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La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

1 juin 2023


L’honorable Pat Duncan [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées), présenté par notre honorable collègue, le sénateur Brazeau.

C’est une initiative que je salue, et je tiens à exprimer mon plus profond respect à tous mes collègues qui nous ont fait part de leurs témoignages. Je vous remercie d’avoir partagé votre parcours personnel très publiquement.

Gùnáłchîsh, mähsi’cho. Je vous remercie. Je remercie tous les sénateurs de leur participation à ce débat et de leur engagement envers les Canadiens.

À plusieurs reprises, des sénateurs ont fait référence à l’expérience du Yukon en matière d’étiquetage des produits alcoolisés. Je crois que le fait de présenter tous les aspects de l’expérience du Yukon permettra un examen approfondi de ce projet de loi lorsqu’il sera renvoyé au comité à cette fin.

Soit dit en passant, les sénateurs savent peut-être que, le 13 juin, nous célébrerons le 125e anniversaire de la Loi sur le Yukon. En revanche, ils ignorent peut-être que l’une des raisons qui ont poussé le Parlement à adopter cette loi était de réglementer et de taxer l’alcool dans le territoire du Yukon.

Aujourd’hui encore, le Yukon affiche un taux de consommation d’alcool élevé. C’est également pour cette raison que ce territoire a commencé à étiqueter les produits alcoolisés il y a plus de 25 ans.

Depuis 1991, les produits alcoolisés vendus au Yukon portent une étiquette indiquant que la consommation d’alcool pendant la grossesse peut causer des anomalies congénitales. Lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, j’avais précisé que les législateurs et les habitants du Yukon diffusent depuis des années — voire des décennies — le message que l’abstinence est la meilleure option durant une grossesse.

La Société des alcools du Yukon, à l’instar d’autres provinces, fait la promotion d’une approche responsable qui dépasse l’initiative de l’étiquetage, notamment avec la mise en œuvre du programme Be A Responsible Server, ou BARS, sur la responsabilité des personnes qui servent de l’alcool.

Honorables sénateurs, la lettre de mandat remise en janvier 2017 à John Streicker, le ministre responsable de la Société des alcools du Yukon à cette époque, disait qu’il devait s’engager à consulter la Commission des alcools du Yukon, les communautés des gens d’affaires ainsi que les organisations qui représentent les consommateurs et la société civile pour évaluer si la Loi sur les boissons alcoolisées du Yukon correspondait aux besoins réels. Il devait aussi s’engager à déterminer si cette loi établissait un équilibre approprié entre les possibilités économiques et la responsabilité sociale.

L’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les territoires du Nord, une initiative de l’Université de Victoria, avec la participation de chercheurs de Santé publique Ontario, avait été conçue et proposée en 2014. Cette étude portait sur l’efficacité des étiquettes de mise en garde sur les risques liés à l’alcool. En outre, l’étude offrait la possibilité d’améliorer la sensibilisation sur les directives de consommation d’alcool à faible risque, l’information sur la consommation standard et les mises en garde de santé publique.

Honorables sénateurs, le sondage préliminaire mené auprès des habitants qui appuient les travaux de l’étude avait été réalisé dans les magasins des alcools à Whitehorse, au Yukon, et à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les Territoires du Nord-Ouest avaient aussi déjà eu recours pendant un certain temps à l’étiquetage de mise en garde sur les risques associés à la consommation d’alcool durant la grossesse.

Dans le cadre de l’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les territoires du Nord, les Territoires du Nord-Ouest servaient de cas témoin, et le Yukon, de cas type. L’étude a été lancée dès que le financement de Santé Canada a été reçu, en 2017.

En novembre 2017, les Yukonnais ont été avisés qu’on allait mettre en place un nouvel étiquetage des boissons alcoolisées dans les magasins d’alcools de Whitehorse. Dans l’information sur la campagne de soutien pour l’étude, on a indiqué que cela comprenait de l’information sur les directives de consommation d’alcool à faible risque du Canada, les mesures standard de la quantité d’alcool et les façons de réduire les méfaits liés à l’alcool.

Le communiqué sur les étiquettes de mise en garde contenait une citation de la chercheure principale, Erin Hobin, qui a dit ceci : « Peu de Canadiens sont conscients de la corrélation entre les effets de l’alcool et les risques qu’ils peuvent avoir sur la santé, notamment le cancer. »

Il comprenait aussi une citation du Dr Brendan Hanley, médecin hygiéniste en chef du Yukon, qui a dit ceci :

La participation de la Société des alcools du Yukon dans cette étude permet d’en apprendre davantage sur la consommation de notre population et nous donne l’occasion de promouvoir des habitudes de vie plus saines.

Le Dr Hanley est actuellement le député de la circonscription de Yukon.

Environ un mois plus tard, l’étude sur l’étiquetage des boissons alcoolisées dans les territoires du Nord a été suspendue afin d’évaluer la portée et le message des étiquettes apposées au cours de l’étude.

Honorables sénateurs, en février 2018, après des discussions avec les chercheurs, les représentants des marques nationales et d’autres intervenants, le gouvernement du Yukon a repris l’étude, qui utilise maintenant deux étiquettes pour éduquer les consommateurs, l’une indiquant la taille d’un verre standard et l’autre fournissant des lignes directrices sur la consommation d’alcool à faible risque. L’étiquette de mise en garde contre le cancer ne fait plus partie de l’étude.

Le Yukon dispose d’un budget relativement modeste et d’un petit nombre de membres de l’assemblée législative, et les ministres gèrent généralement plusieurs portefeuilles. Une différence subtile mais importante entre le Yukon et les autres territoires et les autres provinces, c’est que le ministre responsable de la vente des boissons alcoolisées dans les provinces n’est pas nécessairement présent au Cabinet comme il l’est au Yukon. Comment le ministre du Yukon responsable de la société des alcools peut-il persuader ses collègues du Cabinet d’intenter des poursuites contre une grande industrie canadienne plutôt que de consacrer le budget du territoire à la santé, à l’éducation ou à la réparation des routes endommagées par la fonte du pergélisol? Bien que les mises en garde contre le cancer ne fassent plus partie de l’étude, le travail de recherche est réellement utile pour évaluer l’efficacité des étiquettes de mise en garde.

Dans son discours plus tôt cette semaine, le sénateur Plett a clairement montré que les avis et les conclusions divergent au sujet des étiquettes de mise en garde, et l’honorable leader de l’opposition a fait valoir de bons points. Dans ma région, nous avons vu l’efficacité des étiquettes de mise en garde. En m’appuyant sur l’étude, je note que les gens se souvenaient du message sur les étiquettes, qu’ils en parlaient et qu’ils buvaient moins. Voici un extrait de l’étude :

Les étiquettes de mise en garde aux couleurs vives avec un avertissement sur les risques de cancer, des lignes directrices nationales sur la consommation d’alcool et le nombre de verres standards aident les consommateurs à faire des choix plus informés et plus sûrs.

C’est pourquoi je soutiens l’adoption de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et son renvoi au comité. Le sénateur Plett et moi sommes d’accord sur ce point. Dégager un consensus sur les données scientifiques, comme il a été suggéré, avant d’adopter le projet de loi et de le renvoyer à l’autre endroit est absolument essentiel. Les scientifiques ont tendance à trouver des points litigieux sur la plupart des sujets, un peu comme les avocats, les économistes et les parlementaires. En incluant des avis et des résultats de recherche divergents dans l’étude du projet de loi, je suis certaine que le comité trouvera une voie acceptable.

L’étude sur l’étiquetage des boissons alcoolisées dans les territoires du Nord est l’une des études scientifiques qui doivent absolument être prises en compte, en plus des expériences du gouvernement du Yukon.

Je remarque que le sénateur Brazeau, lors de récentes discussions sur ce projet de loi dans les médias, tenait une boîte de maïs dans sa main, et il en montrait l’étiquette. Lorsque je visite les épiceries d’Ottawa et de Whitehorse, ce que je fais régulièrement, je lis les étiquettes, et je vois beaucoup d’autres personnes faire de même. Nous voulons connaître la quantité exacte de sucre, de lipides, de fibres et de sodium dans la nourriture que nous consommons. Nous sommes tous, du moins nous devrions l’être, très conscients des étiquettes de mise en garde sur les produits de nettoyage que nous employons. On nous conseille de ranger soigneusement les capsules de détergents aux couleurs vives parce que leur ingestion est dangereuse. De plus, on met en garde contre, ou on interdit, l’utilisation de produits de jardinage, tels que des pesticides et des herbicides, connus pour être cancérigènes. Puis, hier, le Canada a annoncé que des avertissements seraient désormais imprimés sur chaque cigarette.

Honorables sénateurs, des preuves claires, scientifiques et évaluées par des pairs confirment le lien entre la consommation d’alcool — vin ou bière — et le cancer. Ce projet de loi demande au Canada d’imposer l’apposition d’une étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées, qui précisera clairement que l’alcool a des effets cancérigènes connus. La sénatrice Mégie et d’autres ont soutenu qu’il faut commencer cette étude de toute urgence.

Je recommande fortement que le comité tienne compte de l’information obtenue par l’entremise de l’étude sur l’étiquetage des produits alcoolisés dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que de l’expérience du Yukon. Je suis impatiente d’offrir mon soutien aux travaux du comité, et, lorsque celui-ci aura fait son travail avec toute la diligence voulue, de renvoyer ce projet de loi à l’autre endroit pour que la Chambre puisse appuyer cette importante initiative. Merci, chers collègues. Je vous suis reconnaissante de m’avoir accordé de votre temps ce soir. Merci, gùnáłchîsh, mähsi’cho.

Son Honneur la Présidente intérimaire

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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