Aller au contenu

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

6 juin 2023


Honorables sénateurs, les agriculteurs et les producteurs de denrées alimentaires de toutes les régions croulent sous de fortes pressions financières. Il n’y a pas très longtemps, les agriculteurs des Pays-Bas ont fait flotter le drapeau national à l’envers dans un geste de protestation contre le plan du gouvernement de réduire de moitié l’utilisation des engrais. Les manifestants ont obtenu le soutien généralisé de la population, qui a pleinement pris conscience de ce que « de la ferme à la table » signifie dans la réalité.

Les agriculteurs nourrissent le monde. Nos agriculteurs nourrissent le monde.

Les règles arbitraires qui visent à réduire l’utilisation des engrais ou à hausser les taxes applicables aux activités agricoles ne feront qu’augmenter encore plus le prix de la nourriture. Cela contribue à maintenir l’insécurité alimentaire dans les pays en développement et la pénurie de nourriture pour les personnes les plus démunies. L’insécurité alimentaire est inacceptable dans notre époque d’abondance. Pas plus tard que la semaine dernière, ma collègue la sénatrice Burey s’est exprimée avec éloquence sur cet enjeu. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que les habitants de la planète ne souffrent pas de famine en raison des politiques irréfléchies d’ici.

Mes inquiétudes ont un lien direct avec le projet de loi C-234. Les politiques d’Ottawa pour atteindre la carboneutralité suscitent de plus en plus d’inquiétudes à l’égard du prix que devront payer à l’avenir les agriculteurs et les consommateurs, de l’impact sur la production et le rendement des cultures, le coût des parcelles de terre et de l’équipement, le transport du grain et toutes les répercussions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale ou encore la famine des populations.

Les agriculteurs connaissent depuis longtemps la nature cyclique des conditions météorologiques et ils savent que les phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques peuvent nuire aux cultures. D’ailleurs, ils ont dû révolutionner bon nombre de leurs pratiques en conséquence. Les agriculteurs sont les gardiens de la terre et leur gagne-pain dépend de l’utilisation judicieuse de l’eau, de la terre et de l’air. Ils sont, en quelque sorte, les premiers défenseurs de l’environnement.

Toutefois, le coût de la taxe sur le carbone en agriculture a été exorbitant et disproportionné : de nombreuses petites exploitations se sont retrouvées aux enchères ou ont dû cesser leurs activités. Il y a eu quelques exemptions pour l’utilisation à la ferme de l’essence et du diésel. Or ce projet de loi vise à élargir ces exemptions à d’autres carburants agricoles admissibles, comme le propane et le gaz naturel. Il s’agit d’une mesure cruciale, car elle permet d’alléger le coût écrasant de la taxe sur le carbone sur le chauffage ou la climatisation des étables où sont élevés les animaux, par exemple, sur les mesures d’atténuation des changements climatiques et, surtout, sur le séchage des grains. On peut avoir une belle récolte, mais, s’il pleut au mauvais moment, la récolte et sa valeur se dégradent littéralement du jour au lendemain.

Les agriculteurs ne demandent pas la charité, et ils investissent leur propre argent dans ce qui leur tient à cœur. Par exemple, selon un rapport d’Economic Development Regina, cette année, en 2023, les agriculteurs de l’ensemble de la province investiront plus de 11 milliards de dollars pour les semailles. Ce chiffre prend en considération le coût des semences, des traitements, de l’engrais et de la main-d’œuvre. Les semailles sont sans aucun doute le plus grand des mégaprojets annuels de la Saskatchewan. Quand on connaît les retombées de ce travail dans l’ensemble de l’économie, on ne peut pas surestimer l’importance de cette activité pour notre province et notre pays.

En Saskatchewan, il y a plus de 34 000 exploitations agricoles qui comptent pour 43 % des terres cultivées du pays. L’année dernière, en 2022, le produit des ventes à l’étranger de la Saskatchewan s’est élevé à plus de 18,4 milliards de dollars, et la province a contribué au PIB à hauteur de plus de 82 milliards de dollars.

Honorables collègues, la taxe sur le carbone et la taxe sur les combustibles propres coûtent des millions de dollars par année aux agriculteurs, et ces coûts se répercutent sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, de la ferme à l’assiette. Au bout du compte, le consommateur doit payer plus cher. C’est inévitable, à moins que nous intervenions ici même, au Sénat, avant l’ajournement pour l’été, afin que les agriculteurs puissent bénéficier de cette aide modeste dont ils ont grandement besoin avant les récoltes de cette année.

Il existe bien des façons de réduire les émissions de carbone dans le secteur agricole, et les agriculteurs ont déjà une bonne longueur d’avance en la matière. Chers collègues, ne laissez pas ce projet de loi traîner et mourir au Feuilleton, ou son adoption être reportée à une session ou à une année ultérieure. Les agriculteurs ne pourront pas survivre à une autre saison si rien n’est fait pour contrer l’augmentation de leurs coûts d’exploitation. Je vous implore de ne pas empêcher l’allégement du fardeau imposé aux Canadiens qui nourrissent notre pays et la planète.

À l’autre endroit, cette mesure législative a reçu l’appui du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois et du Parti vert, qui ont tous voté en sa faveur. Comme vous le savez, bien sûr, trois de ces quatre partis appuient la taxe sur le carbone. Pourtant, ils ont tous voté en faveur du projet de loi. Je pense que cela montre sa nécessité.

Je vous demande d’adopter la bonne position pour nos agriculteurs, nos éleveurs, nos producteurs, ainsi que tous les Canadiens qui sont aux prises avec l’une des plus grandes périodes d’inflation alimentaire de l’histoire de notre pays. Oui, il est important de combattre les changements climatiques, et nous y travaillons tous avec diligence. Cependant, on ne devrait jamais imposer un fardeau démesuré aux gens qui sont au cœur de notre économie et qui nous nourrissent. Pour notre bien à tous, aidons-les à lutter contre l’insécurité alimentaire.

Merci.

L’honorable Jim Quinn [ + ]

Je vous remercie de votre discours. Ces dernières semaines, nous avons entendu parler de sécurité alimentaire et des divers risques présents dans l’industrie de l’agriculture au Canada. La semaine dernière, j’ai animé un groupe de discussion au Nouveau-Brunswick où un cadre de Nutrien était présent et qui portait justement sur ce sujet. La principale chose que j’ai retenue, ce sont les immenses défis auxquels l’industrie de l’agriculture doit faire face, notamment lorsqu’il s’agit de remettre les rênes d’une exploitation agricole familiale à des enfants qui n’en veulent pas nécessairement. J’ai l’impression que ce projet de loi revêt une importance absolument fondamentale pour la sécurité alimentaire. Est-ce que je me trompe? Il s’agit d’un enjeu dont nous pouvons parler dès aujourd’hui — au cours de cette session du Parlement —, afin de garantir l’avenir de notre secteur agricole et de nos fermes.

Absolument, c’est quelque chose que nous devrions faire. Je vis dans une collectivité rurale remplie d’agriculteurs. J’ai cette discussion tous les jours. Ils me montrent leurs factures pour le séchage de leurs céréales et le chauffage de leurs granges; c’est tout à fait stupéfiant. Nous pensons tous à ce que la tarification de la pollution signifie lorsque nous allons faire le plein et que l’essence est un peu plus chère, puis lorsque la facture de chauffage arrive — cette mesure a une incidence sur tout le monde, bien sûr. Cependant, les entreprises jouent un rôle crucial dans notre économie. Vous avez entendu les chiffres concernant la contribution à l’économie de la Saskatchewan, et cela ressort. Il y a des agriculteurs dans tout le pays — des producteurs de toutes sortes, des éleveurs, des fruiticulteurs, et j’en passe.

Oui, je pense que c’est crucial; le problème de l’inflation du prix des produits alimentaires est énorme et les augmentations sont massives. J’écoutais un agriculteur de la Saskatchewan qui parlait dans une tribune radiophonique. Il disait qu’il avait été élevé selon le principe que les gens comme lui étaient chargés de nourrir le monde, et c’est ce qu’il a fait. Les Saskatchewanais ont appelé leur province le « grenier du monde ». Les problèmes ont été exacerbés par la situation en Ukraine. Ce pays fournissait beaucoup de nourriture et il n’est plus en mesure de le faire. Il nous incombe donc encore plus d’essayer de combler ce vide. L’agriculteur qui parlait à la radio était nostalgique. Il a dit : « C’est ce qu’on m’a appris. Je suis fils d’agriculteur, je suis agriculteur et mon fils sera agriculteur. C’est à moi de nourrir le monde. Je vous en prie, laissez-moi faire mon travail. » Voilà ce qu’il a dit. C’était vraiment percutant. C’est tout ce que ces gens demandent.

Haut de page