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Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2023

Troisième lecture--Ajournement du débat

20 juin 2023


Je poursuis.

La mine Faro n’est qu’un exemple d’un problème plus vaste qui va au-delà de ce cas précis. Partout au Canada, on remarque cette tendance troublante d’entreprises d’exploitation des ressources qui font faillite et qui laissent derrière elles des sites contaminés et le fardeau des mesures d’assainissement aux contribuables. Le problème ne se limite pas à la mine Faro. On le retrouve aussi en Alberta et en Saskatchewan, où la prolifération des puits pétroliers et gaziers orphelins est devenue un sujet de préoccupation important. Ces puits orphelins, abandonnés par des entreprises financièrement et moralement en faillite, posent des risques pour l’environnement et entraînent des obligations financières qui finiront par être réglées par les fonds publics. Il est essentiel de s’attaquer à ce problème systémique et de renforcer le principe du « pollueur-payeur » afin de tenir les entreprises responsables des conséquences environnementales de leurs activités et d’empêcher les contribuables de faire les frais des coûts d’assainissement.

La mine Faro est située sur les terres ancestrales des Premières Nations Kaska et Selkirk, et le projet d’assainissement doit accorder la priorité aux préoccupations et aux aspirations de ces communautés. Il est essentiel de procéder à des consultations sérieuses auprès des Autochtones et de collaborer avec eux afin de respecter leurs droits, leurs intérêts et leur héritage culturel tout au long du processus d’assainissement.

Il est inacceptable de forcer une ville ou une région à adopter une économie fondée sur la décontamination. Cette façon de penser tombe dans le piège de la théorie de la vitre brisée et entraîne les collectivités dans un cycle d’expansion et de ralentissement ayant déjà piégé les économies de provinces entières, qui essaient maintenant désespérément de se diversifier. Même si l’économie fondée sur la décontamination permet d’obtenir des avantages économiques à court terme, nous devons aussi chercher à créer des possibilités économiques diversifiées pour assurer le bien-être à long terme de ces collectivités.

Une constatation frappante est que, alors que nous sommes aux prises avec les conséquences des activités minières du passé, de nouveaux projets d’exploitation à proximité de l’ancienne mine Faro sont déjà en cours. Cela sert de rappel brutal de la nécessité urgente de renforcer le principe du « pollueur‑payeur » et d’exiger que les entreprises d’exploitation des ressources rendent des comptes pour les répercussions de leurs activités sur l’environnement.

Une autre proposition importante du projet de loi C-47 est le Fonds de croissance du Canada. Assorti d’un budget de 15 milliards de dollars, le fonds a été conçu pour attirer des capitaux privés et stimuler les investissements dans des projets, des technologies, des entreprises et des chaînes d’approvisionnement à faible émission en carbone.

Cependant, le manque de clarté concernant les critères utilisés pour l’affectation de fonds à des projets en particulier suscite certaines préoccupations. Il est important que le gouvernement fournisse des lignes directrices et des critères de sélection transparents pour faire en sorte que les investissements faits par l’intermédiaire du fonds s’alignent sur les objectifs environnementaux et les engagements climatiques du Canada, afin qu’il puisse contribuer efficacement à la transition vers une économie propre.

La décision de confier la gestion des actifs du fonds à l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, ou Investissements PSP, a également soulevé des questions parmi les membres du Comité national des finances concernant l’indépendance d’Investissements PSP ou, dans mon cas, l’absence d’engagement de sa part à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Investissements PSP continue d’investir dans des entreprises d’hydrocarbures sans avoir de plan clair pour décarboner ses placements, ce qui compromet l’objectif du fonds. De plus, la présence d’un directeur d’Imperial Oil au sein du conseil d’administration d’Investissements PSP présente un risque apparent et potentiel de conflit d’intérêts, selon les experts en gouvernance d’entreprise.

À la lumière de ces questions, il est crucial que le gouvernement réponde à ces préoccupations, clarifie les critères d’investissement, gère les conflits d’intérêts potentiels, établisse des indicateurs de performance et garantisse une gouvernance transparente et responsable. Cela permettra non seulement d’accroître la confiance du public dans le fonds, mais aussi de renforcer sa capacité à attirer des capitaux privés et à stimuler la croissance de l’économie propre du Canada.

Le troisième et dernier point que je voudrais aborder concerne l’élargissement du mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, qui devra déterminer si les institutions financières disposent de politiques et de procédures adéquates pour se protéger contre les menaces qui pèsent sur leur intégrité et leur sécurité.

Les projets de loi omnibus, qui englobent à la fois des éléments fiscaux et non fiscaux, sont utilisés comme tactique stratégique par les gouvernements pour faire adopter des lois importantes. Le projet de loi C-47 ne fait pas exception à la règle puisqu’il contient un large éventail de dispositions, notamment des modifications au Code criminel et aux lois électorales.

L’élargissement du mandat du Bureau du surintendant des institutions financières est digne de mention, car des modifications aussi importantes devraient normalement faire l’objet d’un projet de loi distinct afin qu’on puisse mener des consultations publiques et demander l’avis des intervenants. Bon nombre de spécialistes des finances durables sont d’avis qu’il faut revoir le mandat actuel du Bureau du surintendant des institutions financières pour tenir compte de facteurs liés à l’environnement et à la durabilité, de facteurs sociaux et des risques climatiques. Il est essentiel que les mesures de surveillance du secteur financier tiennent compte des nouveaux risques signalés par des organismes internationaux réputés comme l’Organisation de coopération et de développement économiques. Le projet de loi fait allusion à ces risques et mentionne un risque en particulier, mais il comporte des ambiguïtés qui pourraient poser problème en cas de contestation judiciaire. Par ailleurs, le fait de ne pas avoir attribué de crédits budgétaires à cet aspect soulève d’autres préoccupations.

Honorables collègues, les changements climatiques représentent une menace considérable pour l’intégrité et la sécurité du secteur financier. Le Service canadien du renseignement de sécurité nous a prévenus que les changements climatiques pourraient nuire à des infrastructures essentielles à l’échelle mondiale, représenter une menace pour la santé et la sécurité, entraîner de nouvelles pénuries, alimenter la concurrence mondiale et mener à des conflits régionaux et internationaux. Pour assurer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et atténuer les risques associés aux changements climatiques, nous devons absolument veiller à ce que nos institutions financières soient bien outillées pour évaluer et gérer ces risques.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-47 tiennent compte de l’importance de protéger les institutions financières contre différentes menaces, et il est parfaitement logique que les changements climatiques fassent partie des menaces prises en considération, compte tenu de la portée considérable de leurs répercussions.

Je vous encourage à voter en faveur de l’adoption du projet de loi C-47 parce que les Canadiens ont besoin de stabilité et d’une confiance accrue dans notre régime démocratique. Cela dit, en tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d’examiner efficacement les façons dont les fonds publics sont dépensés.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Pierrette Ringuette [ - ]

Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler d’une section particulière du projet de loi C-47, le projet de loi d’exécution du budget.

Dans ce projet de loi, la section 34 de la partie 4 modifie l’article 347 du Code criminel, afin d’abaisser à 35 % le taux d’intérêt criminel, conformément aux règles et pratiques actuarielles généralement admises.

Comme plusieurs d’entre vous le savent, c’est une question à laquelle je me consacre depuis très longtemps, soit presque 10 ans.

La sénatrice Ringuette [ - ]

La bataille n’est pas terminée.

J’ai présenté mon projet de loi à plusieurs reprises, mais il est mort au Feuilleton chaque fois en raison du déclenchement d’élections ou d’une prorogation. Je l’ai encore présenté pendant la législature actuelle. Il porte le titre suivant : projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), et il en est actuellement à l’étape de la deuxième lecture.

Quand j’ai vu le projet de loi C-47, j’ai pensé que je devrais peut-être retirer mon projet de loi. Après réflexion, je me suis dit que je ne prendrais pas de risque. Je vais le laisser jusqu’à ce que ce soit un fait accompli, de A à Z.

Alors que, dans le projet de loi C-47, la limite est établie à 35 %, mon projet de loi prévoit lier le taux d’intérêt criminel au taux de financement à un jour de la Banque du Canada, majoré de 20 %.

Le taux d’intérêt limite est actuellement de 35 % au Québec, ce qui est le taux le plus bas dans tout le Canada. Ce taux est à peu près semblable à ce qui se trouve actuellement dans le projet de loi C-47.

J’ai lié ce taux au taux de financement à un jour pour qu’il puisse s’ajuster en fonction de l’évolution de la situation économique. La dernière année nous a donné la preuve de la pertinence de cette proposition, puisque le taux est passé de 0,25 % en janvier 2022 à 4,75 % la semaine dernière. N’oublions pas que d’autres hausses pourraient survenir.

Le taux proposé dans mon projet de loi serait donc de 24,75 % en date d’aujourd’hui, soit environ 10 points de moins que ce que prévoit le projet de loi C-47.

Selon ce que j’ai entendu de beaucoup de Canadiens et ce que j’ai appris en faisant mes propres recherches au fil des ans, des prêts à tempérament sont accordés à des taux déraisonnables, voire abusifs, qui peuvent aller jusqu’à 39 %, 45 % et même 59,9 % — pour ne pas dire 60 %. J’ai même vu certains services publics imposer des frais de retard de 42 %.

L’un des aspects que je ciblais en ce qui a trait au taux réduit, mais sur lequel ce taux n’aura pas d’effet, c’est le taux d’intérêt des cartes de crédit.

La plupart des cartes de crédit ont des taux d’intérêt de moins de 20 %, mais il y en a plusieurs — en particulier les cartes de certaines bannières, comme Home Depot — qui ont des taux avoisinant les 30 %. Même si ces taux sont, à mon avis, trop élevés et que j’aimerais les voir baisser, mon projet de loi cible plutôt les taux particulièrement élevés qui s’appliquent aux prêts à tempérament et aux services publics. Regardez vos factures de fournisseurs comme Bell et TELUS.

Je dois aussi souligner que le gouvernement a fait des progrès dans un autre domaine qui me préoccupe et sur lequel des projets de loi ont été déposés, soit les frais de crédit facturés aux commerçants. Les frais de transaction au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Comme ils font augmenter les prix, c’est nous tous qui les payons. Le gouvernement a récemment annoncé des accords avec Visa et Mastercard pour réduire ces frais à 0,95 % en moyenne, ce qui représente une amélioration considérable par rapport à il y a quelques années, lorsque les taux atteignaient 3 %.

Cette limite n’est toutefois pas aussi basse que celle qui a été imposée ailleurs, par exemple dans l’Union européenne. Il y a plus de 10 ans, cette dernière a fixé une limite de 0,3 % sur les frais de transaction.

Je remercie donc le gouvernement de continuer à tenir ses promesses budgétaires à cet égard.

Je voudrais également souligner que le budget indique — et la ministre des Finances l’a également mentionné — qu’il y aurait de nouvelles consultations pour déterminer s’il faut abaisser encore davantage les taux d’intérêt. Je m’en réjouis, parce que je crois que le taux doit être plus bas que 35 %, et peut-être même égal au taux de financement à un jour majoré de 20 %; vous voyez?

Je suivrai de près ces consultations et je continuerai d’exercer des pressions pour que le taux soit abaissé.

L’endettement des consommateurs est un problème sérieux et croissant au Canada. Il est particulièrement inquiétant étant donné l’inflation et l’augmentation du coût de la vie. Selon TransUnion, l’endettement des consommateurs, peu importe les sources, a augmenté de 5,6 % d’une année à l’autre pour atteindre 2,32 billions de dollars, un nouveau sommet. C’est le fardeau d’endettement des Canadiens.

Les prêts remboursables par versements enregistrent une baisse de 5,76 %, mais les Canadiens ont toujours une dette moyenne de 20 846 $ — et ce sont souvent les taux d’intérêt les plus élevés qui s’appliquent. Il est inquiétant que la dette continue de gonfler, et les mesures comme celle-ci, qui visent à aider les Canadiens à gérer leur niveau d’endettement, ne feraient pas grand-chose pour améliorer ou renverser cette tendance.

Le projet de loi cible aussi un sujet connexe que je suis de très près. En 2006, le Parlement a fait une grave erreur. Nous avons exclu un article du Code criminel à la condition que les provinces prennent des règlements. Voici la réglementation qu’elles ont adoptée : le taux d’intérêt criminel a été modifié pour exclure les prêts à court terme de moins de 1 500 $, qui sont aussi connus sous le nom de prêts sur salaire. Je pense que c’était une erreur, et le budget a prévu des mesures pour la corriger. Le projet de loi permet au gouverneur en conseil de fixer, par règlement, des taux pour les prêts de ce type.

Les taux actuels dans les provinces atteignent 17 $ par 100 $. Vous pensez peut-être que ce ne sont pas des taux si élevés. Cependant, tel qu’il est mentionné dans le budget, le gouvernement veut fixer la limite à 14 $, ce qui correspond au taux le plus bas actuellement en vigueur, à savoir celui de Terre-Neuve. Chers collègues, dans cette province, 14 $ d’intérêt pour chaque tranche de 100 $ de prêts sur une période de deux semaines représentent un taux annualisé de 365 %. À l’exception du Québec, le taux pour l’ensemble des autres provinces et territoires est de 395 %. Nous nous demandons ensuite pourquoi les Canadiens sont si endettés. C’est du vol. Je vais demander des comptes au gouvernement pour m’assurer qu’il tient sa parole, qu’il mène les consultations appropriées, qu’il retire cette question des mains des provinces et qu’il la réinsère dans le Code criminel, comme il se doit.

Je dirais que l’article au complet, à l’exclusion de la partie concernant les prêts sur salaire, devrait être supprimé. Je suis en faveur d’une telle approche. J’espère que les futures consultations amèneront le gouvernement à supprimer cet article, à l’exclure complètement du Code criminel, et à imposer le plafond actuel de 35 % à ces prêts, taux qui, je l’espère, diminuera à 20 % à l’avenir.

Après avoir passé des années à faire avancer ce dossier, à écouter les Canadiens, à parler aux parties prenantes et aux représentants du gouvernement, je me réjouis — et je suis sincère — de voir qu’il y a enfin de l’espoir, que des mesures sont prises et que l’on promet d’en prendre d’autres à l’automne pour abaisser les taux d’intérêt. Cela profitera grandement aux personnes les plus vulnérables sur le plan financier, qui se retrouvent souvent dans cette situation sans que ce soit de leur faute. Et ces mesures ne coûtent rien au gouvernement fédéral.

Je continue de penser qu’il serait raisonnable de viser un taux encore plus bas, mais j’apprécie que le gouvernement ait inscrit cette mesure dans le budget. Elle était attendue depuis longtemps et aidera les Canadiens en cette période d’incertitude économique.

Je soutiens cette action du gouvernement, et, même si ce n’est pas ce que j’aurais préféré, c’est un pas dans la bonne direction. Cela dit, j’invite le gouvernement à garder un œil sur cette question et à être ouvert à l’idée d’envisager d’autres changements, car il s’agit d’une question qui touche le bien-être de tous les Canadiens, et cela nous concerne tous. Je vous remercie encore une fois d’avoir écouté mes interventions sur les taux d’intérêt criminels.

L’honorable Paula Simons [ - ]

Tansi.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-47, Loi d’exécution du budget, et plus particulièrement de la section 23 de la partie 4, qui porte sur la déclaration des droits des passagers aériens.

Depuis des jours, j’ai une citation célèbre de Richard III, la pièce de Shakespeare, coincée dans ma tête, et je vais maintenant vous la mettre dans la tête.

Donc, voici l’hiver de notre déplaisir

Changé en glorieux été par ce soleil d’York;

Voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison

ensevelis dans le sein profond de l’Océan!

Je crois que c’est parce que ce fut un hiver de profond déplaisir pour les passagers aériens du Canada. Mais ce fut aussi un automne de déplaisir, et un printemps de déplaisir aussi; hélas, je vois peu d’indications que les nuages vont se briser ou que le glorieux été ensoleillé du voyage aérien est à nos portes.

Lorsqu’au plus fort de la pandémie de COVID-19 les aéroports ont été fermés et la demande de passagers a diminué radicalement, les compagnies aériennes et les aéroports ont retiré une grande partie de leurs services. Il n’a pas été facile de remettre en marche le système aérien du Canada après cette fermeture. Il y a des pénuries de main-d’œuvre à tous les goulots d’étranglement. Il n’y a pas assez de contrôleurs aériens. Il n’y a pas assez de pilotes. Il n’y a pas assez de contrôleurs de sécurité. Il n’y a pas assez de personnel au sol, de personnel navigant, de bagagistes ou d’agents des services aux passagers.

Les dirigeants des aéroports et des compagnies aériennes ne cessent de nous dire que les choses s’améliorent, mais nous, sénateurs, qui voyageons beaucoup, savons pertinemment que l’expérience du voyage aérien n’a rien à voir avec ce qu’elle était avant que la pandémie ne frappe. Les vols sont chroniquement retardés ou annulés, si seulement vous avez la chance de trouver un vol, puisque de nombreuses petites agglomérations — et par « petites », j’inclus des villes aussi peu petites qu’Ottawa et Edmonton — ont perdu un grand nombre de vols directs, obligeant les voyageurs à modifier leurs plans au profit des aéroports de Toronto et de Montréal, qui sont déjà débordés. Lorsque des vols sont reportés ou annulés et que des passagers ratent leur correspondance, on a souvent l’impression que les transporteurs aériens abandonnent tout simplement à leur sort les passagers frustrés et apeurés.

Les sénateurs, qui empruntent l’avion si fréquemment, accumulent souvent assez de points de déplacement pour avoir la chance de se qualifier parmi ceux qui peuvent appeler une ligne de service à la clientèle spéciale réservée à l’« élite » pour obtenir de l’aide. Toutefois, ce n’est pas le cas de la plupart des passagers. Lorsque votre vol pour vous rendre chez vous à Noël est annulé et que tout ce que vous obtenez lorsque vous appelez la ligne d’assistance est un message enregistré disant qu’un agent retournera votre appel dans trois jours, il n’est pas étonnant que les passagers dépassés se fâchent et s’en prennent au personnel de cabine et aux agents d’embarquement qui, eux-mêmes, n’ont ni les réponses ni le pouvoir de régler les problèmes auxquels se heurtent les passagers.

Tout le monde comprend qu’il arrive parfois des imprévus. Je crois que les Canadiens pourraient composer avec de telles crises relativement calmement s’ils obtenaient rapidement des réponses et un véritable soutien de la part des transporteurs aériens lorsque les choses tournent mal. Les transporteurs aériens n’ont aucun contrôle sur le temps qu’il fait. Toutefois, ce sont eux qui déterminent le nombre d’agents de bord et d’agents du service à la clientèle disponibles pour aider les gens stressés et en détresse lorsque les choses se gâtent. Attribuer tous les problèmes aux intempéries dans un pays où ces dernières sont monnaie courante ne suffit pas.

Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de prendre l’avion, comme une grand-mère qui va visiter ses petits-enfants, un étudiant qui rentre à la maison, une famille qui part en vacances ou une personne qui se rend à un mariage ou à un enterrement et qui ne veut pas être en retard, il est terriblement compliqué de s’y retrouver dans ce système. La scène la plus déchirante dont j’ai été témoin cet hiver était celle d’une femme qui voulait absolument faire le trajet d’Edmonton au Cap-Breton pour se rendre au chevet de sa mère, qui était sur son lit de mort. Elle a laissé échapper un cri de détresse lorsqu’elle a compris que notre vol était extrêmement en retard et qu’elle manquerait la correspondance pour son vol vers Sydney et qu’elle n’arriverait pas à temps pour voir sa mère une dernière fois — le cri qu’elle avait poussé me hante encore à ce jour.

Le système n’est pas mieux pour ceux qui ont l’habitude de prendre l’avion pour le travail et qui ne peuvent avoir l’assurance qu’ils arriveront à temps aux réunions ou aux conférences. On peut pas simplement hausser les épaules et se dire que c’est seulement un inconvénient; la situation nuit à l’économie canadienne et à la réputation du Canada à l’étranger.

J’ai des anecdotes. Vous avez des anecdotes. Se plaindre de nos voyages les plus récents est assurément l’une des choses qui unissent les sénateurs de toutes les affiliations. Il n’est toutefois pas nécessaire de s’appuyer sur des anecdotes pour comprendre l’ampleur et la portée du problème. Au cours de ses audiences sur le projet de loi C-47, le Comité des transports et des communications a appris que les données mensuelles publiques sur la ponctualité des vols montrent que l’aéroport Pearson de Toronto, l’aéroport Pierre‑Elliott-Trudeau de Montréal et l’aéroport international de Vancouver affichent constamment des résultats inférieurs à ceux d’aéroports américains comparables comme l’aéroport de Seattle, l’aéroport de Detroit et l’aéroport O’Hare de Chicago. Environ 1,5 à 2 vols sur 10 sont retardés dans les aéroports américains comparables. Dans les trois plus grands aéroports du Canada, il y a près de 4 vols retardés sur 10. Cette situation signifie que si nous avons de la chance, 60 % des vols partent à l’heure.

Il est vrai que nous avons une déclaration des droits des passagers des lignes aériennes, qui permet aux passagers de présenter une plainte s’ils ne sont pas satisfaits de la façon dont les compagnies aériennes règlent leurs problèmes. Des témoins ont déclaré au comité que, l’an dernier seulement, les voyageurs au Canada ont déposé quelque 40 000 plaintes officielles concernant la façon dont ils ont été traités par les compagnies aériennes. Or le système de traitement des plaintes est totalement déficient. Le mois dernier, on constatait un arriéré de 46 000 plaintes, ce qui signifie qu’à peu près aucune des plaintes présentées l’an dernier par les 40 000 passagers n’a été résolue. Ce n’est pas surprenant, car l’Office des transports du Canada met, en moyenne, 18 mois pour régler une plainte. Un arriéré de 46 000 plaintes, c’est la bureaucratie dans sa forme la plus absurde, c’est reporter et refuser la justice au consommateur. Il ne faut pas se leurrer : nous devons être conscients que ces 46 000 plaintes ne sont que la pointe de l’iceberg. La plupart des Canadiens qui ont vécu une terrible mésaventure pendant leurs déplacements ne se donnent même pas la peine de déposer une plainte, soit parce qu’ils ne savent pas que le système existe, soit parce qu’ils font preuve d’un cynisme indifférent — non, un prosaïsme las plutôt. Ils savent que le fait de déposer une plainte dans un système comme celui-ci ne mènera à rien.

Par conséquent, j’ai été très heureuse d’apprendre que le gouvernement a mis à jour la Déclaration des droits dans le but d’offrir un peu plus de soutien et de recours aux passagers lésés.

Dans son témoignage devant notre comité, France Pégeot, présidente et première dirigeante de l’Office des transports du Canada, a tenté d’expliquer en quoi le nouveau système proposé serait meilleur que le système inefficace dont nous « bénéficions » actuellement.

En l’état actuel des choses, les droits des passagers dépendent de la manière dont une perturbation de vol est classée : sous le contrôle de la compagnie aérienne, sous le contrôle de la compagnie aérienne, mais nécessaire pour la sécurité, ou hors du contrôle de la compagnie aérienne. Il est donc difficile pour les passagers de comprendre leurs droits et il est difficile de faire appliquer les réglementations.

Le projet de loi C-47 éliminerait les trois catégories de perturbations des vols. En vertu du nouveau cadre simplifié, les transporteurs aériens seraient tenus d’indemniser les passagers, sauf en cas de situation exceptionnelle. Or, qu’est-ce qu’une situation exceptionnelle? Nous ne le savons pas encore. L’Office des transports du Canada définira l’expression plus tard dans la réglementation. Ce que l’on sait, c’est que, dès l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi C-47, le fardeau de la preuve sera renversé. À l’heure actuelle, les passagers doivent prouver qu’ils ont droit à une indemnisation. Avec les nouvelles règles, le fardeau de la preuve sera inversé. Les compagnies aériennes devront prouver qu’elles n’ont pas à payer d’indemnisation.

Le projet de loi C-47 vise également à remédier au nombre écrasant de plaintes en simplifiant la procédure de règlement des réclamations. En vertu des nouvelles règles, chaque plainte devrait être résolue dans un délai de 120 jours, ce qui est loin du délai actuel de 18 mois. En outre, l’Office des transports du Canada serait autorisé à recouvrer auprès des compagnies aériennes le coût des réclamations des passagers, ce qui devrait encourager les compagnies aériennes à s’occuper directement des plaintes des clients, et ce, le plus rapidement possible.

Le projet de loi permettrait également aux passagers de faire des réclamations non seulement pour les bagages perdus, mais également pour les bagages qui disparaissent pendant des jours, des semaines, voire des mois. Les compagnies aériennes qui enfreignent les règles pourraient se voir imposer une amende d’un montant maximal de 250 000 $, ce qui est nettement supérieur à l’amende maximale de 25 000 $ en vigueur actuellement.

Tout cela a l’air bien beau, mais de sérieuses questions se posent quant à l’efficacité de ces modifications.

Par exemple, lors des audiences de notre comité, j’ai demandé à Mme Pégeot ce que ces nouvelles règles signifieraient pour les personnes qui restent coincées dans des avions sur le tarmac pendant des heures, que ce soit en raison du mauvais temps, de l’engorgement des portes d’embarquement, du manque de personnel au sol, ou d’une combinaison de ces facteurs. Je suis moi-même restée bloquée sur la piste à Montréal pendant près de sept heures en juin dernier, il y a exactement un an. Or, je sais que beaucoup d’entre vous, chers collègues, avez vécu des situations semblables.

Voici la question que j’ai posée à Madame Pégeot :

Souvent, au Canada, les vols sont retardés à cause des conditions météorologiques, pour lesquelles les transporteurs ne prennent aucune responsabilité. Il est arrivé à de nombreux Canadiens de ne recevoir aucun soutien de la part des transporteurs aériens — pas de nourriture, d’eau et d’hébergement — dans des situations où ils devaient attendre toute la nuit le prochain vol. Dans les pires cas, des passagers ont été coincés dans l’avion pendant 7, 8, 12 ou 18 heures sans nourriture, sans eau et sans toilettes fonctionnelles.

Pouvez-vous nous dire quels seront les droits des passagers qui ont été privés d’un accès humanitaire à de la nourriture, à de l’eau et à des toilettes fonctionnelles pendant une période allant jusqu’à 15, voire 18 heures?

Voici sa réponse :

Au titre du cadre réglementaire actuel, lorsque la situation est hors du contrôle du transporteur — vous avez donné l’exemple d’un événement météorologique —, ce dernier n’a pas l’obligation de fournir de l’aide aux passagers, que ce soit de la nourriture ou de l’hébergement. Le projet de loi qui a été déposé au Parlement ne règle pas cette question. Cela dit, nous en prenons bonne note, et nous pourrons certainement nous y pencher à l’étape de la réglementation, en présumant que le projet de loi sera adopté.

Cela semble être une question assez importante qui a été laissée de côté.

Le projet de loi ne semble pas non plus contenir la moindre disposition en vue de permettre aux passagers de descendre de l’avion pour prendre l’air ou utiliser des toilettes fonctionnelles après avoir attendu pendant des heures et des heures une porte d’arrivée et l’équipe au sol.

Gabor Lukacs est le président de Droits des voyageurs, l’organisation canadienne indépendante et sans but lucratif composée de bénévoles qui se consacrent à aider les voyageurs à faire respecter leurs droits. Devant notre comité, M. Lukacs a déclaré que le projet de loi C-47 perpétue les lacunes existantes et qu’il en crée de nouvelles. Malgré les promesses contraires du gouvernement, nous a-t-il dit, « le projet de loi maintient l’excuse selon laquelle certaines mesures sont “nécessaires pour des raisons de sécurité”, qui permet aux compagnies aériennes d’éviter d’indemniser les passagers ». Il s’agit, selon lui, d’une « échappatoire propre au Canada [qui a] compliqué inutilement et de manière disproportionnée le règlement des litiges entre les passagers et les compagnies aériennes ». Étant donné, selon lui, que toutes les preuves justificatives sur la perturbation d’un vol sont sous le contrôle exclusif des compagnies aériennes, les passagers sont très désavantagés lorsqu’ils veulent exercer leur droit à une indemnisation, et bien que lui et son groupe soient préoccupés par les arriérés de plaintes actuels, il a également fait valoir que ce nouveau système de traitement accéléré des plaintes pourrait se retourner contre les passagers et priver certains d’entre eux de leur plein droit à l’arbitrage.

Parallèlement, les acteurs du secteur du transport aérien nous ont exprimé leur colère en long et en large en nous disant, lors d’audiences et de réunions, que ces changements feraient augmenter les prix, qu’ils feraient diminuer le nombre de vols offerts et qu’ils constitueraient un fardeau particulièrement lourd pour les petites compagnies aériennes régionales qui desservent les petits aéroports régionaux. Ils se plaignent également du fait qu’ils ne devraient pas être tenus responsables des retards causés, même indirectement, par les systèmes de contrôle du trafic aérien de NAV CANADA ou par d’autres retards à l’aéroport.

J’aimerais pouvoir vous donner une opinion catégorique sur les perspectives de réussite de ce nouveau système de plaintes. Malheureusement, comme le gouvernement a placé tous les changements en cause dans le méli-mélo d’un projet de loi omnibus, cela limite sérieusement le travail que pourrait faire notre comité pour décortiquer les détails. Je comprends qu’il est urgent que ces changements prennent effet, si ce n’est cet été, au moins à temps pour la saison des voyages d’automne et d’hiver. Intégrer ces changements dans le budget est sans aucun doute efficace à court terme. J’aurais toutefois grandement préféré qu’ils nous soient présentés dans un projet de loi distinct et que nous ayons plus de temps pour les étudier correctement.

Bien que l’idée de punir les compagnies aériennes en cas de mauvais service à la clientèle puisse apporter une forte satisfaction émotive, ce n’est pas suffisant pour régler les blocages de notre système de transport aérien. Il faut contrer la pénurie de pilotes hautement qualifiés en trouvant le moyen de rendre les coûteux programmes de formation plus accessibles et abordables. Il faut réinvestir dans nos infrastructures aéroportuaires afin de rendre les aéroports plus confortables et plus conviviaux pour les passagers et les compagnies aériennes. Il faut veiller à ce que NAV CANADA, la société privée qui fournit les services de contrôle aérien, ait la capacité de faire son travail. Il faut stimuler la concurrence afin que les passagers ne soient pas pris en otages par une ou deux compagnies aériennes. Il faut aussi concevoir des plans d’urgence intégrés et cohérents afin de pouvoir réagir aux phénomènes météorologiques extrêmes et faire en sorte que nos aéroports et nos compagnies aériennes puissent composer avec les nouvelles réalités liées aux changements climatiques.

La COVID n’est pas la seule chose qui a chamboulé notre existence. Nous devons nous préparer à bâtir un système de transport aérien robuste et suffisamment souple pour desservir notre magnifique, complexe et immense pays d’une manière à la fois pratique et empreinte de compassion.

Merci, hiy hiy.

L’honorable Pat Duncan [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour parler du projet de loi C-47 à l’étape de la troisième lecture.

Comme les sénateurs le savent peut-être, la section 20 de la partie 4 du projet de loi contient des modifications à la Loi sur le Yukon. L’article particulier qui modifie la Loi sur le Yukon porte sur les efforts de gestion et d’assainissement de la mine abandonnée de Faro. Il est remarquable qu’à l’occasion du 125e anniversaire de la sanction royale de la Loi sur le Yukon au Sénat du Canada, le 13 juin 1898, nous discutions d’un amendement à cette même loi. C’est la preuve que la Loi sur le Yukon — que les Yukonnais considèrent comme leur Constitution — est un document vivant et dynamique qui reflète notre époque ainsi que la croissance et le développement du territoire.

Même si je discuterai plus en détail de l’évolution constitutionnelle de la Loi sur le Yukon une fois que j’aurai entamé mon interpellation à ce sujet, je pense qu’il est opportun, à ce stade‑ci, de rappeler brièvement la signification constitutionnelle de la Loi sur le Yukon et des modifications qui y ont été apportées, comme celles dont je discuterai aujourd’hui.

Cette loi est entrée en vigueur il y a 125 ans. Elle prévoyait la nomination par le Canada d’un commissaire et d’un conseil territorial chargés de superviser l’administration du Yukon. À l’époque, la population de la région avait explosé en raison de la ruée vers l’or du Klondike, et Ottawa ressentait le besoin d’établir une administration locale pour assurer la paix, l’ordre, une bonne gouvernance, et la réglementation des boissons alcoolisées. Le conseil et le commissaire nommés agissaient au nom et sous le contrôle d’Ottawa.

Passons maintenant à 1979, quand Jake Epp, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, a écrit une lettre à la commissaire du territoire du Yukon pour l’informer qu’elle devait suivre les directives du conseil territorial dûment élu et :

[…] demander au chef du gouvernement territorial de créer et de constituer un organe appelé « Cabinet » ou « Conseil exécutif », composé de représentants élus du conseil territorial désignés, de temps à autre, par le chef du gouvernement qui jouit de la confiance du conseil.

La lettre précisait que la commissaire n’était plus membre du conseil. Autrement dit, le premier Cabinet territorial a été formé à partir d’une assemblée législative dûment et démocratiquement élue, qui était divisée en partis. Aujourd’hui, le Yukon demeure le seul territoire à pratiquer la politique de partis.

À l’époque où M. Epp a adressé sa lettre, c’est l’ancienne sénatrice du Yukon l’honorable Ione Christensen qui était commissaire.

Honorables sénateurs, aussi important qu’ait été cet événement, les membres du Comité des finances nationales avec qui j’ai eu l’honneur de travailler comprendront qu’il était tout aussi important de suivre la trace de l’argent. Aussi importante que fût la lettre du ministre Epp, quoiqu’elle n’ait pas été inscrite dans la Loi sur le Yukon, un événement plus important à mes yeux, en tant qu’ancienne ministre des Finances, s’est produit en 1985 : la mise en place de la formule de financement des territoires.

Auparavant, chaque année, le commissaire allait voir le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et lui demandait humblement : « S’il vous plaît, pourrions-nous avoir assez d’argent pour gérer le territoire pour vous? » Avec l’arrivée de la formule de financement des territoires, nous sommes devenus des partenaires à la table des négociations, au même titre que les provinces avec leurs paiements de péréquation.

Même si le Yukon avait désormais le contrôle de ses finances, c’est grâce à l’Entente sur le transfert des responsabilités que nous sommes devenus les maîtres de nos propres affaires. L’Entente sur le transfert des responsabilités conférait au territoire des responsabilités en matière de gestion des terres et des ressources. L’accord initial a été signé en 2001 par moi-même au nom du Yukon, et sa mise en œuvre a eu lieu en 2003.

Les négociations autour de l’entente ont donné lieu à de nombreuses discussions sur l’assainissement du site de la mine Faro. La mine Faro, qui fut autrefois la plus grande mine de plomb et de zinc à ciel ouvert du monde, a été inaugurée en 1969. Au bout de près de 30 ans d’exploitation sous différents propriétaires et après avoir contribué pour plus de 30 % à l’économie du Yukon, les derniers propriétaires ont fait faillite et ont abandonné la mine en 1998.

Soixante-dix millions de tonnes de résidus et 320 millions de tonnes de roche stérile risquant de faire pénétrer des métaux et de l’acide dans les terres et les eaux environnantes ont été abandonnés. Les sommes dépensées par le Canada pour remettre en état les lieux de la mine Faro montrent clairement l’importance de l’assainissement. Au cours du dernier exercice financier, le Canada a dépensé plus de 86 millions de dollars en mesures correctives, ainsi qu’en frais de préservation et d’entretien. Les deux années précédentes, ce sont, respectivement, 92 millions de dollars et 103 millions de dollars qui ont été dépensés à cette fin.

Pour revenir à la formule de financement, manifestement, avec un budget territorial de 535,5 millions de dollars en 2001, le Yukon ne pouvait assumer le fardeau financier de l’assainissement de la mine Faro; pourtant, l’Accord de transfert des attributions devait nous permettre d’être maîtres de nos propres affaires. Cela nous amène aux modifications proposées dans le projet de loi C-47.

L’Accord de transfert des attributions précisait que la mine Faro constitue une responsabilité partagée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial. Le Canada avait la responsabilité de financer la préservation et l’entretien, ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre des plans de mesures correctives à long terme, tandis que le Yukon était responsable d’exécuter les activités.

Cette entente a rapidement entraîné des difficultés majeures quant à la capacité du gouvernement du Yukon d’influencer l’orientation, la portée, le calendrier et le budget du projet. Le résultat net pour les entrepreneurs qui travaillaient sur le terrain a été des retards de paiements et un processus très frustrant. En 2020, un accord transitoire a été conclu prévoyant que le gouvernement fédéral s’occupe provisoirement de la préservation et de l’entretien par délégation de pouvoir du ministre de l’Environnement du Yukon.

Cette modification à la Loi sur le Yukon éliminerait la nécessité de délégation. Elle confierait à un seul ministre fédéral la gouvernance du projet, la responsabilité financière pour l’assainissement et le pouvoir réglementaire de gérer les risques sur le site.

Honorables sénateurs, ce contexte ne donne pas la vue d’ensemble de la situation. Je voudrais vous décrire le rôle essentiel des Premières Nations du Yukon. Si le 13 juin marquait le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon, les honorables sénateurs m’ont entendu parler plus tôt cette année du 50e anniversaire du document Together Today for our Children Tomorrow, aussi célébré cette année.

En 1993, le Yukon et le Canada ont signé un accord-cadre définitif. Depuis, 11 des 14 Premières Nations du Yukon ont conclu des accords sur l’autonomie gouvernementale et sur les revendications territoriales. Le chapitre 12 de l’accord-cadre prévoyait la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui met en œuvre un processus d’évaluation des projets dont il est question dans le projet de loi C-69, qui a reçu la sanction royale en juin 2019.

Il est important d’inclure l’élaboration de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon comme faisant partie de l’accord-cadre et de l’accord conclu entre le gouvernement du Canada, le Conseil des Indiens du Yukon et le gouvernement du Yukon. Il faut en parler dans les discussions au sujet d’éléments comme l’assainissement du site de la mine Faro. La loi prévoit la création de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, chargé de l’évaluation de tous les projets — les autoroutes, les droits de passage vers les mines, les droits des Premières Nations, l’environnement, le développement socioéconomique du territoire sont tous reconnus et doivent être évalués avant qu’un projet soit lancé.

Je vais parler de l’échéancier du projet d’assainissement de la mine Faro. En 2003, un comité de surveillance a été formé de représentants clés du gouvernement du Yukon, d’Affaires autochtones et du Nord Canada, des Premières Nations Kaska et Selkirk pour élaborer le plan d’assainissement de la mine Faro. De 2002 à 2004, des séances de consultation techniques ont été organisées afin d’obtenir le point de vue des communautés des Premières Nations. En 2006-2008, les options d’assainissement ont été précisées à la suite d’une série de séances de consultation auxquelles ont participé les Premières Nations Kaska et Selkirk, la ville de Faro, les gouvernements et les organismes de réglementation, le tout supervisé par des experts indépendants. En 2009, la solution d’assainissement a été confirmée et approuvée par le Canada, le gouvernement du Yukon, et les Premières Nations Kaska et Selkirk.

Ce sont là des exemples de la façon dont fonctionnent les relations intergouvernementales aujourd’hui, dans le respect de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, pour régler des dossiers importants comme le projet d’assainissement de la mine Faro.

Un volet du projet d’assainissement de la mine Faro porte sur la dérivation de la branche nord du ruisseau Rose, qui est situé sur le territoire traditionnel du Conseil déné Ross River et de la Première Nation Liard. Le Conseil déné Ross River et la Première Nation Liard sont également deux Premières Nations qui n’ont pas encore signé d’accords sur les revendications territoriales avec le Yukon et le Canada.

Devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, Stephen Mead, sous‑ministre adjoint de Ressources minérales et Services géoscientifiques, au gouvernement du Yukon, a parlé de la réussite de ce volet du projet d’assainissement.

Il y a 15 ans, il se tenait face à un barrage où l’eau coulait à travers des roches pour la première fois. Des résidus provenant de l’exploitation minière se sont accumulés dans un ruisseau ou une rivière pendant des décennies. Cette rivière a été détournée au tout début du réseau en raison de ces résidus. Il s’agit du ruisseau Rose Creek. On a vu apparaître des contaminants provenant des déchets rocheux qui n’étaient pas là auparavant. Il a fallu procéder à des mises à niveau, des modifications et des améliorations à grande échelle pour que l’eau demeure propre sur l’ensemble du site.

Étant donné que, depuis des milliers d’années, ce site a une grande importance culturelle et constitue le principal lieu de chasse et de cueillette de plantes médicinales pour les Dénés de Ross River, le Conseil de la bande dénée de Ross River est très engagé dans ce projet depuis de nombreuses années. Il joue un rôle essentiel pour orienter les décisions prises au sujet de ce site. La rivière et le site de Rose Creek ont une importance particulière. M. Mead a dit ceci :

Selon la tradition orale, les gens se réunissaient à un certain endroit le long du ruisseau pour recueillir de l’eau et préparer une infusion médicinale spéciale. Cet endroit se trouve exactement dans le système de détournement du ruisseau Rose Creek. Il fallait absolument en tenir compte dans le cadre de notre travail.

Nous discutons de cet aspect et des modifications à la Loi sur le Yukon proposées dans le projet de loi C-47 en raison des travaux qu’on a dû effectuer dans le cadre de projets comme le projet de détournement du ruisseau Rose Creek.

Les personnes les plus touchées par cet amendement sont celles qui travaillent sur le terrain à l’assainissement. Cet amendement garantit un paiement rapide, car les entrepreneurs traitent avec une seule administration au lieu de plusieurs.

Honorables sénateurs, je manquerais à mon devoir de second examen objectif des dispositions de la Loi sur le Yukon si je ne disais pas que certains interprètent cet amendement comme un retour en arrière par rapport à l’entente sur le transfert des responsabilités et aux modifications apportées à la Loi sur le Yukon par la Chambre des communes et adoptées ici même en 2002.

Je suis sensible à cette préoccupation et je me rappelle très bien les échanges concernant la responsabilité de l’assainissement du site de la mine Faro. Devrions-nous, au Yukon, assumer cette responsabilité alors que le Canada a autorisé le projet et, très honnêtement, en a récolté les fruits sous la forme de millions de dollars d’impôts et de redevances minières au cours de l’exploitation de la mine entre 1969 et 1998? Qui devrait vraiment être responsable de cette remise en état?

En revanche, après avoir travaillé si fort pour être maîtres chez nous en réglant les revendications territoriales et en négociant une entente sur le transfert des responsabilités, devrions-nous vraiment redonner au Canada le contrôle du territoire en modifiant la Loi sur le Yukon? Comme je l’ai dit, certains considèrent qu’il s’agit d’un retour en arrière dans l’évolution politique du territoire.

Cette modification permet au Canada d’assumer ses responsabilités et de faciliter le versement des fonds fédéraux, en allégeant le fardeau administratif des deux gouvernements. De plus, il s’agit seulement de ce site en particulier.

Les droits des Autochtones sont maintenus compte tenu du fait que tous les travaux sur le site de la mine Faro doivent respecter la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui garantit le rôle des Premières Nations et des gouvernements des Premières Nations. J’ajoute également que le paragraphe 56(1) de la Loi sur le Yukon prévoit que le gouvernement du Yukon doit être consulté avant qu’une quelconque modification à la loi ne soit déposée. De la même façon où on nous rappelle la force de la voix d’une Chambre des communes dûment élue, le gouvernement du Yukon, qui appuie cette modification, est le représentant dûment élu de la population qui a demandé que cette modification soit apportée à sa constitution.

Chers collègues, je suis reconnaissante du temps que vous m’avez accordé ce soir pour expliquer le contexte de cette modification à la Loi sur le Yukon. Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Je tiens à exprimer mon soutien à l’égard de la modification à la Loi sur le Yukon, qui est prévue à la section 20 de la partie 4 du projet de loi C-47. Avec le gouvernement du Yukon dûment élu et le député de cette région à l’autre endroit, je soutiens cette initiative et en recommande l’adoption par le Sénat. Gùnáłchîsh, mahsi’cho, merci.

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