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Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2024

Troisième lecture

20 juin 2024


L’honorable Tony Loffreda [ - ]

Propose que le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole cet après-midi à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

J’ai de très bonnes nouvelles : je serai bref. Sérieusement!

Je voudrais prendre quelques instants pour faire quelques commentaires additionnels sur le projet de loi, mais surtout offrir certains remerciements bien mérités.

Je suis soulagé et ravi que notre Comité des finances nationales ait adopté le projet de loi hier soir sans amendement. De toute évidence, mes collègues autour de la table reconnaissent le bien‑fondé des mesures contenues dans le projet de loi.

J’en conviens : les mesures que comprend le projet de loi C-69 ne font pas l’unanimité.

Toutefois, ce projet de loi contient de nombreuses mesures qui contribueront à bâtir une économie qui fonctionne pour toutes les générations de Canadiens et où les jeunes générations de Canadiens peuvent également améliorer leur situation.

Les mesures contenues dans le projet de loi C-69 visent à rendre l’accession à la propriété plus abordable, à nourrir nos enfants grâce à un programme national d’alimentation dans les écoles, à rendre les forfaits téléphoniques moins chers, à renforcer les communautés et les entreprises autochtones, à mettre en œuvre l’augmentation garantie de 5 % du Transfert canadien en matière de santé, à élargir le programme canadien d’exonération du remboursement des prêts d’études, à lutter contre le vol de véhicules, à lancer le cadre canadien sur les services bancaires axés sur les consommateurs, à soutenir le journalisme, à investir dans l’économie propre et à protéger les personnes qui travaillent à la demande et les travailleurs saisonniers. Je pourrais continuer longtemps, mais je vais m’arrêter là.

Le projet de loi C-69 est un bon projet de loi. J’espère que mes collègues reconnaîtront qu’il fera bénéficier les Canadiens d’une longue liste d’avantages, qu’ils voteront en faveur de ce projet de loi et qu’ils appuieront l’engagement du gouvernement à rendre la vie un peu meilleure, un peu plus équitable, un peu plus sûre et un peu plus abordable pour les Canadiens.

Je prends maintenant un instant pour remercier quelques personnes. Je sais que mes collègues seront d’accord avec moi pour dire que derrière tout bon comité se cache une excellente équipe de soutien. Au Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous pouvons compter sur une équipe championne de personnes exceptionnelles, dont la greffière Mireille K. Aubé. Personne ne sait quel est exactement son second prénom, si le « K » est le diminutif pour kicks butt ou knows her stuff, pour indiquer comment elle fait bouger les choses ou sait de quoi elle parle. Personnellement, je penche pour la deuxième option.

Je remercie sincèrement Tracy, les deux analystes du comité, André et Shaowei, tous les interprètes, tout le personnel responsable des consoles et des caméras, les pages et les autres personnes qui soutiennent notre travail. Nous apprécions tout ce que vous faites.

Je tiens également à remercier les membres de mon personnel, Éric Gagnon et Julie Richer, qui travaillent fort. Merci pour tout ce que vous faites.

Je remercie les témoins qui ont comparu devant les différents comités. En particulier, j’exprime ma gratitude à tous les fonctionnaires qui travaillent souvent en coulisse à l’élaboration des politiques. Je suis toujours impressionné par la qualité et le professionnalisme des fonctionnaires fédéraux. Lorsque j’ai assisté à la séance d’information qui m’a été donnée à titre de parrain du projet de loi, quelque 80 personnes étaient présentes, dont un bon nombre ont par la suite témoigné devant les comités sénatoriaux. Je vous remercie de tout ce que vous faites pour nous, les parlementaires, et la population canadienne en général.

Je remercie notre nouveau président, le sénateur Carignan. Tous nos collègues qui siègent au Comité sénatorial permanent des finances nationales partagent sans doute mon opinion : vous avez fort bien su chausser les bottes de cow-boy de notre ancien président, le sénateur Mockler. Je n’ai aucun doute que notre comité continuera de faire du bon travail dès notre retour en septembre.

Bien entendu, je remercie tous les comités qui ont étudié le projet de loi C-69 au cours des deux dernières semaines. Comme je l’ai souligné dans mon discours d’hier — et je pense qu’il vaut la peine de le répéter — 10 comités sénatoriaux permanents ont tenu 36 réunions, auxquelles s’ajoute l’examen article par article hier soir, et 239 témoins ont été entendus. Nous avons reçu des dizaines de mémoires, et ils continuent d’affluer.

Nous avons fait du bon travail. Nous ne devons pas donner aux Canadiens l’impression que nous n’avons pas accordé à ce projet de loi l’attention qu’il méritait. Au contraire, compte tenu des circonstances, nous nous sommes surpassés.

Chers collègues, je n’ai pas l’intention de parler davantage du contenu du projet de loi aujourd’hui. J’espère que mes observations d’hier ont été suffisantes pour vous permettre d’évaluer les mérites des mesures contenues dans le projet de loi C-69 et que vous voterez en sa faveur.

Toutefois, j’aimerais parler d’une mesure en particulier du projet de loi, à savoir la section 22 de la partie 4, qui apporte des modifications au Code canadien du travail. Comme je l’ai mentionné hier, grâce à la section 22, le gouvernement remplit son engagement d’achever l’élaboration d’une politique sur le droit à la déconnexion dans le secteur privé sous réglementation fédérale. Nous savons, par exemple, que la déconnexion du travail est essentielle au bien-être de nos employés et à notre propre bien-être ainsi qu’à la productivité globale de toute organisation ou institution.

Si j’en parle, c’est uniquement parce que je tiens à insister sur le besoin urgent d’adopter ce projet de loi immédiatement. Faisons-le dans l’intérêt des Canadiens, bien sûr, mais aussi dans l’intérêt des membres du personnel de nos bureaux et de l’Administration, qui travaillent d’arrache-pied et qui méritent tous un repos bien mérité. Ils devraient eux aussi pouvoir de se déconnecter. Je pense que cela doit commencer dès que nous aurons adopté le projet de loi C-69 et qu’il aura reçu la sanction royale.

Chers collègues, je termine en remerciant de nouveau le sénateur Gold et la ministre Freeland de la confiance qu’ils m’ont témoignée. Ce fut un plaisir, la plupart du temps. Ce fut également un véritable défi que de parrainer ce projet de loi au Sénat. Je n’aurais pas pu y arriver sans le soutien de mon personnel ainsi que de celui du bureau du représentant du gouvernement au Sénat et du cabinet de la vice-première ministre. Je les remercie donc chaleureusement, y compris Dorothy, Laura, Yianni, Kariné et Alex. Merci.

Je remercie également tous mes collègues du Sénat. Je continue d’apprendre tous les jours, alors merci.

Je souhaite terminer sur une note positive. Vous savez tous à quel point je suis positif et à quel point ma vision du Canada est positive.

Récemment, j’ai lu quelque chose au sujet d’une étude réalisée dans une académie de tennis en Floride qui avait comparé les 5 meilleurs joueurs de tennis au monde aux 25 meilleurs. Qu’est-ce qui distingue les performances des 5 meilleurs de celles des 25 meilleurs? Quelles sont les différences? Est-ce leur entraînement, leur régime alimentaire, l’âge auquel ils ont commencé à jouer au tennis ou le type d’exercices physiques qu’ils font? Non : c’est leur façon de penser, leur état d’esprit. Dans les 10 à 15 secondes qui suivent la perte d’un point, ils pensaient à des choses positives, comme : « J’aime ce sport. Je ne préférerais être nulle part ailleurs. Je n’ai peut-être pas remporté ce point, mais je remporterai le prochain. Vous allez voir. »

Les joueurs qui entretenaient des pensées positives avaient un rythme cardiaque et respiratoire plus lent et, tout au long de la compétition, ils conservaient leur énergie et ils se sentaient mieux dans leur peau. Conserver leur énergie leur permettait de remporter la victoire.

La perspective que l’on adopte fait la différence. C’est pourquoi je suis toujours positif. L’état d’esprit, c’est plus important que tout le reste. Hier, lors de mes interventions, j’étais positif. J’ai toutefois parlé d’un rapport de Statistique Canada publié en 2024 qui indique que près de 10 % des Canadiens vivent sous le seuil de pauvreté. J’espère donc que le projet de loi d’exécution du budget permettra d’augmenter le pourcentage de Canadiens qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté, qui est actuellement de 90 %.

Honorables sénateurs, je ne saurais trouver de meilleure façon de commencer l’été qu’en adoptant le projet de loi C-69. Faisons-le pour le bien du pays. Merci. Meegwetch.

L’honorable Colin Deacon [ - ]

Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Loffreda de son positivisme.

Chers collègues, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024.

Toutefois, d’entrée de jeu, je dois m’associer aux observations qu’a faites le sénateur Tannas lors de son discours d’hier, à l’étape de la deuxième lecture. À un moment donné, le Sénat doit décider que ça suffit, les projets de loi omnibus. Il est tout à fait déraisonnable et même irresponsable que la Chambre nous renvoie, à la dernière minute, deux projets de loi omnibus comptant au total 1 209 pages et comportant des mesures législatives aussi disparates que complexes et, par surcroît, que le gouvernement s’attende à ce que nous les adoptions les deux intégralement et dans les délais impartis.

Les projets de loi omnibus regorgent systématiquement de mesures législatives qui ont de vastes ramifications et qui sont manifestement de nature non budgétaire et non économique.

À mon avis, les modifications substantielles apportées à la Loi électorale du Canada l’année dernière, dans la Loi no 1 d’exécution du budget de 2023, en sont un excellent exemple. Je continue d’être profondément perturbé par le fait que l’une des seules choses sur lesquelles les trois plus grands partis politiques fédéraux peuvent s’entendre, c’est de limiter leur responsabilité en matière de protection des droits relatifs aux données des Canadiens et en matière de cybersécurité. Alors que le reste du monde renforce les droits relatifs aux données et à la sécurité, le gouvernement a pris cette décision-là et il l’a dissimulée à la dernière page d’un projet de loi omnibus.

Nous devons tous réfléchir sérieusement à notre réticence collective à empêcher le scénario se répéter continuellement, année après année. Où et quand devons-nous tracer la limite?

Je suis bien conscient du fait que, cette année, je célèbre des changements très importants liés à la concurrence, aux banques et au blanchiment d’argent qui, paradoxalement, sont contenus dans deux projets de loi omnibus, le projet de loi C-69 et le projet de loi C-59, adopté plus tôt cette semaine. Je me rassure en me disant que ces mesures ont bel et bien été décrites dans les discours sur le budget et qu’elles portent sur des questions économiques urgentes. Elles ont déjà trop tardé, mais je ne peux m’empêcher de me demander à quel point je contribue au problème en les soutenant.

J’ai énormément de respect pour le travail que nous faisons, mais je pense que nous commençons à recevoir un message fort du gouvernement, à savoir que son respect a des limites et qu’il va nous rendre la tâche de plus en plus difficile.

Cet enjeu a été très bien illustré à la séance d’information technique sur le projet de loi C-69. Quatre fonctionnaires du ministère des Finances étaient présents pour répondre aux questions sur les quelque 500 pages qui composent les 3 premières parties du projet de loi. Quand nous sommes passés à la quatrième partie et à ses 44 sections de diverses mesures couvrant quelque 150 pages, les 4 fonctionnaires du ministère des Finances sont partis et ont été remplacés par un flot continu de dizaines et de dizaines de fonctionnaires, qui se sont entassés dans la salle du comité. Cette séance, qui a eu lieu dans une salle pleine à craquer, a réuni au moins 60 fonctionnaires représentant au moins une vingtaine de ministères et d’organismes différents.

Quelle illustration frappante d’un projet de loi omnibus. Chers collègues, nous avons un problème, et j’espère que nous choisirons de le résoudre.

Maintenant que c’est dit, je souhaite me prononcer sur les deux parties du projet de loi C-69 où le gouvernement prend enfin des mesures qui se font attendre depuis très longtemps : les services bancaires axés sur les consommateurs, à la section 16 de la partie 4, et les modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, à la sous‑section A de la section 34.

Je vais d’abord me concentrer sur la nouvelle mesure législative intitulée « cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs », qui est incluse dans la section 16 et qui apporte aussi des modifications à la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Au risque que cela ressemble un peu à un traumavertissement, je présente mes excuses à l’avance à mes collègues qui, au cours des cinq dernières années, m’ont déjà entendu souvent parler des services bancaires ouverts parce que je vais le faire encore une fois. La seule différence, c’est que le gouvernement y fait maintenant référence comme les services bancaires axés sur les consommateurs.

Par services bancaires axés sur les consommateurs, on entend les droits et les procédures qui permettent aux consommateurs d’exercer un contrôle sur leurs données financières personnelles et la capacité de communiquer ces données en toute sécurité à un fournisseur de services accrédités qui, selon eux, leur offrira un service utile.

Il pourrait tout simplement s’agir de transférer leur argent de leur institution financière actuelle à une autre banque ou institution financière, ou encore de transmettre leurs données depuis une banque jusqu’à une institution non bancaire qui offre des services spécialisés qui leur apparaissent très utiles.

Les avantages sociaux et économiques des services bancaires axés sur les consommateurs sont transformateurs pour les consommateurs et les petites entreprises. De quelle manière? Imaginons que vous ayez la chance d’avoir un peu d’argent dans votre compte chèques, mais que votre banque ne vous versait aucun intérêt? Ne serait-il pas agréable de pouvoir obtenir instantanément des devis concurrentiels auprès de plusieurs institutions assurées par la Société d’assurance-dépôts du Canada, sans devoir vous rendre dans une succursale ou passer un coup de fil?

Supposons que vous demandez un prêt et que vous deviez remplir plusieurs fois les mêmes formulaires auprès de chaque institution financière. Ne serait-il pas agréable qu’une organisation puisse avoir accès aux renseignements requis plutôt que d’avoir à remplir de longs formulaires à plusieurs reprises? Imaginez pouvoir utiliser ces renseignements et obtenir presque instantanément des devis auprès de plusieurs organisations plutôt que d’une seule?

Qu’arriverait-il si vous étiez seulement en mesure de louer un logement et que vous économisiez en vue de devenir propriétaire? Ne serait-ce pas formidable si votre cote de crédit pouvait refléter toutes ces années où vous avez invariablement payé votre loyer, surtout lorsque, dans certains cas, ces paiements sont aussi importants que les paiements d’un prêt hypothécaire?

Qu’arriverait-il si vous aviez du mal à établir un budget et à comprendre vos flux de liquidités? Ne serait-ce pas formidable si vous pouviez surveiller automatiquement vos revenus, vos paiements et vos engagements mensuels de manière à maîtriser votre situation financière et à réduire le risque d’oublier des paiements? Vous pourriez disposer de renseignements utiles lorsque vous vous apprêtez à faire un achat impulsif.

Il y a toutes sortes de technologies financières novatrices, intuitives et faciles à utiliser qui existent déjà au Canada. Neuf millions de Canadiens s’en servent actuellement, mais aucun cadre sécuritaire et réglementé ne régit le partage des données.

Le marché bouge, mais le ministre responsable des organismes de réglementation financière faisait du surplace... jusqu’à maintenant. Les consommateurs qui recourent aux services de technologie financière emploient une solution temporaire qu’on appelle la capture de données d’écran pour autoriser l’accès aux données de leurs relevés bancaires en ligne d’une façon peu sécuritaire, sans être protégés par le moindre cadre en cas de préjudice. La grave stagnation réglementaire qui règne au Canada met inutilement à risque la cybersécurité de ces Canadiens; heureusement, ces risques ne se sont pas encore concrétisés.

Il y a cinq ans, en juin 2019, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a publié un rapport consacré au système bancaire ouvert. Je me contenterai de dire que, quand le gouvernement s’est engagé à agir dans ce dossier, en 2017, le Canada était considéré comme un chef de file, puisqu’il suivait de près le Royaume-Uni, pionnier dans ce domaine.

Après des retards initiaux, nous aspirions à suivre rapidement les meneurs. Les plus naïfs d’entre nous — un groupe dont je fais souvent partie — ont retrouvé espoir lorsque le Parti libéral, à l’exemple des conservateurs, a inscrit les services bancaires axés sur les consommateurs dans sa plateforme électorale de 2021 en promettant de les mettre en œuvre avant janvier 2023.

Sept longues années et trois consultations approfondies plus tard, nous voyons enfin la toute première mesure législative en la matière.

En raison de toute cette inaction politique, le Canada est désormais à la traîne par rapport aux autres pays. Tous les pays du G7 et plus de 50 autres pays ont mis en œuvre diverses formes de systèmes bancaires ouverts et nombre d’entre eux en sont déjà à leur deuxième ou troisième mouture.

Que contient le premier ensemble de mesures législatives? Le Comité des banques a eu l’occasion de mener une étude préalable sur la question. Nous avons entendu des représentants du Bureau de la concurrence, de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, de l’Association des banquiers canadiens, du Mouvement Desjardins et de Paiements Canada, ainsi que deux porte-parole du secteur des technologies financières.

Bien que je me réjouisse que le Canada ait enfin fait ce premier pas, le Comité des banques avait de nombreuses préoccupations concernant certaines des structures fondamentales présentées, que nous avons, je crois, décrites avec précision dans nos observations au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

En particulier, le Comité des banques :

[...] estime que l’autorité de réglementation doit avoir une structure de gouvernance solide afin d’assurer la confiance des Canadiens participant au régime de services bancaires axés sur les consommateurs. Il est toutefois très préoccupé par la décision du gouvernement de désigner l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) comme organisme de réglementation des services bancaires axés sur les consommateurs et se demande pourquoi un organisme indépendant plus robuste, ayant une expertise en matière d’application de la loi, n’a pas été choisi.

Pourquoi cette observation est-elle importante?

Dans la première recommandation formulée dans son rapport publié en 2019, le Comité des banques suggérait que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada soit désignée provisoirement pour surveiller les activités entourant la capture de données d’écran et le système bancaire ouvert dans les limites de la compétence fédérale et pour répondre aux plaintes. L’intention était de voir l’agence jouer immédiatement ce rôle, de manière transitoire, jusqu’à ce qu’un organisme de réglementation soit désigné définitivement.

Toutefois, nous craignons que l’agence ne soit pas équipée ou ne dispose pas des compétences et de la culture nécessaires pour assumer un rôle réglementaire à plein temps dans ce domaine.

Je crains également que confier à un organisme de réglementation financière la responsabilité de communiquer des données sur les consommateurs donne lieu à un cloisonnement. Rien ne garantit que le secteur bancaire sera un tremplin qui donnera aux consommateurs le contrôle de toutes leurs données personnelles, y compris celles issues des secteurs de la santé et de l’énergie, comme c’est le cas dans des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni.

Le fait de traiter que des informations financières en vase clos ne nous aide pas à investir d’autres domaines qui sont importants pour stimuler l’efficacité et l’innovation dans l’économie.

Le fait que l’Agence de la consommation en matière financière du Canada soit un organisme de réglementation fédéral a également soulevé des questions de compétence. En effet, plusieurs sénateurs québécois s’inquiètent de la confusion potentielle quant à l’organisme de réglementation qui recevra et traitera les plaintes. Nous espérons que le ministère des Finances du Canada a mené des consultations à ce sujet et qu’il s’efforcera de dissiper cette incertitude.

Enfin, le projet de loi permet au ministre des Finances de sélectionner un organisme de normalisation qui sera chargé de superviser la norme technique utilisée pour l’échange de données dans le cadre de ce que l’on appelle l’interface de programmation d’applications, qui se trouvera au cœur du système de transfert de données.

Le Bureau de la concurrence a souligné dans son témoignage l’importance de disposer d’un organisme indépendant chargé de superviser le transfert de données. Il a indiqué en particulier qu’une gouvernance indépendante était cruciale pour le succès de l’opération. Dans son témoignage, le sous-commissaire du Bureau de la concurrence, Anthony Durocher, a évoqué le fait qu’un manque d’indépendance :

[...] [implique qu’un] système peut avoir été établi avec les meilleures intentions, mais qu’il peut mourir à petit feu s’il existe de nombreuses façons de le miner. La gouvernance est une question clé. Nous voulons nous assurer que l’entité ou les personnes qui contrôlent les connexions ont à cœur l’intérêt public plutôt que d’avoir un intérêt privé.

La bonne gouvernance est essentielle, car les normes techniques utilisées contrôleront tous les échanges de données. Des indications précoces et concordantes ont montré que les grandes banques sont tout à fait capables de faire pencher la balance en leur faveur. Il s’agit là d’un risque réel.

Au comité, l’Association des banquiers canadiens a affirmé qu’elle est en faveur de la désignation d’un organisme de normalisation technique en particulier qui se trouverait au cœur de ce nouveau régime canadien des services bancaires axés sur les consommateurs. L’organisme qu’elle privilégie, appelé FDX, relève d’un conseil d’administration américain, dominé par des banques américaines. Il va sans dire que cet aspect a attiré l’attention du comité.

La perte de souveraineté et de contrôle par rapport à l’organisme responsable de la normalisation technique serait inquiétante. Cela irait aussi à l’encontre des principes prévus dans le projet de loi au paragraphe 198.8(2), notamment assurer « un partage de données sûr, sécuritaire et efficace entre les entités participantes » ainsi que « l’équité, l’accessibilité, la transparence et la bonne gouvernance ».

Le Comité sénatorial des banques recommande fortement d’éviter de tels conflits d’intérêts potentiels. Nous avons choisi d’inclure une recommandation qui l’indique très clairement : si le ministre décide d’utiliser cette norme technique canadienne qui est contrôlée par de grandes banques américaines, quelques grandes banques canadiennes et un représentant permutant sans droit de vote des consommateurs américains, il devrait veiller à ce que la structure de gouvernance de l’organisme de normalisation technique soit complètement indépendante des entités qui gèrent la norme technique elle-même.

Une telle approche respecterait le conseil crucial du Bureau de la concurrence.

J’ai hâte de voir les prochaines étapes de ce régime, à l’automne, et de voir la mise en œuvre complète pour que l’accessibilité ne se limite pas à la lecture, mais s’étende aussi à la modification afin que le Canada exploite tout le potentiel que les services bancaires axés sur les consommateurs ont à offrir aux Canadiens. Il est également important de souligner que les progrès réalisés au Canada sont attribuables à l’excellent travail accompli par des fonctionnaires extrêmement compétents du ministère des Finances du Canada.

J’espère sincèrement que tout cadre mis en place ne se limitera pas au domaine de la protection des données financières, et qu’on sera proactif en permettant aux Canadiens de commencer à exercer un contrôle sur les données concernant leur état de santé, les services publics et d’autres données. Pour établir ce genre de cadre, il faut adopter le projet de loi C-27, qui vise à mettre en œuvre la Charte du numérique, et qui est encore à l’étude au Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes. Le projet de loi C-27 accordera des droits à l’égard de ce qu’on appelle la mobilité des données pour que les Canadiens puissent exercer un contrôle sur leurs données, ce qui est rapidement devenu la norme mondiale. J’espère sincèrement que le projet de loi C-27 sera renvoyé au Sénat à l’automne.

Je tiens aussi à parler des modifications très positives qui sont proposées à la sous-section A de la section 34 de la partie 4 à l’égard de l’échange de données entre des entités privées afin de lutter contre la fraude, le blanchiment d’argent et d’autres activités illicites.

Chers collègues, le Canada continue de se heurter à divers obstacles dans sa lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les préjudices qui en découlent ont mené les sénatrices Boniface et Moncion à mobiliser beaucoup d’entre nous à plusieurs occasions afin de trouver des façons dont le Sénat peut aider à remédier à ce problème profondément inquiétant. Je leur suis reconnaissant de m’avoir alerté à la portée de la crise et de m’avoir permis de faire la connaissance de chefs de file mondiaux dans ce domaine.

On estime qu’en 2019, l’envergure du blanchiment d’argent au Canada était d’environ 46,7 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à environ 2,1 % de notre PIB ou à l’économie entière de la Nouvelle-Écosse. Notre inaction jusqu’à présent ternit notre réputation dans le monde. Nous avons mis énormément de temps à adopter les normes internationales. Toutefois, grâce aux efforts qui ont mené à l’adoption du projet de loi C-42 ainsi qu’à d’autres activités en cours, nous commençons à rattraper notre retard sur d’autres autorités, dont le Royaume-Uni et l’Union européenne, du moins au chapitre de la transparence à l’égard de la propriété effective des entreprises.

Le problème du blanchiment d’argent au Canada, qui est reconnu mondialement, touche le marché immobilier, les institutions financières, les actifs virtuels, les entreprises, les produits de luxe et les professions telles que celle d’avocat. Au cours des 12 derniers mois, des institutions financières canadiennes telles que la Banque TD, la RBC et la CIBC ont fait l’objet d’enquêtes et d’amendes liées à des infractions relatives au blanchiment d’argent et à leur gestion de transactions douteuses. Le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada a imposé une amende de 9 millions de dollars à la Banque TD, mais cette somme est dérisoire étant donné que l’on croit qu’aux États-Unis, cette banque canadienne risque d’écoper d’une amende d’au moins 1 milliard de dollars pour avoir manqué à ses obligations.

Le projet de loi C-69 permet notamment l’échange d’information de particulier à particulier entre les entités déclarantes telles que les banques, y compris les banques étrangères autorisées, les coopératives de crédit, les sociétés de prêt, d’investissement et de valeurs mobilières réglementées par les provinces, et les casinos. Dans des conditions particulières, cela peut se faire sans consentement. Cette mesure est importante, chers collègues, car à l’heure actuelle, si une banque a des soupçons sur les activités d’un client, elle ne peut pas en faire part à une autre institution financière. Par conséquent, si ce client apprend ou a l’impression que la banque le soupçonne, il n’a qu’à changer de banque pour tout recommencer depuis le début. Le changement proposé est donc crucial. Il était essentiel de faire appel au commissaire à la protection de la vie privée, Philippe Dufresne, dès le début du processus afin de garantir l’application de mesures équilibrées pour maintenir la confiance dans le régime. Voici ce que M. Dufresne a déclaré au Comité sénatorial des banques :

J’appuie les mesures proposées dans le projet de loi C-69 qui viendraient faciliter le partage efficace de renseignements [ainsi que la lutte] contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Le projet de loi C-69 autorise aussi le CANAFE à communiquer des renseignements financiers, y compris sur les infractions de non‑conformité. De surcroît, il renforce les mesures de recouvrement d’avoirs en augmentant les pouvoirs des bureaux provinciaux et territoriaux de confiscation civile et en simplifiant le processus de restitution des biens saisis aux propriétaires légitimes.

Le projet de loi C-69 marque un pas dans la bonne direction pour renforcer le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent, mais il n’est qu’un début. Mon attention reste fixée sur deux autres grandes mesures qui restent à adopter.

Premièrement, il est profondément troublant que les avocats canadiens travaillent en dehors du système de lutte contre le blanchiment d’argent et que les criminels sollicitent souvent leur expertise pour mettre sur pied des instruments comme des sociétés et des fiducies afin de blanchir l’argent du crime.

Pour régler ces problèmes, il faut combler les lacunes qui peuvent permettre à des avocats d’abuser du secret professionnel, peut-être en renforçant les exigences en matière de communication d’information et en renforçant les organismes de surveillance de l’application de la loi.

En outre, nous devons permettre aux innovateurs du Canada de nous aider à devenir des chefs de file mondiaux dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Verafin, dont le siège est à St. John’s, a apporté la preuve que cela est possible : l’entreprise vaut des milliards de dollars et est devenue un chef de file mondial en matière d’innovation dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent en offrant des services très prisés à des banques du monde entier.

La sénatrice Marshall est loin d’être la seule force colossale à Terre-Neuve qui cherche à éliminer le gaspillage, les subterfuges et les acteurs malveillants.

J’aimerais parler de plusieurs autres enjeux dans le projet de loi, mais, encore une fois, nous nous heurtons aux limites de notre capacité législative à cause de l’arrivée tardive de ce projet de loi omnibus. J’en resterai donc là.

Merci, chers collègues, pour votre attention.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-69 et souligner certaines des conclusions formulées par le Comité des finances nationales dans son rapport sur ce projet de loi d’exécution du budget, en particulier en ce qui concerne les droits et les intérêts des personnes les plus marginalisées.

Bien que plusieurs comités sénatoriaux aient travaillé d’arrache‑pied pour signaler ces problèmes tôt et à plusieurs reprises au cours de l’étude préalable du projet de loi au Sénat, ces problèmes n’ont pas été réglés dans la version du projet de loi que nous avons devant nous. Par conséquent, ce projet de loi budgétaire constitue un investissement de plus dans des approches qui risquent de laisser de côté les personnes qui ont le plus besoin d’aide, ce qui aura pour effet de nous appauvrir tous.

Les comités sénatoriaux chargés d’étudier le projet de loi C-69 ont souligné à maintes reprises leurs préoccupations concernant l’inclusion de mesures non financières, et nous en avons abondamment parlé ici.

Le rapport présenté hier par le Comité des finances nationales reprend les conclusions de l’étude préalable qu’il avait menée :

Comme nous l’avons souligné à maintes reprises dans des rapports précédents, l’inclusion de questions non financières dans les projets de loi portant exécution du budget empêche les parlementaires et les Canadiens de leur consacrer toute l’attention qu’elles méritent. D’autres comités sénatoriaux permanents partagent ce sentiment d’irritation et l’ont exprimé dans leurs rapports au Sénat.

Le Comité des affaires juridiques est l’un de ces comités. Le comité a clairement recommandé dans son étude préalable que les mesures de droit pénal soient retirées du projet de loi C-69 et réintroduites dans des projets de loi distincts afin de donner aux parlementaires la possibilité d’étudier adéquatement les importants changements proposés.

J’ai vécu les horreurs des réformes du droit pénal et de la détermination de la peine au moyen des projets de loi omnibus d’exécution du budget du gouvernement précédent. Il est particulièrement difficile de voir le gouvernement actuel adopter cette pratique.

Lorsque l’ancien ministre de la Justice et procureur général Allan Rock a comparu devant le Comité de la sécurité nationale et de la défense, il a déclaré ceci :

Je me rappelle que le parti auquel je me suis joint sur le plan politique a critiqué le gouvernement précédent qui glissait dans des projets de loi omnibus des dossiers n’ayant rien à voir avec le budget juste pour pouvoir les faire adopter rapidement. En général, ce n’est pas perçu comme une bonne pratique de gouvernance.

De plus, cette pratique rend très difficile la remise en question des approches adoptées dans le cadre de telles mesures. Cette lacune dans l’examen est particulièrement flagrante quand les mesures ont trait au droit pénal et au droit carcéral et qu’elles entraînent des conséquences importantes sur les droits de la personne et les droits garantis par la Charte des personnes les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées.

En cette Journée mondiale des réfugiés, on nous demande d’adopter la section 38 de la partie 4 du projet de loi C-69, qui permettrait l’incarcération de migrants dans des prisons fédérales. L’honorable Allan Rock n’est qu’un des nombreux experts en droit et en droits de la personne qui ont qualifié cette mesure d’inhumaine et d’inappropriée dans un pays comme le Canada, un pays qui s’enorgueillit de son bilan en matière de droits de la personne et d’inclusion.

Des témoins ont souligné au Comité de la sécurité nationale et de la défense l’absence de motifs liés à des préoccupations de sécurité publique pour justifier des mesures aussi draconiennes et ils ont contribué à déconstruire le mythe selon lequel ces gens, qui seraient visés par ces mesures, représenteraient un risque élevé.

L’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés a souligné ceci au comité :

[...] plus de 90 % des détenus de l’immigration ont été détenus pour des motifs non liés à des préoccupations de sécurité publique, et c’est également la majorité des détenus qui se trouvent dans les établissements carcéraux provinciaux à l’heure actuelle qui sont détenus pour des motifs non liés à des préoccupations de sécurité publique.

Dans une lettre envoyée au comité, le ministre de la Sécurité publique réfute cette information en prétendant que bon nombre des personnes détenues ont un comportement qui est considéré comme un risque pour la sécurité.

Toutefois, ce que le ministre omet de dire, c’est qu’une petite minorité des personnes détenues pour des motifs d’immigration, soit environ 5 à 7 % d’entre elles, ont été reconnues coupables d’une infraction criminelle. En outre, dans ces circonstances, pour être détenus dans une prison provinciale en attendant leur expulsion, la plupart de ces détenus ont fini de purger leur peine et ils ont été remis en liberté, soit à la fin de leur peine, soit dans le cadre d’une libération conditionnelle parce que — et c’est la partie importante, chers collègues — ils ne sont pas considérés comme un risque pour la sécurité publique.

Je le répète : le système correctionnel, qui est extrêmement punitif et peu enclin à prendre des risques, a jugé que ces personnes étaient capables de vivre dans la collectivité. Le projet de loi C-69 signifie que cette option tombe à l’eau et que non seulement ces personnes continueront à être placées en détention dans des centres de surveillance de l’immigration, mais que beaucoup d’entre elles seront aussi renvoyées dans une prison fédérale.

Le problème le plus courant est le fait que les autorités jugent qu’elles risquent de s’enfuir parce qu’elles sont menacées d’expulsion. Cette constatation ressort des données du gouvernement. Selon les chiffres de l’Agence des services frontaliers du Canada, entre avril 2016 et mars 2020, 94 % des personnes placées en détention dans les centres de surveillance de l’immigration l’étaient parce que les autorités estimaient qu’elles risquaient de s’enfuir, jugeaient que leurs documents d’identité étaient insatisfaisants ou devaient examiner leur statut. Aucune d’entre elles n’a été détenue parce qu’elle posait des problèmes de sécurité nationale.

Par ailleurs, ceux d’entre nous qui ont visité les nouveaux centres de surveillance de l’immigration à Surrey et à Laval savent qu’il y a de nombreuses unités vacantes. En réalité, il y a plus de 200 lits inoccupés. Au lieu d’engloutir des centaines de millions de dollars supplémentaires — personne n’a été en mesure de nous fournir des informations précises sur les coûts — dans des prisons fédérales pour à peine quelques personnes, le cas échéant, pourquoi le gouvernement n’améliore-t-il pas les mesures de sécurité dans les centres existants et les organismes de soutien communautaire?

Au lieu de telles améliorations, le budget autorise des dépenses démesurées, d’un montant inconnu mais sans aucun doute exorbitant, pour de nouvelles cellules dans un ou plusieurs établissements pénitentiaires fédéraux, tout en annonçant la modernisation anticipée des centres de détention nouvellement construits ou réaménagés.

Honorables collègues, à mon humble avis, nous ne devrions pas traiter ces mesures comme si elles étaient secondaires par rapport aux mesures de mise en œuvre du budget.

La section 35 de la partie 4 du projet de loi C-69, qui multiplie les infractions au Code criminel liées au vol de véhicules à moteur et prévoit des peines d’emprisonnement plus sévères, est également préoccupante. La Cour suprême du Canada et le gouvernement lui-même — à la lumière des recherches menées par le ministère de la Justice — ont conclu, en se fondant sur des décennies de données, que ce modèle de sanctions plus sévères est non seulement totalement inefficace, mais qu’il n’a aucun effet dissuasif sur la criminalité.

Les mesures proposées dans le projet de loi C-69 seront non seulement inefficaces pour prévenir les vols de voitures, comme l’ont indiqué de nombreux experts au Comité de la justice, mais elles entraîneront probablement une hausse massive de l’incarcération de jeunes et de personnes défavorisées et racisées, en particulier des jeunes Noirs et des jeunes Autochtones.

Ces mesures sont non seulement incompatibles avec les engagements pris par le gouvernement dans le cadre de ses stratégies relatives à la justice pour les Noirs et les Autochtones, mais elles risquent également de les compromettre, sans parler des engagements pris pour mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous sommes aujourd’hui au lendemain du 19 juin et à la veille de la Journée nationale des peuples autochtones. Nous devons agir pour concrétiser nos engagements de remédier aux torts causés par le colonialisme et de promouvoir l’égalité.

Les témoins l’ont répété; ce ne sont pas les patrons du crime organisé qui réalisent des millions de dollars de profits qui seront touchés ou même principalement ciblés par ces dispositions.

Pire encore, il semble qu’une solution plus efficace et plus juste consisterait à collaborer avec les constructeurs automobiles pour mettre en œuvre des normes de sécurité et d’antivol modernisées. Nous avons reçu des réponses tout à fait inadéquates de la part du gouvernement et des constructeurs automobiles quant aux raisons pour lesquelles cette possibilité n’est pas la solution préconisée.

En plus de souligner ces mesures en matière pénale et correctionnelle qui ont trouvé leur place dans le projet de loi C-69, je souhaite également attirer votre attention sur les mesures vitales qui sont absentes du projet de loi.

Voici ce qu’on peut lire dans le rapport du Comité des finances nationales :

En cette période économique difficile, plusieurs des priorités du projet de loi C-69 — notamment le logement, la sécurité alimentaire et la lutte contre le vol de voitures — sont étroitement liées à la précarité économique et soulignent la nécessité d’une Prestation canadienne pour les personnes handicapées plus adéquate et de mesures supplémentaires pour lutter efficacement contre la pauvreté et l’insécurité économique, ainsi la mise en œuvre des mesures d’équité fiscale contenues dans le projet de loi C-69 de manière à ce que le système fiscal soutienne adéquatement ces objectifs.

Le gouvernement s’est engagé à sortir les gens de la pauvreté et à veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Il est temps d’agir, de donner de la vigueur à la prestation canadienne pour les personnes handicapées, de mettre en œuvre les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, notamment en établissant un revenu de subsistance garanti à l’échelle nationale, et de veiller à ce que nous ne continuions pas à crouler sous les coûts humains, sociaux, sanitaires et financiers de la pauvreté.

Abandonner les plus démunis à la pauvreté, à la rue et aux prisons a un coût pour nous tous. Il est grand temps d’adopter d’autres approches. Les 80 milliards de dollars que nous dépensons actuellement chaque année pour maintenir les gens dans la pauvreté doivent être affectés plus judicieusement et plus équitablement pour aider les gens à sortir de la pauvreté.

Nous devons veiller à ce que les résultats très prévisibles de ce type d’interventions en matière pénale qui sont visées par le projet de loi C-69 ne persistent pas et n’entraînent pas davantage d’inégalités pour les personnes racisées, les personnes handicapées — en particulier pour les problèmes de santé mentale — et les personnes ayant des difficultés financières, de même que les réfugiés et les immigrants. Nous devons investir dans les services sociaux, de santé et de soutien du revenu afin que tous les Canadiens — et pas seulement certains — puissent bénéficier d’un pays plus juste et plus égalitaire.

Il ne faut pas abandonner les Canadiens que notre mandat en tant que sénateurs nous amène à représenter de manière plus particulière, car nous avons le devoir de défendre et de protéger leurs intérêts et leurs droits. Qui plus est, le projet de loi C-69 sape notre capacité à faire notre travail, alors envoyons un message clair au gouvernement actuel et à tous les autres qui suivront pour leur faire comprendre que les sénateurs en ont assez de ce genre de tactiques.

Chi-meegwetch. Merci.

L’honorable Diane Bellemare [ - ]

Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prononcer un discours sur le projet de loi C-69, mais lorsque j’ai revu certaines sections du projet de loi, je me suis dit que cela valait la peine de souligner un bon coup et un mauvais coup par rapport à ce projet de loi.

Le bon coup, c’est que, dans le projet de loi C-69, on retrouve à la section 5 de la partie 4 une mesure fort intéressante qui concerne la formation, c’est-à-dire le financement des études postsecondaires des jeunes Canadiens. Cette mesure a trait à l’inscription automatique des enfants à un régime enregistré d’épargne-études, ce qui signifie que chaque enfant pourra automatiquement avoir droit à un compte d’épargne-études et recevoir un bon d’études.

Plusieurs mécaniques entourent cette mesure. Le compte d’épargne-études existe depuis longtemps, mais il n’est pas tellement utilisé parce qu’il faut être en mesure d’épargner, ce qui est parfois difficile pour une famille. Toutefois, les grands-parents peuvent le faire. Cette mesure assurera donc une plus grande équité et une meilleure accessibilité au financement des études postsecondaires.

Ce que je trouve intéressant, c’est que cette mesure fait passer l’âge maximal de 20 à 30 ans à l’égard des bons d’études, et ceci pourrait éventuellement être élargi pour assurer une formation tout au long de la vie.

En 2017, la Chambre de commerce du Canada a proposé une mesure similaire : un compte d’épargne pour la formation semblable au compte d’épargne-études. Je trouve qu’il y a des parallèles intéressants à faire et je voulais les souligner.

Actuellement, le gouvernement fédéral propose peu de mesures pour aider à la formation tout au long de la vie. Il y a l’Allocation canadienne pour la formation, qui est un crédit d’impôt et qui a été adoptée dans le budget de 2017 ou de 2018, mais c’est une mesure impopulaire qui ne fonctionne pas et suscite de nombreuses critiques. Pourtant, il faut soutenir la formation tout au long de la vie; c’est nécessaire.

À cet effet, comme je l’ai déjà indiqué lors de mon discours sur le projet de loi C-50, les changements technologiques et climatiques vont provoquer des changements majeurs au sein du marché du travail et vont exiger de la formation.

Je vais rappeler quelques données, parce que je trouve que c’est important; c’est là que je vais aborder le mauvais coup du budget. Le mauvais coup du budget, c’est que le financement que le gouvernement fédéral octroyait par l’intermédiaire des fonds de l’assurance-emploi dans le contexte fédéral-provincial ne sera pas renouvelé. Cela représente 625 millions de dollars.

La mesure dont je parlais en ce qui concerne les comptes d’épargne, soit l’inscription automatique, représente environ 150 millions de dollars par année, tandis que ce que l’on retire, soit les ententes en matière de formation de la main-d’œuvre, représente 625 millions de dollars; c’est quand même énorme.

Lors de mon dernier discours, je vous ai expliqué que j’ai effectué un sondage en décembre dernier, que j’avais déjà mené avant la pandémie, pour voir si les données avaient changé, mais il n’y avait pas beaucoup de changements.

Selon ce sondage, 20 % des répondants en emploi estimaient probable ou plutôt probable que les changements technologiques et climatiques représentent une menace pour leur emploi, c’est-à-dire qu’il y aurait vraisemblablement une perte d’emploi. C’est une énorme proportion. De plus, 37 % des répondants mentionnaient qu’il était probable ou très probable que les changements climatiques et technologiques affecteraient leurs tâches au travail et qu’ils auraient besoin de se former. La question n’était pas : « Pensez-vous que cela affectera votre tâche? », mais plutôt : « Les tâches seront affectées et nous pensons que nous aurons besoin d’être formés. »

Cette proportion de 37 % des personnes en emploi est un chiffre important et représente 8 millions de Canadiens. Il y a 8 millions de Canadiens qui pensent que leurs tâches seront affectées actuellement et à court terme.

Quand nous avons fait ce sondage, nous avons été très heureux de voir que les données coïncidaient avec celles de l’OCDE sur l’impact des changements technologiques sur le marché du travail.

Aujourd’hui, ce qui m’a poussée à intervenir, c’est que j’ai pris connaissance au début de la semaine d’une étude récente qui a été réalisée par le Fonds monétaire international. Cette étude évalue que près de 40 % des emplois dans le monde subiront les effets de l’intelligence artificielle; celle-ci remplacera certains emplois et en complétera d’autres. Ce chiffre de 40 %, c’est beaucoup d’emplois sur le marché du travail. L’étude du Fonds monétaire international précise aussi que, dans les économies avancées comme le Canada, l’intelligence artificielle pourrait avoir des incidences sur environ 60 % des emplois, particulièrement chez les personnes qualifiées qui contribuent à hausser la productivité. Cependant, il faut réussir à les former.

En fait, 60 % de la main-d’œuvre au Canada, c’est nettement supérieur au chiffre de 37 % que nous avons obtenu dans notre sondage. C’est donc beaucoup plus que les 8 millions de personnes qui devront se former en raison de l’intelligence artificielle.

Le drame dans tout cela, c’est que, parmi les personnes intéressées à suivre une formation — et c’est plus de la moitié —, 40 %, soit au moins 6 millions de Canadiens, n’ont pas les moyens ou le temps d’en suivre une. C’est une réalité avec laquelle il faudra composer.

Je reviens maintenant au budget. Beaucoup de personnes devront se former et l’assurance-emploi est la principale source de financement actuellement. Or, l’assurance-emploi forme les gens qui ont perdu leur emploi; exceptionnellement, elle forme des gens en emploi. Une réforme s’impose donc.

Actuellement, dans l’assurance-emploi, il y a des ententes qui peuvent être conclues avec des entreprises dans le cadre de la partie II de l’assurance-emploi pour financer de la formation et toutes sortes de projets. Cependant, dans cette partie II de l’assurance-emploi, des ententes sont conclues avec chacune des provinces depuis 1997. Le total, sans les 625 millions de dollars dont j’ai parlé plus tôt, est de près de 1,7 milliard de dollars. Avec les 627 millions de dollars ajoutés par le gouvernement fédéral depuis 2017, on atteignait un total d’environ 2,3 milliards de dollars. Dans le budget de cette année, le gouvernement a décidé de ne pas réinvestir ces sommes dans la formation de la main-d’œuvre.

Je pense qu’on devra suivre cette question de près. Je ne serai pas parmi vous l’année prochaine quand cela sera traité dans le prochain budget, mais suivez cela de près à ma place. Il en va de notre prospérité, de notre productivité et de l’équité au Canada.

Merci beaucoup.

L’honorable Clément Gignac [ - ]

Chers collègues, je souhaite intervenir également sur le projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril dernier.

Évidemment, nul besoin pour moi de parler de chacune des mesures contenues dans le projet de loi, puisque le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, l’a fait avec éloquence — et enthousiasme, j’ajouterais — hier soir. Puisque vous êtes maintenant tous bien au fait du contenu du projet de loi C-69, mon intervention sera brève et ne devrait pas dépasser cinq minutes.

En tant que membre du Comité des finances nationales, je voudrais simplement revenir sur l’une des nombreuses observations contenues dans le rapport du comité déposé hier soir dans cette Chambre.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’excellent travail de notre greffière et le leadership du nouveau président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui a passé le test de deux projets de loi d’exécution du budget dans la même semaine. On va lui souhaiter de la longévité au poste de président du comité.

D’ailleurs, je tiens à remercier mes collègues d’avoir accepté d’inclure mon observation, dont je vais vous parler maintenant.

Même s’il contient plus de 600 pages et inclut de nombreuses mesures qui n’ont aucun lien avec les questions financières, une mesure importante du budget de 2024 ne figure nulle part dans le projet de loi C-69, soit les changements proposés au régime d’impôt sur les gains en capital.

En dépit de son absence, nous avons entendu de graves préoccupations de la part des Canadiens de divers horizons à propos des incertitudes créées par les changements proposés. En effet, le gouvernement a proposé le 25 juin prochain — la semaine prochaine — comme date d’entrée en vigueur de l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, même si le projet de loi connexe n’a pas encore été déposé. Le comité s’interroge sur cette façon de faire, notamment dans le cas d’une mesure qui a de grandes incidences sur les finances des Canadiens en cette période d’incertitude économique.

Honorables sénatrices et sénateurs, on ne parle pas ici d’une simple hausse de la taxe sur l’essence ou sur les produits du tabac. Il s’agit d’un changement majeur aux règles fiscales en place qui existent depuis près de 25 ans, soit depuis l’an 2000, quand le ministre libéral des Finances de l’époque, le très honorable Paul Martin, avait décidé d’abaisser le taux d’inclusion de 75 % à 66 % en février 2000 et à 50 % en septembre de la même année.

Chers collègues, j’ai hâte de pouvoir partager avec vous, à notre retour au Sénat en septembre, les motifs économiques évoqués par l’ex-ministre des Finances Paul Martin pour justifier la réduction du taux d’inclusion des gains en capital.

Il faut souligner qu’à l’époque, ce grand argentier libéral, qui avait un style de gestion très conservateur, avait assaini les finances publiques et ramené l’équilibre budgétaire au pays.

Chers collègues, je déplore que le Comité sénatorial permanent des finances nationales n’ait pas pu exercer cette fois-ci son rôle de second examen avant l’entrée en vigueur de cette mesure mardi prochain. On n’a pas pu convoquer de témoins experts, proposer des amendements ou simplement valider les affirmations de la ministre des Finances, selon laquelle cette mesure ne touche qu’une infime partie de la société, soit les mieux nantis, et n’aura pas d’impact économique ni sur les décisions d’investissement ni sur la croissance économique.

Techniquement, il est vrai que la ministre des Finances n’avait aucune obligation légale d’inclure cette mesure fiscale dans le projet de loi d’exécution du budget du projet de loi C-69. Le gouvernement a plutôt choisi de déposer le 10 juin dernier un avis de motion de voies et moyens visant à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu avant l’entrée en vigueur de cette mesure. C’était son choix.

Soulignons qu’aucune date limite n’est prévue pour le dépôt d’un projet de loi portant sur l’exécution d’une mesure fiscale contenue dans un budget devant le Parlement pour une mesure fiscale qui entre en vigueur à la suite du dépôt d’un avis de motion de voies et moyens. Il n’y a pas de limite. La seule contrainte, c’est qu’il faut le déposer avant une abrogation de la session.

Honorables sénateurs et sénatrices, si la raison invoquée pour avoir choisi de ne pas inclure cette mesure fiscale dans le projet de loi était le délai requis par les fonctionnaires pour bien préparer la documentation sur le futur projet de loi sur les gains en capital, le gouvernement aurait pu choisir une date ultérieure, comme le 1er octobre ou le 1er janvier prochain, comme l’ont suggéré plusieurs experts.

Rappelons que la dernière fois qu’un ministre des Finances a choisi de relever le taux d’inclusion des gains en capital au pays, c’était il y a 45 ans, quand le ministre des Finances de l’époque, l’honorable Michael Wilson, avait annoncé six mois à l’avance, en juin 1987, avec le dépôt d’un livre blanc, le relèvement du taux d’inclusion sur les gains en capital de 50 % à 66 % pour le 1er janvier suivant. Il y avait eu un préavis de six mois. Quand il avait décidé de le hausser à 75 %, il l’avait annoncé deux ans et demi auparavant.

Chers collègues, puisqu’il n’est pas d’usage dans cette Chambre de commenter une mesure fiscale qui ne figure pas dans le projet de loi, je vais conclure en affirmant que cette façon de procéder pour cette réforme de la taxation des gains en capital n’est pas une pratique souhaitable au plan législatif. J’ajouterais même que ce n’est pas à la hauteur des attentes des investisseurs et des Canadiens de ce grand pays membre du G7 et doté d’une cote de crédit AAA. On devrait viser plus haut en matière de pratiques, de saine gouvernance et de prévisibilité de notre régime fiscal. On devrait aussi donner la chance à cette Chambre de jouer son rôle de second examen attentif si l’on croit vraiment dans l’indépendance du Sénat.

Merci.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Sénateur Gignac, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gignac [ - ]

Oui.

Le sénateur Housakos [ - ]

Merci, sénateur Gignac, pour votre présentation qui était très intéressante, comme d’habitude. J’étais très content d’entendre que vous êtes d’accord pour dire qu’on vit une période économique très difficile. Vous avez dit carrément qu’on passait par une période économique d’incertitude, ce qui est vraiment le cas, contrairement à mon collègue et ami le sénateur Loffreda. Si on écoute son analyse de l’économie, 90 % des Canadiens vivent maintenant comme lui et moi. J’ai beaucoup de difficulté à comprendre cela quand on examine les vraies statistiques, pas celles du gouvernement.

J’étais content d’écouter votre analyse historique sur les gains en capital à l’époque du gouvernement Martin. Pouvez-vous préciser les raisons pour lesquelles le gouvernement Martin a pris ces mesures à l’époque et nous parler des effets directs de ces décisions dans l’économie à court terme?

Le sénateur Gignac [ - ]

J’avais mentionné dans mon discours que j’allais en parler en septembre prochain. Je m’étais préparé au cas où certains collègues ne seraient pas en mesure d’attendre.

J’ai extrait une partie du discours dans les documents budgétaires de février 2000, pour comprendre pourquoi le ministre des Finances proposait une réduction du taux d’inclusion des gains en capital.

Il y a quatre phrases, qui disent ce qui suit :

Le secteur de la haute technologie et les autres industries à croissance rapide sont des moteurs particulièrement importants pour la croissance du Canada. Le régime fiscal canadien doit être propice à l’innovation et assurer aux entreprises l’accès aux capitaux dont elles ont besoin dans une économie de plus en plus concurrentielle et axée sur le savoir. Un examen du régime d’imposition des gains en capital au Canada a indiqué qu’une réduction du taux d’inclusion des gains en capital, qui passerait de trois quarts à deux tiers [...] constitue le meilleur moyen d’atteindre cet objectif.

C’est la raison pour laquelle cette mesure a été proposée.

L’honorable David M. Wells [ - ]

Sénateur Gignac, vous avez maintenant ouvert la porte.

Vous avez parlé de la nécessité pour les industries à croissance rapide d’innover et d’avoir accès à des capitaux. Lorsque M. Martin — qui était un ministre des Finances très conservateur, dont les politiques étaient très conservatrices — avait réduit le taux d’inclusion des gains en capital — le faisant passer de 75 % à 50 % —, cela avait-il eu le résultat souhaité, soit l’accès à des fonds pour l’innovation et l’accès au capital pour la croissance?

Le sénateur Gignac [ - ]

Je vous remercie de votre question. C’est une question intéressante, et le débat à ce sujet sera assurément important. Je suis certain que nous en discuterons souvent en septembre et en octobre, quand nous aurons le projet de loi.

Je respecte les fonctionnaires du ministère des Finances. J’ai déjà fait un travail semblable. Je pense que le sénateur Loffreda et même le sénateur Gold ont mentionné que nous avons augmenté le taux d’inclusion. Quand ce taux a été réduit, la réduction n’a eu aucune incidence. Il faut toutefois savoir que Paul Martin a fait ce changement en février 2000. Vous souvenez-vous de ce qui s’est produit en 2000? La bulle technologique a éclaté. Nortel a fait faillite, plus ou moins — vous savez ce qui s’est passé. Il y a eu des mises à pied et des réductions de dépenses, et il n’y avait plus de capitaux disponibles pour la technologie et les communications, ce qui représente une partie importante des investissements.

Ce manque de capitaux était-il lié au fait que le changement du taux d’inclusion n’avait aucun effet, ou plutôt à l’éclatement de la bulle de l’indice NASDAQ, qui a eu d’énormes effets collatéraux? Je fais confiance à Paul Martin. J’ai couvert beaucoup de ses budgets. C’est probablement le plus conservateur des ministres des Finances libéraux que nous avons connus. Si je devais choisir entre l’opinion de Paul Martin et celle des fonctionnaires du ministère des Finances, avec tout le respect que je leur dois, je choisirais le jugement de Paul Martin.

Ne vous méprenez pas, je ne me suis pas encore fait une opinion quant à savoir si je serai d’accord ou non avec l’augmentation à l’automne. Dans une perspective de justice sociale, un dollar est un dollar, et, en fait, je suis d’accord avec cela dans une certaine mesure. Toutefois, la manière dont cela a été fait n’était pas adéquate. Il faut donner un préavis d’au moins six mois, voire d’un an, car ce n’est pas comme une taxe sur les produits du tabac ou le carburant : on a besoin de prévisibilité.

On a besoin de prévisibilité sur le plan du régime fiscal.

En ce qui concerne l’impact économique, je suis assez certain qu’il est négatif alors que le Canada a enregistré les pires gains de productivité de l’OCDE. Nous avons besoin d’investissements. Nous devons envoyer le bon signal aux investisseurs étrangers, à savoir que ce pays veut créer de la richesse.

Le problème, c’est que j’ai le sentiment que la priorité actuelle est de répartir la richesse. Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue le sénateur Loffreda sur ce point : les inégalités ont réduit un certain nombre de choses. Cependant, il faut avoir le souci de créer de la richesse. Je vous remercie.

L’honorable Donna Dasko [ - ]

Accepteriez-vous de répondre à une autre question, sénateur Gignac?

Le sénateur Gignac [ - ]

Oui.

La sénatrice Dasko [ - ]

Merci de votre discours et de vos observations sur le projet de loi d’exécution du budget.

Nous nous trouvons dans une situation où nous sommes saisis d’un projet de loi d’exécution du budget qui contient des mesures non budgétaires, que nous critiquons, et d’un projet de loi d’exécution du budget auquel il manque certaines mesures budgétaires qui auraient dû y être incluses. C’est une situation fort peu souhaitable. Vous avez souligné quelques-uns des désavantages de cette situation.

N’y aurait-il pas un avantage à séparer les deux afin que nous ayons la possibilité d’examiner minutieusement le projet de loi qui s’en vient sur les gains en capital? Nous aurons peut-être l’occasion de le modifier. Nous pourrons en discuter pleinement. Bien sûr, c’est la critique que nous faisons des mesures non budgétaires du projet de loi à l’étude : nous ne pouvons pas les examiner. Y a-t-il un possible avantage à cela?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Gignac, demandez-vous quelques minutes pour répondre à des questions?

Le sénateur Gignac [ - ]

Oui, si c’est possible.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Y a-t-il consentement pour accorder cinq minutes supplémentaires?

Le sénateur Gignac [ - ]

Évidemment, je n’ai pas d’objection.

Je n’ai aucun problème à séparer les mesures fiscales d’une loi d’exécution du budget lorsque ces dernières ne doivent pas être mises en œuvre sous peu. Mon problème actuel est que cette mesure fiscale entrera en vigueur mardi prochain, après la Saint-Jean-Baptiste. Ce n’est qu’une coïncidence, mais c’est la date choisie.

Si on sépare les mesures fiscales et on ne les inclut pas dans le budget ou la loi d’exécution du budget, cela signifie que la loi entrera en vigueur et qu’un projet de loi sera présenté par la suite. Rendu là, bonne chance pour faire des amendements, car ce sera chose faite. La loi sera en vigueur.

Je préfère l’approche adoptée par Michael Wilson il y a 45 ans. Il a signalé six mois à l’avance, dans un livre blanc, qu’il allait augmenter l’impôt sur les gains en capital. L’automne suivant, la Chambre des communes et le Sénat ont reçu des témoins et ont débattu. Ils ont adopté une motion de voies et moyens le 15 décembre, deux semaines seulement avant l’entrée en vigueur de la mesure, mais la consultation a duré six mois.

Ce n’est pas ce que nous avons ici. Il n’y a pas de débat. Nous pourrons en débattre à l’automne autant que nous voudrons, mais croyez-vous vraiment que le gouvernement acceptera alors un amendement?

Si vous acceptez une offre d’achat pour votre immeuble à revenus, c’est autre chose. J’ai reçu des requêtes et des courriels. Je connais un couple qui n’est pas assez riche et qui n’a pas de fonds enregistré de revenu de retraite. Leur fonds de pension, c’était leurs deux immeubles à revenus. Ils ont accepté une offre d’achat, mais parce que le nouvel acheteur devra passer par la Société canadienne d’hypothèques et de logement et qu’il y a un délai de deux à trois mois, ils seront imposés en vertu du nouveau taux d’inclusion des gains en capital. Ils m’ont dit que s’ils avaient su, ils auraient exigé un prix plus élevé. Ce qui prévaut, c’est l’acte notarié; ce n’est pas la date de l’offre d’achat qui a été acceptée.

Il y a plusieurs situations de ce genre. Les fiscalistes ont tous dit que deux mois, c’était un trop court délai.

Deuxièmement, dans une situation comme celle-là, comment voulez-vous proposer ou adopter des amendements?

L’honorable Leo Housakos [ - ]

J’aimerais seulement que le gouvernement s’inspire plus souvent du sénateur Gignac et de la sénatrice Marshall pour que nous puissions mettre de l’ordre dans les finances publiques très rapidement.

Il s’agit davantage d’une demande que d’une question, sénateur Gignac : à l’automne, lorsque vous reviendrez sur cette question intéressante, pensez-vous qu’il sera important pour nous d’obtenir enfin une définition de ce qu’est un « riche » au Canada? Après neuf ans, je n’arrive pas à obtenir une définition de la part du gouvernement. Qui est pauvre, qui fait partie de la classe moyenne et qui est riche? L’impôt sur les gains en capital a été augmenté récemment — ou il est en voie de l’être — pour s’attaquer aux riches, mais ce sont les plombiers, les électriciens et les médecins qui sont visés, c’est-à-dire des travailleurs canadiens qui mettent de côté un pécule et qui paient des impôts sur ce pécule, mais qui se font ensuite voler leur argent. Leurs efforts et l’argent qu’ils ont gagné à la sueur de leur front leur sont soutirés par une hausse d’impôt de 16 % appliquée unilatéralement par un gouvernement qui ne propose aucune cible budgétaire. Êtes-vous d’accord?

Le sénateur Gignac [ - ]

Oui, merci.

Je veux également remercier les gens du ministère des Finances Canada. On a toutes les informations par tranche de revenu. On sait quel pourcentage des recettes équivaut à quelle tranche de revenu. Il faut faire une distinction entre les entreprises et les particuliers, car il y a des professionnels qui se sont incorporés, comme les dentistes et les médecins, qui, eux, n’auront pas l’exemption de 250 000 $.

Beaucoup de choses vont se passer. En fait, je sais que mon collègue le sénateur Loffreda a dit qu’il était disponible pour être le parrain du prochain projet de loi. Je peux aussi offrir au gouvernement de parrainer ce projet de loi, s’il accepte des amendements. J’aurais beaucoup d’amendements à proposer. Hier, Luc Godbout, un spécialiste, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Pour répondre à votre question, il y aura beaucoup à dire à l’automne. Personnellement, je suis ambivalent pour ce qui est d’approuver ou non. Sur le plan de la justice sociale, c’est la chose à faire, mais sur le plan économique, je ne suis pas encore convaincu.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet du projet de loi C-69, le plus récent projet de loi omnibus d’exécution du budget présenté par le gouvernement.

Je me concentrerai sur la section 38 et la section 39 de la partie 4 à propos des immigrants et des réfugiés, et sur les modifications connexes que le Comité des finances de la Chambre a apportées lorsqu’il a étudié les préoccupations soulevées par beaucoup de gens, y compris au Sénat.

En m’inspirant de la méthode fort appréciée du sénateur Cotter, je vous annonce que j’aborderai trois sujets : premièrement, quelques observations générales sur le projet de loi C-69 et les projets de loi omnibus d’exécution du budget; deuxièmement, les modifications que l’autre endroit a apportées aux sections 38 et 39; troisièmement, une meilleure pratique du Sénat en lien avec les projets de loi omnibus d’exécution du budget — la formule Hayden —, par rapport au moment où nous menons des études préalables et où le vote article par article a lieu à l’autre endroit.

En général, comme je l’ai dit mardi à propos d’un autre projet de loi omnibus d’exécution du budget présenté par le gouvernement — le projet de loi C-59 —, ce projet de loi perpétue la mauvaise habitude du gouvernement d’inclure de nombreuses mesures non financières dans un projet de loi d’exécution du budget.

Dans le projet de loi C-69, ces mesures se trouvent dans la partie 4, qui est intitulée « Mesures diverses ». La partie 4 inclut 43 sections et compte plus de 140 pages. Ces mesures modifient plus d’une trentaine de lois, y compris le Code criminel.

Comme le mentionne le rapport qui a suivi l’étude préalable du Comité des affaires juridiques, qui a étudié plusieurs sections du projet de loi C-69 se trouvant dans la partie 4, et je cite :

Le comité réitère les préoccupations dont il avait fait état dans son dernier rapport sur un projet de loi d’exécution du budget [...] en ce qui concerne des changements et ajouts substantiels aux lois pénales, et autres, proposés dans ce genre de mesure législative omnibus. Les modifications aux lois pénales soulèvent d’importantes questions constitutionnelles et juridiques qui nécessitent une étude minutieuse en comité et un débat approfondi au Sénat.

Le comité est préoccupé par le fait qu’il n’y a pas eu suffisamment de temps ou d’occasions de recueillir des témoignages pour analyser en profondeur les dispositions du projet de loi C-69 qui lui ont été renvoyées, ainsi que les répercussions ces changements proposés. Cela ne rend pas service au processus législatif et au mandat du comité qui comprend l’examen des affaires juridiques et constitutionnelles. [...]

Lors de son témoignage devant le comité, le ministre Virani a expliqué que l’inclusion de ces points non financiers dans le budget a été causée par l’obstruction parlementaire survenue à la Chambre des communes. Cela est malheureux, car le comité a été forcé de travailler dans le cadre d’un régime d’examen législatif restreint, adapté aux circonstances politiques actuelles à la Chambre des communes, ce qui entrave la capacité du Sénat à réaliser adéquatement un « second examen attentif ».

L’argument du gouvernement minoritaire ne sera peut-être plus pertinent après les prochaines élections, mais, selon moi, la volonté d’utiliser des projets de loi omnibus pourrait subsister. Le temps est peut-être venu pour le Sénat d’envisager d’exercer ses pouvoirs constitutionnels en amendant ce genre de projets de loi.

En 2016, le représentant du gouvernement de l’époque, le sénateur Harder, a proposé au Sénat un amendement au projet de loi d’exécution du budget C-29 pour supprimer une mesure prévoyant d’appliquer uniformément des mesures de protection des consommateurs dans le secteur bancaire dans l’ensemble du pays, à la suite des arguments qu’André Pratte, ancien sénateur du Québec, a fait valoir au sujet de la compétence provinciale en matière de protection des consommateurs. Ce changement est un excellent exemple de second examen objectif à l’ère de l’indépendance du Sénat.

Je passe maintenant à mon deuxième point sur les modifications que la Chambre des communes propose aux sections 38 et 39 en ce qui concerne l’immigration.

Dans la version initiale du projet de loi C-69, la section 38 contenait des propositions visant à rationaliser le processus de détermination du statut de réfugié et le processus de renvoi. Au Comité des affaires sociales et au Comité des finances nationales, des fonctionnaires ont présenté cela comme une façon de rationaliser le processus et de rendre la Commission de l’immigration et du statut de réfugié plus efficace, quitte à devoir sacrifier certains droits fondamentaux.

Selon l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, les modifications proposées auraient désavantagé de façon disproportionnée les réfugiés et les immigrants vulnérables, comme les personnes atteintes de troubles de santé mentale, les personnes ayant subi des traumatismes et les personnes en situation de logement précaire.

Dans son rapport d’étude préalable, le Comité sénatorial des affaires sociales a recommandé le retrait de la section 38 du projet de loi C-69. Par conséquent, j’ai été ravi de voir le Comité des finances de la Chambre des communes la supprimer.

Passons maintenant à la section 39. Elle contient des propositions concernant l’hébergement de détenus de l’immigration présentant un risque élevé dans des postes spécialement désignés qui seront situés à l’intérieur de pénitenciers.

Voici ce qu’ont dit les anciens ministres libéraux Lloyd Axworthy et Allan Rock au sujet de ces propositions :

Dans la foulée du lancement de la campagne #BienvenueAuCanada, dirigée par Amnistie internationale et Human Rights Watch, les 10 provinces se sont engagées à mettre un terme à l’utilisation de prisons provinciales pour la détention d’immigrants. Ce faisant, beaucoup de représentants des gouvernements provinciaux ont exprimé de graves préoccupations à l’égard de violations des droits de la personne. Depuis deux ans, des centaines d’avocats, d’universitaires, de fournisseurs de soins de santé et de membres de groupes confessionnels, de même que des particuliers ayant de l’expérience en matière de détention d’immigrants et des dizaines de chefs de file canadiens et d’organismes internationaux demandent au gouvernement fédéral de mettre un terme à l’utilisation de prisons pour la détention de personnes dont la demande d’immigration est en cours de traitement.

Ils ont ajouté ceci :

La détention — en particulier dans les prisons — des personnes qui ont subi un déplacement ne fait qu’aggraver le traumatisme que bon nombre d’entre elles ont subi. La voie qui mène à une société accueillante n’est pas pavée de violations des droits de la personne. Il faut investir dans les gens, pas dans les prisons. Il est temps que le gouvernement fédéral suive le mouvement.

Ce sont les paroles de ces deux anciens ministres.

Après avoir entendu de nombreux témoins, dont l’ancien ministre Rock, pendant plus de trois heures, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a recommandé le retrait de cette section du projet de loi. Il a fait cette recommandation dans son rapport sur l’étude préalable de certaines parties du projet de loi C-69. Au début du mois de juin, j’ai donné préavis d’une motion, appuyée par le sénateur Tannas, visant à inviter la Chambre des communes à envisager la suppression de la section 39 de la partie 4 du projet de loi C-69. Ainsi, cette mesure controversée aurait au moins pu être étudiée séparément.

Le 4 juin, le Comité des finances de la Chambre des communes a consacré une journée entière au projet de loi C-69. Vous auriez dû voir cela. C’était très intéressant. Je suis content que nous traitions les projets de loi omnibus en envoyant leurs parties distinctes à différents comités et que nous procédions à un examen sommaire, mais approfondi. Ce n’est pas nécessairement ce qui se passe à l’autre endroit.

Ce jour-là, les députés ont adopté deux amendements proposés par le NPD pour améliorer la section 39, en réponse, de l’aveu même du secrétaire parlementaire Ryan Turnbull, à des préoccupations soulevées par de nombreuses parties prenantes et par des parlementaires, dont des sénateurs.

Le premier amendement adopté à l’unanimité établit des mesures de protection, notamment des critères prévus dans la loi qui définissent un détenu à haut risque, comme des condamnations antérieures, des accusations qui pèsent contre lui au Canada ou ailleurs pour une infraction sexuelle, une infraction avec violence ou une infraction commise avec une arme, des liens avec une organisation criminelle ou un comportement violent à l’égard du personnel ou d’autres détenus de l’immigration. L’amendement prévoit aussi des exclusions pour les mineurs, de même que l’obligation, pour le ministre de la Sécurité publique, d’informer une personne qui doit être détenue dans un poste d’attente des motifs justifiant cette décision ainsi que de son droit de consulter un avocat, de fournir des raisons pour lesquelles le ministre ne doit pas donner suite aux décisions envisagées et, si le ministre choisit de donner suite à ces décisions, d’obtenir par écrit les raisons qui font qu’elle doit être placée dans un poste d’attente.

Autrement dit, les amendements ont mis en place une section sur l’application régulière de la loi, ce qui transforme la décision d’un agent en une décision ministérielle. Cette décision doit se limiter à certains motifs et être justifiée, et elle peut faire l’objet d’une révision par un tribunal indépendant et d’une révision judiciaire par la Cour fédérale, au besoin.

Chers collègues, à mon avis, ces amendements améliorent considérablement la section 39. Bien sûr, ils ne règlent pas les vrais problèmes touchant les réfugiés et les immigrants, mais ils améliorent la situation par rapport à ce que le gouvernement proposait initialement dans cette section. Je suis reconnaissant envers nos collègues du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants d’avoir passé plus de trois heures à convoquer et à écouter des témoins, puis d’avoir invité la Chambre des communes à supprimer la section 39 ou, au moins, à la modifier.

En outre, je note que le projet de loi C-20, dont nous faisons actuellement l’étude en deuxième lecture, propose une surveillance indépendante de l’Agence des services frontaliers du Canada, ce qui devrait — je l’espère — offrir certaines protections aux détenus de l’immigration.

En conclusion, lorsque les comités sénatoriaux ont véritablement l’occasion d’effectuer une étude préalable d’un projet de loi omnibus, cela leur permet de communiquer leurs conclusions à l’autre endroit. Toutefois, cela doit être fait bien à l’avance.

En effet, en 2017, nos efforts pour modifier le projet de loi omnibus d’exécution du budget C-44 ont aussi été couronnés de succès. La Chambre des communes y avait apporté des amendements après que le Sénat eut plaidé en faveur de l’indépendance accrue du directeur parlementaire du budget, à l’initiative de l’ancien sénateur Joe Day, notre regretté collègue, pour qui nous tiendrons une célébration de la vie demain, au Nouveau-Brunswick.

Voilà mon troisième point.

Il y a là quelque chose que nous devrions explorer. Cette façon de procéder me fait penser à ce que La procédure du Sénat en pratique appelle la « formule Hayden ».

Au cours des années 1970, une importante contribution du Sénat au processus législatif fut l’« examen préalable » de projets de loi encore à l’étude à la Chambre des communes. Permettant le renvoi de la teneur d’un projet de loi à un comité du Sénat en vue d’un examen général, cette procédure est parfois appelée « formule Hayden », au nom du sénateur Salter Hayden qui en fut l’inspirateur. Au cours du processus d’examen préalable, le Sénat peut proposer des modifications au ministre responsable du projet de loi, lequel peut à son tour proposer des amendements à la Chambre des communes.

Bien sûr, cela signifie que nous passons à l’étude préalable d’un projet de loi en temps voulu, bien avant que la Chambre des communes passe à l’étude article par article.

Honorables sénateurs, comme beaucoup d’entre vous, j’ai des réserves au sujet du recours abusif aux études préalables pour précipiter l’adoption de projets de loi. Toutefois, dans le cas des projets de loi omnibus d’exécution du budget, mener de façon séquentielle certains travaux des comités du Sénat et de la Chambre des communes peut être pratique et donner de bons résultats, comme le montrent les sections 38 et 39 du projet de loi C-69. J’espère que le gouvernement actuel et les gouvernements futurs en tiendront compte s’ils ne veulent pas que le Sénat amende leurs projets de loi.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Elizabeth Marshall [ - ]

Honorables sénateurs, je prends également la parole au sujet du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024. Je suis la porte-parole du projet de loi.

Il est toujours intéressant d’entendre les points de vue de mes collègues sur le projet de loi budgétaire, car chacun l’aborde différemment. Cependant, il y a un fil conducteur dans les observations de tous mes collègues : ils n’aiment pas vraiment les projets de loi omnibus.

Le projet de loi C-69 est un autre projet de loi omnibus. Cela signifie qu’il comprend de nombreuses mesures relatives à de nombreuses lois qui devraient former des projets de loi distincts afin que les mesures législatives proposées puissent être examinées et débattues de manière appropriée par le Parlement. Le projet de loi C-69 compte 672 pages et modifie de nombreuses lois, dont la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés et la Loi sur les banques, pour ne nommer que celles-là.

Les exemplaires du projet de loi que j’ai reçus n’étaient pas reliés. Ils étaient attachés par un ruban rouge. L’imprimerie nous a dit que le projet de loi était trop volumineux pour être inclus dans une seule reliure et nous a suggéré de diviser le document en deux volumes : le volume un et le volume deux de la loi d’exécution du budget.

Il ne fait aucun doute que le projet de loi C-69 est un projet de loi omnibus.

En plus de modifier de nombreuses lois existantes, le projet de loi C-69 propose plusieurs nouvelles lois, notamment la Loi sur l’impôt minimum mondial et la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Le fait d’inclure des modifications à des lois existantes et des lois entièrement nouvelles dans un seul grand projet de loi nuit à notre capacité d’examiner correctement les mesures législatives proposées, et le fait qu’on impose de courts délais pour l’examen par les comités nuit encore plus à l’examen de ces changements législatifs par le Sénat.

Contrairement au projet de loi C-59, qui a été renvoyé dans son intégralité au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le projet de loi C-69 a été divisé en diverses parties qui ont été envoyées à 10 comités sénatoriaux pour une étude préalable. Je reviendrai sur certains rapports des comités plus tard dans mon discours.

Honorables sénateurs, de nombreuses parties du projet de loi C-69 sont complexes et les comités auraient dû, à juste titre, disposer de plus de temps pour les étudier et en débattre. À mon avis, nombre de nos études ont été superficielles et, compte tenu de l’importance de la mesure législative proposée, le projet de loi C-69 aurait dû faire l’objet d’une étude et d’un débat approfondis. Les études superficielles effectuées par les nombreux comités sénatoriaux permanents n’étaient pas suffisantes, et bon nombre de ces comités l’ont indiqué dans leur rapport final.

Bien que de nombreux sénateurs et, en fait, de nombreux Canadiens considèrent le Sénat comme la Chambre de second examen objectif, nos études superficielles ne peuvent être considérées comme des documents de second examen objectif.

Honorables sénateurs, les Canadiens font face à une crise de l’abordabilité depuis la pandémie. L’inflation a augmenté et, bien qu’elle soit en train de s’atténuer, les prix ne diminuent pas. De nombreux Canadiens ont du mal à composer avec le coût élevé de la nourriture, de l’énergie et du logement, qu’il s’agisse de leurs paiements hypothécaires ou du coût de leur loyer. De nombreuses personnes se retrouvent en situation d’itinérance, certaines pour la première fois de leur vie.

Honorables sénateurs, les Canadiens ont été soulagés plus tôt ce mois-ci lorsque la Banque du Canada a réduit les taux d’intérêt d’un quart de point de pourcentage. Bien que cette diminution ne soit pas considérée comme importante par beaucoup de gens, les Canadiens la voient avec optimisme comme le début d’une série de diminutions des taux d’intérêt. Le gouvernement du Canada devrait également être encouragé, car il emprunte d’importantes sommes chaque année et a vu les intérêts sur notre dette augmenter considérablement chaque année. Les paiements hypothécaires des propriétaires qui renouvellent leur hypothèque demeureront toutefois élevés. De nombreux Canadiens sont incapables de trouver un logement, l’itinérance est en hausse, et il y a maintenant des campements où des gens vivent dans des tentes dans de nombreuses villes.

Dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, la protectrice des aînés a lancé une initiative de mobilisation des intervenants afin de cerner les problèmes qui touchent les aînés. Terre-Neuve-et-Labrador compte un grand nombre d’aînés. Sa population totale compte un peu plus d’un demi-million d’habitants, dont 128 000 personnes, soit environ 24 %, sont âgées de 65 ans ou plus. Près de 50 % des résidants sont âgés de 50 ans ou plus.

Récemment, à la suite d’un vaste processus de mobilisation et d’enquête, la protectrice des aînés a publié un rapport indiquant que les personnes âgées de ma province sont en difficulté. Les soins de santé constituent un problème considérable pour les aînés de ma province, ce qui est compréhensible compte tenu de la crise que connaît notre système universel de soins de santé. L’accès à des médecins de famille et à d’autres professionnels de la santé est l’enjeu le plus important pour eux, dans le domaine des soins de santé. Le coût de la vie et les préoccupations financières comptent aussi parmi leurs principaux enjeux. Un tiers des aînés de ma province ont déclaré ne pas avoir un revenu suffisant, principalement à cause de l’augmentation du coût de la vie et parce que les prestations provinciales et fédérales et les revenus de retraite sont insuffisants. Les problèmes liés au coût de la vie recoupent d’autres domaines, comme la santé, puisqu’ils ont une incidence sur la capacité de payer les médicaments; les problèmes de logement, étant donné le coût des loyers; et le transport, notamment à cause du prix de l’essence.

La protectrice des aînés de Terre-Neuve-et-Labrador m’a dit que, d’après ses conversations avec ses collègues du reste du pays, les aînés de ma province et ceux de tout le pays vivent les mêmes problèmes. Ces problèmes ne sont pas propres à ma province, et ils ne sont pas propres aux aînés, car ils touchent aussi de nombreux Canadiens. Beaucoup d’aînés de ma province ont l’impression que le gouvernement les a oubliés et, lors de la publication du budget de 2024, bon nombre d’entre eux ont été déçus de voir que le budget ne contenait rien pour eux.

Je note que la sénatrice Bernard a posé une question au sénateur Gold hier, indiquant que le budget ne contient pas de mesures globales pour les personnes âgées. Lorsque la ministre Freeland a comparu devant le Comité sénatorial des finances le mois dernier pour discuter du budget, je lui ai fait part des préoccupations que les personnes âgées de ma province m’ont exprimées. Alors que le budget de 2024 s’intitule « Une chance équitable pour chaque génération », la plupart des personnes âgées de ma province ne remarquent aucune équité générationnelle dans le budget de 2024.

Honorables sénateurs, sous ce gouvernement, les dépenses gouvernementales par personne sont à leur niveau le plus élevé. Tandis qu’on dépense des milliards de dollars en consultants, en subventions et en aide financière pour des centaines de personnes et d’entreprises, de nombreuses personnes âgées au Canada vivent dans des situations désespérées. Selon la Fiche de rendement sur la pauvreté de 2024 de Banques alimentaires Canada, près de la moitié des Canadiens estiment que leur situation financière s’est dégradée depuis l’année dernière et 25 % des Canadiens vivent de l’insécurité alimentaire. Depuis 2021, les banques alimentaires ont enregistré une augmentation de 50 % du nombre de visites. Banques alimentaires Canada a indiqué qu’alors que la pauvreté et l’insécurité alimentaire s’aggravent aux quatre coins du pays, la plupart des gouvernements, y compris le gouvernement fédéral, ne réagissent pas avec l’urgence nécessaire.

Une étude de l’Armée du Salut révèle que près du tiers des Canadiens restent pessimistes quant à l’avenir de leur situation financière personnelle, tandis qu’un quart d’entre eux restent extrêmement inquiets et se demandent s’ils auront un revenu suffisant pour pourvoir ne serait-ce qu’à leurs besoins essentiels. Ce rapport de l’Armée du Salut montre que près des trois quarts des Canadiens ont du mal à gérer leurs ressources financières limitées.

Toutes ces études conduisent à des résultats qui se recoupent et elles concluent que la majorité des Canadiens éprouvent des difficultés financières. Un récent sondage réalisé par Nanos Research indique, sans surprise, que les trois principales préoccupations des Canadiens sont l’inflation, l’emploi et les soins de santé.

Afin d’alléger les pressions exercées sur les familles, la section 3 de la partie 4 du projet de loi autorise le gouvernement à effectuer des paiements aux provinces dans le cadre d’un programme national d’alimentation dans les écoles. Le gouvernement a indiqué que cet investissement contribuera au bien-être de tous les enfants et rendra la vie plus abordable pour les familles partout au Canada. Le gouvernement a annoncé, dans le budget de 2024, la création du programme, qui fournira 1 milliard de dollars sur cinq ans à Emploi et Développement social Canada, à Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada ainsi qu’à Services aux Autochtones Canada. Cependant, lorsqu’on regarde les détails, on voit que seulement 79 millions de dollars de l’enveloppe de 1 milliard de dollars seront fournis au cours du présent exercice. La majeure partie du financement sera étalée sur trois ans à compter de 2026-2027.

Judith Barry, cofondatrice et directrice des relations gouvernementales du Club des petits déjeuners du Canada, a témoigné devant le Comité sénatorial des finances nationales au sujet de cette partie du projet de loi C-69. Elle a déclaré au comité :

[...] il y a eu une augmentation de 28 % pour ce qui est de l’insécurité alimentaire des enfants au pays. Depuis deux ans, c’est dramatique. Plus le coût de la vie et de la nourriture augmentent, plus il y a de participants qui arrivent et ont besoin de ces programmes.

En fait, dans son rapport, Banques alimentaires Canada affirme que 33 % des personnes qui ont recours aux banques alimentaires sont des enfants, bien qu’ils ne représentent que 20 % de la population.

Au sujet du financement prévu dans le budget de 1 milliard de dollars sur 5 ans et de 79 millions de dollars pour la première année, Mme Barry a dit :

[...] Même si c’est un bon début, 1 milliard de dollars sur cinq ans et 70 millions de dollars la première année sont des montants insuffisants pour couvrir tous les besoins actuels au pays [...]

Elle a ajouté :

[...] nous voulons offrir l’accès à des aliments nutritifs à 5 millions d’écoliers à l’échelle du pays, nous aurons besoin d’au moins 3 à 6 $ par enfant et par jour. Il y a 180 jours d’école [...]

Dans l’hypothèse du montant inférieur de 3 $ par jour, le coût annuel s’élèverait à 545 millions de dollars, ce qui est loin des 74 millions de dollars prévus pour cette année.

L’objectif du gouvernement pour le programme national d’alimentation dans les écoles est d’améliorer l’accès aux repas offerts à l’école de jusqu’à 400 000 enfants supplémentaires. Cependant, élargir le programme à 400 000 écoliers pendant 180 jours à raison de 3 $ par jour coûterait 216 millions de dollars. Là encore, c’est plus que les 74 millions de dollars prévus pour cette année.

Dans son rapport sur le programme national d’alimentation dans les écoles, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie écrit que la mise en œuvre du programme dépendra des négociations avec les provinces et les territoires. Il exhorte le gouvernement fédéral à conclure ces négociations dans les plus brefs délais et à garantir que les fonds seront consacrés au programme national d’alimentation dans les écoles, plutôt qu’à des programmes non apparentés.

Quand on compare le coût estimatif du programme au montant inscrit dans le budget, on constate qu’il n’y a pas assez d’argent pour mettre le programme en œuvre. En retenant, encore une fois, le prix inférieur de 3 $ par jour pour un enfant, à raison de 180 jours d’école, le programme coûterait 540 $ par an pour cet enfant. Les 74 millions de dollars permettront donc d’offrir des repas à 137 000 écoliers et non, comme dans les estimations du gouvernement, à 400 000.

Le programme national d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, créé dans le budget de 2021, est insuffisamment financé, à tel point que les familles qui ont un urgent besoin de services de garde n’en trouvent pas. Il est également évident que le nouveau Programme national d’alimentation dans les écoles prévu dans le projet de loi C-69 est également sous-financé.

Honorables sénateurs, j’ai parlé à plusieurs reprises de l’augmentation du coût des paiements hypothécaires depuis que la Banque du Canada a commencé à relever les taux d’intérêt, en 2022. De nombreux propriétaires ont contracté un prêt hypothécaire lorsque les taux d’intérêt étaient bas, et certains d’entre eux ont également acheté leur logis lorsque les prix de l’immobilier atteignaient des sommets.

L’an dernier, Desjardins a publié un rapport indiquant que de nombreux détenteurs de prêts hypothécaires seraient confrontés à une forte augmentation de leurs mensualités, qui pourrait atteindre 40 % au moment du renouvellement de leur prêt. À l’époque, Desjardins avait comparé la dette hypothécaire au Canada à une bombe à retardement.

Le mois dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, a publié le Rapport sur le secteur des prêts hypothécaires résidentiels, qui indique que la proportion de prêts hypothécaires en souffrance est faible, mais qu’elle a augmenté pour la première fois depuis le début de la pandémie. Le rapport indique qu’après un creux dans les taux de défaillance au cours du troisième trimestre de 2022 la proportion de prêts hypothécaires en souffrance a augmenté au quatrième trimestre de 2023. La SCHL indique qu’elle s’attend maintenant à ce que la situation se détériore davantage, car les indicateurs suggèrent qu’un plus grand nombre de ménages éprouvent des difficultés financières et que la réserve accumulée pendant la pandémie est épuisée.

Dans ces circonstances, un prêt est considéré comme étant en souffrance lorsque les paiements de l’emprunteur sont en retard de plus de 90 jours. En ce moment, on estime à 12 600 le nombre de prêts hypothécaires en souffrance.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement a également constaté une augmentation des défauts de paiement sur d’autres produits de crédit, comme les cartes de crédit et les prêts automobiles. Son rapport précise que ces taux sont beaucoup plus élevés qu’il y a trois ans.

La Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières ont tous les deux publié le mois dernier des rapports faisant état de la vulnérabilité du système financier canadien à l’égard du secteur du logement. La Banque du Canada, dans son Rapport sur la stabilité financière, a souligné les risques qui pourraient en fin de compte nuire à notre système financier dans son ensemble et menacer sa stabilité. La Banque du Canada a déclaré que les ménages ont pris des mesures pour s’adapter aux taux d’intérêt élevés. Cependant, cet ajustement n’est pas encore terminé et il continue de présenter des risques pour la stabilité financière.

L’enquête de la Banque indique également que ce sont les locataires qui connaissent la plus forte augmentation du stress financier :

Après avoir atteint des creux historiques durant la pandémie, la proportion des ménages sans prêt hypothécaire qui sont en retard dans leurs paiements de carte de crédit et de prêt automobile est revenue aux niveaux habituels ou les a dépassés. Et au cours de la dernière année, on a vu se poursuivre l’augmentation de la proportion des emprunteurs sans prêt hypothécaire qui ont un solde impayé de carte de crédit atteignant au moins 80 % de la limite.

La Banque a ajouté que depuis qu’elle a commencé à relever ses taux :

[...] les versements ont augmenté pour environ la moitié des prêts hypothécaires. Au cours des deux prochaines années et demie, la plupart des prêts hypothécaires restants devront être renouvelés, et les ménages détenant ces prêts verront probablement leurs versements augmenter substantiellement.

Leurs versements hypothécaires, s’entend.

Même si la Banque du Canada a réduit son taux d’intérêt d’un quart de point de pourcentage plus tôt ce mois-ci — une décision accueillie avec beaucoup d’optimisme —, les emprunteurs devront quand même composer avec des augmentations importantes de leurs paiements hypothécaires.

Le Bureau du surintendant des institutions financières, dans son rapport intitulé Regard annuel sur le risque – Exercice 2024-2025, a également soulevé des inquiétudes au sujet de la hausse du coût de la dette des ménages. Voici un extrait de son rapport :

Du total de l’encours de prêts hypothécaires en février 2024, 76 % feront l’objet d’un renouvellement d’ici la fin de 2026.

Bon nombre de ces propriétaires devront faire face à une augmentation importante de leurs versements hypothécaires.

Le Bureau du surintendant des institutions financières a également déclaré ce qui suit :

Les prêts hypothécaires pour lesquels les paiements ont déjà augmenté du fait du renouvellement ou du type de produit [...]

 — comme les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes —

[...] affichent déjà des taux d’improductivité accrus. Si les marchés de l’immobilier résidentiel venaient à se contracter, on pourrait assister à une hausse du nombre de prêts en défaut, une baisse des taux de recouvrement et, par conséquent, des pertes de crédit plus élevées pour les institutions.

La semaine dernière, lors d’une réunion du Comité permanent des finances de l’autre endroit, le surintendant des institutions financières s’est dit très préoccupé par les chocs liés aux taux d’intérêt qui attendent des dizaines de milliers d’emprunteurs hypothécaires. Il a dit que certains propriétaires verront leur paiement bondir de 50 % en moyenne. Selon lui, les gens qui, pendant la pandémie, ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable assorti de paiements fixes pourraient se retrouver avec une augmentation d’environ 50 % de leurs versements. Il a dit :

Cela varie selon [le prête hypothécaire] et le moment, mais 50 % est une bonne approximation. C’est un choc très important pour leur budget mensuel, et c’est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.

Honorables sénateurs, pour résumer les répercussions de la crise du coût de la vie sur les Canadiens, je vous fais part des observations suivantes. La vie de millions de Canadiens est en pleine crise, car ils n’ont pas les moyens de se nourrir, de se loger et de répondre à d’autres besoins essentiels. Un Canadien sur dix vit dans la pauvreté. Des millions de Canadiens doivent faire appel aux banques alimentaires. Le Canada connaît de surcroît une crise du logement qui ne se résoudra pas avant de nombreuses années.

Des milliers de Canadiens qui ont un logement doivent composer avec l’augmentation des paiements hypothécaires et des loyers. La proportion de prêts hypothécaires en souffrance est en hausse. Il y a une augmentation des défauts de paiement sur les cartes de crédit et les prêts automobiles.

Le système de santé universel est en crise. Pas moins de 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin. Les listes d’attente pour les actes médicaux et les interventions chirurgicales sont longues.

Malgré la mise en œuvre du programme national de garderies, des milliers de familles canadiennes ne peuvent pas trouver de place en garderie. Certaines provinces, dont la mienne, Terre-Neuve-et-Labrador, sont aux prises avec une crise des services de garde.

La dette du gouvernement fédéral est passée de 967 milliards de dollars en 2017 à 1,7 billion de dollars, en date du 31 mars 2024. Selon le budget de 2024, cette dette dépassera les 2 billions d’ici trois ans. Voilà l’héritage que nous laissons à nos enfants et petits‑enfants.

Dans un discours prononcé en Nouvelle-Écosse, la première sous-gouverneure de la Banque du Canada a dit que « l’heure a sonné » et qu’il fallait régler le problème de productivité au pays, car le niveau de productivité du secteur des entreprises au Canada était resté à peu près le même qu’il y a sept ans.

Notre PIB par habitant, qui est un indicateur de notre niveau de vie, est en baisse, et cette baisse est en train de s’accentuer. Nous sommes maintenant au-dessous du niveau de 2019, et cette tendance se poursuit depuis presque cinq ans. Le Canada est en voie de connaître sa pire baisse du niveau de vie en 40 ans.

Les investissements des entreprises au Canada ont diminué. Depuis 2014, les investissements des entreprises par travailleur sont passés de 18 363 $ à 14 687 $. Depuis 2014, nous observons une fuite de capitaux hors du Canada. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Canada sera l’économie avancée qui aura le pire rendement entre 2020 et 2060.

Le Canada est fier de sa cote de crédit AAA, mais considérez cette déclaration récente de la Banque Royale du Canada en avril dernier :

Si le gouvernement ne fait pas preuve de discipline budgétaire, le Canada risque de perdre sa cote de crédit AAA plus que d’autres pays le mieux notés.

Je pourrais continuer, mais le message est clair : les Canadiens sont au cœur d’une crise économique.

Honorables sénateurs, la section 39 de la partie 4 du projet de loi C-69 modifiera la Loi autorisant certains emprunts pour faire passer le plafond de la dette de 1,831 billions de dollars à 2,126 billions de dollars. Autrement dit, le gouvernement veut se donner le pouvoir de monter notre dette nationale à plus de 2 billions de dollars au cours des 3 prochaines années. La Loi autorisant certains emprunts a été adoptée en 2017 pour conférer au ministre des Finances le pouvoir d’emprunter ainsi que pour établir le montant maximal des emprunts, qu’on appelle le plafond de la dette.

La Loi autorisant certains emprunts n’a pas une longue histoire. Proposée par l’ancien ministre des Finances Bill Morneau, elle a été édictée en 2017. À ce moment-là, le plafond initial avait été établi à 1,168 billion de dollars. C’était il y a 7 ans. En 2017, les fonctionnaires étaient tout à fait disposés à fournir de l’information sur la Loi autorisant certains emprunts et ils nous ont fourni des renseignements détaillés sur la manière dont le plafond de la dette de 1,168 billion de dollars avait été calculé. À chacune des années subséquentes, les fonctionnaires ont volontiers fait le point sur les emprunts effectivement contractés par rapport au plafond de la dette.

En 2020, l’énoncé économique de l’automne a proposé un relèvement du plafond de la dette, de 1,168 billion de dollars à 1,831 billion de dollars. À l’époque, la mise à jour économique de l’automne 2020 était assortie d’une explication de deux pages sur l’augmentation, ainsi que d’un tableau très détaillé indiquant le mode de calcul du nouveau plafond de la dette.

Cette année, le gouvernement n’a fourni aucun détail sur le plafond d’endettement proposé ni aucune information sur la manière dont il a été calculé. Il n’y a que la modification de trois lignes du projet de loi C-69.

J’ai indiqué à plusieurs reprises dans cette enceinte que le gouvernement, alors qu’il était disposé à fournir des informations et des données à ses débuts, est devenu très secret ces dernières années, ou, du moins, réticent à communiquer ses informations.

Les fonctionnaires qui ont témoigné devant le comité ont souvent dit qu’ils n’étaient pas en possession des renseignements demandés. Ils se sont engagés à les fournir, mais ils n’ont jamais fourni les informations que nous avons demandées.

On m’a promis les données justifiant la hausse du plafond de la dette, et je les ai finalement reçues hier. Toutefois, ces informations auraient dû être rendues publiques dans le budget, comme ce fut le cas les années précédentes.

La dette du Canada devra être remboursée par tous les Canadiens et, jusqu’à ce qu’elle le soit, tous les Canadiens paieront des intérêts sur cette dette. Les Canadiens ont le droit de connaître les détails de leur endettement croissant.

Honorables sénateurs, même si le projet de loi C-69 contient de nombreuses modifications législatives, le document du budget de 2024, qui compte 416 pages, justifie ces mesures. Le budget de 2024 donne un aperçu économique et financier, explique bon nombre des changements législatifs prévus dans le projet de loi C-69 et inclut les coûts et les revenus associés à bon nombre des changements législatifs. Le projet de loi donne également un aperçu des prochaines politiques envisagées par le gouvernement. Il faut le lire en parallèle avec le projet de loi d’exécution du budget.

Le budget de 2024 contient aussi des données financières historiques pour l’exercice 2022-2023 et 2023-2024 et des prévisions financières pour les cinq prochaines années, soit pour la période de 2024 à 2029.

Pour les cinq ans à compter de cette année — 2024-2025 —, le gouvernement prévoit 61,2 milliards de dollars de nouvelles dépenses. Ces dépenses de 61,2 milliards seront partiellement compensées par des mesures permettant d’accroître les recettes, principalement les recettes qui devraient être générées par l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital.

Le gouvernement prévoit des déficits pendant chacune de ces cinq années, soit un déficit de 39,8 milliards de dollars cette année, puis des déficits qui, pendant les quatre années suivantes, diminueront à 38,9 milliards de dollars, à 30,8 milliards de dollars, à 26,8 milliards de dollars et, enfin, à 20 milliards de dollars en 2028-2029.

Cependant, il y a deux problèmes par rapport à ces prévisions. Premièrement, les prévisions concernant les recettes générées par l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital doivent se concrétiser. Deuxièmement, le gouvernement doit être en mesure de contrôler ses dépenses pour que les déficits prévus n’aillent pas en augmentant, ce qui aurait pour effet d’alourdir encore davantage la dette.

Un sondage de l’Institut Angus Reid mené en avril dernier a révélé que 59 % des Canadiens estiment que le gouvernement fédéral dépense trop, et les deux tiers se disent préoccupés par la taille des déficits fédéraux.

Le gouvernement s’attend à ce que la hausse de l’impôt sur les gains en capital accroisse les recettes fiscales de 19,4 milliards de dollars sur 5 ans, dont 6,9 milliards de dollars seront perçus cette année. Le gouvernement compte sur ces recettes de 6,9 milliards pour atteindre l’objectif de déficit de 39,8 milliards fixé pour cette année. Il compte également sur ces recettes fiscales pour atteindre ses objectifs de déficit dans les années à venir.

Malheureusement, le gouvernement a toujours eu du mal à respecter ses projections financières. Par exemple, dans le budget de 2022, le gouvernement prévoyait un déficit de 27,8 milliards de dollars pour cette année. Le budget de 2023 a augmenté ce déficit projeté à 35 milliards de dollars, et le budget 2024 l’a encore augmenté à 39,8 milliards de dollars.

L’une des questions soulevées récemment dans les médias concerne le déficit de l’an dernier. Le budget de 2024 indique que le déficit de l’an dernier, c’est-à-dire pour l’exercice 2023-2024, est de 40 milliards de dollars. Cependant, le numéro de mars 2024 de La revue financière indique que le déficit de l’an dernier sera de 50,9 milliards de dollars, soit un écart important de près de 11 milliards de dollars.

Alors que les états financiers vérifiés du gouvernement ne seront probablement pas publiés avant la fin de l’automne, le gouvernement devrait indiquer pourquoi il a publié deux déficits différents pour l’exercice 2023-2024.

Les sénateurs se souviendront peut-être que j’ai posé cette question au sénateur Gold la semaine dernière, et qu’il a parlé des ajustements qui seront apportés au déficit. Je m’attends à ce que des ajustements soient apportés, mais je m’attends aussi à ce que nous ne sachions jamais en quoi ils consistent. Je ne m’attends pas à de la transparence.

Les dépenses gouvernementales ont augmenté considérablement au cours des neuf dernières années, passant de 272 milliards de dollars en 2014-2015 à 497 milliards de dollars l’an dernier, soit une augmentation de 83 % en 9 ans ou, en moyenne, 7 % par année. De plus, le directeur parlementaire du budget a indiqué qu’entre 2006-2007 et 2022-2023, le nombre d’équivalents temps plein dans la fonction publique est passé de 335 000 à 432 000, soit une augmentation de 96 000 équivalents temps plein.

Compte tenu de l’augmentation des dépenses et des équivalents temps plein, le gouvernement a indiqué qu’il réduirait les dépenses afin de réaliser des économies ou de recentrer ses efforts sur ses priorités. Nous avons discuté de cette question hier lorsque nous débattions des projets de loi de crédits.

Dans le budget de 2023, le gouvernement a annoncé qu’il effectuerait plusieurs examens des dépenses et qu’il réduirait les dépenses de plus de 15 milliards de dollars sur 5 ans, soit pendant la période allant de 2023 à 2028, et de 4,5 milliards de dollars annuellement par la suite.

Il est trop tôt pour en évaluer les répercussions de cette mesure, car les économies prévues en 2023-2024 ne sont que de 500 millions de dollars, les 14,9 milliards de dollars restants devant être économisés au cours des quatre prochains exercices à compter de cette année.

Sur les économies de 500 millions de dollars qui devaient être réalisées en 2023-2024, on devait économiser 350 millions de dollars en services professionnels comme les services d’experts‑conseils, et les 150 millions de dollars restants, en frais de déplacement.

Dans l’Énoncé économique de l’automne 2023, le gouvernement a annoncé qu’il économiserait 2,4 milliards de dollars de plus sur quatre ans à compter de l’année prochaine. Dans ce même énoncé, le gouvernement affirme qu’il économisera 4,8 milliards de dollars par an à compter de 2026-2027, et qu’il ramènera la fonction publique plus près de sa trajectoire de croissance d’avant la pandémie. Toutefois, les prochaines élections fédérales auront lieu avant 2026-2027.

Il sera difficile de déterminer si ces économies de 14,9 milliards de dollars se concrétiseront. Il est également difficile de savoir si ces montants peuvent être considérés comme de véritables économies, puisque le gouvernement affirme que ces fonds seront réaffectés à d’autres priorités. De toute façon, on ne s’attend pas à ce que la plupart de ces économies soient réalisées avant les prochaines élections fédérales.

Honorables sénateurs, la section 16 de la partie 4 du projet de loi C-69 édicte la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs, aussi officieusement connue sous le nom de loi sur le système bancaire ouvert. Le sénateur Deacon en a parlé plus tôt, et je vais essayer d’être bref et de ne pas répéter l’essentiel de ce qu’il a dit.

Cette partie du projet de loi a été renvoyée au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, et je suis membre de ce comité. Nous avons tenu deux réunions sur cette partie du projet de loi et nous avons entendu des représentants de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, du Bureau de la concurrence, de l’Association des données et technologies financières d’Amérique du Nord, du Mouvement Desjardins, de Paiements Canada, de Fintechs Canada et de l’Association des banquiers canadiens.

Pour mettre les choses en contexte, en 2019, le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a publié un rapport sur le système bancaire ouvert. Le rapport a examiné les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement. Le Comité des banques a réclamé une action décisive de la part du gouvernement fédéral pour que soit adopté un cadre de système bancaire ouvert permettant de protéger les renseignements financiers personnels des Canadiens, de diversifier l’offre et d’améliorer les produits et services aux consommateurs canadiens, et de préserver la viabilité du secteur financier du Canada afin qu’il demeure concurrentiel à l’échelle internationale.

En 2021, le Comité consultatif du gouvernement sur le système bancaire ouvert a publié son rapport final et formulé un certain nombre de recommandations, entre autres celle d’un plan directeur qui conduirait à la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert. La section 16 de la partie 4 du projet de loi établira le cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs au Canada en édictant la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Elle modifiera aussi la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada pour créer le poste de commissaire adjoint principal des services bancaires axés sur les consommateurs, dont le titulaire aura la responsabilité du système de services bancaires axés sur les consommateurs.

Le 6 juin dernier, le Comité sénatorial des banques a déposé son rapport à la suite de l’étude des parties du projet de loi C-69 qui lui avaient été renvoyées par le Sénat. Le comité n’a pas d’observations particulières à formuler en ce qui concerne les sections 11, 13, 17, 18, 19, 20, 33, 41 et 42 de la partie 4 ni la sous‑section A de la section 34 de la partie 4 du projet de loi. Il a toutefois exprimé de sérieuses inquiétudes concernant la section 16 sur la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs, qui pourrait avoir des conséquences imprévues pour les consommateurs.

Plus précisément, le comité s’est dit très préoccupé par la décision du gouvernement de désigner l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, l’ACFC, comme organisme de réglementation et se demande pourquoi un organisme indépendant plus robuste, ayant une expertise en matière d’application de la loi, n’a pas été choisi.

Le comité émet notamment les réserves suivantes :

L’ACFC ne pourra peut-être pas acquérir les compétences requises à temps pour devenir un organisme de réglementation solide et efficace, puisque son rôle traditionnel est de sensibiliser les consommateurs et que ses pouvoirs en matière d’application de la loi sont relativement nouveaux [...]

Il ajoute ceci :

Si l’ACFC est désignée comme autorité de réglementation, la mobilité des données sur les consommateurs se limitera aux données financières, sans que l’on envisage l’inclusion d’autres types de données, comme celles sur les soins de santé.

Il souligne aussi ceci :

Le choix de l’ACFC en tant qu’autorité de réglementation pourrait semer la confusion dans l’esprit des Canadiens qui font appel à des institutions financières réglementées par les provinces, en particulier lorsque vient le moment de choisir le mécanisme approprié pour le règlement des plaintes. [...]

Le comité a également entendu des témoignages recommandant le retrait de la section 16 de la partie 4 du projet de loi C-69 afin de permettre la tenue de nouvelles consultations

Dans son rapport, le Comité des banques a également indiqué qu’il demeure préoccupé par la décision du gouvernement d’inclure des changements importants aux lois canadiennes dans un projet de loi omnibus d’exécution du budget, ce qui ne laisse pas suffisamment de temps pour examiner soigneusement le projet de loi et entendre les préoccupations des parties intéressées.

Le comité a également souligné que l’étude préalable ne permet pas au Sénat de faire un second examen objectif du projet de loi et que, lorsque l’autre endroit apporte des amendements à des étapes ultérieures, cela ne lui laisse pas suffisamment de temps pour étudier le projet de loi modifié.

Le Comité national des finances a rencontré les présidents ou vice-présidents des divers comités qui ont étudié des parties du projet de loi C-69. L’objectif de la réunion était de discuter de leurs rapports et de leur donner l’occasion de soulever toute question qui les préoccupe. Les présidents et vice-présidents des comités qui ont rencontré le Comité sénatorial permanent des finances nationales se sont dits préoccupés par l’utilisation continue des projets de loi omnibus par le gouvernement, et cette préoccupation se reflète dans les rapports qu’ils ont déposés au Sénat.

Cette question a été soulevée à maintes reprises dans le passé, et de nombreux sénateurs sont d’avis que l’inclusion de questions non financières dans les projets de loi d’exécution du budget les empêche d’accorder à ces modifications législatives l’examen approfondi que celles-ci méritent.

Par exemple, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie estime qu’un projet de loi d’exécution du budget ne devrait être lié qu’aux mesures chiffrées du budget et il a recommandé que les parties non financières du projet de loi, comme les sections 21 et 22, qui modifieront le Code canadien du travail, et la section 31, qui modifiera la Loi sur les aliments et drogues, fassent l’objet de mesures législatives distinctes.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a formulé des recommandations semblables concernant la section 35 de la partie 4 du projet de loi, qui porte sur le vol de véhicules à moteur et qui modifiera le Code criminel. Au cours des années précédentes, le comité a également déploré que des modifications et des ajouts importants aux lois pénales et à d’autres lois soient présentés dans des projets de loi omnibus. Le comité affirme que les modifications aux lois pénales soulèvent d’importantes questions constitutionnelles et juridiques qui nécessitent une étude approfondie au comité et un débat rigoureux au Sénat.

Le comité a également déclaré que, pendant des décennies, on a apporté des modifications à la pièce au Code criminel, qui a fini par devenir un document complexe contenant parfois un libellé incohérent ou des dispositions répétitives. Le comité a recommandé de nouveau de réviser et de réformer en profondeur le Code criminel.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a entendu des préoccupations semblables en ce qui concerne la Loi de l’impôt sur le revenu, qui a été modifiée et élargie au cours des dernières décennies. Le plus récent examen en profondeur de Loi de l’impôt sur le revenu et du régime fiscal du Canada remonte aux années 1960. Il est plus que temps de revoir en profondeur le Code criminel et la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le manque de temps pour une analyse poussée des dispositions du projet de loi C-69 et l’incapacité de recevoir les preuves nécessaires préoccupaient également le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui l’on a confié le mandat de se pencher sur le projet de loi et d’en évaluer les éventuelles répercussions. D’autres comités sénatoriaux permanents partagent ces mêmes inquiétudes.

Par ailleurs, les membres du comité ont déclaré qu’on leur avait imposé un régime d’examen législatif tronqué, ce qui a restreint la capacité du Sénat de remplir adéquatement son mandat de second examen objectif.

Ils ont ajouté que certaines dispositions du projet de loi C-69 susceptibles d’avoir des conséquences juridiques ont été renvoyées à d’autres comités du Sénat. Or, il aurait été judicieux que ces dispositions soient soumises à l’étude du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont le mandat consiste justement à examiner les questions relatives aux affaires juridiques et constitutionnelles.

À titre d’exemple des dispositions en question, on retrouve la section 28 de la partie 4 du projet de loi C-69, qui modifie la Loi sur l’évaluation d’impact, en réponse à la Cour suprême du Canada dans sa décision sur la constitutionnalité de cette loi.

Honorables sénateurs, je regarde l’horloge et je crois qu’il me reste du temps. Quoi qu’il en soit, je vais m’arrêter ici. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer au sujet du projet de loi C-69. Je remercie mes honorables collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales non seulement pour leurs excellentes questions au cours de l’étude du projet de loi C-69, mais également pour tout le travail que nous faisons. Je remercie également les fonctionnaires qui nous soutiennent. Merci beaucoup.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables sénateurs, l’image de Néron jouant du violon pendant que Rome brûle me revient à l’esprit aujourd’hui.

Je tiens à remercier la sénatrice Marshall pour l’incroyable travail qu’elle accomplit sans cesse au nom de l’ensemble du Sénat et du Canada tout entier en mettant en évidence les terribles problèmes du gouvernement et de la situation budgétaire qui prévaut dans notre pays. Nous sommes en route vers la faillite — en fait, nous y sommes déjà —, mais certains ne s’en préoccupent pas.

Nous avons un premier ministre et une ministre des Finances qui affirment qu’ils agissent dans l’intérêt du pays — pour améliorer les choses et rendre la vie plus abordable — alors que tout est devenu plus cher au cours des neuf dernières années. Nous avons un leader du gouvernement au Sénat qui défend cette politique. Nous avons, dans cette enceinte, un éminent banquier qui ne permettrait jamais à ses clients de faire des affaires comme le fait le gouvernement, mais qui passe 30 ou 40 minutes à faire l’éloge du gouvernement et à le remercier de lui avoir donné l’occasion de parrainer cet horrible budget, ce déficit dans lequel nous nous trouvons.

Hier soir, chers collègues, lorsque j’ai monté dans l’ascenseur pour retourner à ma chambre d’hôtel, vers 22 heures ou 22 h 30, un homme y est monté avec moi et il m’a regardé en disant : « Vous avez l’air d’un parlementaire. Pourtant, la Chambre s’est ajournée. » Je lui ai répondu : « Eh bien, je suis sénateur, et nous travaillons encore sur le projet de loi d’exécution du budget des libéraux. »

Il m’a demandé de quel parti je suis membre, et je le lui ai dit. Il m’a regardé — je dirais qu’il avait plus ou moins 50 ans — et il m’a répliqué : « J’ai voté libéral toute ma vie. »

Le sénateur Housakos [ - ]

Personne n’est parfait.

Le sénateur Plett [ - ]

Puis, il a ajouté : « C’est un peu à cause de moi que cet homme est au pouvoir en ce moment, et j’en suis désolé. »

Il a dit : « Devant chez moi, je vais poser la plus grande pancarte électorale du Parti conservateur que je puisse trouver. Nous devons nous débarrasser de cet homme. Il nous a ruinés. Il a ruiné nos enfants. Il a ruiné nos petits-enfants. »

Le sénateur Housakos [ - ]

Et nos arrière-petits-enfants.

Le sénateur Plett [ - ]

Pourtant, il y a ici des gens qui sourient, qui rient et qui pensent que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ces collègues se lèveront dans environ 45 minutes pour voter en faveur du budget.

Chers collègues, le premier ministre vous a donné une directive ultime lorsqu’il vous a demandé de siéger ici : faire preuve d’indépendance d’esprit et voter de manière indépendante.

Il a nommé quelques spécialistes des finances au Sénat. Je pense qu’on pourrait pardonner à un plombier comme moi de ne pas savoir certaines choses, mais certains d’entre vous ont une éducation et de l’expérience dans le domaine des finances — vous voyez ce qui se passe dans notre pays, mais vous appuyez cette mesure législative.

Nous ne renverserons pas le gouvernement si nous rejetons le budget. Chers collègues, si vous voulez faire votre travail comme il se doit, vous envisagerez sérieusement de voter contre le projet de loi C-69.

On peut aussi penser à l’expression « mettre du rouge à lèvres à un cochon ». Il s’agit de tenter de rendre plus attrayant ou acceptable quelque chose qui ne l’est pas, sans changer sa nature fondamentale. On laisse ainsi entendre que, peu importe les efforts pour maquiller ou améliorer les choses, ce qui est foncièrement boiteux le demeurera. Chers collègues, c’est la description parfaite du projet de loi C-69.

Comme je l’ai déjà dit hier, à l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Loffreda a passé 45 minutes à chanter les louanges de ce qu’il considère comme les aspects notables du projet de loi C-69. Le problème, c’est que cela se résume à mettre du rouge à lèvres à un cochon.

Cette année, le budget de 2024 compte 483 pages. Ce qui est remarquable, c’est que dès la page couverture, vous vous rendez compte que vous êtes sur le point de lire quelque chose de complètement absurde et paradoxal.

Sur la page couverture, il est inscrit « Une chance équitable pour chaque génération ». Pourtant, dès la première page, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. On constate plutôt que le gouvernement poursuit sur la même voie qui nous a mis dans le pétrin où nous sommes aujourd’hui. Même s’il prétend vouloir que chaque génération ait une chance équitable, le gouvernement a pleinement l’intention de continuer d’alourdir massivement la dette des futures générations.

Il n’a aucun plan pour équilibrer le budget, aucun plan pour accroître la productivité, et aucun plan pour commencer à rembourser la dette astronomique qu’il a déjà accumulée.

Le gouvernement actuel pense que la solution à tous les problèmes consiste à ouvrir toujours plus grand le robinet des dépenses publiques et à distribuer de l’argent à tout vent.

Depuis le budget fédéral de 2015, les dépenses ont augmenté d’un montant incroyable de 196 milliards de dollars. Lorsque M. Trudeau est entré en fonction, les dépenses de programmes se chiffraient à 254 milliards de dollars. À la fin de l’exercice qui vient de s’écouler, elles avaient atteint 450 milliards de dollars. Je sais que je vais répéter certains chiffres présentés par la sénatrice Marshall, mais ils méritent d’être répétés — encore et encore. Il s’agit d’une augmentation de 77 % qui, après rajustement pour tenir compte de l’inflation et de la croissance démographique, équivaut à 2 330 dollars supplémentaires pour chaque habitant du pays.

Même avant la pandémie de COVID-19, les dépenses publiques augmentaient déjà plus vite que la croissance démographique, l’inflation et d’autres indicateurs économiques. L’augmentation s’est poursuivie de manière constante et, d’après ce qu’indique le budget de 2024, elle n’est pas près de s’arrêter.

Le résultat prévisible de toutes ces dépenses effrénées est l’augmentation de la dette nationale. En 2014-2015, la dette brute s’élevait à 1,023 billions de dollars. À la fin de l’exercice 2023-2024, elle avait dépassé les 2 billions de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 96 %. Au cours des cinq prochaines années, le coût du service de cette dette de 2 billions de dollars s’élèvera à plus d’un quart de billion de dollars — 291,2 milliards de dollars pour être exact.

Autrement dit, de l’exercice 2024-2025 à l’exercice 2028-2029, toutes les recettes de la TPS — toutes — seront employées pour payer les intérêts sur la dette nationale. En fait, elles ne suffiront pas.

Alors que nous payons près de 300 milliards de dollars d’intérêts, la dette brute du Canada va augmenter d’un autre demi-billion de dollars pour atteindre près de 2,5 billions de dollars.

Pour le gouvernement, et pour le sénateur Loffreda, c’est cela qu’on appelle une chance équitable pour chaque génération. Chers collègues, je ne suis pas d’accord.

Je sais bien que le gouvernement n’aime pas parler de la dette brute. Il préfère se référer à la dette nette telle qu’elle est calculée par le Fonds monétaire international, car lorsqu’il s’agit de comparaisons internationales, ce montant semble indiquer que le Canada a le niveau d’endettement le plus bas du G7 et qu’il se classe au sixième rang des 33 pays avancés. Le niveau d’endettement du gouvernement par rapport au PIB est ainsi mieux perçu.

La ministre Freeland s’en sert sans arrêt :

Grâce à la gestion financière responsable du gouvernement...

 — c’est bien triste d’entendre cela —

... le Canada est toujours dans une position enviable par rapport à ses pairs internationaux pour ce qui est de sa situation budgétaire et de son niveau d’endettement. Parmi les membres du G7, le Canada devrait afficher au cours des cinq prochaines années le ratio de la dette nette au PIB le plus bas et des résultats budgétaires robustes.

Je sais que le sénateur Gold ne fait pas confiance à l’Institut Fraser, mais comme ce dernier l’a souligné à maintes reprises, cela pose problème et c’est tout à fait trompeur. L’Institut Fraser note ce qui suit — et je suppose que c’est la raison pour laquelle il n’aime pas l’institut :

Pour calculer la dette nette, il faut soustraire les actifs financiers d’un gouvernement de sa dette totale, en partant de l’hypothèse implicite que ces actifs pourraient être utilisés pour compenser la dette. Or, les actifs financiers utilisés pour calculer la dette nette du Canada comprennent le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec [...]

Les actifs de ces régimes sont requis pour assurer les pensions des retraités actuels et futurs du Canada. Par conséquent, le gouvernement canadien ne peut vraisemblablement pas puiser dans ces actifs pour compenser la dette publique sans compromettre la capacité des régimes à s’acquitter de leurs obligations à l’égard des retraités.

Autrement dit, dans le calcul de la dette nette du Canada, on sous-estime l’endettement du pays, un problème auquel les autres pays ne sont pas confrontés.

L’Institut Fraser poursuit ainsi :

Cela dit, une meilleure évaluation de l’endettement du Canada par rapport à d’autres pays consiste à comparer la dette publique brute par rapport au PIB.

Or, si l’on compare la dette publique brute du Canada par rapport au PIB à celle des mêmes pays développés, le Canada tombe au 27e rang sur 33. Il s’agit d’un recul de 21 places par rapport à la sixième place qu’il occupait en mesurant simplement la dette nette par rapport au PIB. À 106 % du PIB, la dette brute du Canada est également plus élevée que celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ce qui signifie que le Canada n’est pas le mieux placé parmi les pays du G7.

Ainsi, suggérer que la poursuite de l’augmentation de notre dette nationale donne une chance équitable à chaque génération montre à quel point le gouvernement — à l’instar de la ministre des Finances, la marraine du projet de loi, et le chef du gouvernement — ne comprend pas les principes de base de la politique économique.

Bien qu’il adore annoncer des dépenses et faire des séances de photos, le gouvernement ne dit jamais qu’il refile le service de la dette et son remboursement aux générations futures de Canadiens. En réalité, non seulement il ignore complètement ce fait, mais il prétend aussi le contraire.

À la page 381 du budget, si vous vous êtes rendus jusque-là, la ministre des Finances dit :

Le financement de l’investissement nécessaire par une augmentation des emprunts serait injuste pour les jeunes — ils doivent hériter de la prospérité et non des factures impayées.

Chrystia Freeland veut qu’on aide les jeunes Canadiens à prospérer, et non qu’on leur refile nos factures, mais c’est pourtant cette dernière option qu’on s’apprête à choisir avec ce budget. Il propose de financer les investissements nécessaires en nous endettant davantage.

Le gouvernement a raison; ce n’est pas équitable. C’est de la négligence financière, et c’est une illusion de croire qu’on peut continuer ainsi. Gérer les finances fédérales de manière à accumuler sans cesse les déficits budgétaires et les dettes est économiquement nuisible pour les générations actuelles et futures de Canadiens. Ce n’est pas équitable, et ce n’est pas viable. Pourtant, ce n’est pas ce qui ressort des messages optimistes qu’on peut lire dans les documents budgétaires ou que nous avons entendus ici même, au Sénat.

Pour ce qui est des prévisions à long terme de l’énoncé économique de l’automne et du budget de 2024, on voit que le gouvernement présente « une analyse trop optimiste en ce qui concerne la viabilité de l’approche du gouvernement fédéral à l’égard de la dette ». Le gouvernement s’attend à ce que le ratio de la dette au PIB diminue continuellement sur une période de 30 ans pour se diriger tout en douceur vers un taux de 7,6 %. Cela semble formidable, mais, comme l’Institut C.D. Howe l’a dit, ce résultat est peu probable. Vous pouvez lire en détail les arguments que l’organisme a présentés dans sa note de renseignement du 5 janvier 2024, mais, en résumé, il donne trois raisons pour lesquelles il ne faut pas croire les prévisions du gouvernement voulant qu’on puisse s’attendre à une baisse du ratio de la dette au PIB :

Premièrement, le taux d’intérêt effectif sur la dette fédérale reste inférieur au taux de croissance de l’économie pendant 33 ans, jusqu’en 2055-2056, ce qui exerce une pression continue à la baisse sur le ratio d’endettement. C’est optimiste. Au cours de la période de 33 ans qui a pris fin en 2022-2023, la valeur moyenne du taux effectif a dépassé le taux de croissance moyen du PIB de 0,5 point de pourcentage.

Deuxièmement, dans la projection de l’énoncé économique, les recettes sont présumées augmenter plus vite que les dépenses de programmes [...]

Autrement dit, la projection [...] est fondée sur l’hypothèse qu’il y aura 33 années d’austérité [...]

Troisièmement, et ce point est le plus important, la projection ne tient pas compte des ralentissements économiques. Il est certain que des chocs économiques interrompront la croissance au cours de la période couverte par la projection.

Ce n’est pas ce qu’on comprend en écoutant la ministre.

Au cours des 60 dernières années, il y a eu cinq récessions, qui, toutes, ont poussé les gouvernements à prendre des mesures de relance temporaires pour soutenir les revenus. Contrairement aux stabilisateurs automatiques qui, comme l’assurance-emploi, alourdissent la dette quand l’économie ralentit et la réduisent quand l’activité économique reprend, ces mesures discrétionnaires entraînent une augmentation permanente de la dette.

Autrement dit, chers collègues, le gouvernement sous-estime le coût de la dette actuelle, surestime sa capacité à gérer les dépenses et ne tient pas compte de la probabilité que surviennent des ralentissements économiques. Ce n’est ni un scénario rassurant, ni la recette pour offrir une chance équitable à chaque génération.

Passons sur la première page du budget. En ouvrant le document, la première chose que vous verrez sera l’avant-propos de la vice‑première ministre, ce qui vous forcera à faire la constatation troublante que le gouvernement est complètement déconnecté de la réalité.

Permettez-moi de lire les deux premiers paragraphes :

Avoir une chance équitable de se bâtir une bonne vie au sein de la classe moyenne — de réussir aussi bien que ses parents, voire mieux — voilà la promesse du Canada. Pour trop de gens, particulièrement pour les jeunes Canadiennes et Canadiens, cette promesse est à risque.

Nous avons un plan pour rectifier la situation. Un plan qui vise à bâtir un Canada qui fonctionne mieux pour vous, où vous pouvez progresser, acheter un logement — où vous profitez d’une chance équitable de mener une bonne vie dans la classe moyenne.

Je ne sais pas dans quel monde vit la ministre Freeland. Chers collègues, la promesse d’avoir une chance équitable de se bâtir une bonne vie au sein de la classe moyenne et de réussir aussi bien que ses parents, voire mieux, n’est absolument pas menacée; elle a déjà été entièrement anéantie par le gouvernement libéral incompétent.

Après neuf années d’incompétence de Justin Trudeau, le Canada est en passe de connaître sa pire baisse de niveau de vie des 40 dernières années. En mai 2024, l’Institut Fraser a souligné que, sous la direction de Justin Trudeau, le Canada a connu la pire croissance du revenu par habitant de tous les premiers ministres depuis les années 1930. Quant à lui, en mai 2023, le Financial Post a noté que 9 familles de la classe moyenne sur 10 paient plus d’impôts sur le revenu qu’avant.

L’édition de 2023 des Comptes nationaux des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques soulignait que, sous Justin Trudeau, le Canada a connu la plus faible croissance du PIB par habitant des pays du G7 depuis 2015. Qui était au pouvoir juste avant 2015? L’OCDE a également calculé que la croissance économique du Canada sera la pire parmi près de 40 pays avancés au cours de la présente décennie, et la pire parmi ces mêmes pays au cours des trois prochaines décennies. Depuis 2019, la dernière année avant la pandémie de COVID-19, le PIB par habitant du Canada a diminué de 2 %, alors que celui des États-Unis a augmenté de 8 %.

Le niveau de production économique de l’Alberta est le seul parmi les provinces canadiennes qui dépasse le niveau moyen des États-Unis, qui atteint 76 000 $, tandis que le niveau de production économique par personne de l’Ontario ressemble à celui de l’Alabama, celui des Maritimes est plus faible que celui du Mississippi, et ceux du Québec et du Manitoba accusent un retard par rapport à celui de la Virginie-Occidentale. En fait, chers collègues, l’économie du Texas est maintenant plus importante que le PIB total du Canada.

L’effondrement de la productivité de notre pays est devenu tellement grave que l’écart de productivité entre le Canada et les États-Unis s’élève maintenant à environ 20 000 $ US par personne, soit environ 1 million de dollars canadiens, je crois. Si l’on divise le montant des investissements des entreprises par le nombre de travailleurs au Canada, on constate qu’en 2023, les travailleurs canadiens ont reçu 58 ¢ d’investissement pour chaque dollar reçu par un travailleur américain et seulement 65 ¢ pour chaque dollar reçu par un travailleur d’un pays de l’OCDE.

Après neuf ans sous la direction de Justin Trudeau, l’économie canadienne a stagné. Non seulement le PIB par habitant a diminué au cours de quatre trimestres consécutifs, mais Statistique Canada a révélé que le taux de chômage au pays a augmenté. Compte tenu de la croissance rapide de la population canadienne, la situation est encore plus déprimante. La population du Canada a augmenté de 0,29 %, tandis que l’emploi n’a augmenté que de 0,13 %, ce qui veut dire que la croissance de la population canadienne dépasse rapidement celle de l’emploi. En fait, pour suivre la croissance de la population, le Canada aurait eu besoin de 33 000 nouveaux emplois en mai. Pendant ce temps, les États-Unis ont réussi à créer 272 000 emplois alors que l’économie canadienne continuait de prendre du retard.

De plus, une grande partie de la croissance du Canada est masquée par le fait qu’il s’agissait d’emplois à temps partiel. Le nombre d’emplois à temps plein a diminué de 0,2 % en mai. Il y avait donc 36 000 emplois à temps plein de moins en mai qu’en avril. Si l’économie canadienne avait simplement connu une croissance moyenne, les Canadiens seraient plus riches de 4 200 $ que ce que Justin Trudeau leur a laissé.

Je ne vais pas répéter toutes les statistiques que je vous ai fournies dans mon discours sur le projet de loi C-59, mais il va sans dire que le gouvernement n’a pas de plan pour régler ce qui cloche au Canada. Il n’a pas de plan pour bâtir un Canada qui fonctionne mieux, où l’on peut améliorer son sort, où le dur labeur est récompensé, où l’on peut s’acheter une maison et où l’on a une chance équitable de mener une bonne vie au sein de la classe moyenne. Non seulement il n’a pas de plan, mais il n’a pas la moindre idée de ce qu’il doit faire. Si vous n’êtes pas convaincu que c’est vrai, il vous suffit de lire la suite de l’avant-propos de la vice-première ministre, dans le budget de 2024.

Après avoir prétendu qu’ils ont les choses bien en main, elle a formulé trois affirmations audacieuses, la première étant : « Tout d’abord, nous construisons plus de logements abordables. »

Puis, elle a déclaré : « Ensuite, nous réduisons le coût de la vie. »

Finalement, elle a déclaré : « Enfin, nous faisons croître l’économie de manière à ce que tout le monde en profite. » La dernière partie est à peu près vraie. L’économie n’est pas en croissance, mais tout le monde en fait les frais.

J’en perds presque mes mots, ce qui n’est pas rien.

Sénateur Gold, c’est le même gouvernement qui, sous sa houlette, a vu le prix des loyers doubler, le prix des maisons doubler et les paiements hypothécaires augmenter de 150 %. Pourtant, ce gouvernement prétend maintenant qu’il construit davantage de logements abordables. Il ne construit aucun logement. C’est ce même gouvernement qui a laissé les Canadiens aux prises avec un endettement personnel ahurissant et d’interminables files d’attente aux banques alimentaires. Pourtant, il prétend qu’il réduit le coût de la vie.

Ce gouvernement augmente les taxes sur la construction de logements pendant une pénurie de logements, il impose davantage les médecins alors qu’il y a pénurie de médecins, et il augmente les impôts des petites entreprises alors que le chèque de paie des Canadiens s’amenuise. Pourtant, la ministre des Finances prétend que « [...] nous faisons croître l’économie de manière à ce que tout le monde en profite. »

Que pensez-vous, chers collègues, de ce genre d’absurdité? Ce gouvernement n’a aucune idée de ce qu’il fait et il est à la dérive. Les libéraux n’ont aucun plan pour redresser la situation et, pourtant, ils se considèrent comme de preux chevaliers qui ont pour mission de tous nous sauver, tout en nous mettant en garde contre les dangers qui nous guettent à l’extérieur du camp libéral.

Pas plus tard que la semaine dernière, la ministre Freeland a lancé une mise en garde à l’intention de tous les Canadiens sous forme de la question suivante :

Voulez-vous vivre dans un pays où les mieux nantis vivent dans le luxe, mais dans des quartiers protégés, derrière des clôtures toujours plus hautes, en se tournant vers des soins de santé et des avions privés parce que le secteur public est mal en point et que la colère de la grande majorité moins fortunée est déchaînée?

Ce sont les paroles de la vice-première ministre et ministre des Finances. C’est la même ministre des Finances qui a aidé le premier ministre incompétent à plonger le Canada dans les eaux turbulentes où nous sommes coincés en ce moment. Tout ce qu’elle cherche à faire, c’est d’essayer de jeter le blâme sur les soi-disant riches.

Y a-t-il des gens riches au Canada? Oui, Dieu merci. Eh bien, il en reste encore un peu, mais il y en a de moins en moins. Devraient‑ils payer leur juste part? Tout à fait. Cependant, sont-ils la source du problème qui fait que notre système de santé est en ruine, que notre dette nationale gonfle à vue d’œil et que les prix montent en flèche? Bien sûr que non.

Si « le secteur public est mal en point », pour reprendre les mots de la ministre des Finances, c’est entièrement ce gouvernement, et personne d’autre, qui est à blâmer. Si la colère de la grande majorité des Canadiens les moins fortunés se déchaine autant, comme l’indique la ministre des Finances, il s’agit alors de l’héritage du gouvernement libéral après neuf ans au pouvoir.

Après neuf ans au pouvoir, on ne peut pas pointer les autres du doigt. On ne peut pas blâmer les conservateurs, la pandémie ou ceux qui ont réussi financièrement dans la vie. Après neuf ans au pouvoir, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même.

Pour une raison quelconque, le leader du gouvernement trouve cela drôle.

Donc, tandis que la ministre Freeland exhorte les Canadiens à surveiller les choses de près, c’est le gouvernement libéral qui devrait commencer à faire plus attention. Les taux d’approbation du gouvernement et du premier ministre étant à leurs plus bas, les Canadiens ne sont pas d’humeur à se faire avoir par la vieille stratégie qui consiste à nier, à esquiver et à discréditer. Il est trop tard pour commencer à essayer de faire porter le blâme à d’autres.

Chers collègues, le budget de 2024 n’offre pas de l’équité fiscale à chaque génération. Au contraire, il impose un fardeau inutile à l’économie, étouffe la croissance et cible injustement les travailleurs canadiens.

Je ne sais pas si le premier ministre aura le courage de déclencher des élections cet été ou s’il trouvera de la neige quelque part où se promener, puisqu’il fait plutôt chaud dehors. Quoi qu’il en soit, il serait temps, et les Canadiens ont besoin d’espoir plutôt que de promesses creuses. Ils ont besoin d’un plan, et non d’un gouvernement sur le pilote automatique. Ils ont besoin d’espoir, et non de discours creux.

Chers collègues, il est désolant que nous traitions toujours des projets de loi d’exécution du budget pendant nos derniers jours de séance, car nous pouvons constater, une fois de plus, à quel point nombre de sénateurs ont ces dossiers à cœur. Merci aux sénateurs qui sont ici et qui écoutent le débat. Toutefois, nous pouvons aussi très bien voir à quel point beaucoup d’entre nous ont ces questions à cœur — ils ont à cœur de voter, de sortir d’ici et de passer un bel été, car ils ont encore assez d’argent pour s’offrir des vacances. Des millions de Canadiens n’ont pas les moyens de s’offrir des vacances à cause du gouvernement libéral et du premier ministre.

Chers collègues, comme je l’ai dit au début, le premier ministre vous a confié le mandat de voter selon votre conscience, de voter de manière indépendante et de voter de manière responsable. Malgré cela, il y a des gens ici, au Sénat, qui considèrent que le budget à l’étude est un bon budget. Nous sommes fauchés. Le Canada est fauché.

Chers collègues, l’heure est au changement, et ce changement viendra — Dieu merci —, quoique pas assez rapidement. Combien de milliards de dollars allons-nous encore engloutir dans ce grand trou avant que ce changement ne se produise? Quels efforts supplémentaires Pierre Poilievre et le gouvernement conservateur devront-ils déployer pour nous sortir du pétrin?

Chers collègues, l’heure est au changement. L’heure est au gros bon sens. Le moment est venu pour les Canadiens de décider s’ils veulent garder le gouvernement qui les a mis dans la situation actuelle ou s’ils veulent un gouvernement conservateur de gros bon sens, dirigé par Pierre Poilievre, qui s’emploiera à rétablir la prospérité et l’équité et à créer des débouchés pour les Canadiens — des choses dont personne n’a perdu le souvenir.

Le projet de loi C-69 est une farce. Il n’y a rien d’autre à dire au sujet du projet de loi C-69, sénateur Loffreda. Le projet de loi C-69 n’a rien de bon. C’est 450 pages de gros n’importe quoi. Il ne propose aucune vision ni aucun plan — aucun. Il ne sert pas les intérêts des Canadiens. Il ne mérite pas votre appui. Je vous supplie, chers collègues, de voter contre le projet de loi C-69. Merci.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Par conséquent, la sonnerie retentira pendant 30 minutes, et le vote aura lieu à 16 h 9. Convoquez les sénateurs.

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