Projet de loi sur les nouvelles en ligne
Adoption du sixième rapport du Comité des transports et des communications
15 juin 2023
Propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je prends la parole pour faire adopter le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce rapport fait un résumé de l’étude et présente les amendements que le comité propose d’apporter au projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada ou, selon son titre abrégé, Loi sur les nouvelles en ligne.
Ce projet de loi a été renvoyé au comité le 18 avril 2023. Le comité y a consacré neuf réunions et a entendu 58 témoins, dont plusieurs fonctionnaires qui étaient présents au moment de l’étude article par article. Le comité a aussi reçu 27 mémoires.
Pendant l’étude article par article, qui s’est fait en une seule réunion, le mardi 13 juin 2023, les sénateurs Carignan, Clement, Cormier, Dasko, Miville-Dechêne, Simons, Wallin et le gouvernement lui-même ont proposé 18 amendements, dont 12 ont été adoptés. Ce qui est intéressant, c’est que, tout comme pour son prédécesseur, le projet de loi C-11, tous les parlementaires, même ses plus ardents défenseurs, ont signalé quelques défauts au comité et proposé des amendements.
J’estime que certains des amendements adoptés ont permis d’améliorer un peu le projet de loi, mais je pense aussi que certains autres pourraient au contraire compliquer encore plus une mesure législative déjà alambiquée et la rendre encore plus difficile à appliquer.
Il y a des amendements raisonnables qui ont été rejetés alors qu’ils auraient été l’occasion parfaite d’améliorer considérablement ce projet de loi imparfait. L’exemple le plus flagrant est peut-être celui d’un amendement proposé par le sénateur Carignan, qui aurait évité aux plateformes d’avoir à verser des sommes pour des hyperliens, y compris ceux que les organes de presses eux-mêmes publient de manière proactive sur ces plateformes.
Il ne s’agit pas de la reproduction d’un article de presse. L’article apparaît sur Facebook, par exemple, sous la forme d’un lien qui renvoie directement au site Web de l’organe de presse. Facebook fournit en fait à l’organe de presse un moyen d’accroître le trafic vers son propre site. C’est pourquoi ce sont les organes de presse eux-mêmes qui publient ces liens sur ces plateformes et qui encouragent les autres à faire de même. L’adoption de cet amendement aurait permis d’éliminer l’une des principales critiques formulées à l’encontre de ce projet de loi. En n’apportant pas de correctifs, on nuit au projet de loi et on court le risque que les plateformes ne permettent plus cette pratique, ce qui nuirait à l’industrie même que ce projet de loi est censé protéger.
Une autre belle occasion ratée est celle qui aurait retiré à CBC/Radio-Canada son admissibilité au programme. Comme l’a souligné le sénateur Carignan en proposant cet amendement — et je suis tout à fait d’accord avec lui dans mes commentaires —, on peut difficilement qualifier la CBC/Radio-Canada d’organe de presse en difficulté. Or, tout ce projet de loi repose soi-disant sur le désir du gouvernement de lancer une bouée de sauvetage aux médias en difficulté.
Les petits organes médiatiques indépendants et les médias ethniques du Canada doivent déjà concurrencer le géant qu’est CBC/Radio-Canada, qui est financée par les fonds publics, pour les revenus publicitaires. C’est déjà un avantage injuste pour CBC/Radio-Canada. Maintenant, grâce à ce régime de financement, elle obtient une part plus importante du gâteau. Cela défie l’imagination qu’elle soit incluse, et encore plus que l’amendement du sénateur Carignan ait été rejeté.
En ce qui a trait aux 12 amendements adoptés au comité, ils visent, entre autres, à modifier le libellé de l’article 2 afin d’élargir la définition pour y inclure expressément les organes de presse communautaires de langue officielle en situation minoritaire, ainsi qu’à modifier l’article 2 pour restreindre la définition des organes de presse autochtones à celles dont l’objectif principal est de produire un contenu de nouvelles. Il s’agit d’un amendement de la sénatrice Simons, et je serais surpris que les médias autochtones l’appuient, car il semble certainement aller à l’encontre de l’importance qu’accordent typiquement, en théorie, les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau à l’écoute et à la prise en considération du point de vue des Autochtones.
Plusieurs autres amendements — proposés par les sénateurs Clement, Cormier et Miville-Dechêne — ont été adoptés, y compris, comme mentionné précédemment, certains qui compliquent encore plus le projet de loi, lequel était déjà alambiqué.
La sénatrice Dasko a déposé l’un des amendements qui contribuent le plus à améliorer le projet de loi, qui est profondément imparfait. Il porte sur l’article 27, à la page 11, et limite le pouvoir discrétionnaire du CRTC en ce qui concerne la désignation d’une entreprise de presse admissible. Cela laissera aux entreprises de presse le soin de déterminer elles-mêmes si elles souhaitent participer au programme, plutôt que de se le voir imposer.
Un autre amendement a été proposé par le gouvernement. Je suis étonné que le projet de loi se soit rendu aussi loin avant qu’on y apporte cette correction fort nécessaire. Il s’agit de l’article 36, à la page 15, ligne 11, qui a été amendé pour combler une lacune importante et protéger des informations confidentielles contre la divulgation en cours d’arbitrage. Cet amendement ajoute des exigences et des sanctions liées à la divulgation inappropriée d’informations par la formation arbitrale ou par un arbitre.
À dire vrai, j’ai été surpris que le gouvernement soutienne autant d’amendements proposés par le comité. Malgré tout le temps qu’il a consacré à la rédaction du projet de loi et tous les mois que celui-ci a passés à la Chambre des communes, c’est comme si le gouvernement s’était rendu compte qu’il s’agissait d’un projet de loi vraiment mauvais, mais, comme il avait promis à certains intervenants de le mener à bien, nous en avons été saisis.
Nous voici, les deux Chambres, dans une situation assez délicate à la fin de la session, alors qu’il ne reste que quelques jours au calendrier. Nous allons devoir procéder à la hâte à la troisième lecture, avec un débat limité, afin de renvoyer un projet de loi amendé à l’autre endroit pour qu’il ait le temps de répondre et que nous ayons le temps d’accepter son message avant que nous ne rentrions tous chez nous pour l’été.
Ce n’est pas la façon dont le Parlement devrait fonctionner, mais c’est pourtant caractéristique de la façon dont les choses se passent depuis un certain temps. Le gouvernement fait de grandes promesses qu’il ne tient pas, ou bien il élabore un projet de loi à la dernière minute, de sorte qu’il est mal rédigé et qu’il incombe au Parlement de le corriger, mais en se dépêchant pour respecter l’échéance que le gouvernement s’est lui-même imposée.
Ainsi, malgré toutes les préoccupations soulevées par les témoins, les membres du comité et de nombreux sénateurs, le gouvernement souhaite faire adopter ce projet de loi le plus rapidement possible, le contenu du projet de loi lui-même devenant presque secondaire.
C’est ce qui nous amène au dernier amendement adopté par le comité. Il porte sur l’article 93, qui se trouve à la page 39, et il ajoute un élément après la ligne 24 afin de modifier la date d’entrée en vigueur. Celle-ci aura maintenant lieu six mois après la sanction royale, qui devrait être accordée d’ici quelques jours. Quand ce sera fait, le gouvernement devra indiquer précisément comment il compte aider les petites entreprises sans la collaboration des grandes plateformes et malgré les contrecoups économiques qui risquent fort de se produire.
Maintenant que j’ai fait le tour des amendements, j’aimerais remercier tous les témoins et les sénateurs. Je remercie plus particulièrement M. Owen Ripley, qui fut une présence rassurante pendant les mois qu’auront duré nos délibérations. Merci à Marc‑André Roy et à David Groves, du Bureau du légiste, pour leur excellent travail, à Jed Chong et à Khamla Heminthavong, de la Bibliothèque du Parlement, à l’adjointe administrative du comité, Natassia Ephrem, et à notre greffier, l’imperturbable Vincent Labrosse, qui avait fait un travail exceptionnel lors de l’étude du projet de loi C-11 et qui a été plus qu’à la hauteur pour le projet de loi C-18.
En terminant, je remercie tous mes collègues du comité ainsi que nos excellents employés, qui sont là pour nous soutenir et nous aider à produire les résultats merveilleux que vous voyez. Merci beaucoup, chers collègues.
Le sénateur Housakos accepterait‑il de répondre à une question?
Absolument.
Je suis perplexe. C’est peut-être la vitesse à laquelle nous avons fait cela, mais, sénateur Housakos, l’amendement que vous avez décrit n’est pas celui que j’ai proposé ni un que nous avons adopté. Nous avons discuté au comité de la définition des récits autochtones, mais l’amendement que j’ai proposé à l’article 2, comme vous vous en souviendrez j’espère, a simplement éliminé un exemple et en a élargi la portée, au lieu de la restreindre. Puis-je vous aider à améliorer votre compréhension?
Ma position demeure celle que j’ai présentée dans le rapport, conformément à mon interprétation. J’ai été cohérent tout au long de l’étude. Je ne pense pas que l’amendement mentionné élargisse vraiment quoi que ce soit; c’est mon opinion. Vous avez le droit de prendre la parole et d’apporter des éclaircissements, sénatrice. Nous avons tous ce privilège. Nous avons aussi le privilège d’accepter que nous ne serons pas d’accord sur tous les sujets. C’est ce que nous faisons ici. Vous êtes donc libre de présenter votre façon d’interpréter votre amendement et la vision que vous en avez, et de le faire dans votre discours. Vous pouvez le faire, bien sûr, maintenant pendant le débat. J’ai droit à mon opinion comme vous avez droit à la vôtre.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)