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Le Sénat

Motion concernant la situation à Gaza--Ajournement du débat

7 octobre 2025


La commission internationale indépendante a conclu qu’Israël avait violé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 en commettant les actes suivants :

« [L]e meurtre de Palestiniens, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de Palestiniens, la soumission intentionnelle des Palestiniens à des conditions d’existence devant entraîner la destruction totale ou partielle de leur groupe et la prise de mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. »

La responsabilité de mettre fin au génocide incombe avant tout à Israël, mais pas à lui seul. Tous les États, y compris le Canada, ont l’obligation juridique, en vertu du droit international et national, de mettre fin au génocide et de punir les responsables.

Ce qui m’amène à ma motion. Je demande au gouvernement du Canada d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la motion.

Pourquoi avons-nous besoin de cette motion? Eh bien, au cours des deux dernières années, de graves violations du droit international ont été perpétrées dans la bande de Gaza. Ces actes ignobles ont été retransmis en direct sur nos téléphones et diffusés par les dirigeants israéliens avec arrogance et dans une apparente impunité.

Qu’avons-nous fait pour tenter d’empêcher de tels actes? Qu’avons-nous fait pour faciliter la commission de crimes de guerre par Israël? Pourquoi avons-nous découragé, par des interdictions et des punitions, les Canadiens de tenter de faire tout leur possible pour tirer la sonnette d’alarme? Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures dans la façon dont nous avons réagi à la situation à Gaza par rapport, par exemple, à celle en Ukraine? Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles ma motion cherche à répondre. Il ne faut pas seulement chercher des réponses du côté du gouvernement. Nous devons poser ces questions plus largement à la société canadienne.

Comment les universités ont-elles réagi face aux étudiants et aux enseignants qui défendent la justice palestinienne? Qu’ont-elles fait au sujet des investissements en Israël? Qu’en est-il des entreprises canadiennes et de nos fonds de pension? Comment les ordres professionnels, les hôpitaux et les commissions scolaires ont-ils utilisé l’antisémitisme comme une arme pour empêcher leurs membres de dénoncer les atrocités commises en Palestine?

Pourquoi les médias ont-ils été si partiaux dans leur couverture de la situation en Palestine, et quel rôle cette approche a-t-elle joué dans le déroulement du génocide? Quelle a été l’ampleur de l’ingérence étrangère et de la désinformation, au nom d’Israël et de ses alliés, que les agences de sécurité et de renseignement ont tolérées au Canada — le tout au service de crimes de guerre?

L’interdiction de commettre un génocide est une norme impérative — ou jus cogens — à laquelle aucune partie, y compris les individus et les entreprises, ne peut déroger.

En présentant cette motion, j’invite les Canadiens à mener une réflexion nationale sur ce que nous avons fait alors qu’un génocide se déroulait sous nos yeux. Cette réflexion peut être inconfortable, mais elle est nécessaire et elle est déjà en cours aux quatre coins du pays. Par exemple, un tribunal populaire sur la complicité du Canada est prévu en novembre, à l’image du tribunal de Gaza au Royaume-Uni et sur le modèle du célèbre tribunal Russell sur les crimes de guerre commis par les États-Unis au Vietnam.

La question de la complicité n’est pas un débat théorique. Il s’agit d’une question de droit international, que le Canada prétend respecter. Le test suprême de notre adhésion au droit international se pose quand nous nous trouvons du mauvais côté de la barrière. Or, dans le cas du génocide perpétré par Israël à Gaza, nous pourrions bien nous retrouver dans cette position inconfortable.

La Commission internationale indépendante des Nations unies chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé a déclaré dans son exposé de position d’octobre 2024 :

La Commission prend également note de la responsabilité de l’État par complicité, à savoir lorsqu’un État aide ou assiste sciemment un autre État dans la commission d’un acte internationalement illicite. La Commission note, en ce qui concerne les violations du droit international humanitaire, qu’elle a déjà signalé qu’Israël a commis des crimes de guerre dans le contexte de la guerre à Gaza depuis le 7 octobre 2023. En ce qui concerne la question du génocide, la Commission prend note des mesures provisoires ordonnées par la Cour dans l’affaire Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza [...] La Commission estime que tous les États sont informés qu’Israël pourrait commettre ou commet actuellement des actes internationalement illicites tant dans le cadre de ses opérations militaires à Gaza que dans le cadre de son occupation illégale de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. La Commission estime donc que, à moins que les États ne cessent leur aide et leur assistance à Israël dans la commission de ces actes, ces États seront considérés comme complices de ces actes internationalement illicites.

La position du gouvernement canadien telle qu’elle a été récemment exprimée par notre nouvel ambassadeur auprès des Nations unies est qu’il attend que la Cour internationale de justice se prononce définitivement sur la question de savoir s’il y a eu génocide à Gaza. Il s’agit là, au mieux, d’une mauvaise interprétation du droit international.

La Convention sur le génocide vise autant à prévenir le génocide qu’à en punir les auteurs. Le Canada est avisé d’un génocide imminent depuis au moins janvier 2024. Dans le plus récent avis de la Cour internationale de justice, publié en avril 2024, la cour a déclaré que tous les États doivent mettre « [...] en œuvre tous les moyens qui sont raisonnablement à leur disposition en vue d’empêcher, dans la mesure du possible, le génocide ».

Au cours des premiers mois de l’offensive israélienne à Gaza, la position du gouvernement canadien consistait en grande partie à défendre les mesures prises par Israël. Nous avons entendu, dans cette enceinte, l’ancien représentant du gouvernement affirmer, en réponse à mes questions répétées sur le sujet, que l’aide humanitaire n’était pas entravée par Israël, que les forces de défense israéliennes ne ciblaient pas les civils, et que les mesures prises par Israël étaient tout à fait dans son droit de légitime défense.

Pourtant, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et de nombreuses organisations de défense des droits de la personne ont documenté le blocage intentionnel de l’aide humanitaire et alimentaire, ainsi que le détournement de l’aide à des fins militaires par des entrepreneurs privés.

Le gouvernement du Canada est bien au fait de toutes ces informations, comme en font foi ses déclarations fréquentes pour exprimer sa consternation face à la situation à Gaza.

La déclaration la plus forte a peut-être été publiée le 19 mai 2025, lorsque le Canada a déclaré ce qui suit conjointement avec le Royaume-Uni et la France :

Nous nous opposons fermement à l’élargissement des opérations militaires menées par Israël à Gaza. La souffrance humaine qui y est constatée est intolérable. [...] Nous demandons au gouvernement d’Israël d’arrêter ses opérations militaires à Gaza et d’autoriser immédiatement l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza.

Si Israël ne met pas fin à cette nouvelle offensive militaire et ne lève pas les restrictions entourant l’aide humanitaire, nous prendrons d’autres mesures concrètes.

Depuis lors, non seulement le gouvernement israélien a intensifié son offensive, mais il a également continué de limiter la quantité d’aide humanitaire qui peut entrer dans la bande de Gaza, que l’ONU a qualifiée d’« endroit le plus affamé de la planète ». Quatre mois après cette déclaration, le Canada n’a toujours pris aucune mesure concrète pour mettre fin au massacre et rétablir l’aide humanitaire à Gaza. Entretemps, l’horreur s’est aggravée. Aujourd’hui, avec plus de 200 000 Palestiniens tués ou blessés et la quasi-totalité des infrastructures de Gaza détruites, nous pouvons nous remémorer ce qui n’était en fin de compte que des vœux pieux et des paroles creuses de notre part.

En vertu de la Convention sur le génocide et des lois canadiennes, le Canada est tenu de prendre toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour mettre fin à l’assaut contre Gaza. Au lieu d’assumer ses responsabilités légales, le Canada continue d’aider Israël en maintenant des liens militaires, politiques et économiques étroits avec le gouvernement israélien.

À titre d’exemple, d’octobre à décembre 2023, le Canada a autorisé l’exportation d’équipement militaire d’une valeur de 28,5 millions de dollars vers Israël, soit plus que les montants totaux approuvés pour l’ensemble des années 2021 et 2022. Ce n’est que le 19 mars 2024 que la ministre des Affaires étrangères a annoncé que le Canada suspendrait l’autorisation des futures demandes d’exportation d’armes vers Israël.

Pourtant, un groupe d’organisations non gouvernementales ou ONG a publié en juillet 2025 un rapport documentant des envois de matériel militaire du Canada vers Israël d’octobre 2023 à juillet 2025, y compris des envois de balles, d’équipement militaire, de pièces d’armes, de composants d’avions et d’appareils de communication.

Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer ces expéditions, le ministère des Affaires mondiales a seulement pu dire que les données utilisées par les ONG, qui provenaient des douanes israéliennes, différaient des données qui servent à l’administration de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation.

Ajoutons que le gouvernement du Canada autorise le recrutement de volontaires canadiens dans l’armée israélienne pour des missions de combat ou d’autres tâches, en violation de la Loi sur l’enrôlement à l’étranger. En fait, nous fermons les yeux sur les actes commis par des Canadiens qui se font complices des crimes de guerre d’Israël.

Un autre facteur de l’éventuelle complicité canadienne est notre incapacité à imposer des mesures financières ou économiques à Israël. Le Canada n’a sanctionné aucun membre de l’armée israélienne ni l’État d’Israël lui-même.

En d’autres termes, selon l’avis consultatif de juillet 2024 de la Cour internationale de justice, le Canada n’a pas cessé d’entretenir avec Israël des relations financières, commerciales et économiques qui permettent à ce pays de poursuivre son occupation illégale ou qui contribuent à la continuer.

Le Canada continue d’accorder des avantages commerciaux à Israël par le biais de l’Accord de libre-échange Canada-Israël. Cet accord viole depuis longtemps le droit international en ne faisant pas la différence entre les biens et les services provenant d’Israël et ceux provenant des territoires occupés illégalement, notamment le plateau du Golan occupé en Syrie. Le fait que nous offrions encore un accès préférentiel à notre marché à Israël pendant son génocide en Palestine ne fait qu’aggraver notre mépris du droit international.

Honorables collègues, certains d’entre vous penseront qu’il est contre-productif pour notre gouvernement d’admettre sa complicité en raison des dommages que cela causerait à notre intérêt national. Je suis certain que les conseillers juridiques du ministère de la Justice du Canada, d’Affaires mondiales Canada et du Cabinet sont du même avis. L’instinct du gouvernement est, bien sûr, d’opposer un démenti plausible, c’est-à-dire de plaider que nous avons fait ce que nous pouvions, que nous ne savions pas jusqu’à maintenant, que nous avions les mains liées, que nous voulons trouver des solutions plutôt que de chercher des coupables, etc. Nous pourrions même finir par faire valoir qu’il n’y a pas eu de génocide, afin de nous décharger de la responsabilité de ne pas avoir agi suffisamment pour le prévenir. Ce serait le genre de logique cynique et tordue qui a permis au Canada de prétendre pendant 150 ans qu’il a fait de son mieux pour les peuples autochtones, qu’il n’avait aucune idée des préjudices causés et qu’il valait mieux oublier le passé.

Il a fallu plus de dix ans au Canada pour reconnaître son inaction face au génocide rwandais et s’en excuser. Faudra-t-il à nouveau attendre aussi longtemps pour la Palestine? Le fait que le monde n’ait pas réussi à arrêter un autre génocide alors qu’il en avait la possibilité est une honte pour tous les pays. Plus tôt le Canada pourra accepter son rôle dans cet échec, mieux ce sera pour notre position morale dans le monde et notre capacité à être pris au sérieux à l’égard des enjeux mondiaux.

Maintenant que nous avons reconnu l’État de Palestine, notre responsabilité de faire respecter le droit international pour la Palestine n’a jamais été aussi grande. Cette motion comporte de nombreux aspects et j’invite les honorables sénateurs à s’exprimer sur chacun d’entre eux. Si nous adoptons cette motion rapidement, nous pourrions même obtenir une réponse du gouvernement à temps pour la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste. Nous apprendrons alors, le 27 janvier 2026, si le Canada veut vraiment dire « plus jamais » lorsqu’il dit « plus jamais ».

Merci.

L’honorable Kim Pate [ + ]

Honorables sénateurs, aujourd’hui, en prenant la parole pour appuyer la motion du sénateur Woo, je souligne que c’est le deuxième anniversaire des terribles attentats perpétrés par le Hamas pendant la période la plus sacrée de l’année pour le peuple juif. Mes pensées, mes prières et toute ma sympathie vont aux millions de personnes qui ont perdu la vie ou dont la vie a été bouleversée à jamais par ces événements. Elles vont également aux personnes dont la vie a été détruite et à celles qui continuent de faire face à l’antisémitisme et au négationnisme, que le sénateur Woo a si bien décrits. Nous devons mettre fin à ces discriminations. Nous devons mettre fin à l’antisémitisme et au négationnisme, point final.

Nous devons également faire face à la réalité des personnes dont la vie a été détruite par les horreurs sans fin de l’escalade de la violence à Gaza, en Cisjordanie, en Israël et au Liban. La motion demande à juste titre au gouvernement fédéral d’examiner, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire.

Les Canadiens qui se sont rendus à Gaza, notamment en tant que médecins et travailleurs humanitaires, et qui ont vu d’autres crises humanitaires et violations des droits de la personne, ont eu du mal à décrire l’ampleur des atrocités dont ils ont été témoins.

Alex Neve, qui donne cette année les conférences Massey de la CBC, consacrées à la situation en matière de droits de la personne dans le monde, a déclaré sans détour que le terme « apocalyptique » semble insuffisant.

En voyant les dizaines de milliers de personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, qui meurent à cause des tirs et des bombardements, mais aussi de la malnutrition et des maladies, « [...] l’humanité a le cœur brisé ».

Le Canada a la réputation d’être un pays déterminé à promouvoir les droits de la personne et la justice. Cette motion demande au gouvernement de faire le strict minimum pour répondre à ces engagements, c’est-à-dire déterminer si nous sommes complices de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.

Des dizaines de milliers de personnes sont mortes. Les civils vivent constamment dans la peur et la douleur. Des maisons, des écoles et des hôpitaux ont été détruits. On fait fi du droit international. Les dirigeants mondiaux ne cherchent pas à promouvoir la paix et la justice, ce qui favorise la guerre par les armes et par le silence.

Il y a une décennie, j’ai travaillé avec des universitaires et des organisations de la société civile comme l’International Crisis Group pour désigner Gaza comme une prison à ciel ouvert. L’objectif était d’attirer l’attention sur des conditions qui étaient déjà désastreuses à l’époque, y compris des restrictions sur les déplacements, des frontières infranchissables et des personnes prises au piège sans égard à la sécurité ou aux droits de la personne.

J’ai été frappée de voir à quel point peu de gens se sentaient capables de dénoncer la situation. Bien des gens étaient au courant de la situation, mais ils ont choisi de rester silencieux en raison des coûts ou des calculs politiques ainsi que des risques de se faire accuser d’antisémitisme ou de déloyauté.

Maintenant que les preuves de violation du droit international s’accumulent, le risque de réactions négatives augmente, mais les conséquences du silence deviennent également de plus en plus dangereuses.

Comme l’a dit Naomi Klein :

Beaucoup d’efforts sont déployés pour empêcher un examen honnête de ce qui s’est passé à Gaza et de ce qui s’y passe actuellement. C’est lié à l’intensification des attaques commises contre le mouvement de solidarité avec la Palestine à l’échelle mondiale. On utilise notamment des lois antiterroristes pour intimider les bailleurs de fonds, les universités et l’ensemble de la société civile […] L’ensemble de Gaza est une scène de crime. C’est un crime trop grave pour être dissimulé. Tout ce que l’on peut faire, c’est cibler les témoins, ce qui explique la guerre menée contre les journalistes et le meurtre de tant de courageux journalistes palestiniens à Gaza. On cherche à se débarrasser des témoins.

[…] Nous devons comprendre de quoi il s’agit. Il s’agit […] de ne pas appeler un génocide un génocide, de ne pas faire de recherches, d’accuser d’antisémitisme toute personne formulant des critiques […] C’est une nouvelle forme de maccarthysme. C’est une tentative d’étouffer le débat, car les preuves sont si accablantes.

J’enseigne à l’université, et on pourrait penser que nous abordons ce sujet dans toutes les salles de classe, mais le climat est vraiment tendu. Je visite des universités et j’y donne des conférences. J’ai été abordée par de nombreux étudiants qui m’ont dit que leurs professeurs ne parlaient pas de ce sujet en classe. Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’ampleur de cet effet dissuasif. Heureusement, il existe encore des défenseurs des droits de la personne courageux, notamment au sein du système des Nations unies, comme [...]

 — la rapporteuse spéciale —

[...] Francesca Albanese, qui vont continuer à faire pression pour obtenir un embargo sur les armes, pour que toutes nos institutions adoptent les stratégies nécessaires afin de se désengager des entreprises impliquées dans la violation systématique des droits de la personne.

Nous sommes nombreux à connaître par cœur les mots utilisés par le pasteur allemand Martin Niemöller pour condamner son inaction initiale, ainsi que celle de son entourage, alors que les horreurs de l’Holocauste se déroulaient. Les voici :

Quand ils sont venus chercher les communistes,

je n’ai pas protesté

parce que je ne suis pas communiste.

Quand ils sont venus chercher les socialistes,

je n’ai pas protesté

parce que je ne suis pas socialiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,

je n’ai pas protesté

parce que je ne suis pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les Juifs,

je n’ai pas protesté

parce que je ne suis pas Juif.

Quand ils sont venus me chercher,

il ne restait plus personne

pour protester.

Combien de fois ceux d’entre nous qui vivent dans des conditions relativement privilégiées devront-ils se faire rappeler l’implacable réalité voulant que les violations des droits de la personne ne sont jamais seulement le problème des autres? Il n’est pas possible de rester silencieux ou de détourner le regard sans en subir les conséquences. À Gaza, les conséquences sont mortelles.

La décision récente du Canada de reconnaître officiellement l’État de Palestine constitue une avancée diplomatique majeure. Elle ne nous dispense toutefois pas d’autres obligations et ne nous protège pas contre toute complicité dans des violations du droit international, du droit humanitaire et des droits de la personne.

Les procédures judiciaires internationales mises en avant dans cette motion soulignent que chaque pays sera finalement appelé à répondre de ses actes — ou de son inaction — à Gaza. Ce n’est pas seulement la réputation du Canada qui est en jeu. Nous risquons de compromettre les institutions internationales que nous avons contribué à bâtir et tout ce pour quoi nous travaillons et que nous espérons, tant au pays qu’à l’étranger, c’est-à-dire la justice, l’égalité et la paix.

Nous ne pouvons pas détourner le regard maintenant et envoyer le message que le droit international est facultatif ou soumis à des considérations politiques.

La motion dont nous sommes saisis constitue une étape cruciale vers la responsabilisation à l’égard des Conventions de Genève, de la Convention sur le génocide et de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que de nos valeurs.

Pour respecter ces obligations, il faudra collaborer avec nos alliés dans le monde afin de rétablir la paix, d’assurer l’accès humanitaire à la bande de Gaza et d’appuyer le travail des tribunaux internationaux. Le Canada doit également prendre des mesures à l’échelle nationale pour mettre fin à toute exportation d’armes et à tout autre lien économique avec ceux qui violent le droit international. Nous devons également nous opposer aux discours déshumanisants, où qu’ils se manifestent, car nous savons qu’ils constituent trop souvent une première étape délibérée vers l’érosion des droits de la personne et l’incitation à la violence.

Chers collègues, l’histoire ne juge pas seulement ceux qui commettent des atrocités, mais aussi ceux qui restent silencieux pendant qu’elles sont commises. Le Canada ne peut pas se contenter de défendre les droits de la personne alors qu’il refuse d’enquêter sur des preuves crédibles selon lesquelles ses politiques commerciales, diplomatiques et militaires pourraient faciliter la commission de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’un génocide.

Les plus marginalisés et les plus vulnérables sont peut-être les premiers à payer le prix de notre silence, mais celui-ci finira par nous atteindre tous. Aujourd’hui, nous avons la possibilité et la responsabilité de voir à ce que le Canada trouve le courage de faire ce qui s’impose et de réaffirmer notre engagement envers les droits de la personne, tant chez nous qu’à l’étranger.

Meegwetch, merci.

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