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Les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes

Interpellation--Suite du débat

29 novembre 2022


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole au sujet de l’interpellation de la sénatrice Simons, qui demande au Sénat d’examiner les défis et les possibilités qui se présentent aux municipalités et l’importance de comprendre et de redéfinir la relation entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

Faisant écho aux sentiments de nos honorables collègues les sénateurs Simons, Cotter, Forest et Sorensen, je souligne que notre architecture constitutionnelle a été créée en 1867 à une époque où 80 % des gens ne vivaient pas dans des municipalités. Aujourd’hui, c’est l’inverse : la plupart des gens vivent dans des municipalités.

Nos municipalités sont la ligne de front de la gouvernance et ont le plus d’impact sur les besoins courants des gens, y compris des choses comme la collecte des ordures, le transport public, les services de soins de santé et le logement abordable, entre autres services. Ce changement radical nous laisse avec des questions et des problèmes d’une ampleur qui n’avait jamais été envisagée à l’époque de la Confédération.

D’un point de vue constitutionnel, les municipalités sont des créatures issues des lois. Elles ne disposent que des pouvoirs qui leur sont dévolus par la province. Elles n’ont pas de statut constitutionnel indépendant, ce qui signifie que la province peut leur retirer ces pouvoirs à volonté. Comme nos collègues l’ont souligné, des décisions récentes de la Cour suprême du Canada ont indiqué que ces pouvoirs municipaux devraient être interprétés au sens large.

Cela nous amène à la question soulevée par la sénatrice Simons : quel rôle le gouvernement fédéral joue-t-il pour aider les municipalités à remplir leurs fonctions essentielles tout en reconnaissant les contraintes constitutionnelles?

Comme je représente Terre-Neuve-et-Labrador dans cette enceinte, j’aimerais profiter de cette occasion pour parler des solutions que le gouvernement de ma province a explorées afin de résoudre les problèmes en constante évolution qui sont soulevés par les résidants.

Je tiens à remercier Ian Froude, conseiller du district 4 de la ville de St. John’s, ainsi que Craig Pollet, PDG de Municipalities Newfoundland and Labrador, de tout le travail qu’ils réalisent pour nos administrations municipales, et de m’avoir permis de tirer parti de leur expérience et de leur expertise à l’égard de ces questions cruciales.

Premièrement, j’aimerais commencer par fournir un bref contexte historique sur le secteur municipal de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est relativement jeune. St. John’s est la première collectivité à s’être constituée en municipalité, en 1888, puis, près de 50 ans plus tard, en 1938, c’était au tour de Windsor Station, qui a été rebaptisée Windsor par la suite. Windsor a fini par être fusionnée à la ville de Grand Falls.

La plupart des municipalités actuelles ont été fondées dans les années 1960 et 1970. À un certain point, on comptait plus de 300 municipalités et plus de 1 000 collectivités. Ce développement accéléré, après une période de ralentissement de 50 ans, est principalement attribuable à l’aide financière apparue aux environs de la décennie qui a suivi l’entrée de Terre-Neuve-et-Labrador dans la Confédération, en 1949.

On offrait alors un financement pour la construction d’infrastructures essentielles, mais comme peu de collectivités avaient les capacités organisationnelles nécessaires pour obtenir ou gérer cette aide financière, la constitution de conseils municipaux est devenue le principal moyen d’obtenir du financement, et on a alors encouragé les collectivités de l’ensemble de la province à se constituer en municipalités.

De nos jours, la plupart des administrations municipales jouent un rôle beaucoup plus complexe et présent dans la vie des habitants qu’elles servent. En outre, l’environnement législatif et l’environnement réglementaire dans lesquels ces administrations évoluent sont devenus bien plus complexes et exigeants.

Bon nombre d’entre elles n’ont tout simplement pas les capacités administratives, financières ou techniques nécessaires pour se conformer aux exigences législatives, comme la communication de l’information financière; de même que l’application des règlements municipaux, de la réglementation fédérale sur les effluents des eaux usées, des règlements en matière de santé et sécurité au travail et des exigences relatives au réseau d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées.

À l’heure actuelle, Terre-Neuve-et-Labrador compte approximativement 530 000 habitants, et il y a 275 municipalités réparties dans ma province. En tout, 78 % d’entre elles ont moins de 1 000 résidants. Le nombre considérable de collectivités et le dédoublement des services ont créé d’énormes difficultés administratives et financières. Les villes font face à des problèmes considérables, comme le vieillissement et l’exode de la population, des élections par acclamation, l’incapacité de former des comités et des conseils, et l’absence de débouchés économiques.

Certaines municipalités ont du mal à offrir des services qui leur permettraient de demeurer viables. Beaucoup de villes ne le sont plus et ne sont pas en mesure d’entreprendre des activités de développement économique ou d’attirer de nouveaux habitants, entrepreneurs et professionnels comme des fournisseurs de soins de santé. Il est évident que nous devons prendre des mesures pour soutenir la structure de gouvernance dans laquelle les municipalités évoluent.

En s’appuyant sur les consultations publiques et les recherches approfondies menées, un groupe de travail mixte sur la régionalisation a été mis sur pied en 2020 pour qu’il formule des recommandations au ministre des Affaires municipales et provinciales sur un plan de régionalisation. Ce comité était composé de représentants de l’association des municipalités de Terre-Neuve-et-Labrador, d’administrateurs municipaux professionnels et de représentants du ministère des Affaires municipales et provinciales.

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador procède actuellement à une analyse approfondie des recommandations, dans le but de mettre au point un vaste plan de régionalisation pour la province. La régionalisation permettrait une planification bien intégrée, des gouvernements municipaux plus transparents et plus responsables, une amélioration de l’administration et des capacités opérationnelles, une fiscalité juste et équitable, et la capacité d’attirer et d’accueillir de nouveaux résidants, professionnels et touristes.

Les municipalités connaissent d’excellents exemples de services partagés par les collectivités, et elles en constatent déjà les avantages. Par exemple, on retrouve l’accès aux possibilités de développement économique régional, aux services de protection contre les incendies, à l’aménagement du territoire et à la planification des infrastructures, notamment en ce qui concerne les réseaux d’aqueduc. En s’appuyant sur les collaborations existantes et sur le partage des services, les collectivités se positionneront favorablement pour assurer leur croissance économique et leur capacité à atteindre la viabilité. En mettant leurs ressources en commun, les gouvernements régionaux renforcent la capacité des municipalités en ce qui concerne ce qu’elles peuvent offrir à leurs résidants.

Honorables sénateurs, des collectivités saines et durables forment les éléments constitutifs d’une province et d’un pays prospères. Tissées ensemble, elles composent le tissu social d’une nation dynamique et solide. Au sein du Sénat et ailleurs, j’espère que nous pourrons continuer à étudier comment les divers ordres de gouvernement peuvent collaborer pour contribuer à soutenir nos collectivités dynamiques à Terre-Neuve-et-Labrador, de même que dans toutes les provinces et tous les territoires d’un océan à l’autre.

Merci, wela’lioq.

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

Est-ce que le sénateur Ravalia accepterait de répondre à une question?

Avec plaisir.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Sénateur Ravalia, dans l’analyse que vous avez faite de la situation dans votre province, Terre-Neuve-et-Labrador, pouvez-vous nous dire comment le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador perçoit la redéfinition des relations directement entre les municipalités et le gouvernement fédéral? En effet, c’est de cela qu’il s’agit ici.

Avez-vous eu l’occasion de trouver des informations, ou alors connaissez-vous la position du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador sur le sujet?

Je vous remercie de votre question. Dans mes discussions avec la présidente de l’association des municipalités de Terre‑Neuve-et-Labrador, cette question n’a pas encore été réglée. La difficulté dans ma province, c’est que nombre de petites collectivités ont du mal à accepter le concept de la régionalisation. Elles sont très indépendantes et elles désirent maintenir leur identité locale. Ainsi, l’idée de partager des services et ainsi de suite avec d’autres collectivités est assez étrange pour elles.

Évidemment, il y a eu des discussions entre les municipalités, le gouvernement provincial et des conseillers du fédéral concernant la manière dont un tel processus pourrait se dérouler, mais, dans ma province, on en est essentiellement aux phases précoces. Cependant, nous espérons que les exemples d’autres provinces nous donneront des idées qui nous permettront de créer un programme de régionalisation solide qui renforcera les collectivités. Merci.

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