Le Sénat
Motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale--Débat
1 mars 2022
C’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 14. J’ai écouté les discours et quelques-unes des questions. J’ai constaté que bon nombre de questions avaient été soulevées, dont voici un échantillon.
Je me demande si les gouvernements veulent vraiment retirer unilatéralement et rétroactivement des droits négociés en toute bonne foi par une organisation qui assumait les risques et les obligations décrits dans un contrat valide. C’est la première question qui m’est venue à l’esprit en écoutant les discours. Allons‑nous vraiment retirer, avec un effet rétroactif de 50 ans, des droits légaux qui ont été négociés et mis en œuvre?
Je croyais avoir mal compris, mais non, c’est bien le sujet de la discussion, du moins je le crois.
On a indiqué ou on a laissé entendre qu’en 1966, le Canadien Pacifique a cédé ou a accepté de céder son exemption de taxe provinciale. Il faut souligner qu’il s’agit d’une très petite exemption, qui s’applique uniquement à l’exploitation du chemin de fer dans la province. Cette exemption ne s’applique à aucune des autres activités du Canadien Pacifique en 1966. Souvenez-vous qu’en 1966, au Canada seulement, le Canadien Pacifique avait des navires, une compagnie aérienne, une chaîne d’hôtels, une immense compagnie pétrolière et gazière, une énorme entreprise immobilière, une compagnie de charbon et un chemin de fer.
A-t-il donc vraiment cédé cette exemption en 1966? Faisait-elle partie d’une demande liée aux impôts fonciers? Si ce n’est pas le cas, alors pourquoi cette motion nous ramène-t-elle en 1966? En quoi l’année 1966 est-elle magique, s’il est évident ailleurs, possiblement dans une décision de la cour, que le Canadien Pacifique n’a pas cédé l’exemption d’impôt provincial? Je ne comprends pas. Je pense que nous devrions tâcher de trouver une réponse à cette question.
La question suivante m’est venue lorsque j’écoutais le sénateur Gold, le sénateur Cotter et le sénateur Arnot, qui ont tous trois mentionné que nous devions nous prononcer rapidement et sans tarder en faveur de la motion. Je me suis demandé quelles étaient les raisons de cet empressement. Pourquoi cette urgence après plus de 150 ans? Pourquoi devons-nous tout à coup procéder aussi rapidement?
Si vous regardez dans le hansard les occurrences de « rapidement » et « sans tarder », vous remarquerez que ces termes sont employés très fréquemment, mais sans justification. Qu’est-ce qui était donc si pressant?
Je voulais savoir si une vérification diligente avait été effectuée dans les autres assemblées. Je n’ai pas fait preuve de toute la diligence voulue, mais il est intéressant de noter que l’Assemblée législative de la Saskatchewan a débattu de cette question pendant 4 minutes et 30 secondes. La Chambre des communes y a consacré une journée de l’opposition comportant un débat terne d’où transpirait un certain malaise vu la conclusion réglée d’avance. Je ne pense pas que la question ait été renvoyée au comité, mais je n’en suis pas certain. Lorsque j’ai jeté un bref coup d’œil sur la vérification diligente qui avait été faite jusque-là, je n’ai pas eu l’impression que les législateurs avaient suivi le processus avec un degré élevé de transparence.
Je me suis également interrogé sur le précédent que nous pouvions créer en nous prononçant en faveur de cette motion, selon ce que j’en ai compris — et je ne suis pas absolument certain d’avoir compris à 100 %. Je sais que le Canadien Pacifique a des droits et des obligations similaires en Alberta et au Manitoba. Alors, je soupçonne que peu importe ce que nous faisons ici, si nous appuyons la motion par exemple, nous serons obligés de faire la même chose pour l’Alberta et le Manitoba.
C’est peut-être exactement ce que nous devons faire. Je ne suis pas en train de dire que ce ne l’est pas. Toutefois, je pense que la question est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
Il est intéressant de réfléchir au précédent qui pourrait être établi. Si nous procédons comme je pense que nous le ferons avec cette motion, nous pouvons nous attendre à ce que l’Alberta et le Manitoba présentent une demande semblable en relativement peu de temps. Si nous découvrons que nous n’avons pas fait preuve d’une diligence raisonnable et que nous avons fait une erreur en adoptant rapidement cette motion, nous répéterons la même erreur à deux reprises à cause de cette décision.
Il y a un autre point que je voulais soulever, et il en a été question un peu dans une partie des discours. Quel serait l’effet du précédent s’il s’appliquait à une organisation un peu plus vertueuse que le Canadien Pacifique? Qu’en serait-il si un groupe minoritaire devait gagner un prix de 50 milliards de dollars et que la province ne pouvait pas ou ne voulait pas payer ou si des fonds publics étaient en jeu? Est-ce que toutes ces questions sont parfaitement claires, ce qui nous permettrait d’adopter la motion à toute vapeur après avoir prononcé quelques mots au Sénat, comme l’ont fait d’autres assemblées? Est-ce pour cette raison que nous sommes les derniers intervenants du processus? Sommes-nous censés nous contenter d’emboîter le pas? Je ne pense pas que c’est ce en quoi consiste notre travail. Je n’y crois pas.
Voilà quelles étaient mes questions. J’ai fait quelques recherches. Je n’excelle pas à la recherche et je les ai faites seul. Toutefois, ce que je peux dire avec assurance, chers collègues, c’est qu’avant de prendre une décision, nous devrions nous-mêmes faire preuve d’un peu plus de diligence raisonnable. Je ne sais pas si cela changera le résultat, mais là n’est pas la question.
Je pense que nous devrions faire nos devoirs ici. Je le pense sincèrement. En tant que sénateurs, nous devrions tous nous prononcer sur cette motion-ci en toute connaissance de cause, en comprenant ce que nous faisons, au juste, et pourquoi nous le faisons.