Le Code criminel—La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat
3 novembre 2022
Propose que le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole pour lancer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5, qui propose des modifications importantes au Code criminel et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Je tiens tout d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour leur étude réfléchie et approfondie étalée sur cinq semaines, au cours de neuf réunions. Je tiens également à remercier le personnel de soutien qui a rendu son travail possible, ainsi que les dizaines de témoins qui ont comparu et remis des mémoires au comité. Bien que le projet de loi C-5 soit relativement court, il revêt une importance considérable, comme en témoigne le grand intérêt manifesté par les intervenants et les sénateurs.
Il a pour principal objectif de nous rapprocher, dans le domaine pénal, d’un régime de détermination de la peine dans lequel les sanctions seront toujours bien adaptées au délinquant et à l’infraction, au lieu d’un régime agissant comme un instrument plutôt rudimentaire qui frappe avec une force et une fréquence disproportionnées les personnes autochtones, les personnes noires et les membres d’autres communautés marginalisées.
Le projet de loi comprend trois grands éléments.
Premièrement, il propose une façon différente de traiter la possession simple de drogue en droit pénal canadien, d’une part en exigeant que la police et le poursuivant donnent priorité à d’autres solutions qu’une mise en accusation au criminel, d’autre part en instaurant l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogue après deux ans.
Deuxièmement, le projet de loi supprime les restrictions imposées, en 2007 et en 2012, à l’utilisation des ordonnances de sursis. Ces ordonnances, qui prévoient des peines en milieu ouvert, permettent à certains délinquants qui ne présentent pas de risque pour la sécurité publique de rester dans leur communauté sous réserve de certaines conditions, comme une détention à domicile ou du counseling obligatoire, pour n’en nommer que deux.
Troisièmement, le projet de loi abroge des peines minimales obligatoires, notamment celles qui concernent toutes les infractions liées aux drogues, certaines infractions liées aux armes à feu, des infractions liées à l’importation d’armes comme les coups-de-poing américains et les vaporisateurs de poivre, et une infraction concernant le tabac de contrebande.
Ces mesures ne régleront pas tous les problèmes du système de justice pénale canadien, chers collèges; aucune mesure législative n’y parviendrait. Mais comme de nombreux témoins l’ont dit au comité, le projet de loi C-5 marque un pas important dans la bonne direction.
En fait, des avocats criminalistes en exercice, y compris un représentant de l’Association du Barreau canadien, ont exhorté le comité à adopter le projet de loi le plus rapidement possible, car, à l’heure actuelle, il y a des affaires dans le système dont la résolution est retardée dans l’espoir que le projet de loi C-5 soit bientôt adopté.
Dans mon dernier discours devant la Chambre, j’ai décrit en détail le contenu du projet de loi — et je serai heureux de le faire à nouveau en réponse à vos questions —, mais je vais concentrer mes remarques aujourd’hui sur les témoignages que nous avons entendus en comité au sujet des trois principales parties du projet de loi.
Premièrement, parlons des mesures de déjudiciarisation pour les infractions de possession simple de drogues.
En ce qui concerne les solutions de rechange aux accusations criminelles pour possession de drogues, la Société John Howard a exprimé au comité son fort appui pour le projet de loi. Sa directrice générale, Catherine Latimer, a souligné la similitude entre cet aspect du projet de loi C-5 et un article comparable de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont il a été démontré qu’il fait « en sorte que moins de gens se retrouveront dans le système de justice pénale pour des accusations moins graves ». Selon Mme Latimer, ces dispositions « permettront aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie d’être aiguillées vers des programmes communautaires où une aide réelle pourrait être disponible ».
La Société John Howard, l’Association canadienne des chefs de police et la Fédération de la police nationale, laquelle représente les agents de la GRC, ont toutes souligné la nécessité d’accroître les ressources disponibles pour les programmes de traitement et de déjudiciarisation dans les collectivités du Canada afin que cette section du projet de loi C-5 puisse réaliser son plein potentiel. Le rapport du comité comprend des observations allant dans le même sens, lesquelles ont été suggérées par le sénateur Dalphond, et que j’ai eu le plaisir d’appuyer. Comme l’a souligné la sénatrice Simons pendant l’étude article par article, et je la cite : « nous ne pouvons pas détourner les gens s’il n’y a pas d’endroit où les envoyer ». Le gouvernement est d’accord, c’est pourquoi il a accru son soutien pour envoyer les gens, par exemple, vers les centres de justice communautaire.
Dans son témoignage, le ministre a donné l’exemple d’une entente conclue en Colombie-Britannique plus tôt cette année entre le gouvernement fédéral, la province et le BC First Nations Justice Council pour appuyer et élargir les programmes de justice communautaires dirigés par les Autochtones. Le gouvernement fédéral compte continuer à appuyer ce type de programmes, en collaboration avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones en Colombie-Britannique et à l’échelle du Canada.
Le comité a aussi entendu des témoins soutenir que la décriminalisation de toutes les drogues était la seule façon de changer véritablement la donne. À ce sujet, je signale que la Colombie-Britannique décriminalisera la possession simple de drogues au début de l’année prochaine, en raison d’une entente conclue entre la province et le gouvernement fédéral. Il ne fait aucun doute que nous apprendrons beaucoup de choses de cette expérience. Nous pourrons appliquer certaines d’entre elles dans d’autres parties du pays ou au fédéral.
Le point essentiel à retenir, c’est que ce changement en Colombie-Britannique découle d’un vaste processus de consultation, de collaboration et de planification avec cette province et qu’il bénéficie de son plein appui. Le reste du pays n’en est pas encore rendu là. Cependant, il y a une mesure que nous pouvons prendre sans tarder : nous pouvons ordonner aux policiers et aux poursuivants de l’ensemble des provinces et des territoires d’éviter, dans la plupart des cas, de porter des accusations criminelles pour la possession de drogues. C’est ce que propose le projet de loi C-5.
Je sais que certains sénateurs ont exprimé des inquiétudes quant à la façon dont le pouvoir discrétionnaire de la police est utilisé, compte tenu de la réalité de la discrimination systémique. Je le répète, c’est un facteur que le comité a souligné dans ses observations. C’est un argument valable et c’est pourquoi le projet de loi prévoit expressément que les dossiers relatifs à la déjudiciarisation, dont les identificateurs personnels sont supprimés, peuvent être fournis aux chercheurs dans le but d’évaluer l’usage du pouvoir discrétionnaire par les policiers.
Ces travaux seront facilités par les récents investissements du gouvernement dans la collecte de données désagrégées, en particulier dans le domaine de la justice pénale. Mieux nous comprendrons comment les options de déjudiciarisation sont appliquées et si la déjudiciarisation est plus ou moins pratiquée dans certaines parties du pays ou envers les membres de certaines communautés, mieux nous serons équipés pour identifier et corriger les inégalités.
Ensuite, il y a les ordonnances de sursis.
En ce qui concerne la deuxième partie du projet de loi, qui propose de supprimer les restrictions liées aux ordonnances de sursis, nous avons entendu les témoignages enthousiastes d’un certain nombre d’intervenants. Le criminaliste Michael Spratt a donné la note A à cette partie du projet de loi. Tony Paisana, qui représentait l’Association du Barreau canadien, a dit au comité que cette partie du projet de loi C-5 fait « partie des plus importantes réformes du droit pénal des 10 dernières années, si ce n’est pas la plus importante ».
Selon le mémoire de l’Association des femmes autochtones du Canada, l’accès amélioré aux ordonnances de sursis que permet le projet de loi C-5 « commencera immédiatement » à faire baisser le taux de surincarcération des femmes autochtones.
Les peines avec sursis existent dans le droit pénal canadien depuis leur introduction dans les années 1990 par Allan Rock, alors ministre de la Justice. Pour les peines de moins de deux ans, lorsqu’un juge détermine que la sécurité publique ne serait pas menacée, les délinquants peuvent purger leur peine dans la collectivité, sous réserve de certaines conditions. Le cas échéant, cela pourrait permettre d’obtenir de meilleurs résultats en matière de réhabilitation, puisque les liens avec l’emploi, la famille et les soutiens communautaires peuvent être maintenus.
Cela se révèle particulièrement important dans les collectivités éloignées et nordiques, où le pénitencier le plus proche peut se trouver à des centaines ou des milliers de kilomètres. C’est d’autant plus important lorsqu’il y a des enfants impliqués, qui pourraient être confiés aux Services de protection de l’enfance si leur parent se retrouvait en prison.
Raphael Tachie, président de l’Association des avocats noirs du Canada (AANC), a souligné que les peines avec sursis sont essentielles pour lutter contre les récidives, car elles peuvent permettre aux délinquants de maintenir des liens familiaux, des relations d’emploi et des engagements scolaires, tout en les obligeant de rendre compte de leur crime.
Chers collègues, je voudrais prendre un instant pour reconnaître le point de vue exprimé au comité — notamment par le sénateur Boisvenu — selon lequel les peines avec sursis peuvent permettre aux délinquants dangereux de demeurer chez eux ou dans leur collectivité. Honorables sénateurs, je sais que ce point de vue est fondé sur une préoccupation réelle pour la sécurité de la collectivité, surtout pour les victimes de violence fondée sur le sexe, et je remercie le sénateur Boisvenu d’avoir soulevé cette question.
Comme le sénateur Boisvenu et d’autres, dont la sénatrice Dupuis, nous l’ont rappelé au comité, il est important que les femmes fassent confiance au système de justice pénale pour qu’elles se sentent en sécurité lorsqu’elles se présentent pour demander de l’aide.
Je note aussi que le Code criminel n’autorise les peines avec sursis que lorsqu’il n’y a aucun risque pour la sécurité. Le projet de loi C-5 ne change rien à cela. De plus, il est important de garder à l’esprit que bon nombre des personnes pouvant bénéficier d’un accès élargi aux peines avec sursis sont elles-mêmes des victimes de violence fondée sur le sexe.
La Cour suprême du Canada est saisie actuellement d’une affaire qui concerne une femme autochtone qui a aidé son conjoint à déplacer de la drogue sous contrainte, soit des menaces à elle et à sa fille. À l’heure actuelle, la loi prévoit que cette femme doit aller en prison; elle a fait valoir que le juge chargé de cette affaire devrait au moins avoir la possibilité d’imposer une peine avec sursis, et c’est exactement ce que le projet de loi C-5 permettrait de faire.
Au bout du compte, chers collègues, les ordonnances de sursis servent les intérêts de la sécurité publique. Envoyer des gens en prison sans que ce soit nécessaire n’est pas sans risque. Isoler des personnes de leur famille, de leurs amis, de leur emploi, de leurs possibilités d’éducation et du soutien social, et envoyer leurs enfants en famille d’accueil, peut rendre les foyers et les collectivités moins stables et moins sécuritaires, en plus de perpétuer le cycle de la criminalité.
Lorsqu’il est possible et sûr de faire en sorte que les gens qui ont enfreint la loi répondent de leurs actes sans les incarcérer, cette approche peut non seulement être plus compatissante, mais aussi plus sécuritaire. C’est pourquoi cette partie du projet de loi C-5 est extrêmement importante.
Enfin, parlons des peines minimales obligatoires. Comme je l’ai dit au début, la troisième partie du projet de loi abrogerait un certain nombre de peines minimales obligatoires, y compris pour les infractions liées aux drogues, certaines infractions impliquant des armes à feu sans restrictions — essentiellement des fusils de chasse —, des infractions impliquant le trafic d’armes autres que des armes à feu et une infraction liée à la contrebande du tabac.
Ces genres de dispositions établissent une durée minimale d’emprisonnement que les juges doivent imposer pour une infraction donnée. Elles diminuent le pouvoir discrétionnaire des juges en limitant leur capacité à tenir compte des facteurs atténuants et à appliquer pleinement les lignes directrices sur la détermination de la peine, y compris la nécessité de prendre en compte ce qu’on nomme les principes de l’arrêt Gladue par rapport aux circonstances particulières des délinquants autochtones.
La plupart des témoins ont fortement appuyé l’abrogation de ces peines minimales obligatoires. Janani Shanmuganthan, de la South Asian Bar Association of Toronto a qualifié le projet de loi d’« étape importante ». Le criminaliste Michael Spratt a dit qu’« [i]l est très positif ». Sarah Niman, qui représentait l’Association des femmes autochtones du Canada, a dit que l’abrogation de ces peines minimales obligatoires « habilite les juges de première instance à concrètement appliquer les principes de l’arrêt Gladue ».
Autrement dit, presque tous les témoins s’entendaient pour dire que l’abrogation de ces dispositions serait une bonne chose. Le consensus était qu’il s’agit effectivement d’une bonne chose. Par contre, certains ont demandé pourquoi le projet de loi C-5 veut abroger ces peines minimales obligatoires, mais pas d’autres, et si le projet de loi ne devrait pas aller encore plus loin et abroger un plus grand nombre de peines minimales obligatoires, voire toutes, y compris même celle qui vise le meurtre.
Chers collègues, le droit pénal canadien prévoit actuellement environ 70 peines minimales obligatoires. Le projet de loi C-5 vise à en abroger 20.
Le ministre a expliqué au comité que, selon les données du gouvernement, les 20 peines minimales obligatoires abrogées par le projet de loi C-5 sont parmi celles qui sont le plus souvent utilisées et qui sont imposées de façon disproportionnée aux Autochtones, aux Noirs et aux autres personnes marginalisées. En effet, selon les statistiques du Service correctionnel du Canada, de 2010 à 2020, plus de la moitié de tous les délinquants admis dans les établissements fédéraux dont l’accusation la plus grave s’accompagnait d’une peine minimale obligatoire l’ont été pour l’une des 20 peines visées par le projet de loi. Cela comprend 11 630 personnes condamnées à une peine minimale obligatoire pour une infraction liée aux drogues et, parmi elles, plus de 1 600 Autochtones et plus de 1 000 Noirs.
Ces chiffres incluent seulement les établissements fédéraux. Les peines de moins de deux ans sont purgées dans les établissements provinciaux et territoriaux, où sont incarcérés plus de gens que dans les prisons fédérales et où le taux de surreprésentation est souvent plus élevé.
Comme nous l’a indiqué Cheryl Webster, criminologue à l’Université d’Ottawa, il est moins facile d’avoir accès à des chiffres fiables sur les peines imposées dans les provinces et les territoires. Par contre, vers la fin de notre étude, nous avons réussi à obtenir une estimation de Statistique Canada indiquant que l’abrogation des peines minimales obligatoires visées par le projet de loi C-5 pourrait concerner en moyenne 9 123 cas par année au Canada.
Ultimement, il s’agit d’un autre domaine où nous pourrions profiter grandement de meilleures données, notamment de meilleures données désagrégées. Je le répète, j’espère que les récents investissements du gouvernement dans ce domaine auront une incidence. Toutefois, ce qui est évident, c’est que l’abrogation des peines minimales obligatoires visées dans le projet de loi C-5 pourrait aider beaucoup de gens.
Enfin, une des suggestions faites au comité concerne ce qu’on appelle souvent une « soupape de sécurité » ou un « pouvoir discrétionnaire structuré ». En gros, selon ce principe, la loi doit permettre au juge chargé de la détermination de la peine de ne pas imposer la peine minimale obligatoire dans une affaire donnée s’il arrive à la conclusion que cette peine serait, pour une raison ou pour une autre, injuste.
Un certain nombre de témoins ont fait cette recommandation et le comité a étudié un amendement sur cette question. Comme je l’ai dit au comité, j’appuie en grande partie les valeurs sous-jacentes à cette idée et je crois qu’il était important que les membres du comité lui donnent toute l’attention qu’elle mérite même si, au bout du compte, ils n’ont pas adopté l’amendement en question. Nous avons eu une discussion réfléchie au sein du comité et des arguments valides ont été présentés autant par ceux qui étaient contre cette idée que par ceux qui l’appuyaient.
Le gouvernement s’oppose à cette proposition pour deux raisons principales.
Premièrement, des intervenants crédibles, comme l’Association du Barreau canadien et la Criminal Lawyers’ Association, nous ont mis en garde contre les effets négatifs imprévus que pourrait avoir cette approche, soit de favoriser la prolifération des peines minimales obligatoires en les protégeant contre les contestations constitutionnelles.
Deuxièmement, le gouvernement était d’accord avec Raphael Tachie, de l’Association des avocats noirs du Canada, qui nous a exhortés à adopter le projet de loi C-5 le plus rapidement possible. Il nous a donné le conseil suivant : « Nous ne pouvons laisser le mieux être l’ennemi du bien. »
Chers collègues, il est certain que le chemin parcouru pour en arriver jusqu’ici a été long et difficile, non seulement au cours de la dernière année et demie de travaux parlementaires sur le projet de loi C-5 et son prédécesseur, le projet de loi C-22, mais aussi au cours de la dernière décennie, depuis l’adoption de bon nombre des mesures dites de « répression de la criminalité » du gouvernement précédent. Nous sommes sur le point d’adopter ce projet de loi et d’améliorer concrètement la vie des gens. Il vaut mieux assurer l’adoption de ce projet de loi plutôt que de le renvoyer à la Chambre des communes, et de le soumettre à l’incertitude d’un gouvernement minoritaire.
Encore une fois, je souhaite remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d’avoir considéré sérieusement le contenu de ce projet de loi et d’avoir fait des propositions pour appuyer ses objectifs, y compris en faisant des observations formelles dans leur rapport, et d’avoir finalement décidé d’aller de l’avant avec le projet de loi C-5 tel quel — non pas parce que c’est une panacée, mais bien parce que c’est un pas en avant significatif.
Le moment est venu de franchir cette étape importante.
Dans une lettre adressée au comité, la Criminal Lawyers’ Association a qualifié le projet de loi C-5 de pièce maîtresse de la réforme de la justice et nous exhorte à faire progresser le projet de loi C-5 au Sénat le plus rapidement possible. De l’avis de l’Association du Barreau canadien, il est essentiel que ce projet de loi soit adopté dans les plus brefs délais. L’Association des avocats noirs du Canada nous encourage à adopter sans tarder ce projet de loi afin qu’il puisse être mis en œuvre sur le terrain.
Même les témoins qui souhaitaient que le projet de loi C-5 aille beaucoup plus loin ont reconnu sa capacité à changer les choses. Emilie Coyle, directrice générale de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, a décrit cette mesure législative comme :
[...] un pas de plus dans la lutte contre la crise du racisme structurel, de la discrimination systémique et des inégalités dans le système judiciaire.
Debra Parkes, professeure de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, a affirmé être tout à fait d’accord pour dire que ce projet de loi peut changer des vies.
C’est le point essentiel, chers collègues. Ce sont des personnes réelles qui seront inutilement emprisonnées ou emprisonnées plus longtemps que nécessaire si nous n’adoptons pas cette loi rapidement.
À titre d’exemple, je terminerai par ce que nous a dit Janani Shanmuganathan, de la South Asian Bar Association of Toronto, que j’ai mentionnée plus tôt. Elle a notamment plaidé dans l’une des causes marquantes liées aux peines minimales obligatoires devant la Cour suprême du Canada. Elle nous a parlé d’un de ses clients, un homme de 26 ans qui avait une dépendance à l’alcool, mais qui n’avait pas de casier judiciaire, qui a utilisé un pistolet à plomb acheté chez Canadian Tire pour braquer un dépanneur et prendre 100 $ afin d’acheter de la bière. Il s’est fait arrêter et a tout avoué en quelques heures.
Entre le moment de son arrestation et celui de sa condamnation, il a changé de vie. Il s’est inscrit à l’université, a entamé une relation sérieuse et a non seulement commencé à fréquenter les Alcooliques anonymes, mais en est même devenu un animateur.
À la détermination de sa peine, le juge qui a prononcé la sentence a exprimé son profond regret de devoir imposer une peine minimale obligatoire d’un an, en déclarant : « C’est déchirant d’envoyer cette personne en prison, mais je n’ai pas le choix. » Selon Mme Shanmuganathan, cette incarcération inutile a entraîné des conséquences psychologiques et financières importantes pour son client. Il a souffert d’une dépression en prison.
Voilà pourquoi elle a parlé avec passion en faveur du projet de loi C-5 au comité et qu’elle a exhorté ses membres à l’adopter rapidement. Voici ce qu’elle a dit à notre comité :
J’ai des clients qui s’accrochent à ce projet de loi [...] J’ai des clients pour qui ce projet de loi changerait leur vie.
Chers collègues, le gouvernement ne propose pas l’adoption du projet de loi C-5 simplement pour pouvoir cocher « mission accomplie » dans une case au sujet du système de justice pénale. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre notre système de justice plus efficace et plus juste. Il faudra d’autres lois, des investissements et beaucoup d’autres politiques pour éliminer les causes sous-jacentes de la criminalité et de l’aliénation sociale qui gangrènent notre société, mais ce projet de loi fera beaucoup de bien tel qu’il est. Chers collègues, s’il vous plaît, adoptons ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Sénateur Gold, j’ai remarqué vous avez encore une fois mentionné le vaporisateur de poivre en parlant des peines minimales obligatoires dans votre discours, exactement comme dans votre intervention à l’étape de la deuxième lecture. Après cette intervention, je vous ai demandé combien de personnes au cours des cinq dernières années au Canada avaient été condamnées pour avoir importé des vaporisateurs de poivre et s’étaient vu imposer une peine minimale obligatoire. Étant donné la discrétion des policiers, des procureurs et des tribunaux, je me suis contenté d’avancer que ce nombre serait presque nul. Vous aviez alors répondu que vous ne le saviez pas. Je vous donc demandé pourquoi vous aviez parlé de cette infraction dans votre discours si vous ne le saviez pas. Vous avez répété que vous ne le saviez pas, ce à quoi j’ai répondu que je pourrais demander à des fonctionnaires lors de l’étude en comité.
C’est donc ce que j’ai fait. Les fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada n’ont pas pu me donner une réponse eux non plus, ni ce jour-là ni dans la réponse écrite qu’ils m’ont fait parvenir par la suite.
Je soutiens encore une fois qu’il n’y a pratiquement personne qui est condamné à une peine minimale obligatoire pour une infraction liée à un vaporisateur de poivre. Sénateur Gold, pourquoi avez-vous continué à utiliser l’exemple de l’imposition d’une peine minimale obligatoire pour une infraction de ce type alors que depuis des semaines vous ne disposez d’aucune donnée pour l’appuyer?
Beaucoup de personnes sont inculpées, trouvées coupables et condamnées à la peine minimale obligatoire pour l’importation illégale d’une arme. Cependant — je vous remercie de votre question; j’aimerais y répondre, s’il vous plaît —, les données dont nous disposons ne font pas de distinction entre les différents types d’armes. Ainsi, nous ne savons pas si certains de ces cas concernent le gaz poivré. Vous avez tout à fait raison.
Cependant, la question est plus large encore. Il s’agit du fait que l’infraction de trafic d’armes prohibées peut supposer une vaste gamme de comportements et de degrés de culpabilité, allant de l’organisation d’envois illégaux de couteaux à lame automatique à la traversée de la frontière avec du gaz poivré dans la boîte à gants. Ce ne sont pas tous ces comportements qui méritent à la personne la peine minimale obligatoire d’une année que prévoit actuellement le Code criminel. Là aussi, cela permettrait aux juges d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire, quand la situation le justifie et lorsque la sécurité publique n’est pas en jeu, afin de moduler la peine en fonction de la nature de l’arme prohibée en question.
Sénateur Gold, nous sommes nombreux à soutenir les objectifs du projet de loi C-5, c’est-à-dire abroger les peines minimales obligatoires et réduire la surreprésentation des Autochtones, des Noirs et des membres d’autres communautés marginalisées dans les pénitenciers.
Plus tôt cette semaine, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a publié son rapport annuel 2021-2022, qui confirme que les femmes autochtones continuent d’être la population carcérale ayant la croissance la plus rapide. Elles représentent maintenant 50 % des détenues dans les pénitenciers fédéraux, les deux tiers d’entre elles se retrouvent dans les établissements à sécurité maximale, et 76 % de celles-ci sont placées dans des unités d’intervention structurée, lesquelles sont censées remplacer l’isolement en cellule. Au total, 86,2 % de toutes les femmes autochtones incarcérées sont évaluées comme étant à haut risque et ayant des besoins élevés. La majorité de ces Autochtones se retrouvent en prison en raison d’infractions violentes et purgent de longues peines, bien souvent parce qu’elles ont réagi à des actes violents commis préalablement à leur endroit.
Comme vous l’avez indiqué, il est très fréquent que lorsqu’une mère autochtone se retrouve dans le système pénal, ses enfants sont pris en charge par l’État. Cela contribue à alimenter le cycle d’institutionnalisation des enfants, des familles et des communautés autochtones.
Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet de loi, dans sa forme actuelle, n’ira pas, de manière implicite, à l’encontre de son propre objectif en contribuant à la croissance exponentielle des populations carcérales autochtones, noires, racialisées ou marginalisées, surtout des mères autochtones?
Je vous remercie de votre question. Je pense que dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, dans lequel j’ai fait référence à des témoignages, nous avons eu la preuve qu’en fait — bien que cela n’aille pas jusqu’à l’élimination de toutes les peines minimales obligatoires — cela concerne un nombre important de cas — la moitié des cas — pour lesquels des peines minimales obligatoires ont été effectivement imposées.
Nous avons également entendu des témoignages, auxquels j’ai également fait référence, selon lesquels cela aurait un effet important sur la surreprésentation des femmes autochtones, des Noirs et d’autres groupes marginalisés, qui sont pris dans l’engrenage du système.
Par conséquent, même s’il ne va pas aussi loin que de nombreux témoins le souhaiteraient — et aussi loin que vous et de nombreux sénateurs, peut-être, le voudriez —, il changera les choses de façon réelle et tangible. À cet égard, comme je l’ai dit — sans vouloir répéter le discours que j’ai prononcé à l’étape de la troisième lecture —, il s’agit d’un pas dans la bonne direction, ce que vous et de nombreux autres témoins avez reconnu. Il améliorera véritablement la situation et représente un premier pas pour remédier à cette surreprésentation.
À la fin de mon discours, je me suis évertué à dire qu’il faut faire beaucoup plus pour remédier aux causes profondes. Il faut faire beaucoup plus pour fournir aux communautés les ressources voulues afin qu’elles puissent tirer pleinement avantage de l’abrogation de ces peines minimales obligatoires et de la création de stratégies de déjudiciarisation, d’intégration améliorée et de soutien à la réinsertion pour les personnes qui ne posent pas de risque pour la sécurité publique. Cela améliorera véritablement la situation. C’est ce que nous avons entendu au comité et c’est la raison pour laquelle j’appuie ce projet de loi.
Merci. Nous avons certainement entendu cela. Par contre, nous avons également entendu, de la part d’universitaires éminents dans ce domaine, tels que la professeure Debra Parkes et de la candidate au doctorat Elspeth Kaiser-Derrick, qu’en fait, le projet de loi ne changera pratiquement rien aux taux d’incarcération des femmes autochtones, en grande partie à cause du contexte dans lequel elles sont incarcérées et du fait que les peines minimales obligatoires poussent beaucoup d’entre elles à plaider coupable. Si je ne m’abuse, Elspeth Kaiser-Derrick a dit que cela correspondait à 77 % des cas de femmes autochtones qu’elle a examinés. De plus, Debra Parkes a mentionné qu’environ la moitié des femmes autochtones emprisonnées à perpétuité sont des femmes qui ont réagi à la violence qu’elles subissaient.
J’ai l’impression que les témoignages livrés au comité tendaient beaucoup plus vers le besoin d’aller plus loin. Je suis curieuse. Quelles sont les prochaines étapes que le gouvernement propose pour remédier à ces problèmes et créer cet environnement plus sûr et davantage axé sur la compassion que vous dites nécessaire?
Les faits et les témoignages présentés au comité ont, à mon humble avis, démontré que ce projet de loi changerait les choses, même s’il ne va pas aussi loin que certains le voudraient et même s’il ne va pas jusqu’à éliminer la discrimination et le racisme systémiques dans notre système, ce qu’aucun projet de loi ne peut faire d’ailleurs. En effet, il y a tellement de causes et de déterminants sociaux qui échappent à la portée de n’importe quel projet de loi.
Le gouvernement a investi des sommes considérables pour permettre aux communautés autochtones de prendre davantage en main leurs processus judiciaires, y compris les services de police, mais sans s’y limiter, et pour travailler avec les communautés afin de financer et de soutenir des projets pilotes dans un certain nombre de domaines.
Revenons au projet de loi C-5. Le point fondamental est que ce projet de loi s’attaque à un vrai problème et apporte une vraie solution qui, je le souligne, ne se limite pas aux peines minimales obligatoires, mais comprend aussi la déjudiciarisation des infractions liées à la drogue, ce qui est particulièrement important pour éviter que des gens ne soient pris dans le système judiciaire à un âge précoce. Il est rarement bon pour un jeune d’être pris dans le système judiciaire, souvent provincial au départ, et d’être éloigné de sa famille et de la possibilité de maintenir des liens sociaux appropriés.
Ce projet de loi changera les choses. C’est un pas dans la bonne direction. Il est le fruit d’un travail de longue haleine de la part du gouvernement, ainsi que des autres partis représentés au Parlement, pour enfin commencer à inverser les effets des politiques inefficaces d’un gouvernement précédent en matière de justice pénale. Ce projet de loi mérite notre appui.
Je prends la parole aujourd’hui, honorables sénateurs, pour débattre, à l’étape de la troisième lecture, du projet de loi C-5 intitulé Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Les statistiques actuelles démontrent que la criminalité est galopante au Canada et a connu une augmentation de 5 % en 2021 et au cours des dernières années; il s’agit de crimes violents contre la personne. La violence conjugale, les agressions sexuelles, les féminicides, les personnes disparues et la traite de personnes sont des fléaux qui augmentent constamment, auxquels nous devons apporter des solutions urgentes et immédiates. Des vies en dépendent et trop de vies sont perdues alors qu’elles devraient être protégées.
Malheureusement, au lieu de proposer des mesures législatives pour lutter contre ces fléaux, le gouvernement libéral préfère adopter une approche laxiste en proposant des lois qui assoupliront davantage les sentences des criminels les plus dangereux.
Permettez-moi de vous présenter quelques exemples pour appuyer mes propos. En 2018, le rapport du vérificateur général avait soulevé de nombreuses failles au sein du Service correctionnel du Canada dans le processus de remise en liberté et de la surveillance au sein des communautés, failles qui ont entraîné la mort d’une jeune femme de 22 ans — vous vous en souviendrez —, Marylène Levesque, qui a été assassinée de 30 coups de couteau en 2020 par un récidiviste. Au lieu de répondre aux problèmes pointés par le vérificateur général, le gouvernement de Justin Trudeau a préféré proposer le projet de loi C-5.
Mon deuxième exemple concerne les nombreux délits par armes à feu qui font des ravages dans les villes comme Toronto, Montréal et Vancouver. Ces derniers mois, plusieurs jeunes âgés de moins de 18 ans ont perdu la vie dans des règlements de compte impliquant des armes illégales. L’année 2021 a été la plus sombre depuis des dizaines d’années dans la ville de Montréal. Au lieu d’apporter des réponses aux familles des victimes et de prendre des mesures pour enrayer cette vague de violence, le gouvernement libéral préfère proposer un projet de loi qui supprimera 11 peines minimales relativement aux armes à feu.
Une démarche visant à se procurer une arme à feu dans l’intention de commettre un acte criminel est une démarche intentionnée et préméditée. Vouloir minimiser la dangerosité d’un geste criminel commis avec arme à feu est dangereux. J’aimerais vous lire une citation du juge Harris :
Une personne munie d’une arme à feu se sent toute-puissante, investie du droit de vie ou de mort sur autrui. En somme, il suffit de viser quelqu’un et d’appuyer légèrement sur la gâchette pour ôter la vie [...] La dérisoire facilité de tuer avec une arme à feu [...] représente un danger imminent pour nous tous.
Il ajoute ceci : « Ce pouvoir si immense et si peu fondé sur la raison, nous devons le combattre de toutes nos forces ».
Mon troisième exemple repose sur le fait que, depuis déjà plusieurs années, le Canada fait face à un problème urgent concernant les drogues, surtout devant la hausse du nombre croissant de personnes dépendantes du fentanyl, cet opioïde qui cause la mort d’au moins 20 Canadiens chaque jour. Au lieu de lutter contre les trafiquants de drogues et de proposer des mesures pour aider à réduire la dépendance chez un certain nombre de citoyens, le gouvernement libéral opte plutôt pour l’abolition de toutes les peines minimales liées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dans le cas notamment du trafic de drogues, de l’exportation de drogues et de la production de drogues. Honorables sénateurs, croyez-vous honnêtement que l’abolition de ces peines minimales réglera le problème des opioïdes au Canada? Poser la question, c’est y répondre.
Je cite au passage un discours de mon collègue le député Larry Brock, qui a été procureur de la Couronne de l’Ontario pendant 18 ans :
J’invite les députés à y réfléchir un instant. Le gouvernement libéral, qui est laxiste en matière de criminalité est motivé par une idéologie, croit que ceux qui font le trafic de fentanyl — la drogue de rue la plus mortelle qui existe, qui est vendue à des millions de toxicomanes, qui est la cause de la crise des opioïdes et qui entraîne quotidiennement des surdoses et des morts — et qui en produisent ne devraient pas s’attendre à se voir imposer une peine minimale d’emprisonnement. C’est carrément honteux et dangereux.
Honorables sénateurs, la partie du projet de loi qui m’interpelle le plus est l’élargissement des condamnations avec sursis. Le ministre de la Justice souhaite donner la possibilité aux juges de recourir aux ordonnances de sursis pour un certain nombre de crimes en supprimant les alinéas e) et f) de l’article 742.1 du Code criminel. Parmi ces infractions, neuf touchent des crimes contre la personne. Il y a notamment les agressions sexuelles, qui connaissent une hausse de 18 % depuis 2021, le harcèlement criminel, qui a augmenté de 10 % en 2021, et la traite de personnes, en hausse de 44 % depuis 2019. Les dernières statistiques nous révèlent que 80 % des hommes qui ont agressé des femmes reçoivent une sentence avec sursis, et il s’agit d’un crime qui est à la hausse depuis des années.
Ce projet de loi est dangereux pour les femmes. Le gouvernement veut également élargir des ordonnances de sursis pour des délinquants ayant été reconnus coupables de crimes tels que le kidnapping, l’enlèvement de personnes de moins de 14 ans, le fait de se trouver illégalement dans une habitation, le fait d’infliger des lésions corporelles par négligence criminelle et des voies de fait causant des lésions corporelles avec une arme. Il n’y a là rien de minime ni de banal, mais il s’agit plutôt de crimes graves et inquiétants.
Tous ces crimes contre la personne sont des composantes qui sont souvent présentes dans les cas de violence conjugale. Comme je l’ai souvent mentionné, il s’agit d’un fléau dont les victimes qui sont tuées sont surtout des femmes et des enfants, fléau qui ne cesse d’augmenter année après année.
En 2021, la violence conjugale a augmenté de 3 %. Il s’agissait de la cinquième augmentation annuelle consécutive, alors que 173 féminicides ont été perpétrés, dont 55 % dans un contexte de violence conjugale. Sachez que ce fléau représente environ 30 % des crimes commis contre la personne depuis 2009. Le Québec a connu une augmentation de la violence conjugale de 28 % et le Nouveau-Brunswick, de 39 %. Le fait de vouloir élargir les condamnations avec sursis pour les crimes cités serait donc un risque majeur pour les femmes victimes de violence conjugale et familiale, étant donné que cet élargissement des condamnations avec sursis augmenterait le phénomène de la non-dénonciation des femmes victimes de violence conjugale et d’agression sexuelle. C’est inacceptable, alors que nous les encourageons chaque jour dans les médias à dénoncer leur agresseur.
Enfin, élargir aujourd’hui la condamnation avec sursis serait une invitation à la récidive. Avec le projet de loi C-5, un nombre important de criminels purgeront leur peine à domicile, ce qui posera un danger pour les victimes, particulièrement celles qui sont issues des communautés autochtones, là où tout le monde se connaît et habite à proximité.
Selon des données sur les peines avec sursis qui datent du début des années 2010 et qui ont été fournies par le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (CSN), 44 % des criminels qui reçoivent une peine avec sursis ne respectent pas leurs conditions. Je vous cite le témoignage à la Chambre des communes de Jennifer Dunn, directrice exécutive du London Abused Women’s Centre, le 29 avril dernier. Mme Dunn s’oppose à cette partie du projet de loi :
Les femmes et les filles sont cinq fois plus susceptibles que les hommes d’être victimes d’une agression sexuelle, un crime violent en hausse au Canada. Avec l’ordonnance de sursis, de nombreuses femmes seront coincées dans la collectivité avec le délinquant, ce qui les expose à un risque encore plus élevé.
C’est pour cette raison, honorables sénateurs, que je souhaite proposer un amendement au projet de loi C-5 qui consiste à ne pas autoriser l’élargissement des condamnations avec sursis aux crimes contre la personne et aux crimes potentiellement perpétrés dans un contexte de violence conjugale ou familiale. Bien que je n’aie pas réussi à convaincre la majorité de mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de voter en faveur de cet amendement, je suis convaincu que cette Chambre se donnera un autre moment de réflexion.
Chers collègues, avec les statistiques que nous avons à notre disposition, qui montrent une augmentation des agressions sexuelles et de la violence conjugale et avec la forte réprobation sociale qui en découle, il est, selon moi, dangereux et injuste d’accorder une « peine de maison » plutôt qu’une peine de prison à un agresseur sexuel, à un kidnappeur ou à un harceleur. Le Sénat devrait faire preuve de prudence et de sagesse. Toutefois, s’il en venait à accepter la volonté du gouvernement d’autoriser l’élargissement des peines avec sursis, il devra se pencher sur les conditions de sursis.
En conclusion, honorables sénateurs, ce projet de loi est dangereux pour les femmes, car le gouvernement n’a pas prévu de conditions auxquelles tout condamné qui écope d’une peine avec sursis dans des cas de violence conjugale et d’agression sexuelle devrait être soumis, comme une thérapie. Avec le projet de loi C-5, ce que le gouvernement offre aux femmes victimes de violence conjugale, c’est un « 810 » amélioré. Pourtant, comme on le sait, selon l’étude menée en 2019 par l’Université de Montréal, 50 % des agresseurs ne respectent pas les « 810 », ou les ordonnances qui imposent de ne pas s’approcher des victimes. Ce que vous offrez aux victimes aujourd’hui, avec le projet de loi C-5, c’est de continuer de vivre dans la peur. Les victimes s’attendent à plus de votre part.