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La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif--Troisième lecture

18 octobre 2022


L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Propose que le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (majoration temporaire du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-30, un projet de loi d’initiative ministérielle présenté à l’autre endroit par la vice‑première ministre et ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, le 20 septembre.

Le fait que ce projet de loi ait été présenté le premier jour des travaux réguliers après l’ajournement d’été nous montre à quel point il est important pour le gouvernement, ainsi que pour les Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts en cette période exceptionnelle de forte pression inflationniste.

J’ai parlé longuement de ce projet de loi hier à l’étape de la deuxième lecture, et soyez assurés que je ne répéterai pas tout ce que j’ai dit.

Je vois des gens qui sourient, ce qui est agréable.

Je vais simplement rappeler à tous mes collègues que l’objectif de ce projet de loi est de donner aux personnes et aux parents à revenu faible ou modique un peu d’argent supplémentaire dans le cadre du programme de crédit pour la TPS/TVH.

L’objectif de cette mesure — un supplément de crédit temporaire de six mois — est d’aider les Canadiens et Canadiennes les plus démunis, alors que nous continuons à lutter contre une inflation supérieure à la moyenne.

J’espère, et c’est l’espoir du gouvernement, que ces fonds supplémentaires aideront à atténuer certaines des difficultés financières de plus de 11 millions de ménages canadiens qui tentent de se nourrir et de se vêtir.

Je veux prendre un moment pour apporter une petite précision sur ce sujet, pour donner suite à la question que la sénatrice Dupuis m’a posée hier. Ce sont bel et bien 11 millions de ménages qui sont admissibles à la prestation supplémentaire. Selon le gouvernement, parmi ces 11 millions de ménages, on compte environ 9 millions de personnes seules et près de 2 millions de couples.

Onze millions de Canadiens qui bénéficient déjà du crédit d’impôt recevront le montant supplémentaire, ce qui représente approximativement 11 millions de ménages. Permettez-moi d’expliquer ces chiffres plus en détail. La mesure cible 9 millions de personnes seules et 2 millions de couples. Pour les 2 millions de couples, le supplément au titre du crédit pour la TPS est versé à l’époux ou au conjoint de fait dont la déclaration de revenus est évaluée en premier. À l’instar de nombreuses mesures et politiques fiscales, c’est un peu compliqué, mais ce sont là les chiffres approximatifs. Ce qui est important, c’est que la moitié des familles canadiennes et plus de la moitié des aînés canadiens recevront ce montant supplémentaire. Voilà ce qui est important.

Hier, j’ai parlé de l’inflation et de quelques difficultés en ce qui concerne les Canadiens en âge de travailler qui ne présentent pas de déclaration de revenus. Pour cette dernière question, j’espère que le gouvernement la prendra au sérieux et qu’il cherchera une solution. La ministre Freeland a reconnu qu’il s’agit d’un problème et qu’il faut en faire plus pour le régler.

Je n’avais pas prévu de revenir sur la question des Canadiens qui ne présentent pas de déclaration de revenus, mais le Comité permanent des finances nationales s’est réuni ce matin, et j’ai de l’information supplémentaire qui pourrait intéresser certains sénateurs.

L’Agence du revenu du Canada a témoigné devant le comité, et ses représentants ont parlé plus en détail des efforts de sensibilisation pour aider les gens qui autrement pourraient ne pas présenter de déclaration de revenus. L’agence a confirmé qu’elle a des employés partout au pays qui travaillent avec de multiples partenaires et associations communautaires afin d’informer et de sensibiliser la population au sujet de la production de déclarations de revenus.

Par exemple, par l’entremise du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt — un programme gouvernemental —, l’agence organise des comptoirs de préparation de déclarations dans un grand nombre de villes et de collectivités. On nous a informés que, dans le cadre de ce programme de partenariat, environ 600 000 déclarations de revenus ont été produites, et on me dit que cela a permis de verser plus de 1,4 milliard de dollars en remboursements d’impôt et prestations fiscales.

D’ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, la ministre du Revenu national a annoncé qu’un financement accru sera accordé à ces organismes bénévoles pour mieux aider les Canadiens à assumer les coûts de fonctionnement de ces comptoirs. Ce financement profitera également aux comptoirs du Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt qui desservent les populations nordiques et autochtones. De plus, l’Agence du revenu du Canada travaille avec des concepteurs de logiciels afin que les Canadiens à faible revenu puissent utiliser gratuitement le logiciel de déclaration de revenus. Elle envoie aussi des lettres à des Canadiens lorsqu’elle considère que ceux-ci pourraient avoir droit à certains avantages fiscaux, et elle les encourage à produire une déclaration de revenus.

Pour donner suite à la question que le sénateur Patterson a posée hier au sujet du Nord, ce matin, l’Agence du revenu du Canada a également parlé des efforts de sensibilisation qui sont déployés dans les collectivités des territoires. Des témoins nous ont rappelé que trois centres ont été ouverts dans le Nord pour offrir des services en personne. L’Agence du revenu du Canada a également mis en place une ligne téléphonique réservée aux résidants du Nord pour compenser les problèmes de bande passante dans les territoires. Selon les témoins qui ont comparu ce matin, il y a eu 944 visites en personne dans des collectivités autochtones du Nord avant la pandémie.

L’Agence du revenu du Canada a également mentionné qu’elle a du personnel parlant diverses langues autochtones, dont l’inuktitut. De plus, elle a divers produits, dont des fiches de renseignements sur l’importance de présenter sa déclaration de revenus et comment présenter une déclaration de revenus, disponibles en diverses langues autochtones. Les témoins ont confirmé que l’agence travaille actuellement à produire du matériel en 11 langues autochtones et que celui-ci devrait être prêt d’ici la prochaine période de production des déclarations de revenus.

J’espère que ceux qui s’intéressent aux efforts de sensibilisation et d’adaptation déployés par l’Agence du revenu du Canada auprès des collectivités du Nord trouveront ces nouveaux renseignements utiles. Nos comités font de l’excellent travail et il est important de communiquer ce que nous y apprenons, comme ce fut le cas ce matin, par exemple.

Honorables sénateurs, il ressort nettement du débat sur le projet de loi C-30 que nombre de sénateurs sont préoccupés par les enjeux économiques élargis ainsi que par la santé globale et la stabilité de notre économie. Je partage ces préoccupations et j’estime que le gouvernement doit réévaluer certains de ses programmes de dépenses. Je sais également que la ministre prend au sérieux les réductions budgétaires.

J’ai été très heureux de l’entendre dire au comité plénier :

Nous savons que les Canadiens réduisent leurs dépenses et nous reconnaissons que le gouvernement doit aussi le faire.

Comme elle l’a reconnu le 6 octobre :

[...] il a été difficile pour notre gouvernement de trouver un équilibre entre, d’un côté, la compassion et l’appui aux moins nantis et, de l’autre, l’importance de la responsabilité fiscale.

Je suis tout à fait conscient de cette difficulté et je suis convaincu que les sénateurs seront nombreux à surveiller de près les futures dépenses du gouvernement. C’est un travail que je prends au sérieux et qui, puisque je suis membre du Comité des finances nationales, me plaît grandement.

Je m’en voudrais de ne pas dire un mot au sujet de la collaboration dont nous avons été témoins dans les deux Chambres du Parlement pour l’examen de cette mesure législative indispensable. Le fait que tous les partis de l’autre endroit appuient ce projet de loi en dit long sur la nécessité de mettre de l’argent dans les poches des Canadiens à faible revenu.

Certains sénateurs peuvent être déçus que ce projet de loi n’ait pas été renvoyé au comité. La sénatrice Marshall a exprimé sa déception hier, et je peux certainement la comprendre. Cependant, ce projet de loi est simple, et il est urgent qu’il reçoive la sanction royale.

Je suis reconnaissant à la ministre Freeland d’avoir trouvé du temps pour nous dans son horaire chargé afin de témoigner pendant 90 minutes devant le Sénat le 6 octobre. À mon avis, je pense que cela a été suffisant pour que nous tous — et pas seulement les membres du Comité des finances nationales — puissions interpeller le gouvernement et obtenir des réponses à nos questions. D’ailleurs, je dirais que certaines questions qui ont été soulevées en comité plénier n’auraient peut-être pas été abordées au comité.

Nous savons que le gouvernement a exercé des pressions pour que nous adoptions ce projet de loi aujourd’hui, afin que l’Agence du revenu du Canada puisse lancer ce nouveau remboursement, en espérant que le premier versement complémentaire sera reçu avant les Fêtes. Si l’adoption de ce projet de loi aujourd’hui signifie que des familles de partout au pays pourront déguster un meilleur repas à Noël, qu’un enfant pourra recevoir un nouvel habit de neige ou que des parents pourront relever un peu le chauffage pendant nos froids mois d’hiver, je suis alors disposé à voter en faveur de ce projet de loi pour faire en sorte qu’il reçoive la sanction royale aujourd’hui même.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-30 est opportun, temporaire et nécessaire. Si le projet de loi est adopté, l’argent qui sera distribué au titre du crédit pour la TPS sera, comme l’a dit la ministre, « une somme importante ». Comme elle l’a dit en réponse à une question du sénateur Plett, la mesure prévue dans le projet de loi C-30 :

[…] est une mesure soigneusement ciblée qui vise à aider ceux qui en ont le plus besoin. Cela fait définitivement partie d’une approche responsable sur le plan financier […]

Je suis plutôt d’accord avec elle, et c’est pourquoi j’ai l’honneur, en tant que sénateur indépendant du Québec, de parrainer ce projet de loi du gouvernement au Sénat. J’espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour voter en faveur du projet de loi C-30, la Loi no 1 sur l’allègement du coût de la vie. Faisons-le maintenant et envoyons un message clair aux Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts : nous sommes là pour les aider.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

Chers collègues, je vais tenter d’être brève, mais je tiens à m’exprimer dans le cadre de la troisième lecture du projet de loi C-30. Avant de commencer, j’aimerais féliciter tous mes collègues qui ont parlé avant moi de ce projet de loi de nature budgétaire. Les discours ont tous été très intéressants et ont soulevé d’importantes questions. Je partage plusieurs des préoccupations soulevées, en particulier celles qui ont trait à l’absence d’une étude approfondie en comité de ce projet de loi.

Comme je l’ai dit à la ministre Freeland lors du comité plénier, je vais voter pour ce projet de loi. Néanmoins, j’aimerais partager avec vous certaines préoccupations qui pourraient faire l’objet d’études plus approfondies à l’avenir. Mes commentaires visent à poser un regard critique, néanmoins constructif, sur la stratégie du gouvernement pour faire face à cette période d’inflation.

Plusieurs collègues qui ont pris la parole hier lors de la deuxième lecture ont rappelé le diagnostic que posent les experts quant aux causes de l’inflation que nous connaissons depuis maintenant plus d’un an. Toutes les grandes institutions internationales de recherche comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les banques centrales comme la Banque du Canada, ainsi que les experts de la macroéconomie que le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie entend depuis quelques semaines au sujet de l’état de l’économie, s’entendent pour attribuer les causes de l’inflation à des problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement.

En d’autres mots, l’inflation actuelle est un problème d’offre plutôt qu’un problème de demande. Ainsi, n’eussent été des perturbations que l’on connaît depuis 2020 dans les chaînes d’approvisionnement, il n’y aurait pas d’inflation au-delà des cibles visées par la banque centrale.

L’offre de biens et services a été perturbée par un ensemble de facteurs, comme l’arrêt temporaire de la production causé par la pandémie, par la guerre en Ukraine ainsi que par des considérations climatiques particulières qui ont contribué à réduire la production de certaines denrées. Nous osons tous espérer que ces facteurs sont de nature temporaire, c’est pourquoi les banques centrales ont affirmé que l’inflation serait temporaire.

L’OCDE, dans son dernier rapport daté de septembre 2022, affirme toujours que les causes de l’inflation sont temporaires. Selon les perspectives économiques de l’OCDE, l’inflation frappe l’économie mondiale et s’est généralisée au-delà des secteurs de l’alimentation et de l’énergie, mais elle va fléchir. Cependant, certains problèmes d’approvisionnement, principalement en gaz, pourraient perdurer en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Pour l’instant, comme le confirment les banques centrales, les anticipations inflationnistes ne se sont pas emballées. Les témoins que nous avons entendus jusqu’à ce jour au Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie confirment qu’il n’y a pas d’inflation salariale au Canada.

Toutefois, malgré le fait qu’on puisse penser que l’inflation que l’on connaît est temporaire, les prix qui ont augmenté risquent de demeurer à leur niveau le plus élevé. En d’autres mots, même si la hausse des prix se stabilise, ceux-ci seront plus élevés que par le passé. Il faudra beaucoup de concurrence sur les marchés pour que les prix redescendent. Comme les salaires augmentent dans plusieurs secteurs pour maintenir le pouvoir d’achat, la baisse des prix devient moins probable. Bref, quand l’inflation se stabilisera, ce sera à un niveau de prix plus élevé. J’insiste là-dessus. Vous verrez pourquoi.

L’inflation fait des perdants, notamment parmi les citoyens les plus vulnérables, qui ont généralement des revenus fixes. Le projet de loi C-30 s’adresse aux personnes et familles dont les revenus augmentent peu et qui peinent à joindre les deux bouts. Toutefois, l’inflation fait aussi des gagnants. Parmi ces gagnants, on retrouve les gouvernements, notamment le gouvernement fédéral, dont les revenus augmentent en raison de l’inflation. C’est le cas des revenus issus de la taxe sur les produits et services qui ont augmenté de manière importante et, fort probablement, de manière permanente.

J’aimerais maintenant parler des stratégies préconisées par l’OCDE et les experts afin de traverser cette période temporaire d’inflation. La principale mesure suggérée est la réduction de la demande globale dans le but d’atténuer les pressions exercées sur les prix causées par des problèmes d’offre. C’est pourquoi les autorités comme l’OCDE et le Fonds monétaire international préconisent une hausse des taux d’intérêt afin de réduire la demande et ainsi d’alléger la pression exercée sur les prix. C’est justement ce que fait la Banque du Canada et la plupart des banques centrales.

De plus, ces mêmes organismes proposent l’adoption de mesures temporaires de transfert de revenus pour soutenir le pouvoir d’achat des personnes à faible revenu. C’est exactement ce que font le gouvernement fédéral, la banque centrale du Canada et bien des gouvernements. Le projet de loi C-30 s’inscrit donc dans la logique des recommandations de l’OCDE.

Cette stratégie est-elle vraiment efficace? Y a-t-il d’autres solutions?

Plusieurs commencent à douter de l’efficacité de cette stratégie. Différents instruments existent pour réduire temporairement la demande, et la politique monétaire n’est pas le seul instrument. Dans un contexte d’inflation causée par des problèmes de chaînes d’approvisionnement qui perdurent, l’utilisation de la politique monétaire peut être très coûteuse. Cette approche s’apparente au recours à une chimiothérapie agressive pour traiter un cancer localisé à un stade peu avancé, ce qui risque de tuer le patient.

Plusieurs économistes considèrent cette stratégie comme étant dangereuse. Les témoins qui ont témoigné au Comité permanent des banques, du commerce et de l’économie nous ont fait part de leurs doutes. David Dodge, ex-gouverneur de la Banque du Canada, a clairement affirmé qu’à moyen terme, il fallait se concentrer sur l’augmentation de l’offre et a reconnu qu’à court terme, des mesures fiscales pourraient aussi aider à réduire la demande.

Le professeur Trevor Tombe, de l’Université de l’Alberta, que le sénateur Woo a cité, remet également en question les effets pervers des taux d’intérêt pour enrayer une inflation causée par des problèmes d’offre. Selon son étude et d’autres études semblables qu’il a citées, la hausse du taux d’intérêt peut causer des effets boomerang sur le taux d’inflation. L’économiste Jim Stafford a également partagé ses inquiétudes quant à l’utilisation de la politique monétaire pour enrayer l’inflation.

En fait, une hausse rapide et substantielle des taux d’intérêt peut réduire la demande, mais elle peut aussi exacerber la hausse du prix des loyers et d’autres prix et services. Elle pourrait même nuire à la capacité de notre système de production de résoudre les problèmes d’offre et de soutenir les investissements nécessaires liés aux changements climatiques. Selon David Dodge, le seul avantage du recours à la politique monétaire pour réduire la demande, c’est qu’elle est rapide. Elle dégage également les élus de cette responsabilité.

Quant aux mesures provisoires de soutien des revenus des ménages préconisées également par l’OCDE, elles sont par définition temporaires. On peut même s’interroger sur leur effet thérapeutique réel pour les plus vulnérables, lorsqu’on sait que de nombreuses personnes ne font pas de déclaration de revenus et ne peuvent en bénéficier. Ces mesures sont néanmoins bien visibles d’un point de vue politique et leur coût est temporaire.

J’ai consulté les derniers rapports financiers du ministère des Finances, notamment La revue financière de mars 2022. Pour l’année 2021-2022, les revenus de la TPS atteignent 45,5 milliards de dollars, soit une hausse de 48,9 % par rapport à l’année précédente. Évidemment, l’inflation n’est pas la seule cause de cette augmentation de revenus et elle s’explique également par un retour à la normale de la consommation post-COVID.

En revanche, si on compare l’année 2021-2022 aux années précédant la pandémie, on constate néanmoins une hausse importante des revenus issus de la TPS. Les tableaux de référence financiers publiés annuellement indiquent que, pour l’année financière 2019-2020, soit l’année qui précède l’arrivée de la COVID, les revenus de la TPS atteignaient 37,4 milliards de dollars, et, bon an mal an, les revenus étaient semblables au cours des cinq années précédentes.

Lorsqu’on compare les années pré-COVID à l’exercice financier qui s’est terminé en mars 2022, on constate une augmentation de revenus pour le gouvernement fédéral de 8,1 milliards de dollars ou de 21,7 %. Cette augmentation sera permanente. Lorsque l’inflation se stabilisera, les revenus de la TPS augmenteront moins rapidement, mais ils demeureront élevés, car les prix, eux, ne diminueront pas.

Dans une telle perspective, le projet de loi C-30, qui, selon l’étude du Bureau du directeur parlementaire du budget, propose une aide temporaire d’une valeur de 2,6 milliards, constitue une mesure bien sobre par rapport aux revenus qu’a engrangés le gouvernement au chapitre de la TPS. Le gouvernement aurait pu en faire davantage en rendant l’aide permanente, car les revenus des groupes vulnérables n’augmentent pas, et les prix ne diminuent pas. Ainsi, le gouvernement aurait pu réduire temporairement la TPS d’un montant équivalant à l’accroissement des revenus. Une baisse de la TPS aurait eu un effet sur l’inflation, car elle aurait permis une baisse du coût du panier de consommation.

La France, comme d’autres pays européens, a fait le choix de réduire les tarifs et les prix de l’électricité et du gaz. Selon une étude de l’Institut national de la statistique de France, cette mesure a permis de réduire le taux d’inflation de trois points de pourcentage, passant d’un taux d’inflation de 8 % à 5,1 %. Il s’agit d’une mesure importante.

Somme toute, le gouvernement fédéral a suivi les recommandations de l’OCDE, qui suggère l’adoption de mesures temporaires de soutien du revenu plutôt qu’une réduction de taxes. Cependant, est-ce suffisant pour les ménages canadiens moins nantis qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts? Je n’en suis pas certaine.

Par ailleurs, ce sont ces mêmes groupes à faible revenu qui subiront une large part des coûts économiques de la politique monétaire, parce qu’il faut le dire. La politique monétaire baisse les taux d’intérêt, mais elle engendre d’autres coûts.

Comme vous le savez, la politique monétaire du Canada ralentira l’économie alors que le ralentissement est déjà amorcé. C’est déjà le cas aux États-Unis où, techniquement, on connaît déjà deux trimestres consécutifs de contraction de la production. Ce sont généralement les groupes les plus vulnérables qui font les frais d’un ralentissement économique. Vous le savez, un ralentissement économique est accompagné de pertes d’emplois. Les prestations de l’assurance-emploi augmentent et, encore là, ce sont les travailleurs à plus faibles revenus ainsi que les petites entreprises qui, proportionnellement, paient beaucoup plus que les autres groupes les frais de l’assurance-emploi. Est-ce équitable? Poser la question, c’est y répondre.

Enfin, tout comme d’autres sénateurs et à l’instar de la sénatrice Dupuis, j’aurais aimé connaître les études du gouvernement qui ont amené celui-ci à choisir la stratégie actuelle. J’aurais aimé connaître les impacts régionaux et les impacts de l’analyse comparative entre les sexes plus d’une telle stratégie. Somme toute, mes commentaires visent à mettre en doute l’information que l’on reçoit des organismes au sujet de la lutte contre l’inflation et à favoriser plus de créativité à l’avenir.

Bien qu’on ait pu faire mieux, je voterai en faveur du projet de loi C-30, parce que des familles en ont besoin. Toutefois, je crois que les mesures budgétaires comme le projet de loi C-30 ne sont qu’un analgésique de courte durée pour soulager les effets d’un problème qui nécessite l’adoption de mesures stratégiques du côté de l’offre, pour faire face de manière responsable et durable aux problèmes d’approvisionnement. J’exhorte le gouvernement à nous montrer sa stratégie du côté de l’offre.

Je vous remercie de votre écoute. Meegwetch.

J’ai beaucoup apprécié vos propos sur les modèles économiques de rechange et je voulais vous interroger sur votre recommandation d’une réduction de la TPS par opposition aux mesures prévues dans ce projet de loi. Cet argument est valable — et vous avez souligné que certains pays le font —, mais ne diriez-vous pas que la principale différence entre une réduction générale de la TPS et le doublement du crédit pour la TPS réside, bien sûr, dans leur impact distributif? En effet, la première bénéficierait à tous les consommateurs, tandis que la seconde profiterait à un groupe ciblé de Canadiens à faible revenu. Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Je regrette, sénatrice Bellemare, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?

La sénatrice Bellemare [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Y a-t-il consentement, honorables sénateurs, pour permettre à la sénatrice Bellemare de répondre à la question?

La sénatrice Bellemare [ + ]

En effet, sénateur Woo, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que, dans les deux cas, les effets de la répartition ne sont pas les mêmes. Je ne serais pas en mesure de vous dire à l’avance ce qu’ils seront. Ce que l’on sait, c’est que le crédit de la TPS se réalisera par l’intermédiaire de l’impôt. Donc, étant donné qu’une bonne partie des plus vulnérables — on l’a vu hier dans les discours qui ont été prononcés — ne fait pas de déclaration de revenus, ils n’en bénéficieront pas. C’est une mesure temporaire très courte.

Abaisser la TPS aurait coûté plus cher, évidemment, mais cela aurait aussi permis de réduire la pression sur la Banque du Canada pour qu’elle n’augmente pas aussi rapidement ses taux d’intérêt. Donc, les bénéfices réalisés en réduisant la TPS auraient non seulement profité aux consommateurs, qui auraient dû dépenser un peu moins, mais ils auraient aussi permis de baisser les coûts macroéconomiques d’une stratégie de lutte contre l’inflation qui n’est pas du tout conçue pour s’attaquer à des problèmes d’approvisionnement, et qui peut même les exacerber. C’est là où il y a une situation problématique particulière dont il faut s’occuper.

Si à court terme on doit réduire la demande pour ne pas empirer l’inflation, il faut qu’à moyen terme nous ayons un plan pour faire des améliorations aux chaînes d’approvisionnement.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, je n’utilise pas ce lutrin en raison de la longueur de mon discours, mais plutôt parce que, au fur et à mesure que le temps passe, nous avons tous des problèmes différents, et il se pourrait que j’aie besoin de m’appuyer sur quelque chose.

Chers collègues, je prends également la parole cet après-midi au sujet du projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour être honnête, chers collègues, il est difficile de savoir par où commencer. J’ai vu beaucoup de projets de loi présentés au Sénat depuis que j’ai été nommé sénateur, et je ne crois pas qu’aucun n’ait été aussi trompeur que ce dernier.

Le mot « fourbe » me vient à l’esprit, et si vous cherchez la définition sur Google, vous trouverez que le dictionnaire le définit comme suit : « marqué par la fourberie : trompeur en paroles ou en actes ». Ce sont des mots forts, mais permettez-moi de vous expliquer et vous jugerez ensuite par vous-mêmes si cette description correspond ou non à ce projet de loi.

À première vue, l’objectif de ce projet de loi est logique. Il permettra de remettre de l’argent dans les poches des Canadiens. Il équivaut essentiellement à un remboursement d’impôt et, pour cette raison, notre caucus conservateur l’a appuyé à l’unanimité à la Chambre. Je m’attends à ce qu’il soit adopté avec le même soutien dans cette enceinte, et je l’ai d’ailleurs assuré à la ministre des Finances lors de son passage au Sénat. Toutefois, dès qu’on gratte la surface de ce projet de loi, on s’aperçoit qu’il est loin d’être ce que le gouvernement affirme.

Même si le gouvernement prétend qu’il s’agit d’une loi sur l’allégement du coût de la vie, ce n’est guère plus qu’un pansement sur une plaie béante que le gouvernement s’entête à gratter sans cesse. Ce projet de loi ne fait rien pour s’attaquer à la source du problème. En réalité, il ne fera que l’aggraver.

La COVID-19 a perturbé la chaîne d’approvisionnement, tandis que la guerre illégale de Vladimir Poutine en Ukraine a fait grimper les prix de l’énergie. Ces deux événements ont contribué considérablement à la hausse actuelle du coût de la vie. Cependant, même avant ces événements, chers collègues, le gouvernement était voué à se heurter de plein fouet à la réalité parce qu’il dépensait sans compter et sans se soucier des conséquences à long terme sur notre santé économique. La plupart des dépenses liées à la COVID étaient nécessaires. Elles ont permis de soutenir nos concitoyens et notre économie, alors que nous tentions de traverser les eaux incertaines dans lesquelles nous nous trouvions à cause de ce nouveau coronavirus. Cependant, une grande partie de ces dépenses étaient inutiles.

L’Institut Fraser a publié une étude la semaine dernière, dans laquelle il est parvenu à la même conclusion que d’autres. On peut y lire ce qui suit :

[…] un pourcentage important de l’augmentation énorme des dépenses d’Ottawa pendant la COVID, qui a entraîné de gros déficits et a alourdi considérablement la dette, n’avait rien à voir avec la pandémie […]

On peut aussi y lire ceci :

[…] environ 60 % du déficit budgétaire fédéral pendant la pandémie […] était lié directement à la COVID-19 […] tandis que le 40 % restant n’avait rien à voir avec la pandémie.

Le gouvernement croit qu’il peut s’extirper de tout problème à coups de dollars sans se soucier des conséquences. Même maintenant, en plein milieu d’une période inflationniste, il continue à jeter de l’huile sur le feu. Vous vous souviendrez peut-être que, au début de la pandémie, le gouvernement libéral ne pensait même pas que l’inflation serait un problème, malgré que Pierre Poilievre l’ait averti à plusieurs reprises que ses dépenses effrénées entraîneraient sans aucun doute de l’inflation en augmentant la masse monétaire. Ces mêmes préoccupations ont été soulevées en mai 2020 dans un article du Financial Post, où on pouvait lire ceci :

En théorie, une forte augmentation de la masse monétaire entraînera une flambée des prix, et certains sont persuadés que les centaines de milliards de dollars que la Banque du Canada prévoit créer au cours de la prochaine année ne peuvent que nous faire revivre les années 1970.

La dette publique est depuis longtemps associée à l’inflation, de sorte que les prévisions du 30 avril du directeur parlementaire du budget, selon lesquelles la dette atteindra environ 50 % du produit intérieur brut en 2021 par rapport à environ 30 % en 2020, rendent certaines personnes nerveuses. Il semblerait que le gouvernement fédéral ne fait pas partie de ce groupe. Au lieu de s’inquiéter de l’inflation, il a fait fi de la menace et s’est moqué des gens qui ont osé la mentionner. Il s’est plutôt rangé du côté du gouverneur de la Banque du Canada, qui a très bien résumé l’état d’esprit des libéraux lorsqu’il a déclaré que la plus grande menace pour l’économie canadienne était la déflation, et non l’inflation.

Même lorsqu’on a commencé à lever les restrictions sanitaires, et qu’on pouvait voir que le taux d’inflation augmentait petit à petit, ce n’était toujours pas une priorité pour le gouvernement actuel. Au lieu de cela, sa seule préoccupation était de ne pas interrompre trop rapidement le flux d’argent, même si les entreprises avaient de la difficulté à trouver des travailleurs et avaient supplié le gouvernement d’imposer comme condition que les prestataires soient prêts à retourner au travail. Le gouvernement a refusé. Il nous a rassuré que l’inflation ne serait que transitoire. Cependant, le 19 janvier 2022, Statistique Canada rapportait que le taux d’inflation annuel avait déjà atteint son niveau le plus élevé en 30 ans, et les économistes nous ont prévenus que les taux grimperaient plus haut encore.

Le même jour, le directeur parlementaire du budget publiait sa Mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui signalait que les 100 milliards de dollars prévus par le gouvernement pour la relance économique risquaient de stimuler de façon excessive l’économie, contribuant ainsi à l’inflation. Encore une fois, le gouvernement a fait fi de ces avertissements.

En mars, la soi-disant inflation transitoire avait atteint 6,7 %, pour éventuellement atteindre 8,1 %. Pourtant, même si le gouvernement voyait les chiffres grimper, il a refusé d’envisager de maintenir ses dépenses aux niveaux d’avant la pandémie. Selon le Budget principal des dépenses de cette année, le gouvernement fédéral a augmenté sa politique budgétaire de plus de 120 milliards de dollars par rapport à l’exercice 2018-2019. Les dépenses liées à la COVID ne sont plus qu’une fraction de ce qu’elles étaient au pic de la pandémie, mais le gouvernement refuse d’agir de façon responsable et de faire preuve d’un peu de retenue.

Cette hypocrisie est incroyable. Ils prétendent se soucier de la hausse vertigineuse des prix, mais ils refusent de prendre la moindre mesure au sujet de choses qu’ils peuvent directement contrôler. Le prix des aliments, par exemple, est en hausse de 10,8 %, la hausse la plus rapide en 40 ans. Je vais donner quelques exemples de hausses : le poisson, 10,4 %; le beurre, 16,9 %; les œufs, 10,9 %; la margarine, 37,5 %; les miches de pain et les petits pains, 17,6 %, les pâtes sèches ou fraîches, plus de 32 %; les fruits frais, 13,2 %; les oranges, 18,5 %; les pommes, près de 12 %; le café, de 14,2 %; la soupe, 19 %; la laitue, 12,4 % et les pommes de terre, près de 11 %.

Une famille moyenne de quatre personnes dépense maintenant 1 200 $ de plus chaque année simplement pour se nourrir, sans parler de la hausse du coût du chauffage, de l’essence et du loyer.

Par ailleurs, alors que le coût des aliments augmente à une vitesse fulgurante et que les Canadiens peinent à nourrir leur famille, le gouvernement libéral décide que le temps est opportun pour cibler une réduction arbitraire de 30 % des émissions causées par les engrais d’ici 2030. Cette décision a été prise en dépit des avertissements du secteur agricole, notamment celui-ci :

[...] une réduction de 30 % n’est pas une cible atteignable de manière réaliste sans occasionner des coûts considérables aux producteurs de cultures canadiens, ce qui risque de détériorer la santé financière de ce secteur au pays.

Qui plus est, alors que le budget des familles canadiennes est grevé par la hausse du prix de l’énergie, la réponse du gouvernement est d’augmenter davantage les prix en haussant les taxes. Le Canada est le seul pays du G7 qui a augmenté les taxes sur le carburant en cette période d’inflation sans précédent. Pourtant, le gouvernement demeure résolu à aller de l’avant avec son plan de tripler la taxe sur le carbone.

Selon un rapport de la Fédération canadienne des contribuables publié la semaine dernière, plus de la moitié des pays du G7 et du G20, et deux tiers des pays membres de l’OCDE réduisent leurs taxes. Le rapport indique que « [...] le gouvernement fédéral a récemment augmenté les taxes sur le carbone, l’alcool et les salaires » au lieu d’offrir un allégement fiscal.

La Fédération canadienne des contribuables a souligné ceci :

L’Australie a coupé de moitié sa taxe sur l’essence. Le Royaume-Uni a annoncé un allégement de plusieurs milliards de la taxe sur le carburant. Les Pays-Bas ont diminué leur taxe sur l’essence de 17 cents le litre. La Corée du Sud a réduit de 30 % ses taxes à la pompe. L’Inde a réduit les taxes sur l’essence pour « maintenir l’inflation à un niveau bas, de manière à aider les gens des classes moyenne et défavorisée ».

Mais qu’a fait notre gouvernement néo-démocrate-libéral? Au lieu d’adopter des politiques qui freineraient l’inflation, il continue d’inventer de nouvelles façons de rendre la vie encore moins abordable pour les Canadiens.

Chers collègues, si le gouvernement voulait vraiment réduire l’inflation, il pourrait le faire simplement et facilement. Il pourrait réduire la TPS. D’ailleurs, 18 pays, dont la Belgique, l’Allemagne et la Norvège, ont réduit les taxes à la consommation pour rendre la vie plus abordable.

Comme l’a souligné la sénatrice Bellemare quand la ministre des Finances était de passage au Sénat, les recettes provenant de la TPS ont augmenté de près de 50 % en un an. Cette hausse est liée en partie à l’inflation, puisque l’inflation a pour effet d’augmenter les recettes du gouvernement. Plus l’inflation est élevée, plus les recettes provenant des taxes sont élevées, et ce, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter le taux. C’est un scénario de rêve pour les libéraux.

Dans les Perspectives économiques et financières qu’il a publiées la semaine dernière, le directeur parlementaire du budget estime que l’inflation ajoutera 83 milliards de dollars aux coffres de l’État au cours des cinq prochaines années.

Réduire la TPS aurait automatiquement pour effet de réduire l’inflation. Comme la sénatrice Bellemare l’a souligné quand le Sénat était formé en comité plénier, cette idée n’a rien de neuf. Voici ce qu’elle a dit :

La France a fait l’expérience de ce genre de mesures, et, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’impact est réel et significatif, puisqu’en France le taux d’inflation s’élèverait à 5 % au lieu de 8 %.

Mais plutôt que de prendre de véritables mesures, le gouvernement a décidé de faire la seule chose qu’il sait faire : tenter de s’extirper du problème à coups de dollars.

La réponse du gouvernement à une crise qu’il a contribué à créer en dépensant sans retenue, c’est de dépenser encore plus d’argent. Après avoir provoqué la flambée inflationniste que nous connaissons aujourd’hui, il ne peut pas résister à l’envie de jeter de l’huile sur le feu.

La ministre Freeland a admis que des dépenses gouvernementales accrues pourraient empirer les choses quand elle a dit :

[...] il est impossible de soutenir l’ensemble des Canadiens face à la montée des coûts alimentée par la pandémie et par l’invasion illégale de l’Ukraine par Poutine. Si on le faisait, on ne ferait qu’aggraver l’inflation et compliquer le travail de la Banque du Canada.

C’est peut-être la première et la seule fois où j’ai été d’accord avec la ministre Freeland, car combattre l’inflation en augmentant les dépenses est comme un service d’incendie qui asperge un feu d’essence pour essayer de l’éteindre. Ce que la ministre des Finances a omis de reconnaître, cependant, c’est que, que l’on mette un peu ou beaucoup d’essence sur un feu, le résultat est le même.

Des économistes d’un peu partout dans le monde ont formulé des mises en garde à ce sujet.

Le 12 septembre, le titre d’un article du Financial Post le disait très clairement : « [...] Des économistes nous préviennent que l’aide gouvernementale pour faire face à la hausse des prix risque d’alimenter un “feu inflationniste” ».

La CIBC, la Banque de Montréal et la Banque de Nouvelle‑Écosse ont toutes publié des rapports exprimant des inquiétudes quant à l’utilisation de revenus exceptionnels pour effectuer des dépenses supplémentaires.

Avery Shenfeld, de la CIBC, a déclaré : « Bien qu’il y ait des moments où les largesses fiscales sont exactement ce dont l’économie a besoin, nous n’en sommes pas là. »

Andrey Pavlov, de la Beedie School of Business de l’Université Simon-Fraser, a déclaré :

« [...] alors que la Banque du Canada fait beaucoup pour réduire l’inflation [...] le gouvernement n’a pas fait grand‑chose. »

Derek Holt de la Banque Scotia a déclaré :

« [...] il semble raisonnable de supposer que cela renforcera les pressions exercées sur les paramètres de l’inflation de base. [...] Ceux qui croient que cela atténuera les pressions inflationnistes doivent avoir lu d’autres traités d’économie. »

Je n’ai aucune idée des traités d’économie que la ministre des Finances a lus ni même si elle en a bel et bien lu, mais une chose est certaine : elle induit en erreur les Canadiens en leur faisant croire que ce projet de loi sert à l’allégement du coût de la vie. Au bout du compte, il ne fera rien pour alléger le coût de la vie tout en prétendant le faire.

Lorsque la ministre des Finances était ici pour le comité plénier, vous avez peut-être remarqué que je lui ai posé une question à brûle-pourpoint :

Votre ministère a-t-il effectué une analyse des répercussions que cette dépense aura sur le taux d’inflation au Canada?

Je pense que c’est une question légitime. Si les économistes nous préviennent que de telles mesures pourraient aggraver la situation, les Canadiens ont le droit de savoir si le gouvernement a pris le temps de déterminer si la dépense en question aurait des répercussions mineures ou majeures. Malheureusement, nous ne le saurons jamais parce que la ministre des Finances a refusé de répondre à cette question, la plus élémentaire de toutes. Cela ne devrait pas nous surprendre étant donné les réponses que nous obtenons à nos questions.

En fait, la ministre des Finances a refusé de répondre à toutes les questions que je lui ai posées, préférant régurgiter les mêmes paroles vides de sens, comme si elle participait à la période des questions à l’autre endroit.

J’ai demandé si son ministère avait effectué une analyse des répercussions que cette dépense aura sur le taux d’inflation au Canada, et elle n’a fait que me rassurer qu’elle prenait les dépenses très au sérieux.

C’est quelque chose que nous savions déjà, honorables collègues. Les dépenses sont pratiquement la seule chose que le gouvernement néo-démocrate—libéral prend au sérieux. C’est pourquoi il dépense encore 120 milliards de dollars de plus qu’avant la COVID. Il est fermement résolu à dépenser le plus d’argent possible parce qu’il est convaincu que le budget s’équilibrera de lui-même, et parce que le premier ministre ne veut pas se donner la peine de penser à la politique monétaire.

Cependant, chers collègues, nous n’avons pas invité la ministre au Sénat pour qu’elle y fasse l’étalage de ses réponses toutes faites ni pour qu’elle fasse la promotion du programme du gouvernement. Le comité plénier devait servir les mêmes fins qu’une réunion de comité. Aux réunions de comité, nous demandons à des témoins de répondre à nos questions, et non pas de réciter les messages politiques et les beaux discours du gouvernement. Pourtant, nous n’avons reçu absolument aucune réponse ne serait-ce qu’à une seule question sur le projet de loi C-30. Pendant 95 minutes, chers collègues, nous avons écouté la ministre des Finances parler de toutes sortes de choses, dont les subventions aux combustibles fossiles, la divulgation obligatoire des risques financiers liés aux changements climatiques, les soins dentaires et l’aide au logement.

Or, lorsque j’ai demandé comment le projet de loi C-30 allait contribuer à ralentir les dépenses dans l’économie — ce qui est nécessaire selon le gouverneur de la Banque du Canada —, on m’a répondu que le Canada a le budget au déficit le moins élevé des pays du G7. Lorsque j’ai demandé si le premier ministre avait commencé à penser à une politique monétaire, on m’a fait la morale sur l’indépendance de la Banque du Canada.

Lorsque j’ai publié sur les médias sociaux la vidéo de mes questions et des réponses de la ministre qui n’en étaient pas, les gens ont été outrés. Je vais citer quelques réactions.

Brian a dit ce qui suit : « Un élève de 3e année donnerait des réponses plus concises que le gouvernement libéral du Canada. »

Melody a dit ce qui suit :

[...] merci de vos questions [...] et de votre patience exemplaire alors qu’il est évident qu’elle ne fera que tergiverser. Je serais furieuse!

Roger a déclaré :

Elle aime commencer ses phrases en disant « je tiens à être claire », mais ses réponses ne sont que du verbiage. Son arrogance condescendante est écœurante. Elle parle comme si elle lisait une histoire à un enfant de 5 ans.

Bill a écrit : « Lorsqu’on pose une question à un libéral, à n’importe quel libéral, c’est une perte de temps totale. »

Sandy a dit : « Alors, qu’ils triplent la taxe carbone pour nous montrer à quel point ils compatissent. »

Charlie a écrit : « Il est évident qu’elle ne prend pas la situation au sérieux, qu’elle s’en moque et qu’elle n’a aucun respect pour la question posée. »

Chers collègues, je pourrais poursuivre encore longtemps, mais j’ai dit ce que j’avais à dire. La ministre des Finances n’était pas le moins du monde disposée à répondre aux questions, et c’est inacceptable. Si c’est la façon dont les ministres de la Couronne traitent le comité plénier, alors notre caucus va commencer à s’opposer aux comités pléniers.

Si nous avions pu régulièrement tenir des réunions de comité concernant ce projet de loi, nous aurions eu l’occasion de convoquer d’autres témoins afin d’obtenir des réponses. Je suis convaincu que le directeur parlementaire du budget aurait été l’un de ces témoins. La semaine dernière, il a confirmé dans ses Perspectives économiques et financières que les dépenses du gouvernement qui visent à atténuer l’augmentation du coût de la vie auront en réalité pour effet d’augmenter le coût de la vie.

Certains soutiendront que les répercussions seront minimes, mais je soutiens qu’il est inexcusable et irresponsable de la part du gouvernement de travailler dans le sens contraire des efforts que déploie la Banque du Canada pour faire baisser l’inflation. C’est honteux. Pas étonnant que la ministre des Finances ne voulait pas répondre à la question.

Chers collègues, si les comités pléniers ne sont qu’un moyen pour le gouvernement de se soustraire à un examen en bonne et due forme de ses projets de loi, alors nous commencerons à insister pour que tous les projets de loi fassent l’objet d’une étude complète à un comité, quel que soit l’empressement du gouvernement.

Il n’était pas nécessaire d’accélérer l’étude de ce projet de loi. Le gouvernement a eu amplement de temps pour élaborer le projet de loi et le déposer. Ce n’est pas un projet de loi compliqué. Comme l’a mentionné la sénatrice Martin en comité plénier, tout porte à croire que le gouvernement vient tout juste de réaliser que les familles canadiennes croulent sous l’inflation.

C’est ce que nous sommes forcés de déduire, puisque le projet de loi est accompagné d’une recommandation royale, laquelle est nécessaire lorsqu’un projet de loi autorise de nouvelles dépenses qui n’étaient pas prévues dans le budget.

Pourtant, le Budget principal des dépenses a été déposé le 1er mars, alors que l’inflation avait atteint un taux de 6,7 % ce mois‑là, et le Budget supplémentaire des dépenses (A) a été déposé le 7 juin, alors que l’inflation avait atteint un taux de 8,1 %, mais ni l’un ni l’autre ne renferme la moindre mention de ces dépenses.

L’inflation n’est pas arrivée du jour au lendemain, chers collègues. Le gouvernement a eu largement le temps de penser à la nécessité de ce projet de loi et de prévoir les crédits nécessaires dans le budget. Cependant, il semblerait que lorsque l’inflation augmentait, le gouvernement a manqué de vigilance.

Sénateurs, comment se fait-il que le gouvernement ne soit pas en mesure de nous présenter un projet de loi dans un délai convenable, sachant que ce projet de loi bénéficie d’un appui unanime à la Chambre des communes? Le projet de loi a été déposé à l’autre endroit le 20 septembre et il a fallu les trois semaines de séance suivantes pour qu’un projet de loi appuyé unanimement nous parvienne. Permettez-moi de le répéter, chers collègues : il a fallu trois semaines pour nous présenter un projet de loi bénéficiant d’un appui unanime. S’il y a un gouvernement qui est incapable de marcher et de mâcher de la gomme en même temps, c’est bien le gouvernement néo-démocrate—libéral.

Vous n’avez pas à me croire sur parole. Lors du récent Forum sur le commerce mondial, à Banff, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a déclaré que le Canada faisait toujours figure de mauvais élève, une situation causée par de mauvaises décisions politiques et une incapacité à régler les problèmes non résolus.

Les problèmes qu’il a énumérés sont les suivants : « un bourbier politique où il faut une crise pour que des décisions soient prises », des « couches de réglementation », « des permis et des consultations qui n’en finissent pas d’aboutir », et le fait que « le Canada compte parmi les économies les plus taxées sur la planète ».

C’est pourquoi nous sommes ici ce soir et avons été obligés de prendre l’avion plus tôt pour étudier ce projet de loi. C’est encore une fois dû à l’incurie chronique du gouvernement.

Chers collègues, l’autre chose que vous devez comprendre au sujet du projet de loi, c’est qu’il n’aide pas les gens autant que le gouvernement le fait croire. Je ne veux pas dire que les gens ne seront pas reconnaissants de recevoir cette aide — ils le seront. Cependant, il serait trompeur de se fier à la façon dont le gouvernement joue les héros et se fait une gloire d’avoir présenté ce projet de loi.

Premièrement, vous devez comprendre que cet argent ne sera versé qu’aux Canadiens qui ont normalement droit au crédit pour la TPS. De nombreux sénateurs ont fait remarquer en comité plénier que cela exclut les gens qui ne font pas de déclaration de revenus.

Deuxièmement, le gouvernement aime donner l’impression que cet argent va surtout aider les mères seules avec de jeunes enfants. En réalité, seulement 1,3 des 11,6 millions de chèques émis seront envoyés à des ménages avec enfants, dont moins de la moitié sont des foyers monoparentaux. Les 10,3 millions de chèques qui restent seront envoyés à des ménages sans enfant.

Troisièmement, comme l’a souligné Statistique Canada dans le passé :

Puisque le bien-être économique d’une personne dépend aussi du revenu familial plutôt que du revenu personnel uniquement, les personnes admissibles au crédit pour TPS ne sont pas nécessairement désavantagées. Un jeune adulte vivant avec ses parents et travaillant à temps partiel à un emploi peu rémunéré en serait un exemple. […] la majorité des bénéficiaires […] vivent dans des familles où plus d’une personne gagne un revenu ou dans des familles comptant plus d’un bénéficiaire (par exemple, un enfant et une autre personne apparentée au principal soutien économique vivant dans la même famille).

Autrement dit, honorables sénateurs, la distribution de ces 2,5 milliards de dollars ne se fera pas avec une précision chirurgicale.

Le quatrième élément que je soulignerais est que ce programme a été conçu pour être un remboursement de la TPS, et non un outil pour lutter contre l’inflation. Cela signifie que les personnes qui gagnent le moins ne recevront pas nécessairement les montants les plus élevés.

Voici comment fonctionne le programme : un adulte admissible recevra un crédit de taxe de 306 $, plus 161 $ pour chaque enfant admissible âgé de moins de 19 ans. Si la personne est mariée, les conjoints recevront chacun 306 $ plus les 161 $ destinés à l’enfant. Cela fait un total de 773 $. Divisé par deux, cela fait 386,50 $, ce qui représente ce à quoi ils auront droit en vertu du projet de loi C-30.

Pour un parent vivant seul, le calcul est le même, car il existe un « équivalent du montant pour conjoint » pour les parents vivant seuls qui leur permet d’obtenir le double du crédit de base. Toutefois, si on fait partie des 9 millions de prestataires célibataires sans enfant, on reçoit le montant de base de 306 $, mais si on gagne plus de 9 900 $ par année, on reçoit 2 % de chaque dollar gagné au‑delà de ce montant jusqu’à concurrence de 161 $ de plus.

Concrètement, cela signifie qu’une personne vivant seule qui gagne un peu moins de 10 000 $ par année recevra 154 $ selon ce projet de loi, tandis qu’une personne vivant seule mais gagnant le double de ce salaire recevra 234 $, soit 52 % de plus.

Chers collègues, à mon avis, ces paiements ne sont pas seulement petits, ils sont aussi inéquitables. Même si ce projet de loi est censé aider les plus démunis, dans bien des cas ceux qui en ont le plus besoin recevront moins que ceux dont le salaire est deux fois supérieur au leur.

Du point de vue du remboursement de la TPS, le programme est logique, car si une personne a plus d’argent dans ses poches, elle dépensera plus d’argent en TPS au cours de l’année. Cependant, du point de vue d’une mesure ayant pour but d’offrir un allégement fiscal ciblé aux personnes les plus vulnérables, c’est une vraie farce.

Voici un exemple pratique pour mieux comprendre : une mère de famille monoparentale qui touche un revenu net de 30 000 $ gagnera 2,10 $ de plus par jour pendant six mois, ce qui totalise 386,50 $. Par contre, durant la même période, son pouvoir d’achat sera réduit de plus de 1 000 $ à cause de la « Justinflation », ce qui représente 5,43 $ par jour. Alors que le gouvernement néo‑démocrate—libéral est le maître d’œuvre de l’inflation la plus élevée des 40 dernières années — une inflation qui enlève plus de 5 $ par jour à une mère de famille monoparentale —, sa solution est d’offrir 2 $ par jour et de prétendre être un héros.

Chers collègues, je tiens à dire clairement que personne ne suggère que le gouvernement devrait « indemniser tous les Canadiens pour la hausse du coût de la vie », comme l’a dit la ministre des Finances. Nous n’arriverons pas à sortir de ce pétrin en dépensant toujours plus, comme les libéraux se plaisent à le faire. Nous demandons au gouvernement de cesser d’augmenter les taxes des familles canadiennes et d’utiliser la manne qu’il tire des taxes en cette période de forte inflation pour réduire les taxes plutôt que de jeter l’argent par la fenêtre avec de nouvelles dépenses. Si nous voulons éviter une véritable récession, le gouvernement doit être prudent sur le plan financier, pas insouciant.

Il n’est pas nécessaire de regarder bien loin pour voir ce qui se produira si le gouvernement Trudeau ne se montre pas prudent. Le Royaume-Uni découvre à ses dépens qu’un gouvernement qui porte peu d’attention à son bilan financier se fait punir par les marchés, ce qui peut avoir des conséquences durables.

Comme l’a dit M. Torsten Bell, de la fondation Resolution du Royaume-Uni, aux journalistes de Politico :

D’une manière générale, dans un monde où les taux d’intérêt continuent de grimper et où l’inflation est élevée, vous ne voulez pas que votre pays soit désigné par tout le monde comme un mauvais pari.

Il est important de montrer que vous êtes sérieux. Si vous affirmez que votre stratégie de croissance consiste à emprunter beaucoup plus et que tout cela se paiera tout seul, [les marchés] ne vous croiront pas.

Quant à Royce Mendes, chef de la stratégie macroéconomique au Mouvement Desjardins, voici ce qu’il a déclaré ceci sur les ondes de Global News en octobre :

Il y a très, très longtemps qu’il n’avait pas été aussi important pour le gouvernement fédéral de rassurer (les investisseurs) et de leur faire savoir qu’il est vraiment loin de suivre les traces du Royaume-Uni.

Espérons que notre gouvernement est à l’écoute, chers collègues, et qu’il ne commettra pas les mêmes bévues que les Britanniques.

Je terminerai sur ces quelques mots : quand la ministre est venue au Sénat fournir des réponses évasives au sujet de ce projet de loi, elle a dit que « les Canadiens sont intelligents ».

Je suis tout à fait d’accord avec la ministre sur ce point. Les Canadiens sont intelligents. Je crois qu’ils ne seront pas dupes de cette tactique absurde qui consiste à faire grimper les coûts que paient les consommateurs puis à débarquer en se donnant des allures de sauveur parce qu’on leur donne quelques grenailles par‑ci, par-là. Les Canadiens sont trop intelligents pour se laisser prendre. Et chers collègues, ils montreront au gouvernement libéral toute leur intelligence à la prochaine élection générale.

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Plett, quelques sénateurs voudraient poser une question. Accepteriez-vous de répondre à des questions?

Le sénateur Plett [ + ]

Oui, je vais au moins répondre à quelques questions. Je ne sais pas dans quelle mesure je pourrai y répondre convenablement. Je suis le porte-parole pour ce projet de loi et non un représentant du gouvernement, et ce n’est pas à moi de défendre le projet de loi ou de répondre à des questions, mais je vais quand même essayer.

Ma question est la même que j’ai posée à la sénatrice Bellemare. Cependant, lorsque je l’ai posée à la sénatrice Bellemare, c’était parce que je m’intéressais vraiment au modèle économique qu’elle avait à proposer, mais dans votre cas, j’ai de la difficulté à comprendre comment votre modèle économique fonctionne. Vous avez commencé par dire que les dépenses du gouvernement sont incontrôlées, qu’elles sont donc intenables, et que ce sont justement ces dépenses, qui, selon les mots que vous avez employés, « ont jeté de l’huile sur le feu » et ont alimenté les pressions inflationnistes causées par ce qu’on appelle des politiques financières expansionnistes. Or, votre solution consiste à réduire la TPS de quelques points de pourcentage, ce qui est justement une politique financière expansionniste.

Je n’ai pas fait le calcul en détail, mais, selon un calcul mental approximatif, je crois qu’accorder à tous une réduction de la TPS de quelques points de pourcentage coûterait beaucoup plus cher que les mesures du projet de loi C-30. Par conséquent, cette mesure financière serait encore plus expansionniste que celles qui est proposée dans ce projet de loi. Soulignons par ailleurs que cela aggraverait le problème que vous percevez en ce qui a trait à la viabilité des politiques financières.

Ensuite, il y a la pensée magique qui veut qu’en réduisant la TPS — tout en augmentant la politique budgétaire expansionniste et en exerçant une plus grande pression inflationniste —, la Banque du Canada puisse être moins stricte et moins sévère dans l’augmentation des taux d’intérêt. C’est ce que l’on appelle la dominance budgétaire. Cette politique budgétaire irresponsable qui consiste à réduire la TPS obligera la Banque du Canada à augmenter encore plus les taux d’intérêt. Vous avez mentionné l’exemple du Royaume-Uni — c’est exactement ce qui se passe là-bas.

Essentiellement, vous proposez une politique de plus en plus expansionniste, qui fera augmenter les taux d’intérêt et l’inflation, plus qu’elle ne le fait actuellement. Vous créez des pressions qui amèneront la Banque du Canada, puisqu’il s’agit d’une politique budgétaire insoutenable, à augmenter davantage les taux d’intérêt. J’ajoute que la réduction de la TPS est une politique très difficile à révoquer. Vous le savez très bien, car c’est sous un gouvernement conservateur antérieur que la TPS a été réduite de 7 % à 6 % puis à 5 %, ce qui est le taux en vigueur de nos jours.

Voici ma question, sénateur Plett : quels manuels d’économie consultez-vous?

Le sénateur Plett [ + ]

Sénateur Woo, c’était un préambule terriblement long, et je ne consulte pas les économistes à ce sujet. Je prononce un discours qui est en opposition avec ce que fait le gouvernement, et je n’ai pas à défendre cela. Le gouvernement doit défendre son projet de loi, pas moi.

Vous avez dit qu’il est difficile de réduire la TPS. Ensuite, vous avez dit qu’un gouvernement conservateur l’a fait. Ainsi, ce n’est pas impossible. C’est peut-être difficile, mais ce n’est pas impossible.

L’honorable Clément Gignac [ + ]

Sénateur Plett, je tenais à vous dire que je partage votre frustration concernant l’application de la politique monétaire au Canada. À mon avis, la Banque du Canada dormait aux commandes avant d’aspirer les liquidités offertes, et nous avons un grave problème. Même le gouverneur de la Banque du Canada l’a reconnu.

Je partage aussi vos inquiétudes — et j’en ai parlé hier — au sujet du fait qu’un grand nombre de personnes pauvres vivant de l’assistance sociale ne présentent pas de déclaration de revenus. Ce matin, à une réunion du Comité des finances nationales, qui est présidé par notre collègue et ami le sénateur Percy Mockler, nous avons talonné l’Agence du revenu du Canada à ce sujet et nous lui avons donné quelques pistes pour remédier à la situation.

Ma question est la suivante : au sujet de votre proposition de réduire la taxe sur les produits et services, la TPS, le Canada affiche le plus fort taux de croissance parmi les pays du G7 cette année, soit 3,2 %, et, l’an prochain, on s’attend à ce qu’il reste à la tête du G7 avec une croissance de 1,7 %. Pour poursuivre sur ce que disait le sénateur Woo, la réduction de la TPS contribuerait à stimuler l’économie et aiderait les gens qui sont riches plutôt que les personnes pauvres. Personnellement, je pense qu’une telle politique de lutte à l’inflation ne ferait que reporter le problème. Certes, à court terme, elle permet de réduire le taux d’inflation — il n’y a aucun doute à ce sujet —, mais tout le monde sait que le gouvernement rétablira un jour la TPS au niveau précédent. À mon avis, on ne fait que différer le problème.

J’ai écouté la réponse que vous avez donnée au sénateur Woo et je sais que vous n’êtes pas ici pour... Nous avons parlé du projet de loi. Néanmoins, je pense que la réduction de la TPS ne serait pas vraiment la meilleure idée dans le contexte économique actuel. En effet, on risquerait fort d’augmenter la TPS à un moment où l’économie ralentirait de façon marquée lorsque le ralentissement économique mondial se confirmera.

Le sénateur Plett [ + ]

Merci, sénateur. Vous avez peut-être raison. Les futurs gouvernements pourraient décider d’augmenter de nouveau la TPS, mais le gouvernement actuel est responsable de ses gestes, tout comme le gouvernement Harper l’était. C’est ce dernier qui a réduit la TPS. Elle n’a pas augmenté depuis. Le gouvernement libéral actuel n’a pas tenté de l’augmenter. Il a haussé un tas d’autres taxes, mais pas la TPS.

Par conséquent, votre affirmation selon laquelle une diminution de la TPS signifie uniquement qu’elle sera augmentée à l’avenir est entièrement hypothétique. Ce ne sera pas forcément le cas.

De plus, quand vous affirmez que réduire la TPS aidera les riches plus que les pauvres, c’est peut-être également vrai, mais c’est aussi ce que fait le projet de loi à l’étude. En effet, dans les exemples que j’ai donnés, on peut voir que le projet de loi aide davantage les personnes dans la tranche de revenu supérieure que celles à faible revenu. C’est donc déjà une réalité avec ce projet de loi.

Le sénateur Gignac [ + ]

À titre d’information, je ne suis pas d’accord avec votre dernière phrase, selon laquelle ce projet de loi aidera davantage les riches que les pauvres. Cette aide est limitée, car ceux qui gagnent plus de 30 000 $ par année n’ont pas accès à cette réduction de la TPS.

Le sénateur Plett [ + ]

Laissez-moi clarifier ce point. Ce projet de loi aidera les personnes qui ne sont pas les plus pauvres davantage que les personnes les plus pauvres. Vous avez raison : une personne gagnant 30 000 $ par an n’est en aucun cas riche, mais cette mesure aidera davantage une personne gagnant 30 000 $ qu’une personne gagnant 10 000 $.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

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