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DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Le décès de Philip Riteman, O.N.S., O.N.L.

1 mai 2019


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Honorables sénateurs, grâce aux efforts de la sénatrice Linda Frum, le 1er mai marque désormais le début du Mois du patrimoine juif canadien. C’est l’occasion de célébrer la culture juive et d’honorer l’extraordinaire contribution — passée et présente — de nombreux Juifs à la société canadienne. Nous soulignons également aujourd’hui le Jour commémoratif de l’Holocauste, ou Yom ha-Choah.

J’aimerais aujourd’hui saluer la mémoire de Philip Riteman, un mari, un père, un homme d’affaires accompli et un survivant de l’Holocauste qui a consacré sa vie à répandre le même message : « L’amour vaut toujours mieux que la haine. »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la famille de M. Riteman a été capturée par les forces nazies qui occupaient la Pologne et envoyée à Auschwitz. Seul M. Riteman — le prisonnier no 98706 — a survécu. Ses parents, ses cinq frères et ses deux sœurs comptent parmi les millions de Juifs et de gentils qui ont péri pendant l’Holocauste.

À la fin de la guerre, Philip Riteman avait survécu à cinq camps de concentration. Il a été forcé de transporter des cadavres et d’ériger des fours crématoires pour les incinérer. Dans les jours précédant la Libération, ses compagnons d’infortune et lui ont servi de bouclier humain pour les nazis qui tentaient de fuir. Quand il a été libéré, en mai 1945, il avait 17 ans et il pesait à peine 75 livres.

Après la guerre, les tantes de M. Riteman qui avaient survécu elles aussi ont réussi à prendre contact avec lui et à le convaincre de venir s’installer à Terre-Neuve. Il faut dire que Terre-Neuve ne faisait pas encore partie du Canada à ce moment-là, ce qui veut dire que la politique interdisant l’immigration juive n’y avait pas cours.

Dans le livre Des millions d’âmes, Philip Riteman parle de l’amour qu’il voue aux Terre-Neuviens, qui lui ont tellement donné sans rien demander en retour. Il explique aussi que c’est grâce à eux qu’il a retrouvé foi en l’humanité.

En 1946, M. Riteman a commencé sa nouvelle vie comme colporteur dans sa ville d’adoption. À l’occasion d’un séjour à Montréal, il a rencontré Dorothy Smilestein qu’il a épousée peu de temps après. Celle-ci l’a ensuite rejoint à St. John’s. Leurs deux fils sont diplômés de l’Université Memorial.

M. Riteman a ensuite bâti une société de négoce et d’importation dont il a élargi les activités jusqu’à Halifax en 1979, où il s’est par la suite installé.

À l’instar de nombreux survivants, M. Riteman est resté silencieux, pendant de nombreuses années, sur ce dont il avait été témoin. Pendant plus de 40 ans, la plupart des gens de son vaste réseau d’amis, de collègues et de clients savaient qu’il était Juif originaire de Pologne, mais pratiquement personne ne savait qu’il avait survécu à l’Holocauste.

Ce n’est qu’en 1988, quatre décennies après l’Holocauste, qu’il a commencé à parler de ce qu’il avait vécu dans les camps de concentration. Il a brisé le silence pour faire taire les gens qui soutenaient que cette campagne d’extermination de 6 millions de Juifs par les Allemands n’avait jamais eu lieu ou qu’on en exagérait grandement l’ampleur. M. Riteman a été la voix de ceux qui avaient été réduits au silence éternel.

M. Riteman a consacré les 30 années suivantes de sa vie à mettre le monde en garde contre les dangers de ce qu’il avait vécu. Il avait été témoin de la perversion et des ravages que cause la haine si on la laisse s’installer dans une société. Animé du désir de rendre la société plus juste, M. Riteman a évoqué ses douloureux souvenirs devant divers auditoires, dans le monde et à Terre-Neuve-et-Labrador, notamment dans des écoles, des universités, des églises et des bases militaires.

Pour saluer sa contribution, on lui a décerné l’Ordre de la Nouvelle-Écosse et l’Ordre de Terre-Neuve-et-Labrador. Il était également titulaire de plusieurs diplômes honoraires, notamment un doctorat en droit de l’Université Memorial.

Pendant un stage à St. Johns, j’ai eu le plaisir de partager un repas avec cet homme remarquable. À l’époque, je louais un appartement qui appartenait à Mme Judy Wilansky, une amie intime des Riteman. Comme bien d’autres, j’ai été profondément ému par la profondeur de sa réflexion sur les horreurs de la tragédie qu’il avait personnellement vécue.

Tout au long de ses 96 années de vie, M. Riteman a fait preuve de force, de compassion, d’un profond respect et d’une remarquable résilience.

Merci, Philip Riteman, des années que vous avez consacrées au service de la population, pour faire comprendre aux jeunes et aux moins jeunes que c’est l’amour, non la haine, qui peut conquérir le monde.

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