Projet de loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
10 octobre 2024
Honorables sénateurs, je pense aujourd’hui à mon ami David ainsi qu’à ses sœurs et à sa mère, qui se sont battus sans relâche dès son arrestation à l’âge de 16 ans, lors de sa condamnation injustifiée pour viol et meurtre, et tout au long des 23 années qu’il a passées derrière les barreaux.
David m’a été présenté par un autre ami, Donald Marshall fils. Ils sont tous deux restés marqués, même après avoir été innocentés. Tous deux, mais surtout David Milgaard, se sont consacrés à la réparation des erreurs judiciaires subies par d’autres.
Lors de notre dernière communication avant son décès en 2022, David m’a imploré d’intensifier notre combat pour nos amis communs, en particulier les 12 femmes autochtones qui attendent toujours d’être innocentées.
Le Canada a besoin d’une commission qui puisse enquêter de manière indépendante sur les erreurs judiciaires. Nous devons donc veiller à ce que ce projet de loi portant le nom de David soit digne de son héritage et capable de faire justice, y compris, et surtout, pour les femmes autochtones et les autres personnes les plus marginalisées pour lesquelles David Milgaard s’est battu jusqu’à ses derniers jours.
Nous devons remédier aux insuffisances du projet de loi C-40 afin qu’il ne répète pas les erreurs de l’actuel système d’examen ministériel, qui n’aborde pas le sexisme, le racisme et la violence coloniale systémiques et qui, en fait, en devient trop souvent un autre exemple. Le rapport de 2022 adressé au ministère de la Justice par les juges Harry LaForme et Juanita Westmoreland-Traoré, intitulé Une Commission sur les erreurs judiciaires, révèle le racisme et la misogynie systémiques que le projet de loi C-40 doit surmonter.
En juillet 2024, 200 personnes avaient demandé un examen au motif d’erreur judiciaire. Trente seulement ont été autorisées à retourner devant le tribunal pour subir un nouveau procès et à peine 24 ont eu gain de cause. La plupart étaient des hommes blancs. Seulement sept, dont la plupart ont bénéficié d’un examen au cours des dernières années, étaient des hommes racisés. Pas une seule n’était une femme.
Les juges LaForme et Westmoreland-Traoré considèrent que le projet de loi C-40 est une suite « [...] peu satisfaisant[e] » donnée aux consultations qu’ils ont menées et à leurs recommandations méticuleuses et réfléchies.
Le Comité des affaires juridiques doit se pencher sur les lacunes relevées par les juges et par de nombreux autres experts et défenseurs des droits. Il s’agit notamment du mandat limité de la commission et des mesures correctives limitées, des ressources inadéquates et de l’absence de mesures visant à protéger la diversité de la commission et de ses membres. En particulier, il faut tenir compte des expériences vécues par les femmes autochtones, qui représentent plus de la moitié des femmes incarcérées dans les prisons fédérales.
À cet égard, l’absence de processus d’examen en bloc et d’examens des peines dans le projet de loi C-40 est particulièrement troublante. En 2022, nous avons publié un rapport qui présentait des arguments clairs et concluants pour justifier l’examen en bloc des affaires de 12 femmes autochtones. Les erreurs judiciaires que celles-ci continuent de subir découlent de défaillances discriminatoires systémiques du système de justice pénale et du système carcéral, qui ne reconnaissent pas adéquatement les inégalités causées par le racisme, le sexisme, la violence et les traumatismes, ne les contextualisent pas et n’y remédient pas.
La contextualisation côte à côte des récits des femmes permet une détermination et une analyse plus complètes de l’intersection et des schémas d’inégalité systémique, de discrimination et de violence.
Pour fournir ce contexte crucial, puisque je n’aurai le temps de parler que d’une ou deux femmes aujourd’hui, je demande le consentement du Sénat, conformément à l’article 14-1(4) du Règlement, pour déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Injustices et erreurs judiciaires subies par 12 femmes autochtones.
Le consentement est-il accordé?
J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.
Comme beaucoup d’autres, les 12 femmes dont il est question dans ce rapport illustrent les répercussions intergénérationnelles du retrait forcé d’une personne de ses terres, de son foyer, de sa famille et de sa communauté, sans mentionner le manque de soutien économique, social, sanitaire et autre qui en découle. Chacune d’entre elles a été une victime avant d’être transformée en criminelle, plus susceptible d’être persécutée que protégée par les systèmes étatiques. La plupart d’entre elles font face à une violence et à un danger permanents et omniprésents.
Trop de ces femmes sont abandonnées à leur sort et se retrouvent avec la responsabilité de se protéger elles-mêmes et de protéger les personnes dont elles ont la charge. Puis, lorsqu’elles sont obligées de réagir, elles sont rapidement accusées et condamnées, d’une façon disproportionnée, surtout si leur réaction est caractérisée comme violente.
Carol Daniels, l’une des 12 femmes, est morte sans que justice lui soit rendue. Cette survivante d’agression sexuelle pendant son enfance était encore une adolescente lorsqu’elle a fait un usage défensif de la force, ce qui a entraîné la mort d’une femme qui facilitait son exploitation sexuelle par un homme connu pour avoir agressé de jeunes femmes autochtones et pour avoir documenté les agressions sexuelles qu’il avait perpétrées dans des vidéos et des photos.
Carol n’a pas révélé, même à ses avocats, les traumatismes qu’elle avait subis pendant son enfance. Elle avait honte. Ses avocats ont omis de se renseigner et, par conséquent, ils ne l’ont pas défendue de manière adéquate ou ils n’ont pas mis en contexte la manière dont les expériences de Carol en matière de racisme, de sexisme et de violence avaient influé sur ses actions lorsqu’elle avait tenté de se défendre et de défendre d’autres jeunes femmes contre d’autres prédateurs.
Combien de juges ou d’avocats peuvent s’imaginer avoir à se défendre eux-mêmes parce que les acteurs étatiques pourraient ne pas intervenir pour assurer leur sécurité ou, pire encore, pourraient s’impliquer dans les actes de violence?
Carol a été reconnue coupable de meurtre au second degré. Elle a été condamnée à une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans. Personne n’a demandé à la Cour d’appel de la Saskatchewan de déterminer si Carol aurait même dû être considérée comme criminellement responsable d’avoir tenté d’échapper à ses prédateurs. Ses avocats se sont plutôt concentrés sur la question de savoir si un transfèrement à l’autre bout du pays, à la prison des femmes de Kingston — à l’époque, la seule prison fédérale pour femmes —, violerait ses droits garantis par la Charte. En conséquence, en plus de sa condamnation injustifiée, Carol a été envoyée, dès le départ, purger sa peine en isolement dans une prison pour hommes en Saskatchewan.
Une autre femme, Jamie Gladue, 19 ans, était enceinte de son deuxième enfant quand elle a poignardé son conjoint de fait violent. Ce dernier les avait fait déménager à Nanaimo, loin du réseau de soutien de Jamie, à Calgary. Inquiet pour la sécurité de celle-ci, son père, qui était célibataire, avait suivi Jamie et Reuben en Colombie-Britannique et il avait emménagé dans un logement voisin.
La nuit où Jamie l’a poignardé, Reuben l’avait d’abord battue, puis il s’était introduit dans la maison de son beau-père par la fenêtre d’une chambre et il avait violé sa belle-sœur. À son retour, il s’en était vanté auprès de Jamie, il l’avait battue de nouveau et il avait tenté de retourner dans le logement où vivaient sa belle-sœur et son beau-père. Jamie l’avait poignardé alors qu’il tentait d’entrer par la porte avant du logement.
Il n’a jamais été question de ces circonstances devant le tribunal. Pire encore, compte tenu de la façon raciste et misogyne dont la situation a été interprétée et dont on a traité Jamie, ses gestes n’ont pas été qualifiés de tentatives de se défendre ou de défendre sa sœur. Au lieu de cela, dans le dossier de l’affaire, qui fait maintenant partie de la jurisprudence canadienne, elle a été décrite comme une épouse jalouse qui avait tué Reuben parce qu’il avait une aventure.
Avec l’affaire Jamie Gladue, c’était la première fois qu’on demandait à la Cour suprême du Canada d’interpréter l’alinéa 718.2e) du Code criminel; il fallait donc appliquer le principe voulant que les tribunaux doivent tenir compte de l’histoire des Autochtones et des solutions autres que l’incarcération au moment de la détermination de la peine. Malheureusement, la cour ne s’est pas demandé si les accusations auraient dû ne pas déboucher sur des poursuites ou si elles étaient même justifiées au départ, ni pourquoi on n’avait jamais envisagé la possibilité d’invoquer la légitime défense ou la défense d’autrui. Pire encore, comme trop d’autres femmes autochtones par la suite, Jamie n’a pas bénéficié des dispositions de l’alinéa 718.2e). Il y a tellement de femmes autochtones qui pourraient invoquer une défense mais qui, parce qu’elle les expose en cas d’échec à une peine automatique d’emprisonnement à perpétuité, se voient presque inévitablement offrir la possibilité de plaider coupable à un chef d’accusation moins grave pour recevoir une peine moins sévère, et presque inévitablement, honorables collègues, elles font ce choix.
Comme notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair l’a expliqué dans le rapport de 1991 de la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones du Manitoba, les négociations de plaidoyer injustifiées sont le produit d’un système juridique qui n’a pas confiance en la capacité des peuples autochtones de dire la vérité.
En 1997, le rapport final de L’Examen de la légitime défense du gouvernement fédéral a mis en lumière la décision des femmes de plaider coupable. En plus des préoccupations soulevées par l’ex-juge Sinclair, la juge Ratushny a souligné un désavantage supplémentaire pour les femmes battues. En raison de la résistance sociétale et juridique à faire confiance aux récits des femmes et des enfants victimes de violence, invoquer la défense de soi ou d’autrui dans ces contextes nécessite généralement des témoins supplémentaires, car le point de vue de la victime n’est trop souvent pas pris en compte. Souvent, les seuls témoins oculaires sont des enfants, et la plupart des femmes répugnent à soumettre leurs enfants au traumatisme d’un témoignage devant un tribunal, de sorte que beaucoup renoncent à se défendre et concluent des accords de plaidoyer.
Certaines femmes autochtones n’ont pas accès à un avocat. Dans de nombreux cas, cependant, même les avocats expérimentés ont du mal à reconnaître la pertinence des expériences de violence, de colonialisme et de misogynie et à axer leur défense sur ces expériences de manière à contrer efficacement les mythes et les stéréotypes encore trop répandus, qui ont été soulignés une fois de plus très publiquement par la Commission sur les pertes massives.
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées décrit comme suit les injustices qui résultent de l’absence de mise en contexte de la réalité des femmes autochtones :
Dans le cas de plusieurs femmes autochtones, le système de justice canadien criminalise les actes qui découlent directement de leur instinct de survie. Cette situation recrée les modèles du colonialisme, car on jette le blâme et la responsabilité sur les femmes autochtones et sur les choix qu’elles ont faits, et on ignore les injustices systémiques qu’elles subissent et qui les amènent souvent à commettre des crimes.
En comité à l’autre endroit, une nouvelle disposition a été ajoutée au projet de loi C-40 qui donne à la commission d’examen des affaires pénales indépendante l’option de faire des recommandations « aux autorités et organismes publics concernés [...] en vue de régler les problèmes systémiques susceptibles de mener à des erreurs judiciaires ».
Toutefois, ce processus semble toujours dépendre de la capacité à identifier, à partir d’un cas individuel, les caractéristiques sous-jacentes de l’oppression des femmes autochtones, ce que le système de justice pénale n’a toujours pas réussi à faire adéquatement et systématiquement, si tant est qu’il ait tenté de le faire.
En l’absence d’un processus d’examen collectif permettant de mettre en parallèle plusieurs cas et de mettre en évidence leurs caractéristiques sous-jacentes, nous risquons de transformer le processus d’examen en une autre couche d’inégalité et d’injustice.
Une deuxième omission flagrante dans le projet de loi C-40 est l’absence de mesures qui permettraient à la commission indépendante de passer en revue les peines injustes. Les juges LaForme et Westmoreland-Traoré ont recommandé que le système canadien permette la révision des peines, à l’instar des systèmes anglais, écossais, néo-zélandais et norvégien. Les juges soulignent que David Milgaard a maintenu catégoriquement que nous ne devons jamais fermer la porte à quiconque a subi des injustices. Ils signalent que les Autochtones et les Noirs canadiens sont particulièrement susceptibles d’être condamnés sur la base de faits inexacts ou sans que tous les faits pertinents aient été dûment pris en considération.
Dans le cas de Carol Daniels, nous avons expliqué comment les avocats n’ont pas réussi à la défendre en replaçant ses actes dans le contexte de son enfance marquée par les agressions et de sa tentative d’échapper à un prédateur sexuel. La peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité découlant de sa condamnation injustifiée signifiait alors que le tribunal ne pouvait pas envisager d’autres solutions que l’emprisonnement.
Pour Jamie Gladue, c’est le risque d’une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité qui l’a incitée à plaider coupable. Il n’y a jamais eu un examen de l’ensemble des faits dans son affaire et de l’injustice flagrante de sa poursuite et de sa condamnation. La question de savoir si la peine était juste n’a jamais été débattue devant les tribunaux et n’a donc jamais été tranchée par un juge.
Nous devons reconnaître le caractère injuste des peines minimales obligatoires, d’autant plus que les tribunaux continuent d’invalider ces peines au motif qu’elles sont injustes et inconstitutionnelles. Le fait de contester une peine, et pas seulement une condamnation en tant qu’erreur judiciaire pourrait être particulièrement important étant donné que l’on rejette souvent la responsabilité sur les épaules des femmes autochtones. Leurs réactions raisonnables face à une violence déraisonnable sont rarement mises en contexte, et trop de policiers, d’avocats et de juges ne cherchent pas à en savoir plus lorsqu’ils entendent quelqu’un assumer sa responsabilité, peu importe que la personne le fasse pour des raisons personnelles, familiales, communautaires ou culturelles. Par conséquent, trop de personnes se heurtent à des obstacles pour faire valoir leur innocence factuelle et sont donc souvent rejetées par les avocats et les organisations, sans parler du ministère de la Justice, lorsqu’elles cherchent à contester une condamnation injustifiée dans le cadre du système actuel.
Comme l’a souligné la juge Greckol dans l’affaire Naslund :
[...] une femme ayant subi des abus flagrants pendant 27 ans pourrait avoir tendance à croire qu’elle mérite d’être punie sévèrement. Ce n’est pas une raison pour que le système judiciaire en fasse autant.
David Milgaard a préconisé la création d’un organisme d’examen chargé de remédier aux condamnations et aux peines injustes. Corrigeons ce projet de loi pour que nous puissions réaliser son rêve.
Meegwetch, merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole de l’opposition à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire, qui créerait un organisme chargé d’examiner les condamnations injustifiées potentielles et d’enquêter sur celles-ci.
Avant de commencer à parler du fond du projet de loi, je tiens à souligner à quel point il a été difficile d’obtenir des réponses du gouvernement Trudeau à ce sujet. J’ai posé des questions aux fonctionnaires du ministère de la Justice lors de ma séance d’information comme porte-parole sur ce projet de loi, il y a trois semaines, et je n’ai toujours pas reçu de réponses complètes à certaines d’entre elles. Je n’ai reçu que quelques réponses minimales par courriel.
J’ai posé des questions au parrain du projet de loi C-40, le sénateur Arnot, après son discours relativement bref il y a trois semaines, mais je les ai finalement reçues il y a quelques heures à peine. Malheureusement, ces réponses ne sont pas particulièrement pertinentes. Je suis certaine que ce n’est pas la faute du sénateur Arnot, mais celle du gouvernement Trudeau, qui est censé lui fournir ces réponses.
En outre, le gouvernement Trudeau, qui se prétend féministe, se vante de mener des analyses comparatives entre les sexes plus sur tous les projets de loi. Or, le document gouvernemental contenant les résultats de cette analyse n’a été publié ni sur le site Web du gouvernement ni sur le portail des mesures législatives du Parlement, et il n’a pas non plus été fourni dans le cadre de la séance d’information donnée par le gouvernement aux sénateurs sur ce sujet. J’ai dû en demander une copie au sénateur Arnot, et je le remercie d’avoir veillé à ce que je la reçoive plus tôt cette semaine.
Cependant, tout cela révèle un problème plus grand au sein du Sénat indépendant de Trudeau, soit l’absence de relations entre les sénateurs qui parrainent les projets de loi du gouvernement et le caucus du gouvernement. Le représentant du gouvernement au Sénat dispose d’un temps illimité pour présenter un discours substantiel et détaillé préparé par le gouvernement afin de donner aux sénateurs l’occasion d’entendre le raisonnement qui sous-tend l’orientation principale qui sous-tend le projet de loi. Malheureusement, il est devenu courant que le leader du gouvernement au Sénat et le caucus sénatorial du gouvernement Trudeau qu’il dirige refusent de s’exprimer sur les projets de loi d’initiative ministérielle dont le Sénat est saisi. Le sénateur Gold n’a pas encore prononcé de discours à l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture depuis la reprise des travaux le mois dernier. Par conséquent, les sénateurs n’ont pas non plus l’occasion de poser des questions au gouvernement sur ces projets de loi gouvernementaux. Les sénateurs doivent se contenter de poser des questions à un sénateur indépendant qui parraine le projet de loi.
Trop souvent, on ne répond pas aux questions les plus élémentaires sur un projet de loi. Il n’existe pas non plus de véritable processus de reddition de comptes nous permettant d’obtenir des réponses de la part des parrains des projets de loi.
Trop souvent, les sénateurs indépendants ne font que de brèves interventions aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. Leurs discours sont parfois si peu détaillés que les sénateurs ne peuvent pas en tirer suffisamment d’informations pour mener un débat solide.
Il fut un temps — pas si lointain — où le Sénat menait des débats importants et substantiels sur les projets de loi du gouvernement. Maintenant, les discours des parrains ne dépassent généralement pas 15 minutes. La semaine dernière, le parrain d’un projet de loi émanant du gouvernement n’a parlé que sept minutes à l’étape de la deuxième lecture et trois minutes à l’étape de la troisième lecture. Le gouvernement avait exigé que le Sénat adopte le projet de loi en seulement deux jours, de sa présentation jusqu’à la sanction royale.
Des sénateurs indépendants parrainant des projets de loi gouvernementaux ont même prononcé leur discours au Sénat avant d’avoir reçu leur séance d’information au sujet du projet de loi. Certains parrains ont refusé de répondre aux questions. Pendant ce temps, les détracteurs des projets de loi se font dire qu’ils doivent se dépêcher de faire leur discours pour que le projet de loi soit renvoyé au comité.
Ce n’est pas de la bonne gouvernance, ce n’est pas un bon débat parlementaire et ce n’est pas le second examen objectif qui permet de s’assurer que les projets de loi sont mis à l’épreuve et bien examinés, afin qu’ils soient les meilleurs possible dans l’intérêt des Canadiens.
Passons maintenant à la teneur du projet de loi. Le projet de loi C-40 vise à créer une commission indépendante chargée d’examiner les allégations d’erreurs judiciaires et d’enquêter sur celles-ci. La commission pourra renvoyer la question aux tribunaux pour la tenue d’un nouveau procès. La commission jouera un rôle actuellement assumé par le ministre, soit celui d’examiner les demandes d’examen et d’ordonner un appel en cas d’erreur judiciaire potentielle. Le projet de loi C-40 élargit et clarifie la liste des candidats potentiels en incluant les personnes condamnées en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les personnes non responsables sur le plan criminel et celles qui ont bénéficié d’un pardon ou d’une absolution inconditionnelle ou conditionnelle.
Le projet de loi fait en sorte que le demandeur et le procureur général de la province concernée soient tous deux avisés de l’admissibilité d’une demande. De plus, pour des raisons de transparence, le projet de loi prévoit que la commission doit publier ses décisions en ligne.
Le titre abrégé de ce projet de loi est « Loi de David et Joyce Milgaard ». Je suis certaine que la plupart des Canadiens reconnaîtront la référence à l’affaire Milgaard. David Milgaard était un jeune de 16 ans de Winnipeg, qui a été reconnu coupable à tort, en 1969, du viol et du meurtre de Gail Miller, une aide-infirmière, à Saskatoon. M. Milgaard a passé plus de 22 ans en prison pour des crimes qu’il n’avait pas commis. Il a toujours maintenu son innocence alors même qu’il savait que, sans un aveu de culpabilité, il n’obtiendrait vraisemblablement pas une libération conditionnelle. Victime de violences en prison, M. Milgaard a fait plusieurs tentatives de suicide. Il s’est évadé deux fois. Pendant plus de 22 ans, sa mère, Joyce, s’est efforcée sans relâche d’obtenir que la déclaration de culpabilité de David soit cassée. Elle a rallié d’autres personnes à la cause de son fils et elle a monté une campagne publique pour établir l’innocence de celui-ci.
En 1988, les Milgaard ont demandé une révision de la condamnation, jugée injustifiée, à la ministre de la Justice, Kim Campbell. En 1991, Joyce Milgaard a même parlé brièvement avec le premier ministre Brian Mulroney dans la rue à Winnipeg, plaidant la cause de son fils. Je m’en souviens bien, parce que cette rencontre a eu lieu au début de ma première année de droit à l’Université de la Saskatchewan, à Saskatoon. Nous avons même étudié l’affaire Milgaard dans mon cours de droit pénal de première année ce semestre-là.
La ministre de la Justice, Kim Campbell, a finalement renvoyé l’affaire Milgaard à la Cour suprême du Canada. La Cour suprême a recommandé l’annulation de la condamnation, et David Milgaard a été libéré de prison en 1992. La ministre Campbell a ordonné un nouveau procès. Cependant, le gouvernement de la Saskatchewan ne l’a pas fait. Il a plutôt suspendu les poursuites contre David Milgaard sans proclamer son innocence.
Joyce et David Milgaard ont poursuivi leur combat pour blanchir le nom de David. En 1997, des éléments de preuve provenant des vêtements de la victime du meurtre, Gail Miller, ont fait l’objet d’analyse de l’ADN. Ces éléments de preuve ont permis d’exonérer David Milgaard et ont mené les forces policières au violeur reconnu coupable Larry Fisher. Larry Fisher a été inculpé et jugé pour le viol et le meurtre de Gail Miller. Mon conjoint, Dave Batters, a assisté à une partie du procès à Yorkton, en Saskatchewan, où Al Johnston a mené de main de maître la mise en accusation de Larry Fisher. Un jury a condamné Larry Fisher pour le viol et le meurtre de Gail Miller en 1999, 30 ans plus tard.
En 2003, le gouvernement de la Saskatchewan a lancé une enquête officielle sur la condamnation injustifiée de David Milgaard. Des années plus tard, j’ai travaillé comme cheffe de cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan, Don Morgan. J’occupais ce poste en 2008 lorsque le ministre Morgan a rendu publics les résultats de l’enquête Milgaard. J’ai même eu l’honneur de rencontrer Joyce Milgaard avant la conférence de presse cette journée-là.
L’une des recommandations de l’enquête Milgaard était la création d’une commission indépendante chargée d’examiner les condamnations injustifiées; ce que propose le projet de loi C-40 va dans le même sens. La création d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales figurait dans les lettres de mandat de l’ancien ministre de la Justice de M. Trudeau, David Lametti, en 2019 et en 2021. En mars 2021, le ministre Lametti a annoncé la nomination de deux juges à la retraite, l’honorable Harry S. LaForme et l’honorable Juanita Westmoreland-Traoré, chargés de mener des consultations sur la création d’une commission indépendante d’examen des affaires pénales. À l’issue de ce processus, ils ont publié un rapport contenant des recommandations à propos de la structure et du fonctionnement d’une commission indépendante.
Le gouvernement Trudeau n’a pas suivi plusieurs des recommandations du rapport. Je m’attarderai davantage sur ce point plus tard, mais, tout d’abord, examinons la structure de la commission que le projet de loi C-40 propose d’établir.
Sous ce nouveau régime, la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire serait composée d’un commissaire en chef à temps plein et de quatre à huit autres commissaires à temps plein ou à temps partiel, nommés par le gouverneur en conseil sur avis du ministre de la Justice. Au moins un tiers des commissaires, y compris le commissaire en chef, mais pas plus de la moitié des commissaires doivent être des avocats comptant au moins 10 ans d’expérience en droit pénal. Le projet de loi C-40 stipule que l’autre moitié des commissaires ne doit pas, si possible, être composée d’avocats ayant au moins 10 ans d’expérience en droit pénal.
Je dois dire que je trouve l’insistance mise sur les non-avocats vraiment surprenante pour une commission d’examen du système judiciaire qui dispose de pouvoirs d’enquête et qui peut renvoyer des cas aux tribunaux pour faire appel d’une décision ou pour demander un nouveau procès.
Mardi soir, au Sénat, le sénateur Dalphond a confirmé que, dans le cadre du système actuel, le Groupe de la révision des condamnations criminelles du ministère de la Justice du Canada, qui examine les cas envoyés au ministre de la Justice, est entièrement composé d’avocats. C’est important, étant donné la gravité des cas dont nous parlons en ce moment.
L’une des raisons invoquées par le gouvernement Trudeau pour justifier la nouvelle structure de la commission est, apparemment, de remédier à la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale. Pourtant, je remarque également que le projet de loi C-40 n’inclut pas la recommandation formulée dans le rapport des juges selon laquelle le tiers des commissaires devrait être issu de ces groupes, notamment les Autochtones et les Noirs. Le projet de loi prévoit seulement que le ministre doit « prend[re] en compte » les facteurs comme la surreprésentation, la diversité de genre, etc., dans le cadre des nominations à la commission.
De toute façon, les commissaires exercent un mandat assez long de sept ans, qui peut également être renouvelé. Le projet de loi indique que les commissaires peuvent être révoqués « pour un motif valable », ce qui est une norme élevée, mais il ne détaille pas précisément le fonctionnement du processus. Le quorum est constitué par la moitié des commissaires, mais le projet de loi C-40 ne précise pas si ce quorum doit inclure le commissaire en chef, voire les commissaires avocats.
En fait, beaucoup de détails ne sont pas précisés dans le projet de loi C-40. Il dit, par exemple, que la commission doit traiter les demandes « le plus rapidement possible », mais sans préciser ce que cela signifie. Le projet de loi dit aussi que la commission doit fournir « régulièrement » des mises à jour au demandeur, mais, une fois de plus, le terme « régulièrement » n’est pas défini, ce qui risque de causer de la confusion.
Par ailleurs, le projet de loi C-40 crée le poste de coordonnateur des services aux victimes, mais sans préciser s’il sera occupé par un employé à temps plein ou à temps partiel ou par un contractuel. Il ne précise pas non plus quel sera le salaire du commissaire en chef et des autres commissaires; il indique seulement que la rémunération sera « fixée par le gouverneur en conseil », c’est-à-dire par le Cabinet.
Plus tôt dans la journée, j’ai finalement reçu la réponse suivante, préparée par le gouvernement, à la question sur la rémunération que j’ai posée au sénateur Arnot il y a trois semaines. Cette réponse est la suivante :
L’échelle salariale se situe entre 180 500 $ (minimum) et 464 800 $ (maximum). L’échelle salariale pour les quatre à huit autres commissaires utilisera la même « rémunération pour le groupe GC en 2024-2025 », mais en commençant et en terminant à des niveaux inférieurs.
Il s’agit d’une fourchette de 284 000 $.
Le projet de loi C-40 n’indique pas combien de commissaires devraient être bilingues ou entendre les affaires dans les deux langues officielles. Bien que le projet de loi indique que tous les Canadiens devraient avoir un accès facile à la commission, il ne fournit pas de détails ou de ressources pour faciliter la communication avec les Canadiens des collectivités éloignées et du Nord. En outre, le projet de loi ne précise pas comment la commission doit renvoyer les questions relatives à une demande à une cour d’appel pour qu’elle rende une décision, ni ce que la commission doit faire de la réponse de la cour.
Voici une autre prétendue réponse préparée par le gouvernement Trudeau que j’ai reçue aujourd’hui — trois semaines plus tard. Les questions que j’ai posées au sénateur Arnot étaient les suivantes :
Combien de temps faudra-t-il avant que la commission puisse commencer ses travaux? Est-ce que ce sera des mois? Des années? Quel est l’échéancier prévu?
La réponse préparée par le gouvernement est la suivante :
Après l’adoption du projet de loi C-40, le démarrage initial nécessitera l’embauche des commissaires en chef, des commissaires et du personnel, ainsi que l’établissement d’un ou de plusieurs bâtiments ou d’une ou de plusieurs bases d’opération. En outre, la commission devra établir des politiques et des pratiques internes et consulter les intervenants pour établir des protocoles.
Aucun délai n’a été précisé. On pourrait penser que si le gouvernement prend trois semaines pour envoyer une réponse à la porte-parole du Sénat pour le projet de loi, il pourrait au moins essayer de répondre à la question.
Pour en revenir à mes autres préoccupations concernant le projet de loi, bien que la commission puisse suggérer un appel au tribunal, elle n’a pas le pouvoir de renvoyer un demandeur pour un pardon ou une suspension de casier judiciaire, comme l’avait recommandé le rapport original des juges. Le projet de loi C-40 stipule que le ministre doit tenir compte de « la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale », mais il ne mentionne que les délinquants autochtones et noirs.
L’énoncé concernant la Charte que le gouvernement a fourni sur ce projet de loi est assez mince, tout comme son document d’Analyse comparative entre les sexes Plus. Curieusement, ce document n’a pas grand-chose à dire sur les femmes. Il ne contient même pas de statistiques de base sur le nombre de femmes victimes d’actes criminels, alors qu’il en donne pour certains autres groupes.
Le sénateur Arnot a déclaré dans son discours à l’étape de la deuxième lecture que parmi les 30 personnes sur 200 qui, au cours des 20 dernières années, ont été renvoyées devant les tribunaux au motif d’erreur judiciaire, aucune n’était une femme. Il a fait remarquer que cela signifiait que les femmes en tant que groupe étaient négligées par le système actuel d’examen des erreurs judiciaires. Le document de l’analyse comparative entre les sexes plus ne mentionne même pas le nombre de femmes condamnées au Canada. Honorables sénateurs, même une recherche rapide sur Google permet de déterminer que, en fait, les femmes ne représentent que 6 % des délinquants sous responsabilité fédérale au Canada. Sachant cela, combien de demandes nous attendrions-nous à recevoir de ce groupe?
Les facteurs qui mettent les Canadiens vulnérables en contact avec le système de justice pénale sont nombreux, variés et complexes. Étant donné que c’est la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales et la Journée mondiale de la santé mentale, je tiens particulièrement à attirer l’attention du Sénat sur le libellé méprisant de l’analyse comparative entre les sexes plus faite par le gouvernement Trudeau concernant les Canadiens qui vivent avec une maladie mentale. Il se lit comme suit :
Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2012, les Canadiens présentant un trouble mental ou un trouble lié à l’usage d’une substance sont dix fois plus susceptibles d’entrer en contact avec la police pour des problèmes liés à leurs émotions, à leur santé mentale ou à leur usage d’une substance, et quatre fois plus susceptibles d’être arrêtés que les autres Canadiens.
Ils ont des problèmes liés à leurs émotions et à leur santé mentale? Ils sont plus susceptibles d’être arrêtés? Ce langage banalise l’expérience des personnes atteintes de maladie mentale et contribue aux stéréotypes nuisibles qui associent la maladie mentale à la criminalité. C’est un thème stigmatisant récurrent contre lequel je me bats depuis des années en tant que défenseure des personnes ayant des problèmes de santé mentale.
À bien des égards, ce projet de loi soulève une multitude de nouvelles questions. Pourquoi, par exemple, le gouvernement Trudeau a-t-il choisi de réduire les exigences à satisfaire pour conclure à une erreur judiciaire? À l’heure actuelle, le ministre de la Justice peut ordonner une mesure de redressement s’il est « convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite [...] » Le projet de loi C-40 prévoit une norme beaucoup moins stricte selon laquelle la commission doit déterminer :
[...] si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et si elle estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire [...]
Là encore, le projet de loi ne définit pas en quoi consiste l’« intérêt de la justice » et n’indique pas non plus quelles sont les situations qui pourraient nécessiter un appel en raison d’une éventuelle erreur judiciaire, mais qui ne seraient pas dans l’intérêt de la justice.
En outre, dans sa version initiale, le projet de loi C-40 exigeait que tous les recours soient épuisés. Toutefois, les députés du gouvernement libéral au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes ont modifié la disposition de sorte qu’il ne serait pas nécessaire que tous les appels soient épuisés et que la commission ne serait plus une instance de dernier recours. Les requérants pourraient s’adresser directement à la commission s’ils recevaient une décision de justice qui ne leur convient pas, plutôt que de devoir s’adresser à une cour d’appel — démarche qui serait vraisemblablement plus coûteuse pour l’accusé.
Après avoir promis une commission sur les condamnations injustifiées dès 2019, le gouvernement, après des années de réflexion, a rédigé le projet de loi C-40 pour qu’il exige l’épuisement de tous les recours. L’ancien ministre de la Justice, David Lametti, s’est prononcé en faveur de cette exigence lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture. Il a affirmé sans équivoque :
Il est important de souligner que le processus d’examen des erreurs du système judiciaire n’est pas une solution de rechange au système judiciaire ni un autre niveau d’appel. Il prévoit plutôt un mécanisme permettant d’examiner après l’appel de nouveaux renseignements ou éléments de preuve que les tribunaux n’ont pas initialement pris en compte et d’enquêter sur ces renseignements ou éléments.
Son successeur, le ministre Virani, a également témoigné en faveur de cette exigence devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Lorsqu’on lui a demandé s’il craignait que ce projet de loi « ouvre la porte à une avalanche » de nouvelles demandes et de demandes injustifiées, le ministre Virani a répondu :
[...] il y a des facteurs intégrés pour éviter que ces demandes franchissent toutes les étapes. Il faut tout de même respecter des critères de base. Il faut avoir épuisé tous les recours, du moins devant une cour d’appel ou, dans certains cas, jusqu’à la Cour suprême du Canada.
Si l’obligation d’épuiser les possibilités d’appel constituait une protection contre les demandes frivoles ou sans fondement, pourquoi le gouvernement l’enlèverait-il? Le gouvernement Trudeau et son ministre de la Justice devront se justifier.
Dans son discours à la Chambre des communes, l’ancien ministre de la Justice, M. Lametti, a dit que de 2003 à 2023 — une période de 20 ans —, le ministre de la Justice n’a reçu que 187 demandes au total. Dans le cadre de la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire créée par ce projet de loi, le gouvernement Trudeau prévoit recevoir 250 demandes par année. Ce sera un bond énorme.
Si la commission n’accorde pas l’un des deux seuls recours possibles — soit un nouveau procès ou une nouvelle audience, ou le renvoi de l’affaire à une cour d’appel —, alors elle doit rejeter la demande. Encore une fois, le projet de loi C-40 ne contient aucune disposition permettant à la commission de recommander un pardon ou une suspension du casier judiciaire.
La commission d’examen des erreurs du système judiciaire doit rester un recours extraordinaire. Si cette commission recommande de nombreux nouveaux procès avant que les affaires aient fait l’objet de tous les mécanismes d’appel possibles, la crise des délais judiciaires du gouvernement Trudeau ne sera qu’aggravée par un déluge d’affaires qui inondera le système. Ce qui vient aggraver le problème, c’est que le gouvernement Trudeau a fait preuve d’une négligence totale dans la nomination des juges au Canada. Cela fait huit ans et demi que je tire la sonnette d’alarme à ce sujet. Ces nominations sont sous le contrôle exclusif du gouvernement Trudeau, mais il n’arrive toujours pas à maîtriser la situation. Le nombre de postes vacants dans la magistrature a atteint des niveaux scandaleux sous l’ancien ministre de la Justice, M. Lametti, mais il reste obstinément élevé. Ce mois-ci, il y en a encore 52.
L’année dernière, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, a même pris la mesure extraordinaire d’écrire au premier ministre Trudeau, qualifiant la situation actuelle d’« intenable ». Il a signalé que les vacances au sein de la magistrature contribuaient à la crise des délais judiciaires, qui peut conduire à la libération de criminels dangereux et miner la confiance dans le système judiciaire. Il a déclaré :
Nous craignons sérieusement que, sans des efforts concrets pour remédier à la situation, nous atteignions très bientôt un point de non-retour dans plusieurs juridictions. Les conséquences feront les manchettes et seront graves pour notre démocratie et l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Si le gouvernement Trudeau tient vraiment à éviter que les erreurs judiciaires inondent le pays, il devrait commencer à nommer des juges pour présider aux tribunaux et faire en sorte que justice puisse être rendue.
En terminant, le projet de loi C-40 donne à la commission le pouvoir qui incombe actuellement au ministre de la Justice, dans le but de rendre le processus plus rapide et plus efficace. Il s’agit d’un objectif louable, surtout si l’on considère l’immense souffrance de personnes qui, comme David Milgaard, ont été privées de leur liberté et ont passé des décennies de leur vie emprisonnées à tort pour des crimes qu’elles n’ont pas commis. Personne ne souhaite voir des innocents reconnus coupables. De toute évidence, le Canada a le devoir de remédier à ces situations le plus rapidement possible.
Ma principale préoccupation à l’égard de cette mesure législative, c’est que le projet de loi C-40 manque de détails et qu’il laisse de nombreuses questions sans réponse. En outre, je trouve qu’en abaissant le seuil requis pour déterminer une erreur judiciaire, le gouvernement Trudeau fait fausse route. Cela pourrait, à terme, entraîner une foule de problèmes que le gouvernement n’a pas su prévoir.
De toute évidence, le projet de loi C-40 devra faire l’objet d’un examen minutieux en comité et, en tant que vice-présidente du Comité des affaires juridiques du Sénat, j’ai l’intention de m’assurer qu’il en sera ainsi. Notre objectif au Sénat devrait être d’adopter les meilleurs projets de loi qui soient. J’espère donc que tous les sénateurs se joindront à moi pour examiner attentivement ce projet de loi avant de l’adopter au Sénat.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)