Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation
Troisième lecture--Ajournement du débat
16 juin 2022
Propose que le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais prendre un instant pour reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe.
Je suis heureux d’ouvrir le débat en troisième lecture sur le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
Le projet de loi a été renvoyé au Sénat après une étude préalable par sept comités. En tout, il y a eu plus de 21 heures de témoignages par 48 témoins. Les résumés de ces témoignages ont été fournis au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui, à son tour, a présenté son rapport mardi; rapport qui a été adopté par cette assemblée hier.
Je tiens à remercier les membres de tous les comités de leur travail sur ce projet de loi. Ce travail a permis d’apporter certaines améliorations au projet de loi. Le travail des comités a également mis en lumière certaines questions plus larges pour ce qui est de la nécessité d’une réforme réglementaire plus profonde et plus rapide pour que les entreprises puissent innover, prospérer et être compétitives à l’échelle mondiale.
Honorables collègues, les entreprises sont l’épine dorsale de la réussite économique du Canada. Elles créent les produits, les services et la richesse qui ont rendu notre pays prospère. Alors que nous sortons de la pandémie, le projet de loi S-6 et ses successeurs aideront les entreprises canadiennes en faisant en sorte que le système de réglementation évolue avec les technologies changeantes et qu’il reflète les réalités d’aujourd’hui.
Le système de réglementation moderne doit faire deux choses. Premièrement, il doit promouvoir l’innovation commerciale et l’investissement des entreprises; et deuxièmement, il doit assurer la santé et la sécurité des Canadiens, tout en protégeant l’environnement. C’est ce que fait le projet de loi S-6. Il modifie 29 lois différentes grâce à 46 modifications sensées visant à moderniser notre système de réglementation.
Par exemple, le projet de loi propose une modification mineure à la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui permettrait à l’agence de fournir des services et aux entreprises d’interagir avec elle par voie électronique, plutôt qu’au moyen de transactions papier. Cela réduira le fardeau administratif des entreprises et leur permettra d’être plus flexibles dans leurs interactions avec le gouvernement.
Le projet de loi modifie également la Loi sur les pêches et précise notamment que, en cas de violations mineures, les agents des pêches ont le pouvoir discrétionnaire d’utiliser des mesures de rechange plutôt que de traduire les pêcheurs en justice. Ce pouvoir n’était pas clairement défini dans la version antérieure de la loi.
Une telle modification pourrait réduire le nombre de procès longs et coûteux et éviter que des violations mineures entraînent la création d’un casier judiciaire ainsi que la stigmatisation et les obstacles qui y sont associés. Les pêcheurs et des groupes autochtones appuient le recours à de telles mesures de rechange.
Par ailleurs, les modifications à la Loi sur les transports au Canada permettraient d’intégrer plus rapidement dans la réglementation les mises à jour aux normes de sécurité internationales dans les transports. Ce ne sont que quelques exemples des 46 modifications proposées dans le projet de loi.
L’incidence de chaque proposition peut sembler limitée, mais, ensemble, ces propositions peuvent améliorer la situation de ceux qui sont visés. En fait, nombre de ces changements ont été proposés par des Canadiens, des particuliers et des entreprises. Qui plus est, ces propositions n’entraînent aucun coût, et les risques qui y sont associés sont faibles ou nuls. Le projet de loi S-6 assure la mise à jour de notre système et ouvre la porte au succès pour les Canadiens et les entreprises dans les années à venir.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, ce projet de loi se veut un mécanisme législatif récurrent. Le projet de loi S-6 est désigné comme étant la deuxième loi annuelle de modernisation de la réglementation, mais il s’agit en fait de la première mesure législative distincte sous la rubrique des mises à jour annuelles de la réglementation annoncées par le gouvernement en 2018.
Le Sénat peut être fier d’être l’instigateur d’un processus qui, je l’espère, prendra au fil des ans de l’ampleur en matière de portée, d’efficacité et d’efficience.
L’idée d’un mécanisme récurrent pour la modernisation de la réglementation est une réponse aux défis législatifs soulevés par les entreprises et les Canadiens lors de consultations et d’examens ciblés de la réglementation.
Des intervenants du milieu des affaires, comme les Tables sectorielles de stratégies économiques et le Conseil consultatif en matière de croissance économique, ont souligné qu’il est essentiel de disposer d’un tel mécanisme régulier pour améliorer la réglementation du Canada.
En outre, le Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire, composé d’entrepreneurs, d’universitaires et de consommateurs intéressés, a réclamé le maintien d’efforts soutenus pour réduire le fardeau administratif de la réglementation et veiller à ce qu’elle soit à l’épreuve du temps.
En modifiant des lois trop rigides, trop spécifiques ou tout simplement périmées, ce projet de loi rappelle toute l’importance de réexaminer continuellement la réglementation afin d’avoir en place des lois qui résistent à l’épreuve du temps. En fait, les travaux sur le prochain projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation sont déjà en cours; il doit être déposé au Parlement en 2023.
Permettez-moi de revenir sur l’excellent travail que les comités sénatoriaux ont effectué dans le cadre de l’étude préalable de ce projet de loi. Le contenu du projet de loi S-6 a été étudié par les sept comités suivants : le Comité des banques et du commerce, le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, le Comité de l’agriculture et des forêts, le Comité des pêches et des océans, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Comité des affaires étrangères et du commerce international et le Comité des transports et des communications. Je tiens à remercier encore une fois tous les membres des comités de leur excellent travail. À la suite de commentaires précis découlant du travail des comités, deux ensembles d’amendements ont été apportés au projet de loi S-6.
Le Comité de l’agriculture et des forêts a souligné que les dispositions de ce qui était alors la partie 6 du projet de loi ne devraient pas être étudiées de façon isolée, mais plutôt dans le cadre des vastes consultations menées sur la Loi sur les produits antiparasitaires, qui ont commencé en mars 2022. Le gouvernement a accepté, et cette partie a été dûment rejetée lors de l’étude article par article du Comité des banques.
De plus, j’ai présenté deux amendements connexes en réponse aux préoccupations soulevées par le commissaire à la protection de la vie privée — dans une lettre qu’il a envoyée au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie — concernant la nécessité de conclure un protocole d’entente entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et les organismes avec lesquels le ministère partage le type de renseignements mentionnés dans le projet de loi S-6. Je suis heureux de pouvoir dire que ces deux amendements ont été acceptés et qu’ils figurent dans la version révisée du projet de loi que nous avons sous les yeux.
De nombreux comités ont observé que les processus de consultation pour les futurs efforts de modernisation de la réglementation devraient être transparents, interactifs et inclure tous les intervenants pertinents — non seulement les titulaires du système de réglementation, mais aussi les nouveaux arrivants potentiels. Je suis d’accord avec ces observations.
Nombre d’entre vous ont aussi demandé que le programme de modernisation de la réglementation pour le gouvernement soit plus ambitieux. Je partage aussi ce sentiment. À cette fin, j’ai organisé une séance d’information à l’intention de tous les sénateurs sur l’approche globale du gouvernement canadien concernant la réforme de la réglementation, dans le cadre de laquelle ce projet de loi — le projet de loi annuel de modernisation de la réglementation — ne représente qu’un petit volet. Si j’ai retenu une chose importante de cette séance d’information, c’est que le Secrétariat du Conseil du Trésor a récemment mis sur pied un projet pilote pour qu’il soit plus facile pour les personnes et les organisations d’améliorer le système de réglementation canadien. À ce sujet, je vous invite à consulter le site www.parlonsdesreglementsfederaux.ca.
La réforme de la réglementation comprend de nombreux éléments, et seulement un petit nombre d’entre eux peuvent être traités au moyen de projets de loi d’ordre administratif comme le projet de loi S-6. Toutefois, pour les modifications plus importantes, il faut modifier chaque loi, ce qui peut s’avérer chronophage et exigeant au plan politique. C’est pourquoi je pense que le Sénat a un important rôle à jouer dans la promotion de la réforme de la réglementation. Il doit montrer la voie à suivre en matière d’énergie, d’innovation et de persévérance dans ce dossier. Nous pourrions peut-être envisager de réaliser une étude spéciale sur les façons d’améliorer la modernisation de la réglementation au Canada. Cette étude pourrait servir de référence au Sénat pour surveiller les avancées en la matière. Nous n’en sommes pas là, et je sais que d’autres sénateurs ont des idées, alors j’ai hâte de les entendre.
Chers collègues, votre travail diligent a été essentiel pour aider à améliorer ce projet de loi et a fourni au Sénat une occasion importante de renforcer le système réglementaire.
Le projet de loi S-6 contribuera à la modernisation de la réglementation afin de simplifier la vie aux Canadiens et de favoriser la réussite des organismes de réglementation, des intervenants et des Canadiens. Renvoyons le projet de loi à l’autre endroit aussi rapidement que possible avec la mention « urgent ». Nous pourrons ensuite passer à l’amélioration du système réglementaire dans son ensemble. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture en tant que porte-parole pour le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.
Chers collègues, j’ai quelques observations à faire et je mentionnerai les préoccupations que j’ai d’après ce que j’ai entendu au comité de la part du gouvernement et des intervenants.
L’intention du projet de loi S-6 est louable, soit réduire le fardeau réglementaire pour les entreprises canadiennes et créer un environnement favorisant l’innovation et la croissance économiques. Je crois que des efforts réguliers et soutenus pour moderniser la réglementation, comme s’est engagé à déployer le gouvernement fédéral, seraient extrêmement profitables pour la communauté d’affaires au Canada.
Par exemple, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a déclaré au Comité sénatorial des banques que :
[...] jusqu’à tout récemment, de nombreuses petites entreprises nous disaient qu’elles conservaient un télécopieur dans le seul but de traiter avec les gouvernements et de répondre à leurs exigences.
Cela dit, je suis préoccupé par la façon dont le projet de loi S-6 est parvenu au Sénat aux fins de son étude.
D’abord, des fonctionnaires du Conseil du Trésor ont dit au Comité sénatorial des banques qu’une consultation publique a été lancée en 2019 dans la Gazette du Canada pour inviter les parties intéressées à porter à l’attention du gouvernement les problèmes liés à la réglementation qui les touchaient.
Le sénateur Colin Deacon a rapidement réagi, faisant valoir que la Gazette du Canada n’est peut-être pas le moyen le plus efficace de communiquer avec l’industrie de nos jours, en particulier avec les nouveaux intervenants, qui ne connaissent pas très bien le processus, en apparence dépassé.
Je suis on ne peut plus d’accord avec le sénateur Deacon. De nos jours, la Gazette du Canada n’est pas le moyen le plus efficace de communiquer avec l’industrie et de la consulter.
Beaucoup d’entre nous ne connaissent que trop bien le processus de publication dépassé, fastidieux et lent de la Gazette du Canada, et on l’utilise dans le but de moderniser le cadre réglementaire du Canada.
Chers collègues, je crois qu’il est peut-être temps de faire passer la Gazette du Canada au XXIe siècle avant de faire passer la mosaïque des cadres réglementaires du Canada au XXIe siècle. Quoi qu’il en soit, je suis heureux d’apprendre que le gouvernement examine d’autres moyens de consulter l’industrie, notamment des portails en ligne conçus pour élargir la portée du processus afin d’inclure plus de parties intéressées.
Enfin, j’aimerais souligner le véritable fossé qui sépare le gouvernement et l’industrie, un sujet récurrent au Comité des banques.
Des témoins ont dit au comité que le gouvernement doit non seulement tenir de vastes consultations, mais également échanger avec les parties intéressées.
Au sujet du nouveau portail de consultation du gouvernement fédéral en matière de réglementation, M. Robin Guy, de la Chambre de commerce du Canada, a fait remarquer ceci :
[...] il s’agit d’un nouveau portail, mais nous devrons voir comment les choses fonctionnent sur le plan opérationnel. Les entreprises ne peuvent pas simplement transmettre leurs commentaires sans obtenir de réponses. Il doit y avoir un dialogue — une négociation, je suppose. De notre côté, nous espérons que c’est une voie à double sens et qu’il ne s’agit pas simplement de renseignements qui entrent dans un système sans que rien n’en ressorte jamais.
De plus, le sénateur Rob Black a comparu devant le Comité des banques pour parler des parties du projet de loi S-6 dont l’étude a été confiée au Comité de l’agriculture et des forêts, dont il est le président. Au sujet du processus de consultation, il a déclaré :
[...] le comité estime que le gouvernement du Canada doit s’assurer que les futurs processus de consultation concernant des projets de loi et des initiatives sur la modernisation de la réglementation répondent à plusieurs critères clés. En particulier, les processus doivent être transparents et interactifs et inclure tous les intervenants pertinents, c’est-à-dire à la fois ceux qui sont bien établis et ceux qui viennent d’arriver dans un secteur particulier [...]
Enfin, dans un mémoire présenté au Comité des banques, l’Association canadienne des minoteries de farine de blé a dit craindre le fait que les industries réglementées n’avaient aucun moyen de savoir quels changements seraient inclus ou exclus du projet de loi S-6 tant que le libellé final du projet de loi n’avait pas été déposé au Sénat. Elle a fait remarque ce qui suit :
Le [Secrétariat du Conseil du Trésor] a la liberté et les moyens (ressources humaines et procédures) de consulter les parties prenantes au sujet des modernisations réglementaires qui pourraient être incluses au cours de la rédaction du prochain projet de loi concernant la modernisation de la réglementation sans que le contenu définitif du projet de loi soit dévoilé avant le dépôt au Parlement, que ce soit au Sénat ou à la Chambre des communes.
Chers collègues, à mon avis, les intervenants dans les industries réglementées sont les mieux placés pour fournir de la rétroaction au sujet des répercussions de la réglementation sur leurs activités.
Par exemple, si le gouvernement fédéral avait adopté une approche de communication plus proactive avec l’industrie, la partie 6 n’aurait pas été incluse dans le projet de loi S-6 et, si elle n’avait pas été retirée au comité, elle aurait supplanté les efforts considérables déployés par Santé Canada dans le cadre de la révision réglementaire actuelle des produits antiparasitaires.
Chers collègues, le projet de loi S-6 est le premier d’une série d’efforts législatifs continus visant à moderniser les cadres réglementaires du Canada. À ce titre, le gouvernement fédéral doit s’assurer que le processus de modernisation de la réglementation est bien coordonné à l’interne. De plus, le gouvernement doit s’engager à mener des consultations plus approfondies, plus complètes et plus engageantes auprès des intervenants afin de garantir l’efficacité des efforts de modernisation de la réglementation. Merci.