La Loi sur la santé des animaux
Projet de loi modificatif--Quatorzième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts--Suite du débat
5 novembre 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-275. Avant de faire mes observations sur le rapport, permettez-moi de vous donner des informations de nature générale.
J’ai grandi à Landmark, au Manitoba, au centre du pays. Des Torontois considèrent leur ville comme le centre du Canada, mais ce n’est pas le cas. Landmark, au Manitoba, est le centre du Canada. C’est là où j’ai grandi, dans une communauté agricole.
Plus tard, au cours de mes années dans l’industrie de la plomberie, j’ai travaillé avec le secteur agricole, souvent pour installer des systèmes de chauffage dans des granges et diverses dépendances. J’ai toujours eu à cœur l’importance de l’agriculture et la nécessité d’être conscient des défis qui lui sont propres.
Lorsque j’ai été nommé au Sénat, en 2009, j’étais très heureux que ma première assignation soit au Comité de l’agriculture et des forêts. À l’époque, le gouvernement Harper souhaitait que ses sénateurs siègent aux comités où ils possédaient une certaine expertise — ce qui est assez unique — contrairement à aujourd’hui, où un promoteur immobilier n’ayant aucune formation en agriculture peut siéger à ce comité. Il était plus qu’utile d’avoir des connaissances dans le domaine de l’agriculture.
J’ai parrainé tous les projets de loi sur l’agriculture au Sénat à l’époque du gouvernement Harper, pendant les années où j’ai siégé au comité, jusqu’à ce que je sois nommé leader de l’opposition au Sénat, en 2019.
J’ai siégé au Comité de l’agriculture en même temps que le sénateur Terry Mercer. J’ai prononcé son nom à plusieurs reprises au Sénat. J’avais l’habitude de l’utiliser quand je jurais. Dernièrement, je l’ai utilisé en adoptant un ton beaucoup plus doux et collaboratif. Terry et moi étions de très bons amis. Il siégeait au comité en tant que libéral, et moi, en tant que conservateur.
Malgré nos opinions politiques opposées, nous étions rarement en désaccord lors des travaux du comité. Il y avait quelques exceptions, comme le monopole de la Commission canadienne du blé. Dans l’ensemble, lorsqu’il s’agissait de questions agricoles, tous les membres du comité étaient unis. Nous nous efforcions de comprendre le secteur de l’agriculture et de trouver ce qui était bon pour lui. Quand nous y parvenions, nous appuyions l’idée.
Nous étions membre de ce comité parce que nous aimions l’agriculture et les producteurs et que nous étions conscients que les politiques agricoles devaient appuyer l’industrie agricole, et non la ruiner.
Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Gold dit que nous utilisons des réponses toutes faites, mais nous disons la même chose. Vous l’avez dit à maintes reprises. Chers collègues, j’ai honnêtement l’impression que cette époque est révolue.
Bien que je ne sois plus un membre régulier du comité, j’y siège à l’occasion. J’ai récemment siégé au comité lors de l’étude de deux projets de loi concernant l’agriculture : la première fois, c’était il y a un an, lors de l’étude du projet de loi C-234, le projet de loi pour l’exemption de la taxe sur le carbone, et maintenant, il n’y a pas longtemps, c’était pour l’étude du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui, le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
À ces deux occasions, j’ai constaté que je ne reconnaissais plus le Comité sénatorial de l’agriculture. J’avais l’impression de ne plus être assis aux côtés de sénateurs qui voulaient ce qu’il y a de mieux pour l’industrie agricole. Certains avaient ce souci, c’est évident. Certains l’ont encore. Cependant, un trop grand nombre d’entre eux défendaient désormais leurs propres intérêts particuliers ou jouaient à un étrange jeu de pouvoir au lieu de veiller sur les intérêts des producteurs et, en fait, de l’ensemble du secteur agricole.
Lors de l’étude en comité des projets de loi C-234 et C-275, lorsque les agriculteurs, les producteurs et les organisations agricoles se sont présentés à la table et ont appuyé une position à l’unanimité, j’ai vu les membres du comité sénatorial les traiter avec mépris. Au lieu d’écouter les témoins, ils leur ont fait la leçon. Ils les traitaient avec hostilité. Au lieu d’essayer de comprendre leur position, ils se sont comportés comme des sceptiques et des critiques. Au lieu de protéger et de défendre les intérêts du secteur agricole au Canada, ils ont adopté des positions hostiles à l’agriculture.
Je n’ai pas seulement été surpris, chers collègues : j’ai été alarmé. J’ai été consterné de voir — je le dis avec regret — que l’actuel Comité sénatorial de l’agriculture n’est plus l’ami des agriculteurs. La sénatrice Wallin y a fait allusion plus tôt aujourd’hui dans sa réponse au discours du Trône.
Dans le cadre du projet de loi C-234, la communauté agricole de partout au pays demandait à l’unanimité une simple modification de la taxe sur le carbone, afin que le propane et le gaz naturel soient exemptés de cette taxe comme l’essence et le diésel le sont déjà. Ils le demandaient à l’unanimité, chers collègues.
Les producteurs auraient ainsi économisé des millions de dollars, qu’ils auraient pu réinvestir dans leur exploitation ou dans des technologies plus propres. Dans certains cas, la solvabilité ou l’insolvabilité de leur exploitation pouvait même dépendre de ce changement.
Vous vous souviendrez peut-être que la majorité des membres du comité a toutefois refusé d’écouter les producteurs et a préféré amender le projet de loi de manière à ce qu’il ne soit jamais adopté. Sous prétexte de l’améliorer, le sénateur Dalphond y a inséré une disposition empoisonnée. À la décharge du Sénat, il faut dire que, dans son ensemble, il a rejeté ces amendements à l’étape du rapport, et le projet de loi a retrouvé son état initial. Pendant un moment, j’ai repris espoir. Je voyais une lueur du bout du tunnel.
Ensuite, le sénateur Dalphond, de concert avec son bon ami le sénateur Woo, a réussi à convaincre le Sénat d’amender de nouveau le projet de loi, sachant très bien que s’il y avait des amendements, le projet de loi languirait, comme c’est le cas aujourd’hui. Ces amendements ont été adoptés par le Sénat à l’étape de la troisième lecture et, à ce jour, le projet de loi C-234 est inscrit au Feuilleton à la Chambre des communes, et il ne sera probablement jamais adopté à cause de cela.
Les agriculteurs n’ont jamais obtenu le répit tant attendu concernant la taxe sur le carbone, même si la plupart des Canadiens présents dans cette enceinte ont affirmé vouloir le leur accorder. Chers collègues, c’était le 12 décembre 2023, il y a presque un an.
Aujourd’hui, le projet de loi continue de languir à l’autre endroit. Je ne serais pas surpris qu’il y reste jusqu’aux prochaines élections, que nous espérons tous — certains plus que d’autres — voir arriver bientôt, et qu’il meure au Feuilleton avant qu’un gouvernement conservateur plein de bon sens le présente de nouveau et qu’il soit adopté. Il y a de l’espoir pour les agriculteurs.
Vous ne contribuerez pas à leur donner cet espoir. Ceux d’entre vous qui ont voté comme ils l’ont fait n’y participeront pas, et vous ne pourrez pas vous attribuer le mérite de leur avoir donné cet espoir.
Chers collègues, nous nous trouvons aujourd’hui exactement dans la même situation avec le projet de loi C-275.
Le projet de loi C-275 vise à ajouter une protection juridique supplémentaire pour les agriculteurs afin d’atténuer les risques pour la biosécurité introduits par des « visiteurs non autorisés », autrement dit des « intrus ». Il propose des modifications à la Loi sur la santé des animaux qui érigeraient en infraction le fait de pénétrer, sans autorisation légitime, dans les endroits où on garde des animaux si le fait d’y pénétrer peut exposer les animaux à des maladies ou à des substances toxiques.
Il prévoit des peines plus sévères pour les intrus et reconnaît les risques possibles pour la biosécurité que les entrées non autorisées font peser sur la santé animale et, par extension, sur la chaîne d’approvisionnement alimentaire canadienne.
Ce projet de loi est une réponse forte aux préoccupations croissantes concernant les cas d’intrusion dans les exploitations agricoles partout au pays impliquant des défenseurs des droits des animaux. Ces intrusions compromettent non seulement la biosécurité des exploitations agricoles, mais imposent également un stress important aux exploitants agricoles. Elles menacent à la fois la santé des animaux et la sécurité alimentaire du pays.
Il faut agir pour protéger nos producteurs agricoles et leurs animaux, et c’est justement ce que prévoit cette mesure législative. C’était du moins le cas avant qu’elle ne se retrouve entre les mains du Comité de l’agriculture.
Chers collègues, les risques pour la biosécurité des exploitations agricoles canadiennes ne sont pas hypothétiques; ils sont bien réels. Des maladies comme la peste porcine africaine et l’influenza aviaire présentent un risque important pour la santé animale et l’économie agricole. Une épidémie de peste porcine africaine au Canada, par exemple, pourrait coûter 24 milliards de dollars à l’industrie porcine, ce qui affecterait des milliers d’emplois et des marchés d’exportation.
De plus, on ne soulignera jamais assez les répercussions que les intrusions et les risques en matière de biosécurité peuvent avoir sur la santé mentale des agriculteurs. Des familles d’agriculteurs ont été bouleversées par des entrées non autorisées, ce qui a eu des répercussions sur leur gagne-pain et leur bien-être.
Le projet de loi C-275 est nécessaire parce qu’il peut avoir un effet dissuasif contre de telles activités et contribuer ainsi à protéger des exploitations agricoles contre les risques pour la biosécurité et à améliorer la santé mentale des agriculteurs.
Lors des travaux du comité, des producteurs agricoles ont appuyé sans réserve ce projet de loi très nécessaire. Matthew Atkinson, président de l’Association canadienne des bovins, a dit ceci :
Les intrus qui pénètrent dans les exploitations agricoles de bovins, les ranchs et les parcs d’engraissement représentent une menace pour la biosécurité. Les modifications envisagées au projet de loi C-275 permettraient une action précise contre ce risque pour la sécurité alimentaire et la biosécurité à la ferme en restreignant l’accès des intrus non autorisés aux animaux et à leurs matières premières.
Darren Ference, président des Éleveurs de dindon du Canada, a déclaré :
[...] [L]e projet de loi C-275 est une mesure législative essentielle qui renforcera la biosécurité et protégera la santé et le bien-être des animaux, ainsi que la sécurité du personnel agricole. En tant qu’éleveur de dindons profondément attaché au bien-être de mes animaux et au succès de notre industrie, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi et à travailler à son adoption rapide.
Honorables collègues, répondre aux difficultés qui touchent la biosécurité n’a rien de théorique ou d’idéaliste. La mise en œuvre de protocoles officiels de biosécurité dans le secteur agricole canadien est un processus de longue date qui a pris de l’ampleur à la fin des années 1980 et au début des années 1990 et qui se poursuit toujours.
À l’heure actuelle, des protocoles de biosécurité stricts sont en place pour les fermes avicoles, l’industrie apicole, les élevages de bovins, l’industrie des cervidés, les fermes laitières, l’industrie équine, l’industrie caprine, l’industrie du vison, l’industrie ovine et l’industrie porcine. Bien que des protocoles de biosécurité existent à tous les échelons, notamment régional, national et international, il est important de comprendre que la responsabilité de la biosécurité au sein de l’exploitation incombe aux agriculteurs eux-mêmes.
Comme l’indique l’Agence canadienne d’inspection des aliments :
La biosécurité peut être perçue comme une approche globale de la gestion de la santé des animaux. La collaboration des visiteurs et des employés des services agricoles est une importante composante du plan bien que le propriétaire ou le gérant doit être disposé à faire le nécessaire pour s’assurer que les membres de la famille, les employés et les visiteurs respectent les protocoles établis.
Les détracteurs de ce projet de loi aiment à dire que cela signifie que les mesures de biosécurité sont volontaires, mais ce n’est pas tout à fait le cas. La biosécurité dans les exploitations agricoles est aussi volontaire que le fait de fermer ou non sa porte à clé dans un quartier à forte criminalité. C’est libre à chacun, mais aucune personne soucieuse de ses biens ou de la sécurité de ses proches ne s’en priverait.
De plus, les associations sectorielles ont intégré les protocoles de biosécurité dans leurs programmes obligatoires à la ferme, y compris les Producteurs laitiers du Canada, les Producteurs de poulet du Canada, les Éleveurs de dindon du Canada et le Conseil canadien du porc. Si un producteur veut continuer d’avoir accès au marché, les protocoles sont obligatoires, ce qui signifie que quiconque ne les respecte pas mettra rapidement la clé sous la porte. Il n’y a rien de volontaire là-dedans.
C’est le producteur qui assume toute la responsabilité et tous les risques en matière de biosécurité à l’échelle de l’exploitation, et c’est quelque chose qu’il prend au sérieux.
Je l’ai constaté moi-même. Dans mon ancienne vie, mon entreprise a beaucoup travaillé dans des fermes porcines, au Manitoba, une région qui produit beaucoup de porcs. Mes employés me disaient :
Je n’ai plus besoin de prendre une douche avant le travail parce que je vais devoir en prendre cinq ou six pendant la journée.
Ils devaient utiliser la douche avant d’entrer dans une porcherie, lorsqu’ils sortaient pour aller chercher une pince ou autre chose qu’ils avaient oubliée dans le camion et lorsqu’ils revenaient dans la porcherie. Nous possédions également une station de lavage de camions et de remorques que nous utilisions pour de nombreux véhicules de ferme. Des camions qui avaient visité une exploitation agricole y passaient régulièrement. Avant de pouvoir aller dans une autre exploitation agricole, ils devaient être lavés et désinfectés.
Les agriculteurs prennent cette question au sérieux. Ils essaient de faire tout ce qu’ils peuvent pour que rien ne se produise, puis nous disons : « Oh, ne pénalisons pas les intrus. »
Les protocoles de biosécurité sont importants et rigoureusement appliqués par les producteurs. Pourtant, à ce stade, les agriculteurs n’ont toujours pas les outils nécessaires pour en assurer le respect.
Ils peuvent faire respecter les protocoles par leurs employés, les membres de leur famille et les visiteurs, mais ils sont impuissants dans un domaine clé : les personnes qui s’introduisent dans leur exploitation sans autorisation, autrement dit, les intrus.
Au comité, il y a eu une fixation sur l’idée que ce projet de loi devrait s’appliquer à tout le monde, et pas uniquement aux intrus. On a fait valoir que les sanctions imposées dans le projet de loi C-275 devraient également s’appliquer à toute personne légalement présente dans l’exploitation et, malheureusement, un amendement a été présenté à cet effet.
Pensons-y, chers collègues. L’amendement a supprimé cinq mots de l’article 1, tel qu’adopté par la Chambre. Le projet de loi était ainsi libellé :
Il est interdit, sans autorisation ou excuse légitime, de pénétrer dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux, ou d’y introduire tout animal ou toute chose, tout en sachant que le fait d’y pénétrer ou d’y introduire l’animal ou la chose pourrait avoir comme conséquence d’exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique susceptible de les contaminer ou en ne se souciant pas de ce fait.
L’amendement a retiré les mots « sans autorisation ou excuse légitime ». C’est un juge qui a proposé cet amendement. Ce retrait a pour conséquence de faire appliquer les sanctions prévues dans la loi non seulement aux personnes qui étaient présentes « sans autorisation ou excuse légitime », mais à toute personne, ce qui comprend les producteurs eux-mêmes, leurs propres employés, leurs travailleurs étrangers temporaires, les visiteurs, les membres de leur famille et même les livreurs. Cet amendement, chers collègues, est très malavisé, au point d’être abusif.
Comme je l’ai dit précédemment, les producteurs, qui portent actuellement toute la responsabilité et tout le risque d’une épidémie liée à la biosécurité, ont déjà toutes les raisons du monde de vouloir en prévenir une. Pourtant, s’ils se trouvaient dans une situation malheureuse où, par manque de jugement ou par erreur, ils causaient un incident de biosécurité, ils s’exposeraient désormais à des amendes pouvant aller jusqu’à 25 000 $ et à 3 mois d’emprisonnement, ou à l’une de ces peines, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, la peine serait une amende maximale de 100 000 $ et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines. S’ajouteraient à cela les conséquences financières, émotionnelles et mentales de l’incident de biosécurité sur leur exploitation.
Pas moins de sept sénateurs ont voté en faveur de cet amendement, chers collègues.
Au comité, le sénateur Dalphond a affirmé qu’ayant grandi dans une ferme, il représentait les agriculteurs en présentant cet amendement. Pourtant, dans le même souffle, il a reconnu qu’à un moment donné, son père « a perdu des milliers de poulets à cause d’une maladie qui a contaminé non seulement un, mais plusieurs bâtiments ». Ce sont les mots du sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond a aussi déclaré :
Je sais ce qu’est la biosécurité. Je sais que c’est un grand risque, et je sais qui en paie le prix ultime. Ce n’était pas le gouvernement. C’était mon père.
Je suis d’accord avec lui là-dessus. Toutefois, par je ne sais quel détour de logique, le sénateur Dalphond s’est servi de cette affirmation pour défendre l’amendement qu’il a présenté. Or, si cet amendement avait eu force de loi lors de l’incident de biosécurité survenu dans la ferme de son propre père, ce dernier aurait pu se voir infliger une amende allant jusqu’à 100 000 $ et passer un an en prison pour une épidémie qui lui avait déjà coûté très cher.
Voilà la folie de cet amendement. Il n’aide pas le secteur agricole, il lui nuit. C’est comme si on modifiait un projet de loi destiné à punir les cambrioleurs, mais de façon à ce qu’il s’applique plutôt aux propriétaires qui laissent accidentellement leur porte déverrouillée. Imaginez devoir faire face à des accusations criminelles et potentiellement à une peine de prison parce que vous avez oublié de vérifier si votre porte était bien verrouillée, en plus du traumatisme et des pertes causés par le cambriolage lui-même. On ne fait pas que passer à côté de l’objectif du projet de loi, on punit délibérément les personnes que la loi est censée protéger.
Le sénateur Dalphond a peut-être grandi sur une ferme, mais il ne comprend certainement pas ce qu’est l’agriculture.
Alors que le projet de loi C-275 a été conçu dans le but de protéger les agriculteurs, l’amendement du sénateur Dalphond est tout à fait contraire à l’esprit du projet de loi et il cible les agriculteurs. Au lieu de les protéger, il les menace.
Le sénateur Dalphond a donné deux raisons pour justifier cet amendement. Non, permettez-moi de rectifier : il a donné trois raisons. La première était qu’il pensait que cela me forcerait en quelque sorte à parler du projet de loi C-355 selon son calendrier. C’est curieux. Je ne sais pas exactement comment il s’attendait à ce que cela se passe, mais il semblait penser que son amendement me contraindrait à le faire.
Il a même réalisé un clip de cette partie des audiences du comité et l’a publié dans un gazouillis. Puis, ce gazouillis a été rapidement partagé par des défenseurs des droits des animaux. Depuis, mon bureau reçoit des appels, forçant les membres de mon personnel à tenter patiemment d’expliquer la procédure parlementaire aux gens faisant ces appels.
À cet égard, il est intéressant de souligner que certains de ces appels proviennent des États-Unis. Un appelant de New York a dit à mon bureau que des groupes de défense des animaux au Canada avaient communiqué avec leurs organismes homologues aux États-Unis pour leur demander de mobiliser leurs membres afin qu’ils appellent mon bureau. Je suppose que si votre mouvement ne bénéficie pas d’un soutien suffisant dans votre pays, vous ne ménagerez aucun effort pour tenter d’en trouver ailleurs.
Le sénateur Dalphond a donné deux autres raisons pour justifier son amendement. Premièrement, il craignait que le projet de loi outrepasse les compétences fédérales. Deuxièmement, il soutient que cette mesure législative permettrait de renforcer davantage les protections en matière de biosécurité.
Ces raisons peuvent sembler valables jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elles sont inutiles et qu’en réalité, l’amendement met en péril l’ensemble du projet de loi, car il promet de ne rien laisser à la communauté des agriculteurs, plutôt que de leur donner quelque chose.
Permettez-moi de m’expliquer, en commençant par la question de la compétence. J’espère que d’autres personnes interviendront plus tard et qu’elles pourront encore mieux l’expliquer, et je suis certain qu’il y en aura, mais je vais tenter de le faire.
Cette question a été soulevée à plusieurs reprises, tant lors de l’étude de ce projet de loi que lorsqu’il a été présenté par le député John Barlow sous sa forme précédente, le projet de loi C-205. Au cours du débat sur le projet de loi C-205, le gouvernement s’y est opposé en partie pour des raisons de compétence. Cependant, le gouvernement a fini par appuyer le projet de loi C-275 après que les conservateurs ont introduit un amendement qui répondait à cette préoccupation lors de l’examen en comité.
Voici ce qu’a déclaré le député Francis Drouin, secrétaire parlementaire du ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-275 :
L’amendement atténuerait [...] les risques de contestation judiciaire dont j’ai parlé plus tôt. En mettant l’accent sur l’entrée dans les zones de biosécurité à la ferme, on place le projet de loi dans la sphère de compétence fédérale, parce qu’il sera plus clairement lié aux mesures en place à l’intérieur des exploitations agricoles. En outre, l’amendement renforcerait les avantages des zones de biosécurité, qui comptent parmi les pratiques agricoles importantes pour la prévention des maladies animales.
L’amendement du sénateur Dalphond répond à des préoccupations qui ont été soulevées à la Chambre des communes et qui ont été réglées à la satisfaction du gouvernement, celui que le sénateur Dalphond soutient.
Le projet de loi a fini par être adopté par une grande majorité à la Chambre. Chers collègues, écoutez ceci : il a reçu l’appui de 133 libéraux, 112 conservateurs, 20 bloquistes et 3 indépendants. Il s’agit d’un total de 278 députés, y compris le premier ministre, l’ensemble de son Cabinet, ainsi que l’actuel et l’ancienne ministre de l’Agriculture.
Chers collègues, au comité, Joseph Melaschenko, avocat-conseil, Services juridiques, agriculture et inspection des aliments du ministère de la Justice, était présent pour nous aider dans nos délibérations. Je lui ai posé la question suivante : « [...] auriez-vous conseillé le gouvernement sur la constitutionnalité de ce projet de loi? »
La question est simple.
Il a répondu : « Oui, le ministère de la Justice examine les questions constitutionnelles pour appuyer les témoins du gouvernement à ce comité. »
Autrement dit, nous pouvons être certains de deux choses : d’une part, il a conseillé le gouvernement sur la constitutionnalité du projet de loi et, d’autre part, le gouvernement a fini par appuyer le projet de loi. Il est donc évident que, comme l’a expliqué le député Francis Drouin, le projet de loi tel qu’amendé par la Chambre des communes est constitutionnel aux yeux du gouvernement. La question constitutionnelle a été réglée; 278 députés sont d’accord, mais le sénateur Dalphond ne l’est pas.
Il reste donc le deuxième argument du sénateur Dalphond, à savoir que l’amendement incitera en quelque sorte les producteurs à être plus vigilants dans la mise en œuvre et l’application des protocoles de biosécurité dans leurs exploitations. Comme je l’ai déjà expliqué, chers collègues, cet argument est tout simplement frivole et vexatoire. Les producteurs assument déjà tous les risques et toutes les responsabilités en matière de biosécurité. Ils n’ont pas besoin d’un pistolet législatif sur la tempe pour les convaincre. Un tel raisonnement montre à quel point le sénateur Dalphond et six autres membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sont déconnectés de l’industrie agricole et de ses producteurs.
Chers collègues, il n’y a qu’un seul groupe d’intervenants qui soutiennent cet amendement, à savoir les défenseurs des droits des animaux, leurs avocats et leurs professeurs d’université.
Les défenseurs des droits des animaux ont été très actifs dans ce dossier, et la raison en est simple : ils recueillent des centaines de milliers de dollars, et ils veulent pouvoir continuer à pénétrer illégalement dans les fermes, les étables, les parcs d’engraissement, les poulaillers de volaille de chair, les couvoirs, les porcheries de mise bas et toute autre installation agricole qu’ils décident d’envahir. Ils prétendent se préoccuper davantage du bien-être des animaux que les personnes dont l’avenir et les moyens de subsistance dépendent du bien-être de ces animaux, c’est-à-dire les producteurs.
Le véritable objectif des défenseurs des droits des animaux n’est pas un secret. Il s’agit de mettre un terme à l’élevage dans son intégralité en le faisant mourir à petit feu. Leur objectif n’est pas d’améliorer le projet de loi, mais de le faire avorter.
Cependant, chers collègues, si vous doutez de moi, vous croirez peut-être les défenseurs des droits des animaux eux-mêmes. Permettez-moi de citer un extrait d’un courriel envoyé par Animal Justice le 25 octobre, tout de suite après que le sénateur Dalphond a amendé le projet de loi.
Chers collègues, on peut y lire ceci :
Cher [abonné], nous sommes ravis de vous faire part du succès de cette semaine. Le Sénat vient de porter un dur coup au projet de loi C-275, un projet de loi du gouvernement fédéral qui visait à imposer un bâillon au secteur agricole en punissant les personnes qui dénonçaient la souffrance des animaux dans les exploitations agricoles. Le Comité sénatorial de l’agriculture a amendé le projet de loi de manière à ce qu’il ne cible plus les défenseurs des droits des animaux. Désormais, le projet de loi garantit que les exploitants agricoles à l’origine d’épidémies pourront être tenus responsables de ne pas avoir protégé les animaux contre les risques pour la biosécurité.
Écoutez maintenant très attentivement cette partie jusqu’à la fin :
Vous avez maintenu la pression et défendu les animaux, et cet amendement représente un clou géant dans le cercueil de ce projet de loi dangereux!
Cet amendement est « un clou géant dans le cercueil de ce projet de loi dangereux »; pourtant, le sénateur Dalphond, le sénateur Varone, la sénatrice Pate et d’autres sénateurs affirment que l’amendement est bénéfique.
Il ne faut pas se leurrer, chers collègues : l’objectif des défenseurs des droits des animaux est de torpiller le projet de loi, et ils se servent du sénateur Dalphond et de six autres sénateurs qui ont voté en faveur de cet amendement pour parvenir à leurs fins. Les sénateurs Bernard, McBean, Pate, Petitclerc, Simons et Varone sont ceux qui ont aidé les défenseurs des droits des animaux à enfoncer « un clou géant dans le cercueil de ce projet de loi dangereux » parce que les militants ne veulent pas s’exposer à des peines plus lourdes pour être entrés sans autorisation sur une propriété et avoir mis en péril la santé des animaux dont ils prétendent se préoccuper.
Au comité, la sénatrice Simons a reconnu que cet amendement pourrait très bien torpiller le projet de loi. Elle a déclaré ceci :
[...] compte tenu du climat politique actuel, si nous amendons le projet de loi, il y a de fortes chances qu’il ne revienne pas de la Chambre.
Puis, elle a honteusement poursuivi en laissant entendre qu’un tel résultat ne devrait pas influencer la façon dont les sénateurs voteront sur l’amendement parce que, selon ses propres mots : « [...] ce n’est ni notre faute ni notre problème. »
Que faisons-nous ici, chers collègues? Quel est notre problème? Quelle est notre responsabilité? « Ce n’est ni notre faute ni notre problème. »
Eh bien, je suis désolé, sénateurs, mais si nous ne torpillons pas le rapport, c’est notre faute et celle de tous ceux qui votent en faveur de ce rapport et qui ont appuyé l’amendement au comité. Ce sera la faute de tous les sénateurs dans cette enceinte qui ne voteront pas pour l’annulation du rapport.
Je dirais à tous ceux qui croient que les problèmes du secteur agricole ne sont pas notre problème qu’ils ne devraient certes pas siéger au Comité sénatorial permanent de l’Agriculture et des forêts. Si l’agriculture et les agriculteurs ne sont pas votre problème, que faites-vous là, chers collègues? Trouvez un comité qui porte sur des enjeux vous tenant à cœur.
Je ne peux pas m’empêcher de me demander si ces sénateurs — et, en particulier, si un grand promoteur immobilier de Toronto — seraient heureux que des gens s’introduisent sans permission sur leur propriété. Or, ce grand promoteur est venu une fois au comité à titre de remplaçant, et il a émis le vote décisif, le dernier vote, en faveur de l’amendement de ce projet de loi.
Comme je l’ai demandé à l’avocat d’Animal Justice au comité, j’aimerais que les sénateurs ayant appuyé cet amendement répondent à la question suivante.
[…] si j’avais des preuves que vous traitiez mal votre chien de compagnie chez vous, pensez-vous qu’il serait acceptable que je vienne ouvrir de force votre fenêtre et que j’entre dans votre salon pour vous prendre en photo en train de maltraiter votre chien? […]
Ou est-ce que ce serait de l’intrusion, et des accusations devraient-elles être portées contre moi? Parce que nous disons que c’est acceptable pour ces intrus.
Voilà le genre de comportement que permettent ces sénateurs. L’amendement qu’ils ont appuyé va mettre « un clou géant dans le cercueil » du projet de loi C-275. N’oubliez pas que ce ne sont pas mes mots, mais ceux d’Animal Justice.
Chers collègues, les objectifs des défenseurs des droits des animaux ne sont pas ambigus. Ils sont clairs et limpides. Même si ces personnes prétendent promouvoir le bien-être des animaux, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un effort non déguisé visant à imposer progressivement leur vision du monde à tous les Canadiens avec l’aide de parlementaires, qu’ils en soient conscients ou non.
Pour dire les choses crûment, les défenseurs des droits des animaux croient qu’aucun animal ne devrait être en captivité, un point c’est tout. Comme la sénatrice Wallin l’a dit plus tôt — je ne la cite pas textuellement —, nous n’obtenons pas nos aliments chez Safeway. Nous les obtenons des exploitations agricoles. Ces défenseurs ne s’intéressent pas seulement aux éléphants et aux grands singes; ils cherchent à libérer tous les animaux dans les zoos et les fermes et à faire en sorte que plus aucun animal ne soit tué pour la consommation humaine.
Vous avez peut-être du mal à le croire, alors permettez-moi de citer le plan stratégique triennal d’Animal Justice, en commençant par leur « vision », qui dit clairement ceci :
La priorité absolue d’Animal Justice pour les années 2023 à 2025 est la protection des animaux d’élevage, en raison de leur nombre et de l’ampleur de leurs souffrances.
En 2022, plus de 841 millions d’animaux terrestres ont été tués à des fins alimentaires au Canada — un record. On estime que 10 milliards d’animaux aquatiques sont également tués chaque année.
Notez qu’ici, le mot « souffrances » ne réfère pas à un animal qui serait détenu dans des conditions qui ne répondent pas aux normes de bien-être animal. On parle d’animaux en captivité, quelle qu’en soit la raison, et surtout si l’objectif final est de tuer ces animaux pour la consommation humaine.
Donc, chers collègues, vous feriez mieux de ne pas manger un steak ce week-end, ou un morceau de poulet, parce que vous ne voulez plus que cela soit possible. Vous voulez qu’on abandonne tout cela.
Voilà l’électorat et le programme auxquels l’amendement du sénateur Dalphond se plie.
Cependant, voici le contre-argument que les activistes ont avancé au comité et que le sénateur Dalphond et ses alliés répètent comme des perroquets. Ils affirment que les défenseurs des animaux n’ont jamais provoqué d’épidémie dans une ferme, et que ce projet de loi n’est donc pas nécessaire. Cet argument est tellement absurde que je ne devrais même pas y répondre, mais vous me connaissez, je vais le faire.
Pour commencer, bien qu’il soit difficile de prouver de manière concluante l’origine précise d’une épidémie, il est arrivé que des entrées non autorisées aient donné lieu à des épidémies et il est très possible qu’elles aient été causées par les activistes qui venaient d’envahir la propriété privée.
L’exemple le plus récent, c’est l’épidémie de grippe aviaire qui s’est déclarée en 2023 dans le comté de Sonoma, en Californie, où une enquête de l’État a conclu que des activistes pourraient avoir propagé la grippe aviaire dans une ferme. Les défenseurs des animaux ont tenté de faire valoir que, puisque la source de l’épidémie ne peut être prouvée de manière concluante par des « preuves absolues », cet incident devrait être ignoré. Cette affirmation est à la fois absurde et trompeuse. Elle laisse entendre que même si le fait que des manifestants accèdent illégalement à votre propriété et la piétinent est un vecteur possible de maladie, il ne faut pas en tenir compte parce qu’il n’y a pas de « preuves absolues ». Même le département de l’Alimentation et de l’Agriculture de la Californie a souligné que, bien qu’il n’y ait pas de « preuves absolues », il est « plausible » que le virus ait été introduit dans la ferme au cours de ces incidents.
En outre, le risque de contamination a été confirmé par la décision de la Cour du Québec dans l’affaire de la ferme Porgreg, en 2022, qui a déclaré 11 activistes animalistes coupables d’introduction par effraction, d’entrave à un agent de la paix et de méfait parce qu’ils s’étaient introduits dans une porcherie et qu’ils avaient refusé de la quitter. Bien que la poursuite n’ait pas été en mesure de prouver de manière concluante que les activistes avaient causé la maladie mortelle de plusieurs porcs à la suite de leur invasion, le juge a noté dans sa décision que de telles actions « pourraient entraîner la propagation de virus ou de maladies susceptibles de tuer de nombreux porcs, voire un troupeau entier ».
Le risque est réel, et les conséquences sont graves. Laisser entendre qu’il est inutile de dissuader les comportements à risque vu que ceux-ci n’ont pas encore causé d’épidémie, cela revient à dire à nos enfants — ou, en ce qui concerne la plupart d’entre nous, à nos petits-enfants — qu’ils devraient jouer avec des allumettes parce qu’ils le font depuis des années et qu’ils n’ont pas encore mis le feu à la maison. Voilà à quel point c’est absurde.
Chers collègues, qu’il existe ou non un cas démontré d’épidémie, cela n’a absolument aucune importance. Personne ne contredit le fait qu’une épidémie est une conséquence possible et plausible d’une introduction illégale sur une propriété privée. Nous pouvons nous obstiner à savoir si ce risque est élevé ou faible, mais personne ne peut prétendre qu’il n’existe pas.
Franchement, chers collègues, quiconque appuie les activistes qui s’introduisent sans autorisation dans des granges ne peut pas prétendre en toute honnêteté avoir le bien-être des animaux à cœur. De telles activités ne font que menacer le bien-être des animaux mêmes dont ils prétendent se soucier, étant donné les éventuelles conséquences désastreuses pour les animaux qui s’y trouvent et ceux des fermes environnantes.
Le milieu agricole demande que nous adoptions ce projet de loi sans amendement afin de l’aider à atténuer ce risque. En terminant, permettez-moi d’insister de nouveau sur le fait que le projet de loi C-275 est censé être de nature préventive. L’un de ses principaux objectifs, c’est de décourager les comportements illégaux avant que ces comportements n’aient de conséquences désastreuses. Le fait que les organisations de défense des droits des animaux s’opposent autant au projet de loi montre que celui-ci va les dissuader d’entrer par effraction dans des fermes. Bref, les producteurs sont déjà incités à respecter des protocoles de biosécurité. Ce n’est pas le cas des intrus. Par conséquent, le projet de loi est nécessaire.
L’amendement du sénateur Dalphond n’est pas nécessaire, ni pour assurer la constitutionnalité du projet de loi ni pour renforcer sa portée relativement aux protections en matière de biosécurité. Le projet de loi, tel qu’il nous a été transmis par la Chambre, est appuyé par des producteurs, des organisations agricoles de tout le pays, le gouvernement, le ministre de l’Agriculture et de son prédécesseur, Santé animale Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Un amendement identique en tous points à celui que le sénateur Dalphond a proposé au comité avait déjà été examiné par le Comité de l’agriculture de la Chambre des communes, qui l’avait rejeté. Écoutez bien, chers collègues : après le rejet de cet amendement à l’étape de la troisième lecture, le projet de loi a été adopté par 278 voix contre 36.
Je voudrais faire très rapidement un parallèle avec un autre projet de loi, dont nous parlerons plus tard cette semaine. Le rapport a été présenté aujourd’hui. Il s’agit du projet de loi C-280, qui a également été amendé par certains des mêmes sénateurs. Ce projet de loi a fait l’objet d’un vote à la Chambre des communes; le vote a été de 320 contre 1. Nous réunissons ensuite 10 sénateurs en comité en affirmant que nous sommes plus avisés, mais il y a un sénateur qui dit que ce n’est pas notre problème et que nous n’avons pas à nous en préoccuper. Ensuite, nous affirmons que nous avons une légitimité. Vous vous demandez ensuite pourquoi on dit que le Sénat manque de légitimité. Vous nous répétez sans cesse à quel point vous êtes indépendants, que vous n’êtes du côté de personne. Eh bien, êtes-vous vous du côté des agriculteurs?
Comment cela peut-il avoir lieu dans une société démocratique? Même si nous estimons que nous devrions avoir le même droit de vote que la Chambre des communes, nous devons croire à la démocratie.
Disons que nous sommes tous unis, que nous croyons tous la même chose, qu’il n’y a pas de dissidence au Sénat, que le Sénat n’a aucun siège vacant et compte 105 sénateurs, et que le vote sur le projet de loi C-275 se conclut par 278 voix contre 133 voix. Qui devrait l’emporter? Les 278 voix ou les 133 voix? Si nous votions sur le projet de loi C-280, le résultat serait de 280 voix contre 106 voix. Pourtant, nous avons le droit de faire cela et nous croyons que ce n’est pas notre problème.
Chers collègues, nous avons l’obligation de présenter de bons amendements, mais qu’en est-il des amendements qui ont déjà été présentés? La même chose s’est produite dans le cas du projet de loi C-280. L’amendement avait été présenté à l’autre endroit, où il a été rejeté. Or, nous estimons que les députés ne savent pas ce qu’ils font et exploitons le fait que nous ne dépendons de personne. J’ai lu l’article de la sénatrice Simons. Je ne suis pas certain de la date à laquelle elle l’a rédigé, mais je l’ai lu aujourd’hui. Elle affirme que nous n’avons de comptes à rendre à personne, que nous ne sommes redevables à personne, que nous ne relevons de personne. Je ne connais pas les mots exacts. Je ne veux pas trébucher, mais en gros, c’est ce qu’elle a écrit. Elle soutient que nous ne sommes nullement tenus de respecter les décisions de l’autre endroit.
Chers collègues, chacun de ces 280, 278 ou 320 parlementaires représente environ de 100 à 130 000 personnes.
Ils représentent des électeurs.
Le sénateur Plett Ils représentent des électeurs. Nous ne les représentons pas. Qui représentons-nous? À qui devons-nous rendre des comptes? À qui êtes-vous redevables lorsque vous revenez dans votre région? Je sais à qui je dois rendre des comptes parce que je fais partie d’un caucus et j’en suis fier. Si vous ne faites pas partie d’un caucus, ce qui est tout à fait acceptable, à qui devez-vous rendre des comptes?
Le sénateur Housakos À eux-mêmes.
Le sénateur Plett N’avez-vous de comptes à rendre à personne? Selon la sénatrice Simons, ce n’est pas notre faute et cela n’a pas d’importance. À qui devez-vous rendre des comptes? Vous n’en rendez à personne, parce que vous avez été nommé. Personne ne peut vous renvoyer du Sénat. Vous êtes ici. Certains d’entre nous doivent se montrer un peu plus prudents de crainte qu’on cherche à se débarrasser d’eux avant l’heure; cela s’est déjà fait. Heureusement, il ne me reste que huit mois. Je serais donc peut-être parti avant que quelque démarche que ce soit puisse aboutir, puisque le Sénat ne bouge pas très vite. Quoi qu’il en soit, chers collègues, nous avons tous des comptes à rendre à quelqu’un.
Peut-être que vous êtes indépendants. Peut-être que vous ne rendez pas de comptes au premier ministre ni au caucus libéral. Vous devez toutefois rendre des comptes à quelqu’un. Quels que soient leur intelligence, leurs activités ou leurs antécédents, comment 7 personnes peuvent-elles être plus intelligentes que les 278 personnes parmi lesquelles se trouve, soit dit en passant, l’homme qui vous a tous nommés ici? Que vous le vouliez ou non, c’est lui qui vous a nommés. Il a voté dans le bon sens sur ces deux projets de loi. Que ferez-vous?
Je dois insister sur ce point. L’amendement apporté au projet de loi C-275 ne reflète pas le rôle du Sénat, qui consiste à effectuer un second examen objectif afin d’améliorer les projets de loi qui nous sont renvoyés par l’autre Chambre. Étant donné que cet amendement a déjà été examiné par l’autre endroit et rejeté, le proposer de nouveau dans cette enceinte est contraire à la volonté clairement exprimée par les élus de la Chambre des communes.
C’est le genre de comportement qui alimente le cynisme par rapport à l’utilité et au rôle du Sénat. Honorables sénateurs, c’est ce genre de choses qui poussent des gens à demander l’abolition de cette institution, lorsqu’on ne tient pas compte de la volonté du peuple et qu’on fait fi des intentions clairement exprimées par ses représentants élus.
J’ai défendu notre institution avec autant d’ardeur que n’importe qui dans cette enceinte, mais c’est le genre de choses qui peuvent amener n’importe qui à croire que, si c’est ce que le Sénat a de mieux à offrir, il vaudrait mieux qu’on l’abolisse. Si le Sénat décide de suivre cette voie, alors pour bien des Canadiens, nous correspondrons parfaitement à la description qu’un sénateur a faite de cette institution en disant que ce n’est pas la Chambre de second examen objectif, mais plutôt la Chambre de second examen enivré. C’est ce qui arrivera si on suit cette voie, honorables collègues.
Chers collègues, je vous exhorte, vous implore et vous supplie de soutenir le secteur agricole. Si nous avons pu adopter deux projets de loi aujourd’hui, c’est parce que certains d’entre nous ne se souciaient pas de savoir si c’était un sénateur indépendant ou un libéral qui les avaient présentés; ce qui nous importait, c’était le contenu de ces projets de loi. Il y a à peine deux jours, nous avons adopté deux projets de loi, ceux du sénateur Colin Deacon et du sénateur Leo Housakos, parce que nous ne nous souciions pas de savoir qui avait présenté ces projets de loi; ce qui nous importait, c’est le sort du Canada. Ce n’est pas ce qui se passe cette fois, chers collègues. Les gens regardent qui est le parrain du projet de loi et qui est le porte-parole et ils se disent :
Si le sénateur Plett fait un discours de 40 minutes, alors je vais voter contre le projet de loi. Ce n’est pas que je suis contre le projet de loi, mais, mon Dieu, il s’acharne contre moi depuis tellement longtemps que, maintenant, je suis en colère contre lui. Je vais voter contre son projet de loi, c’est certain.
Le sénateur Housakos Je voterai pour vous.
Le sénateur Plett Merci.
Chers collègues, je vous exhorte à faire le bon choix aujourd’hui, à soutenir les producteurs canadiens et à faire preuve de solidarité envers eux et ceux qui les soutiennent. Rejetons le rapport du comité sur le projet de loi C-275 et rétablissons le projet de loi tel qu’il était lorsque la grande majorité de la Chambre des communes l’a appuyé et l’a adopté à l’étape de la troisième lecture.
Merci, chers collègues.
L’honorable René Cormier (Son Honneur le Président suppléant) Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Plett Si le sénateur promet d’être bienveillant envers moi, oui.
L’honorable Denise Batters Sénateur Plett, une chose m’intrigue. Il semble que des questions constitutionnelles aient été soulevées, et pourtant, il semble que l’ensemble du Cabinet libéral ait appuyé cette mesure. Je suppose que cela incluait probablement le ministre de la Justice. J’aimerais en savoir plus à ce sujet.
Au cours de l’année écoulée, nous avons malheureusement été témoins à plusieurs reprises, comme vous y avez fait allusion, de situations où les membres des comités du Sénat ont vidé de leur substance des projets de loi qui avaient été adoptés par la Chambre des communes. Je pense au projet de loi C-234, l’exemption de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs; au projet de loi C-275, qui porte sur la biosécurité dans les exploitations agricoles; et au projet de loi C-280, la Loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais. Tous ces projets de loi aideraient les agriculteurs canadiens, et tous ces projets de loi ont été présentés à la Chambre des communes par des députés conservateurs, mais je suis sûre que ce n’est qu’une coïncidence.
Sénateur Plett, je suis une sénatrice de la Saskatchewan, le cœur agricole du Canada, ou le grenier du Canada, comme on l’appelle souvent. Défendre les intérêts des habitants de ma province, la Saskatchewan, est un élément clé de mon travail. J’entends régulièrement des agriculteurs dire à quel point ces projets de loi sont importants pour leur subsistance, ce que vous entendez aussi, dites-vous, de la part des Manitobains.
Les sénateurs qui vident de leur substance ces projets de loi importants qui concernent l’agriculture se rendent-ils compte des répercussions profondément négatives de leurs actes pour les agriculteurs canadiens?
Le sénateur Plett Je vous remercie beaucoup pour cette question. Je dois m’inscrire en faux avec vous sur un point : je pense que le cœur agricole de notre pays est le Manitoba, mais laissons ce débat à notre propre caucus la semaine prochaine.
Sénatrice Batters, vous avez totalement raison de dire que ce n’est que pur hasard si ce sont tous des projets de loi conservateurs. Il s’agit de projets de loi dont j’ai parlé, bien entendu. Même si je ne suis pas d’accord, je comprends qu’au bout du compte, le Cabinet a fortement insisté au sujet du projet de loi C-234. Le leader du gouvernement au Sénat a fortement insisté pour que ce projet de loi d’initiative parlementaire soit rejeté, comme il le fait lorsque cela lui convient, mais il ne s’en mêle pas lorsque le moment ne lui convient pas. Dans ce cas précis, toutefois, il a su trouver l’énergie nécessaire.
Je peux comprendre pourquoi le sénateur Dalphond, qui a été un libéral pur et dur toute sa vie, voudrait soutenir cette initiative, car le Cabinet libéral lui a dit : « Nous devons agir ainsi. »
Vous avez tout à fait raison de dire qu’il y a presque eu unanimité. En fait, en ce qui concerne le projet de loi C-280, une sénatrice n’a pas voté. Elle a dit que c’était parce qu’un électeur ne voulait pas qu’elle vote, alors elle n’a pas voté. Je vais la laisser rendre des comptes à ce sujet. Mais tous les autres ont voté, y compris le premier ministre et même le ministre de la Justice.
Comme vous le savez, je ne suis pas un constitutionnaliste. Cependant, certains constitutionnalistes et professeurs m’ont promis qu’ils auraient peut-être quelques mots à dire à ce sujet, et je suis impatient d’entendre ce qu’ils ont à dire. De surcroît, j’ai demandé au témoin que le gouvernement a envoyé ici — le constitutionnaliste — s’il avait conseillé le gouvernement, et il a répondu par l’affirmative. Je ne lui ai pas demandé de préciser ce qu’il avait dit au gouvernement, mais il a clairement indiqué au gouvernement qu’il pensait que le projet de loi était constitutionnel. Je ne pense pas que le ministre de la Justice aurait voté en faveur d’un projet de loi s’il croyait qu’il ne résisterait pas à une contestation constitutionnelle.
J’espère que cela répond à vos questions, sénatrice Batters.
L’honorable Paula Simons Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape du rapport sur le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
Puisque nous avons tous les yeux rivés sur les États-Unis ce soir, je commencerai par quelques nouvelles en provenance des États-Unis concernant le virus H5N1, ou grippe aviaire A. Comme son nom l’indique, la maladie se propage principalement chez les oiseaux. Il s’agit de volailles d’élevage et d’oiseaux sauvages tels que les oiseaux aquatiques, les oiseaux du littoral et les rapaces.
Toutefois, aux États-Unis, il est inquiétant de constater que la maladie a franchi la barrière des espèces. Cette souche de grippe aviaire infecte désormais les vaches laitières américaines. Elle a été détectée dans plus de 400 troupeaux de vaches laitières dans 14 États. Aujourd’hui, la grippe aviaire est tellement présente dans l’approvisionnement en lait que Tom Vilsack, le secrétaire américain à l’Agriculture, a informé la presse cette semaine que le département américain de l’Agriculture était sur le point de commencer à tester le lait cru en vrac pour y déceler des signes du virus.
Je suis heureuse de pouvoir dire que la pasteurisation tue la maladie, mais, aux États-Unis, la consommation de lait cru fait actuellement l’objet d’un engouement politique important, ce qui inquiète les autorités américaines quant aux vecteurs d’infection humaine.
La semaine dernière, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis avaient recensé 36 cas de personnes infectées par cette souche de grippe aviaire; la quasi-totalité d’entre elles étaient des travailleurs agricoles, principalement dans les États de Washington et de Californie. Certains travaillaient dans le secteur de la volaille, d’autres dans des exploitations laitières.
Si la grippe aviaire est mortelle pour les oiseaux, jusqu’à maintenant, les humains infectés ont rapporté des symptômes relativement bénins : des symptômes touchant les voies respiratoires supérieures et une inflammation des yeux. Personne n’a été hospitalisé, et il n’y a eu aucun décès. Jusqu’à présent, je suis heureuse de pouvoir dire qu’aucune infection n’a été signalée au Canada que ce soit chez la vache ou l’humain.
Toutefois, la propagation de ce variant de la grippe, qui a franchi avec tant d’agilité la barrière des espèces, devrait nous inciter à nous pencher sur la question. En effet, des experts s’inquiètent que si ce variant de la grippe réussissait à mélanger son matériel génétique avec les souches plus typiques de la grippe automnale — par exemple, chez un ouvrier agricole infecté par les deux virus en même temps —, nous pourrions nous retrouver dans une situation beaucoup plus préoccupante.
Je suis d’accord avec le sénateur Plett : les préoccupations relatives à la biosécurité dans les exploitations agricoles sont bien réelles. Nous devons protéger non seulement les troupeaux, mais aussi les agriculteurs et les travailleurs agricoles — et tout le monde — contre la propagation d’infections qui peuvent anéantir le bétail et les moyens de subsistance des agriculteurs, en plus de risquer de déclencher une nouvelle pandémie.
La grippe aviaire est loin d’être le seul agent pathogène qui représente un risque pour les personnes et les animaux. Nous parlons de toutes sortes de maladies, que ce soit la maladie de Carré, la peste porcine africaine, la fièvre aphteuse, la tuberculose bovine, ou même la COVID-19, que les visons des fermes d’animaux à fourrure peuvent attraper et transmettre.
Il y a des années, en tant que journaliste, j’ai couvert la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine en Alberta — également connue sous le nom de maladie de la vache folle — qui a interrompu les exportations de viande bovine de l’Alberta et décimé les rangs des producteurs. Même si la maladie n’a touché qu’une poignée de vaches, la peur de la maladie a dévasté notre industrie bovine, qui a mis des années à s’en remettre.
Parlons donc de la biosécurité dans les exploitations agricoles et de ce que le projet de loi C-275 fait et ne fait pas pour la promouvoir.
Dans sa forme originale et non amendée, le projet de loi se concentrait presque entièrement sur les intrus, dans le but de dissuader les défenseurs des droits des animaux de pénétrer dans les exploitations agricoles et de perturber leurs activités.
Selon les termes du projet de loi initial, toute personne qui pénètre dans un bâtiment ou un autre lieu clos où des animaux sont gardés, sans autorisation ou excuse légitime, pourrait se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 $ conformément à la Loi sur la santé des animaux, si le fait de pénétrer dans un tel lieu ou d’y prendre un animal ou un objet pouvait raisonnablement exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique. La personne peut également être condamnée à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Une organisation reconnue coupable d’un acte criminel aux termes de la loi est quant à elle passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 $.
Au Canada, la loi contre l’intrusion relève de la compétence des provinces, et les amendes pour entrée illégale varient d’une province à l’autre, entre 5 000 $ et 10 000 $. Elles peuvent atteindre un maximum de 25 000 $ en cas de récidive.
John Barlow, le député albertain qui a parrainé ce projet de loi, a indiqué clairement ce qui le décourage au sujet de ces sanctions. Voici ce qu’il a dit à notre comité le printemps dernier lorsqu’il s’est plaint que les lois provinciales en vigueur n’en faisaient pas assez pour contrer les militants pour les droits des animaux et leurs campagnes de financement :
[Je] pense que les lois actuelles sur l’entrée sans autorisation ne sont pas suffisamment sévères. L’année dernière, aux États-Unis, ces groupes ont généré plus de 80 millions de dollars grâce aux vidéos et autres contenus qu’ils diffusent en ligne. Par conséquent, sans amendes dissuasives, il n’y a réellement aucun moyen financier d’empêcher cela.
Autrement dit, il se souciait non pas de la biosécurité, mais des relations publiques.
Les exploitations agricoles sont des lieux de travail particuliers, car, dans bien des cas, les familles qui les exploitent habitent aussi sur place. Je ne peux pas imaginer à quel point il serait troublant et déroutant pour une famille agricole de se réveiller au milieu de la nuit et de trouver des militants politiques sur son terrain.
Dans les régions rurales, le délai d’intervention de la police pose aussi un réel problème. Je sais que, dans les Prairies, où les fermes sont immenses et souvent loin des détachements de la GRC, beaucoup de gens se sentent impuissants face aux intrus qui viennent sur leur terrain, que ce soit pour manifester ou simplement pour commettre un vol.
Ayant été journaliste pendant longtemps, je suis favorable à la liberté de presse. Je suis consciente du rôle important des dénonciateurs dans la société. Les militants des droits des animaux peuvent faire valoir, à juste titre, que des intrusions dans des exploitations agricoles ont permis de révéler des cas troublants de maltraitance et de négligence envers les animaux.
Néanmoins, je pense que les personnes qui commettent une intrusion illicite dans une optique de désobéissance civile, même avec les intentions les plus nobles, doivent s’exposer à des sanctions appropriées, y compris à des accusations d’introduction par effraction conformément au Code criminel, pourvu que de telles accusations soient justifiées et puissent s’appliquer. Cependant, comme l’a reconnu le sénateur Plett, le régime d’amendes prévu dans le projet de loi C-275 est tellement disproportionné qu’il en est absurde.
Je répète que l’intrusion relève de la compétence des provinces. En essayant de créer une autre loi parallèle sur l’intrusion, le projet de loi C-275 risque, comme certains témoins l’ont dit, d’empiéter sur la compétence des provinces.
Je vais citer un des témoignages entendus par le comité, celui d’Angela Fernandez, professeure de la Faculté de droit de l’Université de Toronto :
Le fait que le projet de loi cible exclusivement les intrus pose deux problèmes. D’abord, si l’objectif du projet de loi est d’agir contre les intrus qui pénètrent dans les exploitations agricoles, alors son titre est trompeur; le projet de loi ne concerne pas vraiment la biosécurité dans les exploitations agricoles. Vous pensez peut-être que la disparité entre le titre et le fond du projet de loi a peu d’importance. Or en droit constitutionnel, quand le fond d’une loi ne concorde pas avec son objet et son effet, on dit parfois qu’il y a détournement de l’objet de la loi. C’est ce qu’on appelle la théorie du « détournement de pouvoir ».
Cette théorie de droit constitutionnel décrit spécifiquement une situation où une loi qui semble porter sur un sujet particulier porte en réalité sur un autre sujet. Cela pose problème lorsque le sujet ne relève pas de la compétence du gouvernement qui adopte la loi — en l’occurrence, le gouvernement fédéral.
Or, il faut bien comprendre que l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 partage très clairement les compétences en matière d’agriculture entre les provinces et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a tout à fait le droit de s’impliquer dans les questions qui concernent l’agriculture, ce qui comprend la Loi sur la santé des animaux. Cependant, regardons ce que cherche réellement à accomplir le projet de loi C-275.
Le projet de loi initial ne se limiterait pas aux manifestants qui défendent les droits des animaux et dont les objectifs politiques sont justes. Interprété au sens large, il pourrait s’appliquer à toute personne qui aboutit sur une propriété agricole, même si elle s’y trouvait pour une raison relativement anodine, comme la chasse ou la motoneige, ou pour une raison plus répréhensible, comme un vol pur et simple. Autrement dit, le projet de loi, dans sa version originale, pourrait mener à des sanctions extraordinaires contre toutes sortes d’intrus sous le prétexte de la biosécurité.
Si elles le souhaitent, les provinces ont certainement le pouvoir d’imposer des amendes plus élevées en cas d’intrusion pour protéger les propriétaires ruraux. Toutefois, il est malhonnête de prétendre que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, porte principalement sur la biosécurité parce que, même si on fait abstraction du débat constitutionnel, le projet de loi C-275, tel qu’il a été présenté à notre comité, constitue une politique publique mal conçue.
Mes amis, il n’y a jamais eu de cas confirmé au Canada de maladie animale propagée et transportée par des manifestants — jamais. Même dans le seul cas cité par le sénateur Plett, dans le comté de Sonoma, en Californie, on a conclu que les intrus étaient un vecteur plausible. On a également conclu que la région était riche en oiseaux de rivage et en sauvagines, qui auraient également pu être à l’origine de la contamination.
Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de cas confirmé de maladie animale véhiculée et propagée par des manifestants au Canada? Eh bien, il y a deux raisons évidentes. La première est que les manifestations dans les exploitations agricoles sont plutôt rares : il s’agit de cas isolés. La deuxième est que les manifestants, qui sont en grande partie des citadins, ne risquent pas de propager un agent pathogène provenant d’une exploitation agricole quand ils se rendent dans une ferme. Si vous ou moi allions manifester dans une ferme, il est peu probable que des agents pathogènes dangereux pour le bétail se trouvent sur nos chaussures, nos vêtements ou nos pneus de voiture.
Comme vous pouvez l’imaginer, les risques les plus importants sont plus banals. Ils peuvent provenir des gens qui se déplacent d’une ferme à l’autre pour effectuer des livraisons ou des travaux d’entretien, ou pour vendre des fournitures. Il peut également y avoir des problèmes si les agriculteurs partagent des machines et déplacent du matériel d’un bâtiment à l’autre, car ils risquent ainsi de propager des maladies s’ils n’utilisent pas le type d’équipement de nettoyage dont le sénateur Plett a parlé. Il y a aussi le problème de la contamination croisée au sein d’une exploitation agricole, qui pourrait expliquer comment la grippe aviaire a fini par infecter des milliers de vaches laitières partout aux États-Unis.
En même temps, nous avons appris au sein de notre comité que l’application des protocoles de biosécurité au Canada est en grande partie volontaire. L’Agence canadienne d’inspection des aliments ne les applique pas. Il incombe aux groupes de producteurs de veiller à ce que les agriculteurs respectent de bons protocoles en matière de biorisques. Cependant, si les producteurs ne respectent pas ces règles, les groupes de producteurs ne peuvent imposer que des sanctions économiques ou sociales, et non des sanctions juridiques. Ne serait-il pas absurde d’avoir une loi qui impose des amendes énormes aux intrus qui entrent dans les exploitations agricoles, mais aucune amende du tout aux personnes dont la négligence pourrait, de façon beaucoup plus réaliste, provoquer une contagion?
Donc, après avoir entendu tous les témoignages, notre comité a accepté un amendement pour régler le problème. Il supprime les mots « sans autorisation ou excuse légitime » du premier article du projet de loi. Cela signifie que toute personne pourrait être poursuivie si elle pénètre dans un enclos ou si elle y introduit un animal ou une chose et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle expose les animaux à une maladie ou à une substance toxique. Cette personne pourrait être poursuivie si elle est une intruse, un exploitant agricole négligent ou un travailleur agricole négligent.
Cela ne signifie pas que l’on pourrait poursuivre un employé agricole malchanceux ou un travailleur étranger temporaire pour avoir commis une erreur innocente. La loi ne s’appliquerait toujours qu’aux personnes qui commettent des actes dont on peut « raisonnablement s’attendre » à ce qu’ils propagent des maladies. En effet, la loi protégerait les travailleurs agricoles, y compris les travailleurs étrangers temporaires économiquement vulnérables, en rendant leurs lieux de travail plus sûrs et plus sains ainsi qu’en réduisant le risque que des maladies se propagent à ceux qui gagnent leur vie en s’occupant du bétail.
Le sénateur Plett m’a demandé si je suis l’amie des agriculteurs. Si je me fie à l’expérience que j’ai acquise lorsque j’ai couvert l’éclosion d’encéphalopathie spongiforme bovine, je crois que mon désir de protéger le gagne-pain des agriculteurs fait de moi l’amie des agriculteurs. Le sénateur Plett sait pertinemment que lorsque j’ai dit que certaines choses ne sont pas notre problème, je ne parlais pas de la biosécurité dans les exploitations agricoles; je parlais des magouilles et des pitreries de l’autre endroit, qui elles, ne sont certainement pas notre problème.
Le comité a adopté cet amendement après sept réunions et 10 heures de témoignages de la part d’experts, d’éleveurs, de vétérinaires, de professeurs de droit, d’experts en maladies infectieuses et, oui, de défenseurs des droits des animaux. Nous n’avons pas pris cette décision à la légère ni parce que nous voulions marquer des points sur le plan idéologique ou politique. Nous l’avons fait parce que nous étions sincèrement préoccupés par la biosécurité dans les exploitations agricoles et parce que nous souhaitions contribuer à l’élaboration d’un projet de loi qui protège réellement les agriculteurs, les animaux d’élevage et la santé humaine.
Si nous votons contre ce rapport, non seulement nous priverons le projet de loi d’un amendement essentiel destiné à renforcer la santé et la sécurité publiques, mais nous éliminerons également une observation importante adoptée par notre comité. En effet, le comité a noté que le respect des protocoles de biosécurité en vigueur au Canada est une pratique actuellement volontaire et il exhorte le gouvernement et l’Agence canadienne d’inspection des aliments de revoir cette manière de faire.
Le fait pour le Sénat de rejeter le rapport d’un comité qui a travaillé longuement et durement sur ce projet de loi, en toute bonne foi et sans partisanerie, devrait être une mesure extraordinaire, réservée aux cas où un comité s’est quelque peu écarté des limites de son mandat ou a pris une décision peut-être sans disposer de tous les faits. Nous ne devrions pas créer un précédent en rejetant un rapport simplement parce que certains parlementaires n’ont pas aimé le résultat du travail d’un comité. Si l’on suit cette logique, nous pourrions réexaminer chaque décision de comité.
Je demande donc que nous acceptions ce rapport, que nous commencions le débat à l’étape de la troisième lecture comme il se doit, et que nous discutions de ces questions qui méritent d’être prises en considération dans cette enceinte, car nous sommes ici pour défendre les intérêts des agriculteurs et des Canadiens. Nous devons soumettre les projets de loi à un second examen objectif et remplir notre rôle en analysant les projets de loi d’initiative parlementaire et en les étudiant minutieusement comme il se doit, non seulement pour protéger les animaux d’élevage et les personnes qui travaillent dans les exploitations agricoles, mais aussi pour protéger la santé de toutes les personnes qui pourraient être vulnérables à certains virus. Merci. Hiy hiy.
L’honorable Brent Cotter Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sur le projet de loi C-275.
Je ne suis plus membre de ce comité bien-aimé, mais parfois surpeuplé, mais mon affection pour son travail n’a pas diminué. Je ne me considère pas comme un expert dans le domaine de l’agriculture, certainement pas en ce qui concerne la politique et la teneur du projet de loi C-275. Je lis, j’écoute et j’observe les décisions des autres sur ce projet de loi, en particulier à l’autre endroit.
Pour l’instant, en ce qui concerne le rapport, j’ai l’intention de limiter mes observations à la question de ceux qui ont proposé des amendements au projet de loi C-275 en s’appuyant sur un point essentiel, c’est-à-dire que le projet de loi initial portait sur les entrées par effraction et, par conséquent, qu’il s’agit d’une ingérence inconstitutionnelle dans la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils. Par conséquent, comme on nous l’a rapporté, il fallait apporter un amendement au projet de loi.
Je n’ai rien à dire sur les motivations ou l’utilisation de ce débat comme une sorte de ballon politique. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Mon argument principal sera que la question de la constitutionnalité est une interprétation erronée de la loi et du partage des pouvoirs prévu entre les ordres de gouvernements fédéral et provinciaux par la Constitution.
Je veux commencer par parler de la manière dont nous devrions réfléchir à ces questions d’inconstitutionnalité présumée, dont nous entendons parler assez régulièrement. En effet, vous vous souviendrez qu’en ce qui concerne presque toutes les mesures législatives qui nous sont soumises, le procureur général fournit un énoncé concernant la Charte — parfois utile, parfois moins utile — sur les questions d’inconstitutionnalité par rapport à la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, et ce n’est que légèrement lié à cette discussion, nous devrions également recevoir des énoncés du procureur général du Canada sur la question de la constitutionnalité en ce qui concerne le partage des pouvoirs, c’est-à-dire la principale question constitutionnelle qui a historiquement tourmenté notre pays et enrichi les constitutionnalistes.
Par principe, je pense que nous devons adopter la même approche à l’égard de ces questions que nous soyons favorables ou opposés à une mesure législative. En d’autres termes, nous ne devons pas aborder la question de manière opportuniste en fonction de nos intérêts particuliers du moment, pour ainsi dire. La Constitution du Canada mérite mieux que de servir d’outils à de tels arguments.
Une première approche consiste à accepter le point de vue de ceux qui disent que ces questions de constitutionnalité doivent être laissées aux tribunaux. C’est une approche certainement attrayante, mais je suis d’avis qu’elle est trop simpliste et, d’une certaine manière, indigne de nous. Nous avons tous prêté serment ou fait une affirmation solennelle, où nous nous sommes notamment engagés à respecter la Constitution du Canada. À tout le moins, cela ne signifie certainement pas que nous allons fermer les yeux sur la constitutionnalité de toute mesure législative que nous examinons au Sénat. Nous devons certainement aux Canadiens de pouvoir affirmer avec un certain degré de confiance qu’un projet de loi que nous proposons d’adopter semble répondre aux exigences de la loi la plus fondamentale de notre pays. Ne pas le faire, c’est assurément une abdication de responsabilité.
À l’opposé, nous ne sommes certainement pas tenus de confirmer avec certitude la constitutionnalité de tous les projets de loi que nous étudions. Les meilleurs constitutionnalistes eux-mêmes n’ont ni la capacité ni la volonté de le faire. Viser la perfection en matière de constitutionnalité serait à la fois ridicule et hors de notre portée. Nous nous situons donc entre ces deux extrêmes.
Voici quelques points à prendre en considération avant de passer aux questions concernant le projet de loi.
Il existe une présomption de constitutionnalité pour les projets de loi. Dans le cas des mesures présentées par le gouvernement, le procureur général fournit, comme je l’ai dit, des énoncés concernant la Charte, un type d’aval constitutionnel. Le procureur général a l’obligation légale d’être attentif à cet enjeu, surtout lorsqu’il existe un risque d’inconstitutionnalité relativement élevé, voire très élevé. Cette étape ne procure pas une certitude absolue, mais elle a de l’importance.
Cela ne signifie pas qu’il faut écarter une mesure législative s’il est possible de présenter des arguments convaincants selon lesquels elle serait inconstitutionnelle. Ce message, cette norme, ont été présentés par les constitutionnalistes qui ont témoigné devant le Comité de l’agriculture et des forêts.
La plupart des mesures législatives controversées se prêtent à des arguments convaincants selon lesquels elles seraient inconstitutionnelles. Ce n’est donc pas sur ce critère que nous devons nous fonder pour rejeter un projet de loi. Je dois dire, respectueusement, que cela placerait la barre à un niveau dangereusement bas. Ce n’est pas le seuil qu’utilise le procureur général du Canada.
Selon moi, nous devons donc tenter d’établir un seuil relativement élevé, qui ressemblerait à « une inconstitutionnalité au moins probable, voire très probable », ce qui s’approche davantage de la formulation qui guide le procureur général.
Il est essentiel d’avoir une norme immuable que nous devons adopter pour chaque mesure législative plutôt qu’une norme que nous modifions comme bon nous semble. Vous vous dites peut-être : « Eh bien, je ne suis pas constitutionnaliste. Comment le saurais-je? » C’est un argument valable. Cependant, comme pour tout dans cette enceinte, quand nous n’avons pas les connaissances ou les compétences requises — et je viens de parler de mes propres lacunes dans le domaine de l’agriculture —, nous écoutons attentivement, nous engageons des consultations et nous faisons de notre mieux.
Par conséquent, si ceci ou quelque chose d’approchant est la norme, penchons-nous sur la loi initiale et voyons si elle correspond à la norme de l’« inconstitutionnalité probable ». Le principal argument, c’est que l’interdiction de pénétrer sans excuse légitime dans une propriété où se trouvent des animaux est en réalité une intrusion et une ingérence dans les compétences des provinces. Le sénateur Plett et la sénatrice Simons ont posé des jalons utiles à cet égard. Un argument secondaire, c’est que le projet de loi prétend faire quelque chose qui relève de la compétence fédérale — créer une infraction fédérale —, mais qu’il vise en réalité à faire autre chose qui relève de la compétence provinciale et qu’il est par conséquent « spécieux » — c’est-à-dire qu’il s’agit d’un « contournement » inconstitutionnel, si l’on peut dire.
Mon premier argument, c’est que la loi interdit l’entrée dans un but précis, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. Le degré de gravité des conséquences fait l’objet d’un débat, mais quoi qu’il en soit, c’est là le problème. À première vue, il s’agit d’un exercice valide de la compétence fédérale en matière de droit pénal. J’en dirai davantage à ce sujet dans un instant.
Deuxièmement, les actes peuvent toucher plus d’un aspect sur le plan constitutionnel. Ici, l’acte d’intrusion est aussi considéré comme un crime. C’est le cas de nombreuses infractions liées à la conduite d’un véhicule, qui peuvent être considérées à la fois comme des infractions au Code de la route provincial et des infractions fédérales de conduite dangereuse ou de conduite avec facultés affaiblies. Le même acte pourrait être visé par deux lois légitimes. Un conducteur pourrait donc être accusé, par exemple, de conduite imprudente ou d’excès de vitesse en vertu d’une loi provinciale, mais aussi de conduite dangereuse en vertu d’une loi fédérale. Dans une telle situation, les deux lois — provinciale et fédérale — sont valides. Par conséquent, la mesure législative proposée n’invalide en aucune façon les lois provinciales sur l’intrusion. Elle tente d’établir, en fonction probablement du droit pénal, que le même comportement constitue une infraction criminelle. Comme je l’ai dit, dans ce contexte, les deux lois seraient valides.
Permettez-moi de vous donner un exemple convaincant, qui met en évidence quelques termes importants. Il s’agit du renvoi relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique, qui criminalise les tests génétiques obligatoires ainsi que l’utilisation non volontaire des résultats de tels tests, qui a fait l’objet d’un renvoi à la Cour suprême du Canada et qui a été jugée valide en droit pénal. Même si elle empiète incontestablement sur les compétences provinciales en matière de propriété et de droits civils, il s’agit d’une loi qui relève légitimement du droit pénal parce qu’elle représente un exercice valide du pouvoir en droit pénal, qui exige trois choses : primo, une interdiction; secundo, une peine; et tertio, qu’elle vise un intérêt public légitime comme la santé, l’ordre public, la sécurité, la moralité ou l’environnement.
Il y a plusieurs termes là-dedans, et vous pouvez faire votre choix, mais certains d’entre eux s’appliquent certainement à cette loi. Ensuite, en ce qui concerne les divers aspects, c’est ce qu’on constate dans le cas des tests génétiques. La question relève en partie des compétences provinciales en matière de santé, de propriété et de droits civils, et en partie du droit pénal. La loi sur les tests génétiques s’est occupée de ce dernier aspect. Les deux sont constitutionnels, ce qui devrait nous convaincre que le projet de loi C-275 ne doit pas être modifié pour des raisons constitutionnelles.
Je veux vous soumettre un autre argument dont la sénatrice Simons et moi avons discuté plus tôt et auquel elle a fait référence. Le projet de loi est incontestablement axé sur ce qui se passe dans les exploitations agricoles. C’est là toute sa raison d’être. Le projet de loi porte essentiellement sur l’agriculture. Sur le plan constitutionnel, le projet de loi C-275 est relatif à l’agriculture. C’est assez évident, et nous l’avons déjà reconnu. Où allons-nous renvoyer le projet de loi? Je sais qu’il l’appelle secrètement le « comité de Rob Black et ses amis », mais il s’agit du Comité de l’agriculture. C’est là que nous renvoyons les projets de loi qui portent — vous avez bien compris — sur l’agriculture. Vous vous demandez peut-être ce qu’il y a de si grave.
Voici ce qu’il en est. Quand on pense au partage des compétences entre le fédéral et les provinces, entre Ottawa et les provinces, on pense presque toujours aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle. Ce sont de longues listes, mais, que cela vous plaise ou non, nous devons y prêter attention parce que notre travail se limite à la liste prévue à l’article 91. C’est ainsi que c’est enseigné à la faculté de droit, et la plupart des grandes mesures constitutionnelles avant l’adoption de la Charte portaient sur ces deux articles de la Constitution.
Mais, comme la sénatrice Simons l’a indiqué, l’article 95 accorde au gouvernement fédéral des pouvoirs en matière d’agriculture. Il s’agit en effet d’une compétence concurrente avec les provinces, mais elle a un tel poids en cas de conflit que la Constitution stipule que la loi fédérale en matière d’agriculture l’emporte. En droit constitutionnel, on dira que ce pouvoir législatif est suprême.
En l’occurrence, il n’y a pas de conflit entre les lois fédérales et provinciales en matière d’agriculture, mais je pense que cela nous envoie un message assez puissant quant à la compétence fédérale en agriculture. En effet, la compétence fédérale en agriculture a tendance à porter davantage sur ce qui se passe à la ferme. Le problème, c’est qu’une fois que les aliments entrent dans la chaîne de distribution alimentaire, la question devient plus compliquée, mais il n’en demeure pas moins que l’on considère que l’activité agricole est surtout de compétence fédérale.
On peut aimer ou ne pas aimer le projet de loi C-275 dans sa forme initiale, même si, comme le sénateur Plett l’a indiqué — en volant mon observation à cet effet —, 278 députés l’ont aimé. Par contre, faire valoir qu’il était constitutionnel dans sa forme initiale est convaincant. La nécessité d’un amendement du comité pour en établir la constitutionnalité ne tient tout simplement pas la route.
Le projet de loi, dans la forme où on nous l’a envoyé, comportait une « ceinture » constitutionnelle, c’est-à-dire le droit pénal, et des « bretelles » à l’avenant, c’est-à-dire le domaine de l’agriculture. Comme si cela ne suffisait pas, et comme cela a déjà été souligné, le procureur général du Canada a voté pour ce projet de loi dans sa forme initiale à deux reprises, et c’est le parlementaire avec la plus grande obligation juridique officielle de faire respecter la constitutionnalité des lois — j’ai d’ailleurs écrit sur les cas où des procureurs généraux avaient échoué à cet égard, y compris un député du parti du sénateur Plett.
Merci beaucoup.
[Français]
Ils représentent des électeurs.
Ils représentent des électeurs. Nous ne les représentons pas. Qui représentons-nous? À qui devons-nous rendre des comptes? À qui êtes-vous redevables lorsque vous revenez dans votre région? Je sais à qui je dois rendre des comptes parce que je fais partie d’un caucus et j’en suis fier. Si vous ne faites pas partie d’un caucus, ce qui est tout à fait acceptable, à qui devez-vous rendre des comptes?
À eux-mêmes.
N’avez-vous de comptes à rendre à personne? Selon la sénatrice Simons, ce n’est pas notre faute et cela n’a pas d’importance. À qui devez-vous rendre des comptes? Vous n’en rendez à personne, parce que vous avez été nommé. Personne ne peut vous renvoyer du Sénat. Vous êtes ici. Certains d’entre nous doivent se montrer un peu plus prudents de crainte qu’on cherche à se débarrasser d’eux avant l’heure; cela s’est déjà fait. Heureusement, il ne me reste que huit mois. Je serais donc peut-être parti avant que quelque démarche que ce soit puisse aboutir, puisque le Sénat ne bouge pas très vite. Quoi qu’il en soit, chers collègues, nous avons tous des comptes à rendre à quelqu’un.
Peut-être que vous êtes indépendants. Peut-être que vous ne rendez pas de comptes au premier ministre ni au caucus libéral. Vous devez toutefois rendre des comptes à quelqu’un. Quels que soient leur intelligence, leurs activités ou leurs antécédents, comment 7 personnes peuvent-elles être plus intelligentes que les 278 personnes parmi lesquelles se trouve, soit dit en passant, l’homme qui vous a tous nommés ici? Que vous le vouliez ou non, c’est lui qui vous a nommés. Il a voté dans le bon sens sur ces deux projets de loi. Que ferez-vous?
Je dois insister sur ce point. L’amendement apporté au projet de loi C-275 ne reflète pas le rôle du Sénat, qui consiste à effectuer un second examen objectif afin d’améliorer les projets de loi qui nous sont renvoyés par l’autre Chambre. Étant donné que cet amendement a déjà été examiné par l’autre endroit et rejeté, le proposer de nouveau dans cette enceinte est contraire à la volonté clairement exprimée par les élus de la Chambre des communes.
C’est le genre de comportement qui alimente le cynisme par rapport à l’utilité et au rôle du Sénat. Honorables sénateurs, c’est ce genre de choses qui poussent des gens à demander l’abolition de cette institution, lorsqu’on ne tient pas compte de la volonté du peuple et qu’on fait fi des intentions clairement exprimées par ses représentants élus.
J’ai défendu notre institution avec autant d’ardeur que n’importe qui dans cette enceinte, mais c’est le genre de choses qui peuvent amener n’importe qui à croire que, si c’est ce que le Sénat a de mieux à offrir, il vaudrait mieux qu’on l’abolisse. Si le Sénat décide de suivre cette voie, alors pour bien des Canadiens, nous correspondrons parfaitement à la description qu’un sénateur a faite de cette institution en disant que ce n’est pas la Chambre de second examen objectif, mais plutôt la Chambre de second examen enivré. C’est ce qui arrivera si on suit cette voie, honorables collègues.
Chers collègues, je vous exhorte, vous implore et vous supplie de soutenir le secteur agricole. Si nous avons pu adopter deux projets de loi aujourd’hui, c’est parce que certains d’entre nous ne se souciaient pas de savoir si c’était un sénateur indépendant ou un libéral qui les avaient présentés; ce qui nous importait, c’était le contenu de ces projets de loi. Il y a à peine deux jours, nous avons adopté deux projets de loi, ceux du sénateur Colin Deacon et du sénateur Leo Housakos, parce que nous ne nous souciions pas de savoir qui avait présenté ces projets de loi; ce qui nous importait, c’est le sort du Canada. Ce n’est pas ce qui se passe cette fois, chers collègues. Les gens regardent qui est le parrain du projet de loi et qui est le porte-parole et ils se disent :
Si le sénateur Plett fait un discours de 40 minutes, alors je vais voter contre le projet de loi. Ce n’est pas que je suis contre le projet de loi, mais, mon Dieu, il s’acharne contre moi depuis tellement longtemps que, maintenant, je suis en colère contre lui. Je vais voter contre son projet de loi, c’est certain.
Je voterai pour vous.
Merci.
Chers collègues, je vous exhorte à faire le bon choix aujourd’hui, à soutenir les producteurs canadiens et à faire preuve de solidarité envers eux et ceux qui les soutiennent. Rejetons le rapport du comité sur le projet de loi C-275 et rétablissons le projet de loi tel qu’il était lorsque la grande majorité de la Chambre des communes l’a appuyé et l’a adopté à l’étape de la troisième lecture.
Merci, chers collègues.
Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?
Si le sénateur promet d’être bienveillant envers moi, oui.
Sénateur Plett, une chose m’intrigue. Il semble que des questions constitutionnelles aient été soulevées, et pourtant, il semble que l’ensemble du Cabinet libéral ait appuyé cette mesure. Je suppose que cela incluait probablement le ministre de la Justice. J’aimerais en savoir plus à ce sujet.
Au cours de l’année écoulée, nous avons malheureusement été témoins à plusieurs reprises, comme vous y avez fait allusion, de situations où les membres des comités du Sénat ont vidé de leur substance des projets de loi qui avaient été adoptés par la Chambre des communes. Je pense au projet de loi C-234, l’exemption de la taxe sur le carbone pour les agriculteurs; au projet de loi C-275, qui porte sur la biosécurité dans les exploitations agricoles; et au projet de loi C-280, la Loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais. Tous ces projets de loi aideraient les agriculteurs canadiens, et tous ces projets de loi ont été présentés à la Chambre des communes par des députés conservateurs, mais je suis sûre que ce n’est qu’une coïncidence.
Sénateur Plett, je suis une sénatrice de la Saskatchewan, le cœur agricole du Canada, ou le grenier du Canada, comme on l’appelle souvent. Défendre les intérêts des habitants de ma province, la Saskatchewan, est un élément clé de mon travail. J’entends régulièrement des agriculteurs dire à quel point ces projets de loi sont importants pour leur subsistance, ce que vous entendez aussi, dites-vous, de la part des Manitobains.
Les sénateurs qui vident de leur substance ces projets de loi importants qui concernent l’agriculture se rendent-ils compte des répercussions profondément négatives de leurs actes pour les agriculteurs canadiens?
Je vous remercie beaucoup pour cette question. Je dois m’inscrire en faux avec vous sur un point : je pense que le cœur agricole de notre pays est le Manitoba, mais laissons ce débat à notre propre caucus la semaine prochaine.
Sénatrice Batters, vous avez totalement raison de dire que ce n’est que pur hasard si ce sont tous des projets de loi conservateurs. Il s’agit de projets de loi dont j’ai parlé, bien entendu. Même si je ne suis pas d’accord, je comprends qu’au bout du compte, le Cabinet a fortement insisté au sujet du projet de loi C-234. Le leader du gouvernement au Sénat a fortement insisté pour que ce projet de loi d’initiative parlementaire soit rejeté, comme il le fait lorsque cela lui convient, mais il ne s’en mêle pas lorsque le moment ne lui convient pas. Dans ce cas précis, toutefois, il a su trouver l’énergie nécessaire.
Je peux comprendre pourquoi le sénateur Dalphond, qui a été un libéral pur et dur toute sa vie, voudrait soutenir cette initiative, car le Cabinet libéral lui a dit : « Nous devons agir ainsi. »
Vous avez tout à fait raison de dire qu’il y a presque eu unanimité. En fait, en ce qui concerne le projet de loi C-280, une sénatrice n’a pas voté. Elle a dit que c’était parce qu’un électeur ne voulait pas qu’elle vote, alors elle n’a pas voté. Je vais la laisser rendre des comptes à ce sujet. Mais tous les autres ont voté, y compris le premier ministre et même le ministre de la Justice.
Comme vous le savez, je ne suis pas un constitutionnaliste. Cependant, certains constitutionnalistes et professeurs m’ont promis qu’ils auraient peut-être quelques mots à dire à ce sujet, et je suis impatient d’entendre ce qu’ils ont à dire. De surcroît, j’ai demandé au témoin que le gouvernement a envoyé ici — le constitutionnaliste — s’il avait conseillé le gouvernement, et il a répondu par l’affirmative. Je ne lui ai pas demandé de préciser ce qu’il avait dit au gouvernement, mais il a clairement indiqué au gouvernement qu’il pensait que le projet de loi était constitutionnel. Je ne pense pas que le ministre de la Justice aurait voté en faveur d’un projet de loi s’il croyait qu’il ne résisterait pas à une contestation constitutionnelle.
J’espère que cela répond à vos questions, sénatrice Batters.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape du rapport sur le projet de loi C-275, Loi modifiant la Loi sur la santé des animaux (biosécurité dans les exploitations agricoles).
Puisque nous avons tous les yeux rivés sur les États-Unis ce soir, je commencerai par quelques nouvelles en provenance des États-Unis concernant le virus H5N1, ou grippe aviaire A. Comme son nom l’indique, la maladie se propage principalement chez les oiseaux. Il s’agit de volailles d’élevage et d’oiseaux sauvages tels que les oiseaux aquatiques, les oiseaux du littoral et les rapaces.
Toutefois, aux États-Unis, il est inquiétant de constater que la maladie a franchi la barrière des espèces. Cette souche de grippe aviaire infecte désormais les vaches laitières américaines. Elle a été détectée dans plus de 400 troupeaux de vaches laitières dans 14 États. Aujourd’hui, la grippe aviaire est tellement présente dans l’approvisionnement en lait que Tom Vilsack, le secrétaire américain à l’Agriculture, a informé la presse cette semaine que le département américain de l’Agriculture était sur le point de commencer à tester le lait cru en vrac pour y déceler des signes du virus.
Je suis heureuse de pouvoir dire que la pasteurisation tue la maladie, mais, aux États-Unis, la consommation de lait cru fait actuellement l’objet d’un engouement politique important, ce qui inquiète les autorités américaines quant aux vecteurs d’infection humaine.
La semaine dernière, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis avaient recensé 36 cas de personnes infectées par cette souche de grippe aviaire; la quasi-totalité d’entre elles étaient des travailleurs agricoles, principalement dans les États de Washington et de Californie. Certains travaillaient dans le secteur de la volaille, d’autres dans des exploitations laitières.
Si la grippe aviaire est mortelle pour les oiseaux, jusqu’à maintenant, les humains infectés ont rapporté des symptômes relativement bénins : des symptômes touchant les voies respiratoires supérieures et une inflammation des yeux. Personne n’a été hospitalisé, et il n’y a eu aucun décès. Jusqu’à présent, je suis heureuse de pouvoir dire qu’aucune infection n’a été signalée au Canada que ce soit chez la vache ou l’humain.
Toutefois, la propagation de ce variant de la grippe, qui a franchi avec tant d’agilité la barrière des espèces, devrait nous inciter à nous pencher sur la question. En effet, des experts s’inquiètent que si ce variant de la grippe réussissait à mélanger son matériel génétique avec les souches plus typiques de la grippe automnale — par exemple, chez un ouvrier agricole infecté par les deux virus en même temps —, nous pourrions nous retrouver dans une situation beaucoup plus préoccupante.
Je suis d’accord avec le sénateur Plett : les préoccupations relatives à la biosécurité dans les exploitations agricoles sont bien réelles. Nous devons protéger non seulement les troupeaux, mais aussi les agriculteurs et les travailleurs agricoles — et tout le monde — contre la propagation d’infections qui peuvent anéantir le bétail et les moyens de subsistance des agriculteurs, en plus de risquer de déclencher une nouvelle pandémie.
La grippe aviaire est loin d’être le seul agent pathogène qui représente un risque pour les personnes et les animaux. Nous parlons de toutes sortes de maladies, que ce soit la maladie de Carré, la peste porcine africaine, la fièvre aphteuse, la tuberculose bovine, ou même la COVID-19, que les visons des fermes d’animaux à fourrure peuvent attraper et transmettre.
Il y a des années, en tant que journaliste, j’ai couvert la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine en Alberta — également connue sous le nom de maladie de la vache folle — qui a interrompu les exportations de viande bovine de l’Alberta et décimé les rangs des producteurs. Même si la maladie n’a touché qu’une poignée de vaches, la peur de la maladie a dévasté notre industrie bovine, qui a mis des années à s’en remettre.
Parlons donc de la biosécurité dans les exploitations agricoles et de ce que le projet de loi C-275 fait et ne fait pas pour la promouvoir.
Dans sa forme originale et non amendée, le projet de loi se concentrait presque entièrement sur les intrus, dans le but de dissuader les défenseurs des droits des animaux de pénétrer dans les exploitations agricoles et de perturber leurs activités.
Selon les termes du projet de loi initial, toute personne qui pénètre dans un bâtiment ou un autre lieu clos où des animaux sont gardés, sans autorisation ou excuse légitime, pourrait se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 $ conformément à la Loi sur la santé des animaux, si le fait de pénétrer dans un tel lieu ou d’y prendre un animal ou un objet pouvait raisonnablement exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique. La personne peut également être condamnée à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Une organisation reconnue coupable d’un acte criminel aux termes de la loi est quant à elle passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 $.
Au Canada, la loi contre l’intrusion relève de la compétence des provinces, et les amendes pour entrée illégale varient d’une province à l’autre, entre 5 000 $ et 10 000 $. Elles peuvent atteindre un maximum de 25 000 $ en cas de récidive.
John Barlow, le député albertain qui a parrainé ce projet de loi, a indiqué clairement ce qui le décourage au sujet de ces sanctions. Voici ce qu’il a dit à notre comité le printemps dernier lorsqu’il s’est plaint que les lois provinciales en vigueur n’en faisaient pas assez pour contrer les militants pour les droits des animaux et leurs campagnes de financement :
[Je] pense que les lois actuelles sur l’entrée sans autorisation ne sont pas suffisamment sévères. L’année dernière, aux États-Unis, ces groupes ont généré plus de 80 millions de dollars grâce aux vidéos et autres contenus qu’ils diffusent en ligne. Par conséquent, sans amendes dissuasives, il n’y a réellement aucun moyen financier d’empêcher cela.
Autrement dit, il se souciait non pas de la biosécurité, mais des relations publiques.
Les exploitations agricoles sont des lieux de travail particuliers, car, dans bien des cas, les familles qui les exploitent habitent aussi sur place. Je ne peux pas imaginer à quel point il serait troublant et déroutant pour une famille agricole de se réveiller au milieu de la nuit et de trouver des militants politiques sur son terrain.
Dans les régions rurales, le délai d’intervention de la police pose aussi un réel problème. Je sais que, dans les Prairies, où les fermes sont immenses et souvent loin des détachements de la GRC, beaucoup de gens se sentent impuissants face aux intrus qui viennent sur leur terrain, que ce soit pour manifester ou simplement pour commettre un vol.
Ayant été journaliste pendant longtemps, je suis favorable à la liberté de presse. Je suis consciente du rôle important des dénonciateurs dans la société. Les militants des droits des animaux peuvent faire valoir, à juste titre, que des intrusions dans des exploitations agricoles ont permis de révéler des cas troublants de maltraitance et de négligence envers les animaux.
Néanmoins, je pense que les personnes qui commettent une intrusion illicite dans une optique de désobéissance civile, même avec les intentions les plus nobles, doivent s’exposer à des sanctions appropriées, y compris à des accusations d’introduction par effraction conformément au Code criminel, pourvu que de telles accusations soient justifiées et puissent s’appliquer. Cependant, comme l’a reconnu le sénateur Plett, le régime d’amendes prévu dans le projet de loi C-275 est tellement disproportionné qu’il en est absurde.
Je répète que l’intrusion relève de la compétence des provinces. En essayant de créer une autre loi parallèle sur l’intrusion, le projet de loi C-275 risque, comme certains témoins l’ont dit, d’empiéter sur la compétence des provinces.
Je vais citer un des témoignages entendus par le comité, celui d’Angela Fernandez, professeure de la Faculté de droit de l’Université de Toronto :
Le fait que le projet de loi cible exclusivement les intrus pose deux problèmes. D’abord, si l’objectif du projet de loi est d’agir contre les intrus qui pénètrent dans les exploitations agricoles, alors son titre est trompeur; le projet de loi ne concerne pas vraiment la biosécurité dans les exploitations agricoles. Vous pensez peut-être que la disparité entre le titre et le fond du projet de loi a peu d’importance. Or en droit constitutionnel, quand le fond d’une loi ne concorde pas avec son objet et son effet, on dit parfois qu’il y a détournement de l’objet de la loi. C’est ce qu’on appelle la théorie du « détournement de pouvoir ».
Cette théorie de droit constitutionnel décrit spécifiquement une situation où une loi qui semble porter sur un sujet particulier porte en réalité sur un autre sujet. Cela pose problème lorsque le sujet ne relève pas de la compétence du gouvernement qui adopte la loi — en l’occurrence, le gouvernement fédéral.
Or, il faut bien comprendre que l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 partage très clairement les compétences en matière d’agriculture entre les provinces et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a tout à fait le droit de s’impliquer dans les questions qui concernent l’agriculture, ce qui comprend la Loi sur la santé des animaux. Cependant, regardons ce que cherche réellement à accomplir le projet de loi C-275.
Le projet de loi initial ne se limiterait pas aux manifestants qui défendent les droits des animaux et dont les objectifs politiques sont justes. Interprété au sens large, il pourrait s’appliquer à toute personne qui aboutit sur une propriété agricole, même si elle s’y trouvait pour une raison relativement anodine, comme la chasse ou la motoneige, ou pour une raison plus répréhensible, comme un vol pur et simple. Autrement dit, le projet de loi, dans sa version originale, pourrait mener à des sanctions extraordinaires contre toutes sortes d’intrus sous le prétexte de la biosécurité.
Si elles le souhaitent, les provinces ont certainement le pouvoir d’imposer des amendes plus élevées en cas d’intrusion pour protéger les propriétaires ruraux. Toutefois, il est malhonnête de prétendre que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, porte principalement sur la biosécurité parce que, même si on fait abstraction du débat constitutionnel, le projet de loi C-275, tel qu’il a été présenté à notre comité, constitue une politique publique mal conçue.
Mes amis, il n’y a jamais eu de cas confirmé au Canada de maladie animale propagée et transportée par des manifestants — jamais. Même dans le seul cas cité par le sénateur Plett, dans le comté de Sonoma, en Californie, on a conclu que les intrus étaient un vecteur plausible. On a également conclu que la région était riche en oiseaux de rivage et en sauvagines, qui auraient également pu être à l’origine de la contamination.
Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de cas confirmé de maladie animale véhiculée et propagée par des manifestants au Canada? Eh bien, il y a deux raisons évidentes. La première est que les manifestations dans les exploitations agricoles sont plutôt rares : il s’agit de cas isolés. La deuxième est que les manifestants, qui sont en grande partie des citadins, ne risquent pas de propager un agent pathogène provenant d’une exploitation agricole quand ils se rendent dans une ferme. Si vous ou moi allions manifester dans une ferme, il est peu probable que des agents pathogènes dangereux pour le bétail se trouvent sur nos chaussures, nos vêtements ou nos pneus de voiture.
Comme vous pouvez l’imaginer, les risques les plus importants sont plus banals. Ils peuvent provenir des gens qui se déplacent d’une ferme à l’autre pour effectuer des livraisons ou des travaux d’entretien, ou pour vendre des fournitures. Il peut également y avoir des problèmes si les agriculteurs partagent des machines et déplacent du matériel d’un bâtiment à l’autre, car ils risquent ainsi de propager des maladies s’ils n’utilisent pas le type d’équipement de nettoyage dont le sénateur Plett a parlé. Il y a aussi le problème de la contamination croisée au sein d’une exploitation agricole, qui pourrait expliquer comment la grippe aviaire a fini par infecter des milliers de vaches laitières partout aux États-Unis.
En même temps, nous avons appris au sein de notre comité que l’application des protocoles de biosécurité au Canada est en grande partie volontaire. L’Agence canadienne d’inspection des aliments ne les applique pas. Il incombe aux groupes de producteurs de veiller à ce que les agriculteurs respectent de bons protocoles en matière de biorisques. Cependant, si les producteurs ne respectent pas ces règles, les groupes de producteurs ne peuvent imposer que des sanctions économiques ou sociales, et non des sanctions juridiques. Ne serait-il pas absurde d’avoir une loi qui impose des amendes énormes aux intrus qui entrent dans les exploitations agricoles, mais aucune amende du tout aux personnes dont la négligence pourrait, de façon beaucoup plus réaliste, provoquer une contagion?
Donc, après avoir entendu tous les témoignages, notre comité a accepté un amendement pour régler le problème. Il supprime les mots « sans autorisation ou excuse légitime » du premier article du projet de loi. Cela signifie que toute personne pourrait être poursuivie si elle pénètre dans un enclos ou si elle y introduit un animal ou une chose et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle expose les animaux à une maladie ou à une substance toxique. Cette personne pourrait être poursuivie si elle est une intruse, un exploitant agricole négligent ou un travailleur agricole négligent.
Cela ne signifie pas que l’on pourrait poursuivre un employé agricole malchanceux ou un travailleur étranger temporaire pour avoir commis une erreur innocente. La loi ne s’appliquerait toujours qu’aux personnes qui commettent des actes dont on peut « raisonnablement s’attendre » à ce qu’ils propagent des maladies. En effet, la loi protégerait les travailleurs agricoles, y compris les travailleurs étrangers temporaires économiquement vulnérables, en rendant leurs lieux de travail plus sûrs et plus sains ainsi qu’en réduisant le risque que des maladies se propagent à ceux qui gagnent leur vie en s’occupant du bétail.
Le sénateur Plett m’a demandé si je suis l’amie des agriculteurs. Si je me fie à l’expérience que j’ai acquise lorsque j’ai couvert l’éclosion d’encéphalopathie spongiforme bovine, je crois que mon désir de protéger le gagne-pain des agriculteurs fait de moi l’amie des agriculteurs. Le sénateur Plett sait pertinemment que lorsque j’ai dit que certaines choses ne sont pas notre problème, je ne parlais pas de la biosécurité dans les exploitations agricoles; je parlais des magouilles et des pitreries de l’autre endroit, qui elles, ne sont certainement pas notre problème.
Le comité a adopté cet amendement après sept réunions et 10 heures de témoignages de la part d’experts, d’éleveurs, de vétérinaires, de professeurs de droit, d’experts en maladies infectieuses et, oui, de défenseurs des droits des animaux. Nous n’avons pas pris cette décision à la légère ni parce que nous voulions marquer des points sur le plan idéologique ou politique. Nous l’avons fait parce que nous étions sincèrement préoccupés par la biosécurité dans les exploitations agricoles et parce que nous souhaitions contribuer à l’élaboration d’un projet de loi qui protège réellement les agriculteurs, les animaux d’élevage et la santé humaine.
Si nous votons contre ce rapport, non seulement nous priverons le projet de loi d’un amendement essentiel destiné à renforcer la santé et la sécurité publiques, mais nous éliminerons également une observation importante adoptée par notre comité. En effet, le comité a noté que le respect des protocoles de biosécurité en vigueur au Canada est une pratique actuellement volontaire et il exhorte le gouvernement et l’Agence canadienne d’inspection des aliments de revoir cette manière de faire.
Le fait pour le Sénat de rejeter le rapport d’un comité qui a travaillé longuement et durement sur ce projet de loi, en toute bonne foi et sans partisanerie, devrait être une mesure extraordinaire, réservée aux cas où un comité s’est quelque peu écarté des limites de son mandat ou a pris une décision peut-être sans disposer de tous les faits. Nous ne devrions pas créer un précédent en rejetant un rapport simplement parce que certains parlementaires n’ont pas aimé le résultat du travail d’un comité. Si l’on suit cette logique, nous pourrions réexaminer chaque décision de comité.
Je demande donc que nous acceptions ce rapport, que nous commencions le débat à l’étape de la troisième lecture comme il se doit, et que nous discutions de ces questions qui méritent d’être prises en considération dans cette enceinte, car nous sommes ici pour défendre les intérêts des agriculteurs et des Canadiens. Nous devons soumettre les projets de loi à un second examen objectif et remplir notre rôle en analysant les projets de loi d’initiative parlementaire et en les étudiant minutieusement comme il se doit, non seulement pour protéger les animaux d’élevage et les personnes qui travaillent dans les exploitations agricoles, mais aussi pour protéger la santé de toutes les personnes qui pourraient être vulnérables à certains virus. Merci. Hiy hiy.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts sur le projet de loi C-275.
Je ne suis plus membre de ce comité bien-aimé, mais parfois surpeuplé, mais mon affection pour son travail n’a pas diminué. Je ne me considère pas comme un expert dans le domaine de l’agriculture, certainement pas en ce qui concerne la politique et la teneur du projet de loi C-275. Je lis, j’écoute et j’observe les décisions des autres sur ce projet de loi, en particulier à l’autre endroit.
Pour l’instant, en ce qui concerne le rapport, j’ai l’intention de limiter mes observations à la question de ceux qui ont proposé des amendements au projet de loi C-275 en s’appuyant sur un point essentiel, c’est-à-dire que le projet de loi initial portait sur les entrées par effraction et, par conséquent, qu’il s’agit d’une ingérence inconstitutionnelle dans la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils. Par conséquent, comme on nous l’a rapporté, il fallait apporter un amendement au projet de loi.
Je n’ai rien à dire sur les motivations ou l’utilisation de ce débat comme une sorte de ballon politique. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Mon argument principal sera que la question de la constitutionnalité est une interprétation erronée de la loi et du partage des pouvoirs prévu entre les ordres de gouvernements fédéral et provinciaux par la Constitution.
Je veux commencer par parler de la manière dont nous devrions réfléchir à ces questions d’inconstitutionnalité présumée, dont nous entendons parler assez régulièrement. En effet, vous vous souviendrez qu’en ce qui concerne presque toutes les mesures législatives qui nous sont soumises, le procureur général fournit un énoncé concernant la Charte — parfois utile, parfois moins utile — sur les questions d’inconstitutionnalité par rapport à la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, et ce n’est que légèrement lié à cette discussion, nous devrions également recevoir des énoncés du procureur général du Canada sur la question de la constitutionnalité en ce qui concerne le partage des pouvoirs, c’est-à-dire la principale question constitutionnelle qui a historiquement tourmenté notre pays et enrichi les constitutionnalistes.
Par principe, je pense que nous devons adopter la même approche à l’égard de ces questions que nous soyons favorables ou opposés à une mesure législative. En d’autres termes, nous ne devons pas aborder la question de manière opportuniste en fonction de nos intérêts particuliers du moment, pour ainsi dire. La Constitution du Canada mérite mieux que de servir d’outils à de tels arguments.
Une première approche consiste à accepter le point de vue de ceux qui disent que ces questions de constitutionnalité doivent être laissées aux tribunaux. C’est une approche certainement attrayante, mais je suis d’avis qu’elle est trop simpliste et, d’une certaine manière, indigne de nous. Nous avons tous prêté serment ou fait une affirmation solennelle, où nous nous sommes notamment engagés à respecter la Constitution du Canada. À tout le moins, cela ne signifie certainement pas que nous allons fermer les yeux sur la constitutionnalité de toute mesure législative que nous examinons au Sénat. Nous devons certainement aux Canadiens de pouvoir affirmer avec un certain degré de confiance qu’un projet de loi que nous proposons d’adopter semble répondre aux exigences de la loi la plus fondamentale de notre pays. Ne pas le faire, c’est assurément une abdication de responsabilité.
À l’opposé, nous ne sommes certainement pas tenus de confirmer avec certitude la constitutionnalité de tous les projets de loi que nous étudions. Les meilleurs constitutionnalistes eux-mêmes n’ont ni la capacité ni la volonté de le faire. Viser la perfection en matière de constitutionnalité serait à la fois ridicule et hors de notre portée. Nous nous situons donc entre ces deux extrêmes.
Voici quelques points à prendre en considération avant de passer aux questions concernant le projet de loi.
Il existe une présomption de constitutionnalité pour les projets de loi. Dans le cas des mesures présentées par le gouvernement, le procureur général fournit, comme je l’ai dit, des énoncés concernant la Charte, un type d’aval constitutionnel. Le procureur général a l’obligation légale d’être attentif à cet enjeu, surtout lorsqu’il existe un risque d’inconstitutionnalité relativement élevé, voire très élevé. Cette étape ne procure pas une certitude absolue, mais elle a de l’importance.
Cela ne signifie pas qu’il faut écarter une mesure législative s’il est possible de présenter des arguments convaincants selon lesquels elle serait inconstitutionnelle. Ce message, cette norme, ont été présentés par les constitutionnalistes qui ont témoigné devant le Comité de l’agriculture et des forêts.
La plupart des mesures législatives controversées se prêtent à des arguments convaincants selon lesquels elles seraient inconstitutionnelles. Ce n’est donc pas sur ce critère que nous devons nous fonder pour rejeter un projet de loi. Je dois dire, respectueusement, que cela placerait la barre à un niveau dangereusement bas. Ce n’est pas le seuil qu’utilise le procureur général du Canada.
Selon moi, nous devons donc tenter d’établir un seuil relativement élevé, qui ressemblerait à « une inconstitutionnalité au moins probable, voire très probable », ce qui s’approche davantage de la formulation qui guide le procureur général.
Il est essentiel d’avoir une norme immuable que nous devons adopter pour chaque mesure législative plutôt qu’une norme que nous modifions comme bon nous semble. Vous vous dites peut-être : « Eh bien, je ne suis pas constitutionnaliste. Comment le saurais-je? » C’est un argument valable. Cependant, comme pour tout dans cette enceinte, quand nous n’avons pas les connaissances ou les compétences requises — et je viens de parler de mes propres lacunes dans le domaine de l’agriculture —, nous écoutons attentivement, nous engageons des consultations et nous faisons de notre mieux.
Par conséquent, si ceci ou quelque chose d’approchant est la norme, penchons-nous sur la loi initiale et voyons si elle correspond à la norme de l’« inconstitutionnalité probable ». Le principal argument, c’est que l’interdiction de pénétrer sans excuse légitime dans une propriété où se trouvent des animaux est en réalité une intrusion et une ingérence dans les compétences des provinces. Le sénateur Plett et la sénatrice Simons ont posé des jalons utiles à cet égard. Un argument secondaire, c’est que le projet de loi prétend faire quelque chose qui relève de la compétence fédérale — créer une infraction fédérale —, mais qu’il vise en réalité à faire autre chose qui relève de la compétence provinciale et qu’il est par conséquent « spécieux » — c’est-à-dire qu’il s’agit d’un « contournement » inconstitutionnel, si l’on peut dire.
Mon premier argument, c’est que la loi interdit l’entrée dans un but précis, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. Le degré de gravité des conséquences fait l’objet d’un débat, mais quoi qu’il en soit, c’est là le problème. À première vue, il s’agit d’un exercice valide de la compétence fédérale en matière de droit pénal. J’en dirai davantage à ce sujet dans un instant.
Deuxièmement, les actes peuvent toucher plus d’un aspect sur le plan constitutionnel. Ici, l’acte d’intrusion est aussi considéré comme un crime. C’est le cas de nombreuses infractions liées à la conduite d’un véhicule, qui peuvent être considérées à la fois comme des infractions au Code de la route provincial et des infractions fédérales de conduite dangereuse ou de conduite avec facultés affaiblies. Le même acte pourrait être visé par deux lois légitimes. Un conducteur pourrait donc être accusé, par exemple, de conduite imprudente ou d’excès de vitesse en vertu d’une loi provinciale, mais aussi de conduite dangereuse en vertu d’une loi fédérale. Dans une telle situation, les deux lois — provinciale et fédérale — sont valides. Par conséquent, la mesure législative proposée n’invalide en aucune façon les lois provinciales sur l’intrusion. Elle tente d’établir, en fonction probablement du droit pénal, que le même comportement constitue une infraction criminelle. Comme je l’ai dit, dans ce contexte, les deux lois seraient valides.
Permettez-moi de vous donner un exemple convaincant, qui met en évidence quelques termes importants. Il s’agit du renvoi relatif à la Loi sur la non-discrimination génétique, qui criminalise les tests génétiques obligatoires ainsi que l’utilisation non volontaire des résultats de tels tests, qui a fait l’objet d’un renvoi à la Cour suprême du Canada et qui a été jugée valide en droit pénal. Même si elle empiète incontestablement sur les compétences provinciales en matière de propriété et de droits civils, il s’agit d’une loi qui relève légitimement du droit pénal parce qu’elle représente un exercice valide du pouvoir en droit pénal, qui exige trois choses : primo, une interdiction; secundo, une peine; et tertio, qu’elle vise un intérêt public légitime comme la santé, l’ordre public, la sécurité, la moralité ou l’environnement.
Il y a plusieurs termes là-dedans, et vous pouvez faire votre choix, mais certains d’entre eux s’appliquent certainement à cette loi. Ensuite, en ce qui concerne les divers aspects, c’est ce qu’on constate dans le cas des tests génétiques. La question relève en partie des compétences provinciales en matière de santé, de propriété et de droits civils, et en partie du droit pénal. La loi sur les tests génétiques s’est occupée de ce dernier aspect. Les deux sont constitutionnels, ce qui devrait nous convaincre que le projet de loi C-275 ne doit pas être modifié pour des raisons constitutionnelles.
Je veux vous soumettre un autre argument dont la sénatrice Simons et moi avons discuté plus tôt et auquel elle a fait référence. Le projet de loi est incontestablement axé sur ce qui se passe dans les exploitations agricoles. C’est là toute sa raison d’être. Le projet de loi porte essentiellement sur l’agriculture. Sur le plan constitutionnel, le projet de loi C-275 est relatif à l’agriculture. C’est assez évident, et nous l’avons déjà reconnu. Où allons-nous renvoyer le projet de loi? Je sais qu’il l’appelle secrètement le « comité de Rob Black et ses amis », mais il s’agit du Comité de l’agriculture. C’est là que nous renvoyons les projets de loi qui portent — vous avez bien compris — sur l’agriculture. Vous vous demandez peut-être ce qu’il y a de si grave.
Voici ce qu’il en est. Quand on pense au partage des compétences entre le fédéral et les provinces, entre Ottawa et les provinces, on pense presque toujours aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle. Ce sont de longues listes, mais, que cela vous plaise ou non, nous devons y prêter attention parce que notre travail se limite à la liste prévue à l’article 91. C’est ainsi que c’est enseigné à la faculté de droit, et la plupart des grandes mesures constitutionnelles avant l’adoption de la Charte portaient sur ces deux articles de la Constitution.
Mais, comme la sénatrice Simons l’a indiqué, l’article 95 accorde au gouvernement fédéral des pouvoirs en matière d’agriculture. Il s’agit en effet d’une compétence concurrente avec les provinces, mais elle a un tel poids en cas de conflit que la Constitution stipule que la loi fédérale en matière d’agriculture l’emporte. En droit constitutionnel, on dira que ce pouvoir législatif est suprême.
En l’occurrence, il n’y a pas de conflit entre les lois fédérales et provinciales en matière d’agriculture, mais je pense que cela nous envoie un message assez puissant quant à la compétence fédérale en agriculture. En effet, la compétence fédérale en agriculture a tendance à porter davantage sur ce qui se passe à la ferme. Le problème, c’est qu’une fois que les aliments entrent dans la chaîne de distribution alimentaire, la question devient plus compliquée, mais il n’en demeure pas moins que l’on considère que l’activité agricole est surtout de compétence fédérale.
On peut aimer ou ne pas aimer le projet de loi C-275 dans sa forme initiale, même si, comme le sénateur Plett l’a indiqué — en volant mon observation à cet effet —, 278 députés l’ont aimé. Par contre, faire valoir qu’il était constitutionnel dans sa forme initiale est convaincant. La nécessité d’un amendement du comité pour en établir la constitutionnalité ne tient tout simplement pas la route.
Le projet de loi, dans la forme où on nous l’a envoyé, comportait une « ceinture » constitutionnelle, c’est-à-dire le droit pénal, et des « bretelles » à l’avenant, c’est-à-dire le domaine de l’agriculture. Comme si cela ne suffisait pas, et comme cela a déjà été souligné, le procureur général du Canada a voté pour ce projet de loi dans sa forme initiale à deux reprises, et c’est le parlementaire avec la plus grande obligation juridique officielle de faire respecter la constitutionnalité des lois — j’ai d’ailleurs écrit sur les cas où des procureurs généraux avaient échoué à cet égard, y compris un député du parti du sénateur Plett.
Merci beaucoup.
Merci de m’accorder ce temps de parole. J’ai décidé de prendre la parole aujourd’hui à la fois comme membre du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, mais aussi comme ancienne présidente d’une commission qui s’est occupée pendant de nombreuses années de santé et de sécurité des travailleurs. Je serai brève, beaucoup plus brève que mes collègues, mais je remercie chacun des sénateurs de l’éclairage qu’ils ont apporté ici aujourd’hui.
Je veux remercier également les membres du Comité de l’agriculture et des forêts, parce que je veux leur dire que j’ai beaucoup apprécié les débats qui ont eu lieu. Merci au président du comité, le sénateur Black, et merci à tous ses membres : la sénatrice Simons, la sénatrice Burey, le sénateur Dalphond, le sénateur Klyne, la sénatrice Marshall, la sénatrice McBean, le sénateur McNair, la sénatrice Petitclerc, le sénateur Richards et la sénatrice Sorensen.
Nous sommes tous conscients de l’importance du sujet dont nous discutons maintenant. Je peux vous citer quelques statistiques de Statistique Canada. Le secteur agricole et agroalimentaire emploie 2,3 millions de personnes au Canada; c’est un emploi sur neuf au Canada. Cela représente 150 milliards de dollars sur le plan de l’économie et près de 7 % du PIB. Je pense que nous sommes tous bien conscients de l’importance du sujet.
Le comité a entendu de nombreux groupes et de nombreux témoins. Je crois que tous les membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts veulent bien faire leur travail.
Le débat que nous avons aujourd’hui est très sain. On a entendu beaucoup de choses sur la biosécurité. C’est ce que nous avons comme objectif. On a entendu également les points de vue constitutionnels. Je remercie d’ailleurs le sénateur Cotter pour l’éclairage qu’il a donné à cet égard.
Aujourd’hui, je ne vais pas vous parler des aspects constitutionnels. J’ai pris connaissance de tout ce qui s’est passé à l’autre endroit, notamment les votes qui ont été pris et les analyses qui ont été faites sur le plan constitutionnel. J’en prends acte et je respecte les travaux qui ont été faits à ce sujet.
Je ne vous parlerai pas non plus de droit constitutionnel ni de liberté d’expression. La liberté d’expression, comme avocate, est une valeur très chère à mes yeux. Elle est protégée par la Charte canadienne des droits et libertés au Canada. De plus, la Charte, comme vous le savez tous, a préséance sur toute loi qui est adoptée au Canada.
Je vais plutôt parler de l’amendement, mais avant de le faire, je voudrais quand même qu’on prenne le temps de revoir l’article 9.1 du projet de loi. En quelque sorte, ce projet de loi a deux articles. C’est ce dont je vais vous parler dans les prochaines minutes. L’article 9.1 indique ce qui suit :
Il est interdit, sans autorisation ou excuse légitime, de pénétrer dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux, ou d’y introduire tout animal ou toute chose [...]
— je songe, par exemple, à une caméra ou autre —
[...] si le fait d’y pénétrer ou d’y introduire l’animal ou la chose risquerait vraisemblablement d’exposer les animaux à une maladie ou à une substance toxique [...]
— et ce n’est pas fini, il faut en plus que cette substance soit « susceptible de les contaminer ».
Chers collègues, vous constaterez donc que nous avons plusieurs étapes à respecter et je suis d’avis, avec le conditionnel qui est utilisé dans l’article, que toutes les analyses ont été faites pour en venir à conclure que cela ne portait pas atteinte à la liberté d’expression ou à la liberté d’information. L’article est clair à ce sujet, d’où mon propos qui vise à vous amener à l’amendement.
L’amendement proposé par mon collègue le sénateur Dalphond vise à supprimer les mots « sans autorisation ou excuse légitime ». L’article se lirait donc comme suit : « Il est interdit de pénétrer dans un bâtiment ou un enclos où se trouvent des animaux. »
À quoi servaient donc ces mots, s’ils sont supprimés? C’est la raison de mon opposition au comité à l’amendement proposant que ces mots soient supprimés. Je crois que cela brimerait, par exemple, les droits des travailleurs qui sont sur les lieux pour exécuter leurs tâches. En fait, cela les priverait d’un moyen de défense, parce que ce projet de loi prévoit des infractions pénales.
Par exemple, un travailleur qui se trouverait dans une exploitation agricole et qui se ferait accuser d’y avoir introduit une substance susceptible de contaminer les animaux pourrait se voir accusé d’une infraction pénale. En enlevant les mots qui sont dans l’incise « sans autorisation ou excuse légitime », on privera les travailleurs et les travailleuses d’un moyen de défense qu’ils ne pourront pas utiliser devant le tribunal. C’est la raison pour laquelle je me suis opposée à ce que ces mots-là soient supprimés.
Je vous disais tout à l’heure, honorables sénateurs, que 2,3 millions de personnes travaillent dans le secteur agricole et agroalimentaire, mais si l’on s’en tient seulement au secteur que l’on appelle l’agriculture primaire, qui est l’agriculture et l’élevage, on parle quand même de 278 373 travailleurs et travailleuses, selon Statistique Canada.
Je siège au Sénat depuis peu de temps, mais je me suis dit que mon devoir sera de me porter à la défense des travailleurs et travailleuses, mais aussi à la défense de l’ensemble des Canadiens et Canadiennes, pour préserver leurs droits et protéger les moyens de défense qui pourraient être utilisés devant les tribunaux. Comme je l’ai mentionné non seulement à mon collègue le sénateur Dalphond, mais aussi à tous les sénateurs avec qui j’ai eu le privilège de m’entretenir sur cet important sujet, c’est justement la raison pour laquelle je m’opposais à la suppression de ces mots.
En fait, je fais confiance à la fois à la sagesse des gens qui travaillent au sein du comité, mais aussi à la sagesse du Sénat. Depuis que je suis arrivée au Sénat, je suis impressionnée par le jugement sûr et assuré, dirais-je, de l’ensemble des sénateurs. Le débat que nous avons actuellement est sain et utile et je remercie les sénateurs qui ont apporté leur éclairage au débat. On dit souvent en français que du choc des idées est née la lumière, mais je suis confiante qu’on en arrivera à trouver une bonne solution. J’invite mes collègues à protéger les travailleurs et travailleuses, mais aussi, puisque vous avez parlé d’inspections, je suis d’avis que les gens qui sont sur les lieux devraient avoir une excuse légitime et être autorisés à y pénétrer. Il serait inconcevable que des inspecteurs en santé et sécurité, par exemple, ne puissent pas bénéficier de tels moyens de défense devant les tribunaux.
Cela conclut ma brève allocution aujourd’hui, plus particulièrement au sujet de l’amendement, et je vous remercie pour la permission qui m’a été donnée de m’exprimer sur le sujet, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.
Sénatrice Pate, souhaitiez-vous poser une question ou prendre part au débat?
Je veux participer au débat.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à titre de porte-parole concernant le projet de loi C-275. Je voudrais parler du rapport.
Il ne fait aucun doute que la protection de la santé et de la sécurité des animaux et des travailleurs agricoles est de la plus haute importance pour les agriculteurs, les éleveurs, les travailleurs, les consommateurs et les défenseurs des droits des animaux. C’est important pour tous les Canadiens. Ce n’est pas d’hier qu’on met en œuvre, avec succès, des mesures de protection pour assurer la santé des animaux au Canada.
Même si ce sont surtout les provinces qui ont le pouvoir de réglementation en la matière, du côté du fédéral, la Loi sur la santé des animaux établit un cadre législatif permettant à l’Agence canadienne d’inspection des aliments de s’occuper des problèmes concernant les maladies animales et la biosécurité.
Lorsque le projet de loi a été soumis pour la première fois au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, il n’a pas été débattu à l’étape de la deuxième lecture. Ses mesures préventives ne s’appliquaient qu’à un petit groupe de personnes considérées comme se trouvant dans des exploitations agricoles sans autorisation ou excuse légitime. Ce ciblage ne cadrait pas avec la manière dont le projet de loi a été présenté, c’est-à-dire comme une tentative de réglementer et de garantir la protection de la santé animale et de la biosécurité dans les exploitations agricoles. En effet, en se concentrant sur une partie seulement des personnes susceptibles d’être présentes dans les exploitations agricoles, et en particulier sur les sanctions pénales qui en découlent, le projet de loi apparaissait davantage comme une tentative d’imposer des lois anti-intrusion plutôt arbitraires qui ne s’attaquent pas directement aux menaces pour la biosécurité dans les exploitations agricoles.
L’amendement présenté en comité élimine cette incohérence et fait en sorte que l’infraction créée dans le projet de loi, c’est-à-dire le fait d’exposer des animaux à des maladies, s’applique désormais à tous ceux qui posent un tel risque. Des témoins inquiets ont fait valoir que le projet de loi visait à cibler uniquement les intrus dans les exploitations agricoles au lieu de se concentrer sur la meilleure façon d’atténuer les importants risques connus en matière de biosécurité dans les exploitations agricoles.
La Dre Mary Jane Ireland, directrice exécutive et vétérinaire en chef de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, ou ACIA, a notamment déclaré au comité : « L’ACIA n’a connaissance d’aucun cas confirmé de maladie animale au Canada qui aurait été provoqué par des intrus. »
Les seuls exemples constamment cités pour justifier la nécessité de cibler les manifestants dans ce projet de loi ont été réfutés durant les travaux du comité. Par exemple, le parrain et d’autres personnes ont cité un cas à Saint-Hyacinthe où une ferme porcine a été ciblée par des manifestants qui auraient causé une épidémie de rotavirus. Contrairement à ce qui a été insinué devant le comité, une enquête menée par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, le ministère de l’Agriculture du Québec, a révélé que la densité animale, l’accumulation de fumier, une ventilation inadéquate et une infestation d’insectes étaient les causes les plus probables d’une épidémie de rotavirus, plutôt que l’entrée de manifestants.
Les manifestants concernés ont été inculpés et condamnés pour entrée par effraction et obstruction à la police, et non pour simple intrusion. Toutefois, ni la Couronne ni le juge n’ont trouvé de mérite aux allégations de motifs suffisants pour étayer le fait que ces intrus étaient liés à l’épidémie.
Parallèlement, le comité a été informé que, contrairement à la thèse selon laquelle une éclosion de maladie de Carré dans un élevage de visons de l’Ontario était due à la présence de manifestants dans l’élevage, les éléments de preuve indiquaient, en fait, que les manifestants avaient relâché les visons, avec la conséquence suivante :
Un ou plusieurs des visons qui ont été libérés seraient entrés en contact avec un animal à l’extérieur.
Il est déjà illégal de relâcher des animaux de cette manière en vertu des dispositions pénales actuelles sur les méfaits et de diverses dispositions des lois provinciales contre les intrusions et les entraves. À titre d’exemple, en Ontario, la Loi sur la protection contre l’entrée sans autorisation et sur la protection de la salubrité des aliments contient une disposition qui interdit à toute personne de déranger un animal d’élevage dans une zone de protection des animaux située dans une ferme, une installation de transformation d’animaux ou un lieu prescrit, ou d’interagir avec celui-ci, sans autorisation. Toute violation de cette disposition permet au tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement prévoyant le paiement de dommages-intérêts pour compenser la perte ou le préjudice subi par le propriétaire, y compris à cause des maladies introduites dans la ferme. Le tribunal peut aussi imposer une amende de 15 000 $ dans le cas d’une première infraction et de 25 000 $ dans le cas d’une récidive.
Ce projet de loi est tellement axé sur l’intrusion comme cause des risques de biosécurité qu’il néglige un risque relatif à la biosécurité très réel qui résulte des interactions avec les animaux sauvages. Le parrain du projet de loi à la Chambre des communes a également cité le cas d’une épidémie de grippe aviaire dans la vallée de Sonoma aux États-Unis, épidémie dont nous avons déjà un peu entendu parler, comme preuve de la nécessité des dispositions du projet de loi.
Devant le comité, le parrain du projet de loi à la Chambre des communes a affirmé que le rapport du département californien de Alimentation et de l’Agriculture publié sur cette affaire établissait un lien définitif entre les manifestants et l’épidémie. Pourtant, le rapport indique en réalité que l’épidémie de grippe aviaire a très probablement été introduite par des oiseaux sauvages ou par le vent, peut-être par l’un des deux employés qui vivaient ensemble, mais qui travaillaient dans des fermes différentes, en contravention avec les protocoles de biosécurité établis dans les deux fermes, ou par une poignée d’autres risques plausibles liés à la biosécurité et découverts dans les fermes. D’après les facteurs mentionnés dans le rapport, aucune disposition de ce projet de loi ne permettrait de résoudre ou de prévenir les risques pour la santé et la sécurité des animaux.
Cela ne veut pas dire qu’une maladie infectieuse introduite dans une ferme où l’on élève des animaux ne peut pas provenir d’une personne qui y est entrée sans autorisation. Cependant, rappelons-nous ce qui nous a été dit :
[...] il est tout simplement beaucoup plus probable que cela arrive à cause des travailleurs qui ont des interactions quotidiennes étroites avec les animaux [...]
Pour cette seule raison, l’amendement est parfaitement logique. Il correspond à la nécessité de prendre la biosécurité dans les exploitations agricoles très au sérieux. En fait, si l’on veut que le projet de loi protège réellement la biosécurité dans les exploitations agricoles, alors la seule conséquence de cet amendement, c’est que le projet de loi ne ciblera plus uniquement un groupe en particulier — sur la base d’une possibilité hypothétique qui a très peu de chances de se produire : il fera en sorte que la mesure s’applique à toute personne présente dans une exploitation agricole et que le projet de loi atteigne son objectif de manière plus significative.
L’amendement du Comité de l’agriculture rendrait le projet de loi plus susceptible de réduire les risques pour la biosécurité dans les exploitations. Toutefois, de nombreux éléments indiquent qu’il reste encore beaucoup à faire. Les témoignages et les faits que nous avons entendus au comité nous l’indiquent.
Chers collègues, il ne s’agit pas d’un nouvel amendement. Une version précédente, le projet de loi C-205 de la deuxième session de la 43e législature, a été amendée exactement de la même manière à l’autre endroit par le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire. L’amendement a été apporté pour la même raison que le projet de loi C-275 a été amendé par notre Comité de l’agriculture.
Ainsi, bien que ce projet de loi porte à la fois la ceinture et les bretelles, si je peux pousser la discussion un peu plus loin que l’analogie du sénateur Cotter, il lui manque en fait le pantalon dont il a besoin pour garantir que les besoins en matière de biosécurité sont satisfaits.
Pour être certains que le projet de loi réponde vraiment à l’objectif visé, soit garantir la biosécurité dans les exploitations agricoles, il faudrait aller beaucoup plus loin. À ce state-ci, cela dit, la version actuelle du projet de loi fait en sorte qu’il s’applique à tous et qu’il se concentre sur les activités qui, selon les données probantes, sont les plus susceptibles de mettre en péril la biosécurité des exploitations agricoles, à l’exception des oiseaux sauvages et des autres animaux sauvages.
Voilà pourquoi je voterai en faveur du rapport. Merci, meegwetch.
Honorables sénateurs, j’aimerais prendre la parole au sujet de l’amendement, mais je ne suis pas prêt à le faire maintenant. Je demande l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.
L’honorable sénateur Dalphond propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice White, que la suite du débat soit ajournée à la prochaine séance du Sénat.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Trente minutes. Y a-t-il consentement pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes?
Le vote aura lieu à 18 h 48. Convoquez les sénateurs.
Propose :
Que la séance soit maintenant levée.
— Votre Honneur, comme nous l’avons fait la semaine dernière, je crois que nous devrions rentrer à la maison pour rassembler nos idées et nous demander si nous sommes prêts à revenir pour travailler dans la collaboration. Je crois que nous devrions nous donner la nuit pour y penser, puis revenir demain pour nous occuper de toutes les affaires gouvernementales que nous avons à traiter. Sur cette réflexion, je propose l’ajournement du Sénat.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)