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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

21 juin 2022


La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême).

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et je l’invite maintenant à nous rejoindre, accompagné de ses fonctionnaires.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable David Lametti et des fonctionnaires de son ministère prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente [ - ]

Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires.

L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada [ - ]

Merci, madame la présidente, de m’avoir invité à comparaître devant vous pour discuter du projet de loi C-28. J’aimerais souligner que je suis accompagné de Carole Morency et de Jay Potter. Comme ce sera la dernière fois que Carole Morency comparaîtra avec moi devant un comité, je saisis l’occasion de la remercier de sa longue carrière et de son intelligence.

M. Lametti [ - ]

Le 13 mai 2022, dans les décisions qu’elle a rendues dans l’affaire Brown et dans l’affaire Sullivan, la Cour suprême du Canada a jugé que l’article 33.1 du Code criminel était inconstitutionnel. Cet article a empêché l’utilisation de la défense de l’intoxication volontaire extrême pour la plupart des infractions violentes, comme les voies de fait et les agressions sexuelles. La Cour suprême l’a jugé inconstitutionnel parce qu’il supprimait la défense d’intoxication extrême dans tous les cas, même lorsque l’accusé ne pouvait pas raisonnablement savoir que sa consommation de substance intoxicante pouvait l’amener à perdre le contrôle de ses actions et à causer des préjudices à autrui.

L’intoxication extrême est un état rare dans lequel une personne n’est pas consciente de ses actions et est incapable de former un niveau d’intention de base pour fonder la responsabilité criminelle. En d’autres termes, le corps fait quelque chose, mais l’esprit n’a pas le contrôle.

La grande majorité des crimes commis par des personnes intoxiquées n’implique pas une intoxication extrême. Autrement dit, l’intoxication extrême ne signifie pas simplement être ivre ou drogué. Le fait d’être ivre ou drogué ne constitue pas une défense pour des actes criminels tels que des agressions sexuelles. C’était la loi avant les décisions de la Cour suprême et cela reste la loi aujourd’hui.

Cela dit, les décisions de la Cour suprême ont laissé un vide dans le droit pénal, car les personnes qui commettent des crimes violents comme des voies de fait graves ou même un homicide involontaire peuvent ne pas être tenues responsables de ces crimes, même lorsqu’elles savaient ou auraient dû savoir que leur consommation de substances intoxicantes pouvait entraîner une violente perte de contrôle.

Ces décisions ont donné lieu à un malentendu important et inquiétant et, parfois, à une désinformation de la part de certains, qui croient qu’il est permis de boire quelques bières et de commettre une agression sexuelle parce que désormais, ils ne peuvent pas être tenus criminellement responsables. Cela démontre une fois de plus la nécessité de réagir rapidement. La loi doit prévoir que les personnes sont tenues pleinement responsables des préjudices qu’elles causent à autrui du fait de leur consommation négligente et volontaire de substances intoxicantes.

Voilà pourquoi nous avons présenté le projet de loi C-28 cinq semaines à peine après la publication des décisions de la Cour suprême. Ce projet de loi propose un nouvel article 33.1, qui respecte les objectifs de protection du public et de reddition de comptes de l’ancien article 33.1, mais qui a été reformulé de façon à tenir compte des préoccupations de la Cour suprême et à veiller à assurer sa conformité par rapport à la Charte. Le nouvel article criminaliserait les individus qui s’intoxiquent par négligence à un tel degré qu’ils causent des préjudices à autrui. La différence essentielle par rapport à l’ancienne loi réside dans le fait que, dans le projet de loi C-28, les individus ne seraient pas tenus criminellement responsables dans les cas où les risques de perte de contrôle violente étaient imprévisibles ou, s’ils étaient prévisibles, que des efforts raisonnables ont été entrepris pour éviter ce genre de préjudice.

Dans tous les cas, les tribunaux devraient déterminer si la perception du risque de l’accusé et toute mesure prise pour l’éviter s’écartait de façon marquée de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. Donc, en ce moment, être dans un état d’intoxication extrême peut donner lieu à une défense, mais si ce projet de loi est adopté, lorsqu’une personne se met de façon négligente dans cet état, il existerait un nouveau moyen de la rendre responsable de tout acte criminel violent qu’elle aurait commis.

En pratique, l’accusé doit d’abord établir qu’il était dans un état d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme en faisant témoigner des experts en plus de répondre à d’autres exigences. La poursuite peut certainement contester l’affirmation que l’accusé était dans un état d’intoxication extrême. De telles affirmations sont souvent rejetées compte tenu des faits.

Si l’état d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme est établi avec le projet de loi C-28, la poursuite également aurait la possibilité de prouver que la consommation de substance intoxicante par l’accusé avant l’acte de violence était une négligence. Le jury ou le tribunal examinerait tous les éléments de preuve à la fin du procès pour déterminer le verdict approprié.

La négligence criminelle est bien connue et est comprise par les juges et les praticiens du droit criminel qui seront en mesure d’appliquer la nouvelle loi en conséquence. Je suis convaincu que le projet de loi C-28 garantira l’imputabilité, protégera les victimes et respectera la Charte. Merci.

Le sénateur Carignan [ - ]

Merci, monsieur le ministre. J’aimerais remercier et féliciter votre fonctionnaire, Mme Carole Morency. Il y a 12 ans que je suis au Sénat et que je la vois témoigner au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, toujours avec beaucoup de précision. C’est vraiment une experte de haut niveau. Je vous souhaite une bonne retraite, madame Morency.

Monsieur le ministre, nous avons reçu, de la part du leader du gouvernement au Sénat, une liste de différentes organisations qui ont été consultées avant le dépôt du projet de loi C-28. Il y en a une trentaine et, parmi ces personnes qui ont été consultées, il y a un professeur de l’Université de Montréal qui s’appelle Hugues Parent. Ce matin, dans un article du journal La Presse, M. Parent fait part de ses craintes au sujet du projet de loi. Or, ce sont les mêmes craintes que nous avions formulées, mon équipe et moi, vendredi. Nous avons envoyé à votre bureau ces éléments que nous avions soulevés également.

Je vous lis certains passages de l’article pour que vous compreniez bien le sens de ma question. Il est indiqué ceci dans l’article :

Le projet de loi définit l’intoxication extrême comme un état « qui rend une personne incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite » — un état appelé « automatisme ».

L’article précise également ce qui suit:

Le problème — et c’est un méchant problème ! —, c’est qu’en limitant l’intoxication extrême à un état s’apparentant à l’automatisme, le gouvernement laisse de côté les intoxications qui ne perturbent pas la conscience de l’individu, mais qui affectent son rapport avec la réalité, comme les psychoses.

Évidemment, une intoxication extrême peut amener différents genres de comportements, et il me semble que l’automatisme se produit dans des cas extrêmement rares. Les experts ont soulevé quatre ou cinq causes survenues dans les dernières années tandis que l’intoxication extrême peut amener des cas d’aliénation mentale et de psychose, ce qui est beaucoup plus fréquent. Il me semble que le projet de loi ouvre la porte très grande en ne couvrant pas ces situations. Vous avez consulté une trentaine d’organismes, mais nous ne savons pas ce qu’ils vous ont dit.

Pouvez-vous me rassurer sur ce point et me dire ce que vous pensez des commentaires du professeur Parent?

M. Lametti [ - ]

Merci pour vos bons mots, sénateur. Ils sont grandement appréciés.

Je veux vous rassurer. Nous sommes en train de répondre aux récentes décisions de la Cour suprême dans les affaires R. c. Sullivan et R. c. Brown. Pour répondre aux inquiétudes du professeur Parent, il y a deux éléments dans ma réponse.

D’abord, la majorité des cas sont déjà couverts. Ce que la Cour suprême a dit dans ces récents arrêts fait référence à des incidents qui se produisent très rarement, comme vous l’avez mentionné. Nous corrigeons la situation en suivant les suggestions de la Cour suprême, mais les autres cas sont déjà couverts par le Code criminel, comme les cas de psychose, par exemple, car il y a déjà des façons de les traiter en droit pénal. Cependant, dans des cas aussi rares où la psychose est couverte par l’article 33.1 du Code criminel, des dispositions ont déjà été incluses dans la loi par la Cour suprême il y a 10 ans dans l’affaire R c. Bouchard-Lebrun. La cour a déjà abordé cette situation et l’on tient pour acquis que ces cas sont déjà couverts dans la grande majorité des cas, ou dans les rares cas où une personne est en état d’automatisme. Donc, la psychose est couverte dans les deux cas.

Le sénateur Carignan [ - ]

Je ne veux pas remettre en cause votre point de vue, mais le professeur Parent, un expert du Code criminel spécialisé dans les moyens de défense au Canada, qui enseigne à la Faculté de droit de l’Université de Montréal — et ils sont peu nombreux dans ce domaine —, semble être en désaccord. Cela ne semble pas le rassurer, et je suis convaincu qu’il connaît l’ensemble de la jurisprudence à cet effet. Ne pensez-vous pas qu’il serait plus prudent de spécifier qu’il est question de l’aliénation mentale plutôt que de l’état d’automatisme?

M. Lametti [ - ]

En tout respect et puisque je connais la réputation du professeur Parent, nous croyons que tout cela est déjà inclus dans la jurisprudence au moyen de décisions de la Cour suprême et que cela pourrait ouvrir la porte à des conséquences inattendues. Nous croyons sincèrement que l’approche la plus prudente est de suivre la voie du projet de loi C-28. Évidemment, en tant que sénateurs, vous avez le pouvoir et le droit d’étudier la question. Je sais que mes collègues de la Chambre des communes vont étudier la question à l’automne. Nous avons besoin d’une étude approfondie pour nous assurer qu’il n’y aura pas de conséquences inattendues.

Le sénateur Carignan [ - ]

Justement, pour pallier ce risque, monsieur le ministre, seriez-vous prêt à vous engager à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ou un autre comité sénatorial, à étudier l’article 33.1 du Code criminel et à entendre des experts et l’ensemble des points de vue à ce sujet cet automne? Le comité pourrait faire des recommandations. Vous comparaissez à titre de témoin aujourd’hui, mais nous n’avons pas entendu d’autres témoins. Il y a une série de personnes et d’organismes qui ont été contactés, mais nous ne connaissons pas leur point de vue. Nous nous trouvons limités, étant donné les circonstances dans lesquelles on nous demande d’adopter ce projet de loi. C’est une méthode assez particulière, vous en conviendrez.

M. Lametti [ - ]

Tout à fait. Je dois être honnête. Il est très important de combler les lacunes évoquées par la Cour suprême. Cependant, vous êtes maîtres de votre travail et je vous invite à étudier la question. Je suis toujours ouvert aux suggestions, surtout lorsqu’il s’agit de questions techniques, comme c’est le cas ici ou dans l’espèce, où il faudrait vraiment étudier la question de façon approfondie.

Selon les témoignages des experts et selon toutes les personnes qui ont été consultées, et aussi grâce à l’encadrement de la Cour suprême, qui nous a donné deux options, nous avons fait un choix avec le projet de loi C-28, et je crois que c’est une bonne option. Cependant, surtout pour des questions d’interprétation, il est préférable de prendre le temps d’étudier ce projet de loi plus en profondeur, ce que je vous invite à faire.

Le sénateur Carignan [ - ]

J’ai compris que, du côté de la Chambre des communes, cette étude fait partie de la motion présentée pour adopter le projet de loi C-28. C’est donc une condition d’adoption?

M. Lametti [ - ]

Oui, c’est le cas, mais vous pouvez faire votre propre étude.

Le sénateur Carignan [ - ]

Je crois qu’il serait sage que nous procédions aussi à une étude.

La sénatrice Jaffer [ - ]

Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici. J’ai les mêmes préoccupations que le sénateur Carignan. Il s’agit d’un sujet important et difficile qu’il faut étudier en profondeur, car l’intoxication extrême peut être causée par de nombreuses choses. Nous devons recueillir des preuves d’experts; pas seulement de nos experts habituels, mais aussi d’experts scientifiques.

J’ai de nombreuses questions, mais ma plus grande inquiétude porte sur ce qui sera considéré comme de la négligence. Comment les procureurs vont-ils démontrer la négligence et la norme de diligence?

Je suis d’accord avec toutes les remarques du sénateur Carignan, mais je souhaite aussi profiter de l’occasion pour vous demander comment ils vont la démontrer. C’est très difficile. La personne ne le sait pas. Par exemple, on peut manger un mets qu’on n’avait jamais mangé auparavant, puis prendre un verre et subir une intoxication extrême. En quoi est-ce faire preuve de négligence? J’ai vraiment de la difficulté avec ce concept.

M. Lametti [ - ]

Merci, sénatrice. Je vais essayer de vous rassurer, dans la mesure du possible.

Premièrement, ces cas sont extrêmement rares. Le but de cette mesure législative est de corriger une lacune qui a été créée par la Cour suprême pour les cas très rares où il ne s’agit pas seulement d’intoxication extrême, mais un état d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme. Tous les autres cas d’intoxication extrême sont déjà couverts par le droit pénal et les principes du droit pénal. Il s’agit d’une défense d’intention générale, et les procureurs, les juges et les intervenants dans le système de droit pénal ont l’habitude de ces normes. Nous cherchons à corriger une petite lacune en tenant compte des conseils que la Cour suprême nous a formulés.

En ce qui concerne la négligence criminelle, c’est une norme bien établie. Le principe de la négligence criminelle est invoqué dans une vaste gamme de motifs de défense. Le critère du caractère raisonnable est de déterminer ce qu’une personne raisonnable ferait ou aurait fait dans les circonstances. Donc, c’est une norme objective. Encore une fois, c’est une norme que les procureurs connaissent, tout comme les juges et les intervenants dans le système pénal.

Il faudra donc se poser la question suivante : la personne s’est‑elle éloignée de cette norme de manière significative en ingérant les substances intoxicantes?

La sénatrice Jaffer [ - ]

Monsieur le ministre, je ne veux pas être impolie, mais je dispose de seulement une minute.

J’aimerais que vous sachiez que c’est précisément ce qui est difficile à concevoir pour moi — déterminer ce que ferait une personne raisonnable dans les circonstances. C’est hors de la norme de ce qu’une personne raisonnable ferait si l’individu en question ne sait même pas que ce qu’il fait n’est pas normal. Si on applique le critère « raisonnable » à la conduite d’un véhicule, on sait qu’il ne faut pas conduire après avoir consommé de l’alcool. Mais si vous avez mangé quelque chose puis que vous buvez quelque chose et que vous vous retrouvez dans un état de dépendance ou d’intoxication extrême, ce genre de situation pose un défi. Le critère de « ce qu’une personne raisonnable ferait » ne convient pas. C’est pourquoi je pense qu’il faudrait mener une étude plus approfondie.

M. Lametti [ - ]

Je crois que la réponse, madame la sénatrice, c’est que la notion de négligence criminelle ou le caractère raisonnable s’applique à l’action d’ingérer des substances intoxicantes. Dans la grande majorité de ce petit pourcentage de cas, si un élément en lien avec le passé de la personne ou le produit ingéré aurait dû lui suggérer que la substance risquait de mener à des comportements violents, la personne sera déclarée coupable de négligence.

Par ailleurs, il y a des situations parfaitement innocentes, par exemple si une personne prend des médicaments d’ordonnance et a une réaction qu’elle n’aurait pas pu prévoir. C’est l’aspect de l’ancienne loi que la cour a déclaré inconstitutionnel. C’est la seule partie que nous excluons ici.

La sénatrice Jaffer [ - ]

J’ai énormément de questions, monsieur le ministre, mais je dois respecter le temps de parole de la sénatrice Miville-Dechêne.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Bonjour, monsieur le ministre, et bienvenue au Sénat. Évidemment, le projet de loi C-28 limite la défense de l’intoxication extrême, comme vous l’avez expliqué, tout en permettant de l’invoquer dans certaines circonstances. Comme vous l’avez déjà constaté, cela inquiète des groupes de femmes, et je pense notamment à l’Association nationale Femmes et Droit qui dit qu’il y a eu un manque de consultations.

Ma question est la suivante : en vertu de projet de loi C-28, si un homme consomme volontairement de l’alcool, possiblement avec d’autres substances intoxicantes, et qu’il commet un crime par la suite, peut-il invoquer la défense de l’intoxication extrême? Autrement dit, ce moyen de défense est-il de nouveau offert à quelqu’un qui se soûle, fume un joint ou des joints et agresse une femme?

M. Lametti [ - ]

Merci, sénatrice, de la question. Comme le sénateur Carignan vient de le souligner, nous avons consulté une trentaine de groupes et la grande majorité d’entre eux ont admis, presque à l’unanimité, que c’était la meilleure voie à suivre étant donné l’encadrement que nous a proposé la Cour suprême.

Il est évident que l’ancien article était inconstitutionnel. Nous avons travaillé à l’intérieur de l’encadrement proposé. Pour répondre à votre question, d’abord, la Cour suprême a souligné que c’est un cas rare, même très rare, et que c’est uniquement la consommation d’alcool qui mène à cet état. C’est un état d’intoxication qui s’apparente à l’automatisme. C’est donc encore plus rare. Les autres cas sont déjà couverts par le droit pénal et la personne sera trouvée coupable dans les autres cas et dans le cas où le comportement d’intoxication était négligent.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Il reste que cette défense revient et demeure possible. En soi, cela est considéré comme n’étant pas banal par des groupes de femmes qui disent que cela aura une influence sur le système de justice, puisque certains vont invoquer la défense de l’intoxication extrême.

M. Lametti [ - ]

En premier lieu, encore une fois, ce sont des cas très rares. En deuxième lieu, cette défense doit être invoquée par l’accusé et il faut que l’accusé démontre avec des preuves et avec l’aide d’experts que c’était un cas d’automatisme, ce qui est déjà rare. En troisième lieu, l’accusé doit démontrer que ses actions n’étaient pas négligentes. Évidemment, ce sera à la Couronne de fournir la preuve que ce n’était pas un état d’automatisme ou que les comportements étaient négligents. Les chances de pouvoir invoquer ce moyen de défense sont très minces, et nous l’avons prévu explicitement. D’autres groupes, comme le Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, ont eu une grande influence sur l’évolution du droit au Canada au cours des 40 dernières années et nous appuient dans nos démarches parce qu’ils ont compris que c’était une réponse modérée, réfléchie et constitutionnelle.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Merci.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Bienvenue au Sénat, M. Lametti.

A-t-on tiré des enseignements d’autres pays dans le monde? Dans quelle mesure la défense d’intoxication extrême assimilable à un automatisme existe-t-elle dans la loi des alliés du G7 ou d’autres pays de l’OCDE? Cette défense est-elle unique au Canada?

M. Lametti [ - ]

Tout d’abord, je vous remercie de votre question. Je suis heureux d’être ici et de vous répondre.

Ce n’est pas unique. Je devrai vous répondre plus tard pour ce qui est de pays en particulier, mais je dirai qu’en général, nous faisons partie de la tradition du droit pénal anglais, mais codifié. Cette défense a été codifiée dans les colonies bien avant de l’être au Royaume-Uni. Nous nous inscrivons dans la tradition générale de la common law. Ainsi la défense existe sous d’autres formes dans d’autres endroits. Il s’agit d’une défense dans le cas d’infractions d’intention générale, qui est l’une des catégories d’infractions en droit pénal qui comprend les voies de fait, l’agression sexuelle et l’homicide involontaire. Il existe un ensemble différent de défenses pour des infractions spécifiques. Elle s’inscrit dans cette tradition générale.

Je pourrais vous fournir une réponse plus précise, mais, généralement, cela relève des juridictions pénales anglaises.

Le sénateur Loffreda [ - ]

Merci.

La sénatrice Cordy [ - ]

Monsieur le ministre, merci d’avoir répondu aussi rapidement aux arrêts R. c. Brown et R. c. Sullivan de la Cour suprême. Je ne suis pas avocate, mais je crois que le projet de loi est extrêmement important pour protéger les victimes. Merci beaucoup.

Dans l’affaire Brown, la Cour suprême a mentionné deux voies législatives que le Parlement pourrait emprunter en matière d’intoxication extrême. Vous proposez d’emprunter l’une de ces voies avec le projet de loi à l’étude. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez décidé de ne pas opter pour une infraction distincte d’intoxication extrême volontaire?

M. Lametti [ - ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est une bonne question et elle me ramène à une discussion que j’ai eue avec mon équipe quelques jours seulement après la décision. Me Morency était là également et elle nous présentait des options.

La Cour suprême nous a donné deux options, comme vous l’avez dit. L’une était de créer une infraction distincte pour l’intoxication criminelle. L’autre, celle que nous avons choisie, consiste à établir une norme de négligence criminelle dans la loi elle-même, tout en accusant tout de même la personne de la même infraction.

Premièrement, nous avons entendu plusieurs groupes, des groupes de défense des femmes en particulier, qui nous ont dit qu’ils voulaient que ce soit la même infraction et qu’elle devait être aussi sérieuse — je ne veux pas dire « stigmatisante » — ou qu’elle soit dans le même ordre d’événements et emploie la même terminologie. La personne sera déclarée coupable d’agression sexuelle, disons, ou d’agression, et la négligence criminelle y sera intégrée.

Deuxièmement, nous espérons que cette mesure aidera réellement à encadrer et à réduire les litiges, parce que ce sont des normes connues. Nous travaillons encore efficacement selon les mêmes paramètres que le projet de loi présenté à l’origine par le ministre Rock il y a une vingtaine d’années.

Si on adoptait une autre norme, et si on créait une infraction distincte, les tribunaux mettraient encore 10 ou 15 ans à établir les paramètres de cette nouvelle disposition. Nous espérons pouvoir éviter cela. Cela aiderait les victimes et, à vrai dire, l’ensemble des intervenants du système de justice pénale. Nous apportons des précisions à des normes connues.

La sénatrice Cordy [ - ]

Je vous remercie infiniment, monsieur le ministre. Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas avocats, pouvez‑vous expliquer brièvement pourquoi les dispositions actuelles de la loi ont pu faire l’objet d’une contestation constitutionnelle, et pourquoi, selon vous, ces nouvelles dispositions législatives pourront résister à d’éventuelles contestations constitutionnelles?

M. Lametti [ - ]

Les dispositions actuelles ont pu faire l’objet d’une contestation constitutionnelle parce qu’il se pourrait qu’une personne soit involontairement dans un état d’ébriété qui l’amène à poser des gestes par automatisme et qu’elle soit déclarée coupable d’une infraction très grave, même si, en quelque sorte, elle n’a « rien fait de mal ». Ce pourrait être le cas, par exemple, d’une personne qui a pris un ensemble de médicaments d’ordonnance pour la première fois sans savoir comment son organisme allait réagir.

C’est très différent d’une situation où une personne sait avoir déjà agi d’une certaine façon lorsqu’elle se trouvait dans cet état. Par exemple, elle a déjà mélangé toutes sortes de substances, ce qui a mené à un résultat violent qui n’a peut-être pas entraîné d’infraction criminelle. La situation est différente. Le tribunal voulait faire une distinction entre ces cas de figure.

Pour être honnête, c’est de cette façon que nos avocats ont interprété la décision antérieure devant la Cour suprême, qui a répondu que cela ne suffisait pas et qu’il fallait resserrer les choses.

C’est une partie de la réponse à votre question. Je suppose que l’on voulait enlever le cas d’intoxication inoffensive menant à des conséquences tragiques.

Nous croyons que c’est constitutionnel pour cette raison, en partie, mais aussi parce que nous suivons les conseils que la Cour suprême nous a donnés. Nous nous en sommes donc tenus à l’une des deux avenues qu’elle nous a données et, en conséquence, nous croyons que cela résisterait à une contestation constitutionnelle.

La sénatrice Bovey [ - ]

Monsieur le ministre, merci d’être là. Si vous le permettez, j’aimerais poser une question complémentaire à la question posée par la sénatrice Cordy.

De toute évidence, il y a beaucoup à faire pour bâtir la confiance des victimes d’agression sexuelle envers le système de justice pénale. Le projet de loi C-28 y contribuera certainement, mais il ne suffira pas. Quelles autres mesures le gouvernement pourrait-il prendre pour aider les victimes?

M. Lametti [ - ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Elle est importante.

Je dirais que le gouvernement est prêt à en faire beaucoup. Comme vous vous en souviendrez, il y a un peu plus d’un an, nous avons modifié la Loi sur les juges pour améliorer la formation des juges. Bien évidemment, le principe de l’indépendance judiciaire est important pour nous. Nous exigeons toutefois que tous les candidats aux cours supérieures ou fédérales acceptent, en tant que condition préalable à leur nomination à un poste de juge, de suivre une formation portant précisément sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social pour en faire de meilleurs juges et les aider à comprendre les cas.

Nous avons également modifié le Code criminel pour renforcer les dispositions sur les agressions sexuelles afin de les rendre plus justes et, je crois, plus adaptées aux victimes, tout en menant à de bons résultats.

Par ailleurs, le gouvernement investit beaucoup d’argent — je parle d’offrir un accès sans frais à des conseils juridiques sur les cas d’agression sexuelle. Nous travaillons sur des programmes pour réduire la violence entre partenaires intimes, prévenir la violence contre les femmes et soutenir les survivants. Des investissements importants sont faits dans ce dossier. En 2022, nous avons investi près de 540 millions de dollars pour prévenir la violence contre les femmes et soutenir les survivants.

Cette mesure législative est un élément d’une vaste stratégie pour cibler les questions de l’éducation, de la société, des juges et des participants au système judiciaire, mais également pour appuyer les gens qui en ont besoin, en particulier les survivants.

La sénatrice Bovey [ - ]

Merci de votre réponse.

Il est évident que les décisions de la Cour suprême ont attiré l’attention des Canadiens et soulevé de nombreuses questions, en particulier en ce qui concerne les jeunes femmes et les filles.

Vendredi dernier, la ministre Ien a parlé d’une partie de la fausse information qui circule. Vous avez parlé de malentendus qui se sont transformés en mésinformation. Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur la mésinformation que vous avez vue et sur la façon dont ce projet de loi permettra de la contrer.

M. Lametti [ - ]

Merci, sénatrice. J’ai été très ému par ce qu’a dit la ministre Ien durant cette conférence de presse. Je peux dire que ses propos m’ont aussi touché. J’ai trois enfants, dont une fille de 21 ans, qui est ma benjamine. Elle a eu une longue discussion avec sa mère — qui est elle aussi une professeure de droit — sur cette disposition qui découle de la décision de la Cour suprême.

Des erreurs ont été commises. C’est ce qui est arrivé. Des gazouillis et des messages sur des médias sociaux qui laissaient entendre, à tort, que cette décision donnerait aux gens un passe‑droit pour boire, puis aller agresser ou agresser sexuellement d’autres personnes. Bien sûr, ce n’est pas vrai. Cependant, il a été difficile de contrer ces allégations en faisant comprendre à la population que la décision s’applique seulement à un tout petit nombre de cas, ce qui est la vérité. Comme le sénateur Carignan l’a dit il y a un instant, il y a seulement eu une poignée de cas en 20 ans.

Prendre une mesure comme celle-ci nous aide en quelque sorte à remettre le génie dans sa bouteille parce que nous pouvons maintenant dire que nous avons corrigé ce qui clochait, sans toucher ce qui ne posait pas de problème. Nous pouvons clairement soutenir sur les médias sociaux et dans d’autres types de médias que nous avons couvert toute la gamme. Nous pouvons dire aux gens qu’ils n’ont pas de passe-droit ou qu’ils sont protégés, selon le public cible. Cela nous permet de mieux sensibiliser tout le monde.

Je dois, cependant, admettre que c’est franchement effrayant. Nous utilisons cette occasion — en fait, nous nous sommes servis de la conférence de presse avec la ministre Ien — pour laisser savoir aux gens que non seulement nous agissons pour corriger cette lacune, mais aussi que nous estimons qu’être en état d’ébriété ou d’intoxication ne justifie aucunement une agression ou une agression sexuelle.

La sénatrice Bovey [ - ]

Je vous remercie.

Le sénateur White [ - ]

Madame la présidente, par votre entremise, je remercie le ministre d’être présent au Sénat aujourd’hui.

Ce projet de loi est important. Il est tout aussi important de bien faire les choses. Je comprends que selon les dires du gouvernement, les consultations étaient terminées lorsque le projet de loi a été présenté à l’autre endroit. Je ne sais pas à quelles dates ces consultations ont été menées. Je souligne également que l’Association nationale Femmes et Droit était inscrite comme participante à ces consultations. Toutefois, l’association m’a dit que les réunions ont eu lieu quelques jours seulement avant le dépôt du projet de loi. L’association se dit préoccupée par ce processus de consultation.

Avant que vous me répondiez, je voudrais vous dire que je dois me rendre à un comité alors ma question sera brève. Pouvez-vous nous expliquer comment ce calendrier serré peut permettre de mener une consultation sérieuse? Pouvez-vous nous dire quand ces consultations ont eu lieu et si elles ont débouché sur des modifications de la version initiale du projet de loi?

M. Lametti [ - ]

Merci, sénateur. C’est une bonne question. Nous avons effectué les consultations que nous avons pu dans le temps que nous avons eu depuis que la Cour suprême a rendu sa décision. Nous avons consulté. En fait, mon équipe ne s’est pratiquement consacrée à rien d’autre. Certaines personnes s’emploient uniquement à communiquer avec des organismes pour connaître leur opinion. Comme je l’ai dit, la vaste majorité des organismes consultés, y compris ceux qui défendent l’intérêt des femmes, appuient cette approche. Ils avaient lu la décision de la Cour suprême et avaient pris connaissance des deux solutions proposées.

Je regarde les fonctionnaires du ministère de la Justice avec un sourire parce que cette décision ne nous a pas vraiment pris au dépourvu. En fait, certains de mes anciens collègues de l’Université McGill, dont Patrick Healy, qui est maintenant juge, enseignent depuis 20 ans que l’article 33.1, dans sa forme initiale, était inconstitutionnel compte tenu de l’arrêt Daviault initial. Ainsi, nous avions une petite idée qu’il faudrait intervenir à cet égard à un moment donné, donc beaucoup de travail préliminaire avait déjà été fait.

Nous avons pris les consultations au sérieux. Nous estimons avoir choisi la meilleure approche compte tenu du cadre que nous a fourni la Cour suprême dans ces décisions récentes.

Le sénateur White [ - ]

Merci, madame la présidente. Je cède le reste de mon temps de parole au sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson [ - ]

Madame la présidente, par votre entremise, je voudrais poser une question au ministre. J’ai remarqué que, malgré le fait que le gouvernement libéral a foncé à toute vapeur, si je puis dire, pour faire adopter une motion de consentement unanime pour l’adoption du projet de loi à toutes les étapes à l’autre endroit sans avoir reçu de témoins, vous avez également dit être en faveur du renvoi de la question au Comité de la justice à l’automne. Cela m’indique qu’il y a un problème et qu’on veut éviter, comme vous l’avez dit, les conséquences imprévues. Il y aurait donc un problème et les inquiétudes soulevées seraient fondées.

Ma question est la suivante : pourquoi adoptons-nous ce projet de loi à toute vitesse sans attendre le rapport du comité? Je sais que vous avez dit que personne ne veut être tenu responsable d’acquittements qui découleraient du fait que ce projet de loi n’a pas été adopté, mais qu’en est-il de la responsabilité relative à des acquittements qui découleraient du fait que le projet de loi a été bâclé et qu’il risque de comporter des lacunes?

M. Lametti [ - ]

Merci, monsieur le sénateur. En tout respect, je ne suis pas d’accord avec vous sur le fond; je crois qu’il s’agit de la meilleure solution. Je ne crois pas que... permettez-moi de reformuler. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’attendre. Vous avez possiblement vu quelle a été la réaction à la décision de la Cour suprême. Je pense qu’elle a été la même partout au Canada. Les groupes de femmes, les experts en droit pénal et d’autres groupes de victimes et de survivants ont déclaré : « Vous devez agir rapidement. »

« Le ministre Rock a agi rapidement la dernière fois; vous devez agir rapidement cette fois-ci. » C’est ce que nous avons fait. Franchement, nous pensons avoir trouvé un juste équilibre. Nous nous servons des études menées à l’autre endroit — si vous décidez d’en faire une au Sénat, elle nécessitera un compromis politique — pour nous rassurer que d’autres questions ont été soulevées, comme celle des conditions qui s’apparentent à ce que nous qualifions autrefois de folie ou de psychose toxique, et qu’elles nous ont permis de trouver la bonne solution.

Si j’ai bien compris la situation sur le plan juridique, je pense que nous avons effectivement trouvé la bonne solution. La Cour suprême s’est déjà prononcée sur ce sujet il y a 10 ans dans l’affaire Bouchard-Lebrun et nous pouvons aller de l’avant sans problème. Par ailleurs, je ne pense pas que nous devrions laisser les choses telles quelles. Comme l’a souligné la ministre Ien, il y a des messages contradictoires qui circulent, surtout chez les jeunes dans les médias sociaux, selon lesquels cette décision accorde une sorte de passe-droit. Nous devons corriger cela. Nous devons combler cette lacune. C’est ce que tous les groupes de survivants et tous les grands experts nous recommandent de faire et c’est ce que la Cour suprême nous a recommandé de faire.

Le sénateur Patterson [ - ]

Voici une question d’un avocat à un autre. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, il y a une exigence voulant qu’une personne doive pouvoir raisonnablement prévoir que l’intoxication extrême causerait un préjudice à une autre personne. Selon plusieurs avocats, notamment de l’Association nationale Femmes et Droit et selon Ken Roach, un autre nom sur votre liste de consultation, sans qu’il comporte un élément voulant qu’on puisse prévoir raisonnablement la perte du contrôle, le projet de loi créerait malheureusement une échappatoire, soit l’impossibilité de prouver les éléments essentiels d’un crime, le mens rea ou même l’actus reus du défendeur. Ce fardeau de la preuve est-il trop élevé pour que la Couronne puisse prouver qu’une personne aurait pu prévoir le risque de façon objective?

M. Lametti [ - ]

Je ne le pense pas, sauf votre respect. Il est intéressant de constater que nous ne sommes pas loin de ce que le professeur Roach avait suggéré lors de nos consultations avec lui, et il est un expert de premier plan.

Nous ne pensons pas qu’il s’agit d’une norme trop élevée. Nous pensons que ces normes sont bien connues. La norme concernant la négligence criminelle est une norme que nous utilisons dans d’autres domaines du droit pénal, tout comme la prévisibilité raisonnable. Là encore, il s’agit d’une norme objective de prévisibilité raisonnable. C’est ce qu’une grande partie de la société devrait savoir. C’est une chose à laquelle les procureurs sont habitués. C’est une chose à laquelle la police est habituée pour ce qui est du dépôt d’accusations, et c’est une chose que les juges ont l’habitude de traiter.

Nous ne pensons pas que la norme est trop élevée. C’est à l’accusé de prouver d’emblée un état d’automatisme. Déjà, cela enlève une bonne partie du fardeau du côté de la poursuite. Je pense, très franchement, que nous travaillons avec une disposition qui n’est pas nouvelle. Il s’agit d’une modification à l’article 33.1; nous le remplaçons, mais il y a une disposition qui existait auparavant. Je pense donc qu’en ce qui a trait à l’évolution, nous travaillons avec des normes connues et nous atteindrons un bon équilibre.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci.

M. Lametti [ - ]

Merci.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Monsieur Lametti, je vous félicite d’avoir réagi en seulement cinq semaines dans le dossier de la défense de l’intoxication avec le projet de loi C-28.

Par contre, je vous ferai remarquer que les tribunaux avaient accordé au gouvernement 12 mois pour régulariser la fouille des appareils électroniques par les douaniers. Vous en avez pris 18. Maintenant, vous nous dites que vous avez réussi à consulter une trentaine d’organisations depuis la décision de la Cour suprême. Ce que j’aimerais savoir est fort simple : pourquoi cette différence dans le temps de réaction? Cela me porte à croire que, parfois, le gouvernement peut agir plus rapidement dans certains dossiers que dans d’autres. Y a-t-il des priorités qui pourraient être plus politiques que juridiques?

M. Lametti [ - ]

Les circonstances étaient différentes, surtout en raison des décisions de la Cour suprême. Dans l’autre cas, on nous a accordé 12 mois. Dans ce cas-ci, la cour a « cassé » la loi existante et a rendu un article du droit criminel inconstitutionnel. Il fallait donc réagir rapidement, et c’est ce que nous avons fait.

Évidemment, comme je viens de le dire, c’était un problème que je ne qualifierai pas de connu, mais de prévisible. Certains experts ont dit dès le début que l’ancien article 33.1 était inconstitutionnel. Il y avait donc déjà du travail qui avait été fait.

Les groupes qui ont réagi à la suite de la décision étaient évidemment très ouverts à nos consultations. Nous avons donc pu procéder d’une façon très efficace en raison de ces circonstances.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Tout de même, votre gouvernement a pris 18 mois dans le cas des appareils numériques alors que la cour avait accordé 12 mois. Il y a donc eu six mois de plus.

M. Lametti [ - ]

Je peux vous dire que l’autre cas était assez complexe. Dans ce cas-ci, on pouvait se concentrer sur un seul article du droit pénal, du Code criminel. Donc, c’était une enquête beaucoup plus encadrée.

Le sénateur Dagenais [ - ]

Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Bienvenue, monsieur le ministre. D’abord, comme mes autres collègues, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle vous avez réagi à la décision de la Cour suprême.

Monsieur le ministre, je comprends par contre que ce que vous nous proposez ne répond pas entièrement à la décision et aux recommandations de la Cour suprême.

Au cours des deux dernières années, 333 femmes ont été assassinées au Canada. Cela représente une augmentation de 30 % depuis trois ans. On sait que la composante la plus fréquente dans la violence conjugale est l’intoxication. Beaucoup de groupes de femmes ont clairement dit que cette décision de la Cour suprême rendra encore plus vulnérables les femmes qui vivent de la violence conjugale, et qui n’osent pas dénoncer leur agresseur de peur de perdre la vie.

J’ai lu attentivement votre projet de loi et j’ai tenté de trouver ce qui allait mieux protéger les femmes d’agresseurs intoxiqués. Je n’ai rien vu qui traitait de la prévention et de la protection des victimes. À moins que j’aie mal lu, pouvez-vous m’indiquer les dispositions qui traitent de la protection des victimes dans le projet de loi?

M. Lametti [ - ]

Merci, honorable sénateur. J’apprécie toujours votre collaboration.

Avec ce projet de loi, on répond uniquement à une lacune qui a été créée par une décision de la Cour suprême qui a rendu un seul article inconstitutionnel. La réponse est vraiment axée sur un seul article encadré par l’analyse de la Cour suprême. Oui, le projet de loi aide à protéger — il faut l’admettre, les femmes représentent la majorité des victimes dans ce cas. Nous faisons d’autres choses aussi, monsieur le sénateur.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Vous êtes d’accord pour dire que la Cour suprême a utilisé deux expressions pour décrire la violence conjugale : « urgence » et « problème réel ».

M. Lametti [ - ]

Oui.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Si le problème urgent était celui de mieux protéger les femmes, pourquoi ne pas avoir attendu à l’automne prochain pour présenter ce projet de loi? Selon moi, l’urgence est de protéger les femmes. Il y aura peut-être quatre cas d’intoxication extrême d’ici l’automne prochain, alors que 20 femmes pourraient être assassinées au Canada pendant cette même période. Selon vous, n’aurait-il pas fallu attendre à l’automne pour demander au Comité des affaires juridiques d’étudier la problématique de la violence conjugale et de l’auto-intoxication, afin d’arriver avec un projet de loi solide qui ferait en sorte de définir davantage l’auto-intoxication et de mieux protéger les femmes? Ce projet de loi ne change en rien la vulnérabilité des femmes, et c’est ce que la Cour suprême nous a demandé de modifier.

M. Lametti [ - ]

Nous sommes en train de prendre plusieurs mesures justement pour régler le problème de la violence conjugale.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Est-ce que vous allez adopter le bracelet électronique comme l’a fait le Québec?

M. Lametti [ - ]

D’abord, nous venons d’adopter un projet de loi d’intérêt privé qui s’inscrit dans les mêmes paramètres. Nous sommes en train d’appuyer les provinces en ce sens, et c’est d’ailleurs une préoccupation qui apparaît dans ma lettre de mandat.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Allez-vous obliger...

M. Lametti [ - ]

Puis-je terminer ma réponse? Il y a des mesures en place; il y a aussi un projet de loi, monsieur le sénateur, concernant les armes à feu et les armes de poing, qui contient également des mesures visant à mieux répondre aux drapeaux rouges et aux drapeaux jaunes dans les cas de violence conjugale.

Nous sommes en train d’appuyer les programmes — soit les nôtres, soit ceux que nous avons créés avec les provinces — pour combattre la violence conjugale. Nous prenons donc plusieurs mesures. Évidemment, il y a le droit pénal, et si vous voulez faire une étude là-dessus, vous êtes les bienvenus.

Ce que nous avons essayé de faire dans ce projet de loi, c’est de combler une lacune, et c’est ce que nous avons fait. Évidemment, il y a d’autres mesures que nous sommes en train de prendre pour combattre ce fléau.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Vous savez, monsieur le ministre, que nous sommes devant un procès où des experts vont se battre et argumenter, comme dans le cas des problèmes de santé mentale, où il y a souvent deux experts qui s’affrontent : l’un dit qu’il y a un problème de non-responsabilité criminelle et l’autre dit que l’inculpé est responsable. On vient d’ouvrir la porte à ce genre de débat entre experts. Vous savez que, dans le Code criminel, le fardeau de la preuve appartient à la Couronne, alors que la défense n’a qu’à présenter une preuve prépondérante.

Comment les victimes pourront-elles être gagnantes avec ce projet de loi, alors que la défense n’aura qu’à émettre un doute raisonnable? La Couronne devra faire la preuve hors de tout doute raisonnable, et l’on sait que l’intoxication volontaire est ce qui est le plus difficile à faire reconnaître comme preuve.

M. Lametti [ - ]

Sauf votre respect, cela ne changera rien dans la grande majorité des cas d’intoxication volontaire. Il y a déjà des règles en place. Ce qu’on fait ici concerne les cas d’intoxication volontaire extrême qui s’apparentent à un état d’automatisme; ces cas sont très rares. En l’espèce, c’est à l’accusé de fournir la preuve d’un tel état en première instance. Donc, on assure une protection beaucoup plus élevée pour la victime.

Nous croyons que, dans le cas qui nous occupe, nous avons bien fait. Comme je viens de l’expliquer au sénateur Carignan, il y a une question au sujet de la psychose toxique, mais la Cour suprême, selon nous, a déjà réglé la question. Je crois que, après mûre réflexion, d’autres en arriveront à la même conclusion.

Par conséquent, nous n’ouvrons pas des portes, nous en fermons.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Monsieur le ministre, j’ai consulté les groupes que votre ministère a consultés. Je pense notamment à Luke’s Place, à l’Association nationale Femmes et Droit et à Hébergement femmes Canada. Ces groupes m’ont dit que la consultation avait été précipitée et que le projet de loi n’allait pas assez loin en matière de protection des femmes vulnérables. Que répondez-vous à cela?

M. Lametti [ - ]

Nous avons fait toutes les consultations possibles durant le temps qui nous était imparti. En ce qui concerne les autres questions, on n’essaie pas de tout régler, on fait autre chose. Ici, on essaie de répondre à la Cour suprême dans un cas assez précis. Donc, oui, on voudrait éliminer la violence conjugale. Évidemment, on veut mieux protéger les victimes, et nous sommes en train de le faire dans d’autres cas, comme avec le projet de loi C-21, comme vous le savez déjà, qui traite des armes de poing.

Nous allons poursuivre nos efforts. Dans ce cas-ci, le but était de trouver un accord dès que possible, parce que c’était très important. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ouverts à l’idée de présenter d’autres projets de loi. Nous allons travailler avec l’Association nationale Femmes et Droit, Luke’s Place et d’autres organisations pour trouver des solutions.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

J’ai une dernière question, monsieur le ministre. Pourquoi n’avez-vous pas utilisé l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés du Canada, et pourquoi ne pas avoir attendu à l’automne pour présenter un projet de loi global en matière de sécurité des femmes? Je le répète, dans le cas des crimes commis sous intoxication volontaire, les principales victimes sont des femmes. Pourquoi ne pas avoir utilisé l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés et ne pas avoir déposé un projet de loi l’automne prochain, qui aurait englobé tout le thème de la violence conjugale et de l’intoxication volontaire, ce qui aurait permis d’atteindre les objectifs des groupes consultés?

M. Lametti [ - ]

L’intoxication volontaire est déjà un crime, ce n’est pas une défense. Comme je viens de le répéter devant vous aujourd’hui, l’intoxication volontaire n’est pas une défense.

Donc, il y avait une lacune et c’était important de fermer la porte tout de suite et de corriger le tir.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Ce n’était pas ma question.

M. Lametti [ - ]

Pour présenter un tel projet de loi, il faut tout d’abord identifier toutes les lacunes; c’est un projet de loi qui prendra des années.

Le sénateur Boisvenu [ - ]

Pourquoi ne pas avoir utilisé une disposition de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés, qui suspend temporairement la décision de la Cour suprême, et ne pas avoir déposé à l’automne un projet de loi qui répondrait aux organismes que j’ai moi-même consultés, qui disent que le projet de loi a été rédigé trop vite, qu’il ne va pas assez loin et que la situation des femmes est encore plus fragile qu’elle ne l’était avant la décision de la Cour suprême?

La présidente [ - ]

Nous devons passer au prochain groupe.

La sénatrice Simons [ - ]

Monsieur le ministre, je crains que nous nous retrouvions pris dans une boucle logique ex post facto, car une personne qui consomme une substance intoxicante de manière irresponsable n’est pas coupable de l’avoir fait tant qu’elle n’a pas commis d’acte de violence.

Je m’inquiète du prédicat. Je pense aux affaires R. c. Brown, R. c. Sullivan et R. c. Chan, et je crois que dans tous les cas, il serait difficile de dire qu’ils auraient raisonnablement pu prédire les conséquences de leurs gestes.

M. Sullivan essayait de se suicider en prenant du Wellbutrin, un médicament sur ordonnance. Ça l’a plongé dans un état psychotique qui l’a poussé à poignarder et blesser sa mère. M. Chan, une vedette du rugby ayant été blessé à la tête, a consommé des champignons magiques qui l’ont plongé lui aussi dans un état psychotique qui l’a incité à poignarder et tuer son père. M. Brown, lui, était capitaine de son équipe de hockey. Il a lui aussi consommé des champignons magiques. Ensuite, sans trop savoir comment, il a déchiré tous ses vêtements et attaqué une inconnue avec un manche à balai.

Dans tous ces cas, j’aurais du mal à déterminer où il y a eu négligence et comment n’importe lequel de ces hommes aurait pu prévoir objectivement le risque associé à la consommation de la substance qu’ils ont prise et des gestes qu’ils ont commis par la suite.

M. Lametti [ - ]

Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je dirais qu’il faut voir les choses à l’inverse. Il ne s’agit pas d’une logique ex post facto. À mon avis, avec tout le respect que je vous dois, vous avez inversé l’analyse.

Selon l’analyse, une personne est responsable de ses actions dans tous les cas quand elle devient intoxiquée et qu’elle commet des infractions d’intention générale, sauf dans les rares cas où elle devient intoxiquée d’une manière non attribuable à la négligence.

Vous m’excuserez de ne pas commenter les cas précis que vous avez mentionnés. Je crois que l’affaire Chan a été renvoyée à la Cour supérieure de l’Ontario, alors je ne me prononcerai pas sur ces affaires. Par contre, je vous dirais qu’une personne pourrait être innocentée dans les cas où, justement, elle devient intoxiquée de manière non attribuable à la négligence, mais uniquement dans ce cas.

Sinon, le cas relève du droit pénal où il est reconnu qu’une personne est responsable de ses actes, y compris les comportements violents, quand elle devient intoxiquée. Dans ce cas-là, ce sera aussi vrai même si vous atteignez un état d’automatisme parce que nous avons reconnu comme criminelle la négligence qui mène à un état d’automatisme. Dans d’autres contextes, vous n’avez pas besoin de vous rendre jusqu’à cet état, mais vous êtes encore responsable.

La sénatrice Simons [ - ]

La question essentielle, je crois, est la suivante. Est-ce qu’une personne est considérée comme négligente simplement parce qu’elle a employé un produit pharmaceutique d’une façon non conforme à l’étiquette ou qu’elle a consommé une drogue qui ne crée pas, chez ses amis, un état d’agitation extrême ou d’automatisme?

Autrement dit, à quel niveau se situe la négligence? Allons-nous dire que toute personne qui prend une drogue illégale est responsable parce qu’elle a posé un geste illégal lorsqu’elle a consommé cette drogue illégale? Ou est-elle censée pouvoir prévoir qu’elle sera particulièrement vulnérable à une substance, alors qu’elle ne le sait peut-être pas à l’avance?

M. Lametti [ - ]

Chaque cas sera tranché en fonction du contexte qui lui est propre. Mon point de vue correspond davantage à votre dernier scénario, c’est-à-dire qu’un élément spécial doit être présent pour que la personne soit disculpée. Cela dit, il existe une vaste jurisprudence en matière de négligence criminelle, ainsi qu’une vaste jurisprudence en matière d’intoxication et de négligence criminelle. Nous l’utilisons déjà dans d’autres contextes, par exemple dans les affaires de conduite en état d’ébriété. Comme je l’ai dit, ces normes sont bien connues des policiers, des procureurs et des juges. Je crois qu’il s’agit d’une norme réaliste. La Cour suprême l’a d’ailleurs suggérée dans les arrêts Sullivan, Chan et Brown.

Le sénateur Cotter [ - ]

Je vais essayer d’être bref, ministre Lametti. Il s’agit d’une conversation qui, dans une vie antérieure, aurait pu être théorique, mais qui est fichument sérieuse ici.

Je voudrais revenir sur le point soulevé par la sénatrice Simons. Le libellé du projet de loi nécessite une mesure objective de la négligence criminelle impliquée dans l’ingestion d’une substance susceptible de causer non seulement une intoxication extrême, mais aussi des préjudices à une autre personne. D’après ce que je comprends des propos de la sénatrice Simons, c’est que dans les affaires dont la Cour suprême a été saisie — je ne vous demande pas de les juger — il s’agissait de premières fois pour les personnes en cause et personne, y compris un juge, ne pouvait dire objectivement qu’elles auraient pu prévoir que la consommation de toutes ces substances conduirait non seulement à une intoxication extrême, mais aussi à un risque de préjudice pour les personnes lésées. On ne pourrait prévoir cela que si quelqu’un, ayant pris ces drogues auparavant, a réellement vécu ces expériences et a choisi de les répéter.

Monsieur le ministre Lametti, ce qui m’inquiète ici, c’est que la proposition, aussi sincère soit-elle, ratera la cible et que presque personne ne pourra être condamné en vertu de la disposition.

M. Lametti [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur. Vous me ramenez à l’époque où je pouvais vous appeler Brent et Paula, mais voilà où nous en sommes.

Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation ou la critique que vous avez présentées, dans le sens où il y a une jurisprudence connue en ce qui a trait à la négligence criminelle, et il y a un ensemble de connaissances scientifiques connu en ce qui concerne les drogues et les effets potentiels de certaines drogues — on sait qu’elles risquent d’avoir tel ou tel effet en fonction de ce qu’elles ont fait à d’autres. Ensuite, il y a l’expérience de la personne qui serait aussi prise en considération dans l’analyse contextuelle pour déterminer si la personne s’est écartée de façon marquée de la norme raisonnable et a atteint le niveau de la négligence criminelle. Je le répète, il s’agit, à mon avis, d’une série de normes connues. Je crois que ce sont des normes pratiques étant donné qu’elles sont utilisées dans d’autres questions de droit pénal et compte tenu de l’état des connaissances médicales.

C’est aussi, comme je l’ai déjà mentionné à plusieurs reprises cet après-midi, une norme qui a été suggérée par la Cour suprême, sous la plume du juge Kasirer, qui a déjà enseigné le droit pénal dans le passé.

Je suis convaincu que nous avons fait un bon compromis. Je comprends la critique, mais elle ne me convainc pas.

Le sénateur Cotter [ - ]

Je conviens du fait que cela répond à la norme constitutionnelle. Il me semble que c’est le cas. Je crois juste que nous n’arriverons pas à obtenir de condamnations. Merci.

Merci, monsieur le ministre. Je tiens à préciser que ce n’est pas la première fois que je travaille avec Me Morency. Je pense que nous nous sommes penchées sur cette même question, il y a environ 20 ans, à la suite de l’affaire Daviault. Vous pouvez m’appeler Kim.

J’aimerais revenir sur les deux questions précédentes. Comme vous le savez, les circonstances entourant l’état d’ébriété varient selon la personne qui se trouve dans cet état. Comme l’a indiqué le sénateur Cotter, la seule personne qui sait vraiment si elle est en état d’ébriété, c’est la personne dont les facultés seraient affaiblies.

Même Sean Fagan, l’un des avocats de la défense dans l’affaire instruite par la Cour suprême du Canada, aurait dit que les dispositions législatives seraient complètement inefficaces en raison du fardeau de la preuve qui incombe aux procureurs. Je me demande comment, selon vous, la Couronne sera en mesure de démontrer, hors de tout doute raisonnable, qu’une personne raisonnable dans les circonstances de l’accusé aurait pu prévoir les effets d’un état d’ébriété extrême ainsi que les risques de préjudices qui en découlent, compte tenu du fardeau de la preuve qui incombe maintenant à la Couronne.

Par ailleurs, avez-vous pris en considération les options que certains groupes de défense des femmes ont proposées? Comme d’autres l’ont indiqué, des avocats et des groupes de défense des femmes ont joint bon nombre d’entre nous pour nous faire part de leurs préoccupations à ce sujet. Malheureusement, elles ont dit craindre qu’on donne seulement l’impression de chercher à protéger les femmes, sans toutefois prendre de véritables mesures en ce sens.

M. Lametti [ - ]

Merci, madame la sénatrice. Permettez-moi de commencer par dire que nous avons consulté un large éventail de groupes, comme des groupes de femmes et des groupes de victimes, et que c’est ainsi que la plupart des groupes ont affirmé qu’il fallait procéder dorénavant. Je ne pense donc pas que l’on croit vraiment que nous cherchions à protéger. Personne ne devrait douter de notre sincérité à cet égard. Je crois que nous avons fait de notre mieux.

D’une certaine manière, un fardeau initial pèse sur l’accusé, qui doit démontrer avoir atteint un état d’intoxication extrême menant à l’automatisme. L’accusé doit en faire la preuve, puis la Couronne passe à l’attaque en affirmant qu’un tel état n’existait pas ou que la personne a fait preuve de négligence criminelle en parvenant à cet état.

En ce qui concerne la négligence criminelle, il existe suffisamment d’indices objectifs à propos des effets des drogues qu’à mon avis, un tribunal affirmerait qu’une personne raisonnable aurait dû savoir que cela pouvait arriver. Ensuite, s’il existe des circonstances ou des conditions particulières dans le passé de la personne, comme un historique de blessures à la tête ou quelque chose du genre, pouvant mener à cet état, encore là, il existe suffisamment de preuves objectives.

Je crois que cette norme est applicable.

La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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