cours.

Honorables sénateurs, nous employons le terme « survivants » parce que nous savons que bon nombre n’ont pas survécu au réseau des pensionnats autochtones. Nous devons pour toujours honorer la résilience et la résistance de chacun des survivants devant les tentatives de supprimer toutes les facettes de leur être. Vous aurez sans doute appris qu’environ 6 000 enfants sont morts en fréquentant les pensionnats autochtones. Cependant, leur nombre pourrait être beaucoup plus important, car dans un trop grand nombre de cas, les noms des élèves qui ont péri n’ont pas été enregistrés. Leur nombre pourrait s’élever jusqu’à 25 000.

Pour ajouter à l’angoisse, bon nombre de pensionnats autochtones ne retournaient pas les corps aux familles des défunts, le coût étant trop souvent la raison invoquée. Nombre de ces corps, voire la plupart, sont enterrés dans des tombes non identifiées et non entretenues partout au pays. Certaines ont été découvertes grâce à des documents d’archives et à des témoignages oraux, et d’autres, par accident. Nous ne retrouverons peut-être jamais tous ces enfants, mais cela ne veut pas dire que nous arrêterons de les chercher.

Un peu plus tôt cette semaine, des survivants du pensionnat indien de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse, ont demandé une nouvelle fois qu’on essaie de localiser les tombes non identifiées, sur le site. La nouvelle m’a beaucoup touché, car certains membres de ma famille et certains de mes amis sont des survivants. Ce n’est pas à moi de raconter leurs histoires, mais je dirai que la plupart d’entre eux en sont encore à apprendre à vivre avec cette expérience et à essayer de s’en remettre. Ce n’est pas quelque chose dont nous parlons souvent, mais je vois bien les cicatrices que cela a laissées sur leurs corps et leur âme. Je parle à titre de membre des Premières Nations, mais il est important de noter que nos frères et sœurs inuits et métis ont aussi beaucoup souffert dans ces institutions gérées par le gouvernement fédéral et en raison d’autres politiques et pratiques néfastes.

Honorables sénateurs, la Commission de vérité et réconciliation, qui avait pour tâche d’établir un dossier historique, faisait partie du plus important recours collectif de l’histoire du Canada. Le rapport final, publié en 2015, a révélé une réalité dont beaucoup ignoraient l’existence. Il lançait aussi 94 appels à l’action auxquels tous les paliers de gouvernements et tous les niveaux de la société doivent donner suite pour réparer les préjudices causés par les pensionnats autochtones et commencer le processus de réconciliation.

Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation disait ceci :

La réconciliation doit devenir un mode de vie. Il faudra de nombreuses années pour réparer les relations et les liens de confiance rompus [...] La réconciliation nécessite non seulement des excuses, des réparations, un réapprentissage de l’histoire nationale du Canada et une cérémonie commémorative publique, mais également de véritables changements sociaux, politiques et économiques. La sensibilisation du public et le dialogue permanents sont essentiels à la réconciliation. Les gouvernements, les Églises, les institutions d’enseignement et les Canadiens de tous les milieux ont la responsabilité d’agir de façon concrète pour la réconciliation, en collaboration avec les peuples autochtones. La réconciliation est la responsabilité de chacun d’entre nous.

Il y a déjà cinq ans que la Commission de vérité et réconciliation a publié son rapport final. Il est décevant que de nombreux Canadiens ne connaissent toujours pas l’histoire et l’héritage du système de pensionnats autochtones. Il est encore plus inquiétant que certains continuent d’ignorer ou même de renier la nature et l’étendue des préjudices. Nous l’avons observé ici même, au Sénat.

Ce type de discours doit être rejeté sans équivoque parce qu’il contribue au maintien des croyances et des attitudes racistes et ignorantes par rapport aux Autochtones, lesquelles continuent d’affecter tous les aspects de notre vie et ne font qu’ajouter aux souffrances et aux traumatismes vécus par des générations d’Autochtones. Je suis intimement convaincu qu’être mieux informé permet de faire mieux. C’est pourquoi j’invite tout le monde, au Sénat et ailleurs, à prendre le temps de lire les six volumes du rapport final. La lecture de ce document est un incontournable, et il est accessible gratuitement en ligne.

Honorables sénateurs, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ne constitue qu’une étape. Cependant, c’est la somme de toutes nos actions individuelles et collectives, de tous les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, qui, une fois mis en œuvre, mèneront à une nouvelle normalité. En suivant cette voie, notre pays continuera de progresser dans la bonne direction. Nous pouvons commencer dès cette semaine en adoptant le projet de loi C-5.

Ce projet de loi permet directement la mise en œuvre de l’appel à l’action no 80 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande au Canada d’établir comme jour férié une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leur famille et leur collectivité et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation. On a retenu la date du 30 septembre, afin de profiter de l’élan de la Journée du chandail orange.

L’instauration de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est primordiale en elle-même, puisqu’elle constitue une reconnaissance officielle et publique de ce qu’ont subi les survivants, leur famille et leur communauté. Un pan immense de l’histoire de ce pays a été caché. Cela a créé une profonde division entre les Autochtones et les non-Autochtones. Il faut y remédier. Le nouveau jour férié marquera le début d’un nouveau chapitre — un chapitre où nous marcherons tous ensemble, côte à côte, pour guérir et rétablir les relations brisées par le système des pensionnats autochtones et d’autres politiques et pratiques.

Pour que cela se produise, il faut accroître la sensibilisation et la compréhension du public à l’égard de l’histoire des pensionnats autochtones, y compris les séquelles immédiates et intergénérationnelles sur les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation servira à commémorer les générations passées et à éduquer les générations à venir. Le parcours qui nous a amenés jusqu’ici commence avec les survivants qui se sont battus — et qui continuent de le faire — pour que l’histoire et les séquelles du système de pensionnats autochtones ne soient jamais oubliées, ni reproduites.

La plupart d’entre nous ne peuvent pas comprendre l’ampleur des abus et des traumatismes vécus par les survivants, ni la force dont certains d’entre eux ont dû faire preuve pour prendre la parole afin de les dénoncer et de les revivre par le fait même. Sans les efforts courageux et continus des survivants, le traitement honteux des Autochtones n’aurait jamais été dévoilé au public.

Ce jour férié est nécessaire, car les survivants ne seront pas présents éternellement pour se rassembler et partager leurs histoires. On estime qu’il ne reste que 80 000 survivants aujourd’hui, et ce nombre baisse chaque année.

À l’instar du jour du Souvenir, ce nouveau jour férié permet de prendre le temps de réfléchir et de rendre hommage à toutes les personnes dont la vie a été fauchée ou touchée par les pensionnats autochtones. En novembre dernier, Norman Yakeleya, chef national des Dénés, qui vient des Territoires du Nord-Ouest et est lui-même un survivant de ces établissements, a dit ceci au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes :

Tout comme nous célébrons le 11 novembre, quand nous mettons toutes nos différences de côté pour rendre hommage aux personnes qui ont combattu pour nous, qui nous ont donné cette liberté au prix de leur vie, nous faisons cela avec les pensionnats. Nos parents ont cédé leurs enfants aux écoles et aux églises, ils ont fait des sacrifices, et les conséquences ont été dévastatrices, mais nous sommes un peuple magnanime et nous voulons que le peuple canadien comprenne que c’est vraiment ce qui est arrivé aux Autochtones.

Monsieur le Président, Marie Wilson, l’une des trois commissaires de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, a comparu devant le même comité durant l’étude du projet de loi C-369 présenté par l’ancienne députée néo-démocrate Georgina Jolibois. La version précédente de la mesure législative est morte au Feuilleton en 2019, lors de la dissolution de la 42e législature. Mme Wilson a affirmé que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation devrait être une occasion aussi digne et solennelle que le jour du Souvenir. Voici l’explication qu’elle a donnée :

Notre pays comprend pleinement le chagrin d’une mère qui perd son fils ou sa fille à la guerre. Nous déployons de grands efforts pour ramener au pays dans la dignité et avec la tenue d’une cérémonie les gens qui ont péri et pour rendre hommage aux parents oubliés. Chaque année, comme nous l’avons fait récemment, nous choisissons une Mère nationale de la Croix d’argent, qui représente tous les parents endeuillés. Partout au pays, nous soulignons le jour du Souvenir dans toutes nos écoles et autour de monuments dans une cérémonie nationale en l’honneur de tous les anciens combattants, vivants ou morts. Tous ensemble, nous rendons hommage à ceux qui n’ont jamais été retrouvés, avec la Tombe du Soldat inconnu.

Avons-nous déjà fait preuve d’autant de respect à l’égard des enfants qui ont été placés dans les pensionnats, qu’on a aussi perdus dans un contexte approuvé par l’État et où la preuve a été faite que des dommages ont été causés?

Chers collègues, en tant que jour férié fédéral, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation serait comparable au jour du Souvenir, parce qu’elle évoquerait le même esprit de réflexion et de souvenir. Le 30 septembre, nous nous arrêterons pour repenser à l’histoire et aux valeurs canadiennes.

Peut-être que plusieurs d’entre vous l’ignorent, mais pour un élève des pensionnats autochtones, le risque de mourir était de 1 sur 25. En comparaison, le risque de mourir pour un soldat de la Seconde Guerre mondiale était de 1 sur 26. Pensez-y un instant. On parle d’enfants innocents qui ont été enlevés de force à leur famille et à leur communauté avec l’aval de l’État. Ce n’était pas des adultes qui s’étaient portés volontaires pour aller au combat.

On peut comprendre maintenant que ce jour férié ne sera pas une occasion de célébration. Ce sera plutôt une occasion de commémoration publique permanente au moyen de l’éducation.

Le président de la Commission de vérité et réconciliation, notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, a parlé à maintes reprises et à de nombreux auditoires différents du lien entre l’éducation et la réconciliation. Vous vous rappellerez sans doute qu’il a souvent répété « L’éducation nous a mis dans ce pétrin, et l’éducation va nous en sortir. »

L’éducation prend diverses formes, dont l’une est bien sûr l’enseignement formel dans les écoles primaires et secondaires. Les résultats d’un sondage en ligne de la firme Research Co., publiés l’an dernier, révèlent que l’éducation est un fondement de la réconciliation. Le sondage indique que près de la moitié, soit environ 45 %, des répondants ont affirmé n’avoir jamais appris, à l’école primaire ou secondaire, qu’il y avait eu des pensionnats indiens au Canada. Autre résultat tout aussi troublant : le sondage précise que près du tiers des répondants qui avaient entendu parler des pensionnats indiens se rappellent que les enseignants avaient présenté ces établissements sous un jour favorable.

Il va sans dire que le sondage fournit également d’autres données chiffrées dont l’une en particulier m’a frappé parce qu’elle indique que les jeunes générations ouvrent la voie vers la réconciliation. Plus les répondants sont jeunes, plus ils ont parlé des pensionnats indiens à l’école. Je trouve encourageant de constater qu’on parle de plus en plus des pensionnats indiens dans les écoles.

Le chandail orange que les enfants, les jeunes et même de nombreux adultes portent maintenant le 30 septembre pour souligner l’histoire de Phyllis Jack Webstad ainsi que son expérience au pensionnat me permet d’espérer que mes petites-filles vivront un jour dans une nouvelle réalité.

Voici une donnée statistique assez préoccupante : près de 50 % de la population actuelle n’ont jamais entendu parler des pensionnats à l’école.

Les Premières Nations, les Métis et les Inuits ne connaissaient que trop bien les pensionnats. La récente découverte des fosses communes nous a brisé le cœur, mais elle ne nous a pas surpris. Nous savons que ce n’est pas la première fois qu’une telle chose se produit et que ce ne sera pas la dernière. C’est le but de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation : sensibiliser tous les Canadiens, les jeunes comme les vieux, les nouveaux arrivants ainsi que les personnes de tous les horizons et de toutes les cultures.

Nous pouvons célébrer les réalisations des formidables habitants qui ont contribué au Canada, mais on ne connaît qu’un seul côté de la médaille si on ne comprend pas le sombre et terrible héritage des pensionnats. En instaurant un nouveau jour férié, nous donnons aux personnes de tout âge et de toute origine l’occasion de s’arrêter, d’écouter, d’apprendre et de dialoguer. De plus, nous donnons non seulement aux prochaines générations l’occasion de demander pourquoi une telle chose s’est produite, mais aussi de s’engager à ne plus jamais permettre que cela se produise.

Le chemin vers la vérité, la guérison, la justice et la réconciliation doit être fondé sur la volonté d’ouvrir nos esprits et nos cœurs. Nous devons pouvoir tenir compte de réalités qui peuvent être difficiles et malaisantes — comme le fait que certains ont profité, que ce soit directement ou indirectement, du génocide à l’endroit des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Il ne s’agit pas de pointer du doigt ou de blâmer qui que ce soit, mais de comprendre comment l’histoire a façonné le Canada dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Je crois qu’il est important d’aborder ces sujets difficiles et de garder l’esprit ouvert à la possibilité d’améliorer les choses. C’est ensemble que nous pourrons commencer à trouver des façons de nous attaquer aux dommages causés et à les réparer.

Chers collègues, le projet de loi C-5 constitue un pas de plus sur le chemin vers la vérité, la guérison, la justice et la réconciliation. Il vise après tout la réconciliation et l’éducation. Cette journée nous aidera tous à témoigner de notre histoire et à consolider notre détermination à en changer le cours.

Je vous rappelle que nous avons tous, collectivement, le devoir et la responsabilité de veiller à ce qu’on se souvienne des survivants, de leur famille et de leur collectivité, ainsi que de l’histoire et des séquelles des pensionnats autochtones. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation servira chaque année à se rappeler que la vérité, la guérison, la justice et la réconciliation ne sont pas choses que l’on peut simplement cocher sur une liste.

Chers collègues, la désignation d’un jour férié national renvoie à d’autres appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je songe par exemple aux appels à l’action nos 57 et 81.

Comme ce projet de loi a langui à l’autre endroit pendant six mois, j’ai eu amplement le temps de rencontrer des survivants et des organismes et de travailler auprès de survivants. C’était important pour moi de les entendre de vive voix. J’ai appris beaucoup de choses lors de ces rencontres, et j’ai fait part de mes observations aux fonctionnaires compétents, qui se préparent à la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation en septembre prochain.

L’un des principaux sujets dont nous avons discuté est la nécessité de fournir une formation de sensibilisation à l’intention des fonctionnaires, comme le recommande l’appel à l’action no 57. Ce dernier demande à tous les ordres de gouvernement, y compris le gouvernement fédéral, de fournir en priorité une formation sur l’histoire et les séquelles des pensionnats, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les droits ancestraux ou issus de traités, le droit autochtone et les relations entre les Autochtones et la Couronne.

J’ai travaillé dans la fonction publique fédérale pendant plus de deux décennies. Je sais donc que plus les fonctionnaires sont renseignés sur ces sujets, plus ils seront sensibles et réceptifs aux besoins de nos communautés, ce qui donnera lieu à des politiques et des pratiques plus justes et plus équitables. Les gens bien informés font un meilleur travail.

Des efforts sont déjà en cours pour mieux faire connaître et comprendre l’histoire et les enjeux contemporains des Autochtones. En 2017, l’École de la fonction publique du Canada a lancé la Série d’apprentissage sur les questions autochtones. Cette série d’apprentissage porte sur les thèmes de la reconnaissance, du respect, des relations et de la réconciliation. En tout, plus de 80 000 fonctionnaires ont suivi des cours en ligne et en classe et ont participé à des activités spéciales concernant l’histoire des peuples autochtones.

Cette donnée statistique ne reflète que les événements et les séances offertes directement par l’École de la fonction publique du Canada. Nous savons que beaucoup de fonctionnaires ont suivi des formations offertes par leur ministère, parce que le gouvernement fédéral estime que répondre à l’appel à l’action no 57 est une priorité. En fait, ce chiffre est probablement beaucoup plus élevé. Les programmes de perfectionnement professionnel offerts aux adultes dans beaucoup de régions du pays deviennent plus inclusifs, tout comme les programmes des écoles primaires et secondaires. L’éducation est importante et c’est l’éducation qui nous sortira de ce pétrin.

Mentionnons également que, depuis le début de 2021, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada, qui offrent de nombreux services de première ligne aux peuples autochtones, ont instauré la Politique d’apprentissage en matière de compétences culturelles autochtones. Il s’agit d’un petit pas en avant, mais j’ai bon espoir que d’autres gouvernements, ministères et organismes feront de même.

Cela dit, nous ne devrions pas imposer aux autres des normes que nous ne sommes pas prêts à respecter. Selon moi, lorsque l’on est un leader, on a le devoir de donner l’exemple. Les autres suivront.

Lorsque j’ai été nommé sénateur, j’ai été ahuri d’apprendre que le perfectionnement professionnel et la formation visant une meilleure connaissance et compréhension de l’histoire et des enjeux contemporains des peuples autochtones ne sont pas obligatoires pour les parlementaires et leur personnel. Voilà qui est très préoccupant, étant donné notre rôle de législateurs et de surveillants de l’action gouvernementale.

C’est pourquoi, en mars dernier, j’ai encouragé les sénateurs et le personnel de mon caucus, le Groupe progressiste du Sénat, à participer à une formation dirigée de six heures. Les connaissances et les compétences ainsi acquises ont amélioré la portée et la qualité de notre travail. C’est une fierté pour moi.

Par conséquent, je reste convaincu que la participation à des programmes similaires serait utile à l’ensemble des parlementaires et des membres du personnel dans le cadre de leur formation initiale et continue.

Je suis bien conscient que le Sénat en tant qu’institution et le Parlement dans son ensemble ont participé à l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et des politiques qui ont causé du tort à des générations d’Autochtones, y compris le système de pensionnats. Nous avons l’obligation morale et légale de nous pencher sur les préjudices qui ont été causés et de les réparer. Cela dit, pour y arriver, nous devons d’abord nous informer sur ces questions. Nous ferons ainsi la preuve de notre véritable engagement à améliorer les conditions qui touchent les peuples et les communautés autochtones. Honorables collègues, c’est le défi que je vous lance. Je vous prie d’écouter, d’apprendre et de prendre des mesures pour faire progresser le processus de réconciliation.

Nous ne devons pas oublier que les appels à l’action sont venus d’une commission qui a étudié ces questions en profondeur. Ils découlent des voix et des récits autochtones. L’appel à l’action no 80 — établir cette journée nationale — est une façon pour le gouvernement fédéral de faire preuve de leadership en rendant ce passé visible.

L’appel à l’action no 80 fait partie de la section sur la commémoration. C’est aussi le cas de l’appel à l’action no 81, par exemple, qui demande l’installation d’un monument national sur les pensionnats.

Les monuments et les journées nationales de commémoration, symboles puissants s’il en est, signalent les valeurs de la société et constituent un bon pas en avant pour poursuivre toutes nos autres tâches importantes, continuer à apprendre et prendre des mesures concrètes pour redresser les torts commis dans le passé. Nous devons aussi continuer à œuvrer pour une guérison signifiante et travailler très dur, tous les jours, à l’éradication de la discrimination et du racisme systémique omniprésents dans nos collectivités, nos services de soins de santé, nos systèmes d’éducation, nos institutions gouvernementales et partout dans la société.

Je conclurai en disant à quel point je suis heureux que tous les groupes aient serré les rangs pour que l’établissement du jour férié soit une priorité. Il s’agit d’une question non partisane qui mérite notre appui.

Puisque nous étions d’accord dans cette enceinte pour procéder sans examen en comité, j’ai demandé à quelques survivants et organisations travaillant pour les survivants de courtes déclarations que je vous lirai en leurs noms. Voici ce que deux d’entre eux avaient à dire.

D’abord le Centre national pour la vérité et la réconciliation :

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation est le lieu où les vérités des survivants des pensionnats indiens sont honorées et conservées en sécurité pour les générations futures. Ces expériences racontées par des survivants ont une âme et doivent faire partie de la mémoire vivante du Canada.

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation applaudit l’adoption du projet de loi C-5, qui instaurera une journée consacrée à honorer les survivants et leur famille. Durant cette période où tout le pays ressent du chagrin et un sentiment de perte et que de nouvelles vérités sont mises en lumière, on nous rappelle de façon solennelle qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir dans notre quête de réconciliation.

Lila Bruyere, du groupe des survivants du Centre national pour la vérité et la réconciliation, a déclaré :

En tant que survivants, il nous a fallu énormément de force et de courage pour raconter nos expériences douloureuses. Cette journée honore tous les survivants et elle reconnaît leurs vérités. Les générations futures n’auront pas l’occasion d’écouter directement les survivants. Il faut agir maintenant pour favoriser la compréhension et l’empathie chez tous les Canadiens. Nous ne devons jamais permettre que des enfants innocents subissent à nouveau un tel traitement.

Phyllis Webstad, dont j’ai parlé plus tôt, a ajouté :

La société du chandail orange est fière d’appuyer la Journée du chandail orange, célébrée le 30 septembre, qui deviendra une journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation constitue une étape importante et positive menant à la réconciliation du Canada. Nous espérons que tous les Canadiens porteront leur chandail orange ce jour-là.

Pendant des années, les gouvernements ont été complices du système des pensionnats autochtones du Canada.

Aujourd’hui, nous reconnaissons les mesures positives mises en œuvre par le gouvernement fédéral tout en soulignant qu’il reste encore beaucoup à faire.

Avec l’adoption du projet de loi C-5, nous rendons hommage à tous les survivants des pensionnats et à leur famille et nous nous souvenons de ceux qui n’ont pas survécu. Nous n’oublierons jamais les horreurs du système des pensionnats du Canada, comme le montre la découverte des corps de 215 enfants du pensionnat autochtone de Kamloops qui a eu lieu cette semaine. Ces enfants et leurs histoires ne doivent pas être oubliés. « Chaque enfant compte ».

Chers collègues, je l’ai dit et je le répète : cette institution a été complice des torts historiques et soutenus causés aux peuples autochtones. Si nous adoptons le projet de loi C-5 à l’unanimité, nous reconnaîtrons tous officiellement la nécessité d’avancer ensemble, en tant que nation, vers la vérité, la guérison, la justice et la réconciliation.

Je vous exhorte à appuyer l’adoption du projet de loi sans délai. Beaucoup d’entre nous sont impatients de participer à des événements spéciaux et à des cérémonies le 30 septembre prochain pour rendre hommage aux milliers d’enfants qui ont été volés et placés dans des pensionnats.

Je sais que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays s’uniront en ce jour pour rendre hommage aux morts et réaffirmer leur engagement individuel et collectif dans le long processus de réconciliation à venir.

Wela’lin. Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’appui du projet de loi C-5, qui vise à instituer la « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation » et à mettre en œuvre l’appel à l’action no 80 de la Commission de vérité et réconciliation. Je prends également la parole à l’appui de l’appel visant la mise en œuvre entière et immédiate des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que des appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Comme l’a dit la sénatrice McCallum hier, et comme nous l’a rappelé le sénateur Francis aujourd’hui, il est impossible de créer une journée nationale de la vérité et de la réconciliation sans tenir compte de l’incidence de la découverte récente d’une fosse commune sur les lieux d’un ancien pensionnat à Kamloops. Les centaines de messages et d’appels que bon nombre d’entre nous avons reçus de gens qui vivent avec le pire de ce que le Canada a fait subir aux peuples des Premières Nations étaient tout aussi prévisibles qu’évitables.

La colère et la frustration de ces gens découlent d’une prise de conscience qui survient près de six ans après que la Commission de vérité et réconciliation nous a prévenus que trop de gens refusent de croire ce que nous ont raconté dans des témoignages détaillés déchirants les survivants des pensionnats ou d’en tenir compte. La douleur est inimaginable. La colère est justifiée. La seule réaction qui convienne de notre part est l’action. Une série supplémentaire de paroles creuses et de déclarations symboliques risquerait d’envenimer la situation plutôt que de réconforter la population.

Les lois et les politiques canadiennes ont créé les pensionnats, la séparation forcée des familles et des communautés, de même que les contextes d’assimilation et de colonialisme. Les lois et les politiques canadiennes perpétuent également cette cruauté, cette injustice et ce racisme. Le refus de reconnaître les torts causés par le Canada cause encore plus de torts. Nous devons éliminer les écarts relativement au bien-être social et économique, améliorer l’accès aux ressources, aux soins de santé et au logement, et intervenir immédiatement pour lever tous les avis concernant la qualité de l’eau potable au pays.

La fosse commune à Kamloops ne représente que la pointe de l’iceberg. La Commission de vérité et réconciliation a révélé que des milliers d’autres enfants sont morts loin de leur foyer, de leurs proches et de leur culture, dans des pensionnats un peu partout au pays. Aujourd’hui encore, des enfants autochtones sont enlevés et disparaissent. Les institutions portent des noms différents. Tout comme le nom « pensionnat » servait de façade, des pratiques discriminatoires racistes et coloniales se cachent derrière le vocabulaire officiel de l’État que la société légitime, comme le système d’aide à l’enfance, le système judiciaire et le système correctionnel. En continuant d’enlever des enfants aux communautés, on continue de leur infliger une perte ayant les mêmes conséquences dévastatrices qu’avant. Le legs des pensionnats est toujours présent, et il est aggravé par la montée de l’hostilité envers les Autochtones ces dernières années.

Voici un élément essentiel de la réconciliation, selon les commissaires de la Commission de vérité et réconciliation :

[...] réparer le lien de confiance en présentant des excuses, en accordant des réparations [...], et en concrétisant des actions qui témoignent de véritables changements sociétaux.

Les mesures prises pour faire de la réconciliation une priorité ont été jusqu’à présent terriblement insuffisantes.

Le projet de loi C-5 s’inspire du travail des organisateurs communautaires qui nous ont amenés à souligner la Journée du chandail orange. Tous les ans, le 30 septembre, nous nous rappelons une vérité : chaque enfant a de l’importance. Nous rendons hommage aux survivants des pensionnats autochtones et à ceux qui n’y ont pas survécu.

Pour que sa portée ne soit pas que symbolique, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation doit être assortie de plans concrets, dont la mise en œuvre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Le projet de loi C-5 renouvelle l’engagement du Canada à agir au nom des survivants des pensionnats autochtones, de leur famille et de leur communauté.

Le Cercle des survivants du Centre national pour la vérité et la réconciliation souligne que le projet de loi C-5 offre un outil crucial pour rendre hommage aux survivants, dialoguer avec eux, les écouter et apprendre de leur expérience, et pour inscrire la sensibilisation à ces réalités et leur souvenir dans la conscience de tous les Canadiens.

Comme le dit Eddy Charlie, qui a survécu au pensionnat de l’île Kuper :

Si nous cessons de parler de ce qui s’est passé, ce savoir mourra quand mourra le dernier survivant des pensionnats et ce sera comme si les pensionnats n’avaient jamais existé. Je ne veux pas que cette histoire disparaisse. Je veux qu’elle soit répétée, encore et encore, jusqu’à ce que nous ne puissions jamais l’oublier.

Cependant, l’adoption du projet de loi C-5 ne devrait pas être un moment pour débiter des platitudes comme se lancer des fleurs. Dans un pays qui accorde encore tous les privilèges aux hommes blancs riches, une telle réalisation représente seulement un petit pas — ou plutôt un simple hochement de tête — vers la réconciliation. Nous devons suivre la voie tracée par la Commission royale sur les peuples autochtones, la Commission de vérité et réconciliation du Canada et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ainsi que par d’innombrables leaders autochtones, y compris certains de nos collègues. Cette voie comprend la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’entremise du projet de loi C-15, l’affirmation des droits inhérents des peuples autochtones à l’autodétermination et l’établissement un cadre pour la réconciliation et la mise en œuvre des appels à l’action.

L’actuel état d’avancement du dossier des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation est complètement inadéquat. L’Assemblée des Premières Nations tient à jour une fiche d’évaluation des progrès réalisés dans la foulée de la Commission de vérité et réconciliation. Or, cinq ans après la publication du rapport final, le Canada avait réalisé des progrès concrets pour seulement 15 % des appels à l’action. Ces piètres résultats démontrent dans quelle mesure les inégalités et les injustices persistent. Je cite Cindy Blackstock :

Le gouvernement fédéral, qui a un appétit insatiable lorsque vient le temps de chercher des félicitations pour ses mesures inadéquates, ne devrait pas s’attendre à une marque de reconnaissance pour avoir perpétué la discrimination.

Malgré l’appel à l’action no 1 de la Commission de vérité et réconciliation — réduire le nombre d’enfants autochtones pris en charge — et le projet de loi C-92, les politiques actuelles sur la protection des enfants continuent d’avoir comme conséquence qu’on trop grand nombre d’enfants sont retirés de leur famille.

En 2017, plus de la moitié des enfants en famille d’accueil au Canada étaient des Autochtones, alors que seulement 7 % des enfants du pays sont autochtones. Le Canada doit mettre fin à la discrimination qui perdure contre les enfants autochtones et à leur institutionnalisation.

Les enfants autochtones et leur famille reçoivent systématiquement un financement inférieur par habitant des gouvernements canadiens en matière d’éducation, de santé, d’eau potable et d’installations sanitaires. L’insécurité dans les secteurs du logement et de l’alimentation est toujours critique dans de nombreuses réserves et il y a présentement des avis de faire bouillir l’eau sur le territoire de 39 Premières Nations.

Trop d’enfants doivent être pris en charge par l’État, et c’est à cause d’un accès déficient aux ressources plutôt que d’un manque de soins de la part de leur famille et de leur communauté. Parmi les enfants et les adolescents qui se tournent vers la criminalité, la vaste majorité y est arrivée après avoir eu affaire au système d’aide à l’enfance.

Cette tendance à tomber dans la criminalité et à se retrouver en institution fait que les prisons sont de plus en plus perçues comme étant le prolongement du système de pensionnats autochtones. Les rapports de la Commission de vérité et réconciliation et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demandent l’instauration de mesures pour décoloniser les peuples autochtones, les sortir de la criminalité et cesser de les incarcérer. Or, comme nous l’avons vu dans diverses initiatives législatives successives — les projets de loi C-75 et C-83, et maintenant le projet de loi C-22 —, les politiques et les pratiques canadiennes mènent à une croissance de la criminalité et du taux d’incarcération parmi les personnes racisées.

Poser le genou au sol, mettre un drapeau en berne et porter un chandail orange ne sont que des mises en scène dramatiques si ces gestes ne s’accompagnent pas de mesures concrètes comme mettre fin aux avis de faire bouillir l’eau, cesser d’arracher des enfants aux familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et éliminer le racisme et la misogynie qui font que des femmes autochtones disparaissent, se retrouvent en institution ou sont assassinées. Ainsi que nous le rappellent des experts et des militants comme Pam Palmater, des Autochtones sont encore dépossédés de leurs terres, parfois à la pointe du fusil. Mme Palmater nous rappelle que « les pensionnats autochtones ont été créés dans le cadre de la politique [...] du Canada visant à déposséder [les peuples autochtones] de [leurs] terres à tout prix ». Comme l’a indiqué l’assimilateur en chef Duncan Campbell Scott, cette politique était « destinée à trouver la solution finale à notre problème d’Indiens ».

Je poursuis la citation de Mme Palmater :

Nos nations ont énormément souffert du génocide, mais nous sommes encore là pour protéger nos enfants, réclamer justice pour les survivants et défendre nos terres, non seulement pour notre bien, mais pour celui de la planète.

Si le Canada veut un vrai changement, il faudra davantage que des gestes symboliques et des drapeaux en berne.

Dans les dernières années, les jeunes Autochtones ont commencé à énoncer une vérité que nous comprenons depuis longtemps : avancer sur la voie de la justice sera impossible tant que les terres volées ne seront pas rendues.

Voilà qui devrait être une bonne nouvelle, car si plus de terres sont gérées par les Premières Nations, les conditions climatiques seront plus sûres pour tous les Canadiens.

Dans le tout dernier budget, le gouvernement fédéral consacre 18 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années à l’amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones. Alors que nous nous apprêtons à adopter le projet de loi C-5, il est plus que temps de veiller à ce que, dans l’avenir, le Canada s’engage à utiliser ces fonds et à allouer les ressources additionnelles nécessaires pour donner suite à l’ensemble des 94 appels à l’action.

Dans un pays aussi riche que le Canada, rien ne justifie les iniquités racistes qui perdurent. Je songe entre autres aux avis de faire bouillir l’eau, à l’accès inadéquat au logement, à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire ainsi qu’aux générations de personnes arrachées à leur milieu et placées dans des pensionnats dès leur enfance. Nous devons veiller à ce que, à l’avenir, les appels à l’action soient inscrits dans les budgets et dans les dépenses de programmes.

Honorables collègues, unissons nos efforts chaque jour en cet endroit, dans nos collectivités et au pays afin de remédier au legs honteux du colonialisme. Meegwetch, merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Francis, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

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